Lundi 18 octobre 2010

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Réforme des retraites - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

Réunie à l'issue de la séance de l'après-midi, la commission examine les amendements nouvellement déposés, sur le projet de loi n° 713 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des retraites dans le texte n° 734 (2009-2010) adopté par la commission le 29 septembre.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Nous devons examiner quatre amendements de coordination présentés par le Gouvernement, ainsi que deux sous-amendements.

Article 27 ter AF
Extension du dispositif pénibilité aux salariés non agricoles

Auteur

Objet

Avis de la commission

Gouvernement

1236

Extension aux assurés justifiant d'un taux d'incapacité compris entre 10 % et 20 %

Favorable

M. Jean-Pierre Godefroy. - Le groupe socialiste ne participera pas au vote sur cet amendement, car même s'il va dans le bon sens, c'est le principe même du dispositif - présenter un taux d'incapacité pour être admis plus tôt à la retraite - qui n'est pas admissible.

La commission donne un avis favorable à l'amendement n° 1236.

Articles additionnels après l'article 29 quinquies

Auteur

Objet

Avis de la commission

Gouvernement

1233

Extension de la majoration de durée d'assurance pour enfant handicapé aux professions libérales et aux avocats

Favorable

Gouvernement

1235 rect.

Possibilité de cumul d'une activité à temps partiel et de l'affiliation gratuite au régime général en cas d'enfant ou d'adulte handicapé à charge

Favorable

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Les personnes qui assument la charge d'un enfant ou d'un adulte lourdement handicapé sont affiliées par la caisse nationale des allocations familiales au régime général à condition qu'elles n'exercent aucune activité professionnelle. L'amendement vise à leur permettre de travailler à temps partiel sans perdre le bénéfice de cette affiliation gratuite. Sous réserve de la correction des effets de seuil potentiels sur lequel j'interrogerai le ministre en séance, je suis favorable à l'amendement.

Article 29 sexies
Elargissement de la possibilité de bénéficier d'une retraite anticipée aux travailleurs reconnus handicapés

Auteur

Objet

Avis de la commission

Gouvernement

1234 rect.

Extension aux professions libérales, aux avocats et aux non-salariés agricoles

Favorable

La commission donne un avis favorable aux amendements nos 1233, 1235 rect. et 1234 rect.

Articles additionnels après l'article 27 sexies A

Auteur

Objet

Avis de la commission

Groupe socialiste

Sous-amdt n° 1228 rect. à l'amdt n° 1208

Création du comité scientifique avant le 31 mars 2011

Favorable

Groupe socialiste

Sous-amdt n° 1230 à l'amdt n° 1208

Inventaire des métiers et des postes de travail pénibles

Favorable

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Le sous-amendement n° 1230 prévoit que le comité scientifique établit un inventaire des métiers et postes pénibles alors que cette mission relève davantage de l'observatoire de la pénibilité. J'y suis donc défavorable, même si je suppose que l'état des présents en commission nous conduira à donner un avis différent.

La commission donne un avis favorable aux sous-amendements nos 1228 et 1230.

Mardi 19 octobre 2010

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Mise en place du revenu de solidarité active - Audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives

La commission procède, conjointement avec la commission des finances, à l'audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives. - Le budget des solidarités actives affiche l'effort de solidarité de la Nation à l'égard des Français les plus fragiles avec la novation que constitue le RSA-activité, complément attribué aux travailleurs aux revenus les plus modestes et qui continue de monter en charge pour environ 100 millions d'euros par mois. Cet effort significatif consacre un droit ouvert : le nombre de bénéficiaires détermine le budget du RSA et pas l'inverse ; Bercy ne nous dit pas de nous arrêter quand un montant donné est atteint. Le RSA-activité est financé par une contribution de 1,1 % sur les revenus du capital ; en fonction de la réalité de la dépense, nous effectuons un ajustement budgétaire. Nul ne peut se voir refuser le bénéfice du RSA dès qu'il en remplit les conditions, qui sont déterminées par la loi.

Les prévisions budgétaires pour 2011 sont calibrées en intégrant la montée en puissance, la diversification des publics bénéficiaires et une simplification du dispositif. Dès ma prise de fonctions, j'ai en effet perçu la très forte demande des départements, confrontés à une rigidité formidable, d'où le plan que j'ai présenté en juillet. Ce plan se déroule normalement à une exception près, qui est l'harmonisation des fichiers informatiques entre la CNAF et les départements.

Nous voulons éviter que le parcours des intéressés se transforme en un saut d'obstacles et montons des plateformes communes entre Pôle emploi, les CAF, les départements, parfois les CCAS. Nous copilotons ce dispositif avec l'Assemblée des départements de France et nous aurons à la fin de l'année une journée sur les programmes territoriaux d'insertion.

En dehors du RSA, nous avons également une enveloppe de crédits de 5 millions d'euros consacrée à l'économie sociale et solidaire, dont nous allons installer le conseil supérieur la semaine prochaine.

Créé le 1er juin 2009, le RSA concernait au 31 juillet dernier 1 787 000 foyers, dont 1 145 000 pour le RSA-socle, pour un montant mensuel moyen de 429 euros, et 642 000 foyers pour le RSA-activité, pour un montant moyen de 170 euros. Le RSA-activité représente 1,3 milliard d'euros cumulés depuis sa création. En hausse substantielle, le nombre de ses bénéficiaires a fait un bond de 55 % en un an, alors que le RSA-socle a légèrement augmenté en raison de la dégradation du marché du travail (7 %). On constate également une progression de 42 % des bénéficiaires qui exercent une toute petite activité permettant de cumuler les deux. Le montant moyen est de 398 euros par mois pour ceux qui perçoivent le RSA-socle en même temps que le RSA-activité.

Le nombre de bénéficiaires du RSA n'est pas stable. Il existe une réelle fluctuation avec 114 000 entrées et 97 000 sorties par mois. Cette instabilité du dispositif est le signe qu'il joue son rôle puisque ces chiffres sont en ligne avec les entrées et les sorties sur le fichier des demandeurs d'emploi. La moitié des bénéficiaires perçoit entre 100 et 300 euros, le tiers moins de 100 euros, ce qui explique d'ailleurs que tous les bénéficiaires potentiels ne le demandent pas à cause de la lourdeur des démarches administratives. Au titre du RSA-activité, la tendance s'établit à environ 110 millions servis mensuellement tandis que la charge pour les départements est de 533 millions pour le RSA-socle.

La prévision délibérément haussière du budget 2010 répondait à la volonté de constituer un fonds de roulement pour les deux années suivantes. La dépense pour 2010 s'élève à 1 547 millions d'euros, dont 1 313 millions pour le RSA-activité, 20 millions pour le RSA-jeunes, 137,2 millions pour l'allocation de retour vers l'emploi et 77 millions de frais de gestion ; les recettes pour 2010 sont de 2 842 millions comprenant 1 223 millions de contribution additionnelle et 333 millions de créances sur l'ACOSS. La contribution de l'Etat était bien supérieure à la prévision de dépenses, ce qui explique la constitution d'un fonds de roulement que nous mettons en oeuvre pour les années suivantes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - En 2010, quel est le montant prévisionnel du fonds de roulement du Fonds national des solidarités actives (FNSA) ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - 1 386 millions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est gigantesque !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il a été intégré dans les prévisions : 372 millions d'euros seront prélevés en 2011 et 564 millions en 2012, de manière à stabiliser la contribution de l'Etat à 700 millions en 2011 et 2012. Je l'indique clairement, la subvention d'équilibre a permis de combler une partie de l'écart entre dépenses et recettes, mais la marge de manoeuvre est extrêmement faible et il ne faudrait pas se laisser aller à la tentation d'utiliser cet argent ailleurs, sauf à jouer les « sapeur Camember ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La logique serait que le budget 2011 prenne en charge les dépenses 2011.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - La tentation de modifier cette prévision aurait une incidence sur l'équilibre budgétaire du FNSA. Le Premier ministre a tenu des réunions sur la situation financière des conseils généraux, mais l'APA et la PCH ont un impact plus important que le RSA. Nous avons surmonté la question du décalage dans le temps de la compensation du RSA majoré, ex-API. Le Premier ministre prendra les décisions utiles. Reste que la marge de manoeuvre du FNSA est très faible.

Les prévisions budgétaires prennent en compte le RSA-jeunes (5 600 demandes en septembre). Les vérifications pour ces dossiers sont longues ; nous estimons qu'il y aurait entre 15 000 et 20 000 RSA-jeunes. Le RSA-DOM, que nous avons traité avec Mme Penchard, a donné lieu à un arbitrage plutôt social, avec option entre le RSA et le RSTA. Nous avons observé la montée en puissance du prélèvement de 1,1 % sur les revenus de capital. Nous sommes dans les prévisions, avec une petite marge d'erreur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous étions tous extrêmement sceptiques lors de l'examen du budget 2010 ; nous voyions bien qu'il y avait là un gros coussin, mais je n'ai pas souvenance qu'on ait parlé de fonds de roulement à l'époque. Cette interprétation a posteriori n'est-elle pas un peu en marge du principe de sincérité budgétaire ? Comment justifier un tel fonds de roulement ?

Un mot de la prime pour l'emploi et du RSA, que l'on ne peut cumuler : les bénéficiaires de celui-ci ne préfèrent-ils pas celle-là ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il n'y a pas eu volonté de constituer une trésorerie artificielle sur le FNSA. On disait alors que le verre était à moitié vide et Martin Hirsch a voulu démontrer qu'on pouvait faire face à une rapide montée en puissance. On me dit aujourd'hui que le verre est à moitié plein, mais mes prévisions sont tenues, avec 640 000 bénéficiaires du RSA-activité. On peut accélérer la montée en puissance mais on voit bien qu'un certain nombre de personnes redoutent la complexité du dispositif. Nous constatons qu'il existe un fonds de roulement. Il n'est pas malsain qu'un fonds de roulement existe dans un fonds public. Comment pouvons-nous l'utiliser ? Le Gouvernement a décidé d'ajuster la contribution budgétaire venant du budget de l'Etat à 700 millions d'euros, tant en 2011 qu'en 2012. Nous allons donc servir un droit ouvert en nous adaptant à la réalité de la dépense.

La fusion de la PPE avec le RSA a fait l'objet de longues discussions au Parlement ; on a finalement décidé que le RSA viendrait en déduction de la PPE, et c'est ce qui se passe depuis juin 2009. Celle-ci est d'ordre fiscal, celui-là est une prestation sociale. Cette déduction a représenté une économie de 680 millions sur la PPE. Est-il souhaitable de revenir sur cette question ? Il faut établir un parcours et limiter les cloisonnements. J'y travaille dans le cadre de la simplification. Une plus grande lisibilité est-elle souhaitable ? Le débat est ouvert, que vous pourrez poursuivre à l'occasion de la réforme fiscale en 2011. Le Gouvernement est ouvert aux réflexions sur cette question.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je préfère votre réponse à ma seconde question. Quant à la première, vous vous servez de ressources non utilisées pour lisser le niveau de la dépense.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il n'est pas souhaitable de laisser un fonds de roulement à cette hauteur. Utilisons-le avec une vision claire de l'avenir et reprenons les choses avec une plus grande orthodoxie financière. Ce sont les principes que j'essaie d'appliquer à l'héritage que j'ai reçu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'autres actions de cette mission sont sous-dotées.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Si vous n'arrivez pas à combler l'écart entre recettes et dépenses, la marge de manoeuvre est faible : quand on prend quelque chose ici, il faut pouvoir ajuster la dépense à la recette. Je fais confiance à la sagesse de la commission et me tiens à votre disposition pour vous montrer que nous avons évalué la dépense de manière très rigoureuse, y compris pour le RSA-jeunes et le RSA-DOM.

Mme Colette Giudicelli. - Quel est le bilan de l'allocation personnalisée de retour vers l'emploi (APRE) ? Comment les acteurs locaux se sont-ils répartis la compétence et est-il pertinent de distinguer deux enveloppes ?

Avez-vous un budget de communication pour le RSA et y a-t-il incompatibilité entre celui-ci et le statut d'autoentrepreneur ?

Je suis solidaire de ce qu'a dit le président Arthuis. Les conseils généraux éprouvent de grandes difficultés pour établir leur budget : il ne serait pas mal de les aider, par exemple par une compensation au plus près de la dépense réelle.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Représentant la commission des finances au conseil de surveillance de la CMU et de la CMU-c, je voudrais savoir si l'augmentation du nombre de personnes bénéficiant du RSA-activité se traduit également par une hausse des affiliations à la CMU et à la CMU-c, qui concernent déjà près de 4 millions de personnes. A-t-on cherché à faire le point pour améliorer la situation de ce public ?

Mme Isabelle Debré. - Quelle sera la vocation du conseil supérieur dont vous avez annoncé la création alors qu'il y a déjà un Conseil national d'insertion par l'activité économique (CNIAE) ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le nouveau conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire ne concerne pas le RSA.

M. Auguste Cazalet. - Certains conseils généraux estiment que le RSA tend à scinder trop nettement l'insertion sociale de l'insertion professionnelle. Par ailleurs, le Gouvernement entend-il reconduire la prime de Noël fin 2010 ?

M. Guy Fischer. - Le ministre, qui maîtrise toutes les statistiques, le sait bien, le nombre de bénéficiaires du RSA est moins important que prévu. Quand le chômage touche 25 % des jeunes, ne sous-estime-t-on pas les effets de l'explosion du chômage en tablant sur 15 000 à 20 000 RSA-jeunes ? Pouvez-vous en outre nous en dire un peu plus sur la normalisation des rapports avec les départements ?

Mme Anne-Marie Payet. - Je souhaite avoir des précisions sur les prévisions pour les départements d'outre-mer.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il y a eu l'an dernier des amendements pour récupérer une partie de la subvention au FNSA : on parlait déjà d'un fonds de roulement, monsieur le Président...

La complexité des dossiers de RSA-activité est bien grande pour un public fragile et à l'emploi précaire. Ne peut-on optimiser les démarches ?

Vous avez demandé un rapport sur l'intégration de l'allocation de solidarité spécifique dans le RSA. A-t-il été publié ? Si oui, quelles sont ses conclusions ?

A qui va s'adresser le conseil supérieur que vous allez installer et ne va-t-il pas faire double emploi avec le CNIAE qu'a longtemps présidé Claude Alphandéry ?

Mme Patricia Schillinger. - Quelle sera l'évolution de la montée en charge du RSA par rapport au RMI ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - J'ai intégré la complexe question de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi dans le plan de simplification de juillet. Lors des débats législatifs, nous avons souhaité créer un cadre très souple pour établir un parcours d'insertion professionnelle sécurisé et personnalisé. Dans chaque territoire, les préfets ont engagé, avec les conseils généraux et Pôle emploi, une réflexion permettant de définir un règlement du versement de cette allocation avec des critères d'attribution, voire des montants d'attribution. J'ai constaté qu'il existe des formules et des solutions très différentes d'un département à l'autre, et même selon les antennes de Pôle emploi. Celui-ci éprouve en particulier des difficultés pour articuler son règlement national et les règlements départementaux. Comment pouvons-nous alors éviter les retards et une transformation inadmissible du parcours en un saut d'obstacles ? Nous tirerons le bilan de la réflexion engagée avec une cinquantaine de départements. Nous pensons qu'il faut conserver et faciliter l'octroi de cette allocation, par exemple en créant un chéquier-services. En ce qui concerne le volet financier de l'APRE, le projet de budget pour 2011 prévoit une enveloppe de 84,5 millions d'euros, soit un total de 110 millions avec les reports de l'année 2010 : 90 millions seront transférés aux départements et 20 millions à Pôle emploi.

Vous m'interrogez ensuite sur le budget de communication. Malgré la grande campagne menée par mon prédécesseur, la montée en puissance du dispositif n'a pas été celle que l'on pouvait espérer. J'ai mis en place un plan ciblé sur les travailleurs pauvres. Avec M. Pélissard, j'ai écrit à tous les maires de communes de plus de 5 000 habitants. Les employés de ma cantine, souvent des mères seules, ne connaissaient pas leurs droits, alors que cela leur aurait été bien utile... Chez moi, sur 60 personnels, 25 perçoivent désormais le RSA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Organisez des assises départementales de l'insertion !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Nous aurons à la fin de l'année, en lien avec les départements, des assises nationales sur les pactes d'insertion. En un mot, j'ai essayé de faire de la communication de prescription. Comme les bénéficiaires d'autres prestations peuvent être intéressés par le RSA, j'ai rencontré la CNAF et nous avons utilisé son journal, qui est très lu, pour expliquer la prestation à des personnes potentiellement concernées. Notre budget de communication demeure raisonnable car nos campagnes sont ciblées.

Le statut d'auto-entrepreneur n'emporte aucune incompatibilité avec le RSA. Les caisses d'allocations familiales apprécient la situation des intéressés en fonction des déclarations qu'ils leur remettent en application d'un décret de juillet 2009.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Quand ils déclarent...

M. Guy Fischer. - Y aurait-il de la fraude ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - De l'omission !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - L'Etat a tiré les conséquences du droit à compensation des départements sur la base des extensions de compétence de 2004. Quand le chômage est revenu de 10,2 % à 7,2 %, le nombre de titulaires du RMI a baissé et certains départements ont reçu plus qu'ils n'ont versé - je ne parle pas de l'APA ou de la PCH, qui appellent une réflexion de fond. La crise est venue, et il y a eu un décalage de trésorerie sur le versement du RSA majoré, que le Gouvernement avait mal anticipé. On a donc prolongé le fonds de péréquation. Le sujet est désormais derrière nous. Pour le reste, le Premier ministre, qui a réuni des présidents de conseils généraux, dira ce qu'il convient de faire.

Les bénéficiaires du RSA ne perdent en aucun cas le droit à la CMU, la loi le garantit d'ailleurs noir sur blanc. Leurs démarches sont facilitées et l'on vérifiera au bout d'un an s'ils continuent de remplir les conditions.

Je répète que le conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire n'a rien à voir avec le RSA.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il y a le CNIAE.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Vous en faites partie et j'en ai fait partie mais, quoique M. Alphandéry ait passé la main à Yves Censi, il n'y a rien de changé. J'étais hier à Londres ; M. Cameron prône une « Big Society », prenant en compte les corps intermédiaires. Là aussi on s'intéresse à l'économie sociale et solidaire.

Mme Isabelle Debré. - Ces conseils ne communiquent pas entre eux, il faudrait des passerelles.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je vais annoncer une série de mesures dans ce sens.

M. Cazalet m'a interrogé sur le clivage éventuel entre insertion sociale et insertion professionnelle. Le bénéficiaire du RSA-socle, ex-RMI, perçoit moins de 500 euros par mois ; il est tenu, en contrepartie, à une démarche personnelle d'insertion et il a droit à un accompagnement social et professionnel. C'est la loi. Il y a deux parcours, un parcours dit « social » pour les personnes en très grande difficulté et un parcours dit « emploi » pour les personnes potentiellement employables. La tentation est grande de renvoyer les personnes dans l'un ou l'autre de ces parcours ; d'où des va-et vient entre les deux alors qu'il est clair qu'il faut les traiter de concert. J'expérimente donc certains assouplissements, par exemple la progressivité des horaires dans les contrats uniques d'insertion - dont les normes ne doivent pas être trop contraignantes, sous peine d'interdire le passage du social au professionnel. De même le plafond des vingt-quatre mois peut être un handicap. Ces assouplissements répondent à la demande des présidents de conseils généraux. Des mesures de simplification sont à l'étude sur lesquelles nous ferons le point en décembre et je suis prêt à en discuter alors avec vos deux commissions.

La prime de Noël de 2009 avait fait l'objet d'un arbitrage interministériel et son montant avait été prélevé sur le FNSA. On m'a assuré que, pour cette année, il y aura également un arbitrage. Personnellement - je n'engage pas ici le Gouvernement - je pense que cette prime est hautement souhaitable car, si nous sortons de la crise économique, la crise sociale perdure.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Cette prime sera-t-elle inscrite dans le collectif budgétaire ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je ne peux pas vous répondre. L'année dernière, l'arbitrage n'a été fait qu'à quelques encablures de la date du versement de la prime.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est toujours comme ça. Donc, tout laisse à penser que, cette année encore, cette prime sera inscrite dans le collectif et financée par le FNSA. Cela altère un peu ce que vous avez dit sur la nécessité de maintenir son fonds de roulement.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je pense hautement souhaitable de lancer, après les importantes réformes que nous sommes en train de mener, un plan de cohésion sociale. Une série de mesures semblent indispensables mais je m'exprime ici en tant que ministre des solidarités actives et je ne peux engager le Gouvernement avant les arbitrages ministériels.

Monsieur Fischer m'a interrogé sur l'emploi des jeunes. Nous comptons environ 23 % de jeunes au chômage. Même si ce pourcentage inclut un certain nombre d'étudiants ou de stagiaires, il est incontestable que la crise a augmenté le nombre des jeunes sans emploi malgré l'effet d'amortisseur social qu'a joué le plan « Emploi jeunes », avec les primes d'apprentissage, d'embauche ou d'alternance. Je souhaite que nous étudiions la possibilité d'un nouveau plan « Emploi jeunes ».

Le RSA-jeunes accorde la priorité aux jeunes actifs. A la fin septembre, 5 635 demandes avaient été déposées. Faut-il étendre ce dispositif ? Ces questions trouveront leurs réponses dans le nouveau plan Emploi-jeunes que j'appelle de mes voeux.

Sur les DOM, nous avons beaucoup travaillé avec le député de Saint-Denis de La Réunion, René-Paul Victoria, qui nous a remis un rapport pertinent - auquel vous avez collaboré, Madame Payet - et j'ai insisté pour que nous ayons, même dans le contexte budgétaire actuel, un arbitrage satisfaisant qui correspond aux souhaits de plusieurs parlementaires de La Réunion. Le RSTA était un complément de revenu d'activité individualisé, tandis que le RSA est un revenu d'activité par foyer, qui tient compte des charges de famille. Si on avait brutalement supprimé le RSTA pour appliquer le seul RSA, certaines personnes seraient sorties de l'un sans pouvoir bénéficier de l'autre. Nous avons donc décidé de laisser le choix de l'option la plus favorable, sans retarder l'entrée en vigueur du RSA dans les DOM où il est très attendu.

Le RSA s'appliquera donc outre-mer à partir du 1er janvier 2011 sur les mêmes bases qu'en métropole. L'ordonnance qui étend le RSA outre-mer porte à 55 ans l'âge où l'on peut bénéficier du revenu de solidarité, le RSO. Elle précise également le nouveau dispositif de contrat unique. Pour répondre au souhait de nombreux élus, toutes tendances confondues, elle laisse aux conseils généraux le choix de déléguer, ou non, des responsabilités aux agences départementales d'insertion, ou encore de les supprimer.

Pendant une période transitoire, les bénéficiaires devront opter soit pour le RSTA, soit pour le RSA. En revanche, il n'y aura plus d'entrée dans le RSTA au 1er janvier 2011, comme le préconisait le rapport Victoria. Le RSTA prendra fin au 31 décembre 2012. Tout cela nous amène à une prévision budgétaire de 200 millions d'euros pour 2011, ce qui est lourd mais indispensable pour rétablir l'équité en faveur de nos compatriotes ultramarins.

Mme Anne-Marie Payet. - Pour faire face à l'afflux des demandes, les effectifs des caisses locales seront-ils augmentés ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le RSTA étant géré par les caisses générales de sécurité sociale, il y aura un redéploiement de ces caisses vers les CAF, avec une plate-forme unique d'information copilotée par les deux, pour faciliter les démarches de personnes vulnérables et devant faire face à un système compliqué.

Sur l'articulation entre le RSA et l'ASS, un rapport a effectivement été demandé. Les deux prestations sont de natures différentes : avec l'ASS, on a une cotisation retraite tandis que le RSA tient compte des charges et revenus familiaux ; les montants sont différents. Je pense qu'il faut mettre en place un RSA adapté qui reprenne les spécificités de l'ASS, comme le RSA majoré le fait avec l'API. Sur le plan des principes, on peut arriver à une solution satisfaisante mais c'est techniquement très compliqué. Il va de soi que, dès que le rapport sera remis, je suis prêt à venir en discuter devant vos commissions avant que le Gouvernement ne statue définitivement.

Je vais faire un rapide rappel sur la montée en charge du RMI, qui est maintenant le RSA-socle. Lorsque Michel Rocard a créé le RMI, il a fallu cinq ans pour en doubler le nombre de bénéficiaires et dix ans pour le tripler. La crise a augmenté le nombre d'allocataires du RSA-socle mais je le pense maintenant à peu près stabilisé. En revanche, la montée en puissance du RSA-activité sera accélérée avec la reprise qui multipliera les emplois intérimaires ou à temps partiel. Je pense raisonnable d'estimer sa progression à 2 % par mois et c'est sur cette base que nous avons calibré les crédits. Quoi qu'il en soit, il faudra ajuster plus précisément les prévisions pour le budget du FNSA pour 2012, ce que je ferai en collaboration avec les commissions des finances des deux assemblées.

M. Michel Sergent. - Le service civique, ce sont 75 millions d'euros de crédits inscrits pour 2011, auxquels s'ajoutent 22 millions de compensations de charges versés à l'ACOSS, pour 15 000 volontaires. Quel est le rythme de montée en puissance du dispositif et à quelle échéance l'objectif des 75 000 volontaires fixé par le Président de la République pourra-t-il être atteint ?

Par ailleurs, les crédits du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) s'élèvent à 25 millions d'euros en 2011. Quel retour a le ministère sur les premières actions subventionnées ? Certaines méritent-elles d'être pérennisées et, dans ce cas, quelles en seraient les conséquences budgétaires ?

Enfin, l'heure est au rabotage des niches fiscales. La réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons coûte 1 milliard d'euros et celle accordée au titre de l'impôt sur les sociétés, 400 millions. Le Gouvernement a choisi de ne pas y toucher. A-t-il auparavant évalué l'efficacité de ces dépenses fiscales ? En particulier, quel est impact de cette réduction d'impôt sur la générosité des donateurs ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le budget 2011 du service civique s'élève à 97 millions d'euros pour une prévision de 15 000 volontaires. Nous avons lancé une première campagne dans les médias jeunes, laquelle a été couronnée de succès. Contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu, cette campagne n'est pas interrompue. Les résultats sont là puisque 8 500 jeunes ont posé leur candidature et que le site a été visité 67 000 fois. Le service civique suscite un réel engouement : 74 % des jeunes se disent prêts à en faire un, à condition qu'il soit volontaire. Le problème n'est donc pas de susciter des candidatures mais d'activer l'offre, surtout au niveau local et nous allons démarcher les associations départementales de maires. Nous atteindrons les 10 000 volontaires mais, pour dépasser les 15 000, il nous faudrait des moyens supplémentaires. Le budget 2012 devra être réajusté en fonction des flux. J'ai relu le discours du Président de la République : il fixait l'objectif de 10 % d'une classe d'âge, soit 75 000 jeunes. Nous atteindrons les 10 000 ; 15 000 est encore un objectif raisonnable et l'objectif final de 75 000 n'est pas remis en cause.

Les crédits du FEJ n'ont pas été totalement dépensés mais c'est volontaire puisque l'essentiel des expérimentations se fera en 2011 et 2012. J'ai obtenu une augmentation de 24 millions d'euros pour les laboratoires territoriaux. Sur les quelque 300 expérimentations, une trentaine sont réellement structurantes - qui portent sur la formation, l'orientation, l'insertion et l'emploi, l'autonomie, le logement et l'emploi, l'engagement citoyen - et nous en concentrons le meilleur dans ces laboratoires. Le FEJ montera fortement en puissance en 2011.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Et son fonds de roulement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Le FEJ, c'est environ 150 millions d'euros d'argent public et 50 millions d'argent privé. Je suis en train d'agir en direction d'une dizaine de fondations et de grandes entreprises qui sont d'accord mais qui veulent que nous territorialisions notre action, ce que je fais avec nos laboratoires. Au total, le FEJ disposera donc de 220 à 250 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Mais combien reste-t-il en stock ?

M Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Il reste 30 millions.

Nous avons maintenu en valeur le budget associatif et, cet été, je me suis battu pour qu'on ne supprime pas la réduction d'impôt sur les dons - que je ne considère pas comme une niche fiscale puisqu'il s'agit de générosité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Les 50 millions du privé sont des dons ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Environ 44 millions proviennent de la fondation Total - qui avait sans doute quelque chose à se faire pardonner - et quelques millions proviennent de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Oui, mais la fondation Total est alimentée par un canal qui s'apparente à une niche fiscale. Et à chaque fois que vous faites appel au privé, les deux autres tiers sont pris en charge par l'argent public....

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre. - Je me suis battu pour qu'on maintienne en valeur les dépenses associatives, mais je n'ai pas obtenu qu'on les augmente. Ce n'était donc pas le moment de tarir la source des dons privés. Les donateurs ne sont pas seulement de grandes entreprises. Cela dit, je suis d'accord pour étudier en détail l'efficience de ces dispositifs. Par exemple j'ai demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, présidé par Michel Boyon, de lancer une réflexion sur les grandes campagnes télévisuelles qui captent d'énormes masses financières en faveur de certaines causes, alors qu'il existe d'autres besoins sur le terrain. Tout cela fait l'objet de travaux en cours.

Mercredi 20 octobre 2010

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 - Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam)

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam-Cnam. - L'assurance maladie connaît en 2010 et 2011 le même niveau de déficit qu'en 2004, mais la progression des dépenses qui était de 6 % en 2004 a été ramenée à 3 % par an, ce qui représente 5 milliards d'euros d'économies ou encore 0,5 point de CSG. Nous avons donc réussi à maîtriser les dépenses, mais la crise et la diminution de la masse salariale nous ont fait perdre entre 0,6 et 0,7 point de CSG, et le déficit est passé de 4 à 10 milliards d'euros entre 2008 et 2009. Il faudra donc rééquilibrer les comptes mais les marges de réduction des dépenses sont désormais étroites.

Nos charges sont de plus en plus concentrées sur les pathologies lourdes ou aggravées, en raison du progrès technique et de l'épidémiologie plutôt que du vieillissement : le dixième de la population qui perçoit les remboursements les plus élevés a reçu 60 % du total en 2009, contre 57 % en 2005. Le reste à charge moyen des ménages après complémentaire s'élève à 9,4 % ; mais si le taux de remboursement est élevé pour les patients atteints de pathologies lourdes, il est bas pour les autres, qui forment la très grande majorité de la population : 55 % selon la direction de la recherche du ministère. Il ne me paraît pas souhaitable d'écarter progressivement de l'assurance maladie ceux qui dépensent peu : aucun assureur privé ne souhaiterait se séparer de ses assurés dont le rapport sinistres-prime est le plus favorable !

La maîtrise des dépenses de l'assurance maladie ne va pas sans celle des dépenses de santé, qui représentent aujourd'hui 12 % du Pib. Il faut revoir les processus de soins, en gardant à l'esprit le double objectif de qualité des soins et de maîtrise des coûts. Nous sommes parvenus à réduire de 13 % le coût de la vaccination contre la grippe saisonnière en permettant aux infirmières de se charger des primo-vaccinations. Nous pourrions économiser environ 10 % du coût de la plupart des processus de soins, mais ceux-ci sont extrêmement nombreux et la tâche est lourde.

On constate de très fortes disparités régionales dans le recours aux soins, qui ne sont pas liées à l'état de santé de la population : en région Paca, il est supérieur de 13 % ou 14 % à la moyenne ; en Pays-de-Loire, il est inférieur de 10 %. On observe notamment des écarts dans le recours à la chirurgie des varices, aux arrêts de travail, aux médicaments génériques, à la prévention du cancer du sein. Ils s'expliquent par des habitudes de consommation mais aussi par l'offre existante, qui devrait être mieux pilotée.

Le système français est également très hospitalo-centré : les soins délivrés en établissement y sont supérieurs de 10 % à la moyenne des pays de l'OCDE. Rien ne changera si le taux de progression de l'Ondam hospitalier reste égal à celui de l'Ondam de ville. La loi HPST permet d'organiser la médecine de ville mais les efforts seront vains si l'on ne tire pas les conséquences sur l'Ondam du report de soins de l'hôpital vers la ville. Inversement, les soins de suite et de réadaptation, en aval de l'hospitalisation, ne doivent pas prendre la place de la médecine de ville. Tout cela suppose une tarification à l'activité performante, et la possibilité de sanctionner les établissements qui facturent par exemple 800 euros des examens de cardiologie d'effort ou de champ visuel qui en valent 80 par application d'un tarif de GHM ! Le risque, si l'on ne maîtrise pas les volumes, est de voir se développer une concurrence fondée sur la baisse des tarifs, au détriment de la bonne organisation des soins. Le même problème se pose pour l'hospitalisation à domicile, censée se substituer au séjour en établissement pour certains malades, et qui ne doit pas concerner des accouchées sorties d'hôpital au bout de trois jours, au terme d'une grossesse physiologique ! L'enjeu est de fournir au meilleur prix une offre de soins adaptée aux besoins des patients. Pour cela, il faut un contre-pouvoir fort, capable de s'opposer aux récalcitrants.

Des gains de productivité pourraient être réalisés dans les domaines de la biologie médicale et de la radiologie. Une économie de 200 millions d'euros est prévue dans ce PLFSS ; pour atteindre cet objectif, j'ai accéléré la réforme tarifaire de la biologie médicale : le prélèvement sera financé à hauteur de 8 euros, mais les tarifs de la biologie seront revus à la baisse afin que la multiplication des actes réalisés sur la base d'un seul prélèvement n'aboutisse pas à l'inflation des dépenses. Nous n'avons fait là que suivre le modèle adopté par les Allemands depuis des années. Dans le domaine de la radiologie, j'ai convoqué une commission de hiérarchisation des actes. Il faut supprimer le supplément de numérisation, devenu obsolète, et appliquer l'abattement de 50 % sur le forfait de scanner en cas de forfait multiple. Quoi qu'en disent les intéressés, ces mesures ne sont pas de nature à mettre en péril l'équilibre général de ces professions, dont le chiffre d'affaires continue à augmenter, mais elles pourraient encourager des restructurations : les tarifs de la biologie ont été conçus de manière à protéger le prélèvement local tout en incitant à l'industrialisation du back office.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Chaque année, M. Van Roekeghem pointe des dysfonctionnements de notre système de soins et d'assurance maladie, sans que rien ne change. Les professionnels de santé se plaignent du contrôle tatillon et des sanctions imposés par la Cnam, mais les excès de la consommation des soins sont connus. La Cnam établit des diagnostics très fins, qu'il paraît impossible de traduire en actes ; sans doute est-il difficile de gérer le réseau étendu des caisses primaires. Est-il prévu de mener des audits auprès de certaines de ces caisses afin d'identifier les raisons de cette inertie ?

On attendait beaucoup de la loi HPST. Mais j'ai été effaré d'entendre hier Mme Annie Podeur annoncer la nouvelle organisation du ministère. Une direction centralisée sera-t-elle en mesure de résoudre les difficultés de terrain ? Les agences régionales de santé (ARS) sont déjà submergées par les circulaires et directives...

M. François Autain. - Cruelle désillusion pour le rapporteur!

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Pouvez-vous, monsieur le directeur général, faire le point sur le développement et les résultats des contrats d'amélioration des pratiques individuelles (Capi) ? Les syndicats de médecins souhaitent qu'ils soient intégrés à la future convention ; la Cnam y est-elle favorable ?

Comment les mises sous accord préalable des séjours de soins de suite et de rééducation prescrits par les établissements de santé seront-elles ciblées ? Peut-on éviter que des délais se traduisent par une plus longue hospitalisation ?

Quel est l'avis de la Cnam sur les maisons de naissance ?

La contractualisation avec les établissements de santé pour la maîtrise des dépenses de transport sera-t-elle effective d'ici au 1er janvier ? Quelles autres mesures peut-on envisager pour contenir leur augmentation ?

Les syndicats de médecins se plaignent que les hôpitaux externalisent certaines de leurs prestations auprès de la médecine de ville, alors qu'elles devraient être financées dans le cadre de l'Ondam hôpital. Qu'en pensez-vous ?

M. Gilbert Barbier. - L'intégration des Capi dans le processus conventionnel est-elle en bonne voie ?

M. François Autain. - Alain Vasselle a parlé de l'externalisation des dépenses des hôpitaux en direction de la médecine de ville, mais l'inverse existe aussi : les services d'urgence des hôpitaux sont ainsi encombrés par la « bobologie », ce n'est pas normal.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Mais certains hôpitaux font passer des patients par les urgences afin de bénéficier d'un tarif plus rémunérateur.

M. François Autain. - Cela s'explique par les carences de la médecine ambulatoire ! L'hôpital n'est pas « ce pelé, ce galeux » qui aggraverait les dépenses induites.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Les praticiens sanctionnés l'an dernier ne sont que quelques centaines. Il est vrai que le phénomène est nouveau et a servi d'argument aux syndicats de médecins lors de la dernière campagne électorale. Mais d'un autre côté on nous reproche trop de laxisme... Quant aux sanctions liées au contrôle de la T2A, elles ne représentent qu'environ 50 millions d'euros sur un total de 30 milliards, et les sommes exigées ont rarement été supérieures aux indus. Les textes récents ont augmenté nos pouvoirs de sanction, nous les appliquons.

Mais les sanctions ne suffiront pas à réformer le système. Il faut associer les professionnels de santé à cette réforme, par le biais de la contractualisation. Les ARS pourront donner des instructions aux établissements, encore faut-il que leurs cadres et leurs médecins prennent leurs responsabilités.

La Cnam est favorable à l'intégration des Capi au sein de la convention, mais celle-ci peut se faire de différentes façons. Nous voulons que les médecins traitants participent à la réalisation des objectifs de santé publique, qu'il s'agisse de la prévention du cancer du sein, de la vaccination contre la grippe, du suivi des diabétiques, du contrôle de l'hypertension ou de l'optimisation des prescriptions. Il faut introduire pour les généralistes une rémunération à trois niveaux, à l'acte, à la performance et selon un forfait, comme le recommande le rapport Legman. Les réticences des médecins se sont atténuées ; si les négociations n'aboutissent pas, nous pourrons toujours maintenir un Capi défini unilatéralement. Je tiens à ce que le fondement législatif des Capi soit préservé, afin que les négociations soient équilibrées. Enfin, il n'y aurait aucun intérêt à intégrer les Capi dans la convention si ce n'était pas pour les généraliser.

La Cnam ne souhaite mettre sous entente préalable que les séjours de soins de suite et de rééducation liés à des opérations chirurgicales dans le domaine ostéo-articulaire qui ont fait l'objet d'une recommandation de la Haute Autorité de santé, dans les établissements où l'affectation des patients diffère grandement des préconisations. La réponse doit être donnée avant 48 heures et le plus rapidement possible.

Au sujet de l'expérimentation des maisons de naissance, je suis perplexe. Quand je suis arrivé à la tête de la Cnam en 2004, les uns me vantaient les mérites des pays du Nord où de telles structures légères existent, les autres voulaient développer les maternités de niveau 3, sécurisées. La bonne formule ne consisterait-elle pas à faire en sorte que lorsqu'un accouchement sans complications a lieu dans une maternité de niveau 3, il ne soit pas facturé à ce niveau ? On peut aussi se demander si les maternités de niveau 3 pourront toujours respecter le seuil de deux cents accouchements par an, en deçà duquel la sécurité des parturientes n'est pas assurée. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les maisons de naissance se développent très rapidement.

Je reviens sur l'observation générale faite par M. Vasselle. Chaque année, nous mettons en évidence de nouveaux dysfonctionnements : c'est notre rôle. Cette année, nous avons publié une étude sur le recours aux soins : les disparités d'une région et d'un département à l'autre s'expliquent en partie par la démographie médicale, mais on ne peut pas régler le problème en un tournemain ! Nous présenterons la semaine prochaine le bilan de l'accord sur les soins infirmiers et la démographie infirmière : les résultats sont bons mais l'accord était trop peu ambitieux, les zones définies trop étroites. Son application ne pose pas de problème dans les zones très surdotées, où la densité est strictement limitée, ni dans les zones très sous-dotées, les infirmières étant plus sensibles que les médecins aux incitations financières. L'accord doit arriver à échéance en avril ; il peut être amplifié, soit unilatéralement, soit par la négociation.

Les progrès sont parfois entravés par l'opacité des données des établissements publics, même si les choses évoluent. Il faut se donner du temps. D'ailleurs, aucun système n'est parfait. Les dépenses de santé représentent 12 % du Pib en France contre 18 % aux Etats-Unis, où les parcours de soins sont organisés très efficacement, mais où la régulation macro-économique laisse à désirer : une consultation de généraliste y coûte 100 dollars !

Certains problèmes peuvent être résolus rapidement : celui de la substitution des génériques est derrière nous. En revanche, la question de la prescription à l'extérieur du répertoire reste pendante. Voudrons-nous, comme les Allemands, mettre en place un budget de médicaments ? Dans un rapport remis l'an dernier, l'Uncam a analysé le coût des médicaments prescrits par un échantillon de généralistes après neutralisation de la patientèle, et mis en évidence les principales raisons des disparités : âge, sexe, pathologie lourde. Nous ne pourrons réformer le système de soins que si nous nous en donnons les moyens et que la profession l'accepte.

Le sujet des dépenses de transport relève de plusieurs autorités. De notre côté, nous avons exploité nos bases de données afin de dégager le taux de recours des établissements des différentes catégories ; les résultats ont été envoyé au réseau des Cpam, afin qu'elles puissent déterminer, lorsqu'un établissement dépasse le taux de 4 % fixé par le ministère, si cette dérive est liée à des restructurations ou à l'incurie des responsables. Voilà pour la phase préparatoire. Mais nous ne pourrons agir que lorsque sera publié un décret, actuellement examiné au Conseil d'Etat, et appliqué un contrat-type entre l'Etat et l'Uncam en vertu de ce décret.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Un décret en Conseil d'Etat s'imposait-il en la circonstance ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - Il est vrai que la lourdeur des procédures administratives nous ralentit. Pour permettre aux infirmiers, qui sont des professionnels qualifiés, de procéder aux vaccinations contre la grippe saisonnière, il a fallu une loi et deux décrets en Conseil d'Etat, contre l'avis de l'Académie de médecine ! De même, si l'on osait imaginer que les diabétiques insulinodépendants de types 1 et 2 puissent se procurer eux-mêmes les bandelettes dont ils ont besoin pour mesurer leur glycémie, il faudrait modifier un décret en Conseil d'Etat qui a lié le remboursement des bandelettes à une prescription médicale...

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - A vous de nous alerter, à nous de faire bouger le Gouvernement.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Quant à l'externalisation des dépenses de l'hôpital vers la ville, elle est parfois assumée. Les trois quarts de la progression des dépenses de médicaments délivrés en officine de ville en 2009 sont imputables à des prescriptions hospitalières et le quart restant au renouvellement de prescriptions hospitalières. Les médicaments les plus récents et les plus coûteux, comme ceux qui soignent la polyarthrite rhumatoïde, sont souvent prescrits au détour d'une hospitalisation. Ces dépenses ne sont donc pas dues à l'activité des médecins de ville, mais selon l'OCDE, tous les soins externes relèvent de la médecine de ville.

En revanche, l'externalisation de soins intégrés au tarif des groupes homogènes de séjour (GHS) est inacceptable et doit être sanctionnée, malgré les récriminations. Certes, en sens inverse, la médecine de ville se décharge sur l'hôpital de certaines obligations, comme la permanence des soins. Mais les ARS ont les moyens de lutter contre ce phénomène.

J'en viens au secteur optionnel. Depuis les années 1980, rien n'a été fait, bien que le ministère ait souvent promis de prendre des mesures. On cherche à sanctionner les médecins qui pratiquent des dépassements d'honoraires sans tact ni mesure, mais ces termes sont bien vagues !

M. François Autain. - Un décret les définit.

M. Frédéric Van Roekeghem. - La jurisprudence du Conseil d'Etat limite les dépassements à trois fois le tarif de la sécurité sociale : il y a de la marge ! Il est vrai que l'absence de revalorisation des tarifs contraint les médecins à augmenter leurs dépassements.

On a parfois envisagé de payer les cliniques afin qu'elles rachètent les dépassements d'honoraires de certains praticiens ; mais cette solution n'a pas fait la preuve de son efficacité. Il me paraîtrait plus judicieux de créer un secteur à dépassements régulés, le secteur optionnel, par un accord tripartite associant les complémentaires. A terme, cela permettrait de limiter les dépassements d'honoraires et de garantir l'accès aux soins délivrés par les cliniques privées à tous les souscripteurs d'une complémentaire, les autres bénéficiant, sous certaines conditions de revenus, du tarif opposable. Mais la dérive fut telle au cours des dernières années qu'il est très difficile de corriger le système : à Paris, les chirurgiens pratiquent des dépassements d'honoraires de 100 % en moyenne ! La situation diffère d'une ville à l'autre, au sein d'une même région. Le problème est d'autant plus délicat que les marges financières sont limitées, l'Ondam progressant de 2,9 % par an seulement. Mais la question du développement d'une alternative reste posée. Les complémentaires doivent aussi clarifier leur position : certaines préfèrent peut-être une concurrence tarifaire.

M. Gilbert Barbier.   Dans l'immédiat, on ne fait rien...

M. Frédéric Van Roekeghem.   Il y a eu des élections : le SML a reconstitué un réservoir de voix au détriment de la FMF. Comme la loi HSPT exige 30 % des voix dans chacun des trois collèges pour être signataire d'une convention, et que l'alliance SML - CSMF représente 70 % des voix dans le troisième collège, le résultat sera incontournable. Nous attendons les enquêtes de représentativité, puis nous pourrons envisager la négociation conventionnelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Il n'y a pas d'obstacle si les professionnels et l'Uncam sont prêts à se mettre autour de la table... Nous sommes très en retard sur les soins ambulatoires. Or vous avez déjà beaucoup fait. Boostera-t-on le dispositif avec des centres autonomes dépourvus de lits d'hospitalisation ?

Les organismes complémentaires se plaignent de ne pas avoir accès aux informations sur les dépenses de santé de leurs adhérents. Où est le blocage ?

Où en est le répertoire partagé des professionnels de santé ?

La Cour des comptes a critiqué le système d'information de la branche maladie, évoquant la T2A, le forfait hospitalier, la franchise d'un euro, la facturation ou encore le codage des ordonnances. Comment avez-vous vécu les critiques et quelles suites leur donner ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Je rejoins Alain Vasselle pour vous demander où vous en êtes sur les systèmes d'information et sur le dossier médical partagé (DMP).

M. Gilbert Barbier. - La Cour a également relevé l'absence de suivi infra-annuel de l'Ondam. Une programmation pluriannuelle n'est-elle pas illusoire ?

On le sait bien, on a substitué à des lits médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) des lits de soins de suite et de réadaptation (SSR), qu'il faut occuper car l'on a ainsi une capacité d'accueil qui permet de maintenir le personnel hospitalier. Est-ce une bonne politique et ne freine-t-on pas le développement de la médecine ambulatoire ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Des médecins picards qui l'expérimentent m'on dit que le DMP marche très bien. Ce système peut être opérationnel à condition que les médecins acceptent de s'informatiser et que les réseaux soient établis.

M. Jean-Marc Juilhard. - La mutualité sociale agricole (MSA) est-elle un partenaire réel ou un relais ? De même, comment intégrez-vous les maisons de santé pluridisciplinaires dans votre projet ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - Nous avions proposé, il y a trois ans, de développer les centres autonomes ; nous avons recommencé, mais avec une volonté moindre car cela ne débouche pas. Une lueur est néanmoins apparue. La Haute Autorité de santé, que la direction de la sécurité sociale avait saisie, vient de rendre son avis : il serait possible d'en mettre en place à condition de disposer des anesthésistes nécessaires. On progresse donc, mais est-ce à la même vitesse que nos voisins et l'avis de la Haute Autorité rejoint-il le cadre réglementaire des pays qui nous entourent ? Je n'ai pas entendu dire pourtant qu'ils avaient connu des accidents lors d'opérations de la cataracte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Un décret est-il nécessaire ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - Il faut que le ministre prenne décret, arrêtés, circulaire... Il a été démontré que nous avions le tarif le plus élevé pour la cataracte.

M. François Autain. - Des lobbies s'opposent-ils à la création de ces centres ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - C'est possible... Le président de la Générale de santé m'a dit qu'il y était favorable. Il vaut mieux que l'assurance maladie paie de la marge que du chiffre d'affaires. Il convient donc de changer les organisations. Encore faut-il le décider. La réponse appartient au Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - C'est du ressort de la DGOS...

M. Frédéric Van Roekeghem. - Pas seulement, car trois directions sont concernées : la direction générale de l'offre de soins (DGOS) effectivement, mais aussi la direction générale de la santé (DGS) et la direction de la sécurité sociale (DSS), laquelle avait saisi la Haute Autorité de santé.

M. François Autain. - L'amendement déposé par un de mes collègues...

M. Frédéric Van Roekeghem. - Il y en a eu aussi à l'Assemblée nationale.

M. François Autain. - ... n'a pas eu le destin qu'il aurait mérité. Je serais très favorable à ce que le rapporteur général en dépose un et, s'il ne le faisait pas, l'opposition y pourvoirait.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Cela ne devrait pas relever de la loi mais être consensuel. A partir du moment où on peut faire mieux et moins cher, on devrait avancer.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Nous prendrons une initiative sur le sujet.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Je vous ferai passer un protocole d'accord, validé au ministère par le comité tripartite du service national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniir-AM), sur l'accès des complémentaires aux données. Nous, Français, ne sommes pas très en pointe sur l'analyse des données, on en voit l'exemple avec le reste à charge, tantôt calculé avant remboursement des complémentaires et tantôt après. Quelles sont les garanties réellement couvertes ? Nous manquons de visibilité alors que 92 % de la population sont concernés et que les complémentaires mobilisent 20 milliards d'euros. Voilà pourquoi nous avons mis une condition aux fédérations qui veulent accéder à l'échantillon représentatif de 600 000 personnes : la réciprocité. L'institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) constitue un échantillon de 20 000 personnes, l'expérience Monaco, à laquelle Malakof-Médéric participera; la Mutualité française, pour ses 36 millions d'affiliés, a proposé d'utiliser la clef de tirage, que la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) nous a autorisés à lui transmettre. Ce protocole, qui permettra des analyses cohérentes, montre que les choses bougent substantiellement.

Le Mediator a défrayé la chronique la semaine dernière. Son retrait a été déterminé par une étude de la Cnam établissant que le risque cardiaque était trois fois supérieur pour les patients sous ce médicament. C'est la deuxième fois que nous intervenons pour l'introduction ou le retrait d'une spécialité.

M. François Autain. - L'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n'a pas fait son boulot !

M. Frédéric Van Roekeghem. - Il a fallu chaîner le programme de médicalisation des services d'information (PMSI) avec nos données avant d'établir le rapprochement avec la prise de médicaments. Nous nous sommes battus pour obtenir les indications thérapeutiques. C'est dire qu'il y a des enjeux importants dans l'accès au système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniir-AM). Il ne faudrait pas que la plus grande ouverture revendiquée par les offreurs de soins et les laboratoires intervienne au détriment des collectivités publiques. Le professeur Sicard et son équipe ne souhaitent pas qu'on mette les études dans la main des laboratoires.

M. François Autain. - C'est pourtant le cas !

M. Frédéric Van Roekeghem. - Le projet de répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) est piloté par l'agence des systèmes d'information partagés de santé (Asip) et concerne les quatre professions de santé à ordre. Aucune difficulté n'a été signalée pour les logiciels Cnam. Pour la version Sesam utilisée par les pharmaciens, il ne suffit pas que le RPPS soit renseigné, il faut aussi pouvoir saisir l'identifiant de l'établissement et du prescripteur. Le répertoire est opérationnel pour les officines ; en revanche, les ordres départementaux éprouvant des difficultés, il ne le sera qu'au début 2011 pour les chirurgiens-dentistes et en juin 2011 pour les médecins. Les formulaires de prescription et de remboursement seront modifiés progressivement ; le Journal officiel a publié l'arrêté nécessaire cet été. Nous escomptons une montée en charge dès le début de l'an prochain. Une circulaire est en préparation pour les hôpitaux. On estime que 10 % des pharmaciens sont équipés.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Pourquoi nous a-t-on opposé des problèmes techniques pendant sept ans ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - La Cnam avait depuis longtemps des numéros d'identification des prescripteurs de ville : on sait très précisément (et ils s'en plaignent parfois) ce qu'ils prescrivent. Les médecins hospitaliers, eux, n'ont jamais montré un grand engouement pour un tel suivi. Nous avons adapté nos systèmes mais des mesures plus contraignantes seraient nécessaires pour aller plus loin - nous ferons pression pour cela.

On a évolué l'an dernier sur la facturation individuelle : le ministère a indiqué une volonté claire et un chef de projet a été désigné - tout arrive.... Reste que nous aurions déjà fini si nous avions commencé en 2003.

Lors de mon audition par la sixième chambre de la Cour des comptes, j'avais dit que les systèmes d'information représentaient un gros chantier. J'ai été récompensé par un contrôle général, pour m'aider... Elle est certes dans son rôle lorsqu'elle pointe ce qui ne fonctionne pas, mais elle ne dit pas ce qui marche. Elle a bien reconnu des gains de productivité de l'ordre de 18 %, mais puisque nous sommes passés de 128 caisses à 101 plus une, il a bien fallu que cela ait des conséquences ; je veux pour ma part délivrer un satisfecit à mes équipes qui méritent un coup de chapeau car les assurés n'en ont pas été affectés : 6 millions d'entre eux ont un compte internet, 300 000 professionnels y participent et les remboursements marchent, sans difficulté avec le fisc - nous ne sommes pas en Angleterre. Souligner uniquement ce qui ne va pas ne facilite pas le management des équipes. Il est vrai de dire que nous sommes répartis sur cinquante-deux sites - je leur avais donné la carte.

M. Jacky Le Menn. - Vos réponses aux remarques de la Cour des comptes figurent en annexe de son rapport : on peut se rendre compte de ce qui a été fait.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Nous n'avions pas programmé la franchise sur les boîtes de médicaments ; oui, cela a été très dur ; oui, j'ai dû arrêter le recouvrement parce que le déploiement logiciel avait été mal fait ; pourtant, la Cour oublie juste un détail, c'est que ça marche aujourd'hui, et ça collecte 800 millions ! De même, les fusions de caisses nous ont occupés près d'un an.

Quant à nos systèmes d'information, nos équipes, nos moyens et nos insuffisances, nous savons où ils sont. La commande de développement s'accroît régulièrement, la pression économique aidant. Nous manquons de 30 % de capacité de développement par rapport à la commande après arbitrage. Nos systèmes sont relativement anciens ; ils ont été développés dans les années 1990. Leurs architectures applicatives sont à refondre et tous les centres ne sont pas industrialisés. Le redéploiement sur huit centres est délicat quand le moindre paramétrage peut faire varier les résultats. Or, nous n'avons pas spécialisé les centres. Nous présenterons en novembre un schéma général des systèmes d'information. Nous souffrons d'un problème de ressources humaines historique, une partie des développeurs n'est plus adaptée. La Cour dit qu'il y a trop d'informaticiens dans les caisses, mais la virtualisation n'a pas été faite à l'assurance maladie.

M. Jacky Le Menn. - Il y a eu aussi des problèmes dans la banque.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Ce travail m'occupe depuis un an. Nous avons des idées claires et avons négocié un budget informatique avec une importante tranche optionnelle, conditionnée par un schéma directeur des systèmes d'information. L'on ne peut pas, à l'échelle d'une grosse banque (il y a 60 millions d'assurés sociaux), réaliser un big bang : ce matin un patch sur la gestion des mails en a bloqué 40 000 ; de même, sur la franchise, il s'agissait de traiter 200 000 assurés d'un jour à l'autre. Nous avons donc retenu sept programmes majeurs. Allons au bout de l'offre internet aux assurés : les remboursements, le relevé mensuel, le récapitulatif annuel, des services de prévention, par exemple pour les femmes enceintes, de même que des cartes européennes en ligne sont déjà disponibles, mais on peut aller plus loin. Je pense aux professionnels de santé, à la facturation individuelle à l'hôpital ou encore au poste de travail des agents : quarante applications mais ni portail ni injecteur - nous en testons un à Marseille.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Vous avez fait allusion aux sanctions, parfois brutales. Certains professionnels souhaiteraient que l'on tienne mieux compte de l'avis des commissions - trop souvent, les directeurs n'en tiennent aucun compte.

Pouvez-vous faire le point sur les ARS, comment collaborez-vous avec elles et qu'en est-il des programmes pluriannuels de gestion des risques. Enfin, les transferts de personnel ont-ils eu des conséquences internes ?

Un mot encore des convergences. On nous annonce les seize études prévues par la loi pour 2012 mais je n'y crois pas trop parce que certaines doivent être reprises à zéro. Peut-on pousser les feux et quid de la convergence ciblée entre GHS ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Raoul Briet a proposé de renforcer le comité d'alerte. Qu'en pensez-vous ? Pouvez-vous aussi nous indiquer quelle est la situation des hôpitaux face au programme Hôpital 2012 ? Elle semble tout à fait particulière.

Enfin, avez-vous purgé les allées et venues financières liées à la vaccination H1N1 ?

M. François Autain. - Vous avez indiqué que les études post AMM n'étaient pas dans la main des laboratoires. Ne les financent-ils pas pourtant ? Voilà d'ailleurs la raison pour laquelle on ne les réalise pas toujours et ce n'est pas une bonne chose.

M. Gilbert Barbier. - Un éminent spécialiste de santé publique a parlé de mesures de replâtrage qui ne s'attaquent pas aux vrais problèmes : trop d'hôpitaux, trop d'examens redondants, trop de prescriptions inutiles.

M. Frédéric Van Roekeghem. - Je rassure M. Juilhard, la MSA est un vrai partenaire institutionnel. Elle est cosignataire du voeu du collège des directeurs et de la lettre des présidents sur le financement de la dette sociale, que je remets à votre présidente.

Les maisons de santé pluridisciplinaires ? Cela dépend du financement et de leur lien avec le système conventionnel. Elles auront du mal à se développer sans convention.

M. Bernard Cazeau. - L'effet d'aubaine a joué largement. La préfète de mon département a évité les cas les plus lourds. La Cpam peut jouer un rôle.

M. Frédéric Van Roekeghem. - En ce qui concerne les ARS, le transfert de personnel a été réalisé sans trop de difficulté : ni délit d'entrave, ni demande d'expertise, ni grève. On avait parlé de 173 millions en dépenses de fonctionnement ; l'arrêté ministériel a retenu 158 millions tous régimes confondus, dont 149,9 millions pour le régime général. Pour 2011, il s'agit de 151 millions dont 143 millions pour le régime général.

Votre amendement sur la chirurgie ambulatoire a bien fonctionné mais le dispositif qui avait été rodé avec les ARH a été suspendu quelque temps. Nous venons de le reprendre car le décret nécessaire a été publié il y a quelques jours. Cependant, nous n'atteindrons pas notre objectif de deux cents établissements. Il s'agit maintenant de revenir sur le terrain. Cela peut fonctionner.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Mieux qu'auparavant ?

M. Frédéric Van Roekeghem. - Cela dépendra de la façon dont seront managées les ARS. Pourquoi la dialyse péritonéale atteint-elle 20 % en Franche-Comté et dans le Centre mais 0 % en Aquitaine ? Un colloque l'a expliqué : les patients n'y sont pas opposés, les techniques sont connues, nous y sommes favorables, le Gouvernement aussi. Pour faire bouger les choses, il faudrait, m'a dit un chef de service dans un CHU normand, qu'on l'enseigne. Il n'y a pas de diffusion des connaissances. Un guide permettrait de convaincre les chefs de service ; il faut également informer les patients - la loi de 2002 n'est pas encore appliquée. Il convient aussi d'améliorer l'intérêt à agir des néphrologues libéraux et de développer l'offre. Qui s'est saisi de ce dossier ?

Je suis persuadé que l'on ne peut pas avoir deux échelles tarifaires pour les mêmes actes. On confond le tarif et le coût, mais l'on peut caler celui-ci sur une organisation à la productivité élevée. Les spécificités imposées aux établissements ne doivent pas être financées par le tarif. Ne lâchons pas.

Je suis assez favorable au rôle du comité d'alerte, même si ce n'est pas très facile pour le directeur de l'assurance maladie. L'évaluation statistique a ses limites. Nous avions surestimé l'an dernier les soins de ville. De 200 millions sur 70 milliards ! Quel statisticien aurait-il pu ainsi rester dans une telle marge ? Nous rentrons dans les 0,5 %.

Nous avons soldé l'opération vaccination contre le H1N1 puisque l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) nous reverse, au titre de 2009, 330 millions dont il faut soustraire les 126 millions de dotations supplémentaires que nous constituons pour cet établissement.

Je ne suis pas contre « Hôpital 2012 » mais à condition d'échanger la modernisation de nos hôpitaux contre une productivité améliorée. La vraie question est plutôt : comment éviter les dérives d'« Hôpital 2007 » ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Il est temps de conclure notre audition.

M. François Autain. - Par manque de temps, vous ne pourrez répondre aux questions que je n'ai pas encore pu vous poser ! Le rapporteur a eu la parole très longuement et, nous, nous n'avons pas pu parler. Ce n'est pas grave, ce n'est ni la première, ni la dernière fois.

Mme Muguette Dini, présidente. - J'ai donné la parole à Alain Vasselle et à tous ceux qui l'ont demandée.

M. François Autain - Je croyais que, dans un premier temps, vous ne demandiez que les réactions aux interventions du rapporteur et de M. Van Roekeghem mais pas encore les questions sur d'autres sujets.

Mme Muguette Dini, présidente. - Soit nous demanderons à M. Van Roekeghem de revenir devant notre commission, soit vous lui posez vos questions par écrit et nous lirons ses réponses ici.

M. François Autain - J'attends toujours les réponses de M. Douste-Blazy....

M. Alain Vasselle, rapporteur spécial. - On n'a pas parlé de la convergence. On a évité les questions embarrassantes.

Réforme des retraites - Désignation des candidats à une commission mixte paritaire

La commission procède à la désignation de M. Jean-Pierre Godefroy en tant que titulaire à la place de M. Yves Daudigny, lui-même désigné suppléant à la place de Mme Gisèle Printz appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -

Contrôle budgétaire de la mise en place du revenu de solidarité active - Communication

La commission entend, conjointement avec la commission des finances, la communication de MM. Albéric de Montgolfier, Auguste Cazalet, rapporteurs spéciaux, et Mme Colette Giudicelli, rapporteure, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - La commission des affaires sociales et la commission des finances sont à nouveau réunies ce matin pour la présentation des conclusions du contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), que nous avons mené avec Colette Giudicelli et Albéric de Montgolfier.

Le RSA a succédé au RMI. Mais il a aussi considérablement innové par rapport à celui-ci. Tout d'abord, il a permis l'harmonisation de deux minimas sociaux en fusionnant le RMI et l'allocation de parent isolé, l'API. Pour ce motif, il est calculé en fonction des charges de famille.

Plus encore, la réforme a introduit un cadre conceptuel nouveau. En effet, le RSA a été conçu pour que la reprise d'activité entraîne, à coup sûr, une hausse de revenus pour ses bénéficiaires. Auparavant, pour un Rmiste, la reprise d'emploi pouvait se traduire par une perte de ressources. En effet, ce statut lui permettait aussi de bénéficier des droits connexes attachés à l'allocation, comme la couverture maladie universelle (CMU), l'exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, sans compter les nombreux droits connexes complémentaires tels que la gratuité des transports ou de certains services publics. Aussi la reprise d'activité entraînait-elle, outre la perte du RMI, la disparition des avantages liés au statut d'allocataire que ne compensaient pas les revenus tirés du travail.

Pour corriger cet effet de « trappe à inactivité », le RSA permet à celui qui reprend un emploi d'améliorer sa situation financière. La loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion a refondé notre politique d'aide sociale pour répondre non plus à une logique de statut mais à une logique de ressources, permettant ainsi d'englober les « travailleurs pauvres ». Ainsi, contrairement au RMI, une personne qui travaille mais qui retire des revenus trop faibles de son activité sera éligible au RSA.

Deux cas doivent être distingués : pour les personnes privées d'emploi et sans ressources, la solidarité nationale garantit un revenu minimum, que nous appelons le RSA-socle ; celles qui travaillent, ou qui viennent de reprendre un emploi, mais dont les ressources sont inférieures à un seuil, perçoivent un complément de revenus, que nous appelons RSA-activité ou RSA-chapeau. Le dispositif est conçu pour que celui qui passe de la première à la seconde catégorie voie le niveau global de ses ressources augmenter.

Prenons quelques exemples : un célibataire, sans enfant et sans ressources, est assuré de percevoir environ 460 euros. Un couple avec deux enfants dans lequel aucun des deux époux ne travaille recevra un peu moins de 1 000 euros. Si, dans le même couple, l'un des conjoints trouve un emploi et gagne 600 euros par mois, le foyer percevra un complément de RSA-activité d'environ 738 euros, ce qui portera ses ressources totales à plus de 1 300 euros. Il y a donc un réel gain à la reprise d'un emploi, même à temps partiel.

Bien évidemment, le dispositif est dégressif : plus le salaire augmente et plus le complément de RSA diminue jusqu'à un point de sortie. Pour un célibataire sans enfant, le point de sortie est légèrement supérieur au Smic net à temps plein.

Comme nous le disait hier, en audition, le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, les dernières données disponibles montrent que 1,1 million de ménages sont bénéficiaires du RSA-socle pour un montant moyen d'environ 427 euros par mois et 650 000 bénéficiaires perçoivent le RSA-activité pour un montant moyen d'environ 170 euros par mois.

En fait, nous distinguons les deux types de RSA car le socle est financé par les conseils généraux tandis que le RSA-activité est financé par l'Etat ou, plus précisément, par le fonds national des solidarités actives (FNSA). En réalité, pour les bénéficiaires, il s'agit d'un dispositif unique : leur dossier est instruit dans les mêmes conditions. Le président du conseil général octroie l'allocation et elle est servie, suivant les cas, par la Caf ou la MSA. Ensuite, les Caf ou les MSA se retournent soit vers les conseils généraux, soit vers l'Etat, pour obtenir le remboursement des sommes versées.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Le RSA a d'abord été un dispositif expérimental prévu par la loi Tepa de juillet 2007. Au vu des premiers retours d'expérience très positifs, il a été décidé de le généraliser, ce qui a été fait par la loi du 1er décembre 2008. Le RSA généralisé est entré en vigueur le 1er juin 2009 en métropole et sera étendu le 1er janvier prochain dans les Dom.

Voilà donc un peu plus d'un an que le dispositif fonctionne et l'on imagine aisément qu'une réforme d'une telle ampleur puisse créer des complications, des tensions, voire des incompréhensions. C'est dans ce contexte que nous nous sommes rendus, à plusieurs reprises, sur le terrain pour apprécier les difficultés persistantes, ce dont Colette Giudicelli rendra compte dans quelques instants.

Le RSA, c'est également un enjeu financier considérable. En 2007, lors d'une audition devant la commission des finances, Martin Hirsch avait estimé que, en régime de croisière, il pourrait coûter jusqu'à 9 milliards d'euros. Dans un contexte de crise, cette prédiction s'est, hélas, réalisée. Ainsi, en 2009, les départements ont versé près de 7 milliards au titre du RSA-socle. Ce montant pourrait atteindre plus de 8,4 milliards en 2010, soit une augmentation de 23 %. Le FNSA, au titre du RSA-activité, aura décaissé, à fin 2010, 1,3 milliard. Au total, ce sont donc 9,7 milliards qui seront redistribués, cette année, par la solidarité nationale.

Dans le cadre de ce contrôle budgétaire, nous n'avons pas abordé la question de la compensation par l'Etat des transferts aux départements du RMI puis de l'API.

M. Bernard Cazeau. - C'est dommage...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - En effet, malgré l'actualité que nous connaissons tous, il est apparu que la compensation du RMI est un sujet ancien qui n'est en rien affecté par la mise en place du RSA. Avec la crise, nous aurions connu un effet-ciseaux identique si le RMI était resté en l'état.

Le RSA a néanmoins entraîné un transfert de compétence : celui de l'API. Cette ancienne prestation d'Etat représentait un budget d'environ 1 milliard. La compensation définitive de l'API sera arrêtée en loi de finances pour 2012 après deux ajustements, l'un en 2010, l'autre en 2011 prévu à l'article 25 du PLF. Nous n'avons donc pas inclus cette question dans notre contrôle mais il va de soi que nous resterons très vigilants, l'année prochaine, au respect d'une juste compensation.

En revanche, le FNSA a retenu toute notre attention. Ce fonds, qui gère les crédits destinés à financer le RSA-activité, est alimenté par la contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements que nous avions spécifiquement votée pour neutraliser le coût de la mise en place du RSA. Si la ressource fiscale n'est pas suffisante pour couvrir les dépenses du fonds, une dotation d'équilibre de l'Etat lui est également versée.

En 2009, pour sa première année d'activité - et plus précisément demi-année - le FNSA a décaissé environ 100 millions par mois. En 2010, ce montant s'élève à peine à 110 millions. La montée en charge du RSA-activité est donc très lente alors que le FNSA a été largement doté en vue d'affronter l'afflux massif de demandes en 2010.

Ainsi, à l'heure où les départements sont de plus en plus asphyxiés par les dépenses sociales, le FNSA accumule des excédents de trésorerie qui, à mon sens, ne sont pas prêts de se résorber. A la fin de l'année 2010, le FNSA disposera d'un fonds de roulement d'environ 1,2 milliard. Fin 2011, d'après les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances, il s'élèverait encore à près de 950 millions. Cela suppose, de surcroît, une montée en charge du RSA-activité deux à trois fois plus rapide que le rythme actuel, ce qui paraît peu crédible. Certes, 2011 devrait être une année de reprise économique mais le ministère ne nous a toujours pas transmis des chiffrages détaillés justifiant cette hypothèse, que nous pouvons qualifier d'optimiste.

Concrètement, je crains que le fonds ne soit encore largement excédentaire l'année prochaine et les suivantes. Le Gouvernement argue d'un lissage sur une période de trois ans pendant laquelle la trésorerie du FNSA serait réduite peu à peu. Il ne s'agit que d'une justification a posteriori de l'excédent constaté. En tout état de cause, sans une montée en charge plus rapide, le fonds restera structurellement excédentaire.

Nous proposons par conséquent de réaffecter une partie de sa trésorerie aux départements afin de desserrer la contrainte de financement qu'ils connaissent actuellement. Nous déposerons des amendements en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.

Nous nous interrogeons également sur l'existence même du FNSA. Initialement, il avait été mis en place afin de flécher l'utilisation de la nouvelle contribution de 1,1 % vers le seul RSA-activité. Il s'agissait donc d'un outil de transparence. Force est de constater qu'aujourd'hui, il est devenu un instrument d'opacité budgétaire que le Gouvernement utilise notamment pour contourner la norme d'augmentation des dépenses. Il faudra peut-être envisager la suppression de ce fonds dont l'existence est contraire aux principes d'unité, d'universalité et de sincérité budgétaires et dont les avantages sont, à l'usage, peu évidents.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Nous avons effectivement parlé hier au ministre, Marc-Philippe Daubresse, de la possibilité de réaffecter une partie des fonds du FNSA aux départements. Il a d'abord été catégorique : c'est impossible ! A la fin de la réunion, il s'est montré moins affirmatif...

Après l'exposé des enjeux budgétaires, je souhaite vous présenter les conditions dans lesquelles le RSA s'est mis en place et les questions qui se posent aujourd'hui. L'ampleur du sujet nous a conduits à nous en tenir aux points essentiels.

Il faut tout d'abord souligner que la multiplicité des acteurs, voulue dès l'origine, est source de difficultés persistantes : juridiquement, le RSA est attribué par le président du conseil général, lequel finance en grande partie l'allocation, supervise l'ensemble du dispositif et, en raison de ses compétences traditionnelles, s'occupe du volet insertion sociale ; parce qu'elles instruisent le dossier et versent l'allocation, les Caf, et dans une moindre mesure la mutualité sociale agricole (MSA) ont le rôle de guichet d'accueil ; Pôle emploi est chargé d'assurer un accompagnement professionnel adapté. Pour autant, d'autres acteurs peuvent être amenés à intervenir selon les spécificités locales de l'action publique, soit au niveau du dépôt des dossiers, soit dans les volets d'insertion professionnelle ou sociale : les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les associations du type mission locale ou Plie (plan local pour l'insertion et l'emploi), les organismes de placement professionnel, etc.

Cette multiplication des acteurs est une constante du monde social et le législateur a souhaité utiliser cette richesse tout en incitant à un travail collectif. Ainsi, diverses conventions doivent être signées, principalement entre le conseil général, les Caf et Pôle emploi.

On peut déjà relever, comme première difficulté, que les ressorts territoriaux de ces différents acteurs ne coïncident pas toujours : toutes les Caf ne sont pas encore départementales ; Pôle emploi a maintenant une structure fortement régionalisée ; les conseils généraux s'organisent parfois en divisions territoriales disposant d'une grande latitude et n'étant pas nécessairement liées hiérarchiquement au service central qui est en contact direct avec la Caf.

Au-delà de cette observation, on peut citer trois conséquences potentiellement négatives de cette complexité. D'abord, l'éventuel cloisonnement entre les approches sociale et professionnelle. Au moment de l'attribution, le conseil général oriente le bénéficiaire soit vers Pôle emploi ou un autre organisme de placement en vue d'une insertion professionnelle - c'est la voie « prioritaire » -, soit vers un organisme compétent en matière d'insertion sociale. Certains conseils généraux estiment que cette première orientation peut segmenter l'accompagnement des bénéficiaires et ne s'effectue pas dans une complémentarité suffisante. Entre six mois et un an après la première orientation, une équipe pluridisciplinaire, constituée à l'initiative du conseil général, peut être amenée à examiner le dossier des personnes qui restent durablement sur la voie d'une insertion sociale. L'intervention de cette équipe est peut-être trop tardive. Ce sentiment est conforté par ce qui nous a été dit lors de nos déplacements, à Bordeaux ou à Grenoble : il apparaît que les bénéficiaires du RSA orientés vers Pôle emploi relèvent du droit commun des demandeurs d'emploi et ne sont pas suivis par des conseillers spécifiques ou des procédures adaptées.

Ensuite, des problèmes persistants d'échanges informatiques. Un dispositif comportant autant d'acteurs ne peut correctement fonctionner que s'ils sont tous suffisamment informés des dossiers des bénéficiaires, ce qui impose des contraintes techniques : le système informatique des Caf, unique pour l'ensemble des prestations qu'elles gèrent, est l'un des plus volumineux de France alors que les conseils généraux utilisent différents logiciels, par nature plus modestes.

Selon les conseils généraux, qui remboursent les Caf, les factures émises par elles ne sont pas toujours individualisées, ce qui peut alimenter des doutes sur la fiabilité des données et, dans le contexte financier actuel, susciter une fébrilité inutile. Qui plus est, la loi a mis l'accent, par exemple en créant un référent unique par allocataire, sur l'individualisation du traitement des dossiers, si bien que le partage des informations doit bien être le plus large possible.

Des groupes de travail ont été constitués pour améliorer la situation mais on peut déjà s'interroger sur les modifications structurelles que la Cnaf engage mensuellement sur sa base de données et qui semblent à chaque fois obliger les conseils généraux à actualiser leurs systèmes informatiques. La caisse nationale ne pourrait-elle pas y procéder moins fréquemment ? Ces bases de données nécessitent-elles toujours des modifications telles qu'elles empêchent la récupération des informations par les collectivités ?

Enfin, on le voit plutôt avec Pôle emploi, certaines difficultés sont apparues dans le traitement des données personnelles. Elles semblent en voie de résorption mais le législateur ne pourrait-il autoriser l'automatisation des flux de transmission ? Il en résulterait une meilleure gestion de l'allocation grâce à un traitement plus précis des dossiers.

Troisième conséquence : le RSA reste complexe pour les bénéficiaires, dès le stade de la demande, puis lors des différentes démarches exigées. Si d'importants progrès ont été réalisés, notamment informatiques, il n'y a pas encore de guichet unique personnel, qui supposerait une évolution majeure du système de prise en charge et son décloisonnement. Cela peut partiellement expliquer une montée en charge du RSA-activité, plus lente que les estimations qui en avaient été faites.

Cependant, la complexité administrative ou la difficulté de diffuser des informations simples à des publics cibles ne sont pas suffisantes pour comprendre ce phénomène ; on peut également estimer que des bénéficiaires potentiels choisissent de ne pas solliciter l'allocation, par exemple parce que le montant estimé serait faible au regard des démarches à effectuer ou parce que le RSA reste assimilé au RMI, ce qui peut amener un sentiment de stigmatisation ou de disqualification sociale pour des gens qui travaillent, même s'ils n'en retirent que des ressources faibles. Il faudra approfondir l'analyse de ces comportements individuels dans le cadre d'une évaluation à moyen terme du RSA.

Finalement, ce contrôle budgétaire met en exergue le délicat équilibre entre efficacité des politiques publiques, justice sociale et juste niveau des dépenses. Par exemple, l'obligation pour les allocataires de fournir une déclaration trimestrielle des revenus part d'une idée positive : adapter l'allocation au plus près de la situation personnelle, au bénéfice de l'allocataire quand sa situation se dégrade, au bénéfice des finances publiques quand sa situation s'améliore. Pour autant, à quel moment la mesure entraîne-elle un coût disproportionné, tant pour les individus que pour les gestionnaires ? Le Gouvernement l'a bien compris, puisque cette déclaration qui tenait sur deux pages et contenait seize catégories de ressources est depuis peu limitée à une page et cinq catégories. Coûteuse en termes de gestion, cette obligation est également lourde pour les allocataires et elle a des conséquences immédiates : remboursements demandés aux allocataires ou réductions d'allocation pour indu.

Il y a là matière à réflexion ; je pense qu'il faudrait garder un peu de souplesse et éviter, autant que possible, la rétroactivité des décisions.

Rapidement, trois autres points. D'abord, les retards dans la mise en place de l'allocation personnalisée de retour à l'emploi (Apre). Cette allocation a été créée pour compléter les aides existantes et répondre à des besoins spécifiques du retour à l'emploi, en matière de transport, d'habillement, de logement, d'accueil des jeunes enfants, d'obtention d'un diplôme ou d'une certification. Elle peut être distribuée par le référent unique, prévu par la loi pour accompagner les allocataires, c'est-à-dire le plus souvent par Pôle emploi. Des crédits de 75 millions étaient prévus en 2009 mais très peu ont été consommés cette année-là : l'aide a été volontairement laissée à la discrétion des acteurs locaux, pour lui donner toute son efficacité, mais cela a pu entraîner une certaine inertie ou une peur de la dépense de la part de gestionnaires peu habitués à ce type de liberté... En outre, les différents arrêtés permettant de « faire descendre » les fonds au niveau local ont beaucoup tardé : par exemple, en Isère, l'arrêté du préfet pour répartir les fonds a été signé le 27 novembre 2009 pour les crédits 2009. Il s'agissait certes de la première année mais, dans ce même département, l'arrêté 2010 n'était pas encore signé lors de notre déplacement début juillet. Les crédits de l'Apre s'élèvent à 150 millions en 2010. Le projet de loi de finances pour 2011 propose un montant de 84 millions, qui nous semble suffisant vu la montée en charge, plus lente que prévue, de cette allocation : en Isère toujours, les crédits 2009 n'ont été consommés qu'à hauteur de 20 % à la date du 30 juin 2010. Au final, nous croyons que l'Apre peut apporter un coup de pouce réel aux bénéficiaires du RSA, mais elle doit être simplifiée et sa gestion plus réactive. Alors que le code du travail ne le prévoit pas explicitement, elle est de fait divisée en deux enveloppes : une nationale, gérée par Pôle emploi qui la redistribue dans ses antennes locales ; une départementale, attribuée par le préfet aux différents organismes compétents. Il semblerait plus opérationnel de confier directement l'ensemble de l'Apre à Pôle emploi.

Deuxième sujet : la récente mise en place du RSA jeunes. Le RSA a été étendu aux moins de vingt-cinq ans depuis le 1er septembre, à la condition qu'ils aient travaillé suffisamment dans les trois ans qui précèdent la demande. Il est encore trop tôt pour évaluer la mise en place de cette mesure, mais le législateur y sera naturellement attentif.

Enfin, l'extension aux départements d'outre-mer, qui aura lieu le 1er janvier prochain. Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité. Il faudra veiller à ce que les moyens humains et techniques des caisses soient ajustés pour gérer l'afflux certain de dossiers. Le passage du RMI au RSA est à peu près automatique mais la partie activité de l'allocation risque d'entraîner de très nombreuses demandes sur ces territoires où l'activité économique est particulièrement tendue. Par ailleurs, nous avons pris acte du choix du Gouvernement de conserver parallèlement le revenu supplémentaire temporaire d'activité, pour ceux qui en sont aujourd'hui bénéficiaires et qui ne souhaitent pas passer au RSA. Ce RSTA a été créé il y a un an et demi, au moment de la crise sociale dans les Antilles. Ses caractéristiques sont différentes de celles du RSA, puisqu'il tend à apporter un complément forfaitaire de rémunération à ceux qui travaillent mais dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil. Bien sûr, on ne pourra pas cumuler les deux allocations. L'idée du Gouvernement est que les bénéficiaires choisissent l'allocation la plus adaptée à leur situation individuelle ; il n'est pas certain que la population soit à même de faire ce calcul. Qui plus est, cela fait coexister deux dispositifs proches et assez complexes.

Pour conclure, nous souhaitons saluer l'impressionnant travail des personnels des Caf qui ont fait face à un pic d'activité très important pendant environ un an : 14 % de visites supplémentaires et 40 % d'appels téléphoniques en plus. Les caisses se sont adaptées : des recrutements ont eu lieu mais, en raison des délais de formation, les personnels sont parfois arrivés « après la bataille » ; de nombreuses heures supplémentaires ont été réalisées ; des caisses ont fermé leurs bureaux certains jours pour traiter le stock de dossiers en attente ; une régulation nationale a été organisée.

Ces graves difficultés, qui appartiennent - espérons-le - au passé, doivent nous amener à réfléchir sur les délais d'expérimentation de la mise en place d'une allocation telle que le RSA. Le temps de la décision politique et celui de la capacité à mettre les choses en place sur le terrain sont nettement différents et notre pays oublie trop souvent cet impératif.

Cela étant, nos observations ne doivent pas réduire l'importante avancée que constitue le RSA ; c'est un peu la particularité d'un contrôle budgétaire que de mettre en avant les difficultés pour mieux les résorber et il ne faudrait pas que vous retiriez de celui-ci une image négative de ce RSA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Grâce à vous, nous n'en retirerons pas une image négative.

Sur le plan statistique, s'il est vrai que 1,1 million de ménages bénéficient du RSA-socle et 650 000 du RSA-activité, il y en a, parmi ces derniers, 200 000 qui perçoivent un peu de RSA-socle car le niveau de leurs revenus d'activité reste inférieur à l'ancien RMI.

Par ailleurs, on dit que serait peut-être allouée une prime de Noël dont les 350 millions seraient prélevés sur le FNSA, ce qui allègerait un peu son excédent de trésorerie.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - C'est ce qui s'est passé pour la prime de 2009, mais il restera quand même un excédent, sauf augmentation considérable du nombre des bénéficiaires du RSA-activité. On a voulu créer un dispositif de financement transparent et il est logique que le FNSA finance le RSA, qu'il soit socle ou activité, afin de soulager un peu les départements.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le parlementaire souhaite surtout soulager le budget de l'Etat.

M. Jacky Le Menn. - Albéric de Montgolfier nous a dit que, devant les premiers résultats positifs du RSA, on a souhaité le généraliser. Alors qu'initialement l'expérimentation devait durer trois ans, elle n'a été que de six à sept mois en Ille-et-Vilaine. Avant même cette expérience, nous connaissions le public concerné et nous avions vu ce qui allait se passer. Mais on ne nous a pas laissé le temps de donner l'alerte. Nous anticipions déjà les difficultés informatiques et de convergence entre les départements et les Caf. Nous ne sommes donc pas du tout étonnés de voir surgir ces problèmes qu'on aurait pu désamorcer en amont. Si on nous avait laissé poursuivre l'expérimentation pendant deux ans, on aurait pu lancer la généralisation sur de bons rails. Nous étions volontaires pour le faire. Qui veut voyager loin, ménage sa monture...

Mme Gisèle Printz. - Je rencontre des personnes qui ignorent qu'elles peuvent bénéficier du RSA. Je les envoie à Pôle emploi mais je ne sais pas si c'est la bonne démarche.

M. Jean Desessard. - Je remercie Mme Giudicelli d'avoir noté dans son rapport les problèmes informatiques et l'insuffisant délai d'expérimentation. Tout cela, je l'avais dénoncé en séance publique. J'avais aussi soulevé la question des déclarations trimestrielles qui ne conviennent pas du tout à ce genre de public. Si l'opposition avait été écoutée, on aurait évité ces difficultés.

Albéric de Montgolfier dit « craindre » que le FNSA soit largement excédentaire. Quel mot aurait-il employé s'il était déficitaire ? Et pourquoi ce fonds serait-il devenu un « instrument d'opacité budgétaire » ? Au contraire, je trouve intéressant qu'on ait permis un fléchage du financement du RSA.

M. Jean-Louis Lorrain. - Toute nouvelle politique nécessite de nouveaux outils et de nouvelles formations. Un « guichet unique » aura des conséquences sur l'utilisation des crédits. Entre les Caf et les départements, la pratique du conventionnement s'est-elle répandue ? L'interférence avec l'API, c'est encore une complexification pour les départements.

La sous-utilisation des crédits ne signifie pas qu'une politique est mauvaise, mais seulement que des ajustements sont nécessaires.

M. Marc Laménie. - Comment aider les départements à faire face à l'explosion des dépenses liées au RSA ? Par quels moyens lutter contre les fraudes, qui coûtent des sommes non négligeables ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Comment la question des droits connexes a-t-elle évolué avec la mise en place du RSA ?

Comme Jean Desessard, je m'interroge sur l'expression d'« opacité budgétaire » employée par le rapporteur. Il me paraît aussi plutôt judicieux d'avoir attribué des ressources spécifiques au financement de l'allocation.

Le rapport indique que la solidarité nationale contribue au financement de l'allocation pour un montant de 9,7 milliards d'euros. Ne devrait-on pas plutôt parler de solidarité départementale ?

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - L'Etat en finance une part importante.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Mais le RSA-socle, responsable de la plus grosse partie des dépenses, est financé par les conseils généraux.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Jacky Le Menn a raison : la mise en place trop rapide du RSA a occasionné des dysfonctionnements, notamment dans les Caf, mais ils ont été réglés.

M. Jacky Le Menn. - Au prix de quels efforts !

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - La montée en puissance du dispositif a été plus lente que prévu, mais le même phénomène avait été observé pour le RMI.

Marc Laménie, nul ne dit que les dépenses liées au RSA sont excessives, mais qu'elles mettent les départements en difficulté : dans les Alpes-Maritimes, elles s'élèvent à 120 millions d'euros par an, qui s'ajoutent au coût des autres allocations versées par les conseils généraux, alors que les droits de mutation ont baissé.

S'agissant de la communication, une campagne a été lancée en 2009. Mais je suis d'accord pour dire qu'il faut maintenant privilégier une communication ciblée, par exemple par le biais de courriers plutôt que de spots télévisés. En outre, les services sociaux savent bien qui sont les bénéficiaires potentiels du RSA.

Mme Muguette Dini, présidente. - Le ministre Daubresse nous a assurés hier que des courriers étaient adressés à ces personnes en même temps que ceux de la Caf, mais on pourrait envisager d'autres modes de communication ciblée, moins coûteux et plus efficaces.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Jean Desessard évoquait une déclaration mensuelle, ce qui présenterait des avantages et des inconvénients. Les Caf, les conseils généraux et Pôle emploi ne disposent pas des moyens adéquats pour partager leurs informations, et un tiers des dossiers fait l'objet, chaque mois, d'une actualisation de son contenu.

M. Jean Desessard. - Nous l'avions bien prévu au moment du vote de la loi.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Les fraudes doivent être distinguées des indus involontaires, rapidement détectés et recouvrés à 88 % selon la Cnaf. Pour lutter contre la fraude proprement dite, nous disposons désormais d'outils juridiques et techniques, les organismes gestionnaires ayant par exemple accès aux données du fichier national des comptes bancaires ; en outre, depuis fin 2008, les Caf reçoivent systématiquement les déclarations fiscales de leurs allocataires. Il faut mieux mobiliser les acteurs et diversifier les moyens de prévention et de répression. Un rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale préconise de simplifier les dispositions relatives à l'échange d'informations entre administrations et organismes sociaux.

Quant aux droits connexes, ils ont fait l'objet d'un excellent rapport de Sylvie Desmarescaux en mai 2009.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Sont-ils pris en compte dans le calcul des ressources des allocataires ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Naguère le statut de RMIste donnait droit à certaines exonérations, par exemple de la taxe d'habitation. Aujourd'hui on ne prend en compte que le niveau de ressources.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Mais peut-être certaines collectivités territoriales continuent-elles à attribuer des droits en fonction du statut.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Que Jean Desessard ne se méprenne pas : je serais très heureux, en ces temps de disette financière, qu'un poste budgétaire fût excédentaire ! Mais il n'est pas satisfaisant de voir coexister un RSA- socle, structurellement déficitaire, à la charge des conseils généraux, et un RSA-activité, structurellement excédentaire, à la charge du FNSA. Martin Hirsch avait promis l'an dernier que le dispositif monterait bientôt en puissance, mais on attend toujours.

Je reviens sur la notion d' « opacité budgétaire ». Je me réjouis que le FNSA jouisse de ressources affectées mais celles-ci devraient être exclusivement dédiées au financement du RSA, et non pas à la prime de Noël ou à des prélèvements budgétaires, comme ce fut le cas lors de la loi de finances rectificative relative au « grand emprunt ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La dotation budgétaire est manifestement supérieure aux besoins.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Pourquoi ne pas diminuer le taux du prélèvement sur les revenus du patrimoine qui financent le FNSA ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - D'un autre côté, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est structurellement sous-financée : le manque est de l'ordre de 100 millions d'euros par an, alors que ces crédits appartiennent à la même mission « Solidarité ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - C'est l'Etat qui finance la plus grande partie du RSA. La question renvoie au débat sur le RMI. Même si une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est affectée aux départements, l'Etat occupe une part majoritaire dans leurs ressources. La montée en puissance du RSA suit avec un décalage d'un an la courbe du chômage. La progression de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) a été de 8 % ; le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) n'a pas bougé : 500 millions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le conseil général étant en l'occurrence l'opérateur de l'Etat, ne peut-on imaginer que ces trois prestations (Apa, AAH et RSA) fassent l'objet d'un budget annexe des départements ? On déduirait ces 4,7 milliards des 12,5 que l'Etat leur verse et ils évolueraient sur la base de la dépense réelle.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - On s'intéresse alors au delta. Qui le finance ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ces dotations évolueraient en fonction de la dépense réelle, le reste en fonction du contexte budgétaire et de la volonté du Parlement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Curieux raisonnement que celui qui considère que les transferts expriment la solidarité nationale. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les régions vont être les opérateurs de l'Etat pour toutes leurs compétences puisqu'elles n'ont pratiquement plus de ressources propres. Il faut y être attentif !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Les régions perçoivent 25 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; les 75 % correspondent aux impôts qu'elles levaient auparavant.

Mme Michèle André. - Vous observez que l'API a été transférée en deux temps et que vous resterez vigilant sur la compensation. Avez-vous des inquiétudes ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - On verra précisément ce que sera la compensation à l'issue de la loi de finances pour 2012 et l'on fera le compte.

Mme Patricia Schillinger. - Si l'on veut éviter des effets pervers, il faut travailler en réseau. Je suis élue d'une région frontalière et l'on sait bien que certains allocataires du RSA vont travailler au noir de l'autre côté de la frontière. Leurs ressources sont en réalité bien supérieures à celles des personnes éligibles au RSA et qui en ont vraiment besoin. Il faudrait sans doute pouvoir contrôler la situation réelle des personnes, ce que feraient les assistantes sociales si elles étaient plus nombreuses.

Mme Muguette Dini, présidente. - M. Daubresse a écrit aux maires des villes de plus de cinq mille habitants pour les sensibiliser et les informer des procédures du RSA.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Il faut en effet s'appuyer davantage sur les structures qui oeuvrent au contact des publics, comme les centres communaux d'action sociale (CCAS).

Mme Patricia Schillinger. - Les agents chargés des opérations de recensement ont parfois découvert des situations stupéfiantes, des enfants cachés non déclarés par les parents, des couples se déclarant parent isolé... Cela fait mal quand on pense à ceux qui auraient vraiment besoin d'être aidés.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous propose, mes chers collègues, d'autoriser la publication de ce rapport.

A l'issue de ce débat, les commissions des affaires sociales et des finances donnent acte de leur communication aux rapporteurs et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - C'est le premier rapport que je suis amenée à établir et je veux dire ma joie et ma satisfaction de siéger à la commission des affaires sociales.

Réforme des retraites - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

EXAMEN DES AMENDEMENTS (SUITE)

Article 27 sexies A

Mme Muguette Dini, présidente. - Le Gouvernement vient de déposer un amendement n° 1244 à l'article 27 sexies A qu'il nous faut examiner.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Il s'agit du dossier de l'amiante et, en cette affaire, MM. Dériot, Godefroy et Milon sont autrement compétents que moi. Je rappelle cependant que nous souhaitions maintenir la situation actuelle des victimes de l'amiante vis-à-vis de la retraite. Or, vous voyez l'objet de l'amendement du Gouvernement : ce ne serait désormais le cas qu'« à condition qu'ils aient travaillé dans un établissement listé pendant une durée minimale fixée par décret » et « la préretraite sera prolongée à due concurrence compte tenu du relèvement de l'âge de la retraite ». Le seul débat porte sur la durée d'exposition.

Les amendements identiques de MM. Godefroy, Milon et Dériot, auxquels nous avons précédemment donné un avis favorable, tendent à un strict maintien des conditions actuelles ; l'amendement du Gouvernement, lui, met en place une réforme profonde et, en alignant progressivement la majorité des victimes de l'amiante sur l'âge de soixante-deux ans, impose une charge nouvelle à la branche AT-MP.

Il y a actuellement 32 000 allocataires du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), 5 000 entrées annuelles et 6 000 sorties - le fonds s'éteindra progressivement. Les allocataires restent en moyenne quatre ans dans le dispositif, 90 % d'entre eux en sortant à soixante ans, 10 % seulement y entrant après cinquante-neuf ans, soit qu'ils aient continué à travailler pour ne pas perdre 35 % de leurs revenus, soit qu'ils n'aient pas été exposés trois ans à l'amiante.

Le dispositif prévu par l'amendement du Gouvernement ne paraît pas équitable. Il n'existe aucun lien entre la durée d'exposition à l'amiante et le risque en matière de maladie. Un cadre peut avoir passé quarante ans dans une entreprise utilisant l'amiante sans y avoir été physiquement exposé et un ouvrier y avoir travaillé trois mois seulement, mais en inspirant les fibres de l'atelier. Or, il suffit d'une seule fibre pour provoquer un cancer ou un mésothéliome, qui laisse une espérance de vie de douze à dix-huit mois. Ces maladies se déclarent en général autour de l'âge de soixante ans comme l'a établi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).

On sait que 40 % des pathologies liées à l'amiante se déclarent avant soixante ans. Limiter la possibilité de départ en retraite des personnes exposée moins longtemps n'est donc pas de bonne justice. En outre, nous n'avons aucune information sur les durées que le Gouvernement envisage de retenir dans les deux décrets prévus par son amendement.

Par ailleurs, cet amendement applique la réforme des retraites pour la sortie du dispositif. Les 90 % de victimes qui auront tous leurs trimestres cotiseront deux ans de plus et ceux qui devront attendre l'absence de décote partiront à soixante-sept ans. Cela signifie que le Gouvernement organise un transfert de charge de la branche vieillesse vers le Fcaata, donc vers la branche AT-MP. Celle-ci estime le coût total à plus de 2 milliards. En l'absence de négociation avec les partenaires de la branche et les associations de victimes, ce transfert n'est pas opportun.

Je vous propose donc que nous maintenions l'avis positif de la commission sur les amendements de nos collègues qui ont le mérite de la simplicité et que nous donnions un avis défavorable à celui du Gouvernement.

M. Gérard Dériot. - Nous avions présenté nos amendements pour prendre en compte une situation particulière, dérogatoire. Le Fcaata est financé par la branche AT-MP, il est donc sans rapport avec les caisses de retraite. Nous repoussons l'âge de la retraite de soixante à soixante-deux ans parce qu'il est normal de travailler plus longtemps dès lors que l'état physique de la population s'est globalement amélioré. Mais ce n'est pas le cas des victimes de l'amiante, au contraire ! Nous avons donc demandé qu'on en reste pour elles à l'âge de soixante ans et que, lorsqu'elles ont atteint le nombre de trimestres suffisants, la caisse de retraite prenne le relais du Fcaata. Je suis donc défavorable à l'amendement du Gouvernement qui, de plus, renvoie à un décret le soin de fixer l'âge du départ. Le Gouvernement objecte que cela va coûter cher. Mais il s'agit d'un système en voie d'extinction ! Après tout le travail que nous avons fait pour les victimes de l'amiante, accepter cet amendement, ce serait se déjuger.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Cela ne coûtera pas plus cher que la situation actuelle : simplement, cela ne produira pas les économies attendues. Le Gouvernement aurait dû y réfléchir avant : des personnes ayant travaillé dans les bureaux d'entreprises utilisant de l'amiante, mais sans se trouver en contact avec ce matériau, bénéficient du dispositif. C'est là qu'il y a des économies à faire. Je suis favorable à l'amendement Milon-Dériot.

Mme Patricia Schillinger. - Je suis également favorable à l'amendement Godefroy et tout à fait défavorable à celui du Gouvernement.

M. Jacky Le Menn. - Je souscris aux arguments de Gérard Dériot et m'oppose à cette tentative du Gouvernement de faire des économies sur des cas très spécifiques qui, malheureusement, ne bénéficient pas longtemps de leur retraite.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Lors de l'examen des amendements de nos trois collègues, nous avions bien dit que les mesures d'âge seraient neutralisées pour les personnes exposées à l'amiante. Je suis donc défavorable à l'amendement du Gouvernement.

Mme Patricia Schillinger. - Alors, il vous faut faire passer le message à vos collègues de la majorité car, en séance publique, ils s'opposent souvent aux décisions de la commission et à l'avis que vous défendez en tant que rapporteur.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1244 .

Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous indique qu'avec le rapporteur, nous avons rencontré le président Larcher pour lui proposer - ce qu'il a accepté - d'examiner en priorité, dans la longue liste des amendements portant articles additionnels, ceux qui viennent après l'article 3 octies et qui porte sur la réforme systémique. J'en ferai la demande en séance publique. Informez-en ceux de vos collègues qui veulent intervenir sur le sujet pour qu'ils soient en séance cet après-midi.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Ce sujet qui intéresse un grand nombre de nos collègues ne doit pas être débattu à trois heures du matin. En demandant la priorité, nous pourrons l'aborder cet après-midi et, je l'espère, sans a priori ni esprit de polémique.