Mardi 22 juin 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Impact de la réforme des finances locales - Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales

La commission procède tout d'abord à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, à l'occasion du rapport évaluant l'impact de la réforme des finances locales (« clause de revoyure ») remis par le Gouvernement au Parlement en application de l'article 76 de la loi de finances pour 2010.

M. Jean Arthuis, président. - Madame le ministre de l'économie et Monsieur le secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales, nous souhaitions vous entendre sur le rapport qu'en vertu de la « clause dite de revoyure » prévue par la loi de finances pour 2010, le Gouvernement devait remettre au Parlement le 1er juin, sur le sujet qui nous intéresse particulièrement de la réforme des finances locales, en particulier sur la mise en place de la contribution économique territoriale après la suppression de la taxe professionnelle.

L'article 76 de la dernière loi de finances dispose, en effet, que le Gouvernement transmet, avant le 1er juin 2010, « un rapport présentant, par catégorie de collectivités et pour chaque collectivité, des simulations détaillées des recettes ». Un rapport conjoint des inspections générales des finances et de l'administration nous a bien été transmis le 10 juin, puis les simulations ont été communiquées sur un CD-Rom séparé, le 18 juin, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées.

L'article 76 précise que ce rapport mettra en évidence « les conséquences (de la réforme) sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités, ainsi que l'évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages ». Or, si le rapport des inspections générales traite de l'autonomie financière, il ne dit mot de l'autonomie fiscale, pas plus que des conséquences de la réforme sur les prélèvements locaux qui pèsent sur les entreprises et sur les ménages.

L'article 76 indique encore que ce rapport « présente les résultats des analyses et des simulations complémentaires demandées par les commissions des finances » des deux assemblées. Or, nous constatons que toutes les questions que nous avons posées début mars ne trouvent pas de réponse dans ce rapport. Il devait également proposer « les ajustements nécessaires des transferts d'impositions entre niveaux de collectivités territoriales et des critères de répartition du produit des impositions en vue de garantir, pour chaque collectivité, le respect des objectifs de la réforme » : les inspections générales abordent à peine ce point.

Nous attendions encore du rapport du Gouvernement, qu'il « propose les évolutions nécessaires du fonctionnement du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) » : les inspections évoquent les principes et suggèrent de mettre en place de nouveaux instruments de péréquation au niveau communal, sur le modèle du FSRIF. Alain Marleix nous a également communiqué des informations en séance publique pour nous indiquer que le projet de loi de finances pour 2011 contiendrait des dispositions relatives aux FDPTP.

L'article 76 précise encore que le rapport « envisage différentes solutions pour faire évoluer le dispositif de garantie de ressources » et qu'il « tire les conséquences de la création de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux sur les collectivités et en particulier celles accueillant des installations nucléaires ainsi que sur l'équilibre financier des entreprises assujetties » : si certains aspects sont développés, nous ne trouvons pas mention dans le rapport des inspections générales d'une évolution du dispositif de garantie de ressources ni du cas spécifique des collectivités accueillant des installations nucléaires.

Nous attendions également que ce rapport « analyse la faisabilité d'une évolution distincte de l'évaluation des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises, d'une part, et pour les ménages, d'autre part » : encore un point qui n'est pas abordé.

Il avait été précisé que l'avis du comité des finances locales serait joint : d'après nos informations, le comité se prononcera définitivement après une réunion prévue le 6 juillet prochain.

La loi de finances pour 2010 prévoit encore que, au vu de ce rapport et avant le 31 juillet 2010, « la loi précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre ». Dès le 1er avril, nous avions pris acte que ce rendez-vous législatif serait reporté, en constatant que les simulations n'étaient pas fiables, alors qu'elles sont indispensables pour améliorer la péréquation. Le Gouvernement a annoncé qu'il tiendrait compte de la nouvelle contribution économique territoriale : le rendez-vous est donc reporté à la loi de finances pour 2011, voire pour 2012.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - C'est toujours un plaisir de venir s'exprimer devant votre commission des finances, d'autant plus grand quand elle est ouverte à tous les sénateurs !

Je plaide coupable pour tous les maux dont vous semblez m'accabler... Mes services ont joint leurs forces à celles de l'IGF et de l'IGA, qui ensemble sont parvenues à rédiger un rapport lisible et accessible à tous, sans rien sacrifier de leur qualité d'expertise. Le document devait vous être remis avant le 1er juin, nous vous l'avons communiqué le 10, car nous tenions à l'accompagner de l'avis du comité des finances locales. Le rapport que nous avons transmis aux présidents des deux assemblées a bien été accompagné de cet avis.

Je plaide coupable, encore, si nous n'avons pas répondu avec assez de détail aux quarante questions que vous nous avez posées début mars : il nous semblait que le rapport et surtout les annexes, nombreuses, répondaient à ces questions, mais, si tel n'est pas suffisamment le cas, je vous assure de toute la coopération de mes services.

M. Jean Arthuis, président. - Le comité des finances locales a prévu, le 6 juillet, d'entendre les membres de la mission parlementaire et, semble-t-il, c'est seulement après qu'il statuera sur ce rapport.

Mme Christine Lagarde. - Je ne maîtrise pas le calendrier du comité, mais j'ai ici copie de la délibération de sa séance du 1er juin, consacrée à la présentation du rapport des missions d'inspection générale, et signée par son Président, Gilles Carrez.

J'évoquerai d'abord la méthode que nous avons suivie pour cette réforme importante : nous avons voulu le plus de transparence et de coopération possibles avec le Parlement. C'est pourquoi j'ai demandé une mission commune de l'IGF et de l'IGA, présidée par M. Bruno Durieux, avec pour objet précis d'évaluer l'impact de la réforme de la fiscalité locale. Cette mission m'a remis son rapport ; il a été examiné le 1er juin par le comité des finances locales ; nous l'avons transmis le 10 juin aux présidents des deux assemblées, puis nous vous avons communiqué, le 18 juin, sur CD-rom, les simulations que vous nous aviez demandées pour chaque collectivité territoriale.

Le Premier ministre a également nommé six parlementaires en mission, dont vos collègues MM. Buffet, Chatillon et Guené, pour suivre au plus près du terrain le fonctionnement des nouveaux mécanismes de péréquation. Les deux missions ont travaillé en bonne intelligence ; votre commission a contribué à la réflexion par ses travaux, qui ont bénéficié de toute la sagacité du rapporteur général.

J'ai mis à disposition toutes les informations possibles, y compris les simulations mises à jour, et nous avons créé un simulateur pour que les entreprises mesurent les effets de la réforme sur leur propre situation et puissent calculer leur CET.

Tous les décrets d'application ont été communiqués le plus en amont possible. Sur les douze décrets prévus, sept sont publiés, les cinq autres ne sont pas impératifs avant l'an prochain.

Le comité des finances locales auditionnera effectivement les six parlementaires en mission le 6 juillet, avant de statuer définitivement sur le rapport dont il a pris acte le 1er juin.

La réforme de la fiscalité locale avait deux objectifs principaux. D'abord, celui de réduire le poids de la fiscalité sur les investissements productifs des entreprises : la contribution économique territoriale remplace la TP, avec un volet foncier et un volet économique ; sa perspective d'évolution est plus dynamique que la TP et plus cohérente avec l'activité dans les territoires. Second objectif, celui sécuriser et de rationaliser la fiscalité des collectivités territoriales : les bases sont rénovées, plus dynamiques, plus lisibles et plus cohérentes avec les missions des collectivités territoriales.

Le rapport Durieux constate que la réforme allège la charge fiscale locale qui pèse sur les entreprises et que la suppression de la TP bénéficie d'abord aux PME, au secteur industriel, notamment l'automobile et les entreprises de biens intermédiaires, ainsi qu'au secteur agroalimentaire : l'allègement de fiscalité locale peut atteindre 60%. Le rapport, cependant, juge que des ajustements sont nécessaires sur l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), en particulier celles qui concerne France Télécom et les installations éoliennes : il ne faut pas décourager les initiatives d'équipement dans ces secteurs.

Le rapport Durieux note que les bases fiscales de la nouvelle contribution économique territoriale sont plus dynamiques, de 0,3 point, que celles de la TP.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Comment peut-il être aussi précis sans connaître l'avenir ? Sa méthode consiste-t-elle à faire des projections à partir des données valant pour les années précédentes ?

Mme Christine Lagarde. - Oui, ce ne sont pas des hypothèses de stress test comme pour les banques, mais l'application des nouvelles règles de la CET aux données recueillies par le passé.

Le Conseil constitutionnel avait estimé que la réforme respectait cette autonomie ; le rapport Durieux constate qu'elle la renforce même, puisque les bases sont plus dynamiques, ce qui signifie des recettes en hausse, et que les baisses sont évitées grâce à la garantie de ressources : il n'y a donc que des gagnants à la réforme, même si certaines collectivités sont plus gagnantes que d'autres, et toutes sont assurées que leurs ressources fiscales seront au moins égales à celles de 2010.

Enfin, le rapport Durieux estime que des progrès restent à faire pour la péréquation, qui, selon ses estimations, réduira de 2 % les écarts de richesse entre 2010 et 2015 pour les régions et de 6% pour les départements tandis que, pour les communes, le système actuel est maintenu.

Pour conclure, je retiens que les objectifs sont atteints pour les entreprises, quoique des ajustements de l'IFER soient requis, et que la réforme conforte l'autonomie financière des collectivités locales, grâce à des bases d'imposition plus stables et plus dynamiques, même si des progrès restent à faire pour la péréquation. Cependant, en matière de péréquation, nous nous heurterons toujours à la dichotomie entre les collectivités dites riches, et celles qui ne le sont pas.

M. Philippe Marini , rapporteur général. - La limite est floue : à partir de quand une collectivité est-elle riche ?

Mme Christine Lagarde. - Certes, mais nous ne pouvons nier que certaines départements sont dans une situation financière très difficile.

M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Conformément à la « clause de revoyure », le Gouvernement a remis le rapport Durieux le 10 juin, après avis du comité des finances locales, et je salue le travail des deux inspections générales, réalisé en relation étroite avec la mission des six parlementaires, qui, elle, aura un rôle très important pour la péréquation.

Quels sont les effets de la réforme ? Globalement, les deux inspections générales montrent que l'État a tenu ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales. Leur autonomie financière est respectée : l'essentiel de la compensation est assurée par l'impôt, le niveau de ressources fiscales de chaque catégorie de collectivités est maintenu à court et à moyen termes, les nouvelles recettes fiscales sont plus dynamiques. Le rapport note une spécialisation accrue des impôts entre collectivités : je sais que cette évolution ne fait pas l'unanimité, mais j'y vois l'avantage d'un lien plus fort entre l'activité économique et les territoires.

Le rapport identifie des points à améliorer, en particulier pour l'IFER sur les opérateurs téléphoniques et sur les entreprises d'éoliennes.

Le bilan, cependant, montre le chemin parcouru depuis notre dernière audition de septembre 2009 devant votre commission : grâce à l'implication de tous, nous sommes parvenus à faire de la réforme des finances locales une réalité.

Sur la péréquation, des progrès doivent être réalisés. C'est d'abord une exigence constitutionnelle. Le problème est moins de définir de nouveaux outils, que de bien calibrer ceux dont nous disposons.

Le rapport Durieux propose des pistes, que nous avons à explorer pour la prochaine loi de finances. D'abord celle d'adapter nos outils de mesure des écarts de richesse entre collectivités, pour mieux prendre en compte les nouvelles ressources dont elles vont disposer. Le sujet est technique, mais il est incontournable pour que les dotations répondent plus justement aux situations locales : il faut adapter les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier, nous avons à faire ce travail ensemble.

Le rapport propose encore d'améliorer le dispositif de péréquation entre les échelons régional et départemental via la répartition et la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le Parlement a prévu que 25% de cette croissance serait répartie en fonction des charges pesant sur les niveaux départemental et régional : c'est la péréquation sur stock. S'y ajoute une péréquation sur flux, avec une part de la croissance de la CVAE prélevée sur le produit bénéficiant aux collectivités les plus riches. Le rapport Durieux estime qu'il faut renforcer ce dispositif. Il remarque que la péréquation sur stock est retardée par la compensation à l'euro près : une région qui verrait en 2011 sa part de CVAE diminuée du fait de moindres charges, verrait aussi cette diminution compensée par la garantie de ressources à l'euro près et il faudrait attendre 2012 pour voir jouer l'effet de péréquation. Quant à la péréquation sur flux, son abondement est progressif par construction. Enfin, sont apparus des cas où la réforme accentue les inégalités : il faut les corriger dès la loi de finances pour 2011.

Le rapport Durieux propose encore de renforcer les masses concernées par la péréquation, et de fondre les deux dispositifs de péréquation sur stock et sur flux. J'y suis plutôt favorable, mais je préfère attendre l'avis de la mission des six parlementaires, et nous aurons à en rediscuter dès cet été.

M. Jean Arthuis, président. - Le temps n'est-il pas venu de traiter simultanément la péréquation effectuée dans le cadre de la DGF et la péréquation liée à la réforme de la fiscalité locale ? Des décalages important sont constatés, il faut y remédier...

M. Alain Marleix. - Tout à fait, nous devons renforcer la cohérence des dispositifs.

Faut-il étendre la péréquation entre communes et entre intercommunalités ? La loi de finances pour 2010 invite à adapter la péréquation communale. C'est particulièrement intéressant en Île-de-France, où les écarts de richesse sont très importants : le fonds de solidarité de la région Île-de-France doit s'adapter aux nouvelles ressources des collectivités locales et la péréquation doit être maintenue au moins au niveau de cette année. Cela vaut aussi pour le fonds départemental de péréquation de la TP, dont une partie a été intégrée à la garantie des ressources.

La réforme de la TP est l'occasion d'aller plus loin. Les inspections générales proposent un nouveau mécanisme de péréquation horizontale pour les communes et les intercommunalités. Le Parlement a tout son rôle à jouer dans la définition d'un tel dispositif, en particulier dans la détermination du panier de la péréquation et dans le calibrage entre la péréquation nationale et la péréquation locale. Les critères de la péréquation doivent être suffisamment génériques et simples pour que leur cohérence apparaisse bien. Nous devrons aussi déterminer comment organiser la péréquation des « blocs locaux » d'intercommunalité.

Sur tous ces sujets, le Gouvernement s'engage à la plus grande transparence. C'est le sens du rapport Durieux et des relations étroites avec la mission des six parlementaires. Nous sommes ouverts au dialogue, pour prendre des mesures dès la prochaine loi de finances.

Enfin, les simulations sont un préalable indispensable, je remercie Christine Lagarde d'avoir mobilisé ses services pour que ces simulations intègrent les dernières données disponibles. C'est nécessaire pour que chaque collectivité évalue les ressources dont elle disposera avec la réforme.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ces précisions. Nous avons bien noté les contraintes ayant présidé à l'élaboration de ce rapport, et les rendez-vous annoncés avant la prochaine loi de finances. Nous tenterons d'innover cette année encore, en utilisant l'ordre du jour de la semaine de contrôle, en octobre ou en novembre, pour organiser le débat thématique de première partie de la loi de finances relatif aux collectivités locales.

Mais je m'interroge. Combien cette réforme coûte-t-elle ? On l'avait d'abord évaluée à 4,3 milliards ; d'après les évaluations transmises par le Gouvernement, la transformation de la taxe professionnelle en CET réduirait de 8,7 milliards la charge des entreprises ; le poids de l'IFER serait de 1,5 milliard ; cette réduction nette de 7,2 milliards de la charge qui pèse sur les entreprises entraînerait un surcroît d'impôt sur les sociétés que l'on pourrait estimer à 1,8 milliard. Soit, en définitive, un coût à la charge de l'État de 5,3 milliards. Une partie significative de l'écart d'un milliard d'euros par rapport à la prévision initiale est due à la décision du Conseil constitutionnel relative à l'imposition à la CET des professions libérales.

Mme Christine Lagarde. - Le Conseil constitutionnel a modifié en profondeur le régime applicable aux BNC. Le chiffrage initial, en réalité 4,8 milliards, avait en outre été effectué sur la base des déclarations antérieures. Le coût de la réforme sera de 5,3 milliards en régime de croisière et de 12,9 milliards en 2010, compte tenu des modalités d'application de la réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faudra compenser une réforme qui se traduit par une aggravation de 5 milliards du déficit structurel de l'État. Comment la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle s'articulera-t-elle avec l'enveloppe fermée de l'État aux collectivités locales ? Est-ce une mesure de périmètre dont le montant s'ajoute à l'enveloppe fermée ? Pouvez-vous nous confirmer - une question importante - que la DCRTP ne servira pas de variable d'ajustement à l'enveloppe fermée ? Dans ce cas, la réforme ne serait plus compensée à l'euro près.

Les documents transmis montrent la différence entre la dotation de compensation estimée initialement à 800 millions pour 2010 et le chiffre retenu par le rapport Durieux, soit 2,5 milliards. Les explications que vous avez fournies à ce sujet ne sont pas satisfaisantes. En effet, vous retenez un montant initial de 800 millions d'euros correspondant à l'effet de la réforme sur l'ensemble des dotations budgétaires de l'Etat, DCRTP et DGF. Or, lors des débats comme dans l'avis du comité des finances locales, ce montant correspond à la seule DCRTP, à l'exclusion de la DGF. Expliquer une partie du surcoût par le transfert entre la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et la DGF à hauteur de 600 millions d'euros n'est donc pas pertinent.

M. Alain Marleix. - En 2011, la DCRTP sera une mesure de périmètre ; sa création ne pèsera donc pas sur les autres concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Il en avait été de même pour la compensation relais en 2010.

Le Gouvernement réaffirme que la compensation s'effectuera à l'euro près car le niveau de recettes sera garanti post réforme. Puis la DCRTP évoluera comme les autres dotations de l'État aux collectivités, c'est-à-dire selon le principe de la stabilité en valeur.

M. Jean Arthuis, président. - Le FCTVA et la DCRTP ne seront donc pas inclus dans l'enveloppe fermée ?

Mme Christine Lagarde. - La DCRTP ne sera pas une variable d'ajustement. Quant à l'écart de chiffrage, il s'explique par l'utilisation de données plus récentes ainsi que par la décision du Conseil constitutionnel.

Mme Nicole Bricq. - Je m'interroge sur l'objectif de cette réunion ouverte à tous nos collègues : avant de penser à la préparation de la loi de finances pour 2011, il conviendrait de regarder ce qui se passe. A cet égard, la réunion signe selon moi l'acte de décès de l'article 76 de la loi de finances pour 2010. Nous n'aurons pas de simulations alors que la clause de revoyure seule avait incité certains de nos collègues à voter le texte.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela n'a pas suffi pour vous ...

Mme Nicole Bricq. - Le groupe socialiste en avait pris acte dès le 2 juin en constatant que nous n'avions rien vu venir. Le groupe UMP, qui a déposé une proposition de résolution le vendredi 18 juin, dresse le même constat. Cette proposition dit explicitement - je le souligne à l'intention de nos collègues nommés par le Premier ministre - que, sur la fameuse valeur ajoutée, et s'agissant des simulations, nous ne pourrons y voir clair qu'au 31 juillet. Le Gouvernement n'a pas tenu ses engagements. La commission avait présenté des demandes détaillées, dans lesquelles les nôtres avaient été intégrées. Quand nous voulons que la taxe d'habitation prenne en compte le revenu, on nous accuse d'irréalisme ; nous avions donc demandé des simulations. Or nous n'avons pas de retour sur nos demandes. Qui plus est, vos simulations, déjà lacunaires, reposent sur une évolution des bases liée à des hypothèses de croissance dont vous dites qu'elles sont « audacieuses ».

Mme Christine Lagarde. - Ambitieuses et un peu audacieuses.

Mme Nicole Bricq. - Vos 2,5% de croissance ne sont pas réalistes ! L'on pourrait s'engager dans un débat technique - nous savons faire -, mais les collectivités locales sauront peut-être quelque chose le 31 décembre 2010... Quant à la péréquation, quoiqu'essentielle, nous n'en connaîtrons les termes qu'à l'automne 2011. Que proposez-vous pour la prochaine loi de finances ? Comme cela s'était dit à mots couverts durant les tables rondes organisées par la commission, le dispositif est renvoyé à l'après-2012. En attendant, on demande au budget de l'État de compenser, ce qui va ajouter de nouveaux déficits.

M. Jean Arthuis, président. - Il faut vérifier qu'il y a compensation à l'euro près au titre de 2010, et cela n'est possible qu'au 31 décembre. Peut-être n'avait-on pas cela suffisamment à l'esprit en votant l'article 76. Chacun devra être vigilant. Les rôles complémentaires seront-ils pris en compte ?

Mme Christine Lagarde. - Oui ! Nous disposerons des valeurs ajoutées le 30 juin ; les trois sénateurs en mission rendront leurs appréciations fin juin-début juillet et une réunion du comité des finances locales est prévue le 6 juillet. La concertation menée par le Budget sur les bases foncières reprend le 1er juillet - l'on commencerait plutôt par le foncier commercial.

M. Jean Arthuis, président. - Il y aurait un taux différent pour les deux fonciers, celui des entreprises et celui des ménages ?

Mme Christine Lagarde. - La réflexion s'engage.

M. Jean Arthuis, président. - Je vous mets en garde : si la réévaluation n'est pas simultanée, il y aura trois fonciers, pour la contribution foncière des entreprises, pour les entreprises et pour les ménages. Cela ferait beaucoup.

M. Alain Marleix. - Je dois dire à Mme Bricq que, malgré les difficultés de l'année 2010, la péréquation verticale continue, comme l'a souhaité le président de la République. La DSU augmente de 70 millions d'euros, la DSR de 26 millions d'euros et la dotation nationale de péréquation de 10 millions d'euros, soit, au total, 106 millions d'euros.

M. Éric Doligé. - Mes propos n'expriment pas une critique mais le souci de comprendre car, en dehors du monde virtuel, dans lequel nous sommes ici, il y le monde réel, où nous travaillons. Nous sommes toujours très optimistes sur les délais de mise en oeuvre quand nous votons des nouvelles taxes. Les 10 millions que j'attendais de l'écotaxe auraient permis d'attendre la clause de revoyure mais elle a finalement été retardée. Tout en comprenant le décalage dans le temps, je me demande si l'on pourra se revoir d'ici trois ans car, si on ne trouve pas de solution assez rapidement, certains départements seront dans le rouge en 2010, quelques-uns en 2011 et les autres dans deux ans.

La péréquation est un exercice socialement et financièrement enrichissant mais n'a rien d'urgent. J'admire ceux qui proposent une mise à niveau dans les cinq ans : on sera alors en-dessous du niveau de la mer !

Oui, les ressources sont dynamiques. Mais cela ne changera rien pour mon département puisqu'il faut compenser ceux qui ont des ressources moins dynamiques et, avec les taux les plus bas de France, je ne peux rien faire, quoi que l'on dise de l'autonomie fiscale. Il faut connaître les conséquences de la réforme : la revoyure est donc nécessaire, mais dans cinq ans, nous ne serons peut-être plus tous là... Le cinquième risque est à mon avis quelque chose de plus intéressant pour nous que la clause de revoyure. Ne peut-on récupérer dans le budget des sommes qui ont été fléchées pour les départements, pour le RSA chapeau et la CSG ?

M. Claude Belot. - Eric Doligé l'a dit, les départements français sont en grande difficulté. Il y a deux ans, le mien avait deux années de ratio de solvabilité ; Dominique Bussereau est passé à huit ans et ce n'est pas sa faute. Le cas n'est pas unique. Il faut interrompre cette spirale destructrice.

Je n'écrirai plus sur la péréquation dont j'avais traité avec Jean François-Poncet. Voilà en effet le plus beau numéro d'hypocrisie tous gouvernements confondus depuis vingt-et-un ans. Elle représente moins de 2% de la masse publique locale et il n'est pas très facile de prendre dans la poche de ceux qui n'ont plus assez pour donner à ceux qui n'en ont jamais eu suffisamment.

L'IFER est un objet fiscal non identifié. Mieux vaudrait être au point pour le 31 décembre. La Direction de la législation fiscale n'est pas en mesure de répondre aux questions. Il faut pourtant que l'on sache ce que les mots veulent dire. De France Télécom aux opérateurs d'éoliennes en passant par les opérateurs alternatifs, les entreprises de réseau entretiennent des armées de lobbyistes dans nos maisons. J'ai fait une expérience sur ma commune au vu des simulations publiées sur internet en fin d'année : j'ai une IFER qui ne rapportera que 4 040 euros à ma commune, à partager pour moitié avec le département ; nous avons pourtant un réseau de chaleur de 15 mégawatts, exploité par une entreprise qui ne déclare rien ; le poste source d'EDF, 24 mégawatts, n'est pas plus déclaré que le central téléphonique : zéro ! Le malheureux opérateur alternatif qui est installé dans ma commune, lui, a déclaré une antenne sur le château d'eau. Les grands groupes déclarent ce qu'ils veulent et vos services ignorent la réalité locale. Je m'en suis ouvert à la responsable de ceux-ci dans ma commune. L'IFER exige que les grands exploitants soient honnêtes : on ne doit pas plaisanter avec ces affaires-là.

Qu'est-ce que le « bloc communal » ? Nul ne le sait.

Je crois aux énergies alternatives, ce qui est peut-être naïf. Le Gouvernement a eu raison de développer l'énergie photovoltaïque et les éoliennes en s'engageant sur des prix de rachat pour vingt ans. Cependant, alors que le rapport du photovoltaïque pour une collectivité locale est passé de 28 000 à 4 000 euros pour un mégawatt, qui réclame trois hectares de terrain, le prix garanti de 32 centimes est resté le même ! Avec un taux de retour de 12 % à 14 %, les entreprises sont en mesure de financer les retombées locales, même si elles sont plus étroites d'épaule que certains grands groupes. Je suis stupéfait de l'incohérence de ce que je découvre. Pourquoi voulez-vous, dans ces conditions, qu'un maire se batte pour l'installation d'un champ d'éoliennes qui enrichiront ceux qui n'en ont pas besoin ? Tous ces sujets doivent être traités de manière globale et dans la clarté, sans précipitation mais vite.

M. Jean Arthuis, président. - Merci d'avoir souligné le caractère quelque peu artificiel de l'économie administrée des énergies renouvelables, développées grâce à une niche sur l'ISF.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je comprends la difficulté qui est la vôtre. Le rapport, très global, réserve une grande inconnue : personne ne sait ce que va donner la CVAE. Le Conseil constitutionnel a joué un mauvais tour en suppriment la taxation des BNC. Envisagez-vous de la rétablir et quand ?

En matière de dotation de compensation, vous nous proposez un rebasage de 800 millions à 2,5 milliards d'euros qui ne sera pas strictement proportionnel à tous les niveaux. Il y aura donc des gagnantes et des perdantes parmi les collectivités. Que ferez-vous, en particulier, au niveau des départements ?

Tout le monde parle de la péréquation. Ne pourrait-on pas profiter des difficultés actuelles pour donner de la souplesse aux groupements de communes volontaires et leur permettre de percevoir la totalité de la DGF pour assurer eux-mêmes la péréquation ? Il est temps de sortir de cette méfiance générale : on ne voit pas tout de Paris. Pourquoi ne pas mener une expérimentation ? Enfin, ne l'oublions pas, la péréquation est souvent associée au saupoudrage - nous nous étions aussi heurtés aux droits acquis lorsque nous avions voulu concentrer la DSU sur les communes qui en avaient le plus besoin.

M. Jean Arthuis, président. - Répartir la DGF entre les 3 000 EPCI serait assurément plus commode.

Mme Marie-France Beaufils. - Je ne partage pas du tout la proposition de M. Fourcade sur la DGF versée à l'intercommunalité ! Je rejoins en revanche Mme Bricq à propos de la clause de revoyure, qui avait été un élément important lors du vote de la réforme. Le ministre a dit que l'un des objectifs était de permettre aux entreprises de ne pas se sentir handicapées par la TP quand elles investissent. Lors des auditions, ces dernières ont expliqué que la CVAE ne créait pas les conditions de l'investissement productif.

Les collectivités locales, qui subissent une énorme transformation, manquent de visibilité. Le rapport Durieux dit que la CVAE a un meilleur dynamisme que la taxe professionnelle mais qu'elle est aussi plus dépendante de la conjoncture économique - et celle-ci ne s'améliore pas.

J'ai bien entendu ce qu'a dit le ministre de la DSU. Le supplément représente un petit apport pour les plus gros bénéficiaires. En réalité, la péréquation suppose une masse financière importante et l'on ne s'en est pas donné les moyens. L'annonce sur la modification des bases foncières m'inquiète fortement car le foncier de ma commune est pour moitié industriel et j'ai très peu de capacité de me retourner vers le foncier des ménages.

Enfin, comme M. Belot, je m'interroge sur le bloc communal. Comment traiter de l'intercommunalité et comment traiter des communes ? On avait, lors de la composition des intercommunalités, une richesse fiscale qu'on ne peut plus mesurer. Il va donc falloir travailler et assurer une vraie visibilité.

M. Jean Arthuis, président. - Il nous faut un peu de temps pour que cela se décante.

M. Albéric de Montgolfier. - Sur cette réforme extrêmement importante, je commencerai par souligner que l'engagement d'une compensation à l'euro près a été tenu par le Gouvernement. Les documents transmis sont clairs. Je ne m'associe pas à ce qui a été dit sur l'établissement du budget des collectivités car il serait absurde de gager les choses sur des simulations. Attendons de connaître les recettes d'une année : la meilleure clause de revoyure sera une année de recettes réelles.

L'IFER, qui est extrêmement nouveau, repose sur une base déclarative que ne connaît pas l'administration fiscale. Il faut une péréquation entre départements sur la valeur ajoutée. On en est à 25%, pourquoi ne pas aller jusqu'à 50% ?

M. Roland du Luart. - Si l'on évalue à 5,3 milliards le coût de la réforme de la taxe professionnelle pour l'État, on ne mesure pas le désastre que cette réforme représente pour les départements. Parce qu'elle augmentait de 3 à 4 % l'an, la taxe professionnelle permettait de faire face à la croissance de 5 à 6 % des dépenses sociales. Sans cette garantie, nous allons dans le mur : je serai dans le rouge en 2012 et dans l'écarlate en 2013. Je comprends qu'on ne peut respecter la clause dite de revoyure tout de suite, mais comment voter les budgets départementaux si l'on ne dispose des chiffres qu'au 31 décembre ? On remet toujours au lendemain ce qui a été promis. Un jour, la plupart des départements de France seront en faillite.

M. Alain Marleix. - Le rebasage de la dotation de compensation ne perturbe pas la compensation à l'euro près puisque le fonds de garantie individuelle de ressources interviendra après les dotations. Je précise à M. Fourcade que l'article 34 quater du projet de réforme des collectivités locales, que députés et sénateurs ont voté, permet à un EPCI de recevoir la totalité de la DGF, sur délibération concordante de l'organe délibérant et de chacun des conseils municipaux, sur la base du volontariat.

La situation des départements est indépendante de la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement n'est pas inactif et le Premier ministre a pris sur le cinquième risque des engagements devant le bureau de l'Association des départements de France ; un rendez-vous interviendra très rapidement, le 1er janvier prochain. Sans tomber dans l'optimisme, je rappelle que les départements bénéficient de 48,5% du produit de la nouvelle cotisation et qu'ils profitent du dynamisme réel de cette ressource. Les droits de mutation à titre onéreux ont augmenté de 40 % depuis le 1er janvier.

M. Roland du Luart. - De 16 % seulement chez moi, ce qui ne compense pas les pertes de l'année dernière !

M. Alain Marleix. - Selon le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGA, les recettes des départements resteront dynamiques et seront supérieures de 20 % en 2015 à leur niveau de 2010.

M. Jean Arthuis, président. - C'est une vision optimiste... Je vous mets en garde sur les droits de mutation, car, les taux d'intérêt étant particulièrement bas, des transactions immobilières sont dénouées par anticipation, avant que ces taux ne remontent.

Mme Christine Lagarde. - Les départements bénéficient d'une garantie de ressources. Vous savez exactement ce dont vous disposez alors que vous n'étiez pas prémunis contre une baisse de taxe professionnelle. Il faut examiner indépendamment de la réforme l'évolution comparée des besoins et des bases.

Mme Bricq a fait référence à nos hypothèses ambitieuses et un peu audacieuses de croissance. Il est normal que le rapport Durieux les retienne. Nous y reviendrons sur la base des informations que nous aurons sur le deuxième trimestre 2010. Nous aborderons le débat avec des bases revues, éventuellement à la hausse, car les chief economists de certaines banques nous situent même au-dessus de nos hypothèses.

Je n'ai pas la réponse sur le RSA et la CSG, mais nous répondrons à M. Doligé.

Vous me demandez, monsieur Belot, plus de travail sur l'assiette et les déclarations des entreprises de réseau, nous allons nous y attaquer. Il s'agit de clarifier les concepts, l'appréhension et le calibrage. Nous devrons arbitrer entre la nécessité d'un rééquilibrage fiscal et les incitations aux énergies alternatives. Je vous remercie de vos encouragements et de votre vigilance.

Nous sommes malheureux, monsieur Fourcade, d'avoir été retoqués sur les bénéfices non commerciaux par le Conseil constitutionnel. Nous cherchons une taxation appropriée et prenons l'attache des professionnels.

M. Jean Arthuis, président. - Il y avait une injustice flagrante pour les professionnels exerçant en société.

Mme Christine Lagarde. - Le débat est déjà engagé.

Si vous interrogez le président d'une grande société, madame Beaufils, il vous assurera toujours qu'il faut plus de réductions d'impôt. La DSU, qui a plus que doublé depuis cinq ans, représente 1,2 milliard.

Le BTP est un secteur extrêmement sensible aux prescriptions des élus locaux. Si vous vous plaignez de ne pouvoir boucler votre budget et que vous diminuez vos investissements, il embauchera moins et prendra moins d'apprentis. J'attire votre attention sur cet enjeu en vous rappelant que vous disposez d'une garantie pour 2011. C'est important pour l'emploi : il s'agit d'amorcer un cercle vertueux ou un cercle vicieux.

M. Roland du Luart. - Je ne suis pas convaincu.

Mme Christine Lagarde. - Monsieur de Montgolfier a raison : il faudra prendre les faits en compte sur la répartition de la péréquation. Nous serons attentifs aux propositions du rapport Durieux.

M. Jean Arthuis, président. - On ne modifiera pas dès maintenant la loi de finances votée à l'automne dernier ; toute modification n'aura d'effet qu'en 2011 : nous ne prenons donc pas de retard en attendant l'échéance de la loi de finances pour 2011. Je m'engage à organiser toutes les réunions ouvertes nécessaires pour la préparer et je remercie Mmes Bricq et Beaufils de leur sollicitude pour ceux qui avaient voté ce projet de loi avec à l'esprit un rendez-vous à l'été.

Nous nous reverrons bientôt, madame la ministre : nous sommes preneurs de nouvelles simulations. Nous avons dès à présent un rendez-vous le 8 juillet pour le débat d'orientation budgétaire ; peut-être, en application du principe de précaution, établirons-nous nos propres hypothèses. Nous persisterons dans nos propositions en faveur de la croissance et la compétitivité.

Etude comparative sur la péréquation fiscale et financière entre les collectivités territoriales - Audition des consultants de Public Evaluation System et de l'institut Thomas More

M. Jean Arthuis, président. - Après avoir lancé un appel d'offre, nous avons retenu Public Evaluation System et l'Institut Thomas More pour nous présenter une étude comparative sur les différents systèmes de péréquation fiscale et financière entre les collectivités territoriales dans divers pays.

M. Stanislas Boutmy, directeur général de Public Evaluation System. - Nous avons publié en janvier 2009 une étude sur les réformes territoriales en Europe, puis nous sommes intervenus à diverses reprises dans différents colloques et travaux. Vous avez souhaité nous confier une mission pour étudier les mécanismes étrangers de péréquation.

En France, la fiscalité locale est vécue comme le support de l'autonomie : la taxe professionnelle représentait ainsi 16% des recettes de fonctionnement des régions et des départements en 2008. La péréquation est donc le complément indispensable de l'autonomie et elle figure d'ailleurs à l'article 72-2 de la Constitution qui lie la question du financement des collectivités aux principes d'autonomie financière, de compensation et de péréquation. Or, les revendications à l'égalité territoriale se sont accrues alors que la taxe professionnelle était supprimée, que les concours financiers de l'État aux collectivités stagnaient et qu'étaient remis en question le montant des compensations aux transferts de compétence.

Dès lors, comment respecter les impératifs constitutionnels et mettre en oeuvre une péréquation dynamique, alors que les recettes fiscales sont moins dynamiques ?

Pour mener à bien cette étude, nous avons sélectionné divers pays de l'Union européenne et nous avons également retenu le Japon.

Nous avons examiné diverses situations : chaque système territorial répond à un ensemble de contraintes géographiques, démographiques, sociales et historiques. De 2000 à 2008, les parts de fiscalité et de transferts dans les budgets des collectivités ont connu des évolutions variables, tandis que des réformes de financement intervenaient dans la quasi-totalité des pays. Nous avons donc retenu onze Etats, dont la France, bien sûr.

Mme Céline Moyon, consultante auprès de Public Evaluation System. - Ces onze pays se caractérisent tous par un haut degré de décentralisation. Dans les pays de l'OCDE, les collectivités engagent 33 % des dépenses publiques, dont 22 % des dépenses de santé et 40 % des dépenses d'enseignement. Les collectivités perçoivent 17 % des recettes fiscales prélevées. Il y a donc un décalage entre la part des dépenses publiques prises en charge par les collectivités territoriales et les recettes qui leur sont attribuées. La fiscalité acquittée par les entreprises représente 19 % des recettes fiscales des collectivités. Les États centraux doivent ainsi financer certaines compétences portées par les collectivités.

La définition de la péréquation est plurielle et elle lie ses objectifs à son financement. La péréquation est un mécanisme de redistribution : elle vise à égaliser les niveaux de vie et les capacités. Très souvent, le terme de péréquation fait référence à la notion de compensation ce qui, dans le débat français, ne simplifie pas les choses. L'égal accès aux services publics sous-tend les systèmes étudiés dès lors que les collectivités assument des compétences telles que la protection sociale ou l'enseignement. Le financement de la péréquation repose sur la collecte de l'impôt mais elle ne rompt pas tout lien avec la territorialisation des ressources. Enfin, la péréquation ne vise pas à égaliser les offres de services : le niveau d'imposition reflète, in fine, les choix et les engagements pris par les exécutifs locaux. Ainsi, la péréquation, l'égalité d'accès au service et le niveau d'imposition sont liés. La péréquation ne doit pas masquer l'adéquation entre le niveau d'imposition et l'offre de service.

Le rapport pose cinq questions qui nourrissent, sans les épuiser, les débats sur les réformes à l'étranger. Le financement des collectivités peut-il comporter une norme de dépense ? Les fonds de péréquation doivent-ils être ciblés sur quelques compétences ? La péréquation garantit-elle un égal accès aux services publics ? La stabilisation des ressources des collectivités passe-t-elle par la péréquation ? Enfin, comment mettre en oeuvre une péréquation sans clivages ?

Tout d'abord, le maillage communal : dans six pays, dont la France, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse, plus de 25 % de la population habite dans des communes de moins de 10 000 habitants. En France et en Suisse, moins de 25 % de la population vit dans des communes de plus de 50 000 habitants. On est encore loin des métropoles ! A l'inverse, l'Espagne, la Suède, la Finlande et la Hollande se caractérisent par une concentration de la population dans des villes de plus de 50 000 habitants.

Derrière le vocable région, il faut distinguer les grandes régions - équivalentes au nôtres - et les petites régions - qui seraient comparables à nos départements. A l'instar des pays les plus peuplés, la France est maillée de régions de grande taille qui se caractérisent par des écarts de densité modérés. La péréquation devra en tenir compte. En revanche, dans les pays à petites régions, l'homogénéité n'est pas toujours de mise.

Nous avons retenu l'indicateur courant de PIB par habitant : les distorsions entre départements sont très grandes en France alors qu'elles ont tendance à s'atténuer entre régions.

Les revenus fiscaux représentent rarement la majorité des ressources des collectivités. En revanche, les transferts de fonctionnement et d'investissement sont le plus souvent majoritaires. Lorsqu'on est en présence de fiscalité partagée, la distinction entre dotation et ressource fiscale est beaucoup plus difficile à définir.

Enfin, la situation économique doit être prise en compte : comment prévoir de la péréquation quand les recettes fiscales diminuent et que les dotations budgétaires sont gelées ? Des choix politiques devront être faits.

Dans le rapport, tous les fonds péréquateurs ont été recensés. La France se caractérise, comme la plupart des pays unitaires, par la mise en oeuvre de la péréquation à tous les échelons des collectivités, même si les volumes sont plus importants au niveau communal. En France, l'ensemble des mécanismes verticaux représentent 2,7 % des dépenses publiques tandis que la péréquation horizontale représente moins de 0,5 %. Dans certains pays, les transferts se concentrent au niveau régional, comme en Italie, en Espagne, en Suisse, en Autriche ou en Allemagne.

Sur quels critères de richesse établir la péréquation ? L'opposition entre ressources et charges résiste mal à l'analyse. La distinction s'opère davantage sur la question : comment articule-t-on les richesses et les charges ? En France, aux Pays-Bas et en Suisse, le critère de ressources détermine l'éligibilité. Dans d'autres pays, comme l'Espagne, le Japon et l'Italie, on estime les besoins en fonction des compétences des collectivités. Puis, les besoins financiers sont comparés aux ressources fiscales estimées en potentiel. Un dernier groupe de pays se caractérise par une fiscalité partagée en amont et qui irrigue la péréquation en aval : en Allemagne, en Autriche et en République Tchèque, les critères de répartition sont définis au cas par cas.

Selon que l'on se situe dans une logique de répartition ou de compensation, le système est différent. La France, comme les Pays-Bas ou l'Autriche, suit une logique de répartition : une enveloppe est prédéfinie et les collectivités en ont droit à une partie. Le critère de répartition est déterminé par le Gouvernement. Pour les pays qui relèvent d'une logique de répartition, le montant de l'enveloppe n'est pas défini a priori. Ce sont les montants des besoins qui importent et la fiscalité s'adapte en fonction de ces besoins. Il en est ainsi en Espagne, en Finlande, en Italie, au Japon et en Suède. Dans ce dernier pays, un objectif de dépense est fixé sur le fonds de péréquation, comme cela se pratique en France avec l'ONDAM. Si le montant de l'enveloppe est dépassé, chaque collectivité devra consentir un effort ; s'il y a un excédent, il sera réparti entre elles.

La plupart des pays, et notamment la France, l'Autriche, les Pays-Bas et la République Tchèque, ont construit leur système de péréquation sur une logique de répartition verticale. Mais la péréquation dans une optique de compensation appelle des solutions horizontales, sans exclure des financements verticaux complémentaires ou des ajouts de fiscalité partagée, comme en Allemagne, en Suisse ou en Espagne. En Suisse, la péréquation repose sur des critères de ressources pour les trois-quarts de l'effort total. L'apport des cantons est moindre que celui de la Confédération qui participe très largement au système et prend en charge 60 % du total de la péréquation sur ressources.

Nous souhaitons maintenant vous proposer quelques pistes de réflexion pour engager le débat.

M. Stanislas Boutmy. - La compensation française est souvent héritée d'un coût historique qui est intégré à la DGF. La péréquation et l'orientation des dépenses des collectivités sont de plus en plus encadrées. Dans divers pays, on essaye d'assurer un égal accès aux services plutôt que de préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. En France, une telle orientation serait quelque peu contraire à la Constitution, mais peut être faudrait-il l'envisager.

Enfin, alors que les contraintes budgétaires vont croissantes, il convient de rendre les finances publiques soutenables. Plusieurs pays ont défini des coûts standards de service public, ce qui permet de réduire les montants.

Cette étude a été menée entre mai et juin. Nous avons rencontré de nombreux interlocuteurs que je tenais à remercier pour leur accueil.

M. Jean Arthuis, président. - Chaque pays a ses pratiques, ses caractéristiques.

Mme Céline Moyon. - En France, on utilise les notions de péréquation et de compensation, mais les autres pays appellent péréquation ce que nous nommons compensation.

M. Jean Arthuis, président. - A un moment donné, on a compensé la perte d'un impôt et on a figé le dispositif, rendant par là même impossible une quelconque péréquation.

Mme Céline Moyon. - La compensation à l'étranger, ce serait la péréquation à la française, mais actualisée chaque année.

M. Jean Arthuis, président. - Pouvez-vous porter un jugement sur les pratiques françaises par rapport à ce qui se passe à l'étranger ? Y a-t-il quelque part des règles plus simples, plus claires, plus justes ?

Mme Céline Moyon. - La péréquation produit des effets réels dès lors qu'elle est un pilier incontournable des finances publiques : il faut qu'elle soit un des principaux modes de financement des collectivités, mais indexée annuellement.

M. Jean Arthuis, président. - La réforme de 2010 a été marquée par de la compensation, plus que par de la péréquation, puisque l'État s'est engagé à compenser à l'euro près.

Mme Nicole Bricq. - J'ai lu les conclusions de votre rapport, notamment les pages 57 et 58 :« si à l'avenir les dotations sont gelées, il sera de plus en plus malaisé de poursuivre la croissance de quelques dotations aux volumes discrets dans le budget des collectivités ». Qu'entendez-vous par là ?

Vous écrivez aussi : « La transition vers un système horizontal de redistribution implique une modification substantielle des équilibres là où la péréquation horizontale représente moins de 0,5 % des dépenses publiques des collectivités et l'ensemble des mécanismes verticaux 2,7 % ». Pouvez-vous développer ?

Enfin, vous estimez que la dissociation des mécanismes de compensation et de péréquation apparaît très artificielle. Bref, vous estimez que la péréquation égale la compensation et inversement.

Mme Céline Moyon. - Rapportée à la DGF, l'enveloppe de la DSU ou de la DSR a un impact financier assez peu structurant : ces dotations ont donc un faible impact pour atténuer les inégalités. Si l'on veut réduire significativement les inégalités, l'enveloppe normée ne doit concerner que la péréquation. Mais en retenant un critère tel que l'euro par habitant pondéré par des strates démographiques, on fait déjà de la péréquation. On estime en effet que des économies d'échelle peuvent être réalisées lorsqu'on passe d'une ville de 5 000 habitants à 10 000 ou 20 000. Ainsi, en République Tchèque, les critères de répartition ne tiennent compte que des strates de population.

Des mécanismes de péréquation verticaux ou horizontaux purs n'existent pas. Avec la suppression de la taxe professionnelle et la mise en place d'une péréquation sur la CVAE, on nous présente la péréquation horizontale comme une solution miracle a coût zéro pour le Gouvernement. Les exemples étrangers le démentent : la péréquation horizontale a toujours un coût pour un Gouvernement parce qu'il doit apporter son concours financier, d'une façon ou d'une autre.

Le problème de la péréquation horizontale, c'est qu'elle est visible : il y a des gens qui payent et d'autres qui reçoivent. Si vous identifiez les pauvres et les riches, le débat politique s'envenime automatiquement. Il est donc préférable d'instaurer des prélèvements à la source. En Autriche, les fonds de péréquation sont alimentés par une partie des ressources fiscales qui devaient revenir aux communes. En Suisse, en revanche, il y a des contributeurs et des bénéficiaires. Le système a été accepté car on lui a ajouté une péréquation sur les charges qui concernent plutôt les zones urbaines.

En ce qui concerne la distinction entre péréquation et compensation, elle n'est pas évidente à établir. Dans de nombreux pays, la compensation, c'est non pas de continuer à compenser une réforme votée il y a dix ans, mais de compenser géographiquement des inégalités au sein d'un même État.

Les distinctions opérées par la Direction générale des collectivités locales résistent mal aux analyses étrangères.

M. Philippe Adnot. - Je ne comprends pas que vous ayez du mal à décrire ce phénomène ! En France, la compensation consiste à figer des situations au profit de ceux qui ont levé le plus d'impôts : on récompense les mauvais gestionnaires. Par exemple, plus vous avez voté une vignette automobile élevée, plus vous percevez de compensation.

La péréquation n'a rien à voir ! Il suffit de regarder les déséquilibres. Mais la France n'a jamais eu le courage de faire de la péréquation. Il y a même des collectivités riches qui perçoivent de la péréquation !

M. Stanislas Boutmy. - Le cas japonais est intéressant. Il prône l'égal accès aux services publics sur le territoire du pays, rural ou urbain. On évalue le coût du service et on redistribue en fonction des besoins. Cela suppose un outil statistique puissant et une revalorisation des bases tous les trois ans, ce qu'on ne fait pas en France.

M. Jean Arthuis, président. - Et cela fait un déficit de 10 % du PIB !

M. Stanislas Boutmy. - Dans d'autres pays, le système est différent : le prix du service public est estimé au plus bas et si une collectivité en veut plus, libre à elle de le financer en augmentant les impôts locaux.

En Allemagne, la Fédération des communes a accepté les réductions budgétaires à l'horizon 2020, mais elle a demandé à ce que les obligations qui pèsent sur elles soient allégées d'autant.

M. Jean Arthuis, président. - Nous réclamons également de revoir le système des normes imposées par l'État qui coûtent fort cher aux collectivités.

M. Stanislas Boutmy. - Il y a un an, pour répondre à M. Charasse, nous avions fait remarquer que l'Espagne pouvait être considérée comme un modèle car des collectivités avaient poursuivi l'État en justice et elles avaient gagné. Plusieurs collectivités françaises se sont engagées dans cette voie.

Mme Céline Moyon. - La question est de savoir quel est le modèle transposable en France. En Suède, le système à l'air de fonctionner à la satisfaction de tous. Les 350 communes jouent leur rôle de médiateur, d'intermédiaire.

M. François Marc. - Dans la diapositive numéro 9, vous faites référence à cinq questions. Vous êtes déjà revenus sur la troisième : je ne m'y attarderai donc pas. En ce qui concerne la quatrième question, je souhaiterais que vous développiez : la stabilisation des ressources des collectivités passe-t-elle par la péréquation ? Si les collectivités ont des charges évolutives à recettes constantes, on ne fera que creuser le déficit.

Les effets conjoncturels sont-ils plus ressentis dans certaines collectivités que dans d'autres ? Avec la péréquation, on va essayer de compenser certaines variations conjoncturelles. Peut-on espérer que la péréquation vienne en aide à des collectivités touchées par la crise ?

Mme Céline Moyon. - Aujourd'hui, les collectivités disposent de compétences incontournables sur la santé, l'éducation, la protection sociale. Lorsqu'il s'agit de trouver des moyens pour financer ces politiques, on a le plus souvent recours à de la fiscalité partagée. Pour inciter les collectivités à développer leur territoire, il faut que le lien entre les recettes fiscales et les ressources propres demeure. Or, avec la péréquation, les collectivités sont de plus en plus souvent exposées aux aléas de la conjoncture.

Il est donc dangereux d'indexer les ressources des collectivités sur les recettes fiscales collectées. Enfin, l'OCDE estime qu'il ne faut pas faire faire à la péréquation autre chose que de la péréquation.

M. Stanislas Boutmy. - Quand on parle de stabilisation, il faut bien avoir à l'esprit que le coût d'un service ne doit pas être figé à un instant T. Chaque année, les critères doivent être revus en fonction de statistiques reflétant le coût standard, actualisé, et non pas historique. Si le coût standard évolue à la hausse, le transfert doit également évoluer à la hausse.

Mme Céline Moyon. - En 2009, l'Italie a voté une loi instaurant une péréquation à tous les échelons de collectivités. Que se passe-t-il si vos recettes fiscales ne suivent pas, leur a-t-on demandé ? La réponse a été très floue, ce qui illustre les contradictions d'un tel système.

M. Jean Arthuis, président. - Gilles Carrez nous a récemment dit que plus une communauté avait d'argent, plus elle dépensait.

Mme Céline Moyon. - Dans tous les systèmes de péréquation que nous avons étudiés, il n'a jamais été question de niveau de dépenses constatées. On est toujours sur un potentiel de ressources. La Suisse estime que son potentiel équivaut au revenu de ses concitoyens, lissé sur les trois dernières années pour éviter tout à-coup. Tous les pays retiennent des coûts standards. Quelques pays ont fait référence au coût historique, mais ils ont arrêté assez rapidement, comme le Danemark en 1993.

M. Jean Arthuis, président. - L'idéal, dans une démocratie décentralisée, c'est de lever l'impôt au plus près des prises de décision, mais l'impôt sur la production ou sur l'investissement pose de vrais problèmes et risque de pénaliser l'emploi. En définitive, les impôts locaux sont surtout payés par les ménages et le problème est de trouver une assiette acceptable pour éviter toute délocalisation fiscale. Le bon impôt, c'est l'impôt national, mais il faut ensuite en répartir le produit aux échelons locaux. Ce disant, j'ai bien conscience de fendre le coeur de Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. - Vous m'incitez à la contestation, monsieur le Président ! Je plaide pour un taux faible sur une assiette large.

M. Jean Arthuis, président. - Pour le contribuable, le bon impôt est celui que l'on ne paye pas ! Pour jouer en équipe de France, il faudrait payer ses impôts en France...

M. François Marc. - S'agit-il d'une nouvelle règle ?

M. Jean Arthuis, président. - Nous allons en rester là. Nous sommes à la recherche d'une formule miracle et je remercie nos intervenants d'avoir fait le maximum pour nous en donner la recette. Il va néanmoins falloir poursuivre la réflexion.

Mercredi 23 juin 2010

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président -

Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Aymeri de Montesquiou sur le projet de loi n° 292 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), dans le texte n° 518 (2009-2010) adopté par la commission des lois.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - La LOPPSI 2 s'inscrit dans la continuité de la LOPSI 1, mais s'en distingue en intégrant la sécurité civile dans son champ et en privilégiant des objectifs de performance, alors que la première loi avait mis l'accent sur les moyens, afin de remédier à la dégradation de la sécurité enregistrée à cette époque : le contexte financier et budgétaire actuel n'est certainement pas étranger à cette évolution.

La lutte contre la délinquance a eu des résultats positifs jusque l'an passé, où nous avons enregistré des résultats plus contrastés : cette inflexion paraît tenir à ce que les délinquants s'adaptent et qu'ils utilisent mieux, en particulier, les nouvelles technologies de l'information.

La discussion et le vote prochain de la LOPPSI 2 mettront fin à une sorte d'incongruité législative, consistant, en loi de finances, à adosser le budget de la mission « Sécurité » à un texte futur et donc non encore débattu par le Parlement...

M. Jean-Pierre Fourcade. - Ces pratiques deviennent coutumières...

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Elles sont inacceptables pour le Parlement !

Une des particularités de la LOPPSI 2 réside dans le fait que cette programmation financière distingue les crédits de paiement uniquement par mission, et non par programme. Les crédits de la mission « Sécurité » devraient augmenter de 310 millions d'euros, soit de 2,7 %. Cette progression est modeste, puisque elle est inférieure à l'inflation prévue pour la période. Les crédits de la mission « Sécurité civile » (436 millions d'euros) augmenteraient de 55 millions d'euros, soit de 14,5 %, mais cette progression tient pour beaucoup au transfert opéré du ministère de la Défense à celui de l'Intérieur, en particulier pour l'achat d'hélicoptères.

Au total, les crédits consacrés à la sécurité intérieure passeraient de 11,8 milliards en 2009 à 12,2 milliards d'euros en 2013, en hausse de 3,1 %.

Cette hausse annoncée est-elle bien conforme aux intentions par ailleurs affichées du Gouvernement de stabiliser les crédits budgétaires l'an prochain ? Le Premier ministre vient d'annoncer, le 6 mai, un gel des dépenses de l'Etat en valeur de 2011 à 2013, précisant que « les dépenses de fonctionnement courant, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 ». Que deviendront les engagements de la LOPPSI 2 dans ces conditions ?

Au total, 69,8 % des crédits « ciblés » par la LOPPSI 2 sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et d'investissement. Un effort significatif va à la modernisation technologique, qui pourrait compter sur 456 millions d'euros sur la période. Dans les années 1990, la police et la gendarmerie se sont équipées de systèmes de communication incompatibles ; nous devons réparer cette aberration. La gendarmerie consacrera 764 millions d'euros de crédits à quelques grands programmes de modernisation technologique.

L'insécurité demeure, dans l'esprit de nos concitoyens, un véritable défi pour l'Etat. Je vous propose d'adopter l'article premier de la LOPPSI 2 et le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013 sans modification, mais non sans nous interroger sur la cohérence entre les objectifs affichés de croissance budgétaire et les annonces de gel pour les années à venir.

M. Yann Gaillard, président. - Nous ne délibérons pas sur un budget, mais sur un projet de loi d'orientation et votre avis est si nuancé qu'on pourrait s'y tromper : êtes-vous bien favorable à l'adoption de ce texte ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Oui, avis favorable, mais avec la réserve que j'ai dite.

M. Philippe Dallier. - Disposons-nous de chiffres consolidés qui intègrent les dépenses des collectivités locales pour la sécurité publique ? Ces dépenses sont de plus en plus importantes, en particulier pour la vidéosurveillance, en investissement, mais aussi en fonctionnement, pour la formation des personnels de maintenance : il faut en tenir compte.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Le document annexé à la LOPPSI 2 mentionne la participation des collectivités locales, mais sans communiquer de chiffres.

M. Jean-Pierre Fourcade. - La chambre régionale des comptes, en vérifiant les comptes de Boulogne-Billancourt, a posé des questions très détaillées sur la police municipale et je ne serais pas étonné de voir la Cour des comptes présenter bientôt un rapport sur la question...

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Je serai aux aguets et vous informerai bien sûr de toute initiative dans ce sens.

M. Philippe Dallier. - Le Grand Paris existe au moins pour la sécurité, puisque le préfet de police de Paris a autorité, au-delà des limites de la capitale, sur les trois départements limitrophes : envisage-t-on d'évaluer les conséquences de cette organisation sur la répartition des moyens de sécurité publique ? Il faudrait regarder le sujet de près, parce que le regroupement doit certainement entraîner des gains d'efficacité.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - D'un cloisonnement total entre les zones de gendarmerie et les zones de police, nous sommes passés, avec les groupes d'intervention régionale (GIR), à une coopération entre les forces de l'ordre : le changement est important. Le préfet de police de Paris ne dispose pas lui-même de l'évaluation de la nouvelle organisation, il y travaille et je ne manquerai pas de l'interroger sur ce point.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Il faut renforcer la sécurité autour du Parc des Princes...

M. Yann Gaillard, président. - Le choix de systèmes d'information non compatibles entre police et gendarmerie est consternant...

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Les systèmes sont désormais compatibles, encore qu'imparfaitement, mais ils demeurent différents... L'époque n'est pas lointaine où police et gendarmerie se renvoyaient la balle. Leur coopération actuelle est un progrès réel.

M. Philippe Dallier. - Il faut examiner aussi la communication entre les forces de l'ordre relevant de l'Etat et les polices municipales. Dans le drame de Villiers-sur-Marne, la jeune femme de la police municipale a été tuée parce qu'elle n'avait aucune idée de la situation dans laquelle elle était entrée.

On attendait beaucoup des GIR, en particulier pour lutter contre l'économie souterraine. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que les moyens n'ont pas suivi : qu'en sera-t-il dans les prochaines années ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis. - Les forces de l'ordre utilisent trois réseaux distincts : Rubis pour la gendarmerie nationale, Acropol pour la police nationale et Antares pour la sécurité civile. Personne ne peut comprendre pourquoi ils ne disposent pas d'un réseau commun. Il faut aller plus loin dans le rapprochement.

Sur les polices municipales, l'opinion a changé : on les suspectait d'exercer illégitimement une parcelle de la souveraineté nationale, on s'accorde aujourd'hui sur leur utilité. Elles constituent un complément désormais indispensable.

Les GIR avaient pour premier objectif de faire travailler les services ensemble ; c'est aujourd'hui le cas et les investigations ont largement gagné à cette coopération. Cependant, la montée en puissance des GIR n'a pas eu lieu, on peut le regretter.

M. Yann Gaillard, président. - Vous êtes mesuré et optimiste. La commission partage-t-elle l'avis de son rapporteur ?

La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article premier du projet de loi ainsi que du rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013, sous réserve des précisions que le Gouvernement devra apporter sur l'articulation et la compatibilité entre la programmation prévue par ce texte et la mise en oeuvre des engagements pris par la France dans le programme de stabilité 2010-2013 transmis au Conseil et à la Commission européenne.

Nomination d'un rapporteur

La commission désigne M. Adrien Gouteyron comme rapporteur des projets de loi suivants :

- n° 540 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions ;

- n° 541 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 542 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 543 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 544 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 545 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 546 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 547 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 548 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 549 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 550 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Île de Man relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

- n° 551 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale ;

Réforme des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis en deuxième lecture

La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Charles Guené, sur le projet de loi n° 527 (2009-2010), de réforme des collectivités territoriales (deuxième lecture), dans le texte n° 560 (2009-2010) adopté par la commission des lois.

Examen du rapport

M. Jean Arthuis, président. - Avec ce projet de loi qui revient de l'Assemblée nationale nous allons examiner un texte important auquel nous allons consacrer pas moins de 55 heures de débat en séance publique, à partir de la semaine prochaine.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - En nous saisissant pour avis, en première lecture, des articles de ce texte qui avaient une incidence financière ou fiscale, nous avions pris position sur la création des métropoles et la réforme de la procédure de fusion de communes par l'institution des communes nouvelles.

Si nous avions pu faire adopter les mesures de coordination rendues nécessaires par la suppression de la taxe professionnelle et par la réforme de la fiscalité locale, nous n'avions pu faire prévaloir, en séance publique, notre conviction qu'une réforme novatrice était devenue nécessaire face aux grandes difficultés financières de l'État et des collectivités territoriales. Nous proposions en particulier de doter les métropoles d'un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différencie nettement des communautés urbaines, et de favoriser la dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.

Nous n'avions pas jugé utile de modifier l'article 35 du texte, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales, en estimant qu'il restait d'ordre général et sans impact sur les besoins de financement des collectivités.

La suite de l'examen du projet de loi, à l'Assemblée nationale comme en commission des lois du Sénat, a apporté deux éléments nouveaux sur lesquels la commission des finances est fondée à faire valoir une appréciation particulière : l'Assemblée nationale a retenu une position intermédiaire sur le régime financier et fiscal des métropoles, position que la commission des lois du Sénat a repoussée ; des développements de nature normative sur la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales et les règles applicables aux financements croisés ont été introduits dans le texte.

La commission des finances s'est donc saisie des seules dispositions financières et fiscales. Il n'est pas question ici d'aborder par exemple le mode d'élection des conseillers territoriaux ou les règles de répartition des compétences entre les catégories de collectivités territoriales.

Concernant les métropoles, la commission des lois du Sénat a réduit au maximum les transferts de compétences ou de ressources financières entre les métropoles et les communes. Elle n'a donc permis le transfert de la DGF des communes à la métropole qu'à l'unanimité des communes membres, et non à la majorité qualifiée, en conservant dans cette hypothèse le principe d'une dotation de reversement qui pourra avoir une vocation péréquatrice ; elle a supprimé le transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties, tel qu'il avait été retenu par l'Assemblée nationale comme position intermédiaire.

En effet, entre la version initiale du projet de loi, qui accordait aux métropoles une double spécificité financière par le transfert de plein droit au niveau métropolitain de l'intégralité du produit de la fiscalité directe communale et le versement à la métropole sous forme d'une « dotation communale » de la DGF des communes membres, et la version de première lecture, issue des travaux du Sénat, le texte adopté par l'Assemblée nationale préservait l'autonomie communale tout en proposant un cadre novateur et ambitieux pour le régime financier de la métropole : cette position était intermédiaire.

Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, les métropoles se distinguent très peu des communautés urbaines : nous regrettons ce manque d'ambition.

Il ne m'a pas paru utile de présenter, au nom de la commission des finances, des amendements que le Sénat a repoussés en première lecture, car nous connaissons le sort qui leur aurait été réservé. J'exprimerai toutefois une certaine déception lors de mon intervention à la tribune.

Je vous proposerai en conséquence d'adopter les modifications suivantes : un amendement pour lever certains obstacles financiers à la création des métropoles, notamment en matière de régime des attributions du FCTVA ; un deuxième pour inciter davantage les communes à la territorialisation de la DGF, faute de quoi cette possibilité ne sera jamais exploitée, ce qui serait regrettable ; enfin, des amendements pour limiter certains avantages dont pourraient bénéficier les métropoles au détriment des autres communes et intercommunalités alors qu'elles ne subissent aucune contrainte accrue par rapport aux communautés urbaines.

A notre initiative, le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements de coordination avec la réforme de la taxe professionnelle. L'Assemblée nationale a enrichi nos articles additionnels : je vous propose de les adopter dans la rédaction de nos collègues députés.

S'agissant des communes nouvelles, l'Assemblée nationale est revenue sur un élément ajouté par le Sénat à notre initiative et relatif à l'indexation des montants de la part garantie de la DGF perçus par les anciennes communes l'année de création de la commune nouvelle. Sur ce point, je vous proposerai un amendement de compromis.

De manière générale, comme pour les métropoles, je ne peux que regretter que l'on aboutisse à un projet de texte peu ambitieux. Sur les fusions de communes, ce que l'on nous propose est souvent plus contraignant que le dispositif de la loi Marcellin, qui date de 1971, alors que l'objectif était d'adopter un dispositif plus opérationnel.

L'Assemblée nationale a modifié sur quatre points financiers les articles relatifs au développement et à la simplification de l'intercommunalité. Elle a supprimé l'article 34 ter, qui révisait la compensation versée par un EPCI à une commune membre en fonction du coût de certains équipements transférés à l'EPCI, en l'occurrence des piscines. Le dispositif adopté par le Sénat faisait supporter deux fois par l'EPCI le coût des déficits de fonctionnement de certains équipements publics dont la réalisation avait été décidée par une des communes membres : cela ne me paraît pas très juste, je suis donc favorable à la suppression de cet article.

L'Assemblée nationale, ensuite, a précisé, avec les avis favorables de sa commission des lois et du Gouvernement, que la commission locale chargée d'évaluer les transferts de charges entre un EPCI et ses communes membres, est « créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité simple » : c'est plus sûr juridiquement, j'y suis donc également favorable.

L'Assemblée nationale propose encore d'étendre la territorialisation de la DGF à l'ensemble des EPCI. Les communes membres d'un EPCI pourront, à l'unanimité, transférer leur DGF à leur EPCI, en échange d'un reversement dont le montant global sera égal à la DGF transférée, mais avec des règles plus péréquatrices entre collectivités territoriales. Je vous proposerai une incitation, via le FCTVA, pour utiliser cette possibilité, faute de quoi elle risque de l'être trop peu.

Enfin, l'Assemblée nationale ouvre la possibilité d'harmoniser les taux des différentes impositions directes locales au sein d'une intercommunalité à fiscalité propre, sous réserve de l'unanimité des communes membres : c'est intéressant et je vous proposerai un amendement pour rendre ce dispositif plus opérationnel.

En première lecture, constatant que les dispositions relatives aux compétences étaient déclaratoires, nous n'avions pas proposé de les modifier. Cependant, l'Assemblée nationale a prévu depuis de limiter la compétence des départements et des régions aux domaines de compétences que la loi leur attribue, elle a ouvert la possibilité, pour une région et les départements qui la composent, d'adopter des « schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services », elle a précisé que les régions ne pourront participer qu'aux opérations « d'envergure régionale » menées par les départements, les communes ou les intercommunalités et, enfin, elle a disposé que les collectivités maîtres d'ouvrage d'un investissement devront le financer au moins à 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 50 000 habitants et de 30 % pour les autres collectivités et EPCI.

Sur les questions traitant strictement de la répartition des compétences, j'ai pris acte de la position de la commission des lois du Sénat, qui a largement validé les dispositions insérées à l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne la limitation des cofinancements, dont la commission des finances s'est saisie, plusieurs ajustements me semblent devoir être adoptés : il n'y a pas de raison d'attendre l'élection des conseillers territoriaux pour permettre aux régions et aux départements de s'entendre sur la répartition de leurs compétences ; la notion, assez floue, de projets « d'envergure régionale » doit être clarifiée ; les modalités d'application de la règle de participation financière minimale du maître d'ouvrage au projet financé doivent également être précisées.

Enfin, la commission des lois du Sénat a, de manière assez imprévue, supprimé l'article 35 quater introduit à l'Assemblée nationale. Cet article interdisait de cumuler les subventions départementales et régionales, sauf pour les projets décidés par les communes de moins de 3 500 habitants ou les EPCI de moins de 50 000 habitants. L'article prévoyait une interdiction totale de cumul des subventions entre 2012 et 2015, sauf pour quelques secteurs puis, à partir de 2015, une interdiction conditionnée à l'absence d'un schéma de répartition des compétences réglant leurs cofinancements.

Je crois utile d'inciter les régions et départements à organiser leurs cofinancements à travers la négociation de schémas : la seconde phase, prévue à compter du 1er janvier 2015, peut être reprise. En revanche, la période transitoire semble excessivement contraignante : je vous proposerai de supprimer l'interdiction et de rétablir l'article 35 quater ainsi modifié.

M. Jean Arthuis, président. - Merci pour vos lumières sur un texte dont le Sénat va débattre pendant deux semaines au moins. Parmi les facteurs de changement dans nos collectivités locales, je me demande si la crise financière ne pèsera pas davantage, finalement, que les normes dont nous allons débattre. Je retiens aussi de votre propos que la DGF serait plus facile à distribuer aux 3 000 intercommunalités qu'aux 37 000 communes de France...

M. Philippe Dallier. - Le texte créé les métropoles, mais je me demande bien ce qu'il en restera dans les faits : à force de rendre tout optionnel, d'imposer l'unanimité, on ne fait que de l'affichage ! Et que dire des dispositions relatives à l'Île-de-France !

Le texte rend possible une répartition de la DGF au sein de l'intercommunalité, avec un levier de péréquation plus importante. Je suis assez favorable à cette idée, à condition d'avoir au préalable une vraie réforme de la péréquation afin de partir sur des bases équitables. Le risque est en effet qu'on nous dise que la péréquation se fera au niveau local : cela sera bien pour les riches, mais pour les autres ? Les dotations intercommunales sont une bonne idée si elles ne sont pas détournées.

Comment fonctionnera-t-on pendant la période transitoire et y aura-t-il des résultats différents au sein des régions ? Que se passera-t-il en cas de désaccord politique entre la région et certains départements ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Nous sommes sur la même ligne pour les métropoles. Malgré nos efforts, nous n'avons pas réussi à imposer notre point de vue dans l'hémicycle en première lecture. On profitera peut-être dans certains cas de cette apparence de métropole, de cette métropole « Canada Dry », pour capter des ressources sous des prétextes fallacieux.

Nous souhaitons faciliter la territorialisation de la DGF, y inciter, notamment parce qu'elle peut aider à mettre en place une vraie péréquation, mais celle-ci sera difficile à mettre en oeuvre et je partage vos inquiétudes. Deux cabinets de consultants sont venus hier nous exposer les méthodes de péréquation en Europe ; nous avons vu que les points de vue sont très éloignés du nôtre.

Sur les compétences, le texte de l'Assemblée nationale marque une avancée. Nous n'avions rien, nous avons maintenant une proposition. Il peut en effet y avoir des oppositions avec les départements au sein d'une région, mais cette situation ne saurait être selon moi durable. On ne peut pas laisser le vide créé par la commission des lois en refusant le texte de l'Assemblée nationale. L'esprit du projet de loi, nous le savons, est de réaliser des économies d'échelle, de réguler, de favoriser les mutualisations. Si nous restons sur cette position négative, l'Assemblée nationale en reviendra à sa position initiale et instaurera une période transitoire complexe, alors que le texte que je vous propose ne s'appliquera qu'à compter de l'année 2015. Or les élus, surtout, s'ils sont communs aux deux niveaux, s'entendront car leurs électeurs leur reprocheraient qu'il en soit autrement.

M. Pierre Jarlier. - On a l'impression d'une perte de lisibilité car on ajoute de nouvelles strates au mille-feuille. La commission des finances aurait pu se saisir du coût de ces assemblées pléthoriques : je ne suis pas sûr qu'avec 256 conseillers territoriaux en Midi-Pyrénées, on dégage des économies. D'ailleurs est-il opportun, en cette période de relance, de modifier des structures institutionnelles qui marchent plutôt bien au dire des acteurs de terrain ?

Le principe de spécialisation des compétences pose des problèmes dans les territoires les plus ruraux où les collectivités locales ont un large champ d'intervention. Les financements croisés et les compétences partagées permettent de soutenir des projets qui dépassent l'intérêt local, d'agir efficacement en matière d'aménagement du territoire. L'Assemblée nationale avait interdit les cofinancements aux communes de plus de 3 500 habitants qui ont pourtant des charges de centralité. Les communes et les EPCI seront-ils soumis à des accords politiques entre région et département ? Les conventionnements marquent un recul : puisque la souplesse a fait ses preuves avec de multiples interventions sur des projets structurants, pourquoi établir un carcan qui se révélera vite inadapté et qu'il faudra renégocier ? Je regrette qu'on s'engage dans cette direction. Quid enfin des collectivités situées dans des régions où il n'y aura pas d'accord sur la base d'une convention ? Elles subiront la double peine !

M. Jean Arthuis, président. - C'est la régulation budgétaire...

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'opportunité du texte, nous en sommes restés sur nos fondamentaux, d'ordre financier, mais vous aurez l'occasion de vous exprimer sur le fond de la réforme en séance publique. Nous aurions certes pu nous saisir du coût des élus, mais le coeur du sujet est de réguler la dépense par la mise en place du conseiller territorial et la rationalisation des moyens. On parle d'une masse de 20 milliards d'euros d'économies sur les doublons, et, même si l'on ne réalise pas d'économies avec les nouveaux élus, les sommes en cause ne sont pas comparables à ces 20 milliards d'euros.

Vous avez également évoqué la nécessité d'obtenir un accord sur le conventionnement. C'est la philosophie même du projet. Le Sénat doit pouvoir débattre sur le texte tel qu'il sort des travaux de la commission des lois, qui a complètement gommé cet article 35 quater. Nous n'obtiendrons pas forcément gain de cause ; il convient néanmoins de donner un signal à l'Assemblée nationale. Nous proposons une solution de compromis, avec application à partir de 2015, ce qui constitue une solution intéressante. Faute de quoi l'Assemblée nationale pourrait rétablir l'interdiction des financements croisés dans la période 2012-2014. Bien sûr, les élus peuvent ne pas s'entendre. Reste que la démarche du projet de loi consiste à obtenir des gains sur la répartition des compétences. Faire sauter cela viderait la réforme de son sens.

M. Philippe Adnot. - Comment vider de son sens une chose qui n'en a pas ?

M. François Fortassin. - Tout le monde comprendra que l'on répartisse plus facilement la DGF entre 3 000 collectivités plutôt qu'entre 36 000. Expliquez-moi pourtant en quoi une DGF territorialisée est péréquatrice ?

M. Philippe Dallier. - Elle pourrait l'être !

M. François Fortassin. - La solidarité locale n'existe pas, malgré les discours généreux de ceux qui ne veulent rien donner. Cette réforme n'a aucune lisibilité pour le citoyen. Comment faire fonctionner un conseil régional de 255 membres ? Je suis plutôt favorable à ce que les conseils général et régional soient administrés par les mêmes personnes, grâce à un fléchage respectueux du suffrage universel.

M. Jean-Paul Alduy. - Comme cela avait été prévu au départ.

M. François Fortassin. - Je plains le président de la région Midi-Pyrénées qui aura face à lui les huit présidents de conseil général avec leurs troupes, plus le président d'une métropole ! On pourrait éviter des télescopages qui ne sont pas seulement politiques car si mon département est favorable à la neige de culture, d'autres ne le sont pas qui ne sont pas montagnards, et la Haute-Garonne voudra-t-elle inciter à un développement rapide de l'hydraulique agricole ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Il n'est pas question de généraliser la territorialisation de la DGF puisqu'ont été prévues des délibérations concordantes de tous les membres. La rédaction que nous proposons pour l'article 34 quater précise les règles de redistribution. Dans notre pays, il faut ouvrir l'expérimentation avant de généraliser.

M. Jean Arthuis, président. - L'État a tout fait pour qu'il n'y ait pas de regroupements communaux parce qu'ils auraient marginalisés ses représentants dans les territoires. Les sous-préfets souhaitaient rester des points de passage obligés pour les communes. Répartir la DGF entre 37 000 communes devient un défi. Selon quels critères ? Les EPCI seront les véritables instances de mutualisation. La crise financière suscitera sans doute l'imagination afin de faire face à la réduction de crédits publics.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - C'est pourquoi il faut achever la carte de l'intercommunalité. Les entités doivent atteindre une taille suffisante, ce qui n'est pas le cas des communes. Cela permettra de tenir compte des charges de centralité et des services au public. La maille des communes n'est pas pertinente.

M. Jean-Paul Alduy. - J'abonde dans votre sens. Je fais en effet partie des grands déçus de l'évolution de cette loi. Au démarrage, l'idée était forte, qui consistait à rassembler des blocs afin de mieux réguler la dépense, de mutualiser et de gagner en lisibilité. Et nous voilà obligés de bricoler pour voir comment départements et régions peuvent se mettre d'accord tandis qu'on s'interroge sur les petites communes : on n'a pas avancé d'un mètre. Il ne faut tout de même pas oublier que les maires des petites communes sont obligés de se prosterner devant le président du conseil général quand ils ont besoin d'une subvention.

On a échoué parce que le fait intercommunal n'a pas été traité. Quand on s'engage sur de vrais territoires, les petites communes disposent de vrais moyens, quitte à n'avoir que 1 500 intercommunalités. Des intercommunalités de vallée réuniront 10 000 habitants et auront des services techniques. On n'aura plus un quart de secrétaire ici, un autre quart ailleurs. Sans de telles intercommunalités, on ne peut pas traiter l'aménagement du territoire. Il en est de même en milieu urbain où l'on pratique déjà de la péréquation avec la dotation de solidarité communautaire. Cependant, on a tout fait à l'Assemblée pour interdire les fusions. L'AMF a déployé un génie particulier pour inspirer des amendements qui empêchent de rien faire. Quand le texte initial demandait la majorité qualifiée de la nouvelle intercommunalité, on requiert en plus celle de tous les EPCI fusionnés : ceux qui auront été intégrés de force diront non. Une carte ambitieuse de l'intercommunalité est la seule solution. Accélérons le dispositif pour mutualiser et péréquer, au lieu de jouer à bricoler en espérant que le navire gardera le cap.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Voilà une excellente introduction au débat sur la péréquation.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je suis très réservé sur ce texte qui se traduira par une grande insatisfaction des grands électeurs. Devoir agrandir tous les hémicycles est absurde.

Je suis très favorable à l'article 34 quater, car c'est au niveau de véritables EPCI que l'on pratique une vraie péréquation. Notre rapporteur doit défendre cet article.

Pourquoi parler à la fois de métropole et de pôle métropolitain ? Cette dualité qui me choque enlève toute crédibilité au système et l'on atteint au comble de l'horreur juridique quand on écrit que le pôle métropolitain statuera sur l'intérêt métropolitain des compétences qui lui seront transférées. Ou bien l'on établit les métropoles, ou bien l'on crée des pôles métropolitains. En Île-de-France, nous aurons la région, deux pôles, une métropole, plus les départements. M. Guené devrait plaider pour qu'on fasse un choix. Le pôle métropolitain correspond à ce que l'on fait pour Saclay qui recouvre quatre EPCI. Ce peut être un préalable.

L'article 34 quinquies sur l'harmonisation des mécanismes fiscaux permet une homogénéisation des taux. Il faut aller dans cette voie, comme nous l'avons fait dans nos intercommunalités avec la convergence des taux de taxe professionnelle. Ce devrait être la règle pour les pôles métropolitains.

S'il y a des compétences exclusives et des compétences partagées, tout le monde continuera à faire n'importe quoi.

M. Jean Arthuis, président. - Vous êtes donc favorable à une question préalable !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Sans aller jusque là, nous pourrions supprimer l'absurde conjonction des métropoles et des pôles métropolitains.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Je partage votre point de vue sur l'article 34 quater. J'ai déposé un amendement pour aller plus loin dans ce sens. De la même manière, je propose de retenir pour l'harmonisation le mécanisme déjà prévu pour la TPU.

Vos deux autres questions nous amèneraient à empiéter sur les compétences de nos amis de la commission des lois. Il est difficile de revenir sur le texte tel qu'il est formaté, surtout là où nous n'avions pas été saisis en première lecture. Peut-être pourrez-vous lancer le débat à titre personnel.

M. Philippe Dallier. - Je le ferai !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Il y a déjà de grands débats en ligne.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous ferons un pôle métropolitain à l'ouest.

M. Philippe Dallier. - Et avec la super-métropole à Paris, nous aurons sept couches de collectivités.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - On part sur un système expérimental dans lequel le conseiller territorial est intelligent.

M. Jean-Pierre Fourcade. - On va instituer le droit de retour anglais.

M. Philippe Adnot. - La télévision vient de m'interroger sur la situation de certains départements qui seraient obligés d'emprunter pour financer le RSA à partir de septembre. Voilà un vrai problème ! Le rapporteur a repris un propos du ministre sur les doublons qui coûteraient 20 milliards. Peut-on en donner le premier euro de preuve ? Les cofinancements ne changent pas le coût d'une école. Le chiffre de 20 milliards relève de la désinformation et vous seriez incapables de le justifier. Nous n'avons pas le droit de faire courir ce genre de bruits si l'on ne peut présenter une liste.

M. Jean Arthuis, président. - Avec la multiplication des donateurs, on peut construire plus grand ou plus confortable. Plus il y a d'argent, et plus les coûts augmentent.

M. Jean-Paul Alduy. - Et après on ferme des classes !

M. Philippe Adnot. - On ment quand on dit qu'il y a 20 milliards de doublons. Il ne faut pas répéter cela. Un cofinancement n'est pas un doublon.

M. Jean Arthuis, président. - L'instruction des dossiers est doublonnée.

M. Philippe Adnot. - Je connais nos modes de subvention et je peux vous assurer que nous savons maîtriser ce genre de dérives en fixant un prix au mètre carré.

Comment financera-t-on la DGF des intercommunalités qui vont se former ? Jusqu'à maintenant, il y avait un préciput prélevé sur ceux qui n'étaient pas en intercommunalité. Nous en sommes à 2,5 milliards et il faut 500 millions pour finir l'intercommunalité. Puisque l'Etat ne pourra pas dégager de nouveaux moyens, pourquoi ne pas proposer de supprimer la DGF des communes sur la part transférée ? Il faut en finir avec l'hypocrisie qui consiste à continuer à financer des compétences transférées. Jean-Paul Alduy oublie que l'intercommunalité a eu trente ans pour faire ses preuves et que la Cour des comptes souligne qu'elle a provoqué une augmentation de la dépense en générant des dépenses de fonctionnement. Mon intercommunalité est intégrée à plus de 60% ! En réalité, on ne va pas vers une maîtrise de la dépense publique mais vers un gaspillage, car comment les 20% d'intercommunalités à faire dégageront-ils les économies qu'on n'a pas réalisées sur les premiers 80% ?

Me confirmez-vous qu'avec la suppression de l'article 1er A, l'Assemblée nationale décidera seule du conseiller territorial avant que la CMP ne tranche ? Le Sénat ne verra donc pas cette disposition.

L'article 35 installe l'insécurité juridique et ce sera le juge qui décidera de ce que nous avons le droit de faire ou de ne pas faire.

A quelles mutualisations entre la région et les départements le rapporteur pense-t-il ? J'en vois plutôt entre départements et communes de manière à éviter une inflation de dépenses avec des intercommunalités se dotant de services techniques qui ne seraient utiles qu'occasionnellement : depuis que l'État a perdu sa compétence de conseil des petites communes, c'est le département qui l'assure.

M. Jean-Paul Alduy. - Nous sommes dans la phase expérimentale de l'intercommunalité.

M. Philippe Adnot. - Depuis quarante ans ?

M. Jean-Paul Alduy. - Peut-être dans certaines régions comme la Bretagne, mais ailleurs, elle est très récente et, comme les rassemblements se sont opérés pour des raisons politiques, certains enchevêtrements étonnent. Avec des périmètres non pertinents et des compétences en mouvement décidées sur la base du volontariat, on est obligé de faire des concessions, d'où des surcoûts de fonctionnement. Nous serons plus efficaces demain car, quand des communes transfèrent la compétence ordures ménagères, on peut mutualiser et les coûts deviennent plus pertinents. On répartit mieux les équipements structurants et l'on emprunte à de meilleurs taux. Comment, à l'échelle des communes, lutter contre les inondations ou s'occuper du trait de côte ? L'intercommunalité, c'est la dimension pertinente ! Quand on va à Rennes, on peut mesurer l'efficacité redoutable d'une intercommunalité qui a trente ou quarante ans : elle permet même de répartir le logement social, comme je le mesure chez moi. Je suis totalement convaincu que le défi français est là, et que tant que nous ne l'aurons pas relevé, nous ne pourrons réformer.

M. François Fortassin. - Si la métropole s'occupe des collèges, de la voirie, du SDIS, il y aura des chevauchements avec les départements.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Non !

M. Philippe Adnot. - Si !

M. François Fortassin. - Il faudra bien que le conseil général continue à s'occuper du reste du territoire départemental !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - J'ai cité le chiffre de 20 milliards de doublons en répondant à M. Jarlier, pour comparer les masses en jeu. J'ai employé les chiffres habituellement cités, mais j'avoue ne pas être en mesure d'en donner le détail.

La DGF des intercommunalités est une addition ; c'est pourquoi mes amendements reviennent sur les avantages accordés aux métropoles et aux communautés urbaines au détriment des autres intercommunalités.

M. Philippe Adnot.- Où trouver la DGF ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Après quinze à vingt années de vaches grasses, l'heure est arrivée de territorialiser la DGF.

Votre lecture de l'article 1er A est tout à fait exacte. Faire quelque chose est pour le Sénat une affaire de crédibilité par rapport à l'article 39 de la Constitution. Je vous rejoins sur l'article 35 du projet et sur l'insécurité juridique ; je propose donc que le juge ne fixe pas l'intérêt régional, qui sera clairement défini par le vote des élus.

Vice-président de conseil général, je pense à des mutualisations dans le domaine des collèges ou des nouvelles technologies.

M. Jean Arthuis, président. - Le personnel technique des collèges et des lycées...

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Des mutualisations sont également possibles avec les intercommunalités, malgré le risque d'éventuelles tutelles.

Examen des amendements du rapporteur

Article 5

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 supprime l'indexation préférentielle de la dotation d'intercommunalité des métropoles au préjudice des intercommunalités.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 2 est un amendement de coordination qui supprime une mention inutile.

L'amendement n° 2 est adopté.

L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté.

Article additionnel après l'article 5

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Avec cet amendement, les métropoles qui se substituent à des communautés d'agglomération continueront de percevoir le FCTVA pour les investissements de l'année en cours et celles qui se substituent à des communautés urbaines ayant participé au plan de relance continueront à le percevoir pour les investissements de l'année n-1. L'amendement n° 4 incite en outre les communes-membres à transférer leur DGF en leur accordant le bénéfice des attributions du FCTVA pour les investissements de l'année n-1.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 5 bis A

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 5 supprime l'indexation préférentielle de la dotation d'intercommunalité des communautés urbaines.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 8

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'Assemblée nationale a supprimé l'indexation du complément de garantie que nous avions prévue, parce qu'elle peut être négative. L'amendement n° 6 la rétablit quand elle est positive.

M. Philippe Adnot. - Que se passe-t-il pour une commune nouvelle ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Elle reste dans une intercommunalité.

M. Philippe Adnot. - Mais quand la commune nouvelle se substitue à une intercommunalité ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Elle sera obligée d'adhérer à une intercommunalité.

M. Jean Arthuis, président. - Ce n'est pas très juste. Il faut dire « halte au feu ! »

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Tout dépend de la taille de la commune et du contexte.

M. Jean Arthuis, président. - On ne va pas demander à une intercommunalité de se grouper dans une autre.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas ce qui est attendu.

M. Philippe Adnot. - Et les communes qui veulent rester isolées ?

M. Jean Arthuis, président. - Comment dégager des économies s'il n'y a jamais de perdant ?

M. François Fortassin. - On connaît...

L'amendement n° 6 est adopté.

Article 10

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 7, relatif aux attributions du FCTVA, est de clarification.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 34 quinquies

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 8 assure l'harmonisation des taux que j'ai évoquée tout à l'heure. Il est en effet inutile d'attendre un nouveau dispositif pour l'appliquer.

M. Philippe Adnot. - M. Jarlier m'a donné un pouvoir pour voter contre les amendements à ces articles.

M. Jean Arthuis, président. - Toute délégation de vote doit être remise au secrétaire général du Sénat mais je prends note de l'opposition de M. Jarlier.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article 35 bis

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Il serait contreproductif de ne pas permettre l'élaboration de schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services avant la création des conseillers territoriaux, d'où l'amendement n° 9.

M. Jean Arthuis, président. - On ignore comment ils seront élus !

Mme Michèle André. - Ce qui a été supprimé, c'est le mode d'élection et le tableau annexé.

M. Philippe Adnot. - Comme je suis contre ces articles, je suis contre cet amendement.

M. François Fortassin. - Le conseiller territorial est un élu, il est absurde de ne pas définir son mode d'élection.

M. Jean Arthuis, président. - C'est la référence à l'élection qui a été supprimée.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 35 ter

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Je ne connais pas « l'envergure régionale », mais les élus peuvent par leurs votes définir « l'intérêt régional ». C'est l'objet de l'amendement n° 10.

L'amendement n° 10 est adopté, ainsi que l'amendement de repli n° 11.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Afin de ne pas pénaliser le maître d'ouvrage, l'amendement n° 12 précise que le calcul de sa contribution se fait par rapport aux seuls financements publics.

L'amendement n° 12 est adopté.

Article 35 quater (supprimé)

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 13 rétablit l'article 35 quater, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 2015 sans instaurer de contrainte pour les départements et les régions. Ne prenons pas le risque que l'Assemblée nationale adopte un texte plus restrictif : cette rédaction de compromis marque la position du Sénat sur le sujet important de la période transitoire.

L'amendement n° 13 est adopté.

M. Jean Arthuis, président. - Je suis extrêmement réservé sur l'ensemble de ce texte, car j'ai du mal à surmonter le sentiment qu'il aurait fallu partir des institutions plutôt que du conseiller territorial : pourquoi les communes n'ont-elles pas reçu de nouvelles compétences lors de la décentralisation ? Parce 34 000 des 37 000 communes n'auraient pas pu les assumer. Voilà par où il aurait fallu commencer.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Je n'ai pas osé aller jusque là.

A l'issue de ce débat, la commission des finances donne un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie (articles 5, 5 bis A, 5 ter, 8, 10, 34 ter, 34 quater, 34 quinquies A, 34 quinquies, 35, 35 bis, 35 ter, 35 quater et 35 quinquies) ainsi modifiés.

- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

Contrôle budgétaire de la dévolution du patrimoine immobilier aux universités - Communication

Puis, la commission entend, conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication une communication de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs, sur le contrôle budgétaire relatif à la dévolution du patrimoine immobilier aux universités.

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Jean-Léonce Dupont et moi-même avons souhaité consacrer notre troisième mission de contrôle commune au volet immobilier de l'autonomie des universités, découlant de la loi LRU de 2007.

Je vous rappelle que, contrairement à l'accès aux responsabilités et compétences élargies en matière de gestion budgétaire et des ressources humaines, la dévolution du patrimoine immobilier est, aux termes de cette loi, une compétence optionnelle tant pour les universités que pour l'Etat.

Si l'on veut faire un état des lieux on constate que le patrimoine immobilier universitaire est important, mais dégradé et sous-optimisé.

Au 31 décembre 2009, la surface hors oeuvre nette de l'ensemble des universités s'élevait à 18,7 millions de m2, dont 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. Cette surface a augmenté de 20 % par rapport à 2002.

Je précise que 35 % de ce patrimoine seraient vétustes ou en mauvais état. En outre, il est trop souvent inadapté aux besoins : les surfaces ne sont pas optimisées, ce qui résulte notamment d'une faible responsabilisation des universités et d'une gestion corporatiste des locaux par leurs composantes.

En effet, les établissements ont été peu incités à une bonne gestion des locaux qui leur ont été affectés ou ont été mis à leur disposition par l'Etat.

Par ailleurs, l'ancien modèle d'allocation des moyens budgétaires aux universités (SAN REMO) et les contrats de projets Etat-région (CPER) ont encouragé une course au m2, plutôt qu'un entretien convenable et une rationalisation de l'utilisation des surfaces existantes.

Pourtant, l'Etat a consacré des moyens conséquents à l'immobilier universitaire. Mais, jusqu'à une date récente, ils ont été mis en oeuvre sans véritable vision globale et stratégique, aussi bien de la part des établissements que de l'administration centrale. Ils l'ont été de façon dispersée, par le biais de canaux de financement multiples.

De 2000 à 2010, l'effort moyen annuel de l'Etat en faveur de l'immobilier, hors crédits de maintenance, s'est ainsi élevé à un peu plus de 500 millions d'euros en crédits de paiement. Cet effort est passé à 580 millions d'euros par an entre 2007 et 2010. En outre, des évolutions qualitatives se dessinent depuis 2008 : réforme du modèle d'allocation des moyens, mise en place d'une programmation des mises en sécurité, évolution qualitative des CPER, développement d'une approche par site et globale.

Depuis cette date, l'allocation de nouvelles enveloppes exceptionnelles a permis d'accélérer la remise à niveau du patrimoine immobilier (avec le plan de relance, l'opération Campus ainsi que les opérations Campus prometteurs et innovants).

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Je vais pour ma part vous présenter le contexte juridique et les objectifs de la dévolution du patrimoine immobilier universitaire.

Dans ce contexte, passer d'un « Etat propriétaire » à des « universités propriétaires » répond tout d'abord à l'objectif général d'amélioration de la gestion publique.

Je rappelle que, depuis la loi du 10 juillet 1989, les établissements d'enseignement supérieur exercent les mêmes droits et obligations que ceux du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens. La loi LRU, en autorisant sous certaines conditions la dévolution du patrimoine immobilier aux universités, leur permettra de disposer désormais des droits réels sur leurs biens. Elles devront notamment avoir accédé préalablement aux responsabilités et aux compétences élargies (RCE) en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Elles devront aussi :

- avoir défini une politique immobilière ;

- avoir remis à niveau leur comptabilité patrimoniale ;

- avoir organisé la fonction support immobilière ;

- et consacrer à cette fonction les moyens adéquats.

Derrière et au-delà des volets juridique et financier du sujet, l'enjeu est bien entendu stratégique. C'est pourquoi cette évolution vers des « universités propriétaires » est une étape fondamentale de leur autonomie, dans un contexte mondial où la compétition entre les systèmes d'enseignement supérieur s'est exacerbée.

Le processus de transfert du patrimoine aux universités constitue pour elles une nécessité et une opportunité. En effet, l'autonomie immobilière leur permettra d'inscrire la stratégie immobilière dans leur projet d'établissement et de renforcer leur identité, leur image de marque et leur attractivité.

Elle permettra également de responsabiliser les établissements grâce à de nouvelles compétences, notamment en les encourageant à procéder à des choix stratégiques, dans le cadre de modalités de financement redéfinies.

Leur schéma immobilier stratégique devra prendre en compte leur projet d'établissement, en termes d'enseignement, de recherche et de vie étudiante. Elles seront incitées à mieux répondre aux besoins de leurs usagers, ce qui pourra passer par une rationalisation des locaux et une cession des immeubles inutiles. C'est pourquoi, elles pourront disposer d'une marge de manoeuvre non négligeable.

Pour ce qui est des contraintes, le modèle retenu pour la dévolution devra, selon nous, apporter des réponses à différentes préoccupations :

- il devra permettre aux établissements à la fois d'amortir les biens reçus et de supporter la contrainte de leur renouvellement. Ce n'est qu'à cette condition que les universités saisiront l'opportunité qui leur est offerte, mais qui constitue aussi un risque pour elles ;

- l'allocation des moyens aux universités propriétaires doit être vertueuse et correctement calibrée. Or, la traduction comptable et budgétaire de cette dévolution est délicate : compte tenu de l'apparente faible valorisation du patrimoine universitaire, une budgétisation de la seule dotation comptable aux amortissements ne permettrait pas de faire face aux besoins réels de renouvellement des immeubles. La dévolution aura donc un coût pour l'Etat et la définition de sa contribution constitue un enjeu majeur dans le contexte contraint de nos finances publiques ;

- le modèle devra permettre une certaine équité entre établissements. Ceci recouvre deux sujets :

. la nécessité de procéder à des rééquilibrages, en raison de la diversité des situations immobilières, liée à « l'héritage » du passé ;

. la question de la soutenabilité financière pour l'Etat, le processus de dévolution se déroulant sur plusieurs années. L'Etat devra pouvoir assumer la charge du transfert de propriété, qui représente un double coût pour lui : la mise en sécurité préalable et le versement d'une contribution aux nouvelles charges immobilières des universités.

- en outre, l'Etat devra contribuer au développement futur des universités, le cas échéant ;

- enfin, nous souhaitons que la méthode retenue pour la dévolution du patrimoine comporte des critères qualitatifs.

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Pour ce qui est de la méthode proposée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que nous venons de le dire, en devenant propriétaires, les universités devront amortir les biens reçus et supporter la charge de renouvellement de ces derniers. La contribution de l'État à ces nouvelles charges comprendrait :

- une contribution annuelle, rapportant l'activité de l'établissement aux surfaces cibles nationales définies par étudiant présent aux examens et enseignant-chercheur publiant ;

- le cas échéant, une soulte d'un montant variable selon les établissements et d'une durée limitée, et comprenant notamment les travaux préalables de mise en sécurité prévus par la loi LRU.

Voici les propositions que nous souhaitons avancer :

- bien que cette méthode ne tienne pas compte de la valorisation des biens transférés, il est toutefois indispensable que le travail effectué par France Domaine soit fiabilisé aussi bien dans l'intérêt de l'État, que dans celui des universités, qui doivent pouvoir disposer d'une évaluation correcte dans le cadre de la rationalisation du parc immobilier ;

- le mode de calcul de la contribution annuelle recueille notre approbation, dans la mesure où la référence à une surface cible permet de prendre en compte l'hétérogénéité des situations et de procéder à des rééquilibrages ;

- toutefois, il pose la question de la prise en compte des surfaces dont la construction est programmée (CPER 2007-2013). En effet, le modèle semble figer la surface nationale de référence (15,3 millions de m2 en 2010), ce qui signifierait que les établissements devraient alors assumer sur leurs ressources propres les charges afférentes aux nouvelles surfaces ;

- les modalités de la soulte pouvant être allouée lors de la dévolution ne sont pas précisées à ce jour. Nous souhaitons que ce « coup de pouce » soit défini en fonction de critères qualitatifs formalisés, prenant aussi bien en compte le passé que l'avenir : état du bâti transféré, qualité et crédibilité du schéma directeur immobilier et du projet d'établissement, capacité d'autofinancement de l'établissement ;

- nous préconisons la mise en place d'un dialogue régulier entre l'Etat et chaque université, notamment dans le cadre du contrat quadriennal, afin d'évaluer le processus et de prendre en compte la dynamique de l'établissement ;

- la capacité d'autofinancement des établissements doit être renforcée, non seulement grâce aux ressources propres dégagées sur d'autres actions (valorisation des brevets, fondations), mais aussi par la rationalisation de leur parc immobilier, transféré ou détenu en propre. Néanmoins, s'agissant des produits de cession, nous suggérons, dans un souci d'équité, qu'une partie de ces produits soit mutualisée afin de contribuer au financement du coût global de la dévolution.

- le coût d'un transfert global du patrimoine immobilier est incertain, mais il nécessiterait, en tout état de cause, un effort supplémentaire de la part de l'Etat d'au moins 125 millions d'euros par an, en l'absence d'autres sources de financement ;

En effet, la contribution annuelle serait de 725 millions d'euros par an si l'on consacre 50 euros par m2 aux 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. L'effort d'investissement actuel de l'Etat étant, sur les trois dernières années, proche de 600 millions d'euros, le coût net est de 125 millions d'euros. Cependant, cette somme ne comprend pas la dépense liée aux travaux de mise en sécurité préalable ni l'enveloppe spécifique négociable au moment de la dévolution.

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Nous nous interrogeons sur la soutenabilité financière d'un tel schéma :

- s'agissant de l'Etat, la situation particulièrement contrainte de nos finances publiques, tout comme le terme de l'engagement présidentiel concernant le niveau de financement de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) sur 2007-2012, suscitent des interrogations quant à la possibilité d'augmenter encore l'effort de l'État en faveur de l'immobilier universitaire, qui n'est pas la seule priorité de cette mission budgétaire ;

- transférer la part « collectivités territoriales » des CPER vers le financement des charges immobilières de bâtiments dont elles n'ont pas la responsabilité apparaît délicat. En outre, nous nous inquiétons de la faiblesse des marges de manoeuvre financières des collectivités, en raison de l'augmentation de certains postes de dépenses et des perspectives d'évolution des dotations de l'Etat à leur endroit.

- au demeurant, le transfert du patrimoine immobilier à l'université doit favoriser une confiance mutuelle entre les différents acteurs. A cette fin, il convient de :

. clarifier les modalités de la dévolution ;

. soumettre l'université à la preuve qu'elle a mis en place tous les moyens d'assumer pleinement ses responsabilités, ce qui suppose un renforcement de sa capacité de gestion, mais aussi la définition d'une stratégie pertinente ;

. mieux associer les collectivités territoriales à la définition du paysage universitaire ;

. privilégier le pragmatisme s'agissant du rôle des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) en matière immobilière.

- nous souhaitons un suivi du processus de dévolution : le Parlement doit être tenu informé, chaque année, de l'application de ce volet essentiel de la loi LRU. Le comité de suivi de la loi - dont nous sommes membres - devra être associé à cette évaluation.

- la conduite de stratégies immobilières doit être possible et encouragée indépendamment du processus de dévolution. Nous souhaitons un assouplissement du cadre juridique afin que les universités puissent rénover leur patrimoine le plus efficacement possible, dans le cadre de partenariats public-privé ou public-public. Nous déposerons sans doute d'ailleurs une proposition de loi à cette fin.

Je précise que notre réflexion vient compléter celle engagée par le ministère dans la phase actuelle d'expérimentation du processus de dévolution du patrimoine immobilier universitaire. Notre objectif est de tenter de lui apporter une certaine valeur ajoutée car c'est aussi le rôle du Sénat de participer aux réflexions afin d'influer sur les prises de décision.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je partage votre constat et juge, comme vous, nécessaire que le Parlement suive ce processus de dévolution. Nous sommes tous frappés par la complexité de la situation et par le mauvais état du patrimoine immobilier universitaire. Les établissements n'ont globalement pas très bien géré leur patrimoine et l'autonomie doit se traduire par une saine politique d'entretien des bâtiments. Mais comment faire en sorte que les universités vertueuses en la matière ne fassent pas les frais de l'impéritie des autres ?

M. Ivan Renar. - Je suis préoccupé par la situation actuelle et je me pose la question suivante : comment, en quelque sorte, apporter des réponses inégalitaires pour retrouver une égalité de situation entre les universités sur l'ensemble du territoire ? Il convient à la fois de favoriser l'excellence et d'assurer l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. Comment le patrimoine immobilier peut-il y contribuer ?

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - La principale valeur d'une université dépend, certes, de la qualité de ses formations et de ses équipes de recherche. Mais l'amélioration de la politique immobilière doit permettre d'augmenter les moyens afin de les consacrer à l'essentiel.

M. Serge Lagauche. - Je crois qu'il faut partir du bilan de l'existant et identifier les problèmes qui sont de la responsabilité du propriétaire. Mais cette démarche relève-t-elle du ministère ou des universités elles-mêmes et ne pourrait-on pas simplifier le dispositif ? En tout état de cause, tous les établissements doivent se voir appliquer les mêmes critères.

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Le système actuel s'avère pervers et inefficace car les conditions de développement du patrimoine relèvent de critères peu rationnels et incitent à une course au m2, en raison notamment d'une absence de vision globale de l'Etat. Le transfert du patrimoine s'accompagnera de la définition de schémas directeurs immobiliers et d'une convention de dévolution encadrant à la fois les besoins et les moyens.

La difficulté de répondre à notre double souhait de ne pas handicaper des établissements vertueux et de permettre l'équité, montre bien la complexité de la situation, notamment liée à la diversité des situations selon l'état du bâti. C'est pourquoi nous proposons une mutualisation partielle des produits de cession, une partie d'entre eux devant bien entendu être conservée par l'université concernée.

M. Jean-Claude Etienne. - Il serait nécessaire que les moyens immobiliers permettent de mieux servir la stratégie des universités. Il conviendrait de retenir des critères assurant une répartition juste des moyens en fonction de l'appréciation portée sur la stratégie de développement des universités. Il est néanmoins difficile d'apprécier le niveau de performance à venir ; d'où la nécessité de critères afin de tenir compte de la disparité des situations et des sources de performance qu'il conviendrait de valoriser, toutes les universités comportant des pépites. Par ailleurs, quelle place devrait être accordée aux PRES, notamment dans le cas d'universités présentes sur un même site mais dont seules certaines appartiennent à un PRES ?

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Il nous semble légitime qu'un PRES dit fusionnel - c'est-à-dire doté d'une gouvernance unique - conduise les affaires immobilières et bénéficie de la dévolution des biens immobiliers ; en revanche, tel ne devrait pas être le cas pour les autres types de PRES. La question se pose aussi dans le cadre de l'opération Campus, conditionnée à la constitution d'un PRES - même non fusionnel -, alors que la mise en place d'un partenariat public-privé entre deux universités n'opérant pas les mêmes choix stratégiques s'avère compliquée. Pour nous, en l'absence de PRES fusionnel, la compétence immobilière doit rester de la responsabilité de chaque université. En fait, il convient de partir du projet et non pas du périmètre administratif.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - J'ai quelques préoccupations d'ordre comptable : l'apport d'immeubles de l'Etat vers les universités doit-il être considéré comme une cession ou comme une dotation en capital ?

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Il s'agit d'une cession à titre gratuit.

M. Jean Arthuis, président. - Le transfert de la propriété du patrimoine augmente les capitaux propres de l'établissement, soit la valeur de l'ensemble de ses actifs. Dans ces conditions, pourquoi ne pas constituer, à la place du dispositif envisagé, des fonds de dotations pour gérer ces actifs ? Ou, pourquoi ne pas envisager que l'Etat garde la propriété des bâtiments et perçoive des loyers de la part des universités, ce mécanisme pouvant également inciter ces dernières à optimiser le parc immobilier ?

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - Si l'on se fondait sur un raisonnement strictement comptable, les universités mal dotées sur le plan immobilier n'auraient jamais les moyens de renouveler leur patrimoine, compte tenu de la faiblesse de leurs dotations aux amortissements. Je précise que la limite au transfert de responsabilités tient aux règles de la domanialité publique, qui veulent qu'une université souhaitant céder un bien doit obtenir l'autorisation préalable de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président. - Que se passera-t-il pour les immeubles dont des collectivités territoriales sont propriétaires ?

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - A l'heure actuelle, dans le cas le plus courant, les collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage, remettent les immeubles nouvellement construits à l'Etat.

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Il existe aussi le cas d'immeubles dont les collectivités territoriales restent propriétaires. Ceci est notamment courant à Paris. Le schéma qui consisterait à appliquer des loyers ne s'inscrirait pas dans l'esprit de la loi LRU et ne permettrait pas aux universités de disposer des mêmes marges de manoeuvre que leurs homologues étrangères. Il faut bien comprendre que le modèle envisagé par le ministère est conceptuellement déconnecté des dotations aux amortissements comptables. Si les commissaires aux comptes ont souvent émis des réserves relatives au volet patrimonial du bilan des établissements, c'est pour des considérations d'ordre comptable.

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - France Domaine estime la surface hors oeuvre nette de l'ensemble des universités à plus de 18 millions de m2, dont 15,3 millions de m2 propriété de l'Etat. Parallèlement, l'effort moyen annuel de l'Etat en faveur de l'immobilier, hors crédits de maintenance, s'est élevé à près de 600 millions d'euros entre 2007 et 2010. Est-ce un heureux hasard ? Le rapprochement de ces deux sommes conduit à une durée d'amortissement de trente ans, durée reconnue comme normale. Mais la question de la mise à niveau de la diversité des parcs immobiliers concernés n'est pas réglée pour autant. C'est pourquoi nous adhérons au système envisagé par le ministère, car il apparaît vertueux. Il va dans la bonne direction, même si nous émettons des réserves.

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - Ce qui explique que nous proposions une clause de revoyure.

Mme Françoise Laborde. - La complexité du système explique-t-elle le faible nombre d'universités candidates (9 sur 84) ?

M. Philippe Adnot, co-rapporteur. - D'autres facteurs peuvent aussi l'expliquer :

- seuls les établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies peuvent demander la dévolution du patrimoine immobilier ;

- ils doivent s'être dotés des compétences en matière de gestion financière et immobilière, et en faire la preuve.

Il est donc normal que le processus soit progressif. En outre, l'accès d'un petit nombre d'universités à l'autonomie immobilière dans un premier temps permettra d'apprécier les contraintes et contradictions du système, afin de l'adapter le cas échéant. Enfin, compte tenu de la situation des finances publiques, l'Etat ne pourrait assumer la dévolution du patrimoine simultanément pour l'ensemble des universités.

M. Jean-Léonce Dupont, co-rapporteur. - La liste des neuf universités candidates à la dévolution montre la variété des situations. Une vraie gestion patrimoniale suppose une réelle volonté, qui n'existe pas encore partout. De nombreuses universités ont encore une connaissance imparfaite de leur patrimoine et ne se sont pas dotées des compétences techniques requises, ce qui commence cependant à être le cas d'un certain nombre d'entre elles. Tout cela demande du temps.

M. Jean Arthuis, président. - J'ai pu constater, dans ma région, les progrès réalisés depuis l'adoption de la loi LRU en termes de gouvernance.

A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication donnent acte à MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs, de leur communication, et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -

Orientation des finances publiques - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2011.

M. Jean Arthuis, président. - L'audition du Premier président de la Cour des comptes constitue un moment essentiel pour préparer l'examen du projet de loi de règlement des comptes et le débat d'orientation budgétaire, qui auront lieu cette année au Sénat le 8 juillet, respectivement le matin et l'après-midi, conformément au « chaînage vertueux » retenu par les pères de la loi organique relative aux lois de finances.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Je suis honoré de cette audition commune consacrée à la présentation du rapport 2010 sur la situation et les perspectives des finances publiques établi par la Cour des comptes pour laquelle je suis accompagné de Christian Babusiaux et Rolande Ruellan, présidents de chambre, ainsi que d'autres collègues. Ce rapport, établi conformément à l'article 58-3° de la LOLF, complète le rapport sur les résultats et l'exécution du budget de l'État et l'acte de certification de ses comptes, que j'ai présentés à la commission des finances le 26 mai dernier, ainsi que l'acte de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qui a été rendu public hier et que j'exposerai à la commission des affaires sociales le 6 juillet prochain.

Pour en résumer les conclusions, la dégradation très sérieuse de nos finances publiques en 2009 et au début de 2010 n'est pas encore irréversible si la France s'attelle dès maintenant à une action de redressement forte, crédible et durable. Si le mal qui atteint nos finances publiques est chronique, ce dont témoignent les précédents rapports de la Cour, la maladie a franchi un nouveau stade. Il y a urgence à la traiter, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.

Avant de décrire les perspectives, arrêtons-nous quelques instants sur les exercices 2009 et 2010.

En 2009, notre déficit et notre endettement publics ont atteint un niveau sans précédent depuis l'après-guerre. Le déficit public s'est élevé à 7,5 % du PIB, en raison d'un accroissement des dépenses publiques de 3,7 % en volume et d'une baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008. Si l'on exclut les mesures liées à la crise - soit le plan de relance de 7 milliards, le remboursement anticipé de TVA aux collectivités pour un coût de moins de 1 milliard et un accroissement de 4 milliards des allocations chômage -, le rythme d'augmentation des dépenses publiques est de 2,4 %, un chiffre bien supérieur à celui de 1% prévu dans la loi de programmation. En outre, les charges d'intérêt payées au titre de la dette ont fortement diminué du fait de la baisse des taux. Autrement dit, ce sont les dépenses courantes, hors intérêts de la dette, hors investissement, et hors mesures de relance et d'assurance chômage, qui ont progressé de 3,7 % en volume. L'année 2009 a donc été marquée par un « phénomène de décompensation », un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques dans tous les secteurs, dont s'était inquiété Philippe Séguin devant vous l'an dernier. Quant à la baisse des recettes, majoritairement attribuable à la récession et, dans une moindre mesure, au volet fiscal du plan de relance, elle est également la conséquence de baisses pérennes de prélèvements obligatoires, telle la diminution du taux de TVA sur la restauration, et des hausses de recettes affectées aux organismes de protection sociale ou aux collectivités territoriales. Le coût net de ces mesures nouvelles a aggravé le déficit public de 2,5 milliards en 2009. Du côté des dépenses comme des recettes, la crise n'explique donc qu'une partie de la dégradation de nos finances publiques. Pour dresser un diagnostic précis du mal, il est nécessaire de procéder à de savants calculs, sur la base d'une prévision de croissance potentielle. Le chiffrage de la Cour ne prend pas en compte les mesures de relance, considérées comme non pérennes, contrairement à la Commission européenne qui retient, en conséquence, un niveau de déficit structurel sensiblement plus élevé que le nôtre. D'après nos calculs, le déficit structurel est de 5 % du PIB en 2009, contre 3,9 % en 2008, la crise et les mesures de relance expliquant seulement un tiers du déficit global.

Je ne reviens pas sur la forte augmentation du déficit public de 4,2 points de PIB, principalement attribuable à l'État et à ses divers organismes d'administration centrale, que j'avais évoquée à l'occasion de la présentation du rapport sur les résultats et l'exécution budgétaire de l'État.

L'année 2009 aura également été marquée par une forte hausse des déficits sociaux du fait d'une croissance des dépenses de 4,5 %, après une augmentation de 3,1 % en 2008, conjuguée à une diminution des recettes due à la baisse en valeur de la masse salariale privée de 1,3 %. Ce déficit atteint 20,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards de déficit pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2009, les quatre branches du régime général sont dans le rouge. L'assurance maladie, avec un solde négatif de plus de 10 milliards, est responsable de la moitié du déficit d'ensemble des branches. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été à nouveau dépassé de 700 millions en 2009, du fait d'une sous-estimation des dépenses hospitalières et de la réalisation incomplète des économies prévues en loi de financement. Le déficit de la branche retraite continue de se creuser pour atteindre 7,2 milliards, confirmant la tendance observée depuis 2005, malgré une croissance moins vive des prestations servies grâce au ralentissement des départs anticipés. La branche famille enregistre également un déficit important de 1,8 milliard, alors qu'elle était proche de l'équilibre en 2008. Quant à l'assurance chômage qui avait dégagé d'importants excédents en 2007 et 2008, elle est redevenue déficitaire en 2009 avec un résultat négatif de plus de 1 milliard.

Dans ce panorama, les collectivités territoriales se distinguent : leur déficit, qui a diminué de plus de 3 milliards en 2009, représente désormais 0,3 % du PIB, contre 0,4 % en 2008. Leurs recettes ont progressé plus fortement que leurs dépenses, grâce aux remboursements anticipés de TVA qui n'ont guère relancé l'investissement. Leurs dépenses de fonctionnement ont décéléré sensiblement par rapport aux années précédentes, sauf pour les intercommunalités. Néanmoins, ces évolutions positives masquent l'aggravation de la situation financière de nombreux départements, victimes d'un effet de ciseau entre le dynamisme des dépenses sociales et la faible progression de leurs recettes.

Plus préoccupant, le déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts de la dette, est passé de 0,5 % en 2008 à 5,1 % du PIB en 2009. Dans ces conditions, il est impossible de stabiliser l'endettement en pourcentage du PIB, la France devant emprunter pour payer les intérêts de la dette et une partie des dépenses courantes hors intérêt. C'est le fameux effet boule de neige décrit par Philippe Séguin l'an dernier. La dette au sens du traité de Maastricht a augmenté en une seule année de plus de dix points de PIB. Elle représente 78,1 % du PIB, soit presque 1 500 milliards. La dette publique est portée à près de 80 % par l'État et les organismes qui lui sont rattachés, dont l'endettement a progressé de 135 milliards en 2009. La dette sociale a augmenté, pour sa part, de 31 milliards, si l'on tient compte des 24 milliards de découvert de trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) fin 2009. Au total, avec les déficits transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et non amortis, la dette sociale atteint près de 150 milliards, soit quasiment le niveau de la dette locale qui s'établit à 157 milliards. Toutefois, la dette sociale est profondément anormale, les cotisations devant couvrir les prestations, quand la dette locale, elle, résulte d'investissements et a pour contrepartie des actifs.

Pour mieux comprendre l'état de nos finances publiques, recourons à des comparaisons internationales. Notre position, défavorable l'an dernier, l'est restée. Notre déficit et notre dette publics ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, malgré une récession moins violente et un plan de relance d'une ampleur plus limitée. Plus inquiétant : le décrochage de la France par rapport à l'Allemagne. Notre déficit public, inférieur à celui constaté outre-Rhin entre 2002 et 2005, est supérieur de plus de quatre points de PIB en 2009. De même, notre déficit structurel est supérieur de quatre points de PIB à celui de l'Allemagne en 2009 quand la différence était d'un point en 2006. Quant à l'écart entre les soldes primaires français et allemand, il dépasse pour la troisième année consécutive les trois points de PIB, un niveau jamais atteint. Notre dette publique qui était inférieure à celle de l'Allemagne jusqu'à fin 2007, lui est désormais supérieure de cinq points. D'aucuns considèrent que ces écarts croissants tiennent à une gestion trop restrictive des finances publiques en Allemagne. Pour autant, la dégradation de notre position en Europe est également patente lorsque l'on nous compare à l'Italie : notre déficit public comme notre solde structurel sont supérieurs depuis trois ans à ceux de l'Italie, même si notre dette reste inférieure.

Pour 2010, le Gouvernement annonce une nouvelle dégradation : le déficit et la dette publics atteindraient respectivement 8 % et 83,7 % du PIB. Cette évolution s'explique par une croissance de 1,7 % des dépenses publiques en volume, hors relance et allocations chômage, soit un niveau bien supérieur à l'objectif de 0,6 % retenu pour la période 2011-2013 ; et par une insuffisante sécurisation des recettes résultant, entre autres, de la réforme de la taxe professionnelle. Dès lors, le déficit structurel atteindra 5,7% du PIB, soit une hausse de 100 milliards. L'ensemble des administrations publiques sera concerné en 2010, même si les organismes sociaux seront les plus affectés en raison du faible dynamisme de la masse salariale. En retenant les hypothèses du Gouvernement, le déficit du régime général sera proche de 27 milliards, dont la moitié proviendra de l'assurance maladie, auquel il faut ajouter le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui s'établira à 4,3 milliards ; celui de l'assurance chômage atteindra 10 milliards. Le déficit budgétaire de l'État sera de 152 milliards -un record. La prévision d'un fort rebond de recettes fiscales nettes apparaît volontariste au regard de la précédente récession de 1993, qui s'était traduite par une élasticité des recettes fiscales sensiblement inférieure à l'évolution du PIB pendant trois ans. Dans ce contexte, l'augmentation de près de 12 milliards de recettes fiscales fin avril 2010 doit être interprétée avec une grande précaution. Elle traduit d'abord le contrecoup des mesures de relance de début 2009. Ce déficit record est surtout la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle d'un coût net de 12,7 milliards et des 35 milliards de dépenses d'investissements d'avenir. Certes, les investissements d'avenir auront un faible impact en 2010 sur le déficit et l'endettement publics au sens de Maastricht. En effet, les 35 milliards, déposés auprès du Trésor, seront versés, pour partie, par tranches de 4 à 5 milliards chaque année sur une période de quatre ans, sans être inclus dans la norme de dépenses. Le reste de cette somme, non consomptible, donnera lieu au versement d'intérêts de 600 millions par an qui seront, eux, intégrés dans la norme de dépense, ce qui accroîtra d'autant l'effort nécessaire de réduction des dépenses courantes de l'État. Pour autant, ce programme d'investissement augmentera la dette de 19 milliards en 2014, sans compter la charge cumulée des intérêts de plus de 11 milliards durant la période 2010-2020.

L'année 2010 sera probablement marquée par une nouvelle dégradation de la capacité d'autofinancement des collectivités, et en particulier des départements du fait de la forte croissance des dépenses sociales. Leur besoin de financement progressera dans un contexte d'incertitudes sur l'évolution du cadre institutionnel et financier des collectivités et de baisse des remboursements de la TVA.

Résultat : le déficit public de la France restera plus élevé que celui des pays de la zone euro et de l'Union européenne, supérieur de trois points de PIB à celui de l'Allemagne. La dette publique sera dans les moyennes communautaires, mais son déficit structurel continuera d'être plus élevé.

Le futur n'est pas davantage rassurant. Les conditions d'un retour à un déficit public de 3 % du PIB, objectif affiché par le Gouvernement, sont loin d'être assurées à ce jour. Le programme de stabilité adressé à la Commission est fondé sur une croissance de 2,5 % par an entre 2011 et 2013. Le Gouvernement a, en effet, privilégié un scénario de rattrapage rapide des pertes de production, plus favorable que les scénarios du rapport Cotis-Champsaur. L'élasticité des recettes semble surévaluée tandis que l'objectif de progression des dépenses, de 0,6 % par an, paraît très ambitieux. Comment dégager 45 milliards d'économie, et beaucoup plus sur les dépenses primaires pour compenser la hausse des charges d'intérêt, au vu des décisions qui font suite à la publication du Livre blanc sur la défense nationale ou encore de l'accroissement des dépenses fiscales prévues au titre du Grenelle de l'environnement ? En outre, il sera difficile à l'État de diminuer de 1 à 2 points le rythme des dépenses des administrations locales et sociales, faute de leviers efficaces pour les réguler.

A moyen terme, la soutenabilité des finances publiques de la France n'apparaît pas assurée. Si l'on retient une croissance de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, le déficit public et la dette dépasseront en 2013 respectivement 6 % et 93 % de la richesse nationale. Le redressement de nos finances publiques est désormais un impératif. Il faut un traitement immédiat, continu et massif de nos déséquilibres financiers pour réussir à faire atterrir cet avion gros porteur qu'est la France, lancé à pleine vitesse, sur une piste qui se réduit à mesure que notre endettement devient de moins en moins supportable.

Parmi les causes de déséquilibres financiers qui menacent à court terme la soutenabilité des finances publiques figurent les retraites avant la mise en oeuvre des mesures récemment annoncées par le Gouvernement. Le rôle de la Cour n'est pas de prendre parti sur celles-ci, mais de mesurer leur impact. Le chiffrage du besoin de financement par le conseil d'orientation des retraites (COR), à l'horizon 2050, est de 114 milliards pour l'ensemble des régimes de retraite, selon le scénario le plus pessimiste, soit 3 % du PIB. La réforme aura un effet structurel à long terme, c'est-à-dire à l'horizon 2020. Pour autant, ces calculs ne tiennent pas compte des charges d'intérêts au titre des déficits cumulés des régimes, supérieures en 2050 à 114 milliards. Les mesures annoncées par le Gouvernement réduiront relativement peu le déficit à court terme alors que la moitié du problème de financement des retraites se pose dès maintenant. Le déficit hors intérêts, de 1,7 % du PIB en 2010 selon le COR, doit être traité par des mesures d'impact immédiat pour enrayer l'effet boule de neige des intérêts de la dette.

En outre, les comparaisons internationales montrent que la France devra faire un effort de redressement équivalent aux autres pays européens pour compenser la situation initiale plus dégradée de ses finances publiques. La réforme des seules retraites ne suffira pas à traiter un problème financier global, qui appelle des mesures continues et vigoureuses de l'État, des organismes sociaux et des collectivités. Depuis des années, il y a un décalage permanent entre les dépenses et les recettes publiques : les dépenses ne sont couvertes qu'à hauteur de 86 % en 2009 et les recettes de l'État couvrent à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes. Le Gouvernement a annoncé des mesures d'approche pour réduire la progression des dépenses fiscales, des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement de l'État et de ses opérateurs. La diminution du déficit structurel de 1 point de PIB chaque année sur la période 2011-2013, soit 20 milliards par an, à laquelle il s'est engagé devant le Conseil de l'Union européenne, devra être impérativement tenue. Il revient au Gouvernement et au Parlement de décider des modalités de cet ajustement budgétaire, difficile, mais non impossible comme l'ont prouvé de nombreux pays.

Si la Cour n'a pas pour rôle de mettre au point un programme qui engagerait des choix collectifs, elle est fondée, de par la mission d'assistance qui lui est confiée par la Constitution, à identifier les termes du débat, le niveau des efforts à accomplir et à proposer des pistes de réflexion. Il convient d'abord de déterminer la part respective que doivent jouer la hausse des recettes et la réduction des dépenses dans le redressement. Pour la Cour, l'effort doit porter prioritairement sur la dépense publique, dont les effets sont plus durables pour la consolidation des comptes publics. Cela implique une politique, plus ambitieuse que celle de la révision générale des politiques publiques, consistant à réexaminer l'ensemble des dépenses publiques, et notamment les plus coûteuses : les prestations sociales, qui représentent le tiers des dépenses publiques, les rémunérations, qui en constituent le quart, mais également les dépenses d'assurance maladie, dont le déséquilibre est tout aussi fort que celui des retraites. De telles réformes structurelles nécessitent, au préalable, une réflexion sur le bien-fondé et l'efficacité de l'intervention publique afin de ne pas dégrader la qualité du service rendu. La Cour entend prendre toute sa part dans la revue générale des programmes, conformément à sa nouvelle mission constitutionnelle.

Les réformes structurelles ayant un impact budgétaire souvent très progressif, il faut dès à présent mettre l'accent sur les dépenses d'intervention. Depuis de trop nombreuses années, nous avons pris la mauvaise habitude de tenir un guichet ouvert pour des publics sans cesse plus nombreux. L'insuffisante sélection de la dépense publique conduit à un saupoudrage, que la Cour a déjà souligné en matière d'aides personnelles au logement ou au développement des entreprises. En attendant, il faudra prendre des mesures à effet rapide, quitte à ce qu'elles soient temporaires. Ainsi, pourrions-nous gager toute nouvelle dépense publique de manière à ce que la satisfaction des nouveaux besoins soit strictement réalisée par redéploiement. Il serait en effet paradoxal de vouloir à la fois réduire la vitesse à l'atterrissage, tout en appuyant en même temps sur la manette des gaz. De même, n'attendons pas d'atteindre le bout de piste pour actionner les freins ! La Cour propose une « boîte à outils » pour consolider rapidement les comptes publics. En matière de dépenses de personnel, les réductions d'effectifs ayant des limites inévitables, la prochaine négociation salariale pluriannuelle dans la fonction publique sera déterminante : la hausse de 1 % de la valeur du point de la fonction publique représente 1,8 milliard en année pleine. D'autres pays ont déjà pris des décisions de gel, voire même de baisse des rémunérations des hauts fonctionnaires ou de l'ensemble des fonctionnaires. Toutefois, l'alignement progressif des cotisations retraite de la fonction publique sur le régime général, annoncé par le Gouvernement, pèsera déjà sur l'évolution des rémunérations versées.

Ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2013 nécessitera également un cocktail de mesures à effet rapide et de réformes structurelles, pesant de manière équitable sur les assurés, les bénéficiaires d'allocations et les professionnels de santé. La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement contribuera à ralentir la croissance des pensions avec un relèvement de l'âge d'ouverture des droits. Mais l'indexation des pensions continuera d'entretenir le dynamisme de ces dépenses, comme la revalorisation des prestations légales qui accroît la progression des prestations familiales. En matière de maladie, nous pourrions envisager la baisse du prix des médicaments, une plus grande sélectivité des admissions au régime des affections de longue durée ou une non-revalorisation des actes et consultations au-delà de ce qui a été déjà décidé.

Il faut également agir sur les recettes en cessant impérativement de consentir des baisses d'impôt et en limitant la progression des dépenses fiscales qui ont augmenté à périmètre constant de plus de 5 % par an depuis 2000, et même de 8,5 % chaque année depuis 2004. Ces deux phénomènes sont, en effet, la cause principale du déficit structurel. Une hausse ciblée des prélèvements obligatoires est inévitable. Elle devra passer, en priorité, par un réexamen des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce sera une mesure d'équité. De nombreux dispositifs ont été retirés depuis quelques années des dépenses fiscales, sans que les explications apportées ne convainquent totalement. Les critères d'ancienneté et de généralité manquent de pertinence sans compter qu'ils ne sont pas utilisés de manière cohérente. Leur chiffrage, exercice difficile, progressera via une meilleure utilisation des déclarations fiscales et un croisement plus fréquent avec des données statistiques. Cet effort ne devra pas se limiter aux 6 milliards annoncés par le Gouvernement à horizon 2013, qui correspondent à la hausse moyenne des dépenses fiscales chaque année, mais porter sur 10 milliards en application de la règle posée par la loi de programmation qui limite la durée de vie des dépenses fiscales créées à partir de 2009 à quatre ans. Il faudra compléter cet examen des dépenses fiscales par un abaissement du plafond global des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu qui a été instauré en 2009 ou une réduction forfaitaire de tous les crédits et réductions d'impôts -le fameux coup de rabot. Si de telles mesures sont décidées, elles devront s'appliquer de manière systématique et uniforme et, en priorité, aux réductions et crédits d'impôts.

Quant au retour à l'équilibre des comptes sociaux, il passera par un apport de nouvelles recettes qu'il faut d'abord rechercher dans un réexamen systématique des exonérations de cotisations et des réductions d'assiette. On pourra agir, en particulier, sur les dispositifs d'entreprise, comme l'intéressement ou la protection sociale complémentaire, générateurs de fortes inégalités entre les salariés. Enfin, il faudra rapidement transférer à la Cades la dette accumulée de l'ACOSS au titre de la maladie, ce qui imposera sans doute de combiner un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et un allongement de la durée de vie de la dette sociale, à condition qu'elle soit remboursable dans un délai maximum de dix à quinze ans.

Pour conclure, la France, dont les finances publiques étaient déjà fortement dégradées, est entrée en 2009 dans une récession jamais connue depuis la seconde guerre mondiale si bien qu'elle ne pourrait pas faire face aujourd'hui à un éventuel retournement conjoncturel ou à une nouvelle crise financière sans craindre les réactions de ses créanciers. Les marges de manoeuvre de l'État se trouvent progressivement réduites par l'effet boule de neige de notre endettement. Plus nous attendrons, plus les efforts à réaliser seront importants parce qu'il faudra payer les charges d'intérêts de notre dette. Le coût de l'inaction est supérieur à celui des mesures immédiates. La dette a augmenté de près de quinze points de PIB entre fin 2007 et fin 2009, ce qui génère chaque année des charges d'intérêts supplémentaires de 10 milliards au taux d'intérêt théorique de 3,5 %, soit l'équivalent des deux tiers des aides personnelles au logement versées à plus de 6 millions de personnes. Il faut donc engager la consolidation des comptes publics dès 2011. Voilà le principal message de la Cour, dont j'ai bon espoir qu'il sera entendu.

Ce message, loin d'être pessimiste, oblige à plus de lucidité sur les efforts à accomplir et les nombreux atouts dont la France dispose pour rétablir sa situation financière. Engageons-nous dans cette voie pour donner à tous la conviction d'un effort collectif, partagé et équitable. C'est à cette condition que nous pourrons parer aux comportements d'épargne de précaution, défavorables à la croissance, et conforter la confiance des créanciers dans notre pays.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de cet éclairage sur nos finances publiques. Vos observations, partagées par la commission des finances, ne nous étonnent guère. La bonne nouvelle est que la dégradation de nos finances publiques n'est pas irréversible ! Nous aurons tout le loisir d'éprouver nos convictions lors de l'exercice stimulant du débat d'orientation budgétaire auquel participe le Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Merci de ce constat extrêmement clair. J'ai le sentiment que notre commission des finances, pour m'en tenir à une litote, est enfin moins isolée...

M. Jean Arthuis, président. - La Cour cheminait déjà...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soit ! Mais l'aggravation de notre situation a incité à davantage de lucidité... Une contrainte contradictoire pèse sur notre pays. D'une part, nous devons revenir à un déficit de 3%, sans quoi les conditions de financement de notre dette s'alourdiront de sorte que toutes les perspectives de rétablissement de nos comptes voleront en éclat. D'après toutes les études prospectives, le crédit de la France se maintiendra. Soit, mais à condition que nous nous astreignions à une trajectoire crédible. J'insiste : il nous faudra de la persévérance, de la constance et, j'ose le mot, de la rigueur dans les mesures appliquées... D'autre part, les efforts de consolidation, qui iront s'amplifiant à mesure que les plans des États de la zone euro et de l'Union européenne s'accroîtront, remettront en cause la croissance potentielle de nos États et notre capacité à nous situer sur cette trajectoire de croissance potentielle. Dans ces conditions, est-il concevable de revenir à 3 % de déficit public en 2013 avec une croissance sensiblement inférieure aux 2,5 % affichés de manière volontariste, et selon moi, non crédible par le Gouvernement ? Il y a donc une contradiction entre la confiance des marchés, la capacité à faire évoluer nos économies et à maintenir une croissance minimale. Cette contradiction, à laquelle nous n'échapperons pas, ne doit en aucun cas être une excuse à une coûteuse inaction, a rappelé le président Migaud. Pour autant, elle constitue un vrai problème de modèle pour la France et la zone euro.

La nouvelle norme de dépenses de l'État, annoncée par le Premier ministre, est le gel en valeur des dépenses hors charge de la dette et hors pensions. Monsieur le président, cette nouvelle norme de dépense est-elle plus rigoureuse que l'ancienne norme, c'est-à-dire la stabilisation en volume ? Concernant les dépenses de personnel, pensez-vous que la RGPP a été source d'économies ? Les mesures catégorielles et générales portant sur les rémunérations ont-elles réduit les gains de la RGPP ? La Cour préconise-t-elle le gel indiciaire de la fonction publique d'État ? Quelles mesures spécifiques devraient être prises pour éviter que la création de très nombreux opérateurs de l'État ne rende théoriques les règles de gouvernance de nos finances publiques ? Quelles sont les mesures préconisées pour contraindre les dépenses et l'endettement des opérateurs de l'État ? Enfin, deux questions inspirées par les auditions sur le projet de loi de règlement. Peut-on réduire de 10% les dépenses d'intervention en ne sacrifiant que des dépenses discrétionnaires ou faut-il aussi modifier les régimes des différents guichets ? Les objectifs de réduction des dépenses sont-ils compatibles avec les lois de programmation et les nombreuses contractualisations en cours que l'État s'est plu à signer avec des partenaires divers ?

M. Jean Arthuis, président. - Ce matin, le rapport de M. de Montesquiou sur la loi de programmation et d'orientation pour la performance de la sécurité intérieure ne nous a guère rassurés...

M. Didier Migaud. - Merci de ces propos sur les travaux de la Cour. Il est dans l'intérêt de notre pays de respecter ses engagements vis-à-vis des autres pays de l'Union. Il y va du crédit de la France, il y va des conditions de financement de notre dette. Un retour à un déficit de 3% en 2013 paraît un objectif difficile quand le Gouvernement se fonde sur des hypothèses optimistes. Par exemple, l'élasticité des recettes est fixée à 1,2% quand, dans le passé, elle n'a jamais été supérieure à 1% après une forte période de récession. La Cour recommande donc de prévoir des mesures pour parer à la situation où les hypothèses ne se vérifieraient pas. Le Gouvernement y réfléchit actuellement, le Parlement débattra bientôt des orientations budgétaires, les arbitrages ne sont pas encore rendus sur les lois de finances et de financement.

L'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation. Il faut donc aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 %.

Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite génère des économies modestes, environ 500 millions, qui sont, de surcroît, en partie recyclées. En revanche, cette réforme aura des effets à long terme sur les finances publiques.

Concernant les règles de gouvernance de nos finances publiques, elles ont une portée symbolique au moins pour nos partenaires. L'important, plutôt que de les modifier, est de les faire respecter.

La réduction de 10% des dépenses d'intervention et des dépenses courantes nécessite la modification du régime des guichets pour mieux cibler la dépense. Trop souvent, l'objectif initial s'est perdu.

Effectivement, la comparaison des engagements pris dans les lois de programmation avec les objectifs de réduction des dépenses peut être source d'inquiétude. D'où la nécessité de ne pas multiplier les dépenses, notamment fiscales.

La loi de programmation militaire, comme toute politique publique, devrait être remise sur la table.

M. Jean Arthuis, président. - Sur le gel de l'évolution du point de la fonction publique ?

M. Didier Migaud. - La Cour ne formule pas de propositions.

M. Jean Arthuis, président. - Ce serait pourtant intéressant. A-t-elle des tabous ?

M. Didier Migaud. - Elle reste à sa place en dressant des constats et en établissant des chiffrages : aux politiques de décider.

M. Jean Arthuis, président. - Le gouvernement ira-t-il dans le sens de ce que vous souhaitez ?

M. Didier Migaud. - La maîtrise de la dépense publique requiert un effort plus ample. Nous mettons des éléments sur la table, il vous appartient d'arbitrer. Il peut aussi y avoir des mesures temporaires. Nous avons chiffré le gel indiciaire.

M. Jean Arthuis, président. - Rappelez-nous...

M. Didier Migaud. - Cela représente 1,8 milliard...

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre. - ... pour les trois fonctions publiques.

M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous chiffré la suppression des 35 heures ?

M. Didier Migaud. - Non !

M. Jean Arthuis, président. - « Lorsque la mesure devient réalité, l'utopie se dissipe... »

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - La situation des comptes sociaux 2009 et 2010 n'est pas plus rassurante que celle de l'Etat. Fin 2010, les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindront 53 milliards d'euros. L'Acoss ne pourra continuer à les prendre en charge et la Cades aura besoin de ressources nouvelles, voire d'une prolongation de sa durée de vie. Quelles sont les options envisageables ?

Dans le cadre de la réforme des retraites, le FRR pourrait alimenter la Cades. Est-ce inévitable ? Une affectation au FSV ne serait-elle pas plus judicieuse ?

L'Ondam a connu un dépassement de plus de 700 millions en 2009. La rationalisation des établissements doit-elle conduire à tout facturer selon la logique de la tarification à l'activité (T2A) ? Cette réforme n'a-t-elle pas des effets pervers ?

M. Didier Migaud. - La Cour a indiqué dans son rapport 2009 que l'Acoss ne pouvait pas porter des déficits d'une telle ampleur ; la loi de financement de la sécurité sociale l'a néanmoins autorisée à emprunter jusqu'à 65 milliards. Les plafonds d'avance de trésorerie de l'Acoss doivent permettre de faire face aux seuls déficits infra-annuels ; le processus est aujourd'hui dévoyé. Un transfert à la Cades aurait pour contrepartie de nouvelles ressources avec, peut-être, un report de son échéance. Il convient d'augmenter la CRDS et de jouer sur la durée d'amortissement. Rolande Ruellan vous expliquera que, dans cette dernière hypothèse, il faut modifier la loi organique.

La réforme des retraites devrait permettre de revenir à l'équilibre en 2018, mais rien ne le garantit. Elle repose sur 13 milliards de recettes supplémentaires et 15 milliards de mesures d'économies. En tout état de cause, il faudra des ajustements. Nous ne connaissons pas le détail de la réforme proposée, qui laisse entière la question du financement de l'assurance maladie, sauf à imaginer que le FRR vienne combler le déficit. Céder des actifs est difficile dans le contexte actuel ; il n'y a pas de disponibilités immédiates. La crise peut rendre légitime d'utiliser une ressource, mais il ne s'agit pas du seul déficit et un raisonnement global est nécessaire.

M. Jean Arthuis, président. - La crise ne change rien au problème démographique.

M. Didier Migaud. - Non, mais elle a accéléré le déficit. La question des retraites ne doit pas occulter celle de l'assurance maladie, dont le déficit est supérieur.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre. - Le dépassement de l'Ondam s'élève à 740 millions, dont 600 millions pour les établissements de santé. La grippe peut avoir « le dos large » ; en réalité, l'introduction de la nomenclature V 11 a provoqué des dépenses supplémentaires, les hôpitaux étant mieux rémunérés pour les cas graves ; ce nouveau codage a donné lieu à une optimisation. Les Hospices civils de Lyon viennent ainsi de se voir infliger un redressement pour avoir surcodé, même si des erreurs sont possibles. Le problème essentiel reste l'organisation de l'hôpital. On n'a pas assez progressé sur le réseau et sur l'organisation interne. Des hôpitaux demeurent déficitaires et empruntent parfois pour rembourser des emprunts. Ils n'ont pas sur s'adapter assez rapidement pour faire face au passage à la T2A, ce juge de paix impitoyable qui a révélé les sous-productivités des établissements.

M. Didier Migaud. - Nous y reviendrons en septembre.

M. Jean-Jacques Jégou. - A vous entendre, on sent qu'il n'y aura pas de mesures fortes prises dans ce domaine par le Gouvernement. Il faudra que la commission des finances...

M. Jean Arthuis, président. - Et celle des affaires sociales !

M. Jean-Jacques Jégou. - ... renouvellent leurs initiatives. Vous avez en effet dressé un parallèle entre le déficit budgétaire, qui appelle une diminution des dépenses car les recettes ne sont pas certaines, et le déficit social, qui nécessite des recettes supplémentaires - vous devinez la position de celui qui a à connaître du FRR et de la Cades. Vous ne pouvez pas donner votre sentiment sur la TVA pour la restauration mais la Cour donne souvent son avis sur l'efficacité ou l'inefficacité d'une dépense. Les 20 milliards d'allègements de charges forment une trappe à bas salaires. La Cour pourrait-elle nous aider par ses avis ?

Il est nécessaire de relever la CRDS, je le confirme. L'assiette de cette contribution est large et son taux bas ; la reprise de 10 milliards d'euros supposerait ainsi une augmentation de 0,077 point de la CRDS en 2010, mesure qui présenterait l'avantage d'être indolore et compréhensible pour l'opinion publique. La réforme des retraites est le prélude à un règlement des comptes sociaux et des solutions seront peut-être apportées au sujet du financement de la dépendance. Tarder ne rendra-t-il pas le relèvement de la CRDS plus difficile ? Ma génération a la douleur de reporter sur ses enfants et petits-enfants la charge de ses feuilles de maladie. Un gouvernement peut néanmoins répugner à augmenter la CRDS et à ajuster la CSG à l'endroit des retraités, ce qui pourrait être mal accepté.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Si je n'ai pas encore eu le temps de lire la totalité du rapport, j'ai pris connaissance avec intérêt des réponses du Gouvernement. Représentant la commission des finances au conseil de surveillance du Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), j'ai noté une augmentation de 40 % du nombre des bénéficiaires de la CMU en 2009. La croissance est plus faible pour la complémentaire. Cette affaire, qui concerne plus de 4 millions de personnes, n'apparaît jamais dans les dépenses sociales. Pourriez-vous y jeter un coup d'oeil ?

La Cour a noté que 68 % de notre dette extérieure était portée par des non-résidents, ce qui est dangereux. Dans ses réponses, le Gouvernement avance une justification extraordinaire : cela accroît la sécurité du pays !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elle est bien bonne...

M. Jean-Pierre Fourcade. - On doit trouver un mécanisme de réorientation de l'épargne. Enfin, dans la boîte à outils, il y a l'augmentation des recettes. Une augmentation de la TVA et de la CSG n'est-elle pas préférable au bricolage fiscal ?

M. Jean Arthuis, président. - Ne gaspillez pas la TVA...

M. Edmond Hervé. - Il y a entre nous quelques points de consensus. Indépendamment du respect que nous lui portons, nous n'avons pas à déléguer une partie de nos pouvoirs à la Cour. Nous avons un rôle de contrôle des dépenses. La communication d'Aymeri de Montesquiou ce matin, en commission des finances, a démontré que la mission « Sécurité » a engagé des dépenses qui n'avaient pas encore été validées par le vote de la loi de programmation (LOPPSI 2), ce qui est extrêmement dommageable. Certaines règles ne sont pas respectées, ainsi en ce qui concerne les niches fiscales.

L'an dernier, le rapporteur général nous avait expliqué qu'il était heureux que nous n'ayons pas à voter sur les projections pluriannuelles qui engagent le Gouvernement. Je suis ravi de son nouvel optimisme.

Nous discutons de manière systématique de la dépense et de la recette, mais la croissance est fondamentale. Comment atteindre nos objectifs si nous ne prenons garde à celle-ci ? Le plan de relance a souligné l'importance du rôle des collectivités locales, mais quel sort leur réserve-t-on ?

La T2A et le prix de journée ont un effet inflationniste. J'ai été très surpris de constater l'importance des partenariats public-privé dans les hôpitaux publics. Si je n'y suis pas hostile par principe, je sais aussi quelle bombe à retardement ils deviennent quand on ne les contrôle pas. Il n'est pas admissible que des hôpitaux empruntent pour rembourser d'autres emprunts. Je m'y suis opposé pendant trente-et-un ans au CHU de Rennes, alors même que je votais les budgets.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si j'ai dit qu'il était préférable de ne pas être amené à voter les programmes pluriannuels, c'est que je les trouvais insincères : ils étaient envoyés à Bruxelles sans réelle intention de les mettre en pratique. Le double langage n'étant plus de mise cette année, car la situation est bien pire, nous pourrions voter.

M. Jean Arthuis, président. - La commission Camdessus propose de fixer un plafond de dépenses et un plancher de recettes pluriannuels.

M. Edmond Hervé. - Quand le discours s'écarte de la réalité, c'est la résurrection du « nouveau roman » !

M. Jean Arthuis, président. - Le temps est venu de réconcilier l'image et la réalité.

M. Bernard Angels. - Il faut beaucoup d'optimisme pour y croire... La situation est pire que l'an dernier, quand on nous annonçait un effort de maîtrise. Il y a la crise, mais les deux-tiers du déficit sont d'ordre structurel.

Je suis abasourdi par la comparaison avec nos partenaires européens : nous sommes les mauvais élèves de l'Europe. Comment redresser la situation ? Tout est dans le rouge et il n'y a pas beaucoup de grain à moudre. Je suis plutôt pessimiste. Quand le Gouvernement a pris de mauvaises décisions au cours de ces huit dernières années, sa majorité ne l'a pas corrigé. Peut-on arrêter les cadeaux fiscaux et avez-vous analysé les niches fiscales et sociales du point de vue de l'emploi ? Il ne s'agit pas que le malade meure guéri ! Rêver d'une croissance de 2,5 %, c'est se faire plaisir.

M. Jean Arthuis, président. - Une ordonnance pour administrer des potions ?

Mme Raymonde Le Texier. - La situation est grave, et désespérée.

M. Jean Arthuis, président. - Mais pas irréversible.

Mme Raymonde Le Texier. - Cet échange me déprime. Les mesures indispensables auront des conséquences peu réjouissantes. Pouvez-vous nous remonter le moral en énumérant les atouts de la France ?

M. Jean Arthuis, président. - La Cour des comptes...

M. Jacky Le Menn. - Dans son récent rapport sur l'hôpital, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale pointe la possible dérive de la T2A. Ce mécanisme crée en effet un intérêt à amplifier les recettes pour caler les dépenses. La tentation est grande pour un CHU en déficit... Les comptabilités analytiques restent indigentes et, si l'on a accompli des progrès sur les paramètres de base des échelles de coût et que l'on maîtrise mieux les coefficients de groupe, encore faut-il jouer sur les deux tableaux simultanément.

M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous constaté une amélioration de la gouvernance des hôpitaux et des systèmes d'information ?

M. Jean-Jacques Jégou. - Il n'y en a pas !

M. Jean Arthuis, président. - Ce n'est pas managé ! Peut-on espérer un meilleur pilotage et qu'on sorte des querelles entre hôpital public et clinique privée qu'il faudrait mettre en synergie ?

M. Edmond Hervé. - L'administration hospitalière française est très bonne mais il y a une défaillance au niveau ministériel - je l'ai expérimenté à mes dépens. Cela procède de la tradition de pauvreté des ministères sociaux.

M. Jean-Jacques Jégou. - Les mesures d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), sur lesquelles je prépare un rapport, représentent plus de 8 milliards d'euros. Je découvre des choses au fil des auditions.

M. Didier Migaud. - Il faut agir sur les dépenses et sur les recettes, tant pour le budget de l'Etat que pour les comptes sociaux. Il y a des marges sur le bloc des niches fiscales et la Cour s'est exprimée à plusieurs reprises sur la baisse de la TVA pour la restauration, qu'elle a estimée inopportune. Le contexte des finances publiques est extrêmement tendu. La loi de programmation prévoit que toute nouvelle dépense fiscale doit être gagée et qu'elle peut être mise en cause. La Cour des comptes, monsieur Hervé, reste à sa place...

M. Philippe Marini, président. - Confortable !

M. Didier Migaud. - Nous disons les choses en toute indépendance et vous décidez.

M. Jean Arthuis, président. - Les conditions de vote de la TVA sur la restauration ne sauraient se reproduire puisque de telles dispositions relèveront désormais obligatoirement de la loi de finances.

M. Didier Migaud. - La Cour des comptes ne peut que se réjouir de cette discipline. S'agissant des niches fiscales et sociales, la méthode du « rabot » présente au moins le mérite de l'efficacité et de la rapidité : 10 % de 30 milliards d'exonérations fiscales, cela fait 3 milliards. Cependant, une mesure générale ne doit pas exclure de travailler sur chaque niche.

M. Jean-Jacques Jégou. - Absolument !

M. Didier Migaud. - Ce matin, à l'Assemblée nationale, la question de la retransformation des dépenses fiscales en dépenses budgétaires a été posée par le rapporteur général Gille Carrez.

La CMU est inscrite dans notre programme pluriannuel et nous y reviendrons dans un rapport futur. Nous avons pris connaissance de la réponse du Gouvernement sur la dette. Il devient dangereux de trop dépendre de l'extérieur qui impose des règles. Si l'on ne doit pas prendre de décisions interdisant le retour à la croissance, les effets keynésiens s'émoussent quand la dette est trop élevée et l'inaction a un coût car ne pas agir, c'est laisser la dette et la dépendance s'accroître aux dépens de la souveraineté et de notre marge de manoeuvre.

La TVA ne fait pas partie de nos recommandations afin de ne pas trop peser sur la consommation. Le déblocage de l'épargne est un sujet récurrent.

M. Jean Arthuis, président. -Il faudra bien se poser un jour la question de savoir ce qui prime de la consommation ou de la production. 

M. Didier Migaud. - Je connais vos propositions.

Oui, le contrôle et l'évaluation sont importants, et la Cour peut y aider. Poursuivre l'endettement, même de façon maîtrisée peut être contreproductif en termes de croissance et si les collectivités territoriales contribuent à l'investissement, celui-ci n'a pas augmenté en 2009, les mesures du Gouvernement ayant eu essentiellement pour objet de faciliter la trésorerie des collectivités.

La situation est grave mais pas désespérée car la France a des atouts, madame Le Texier. La crise immobilière y a été moins forte et les conséquences de la crise financière y ont été moins sensibles. Nous avons des comptes transparents et fiables, grâce à la certification, ce qui peut contribuer à notre crédibilité. Le taux d'épargne privée est plutôt plus important que chez nos voisins et la démographie joue en notre faveur. Enfin, le modèle social a pu avoir des effets heureux lors de la récession. Préserver ces atouts contribue à un redressement qui est possible si l'on prend des mesures immédiates, continues, partagées et structurelles.

On peut partager le constat de messieurs Le Menn et Arthuis sur les hôpitaux qui ont un vrai problème de pilotage.

Mme Rolande Ruellan. - Nous traitons tous les ans de l'hôpital dans le rapport sur la sécurité sociale. Nous avons observé des poches de sous-productivité : il y a forcément des progrès à réaliser. Nous disposons d'outils comparatifs. Les établissements n'en sont pas moins des personnes morales et il y en a 1 100. La loi Hôpital patients santé et territoires devrait apporter des améliorations. Les comptabilités analytiques ne sont pas assez développées et la T2A, qui a un côté inflationniste, appelle des contrôles. Des hôpitaux perdent de l'argent faute de coder correctement. Or les tarifs sont fixés en fonction de l'enveloppe prévue. Nous avons bien entendu évoqué les MIGAC l'an denier.

M. Jean Arthuis, président. - Merci de cette audition stimulante. En présentant votre rapport, vous avez confirmé que la Cour assure pleinement sa mission d'assistance du Parlement, et tout particulièrement quand il veut exercer ses prérogatives de contrôle. Les prochains rendez-vous seront vivifiants car le vote sur le débat d'orientation budgétaire, s'il n'engage pas la responsabilité du Gouvernement, préfigure les lois pluriannuelles, avec un plafond de dépenses et un plancher de recettes pour tracer la trajectoire du retour à l'équilibre. Nous avons entendu vos observations. Le Gouvernement s'engagera sur les préconisations de M. Camdessus. Nous devrions avoir une autre attitude sur les lois de finances et contenir l'addiction pour les dépenses publiques comme la tentation de baisser les impôts. Nous sommes appelés à un partage équitable, avec 45 milliards de recettes supplémentaires et 45 milliards de dépenses en moins. Nous n'aurons pourtant franchi que la moitié du chemin vers l'équilibre.