Mardi 12 juillet 2011

- Présidence de Josselin de Rohan, président -

Réserves militaires et civiles - Examen du rapport et du texte de la commission en 2e lecture

La commission examine le rapport de M. Josselin de Rohan, rapporteur, et le texte proposé par la commission, en deuxième lecture, sur la proposition de loi n° 3299 (AN - 13e législature) tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

M. Josselin de Rohan, rapporteur - Comme vous vous en souvenez, nos deux collègues, Joëlle Garriaud-Maylam et Michel Boutant, ont mené une mission sur l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. Ils nous avaient présenté leur rapport le 14 décembre dernier.

Ce rapport constitue aujourd'hui un document de référence sur la situation des réserves civiles et militaires.

Il a soulevé un grand nombre de sujets qui relèvent pour l'essentiel de l'exécutif, mais il prévoyait un volet législatif avec une proposition de loi modifiant le code de la défense.

Je vous rappelle qu'il s'agit d'offrir la possibilité aux armées et aux administrations qui disposent de réservistes, telles que la police, de pouvoir mobiliser une partie de ces réservistes en cas de crise majeure.

L'actualité nous montre que les armées professionnelles aux effectifs resserrés peuvent avoir besoin des réserves pour faire face à des pics d'activités. Nous avons besoin de réservistes formés, capables de remplacer, dans les états-majors ou dans les forces de soutien, les militaires d'active partis en opération.

Les catastrophes en tout genre, Katrina aux Etats-Unis, Fukushima au Japon, nous montrent que les Etats modernes ne sont pas à l'abri d'événements majeurs qui saturent les capacités des forces actives et des services publics de secours et exigent la mobilisation de réservistes aguerris.

Nous avions adopté cette proposition de loi le 30 mars dernier. Hier, l'Assemblée Nationale a, à son tour, adopté ce dispositif. Elle a adopté six amendements qui améliorent la qualité du texte sans en modifier le fond.

Je vous propose, en conséquence, d'adopter le texte issu de l'Assemblée nationale, de sorte que ce dispositif puisse être opérationnel à la fin de l'année.

Au-delà de ce texte, je crois qu'il faut pousser le Gouvernement, le ministère de la défense, et les états-majors des armées à poursuivre la modernisation des réserves. Le rapport de nos collègues avait soulevé de vraies questions sur l'émission, les moyens, la gestion des réserves. Il faudra, à l'occasion de l'adoption de ce texte en séance publique demain matin, et au-delà dans les mois et les années qui viennent, exiger que des réponses soient apportées à ces questions.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission adopte la proposition de loi sans modification.

Mission au Japon - Communication

La commission entend une communication de MM. Josselin de Rohan, Xavier Pintat et Mme Dominique Voynet, suite à leur mission au Japon du 24 au 28 mai 2011.

M. Josselin de Rohan, président - Avec Dominique Voynet et Xavier Pintat, nous nous sommes rendus au Japon du 23 au 27 mai derniers.

Le Japon est un pays de première importance avec lequel nous partageons les valeurs de la démocratie et du respect des droits de l'homme et avec lequel nous avons une très large convergence de vue sur pratiquement tous les grands sujets internationaux. Face à la montée en puissance de la Chine et la persistance de la menace nord-coréenne, le Japon occupe une place centrale dans le rapport de forces diplomatique et militaire en Asie et donc dans le monde dont l'Asie devient l'épicentre. Ce positionnement du Japon n'est cependant pas évident tant il est vrai, qu'en dépit d'une évolution importante, les limitations constitutionnelles et l'opposition de l'opinion publique rendent apparemment difficiles une implication plus importante du Japon dans le système de défense collective.

L'objectif que notre mission s'était fixé, était donc de mieux appréhender la complexité des relations régionales, les liens particuliers du Japon avec les États-Unis et les possibilités de développer une coopération dans le domaine des programmes d'armement.

Nous avons eu un ensemble d'entretiens très complets avec en particulier deux tables rondes consacrées pour la première aux relations nippo-américaines, et pour la seconde aux relations du Japon avec ses autres voisins. Au niveau exécutif nous avons rencontré le vice-ministre de la défense et le chef adjoint de l'état-major interarmées. Un entretien très intéressant nous avait été aménagé avec l'ancien premier ministre Nakasone. Nous avons rencontré des think tanks et bien sûr l'ensemble de nos homologues du parlement.

Nous avons reçu un accueil extrêmement chaleureux de la part de nos collègues japonais de la Diète comme du Sénat. La présidente du groupe d'amitié, Mme Akiko Santo, nous a reçus chez elle en présence d'un certain nombre d'autres parlementaires. Notre ambassade avait par ailleurs organisé un dîner avec des parlementaires japonais spécialistes des questions de diplomatie et de défense.

S'agissant des relations économiques, nous avons rencontré des représentants des entreprises françaises installées au Japon ainsi que le patronat japonais, le Keidanren. Nous avons également donné une conférence à l'université de Waseda devant des étudiants en relations internationales sur la situation en Afrique et au Moyen-Orient et la position de notre pays.

Enfin, dans le cadre de la réforme de l'action extérieure de l'État que nous avons voté l'année dernière, nous avons examiné comment notre réseau culturel s'adapte, bien que le Japon ne soit pas l'un des pays qui ait été retenu dans la phase d'expérimentation.

1 - s'agissant de la politique de sécurité et de défense du Japon, ma première remarque sera pour souligner que les freins constitutionnels n'ont pas empêché le développement d'une force de défense finalement assez comparable aux forces armées occidentales, même si ses capacités d'action et de déploiement sont plus limitées.

À l'issue de la seconde guerre mondiale, la nouvelle constitution du Japon énonce un principe strict de renonciation à la guerre si l'on se réfère à la lettre de son article 9 : « Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l'État ne sera pas reconnu. »

Pourtant, comme pour l'Allemagne en Europe, la guerre froide avec la montée des menaces du bloc communiste en Russie et en Chine et surtout la guerre de Corée ont conduit à une interprétation plus souple de cette renonciation à la force.

Le Japon s'est ainsi doté dès 1954 de Forces d'autodéfense tournées vers la défense du territoire national et sans esprit offensif dirigé vers l'extérieur.

Les missions de ces forces sont limitativement énumérées par la loi. Leur mission principale consiste à défendre le pays contre des attaques directes ou indirectes afin de protéger sa terre, son indépendance et sa sécurité. En second lieu et, en cas de nécessité, elles peuvent contribuer au maintien de l'ordre public.

Cette évolution était du reste rendue nécessaire par le traité de sécurité nippo-américain, signé le 8 septembre 1951, qui supposait que le Japon puisse assurer seul sa propre défense. Dès le 1er janvier 1950, le général MacArthur avait indiqué que la Constitution ne devait pas être interprétée comme ayant retiré au Japon son droit naturel de légitime défense. Il faut rappeler que même ce droit de légitime défense, pourtant reconnu dans l'article 51 de la Charte de l'ONU, était initialement considéré comme anti constitutionnel.

Ainsi, progressivement, le Japon a renoué avec l'autonomie stratégique au gré d'une lecture constructive de la Constitution. Avec le traité de 1960 le Japon assume un rôle de plus en plus actif dans sa propre défense et le maintien de la sécurité régionale. Ces évolutions se sont traduites en 2006 par la création d'un ministère de la défense et d'un état-major des armées.

Aujourd'hui, les forces de l'autodéfense comptent environ 240 000 hommes qui se répartissent de la manière suivante :


· 44 400 hommes dans la marine (16 sous-marins - 9 frégates - 45 destroyers) ;


· 45 600 hommes dans l'aviation (270 avions de combat) ;


· et 148 300 hommes dans l'armée de terre (1 000 chars).

A l'exception de l'aviation, principalement d'origine américaine, les équipements des forces d'autodéfense sont d'origine nationale. Ils sont produits par une industrie de défense forte qui a bénéficié d'un marché captif, fermé aux coopérations internationales. On y trouve tous les grands noms de l'industrie japonaise comme Mitsubishi ou Sumitomo. Ces programmes d'équipement se sont appuyés sur un effort budgétaire limité à 1 % du PIB qui s'élevait pour l'exercice 2010-2011 à 52 milliards de dollars.

De plus, on a assisté à partir de 1991 à une interprétation supplémentaire qui a permis de surmonter l'interdiction de déploiement à l'étranger. La participation à des OMP est certes restrictive ; elles ne peuvent pas participer à des opérations de combats, elles n'interviennent qu'après un cessez-le-feu et dans des zones bien délimitées, sous commandement japonais. On arrivait ainsi à des situations où les troupes japonaises participant en Irak étaient protégées par des sociétés militaires privées. Ces restrictions s'expliquent par la crainte de subir des pertes et surtout d'être entraîné dans un conflit violent. Cela étant, la Japon participe de plus en plus efficacement par exemple à l'opération Atalanta et ouvre une base à Djibouti, c'est-à-dire une implantation militaire japonaise hors du territoire national.

L'un des principaux objectifs de ces évolutions est une meilleure intégration du Japon au sein de la communauté internationale, mais aussi la recherche de nouveaux vecteurs de puissance au moment où la puissance économique du Japon est en déclin, notamment par l'obtention d'un siège permanent au conseil de sécurité. Il s'agit bien sûr également pour le Japon de contrebalancer la montée en puissance de la Chine.

On se trouve donc face à une situation où le Japon agit de plus en plus en tant que puissance tout en restant limité dans ses capacités d'action par son opinion publique et par sa Constitution. Le parti libéral-démocrate avait pour projet une modification de l'article 9 de la Constitution. Le parti démocratique y a renoncé mais il est intéressant de constater que lors de l'entretien que nous avons eu avec le premier ministre Nakasone, celui-ci a déclaré que les limitations imposées par l'article 9 pouvaient sans doute être contournées par les progrès technologiques. Cette remarque est très caractéristique de la méthode japonaise.

Dans le domaine nucléaire, cette renonciation est bien sûr le fruit d'un passé douloureux. L'accident nucléaire de la centrale de Fukuyama ne permettra certainement pas de relancer le débat sur la disposition par le Japon d'une force nucléaire défensive. Le Premier ministre Sato avait défini les « trois principes non nucléaires » du Japon (non fabrication, non introduction et non détention). Il est significatif de souligner que ces trois principes n'ont pas de base légale, mais sont seulement une résolution de la Diète. Le gouvernement japonais a toujours refusé les demandes de légalisation de ces trois principes.

La dissuasion nucléaire est américaine et constitue clairement un élément vital de la dissuasion élargie qu'assurent les États-Unis au Japon. Pratiquement tous nos interlocuteurs ont d'ailleurs manifesté leur inquiétude après le discours du président Obama sur un monde sans armes nucléaires alors même que la ligne officielle du Japon est de militer pour le désarmement. De même, le gouvernement japonais s'est inquiété de la signature du traité New start et du risque de voir les arsenaux chinois rattraper les arsenaux américains. Ils ont souligné que ce chemin vers la parité risquait de renforcer chez les stratèges chinois un sentiment d'invulnérabilité très déstabilisateur pour la région.

2 - Le Japon dispose donc d'un instrument militaire performant qui conduit à s'interroger sur les objectifs qu'il assigne à sa défense. Cela suppose de répondre à deux questions : Quelle est la perception japonaise des menaces ? Quelle politique de défense le Japon adopte t-il pour y répondre ?

Le 17 décembre 2010, le gouvernement et le Parlement japonais ont adopté les nouvelles directives de défense qui comportent une analyse nouvelle des menaces auxquelles le Japon fait face. Alors que durant la guerre froide la menace était clairement identifiée et que la Chine maoïste n'en constituait pas une, trop occupée qu'elle était à détruire son économie de révolution culturelle en grand bond en avant, aujourd'hui les défis sécuritaires sont « multiples, complexes et interconnectés ».

Il y a très clairement un basculement de puissance vers l'Asie où la montée en force de la Chine ne rencontre que peu de contrepoids. Les nouvelles directives de défense identifient clairement la Chine comme étant une menace et cette affirmation a du reste entraîné de très vives protestations des autorités chinoises. L'identification officielle de cette menace et de celle de son client, la Corée du Nord, a conduit à réaffirmer et même à renforcer ce primat de la diplomatie japonaise qu'est la relation privilégiée, sinon quasi exclusive, avec les États-Unis.

En 2009, une alternance politique a amené le parti démocratique au pouvoir après 50 ans quasi ininterrompus de suprématie du parti libéral-démocrate. Le programme du parti démocratique prévoyait un rééquilibrage des relations qui auraient pris la forme d'un triangle équilatéral entre le Japon, la Chine et les États-Unis. Très rapidement un certain nombre d'événements ont conduit le nouveau gouvernement à réaffirmer l'axe prioritaire que constituent les relations avec les États-Unis. Nos interlocuteurs ont à plusieurs reprises souligné que c'était une relation forte avec les États-Unis qui permettait d'avoir une relation forte avec la Chine. Tout affaiblissement du lien entre les deux pays était interprété comme une faiblesse pouvant faire croire à la Chine que sa marge de manoeuvre était plus importante. Il en résultait inévitablement un regain de tension régionale.

Les essais nucléaires et les tirs de missiles balistiques en Corée du Nord, la politique très agressive de ce pays vis-à-vis de la Corée du Sud en 2010 à travers les deux crises de la destruction d'un navire militaire sud-coréen et du bombardement d'îlots appartenant au sud, le soutien indéfectible de la Chine à son allié dans ces circonstances, la crise des îles Senkaku, revendiquées par la Chine, les interventions et la présence de plus en plus fréquente de la marine chinoise aux pourtours de l'espace maritime japonais et, d'une manière générale, l'accroissement du budget de défense chinois et le manque de transparence de ses objectifs.... tout cela a rapidement amené le gouvernement japonais et le gouvernement des États-Unis à réaffirmer le caractère central de leur alliance. En particulier, Hillary Clinton a clairement rappelé en octobre 2010 que l'archipel des Senkaku, que revendique la Chine, était bien couvert par le traité de coopération mutuelle et de sécurité de 1960.

Les fondamentaux du lien Japon-Etats-Unis ont été mis en valeur auprès de la population lors de la catastrophe du 11 mars dernier. La crise a montré la force et le rôle de pivot de l'alliance avec les États-Unis. Ceux-ci ont déployé une aide multiforme, massive et spectaculaire qui a vu se déployer une vingtaine de navires dont un porte-avions nucléaire et 130 aéronefs. Les États-Unis ont mobilisé 16 000 hommes qui ont coopéré de manière étroite avec les forces d'autodéfense. Le peuple japonais a ainsi vu la réalité de la solidarité entre les deux pays dans un moment critique de son histoire.

La présence américaine au Japon avec ses 40 000 hommes stationnés, les bases américaines, que ce soit celle de d'Okinawa ou de Yokosuka où est basé le porte-avions nucléaire Georges Washington, sont indispensables à la sécurité de l'archipel et de l'ensemble de la région. Il ne fait pas de doute que la présence navale des Etats-Unis est un élément essentiel de la stabilité. Ce n'est du reste pas un hasard si la Chine qualifie cette présence de « politique d'encerclement ».

Le Japon se sent directement visé non seulement par l'accroissement de l'arsenal nucléaire chinois mais aussi par le développement de ses missiles à moyenne et longue portée dont les implantations couvrent l'ensemble de l'archipel nippon. De même, le développement de la marine chinoise, avec une composante de groupe aéronaval et la multiplication des patrouilles de sous-marins ou des exercices navals en mer de Chine, ne peuvent qu'inquiéter.

Les nouvelles directives de défense tirent les conséquences de ces analyses en retenant un concept de défense dynamique qui offre une capacité de dissuasion et de réponse renforcées. Elles procèdent également à un redéploiement de ses forces du Nord vers l'ouest, c'est-à-dire vers la Chine et la Corée du Nord. Le Japon développe également, en pleine coopération technique avec les Etats-Unis, un très ambitieux programme de défense antimissiles destiné à contrer la menace balistique coréenne mais surtout chinoise. Mais sur ce point, je laisserai Xavier Pintat qui vient, avec Daniel Reiner et Jacques Gautier, de remettre un rapport exhaustif sur la DAMB, vous présenter ses réflexions.

Cette identification de la menace chinoise a conduit également à une politique de rapprochement avec la Corée du Sud mais aussi avec d'autres pays comme l'Australie ou l'Inde ou encore avec le Vietnam et les pays de l'ASEAN. Il ne s'agit certes pas de réaliser une coalition qui s'opposerait à la Chine et à sa politique hégémonique, mais de développer des coopérations et des échanges. Le cas de Taïwan a également été cité par nos interlocuteurs qui ont souligné le risque d'absorption économique et politique qui ferait tomber un pion essentiel du réseau de sécurité en Asie.

Lors de nos entretiens, nos interlocuteurs ont clairement manifesté leur inquiétude devant les transitions politiques en cours en Corée du Nord et en Chine.

La crise de succession en Corée du Nord conduit à des provocations extérieures. C'est ce qui s'est passé en 2010 vis-à-vis de la Corée ou en 2009 avec un essai nucléaire et des tirs de missiles.

Plus grave sont les conséquences éventuelles de la transition politique en Chine. Hu Jintao quittera le pouvoir en 2013. Se pose donc la question de la relève du pouvoir et du risque d'une remise en cause de cette politique étrangère de rapprochement avec le Japon dont il s'était fait l'emblème. La Chine paraissait considérer alors que de bonnes relations avec l'allié japonais des Etats-Unis favorisaient le rapprochement sino-américain. Or Le successeur de M. Hu appartient à une faction politique proche des forces armées. Il appartient à l'élite militaro-politique qui pense pouvoir déconnecter le lien Japon Etats-Unis d'une négociation directe entre la Chine et l'Amérique. Nos interlocuteurs interprètent clairement les incidents de l'année 2010 aux abords des îles Senkaku comme le signe visible de ce raidissement politique intérieur. Il en va de même pour le soutien chinois à son allié coréen. De plus, ils craignent que d'éventuelles difficultés économiques et surtout sociales en Chine ne poussent à une fuite en avant nationaliste agressive vis-à-vis du Japon.

Pour autant, le Japon ne peut se contenter d'une politique qui définit la Chine comme une menace et qui ne peut conduire qu'à des tensions et des affrontements. La Chine est également le premier partenaire économique du Japon.

Le fait que la Chine ait dépassé le Japon en termes de PIB et qu'elle soit désormais la deuxième économie du monde n'inquiète pas outre mesure les japonais. Les commentateurs ont tenu à relativiser l'événement. Presque tous ont souligné qu'en termes de revenus par tête, les Japonais étaient encore 10 fois plus riches que les Chinois. Le différentiel de croissance entre les deux pays rendait par ailleurs inéluctable cette situation. L'inversion du rang économique au profit de la Chine a néanmoins conduit les Japonais à prendre conscience qu'une page de l'histoire était tournée.

Plus que jamais, les milieux économiques ont pris conscience de leur dépendance à l'égard de la Chine. La proximité du géant chinois n'est en général pas perçue comme une menace, du moins sur le plan économique. Pour le président de Panasonic, « avoir un voisin de 1,3 milliard d'habitants qui croît si vite est une chance pour nos entreprises ». Le Japon est conscient de l'atout que constitue pour lui une économie « post moderne ».

Même après la catastrophe du 11 mars, les capacités économiques du Japon sont intactes. Il reste la troisième puissance économique mondiale. Il demeure leader en matière d'innovation et de recherche-développement puisque 2 % de la population mondiale assurent 20 % des dépenses de R&D. Il consacre 3,8 % de son PIB à la R&D et il reste le premier créancier du monde. Par ailleurs, sa diplomatie, appuyée sur l'aide au développement reste un outil d'influence fondamentale notamment en Afrique.

C'est donc bien ce triangle des relations entre les trois pays : Japon, Etats-Unis et Chine qui est l'image clé des relations diplomatiques et de défense du Japon. Mais contrairement à ce qu'avait imaginé le premier ministre Hatoyama en 2009, ce n'est pas un triangle équilatéral. C'est bien la force de l'alliance avec les Etats-Unis qui permet au Japon d'avoir une politique forte vis-à-vis de la Chine. L'inquiétude des Japonais, c'est que ce soit l'Amérique qui se distancie du Japon pour se rapprocher de la Chine. Nos interlocuteurs nous ont fait remarquer que le futur ambassadeur des États-Unis à Pékin est l'ancien ministre du Commerce extérieur, ce qui montre, selon eux, l'importance que les Américains accordent aux relations commerciales et économiques avec la Chine.

3 - face à cette relation triangulaire structurante, les relations avec la Russie paraissent nettement plus simples.

La contestation territoriale qui porte sur quatre îles de l'archipel des Kouriles continue à opposer les deux pays et explique qu'un traité de paix ne soit toujours pas signé entre le Japon et la Russie depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Dans un contexte électoral en Russie, cette question a rebondi à l'occasion de visites de M. Dmitry Medvedev et d'autres ministres russes. Ces visites ont donné lieu à des manifestations nationalistes de part et d'autre.

Au-delà des arguments juridiques qu'avancent les deux parties, le blocage de la position japonaise s'explique par l'existence d'autres contentieux territoriaux avec la Chine ou avec la Corée du Sud. Une négociation avec la Russie serait considérée comme une faiblesse dans les autres contentieux. Par ailleurs, le courant nationaliste d'extrême droite japonais s'appuie sur ce conflit pour jouer un rôle politique. L'intérêt des deux parties s'explique aussi par les ressources halieutiques de la zone ainsi que par ce que ces îles permettent à la Russie de contrôler le passage entre la future route du nord par le pôle et le Pacifique.

Pourtant, la tendance générale est plutôt à l'amélioration des relations entre les deux pays en particulier autour du développement de la Sibérie et de ses immenses ressources naturelles. C'est du reste l'un des arguments du Japon qui met en avant ses capacités financières et technologiques pour la mise en valeur de la Sibérie et qui serait sans doute prêt à un certain nombre de concessions en échange d'un geste sur les Kouriles.

La vente à la Russie de bâtiments de type Mistral inquiète le Japon en cas de déploiement de ce bâtiment de projection et de commandement au Kouriles. Comme vis-à-vis de nos interlocuteurs des pays baltes, j'ai fait remarquer que, même avec un certain nombre de transferts de technologies, la France vendait à la Russie un bâtiment multifonctions et non un système d'armes.

4 - Dans ce contexte de primauté de la relation bilatérale nippo-américaine reste t-il une place pour une coopération en matière de défense et d'armement pour la France mais aussi pour d'autres pays et notamment le Royaume Uni ?

Il est évident qu'il existe un souhait de voir se desserrer le caractère trop exclusif des relations nippo-américaines mais la réalité remet rapidement ce rêve à sa juste mesure. En matière de sécurité et de garanties, la France, le Royaume-Uni ou encore l'Europe ne constituent évidemment pas le début d'une alternative.

L'Europe, comme ailleurs, n'est pas un acteur politique au Japon. L'une des seules préoccupations de nos hôtes japonais a porté sur la levée éventuelle de l'embargo européen sur les armes vis-à-vis de la Chine. Sur ce point, j'ai indiqué que tout dépendait de la politique chinoise. Une politique de paix, de transparence et de bonnes relations avec ses voisins, pourrait conduire à une éventuelle levée de cet embargo. Mais celle-ci ne semble naturellement pas à l'ordre du jour dans la mesure où le développement militaire de la Chine pose aux pays voisins, mais aussi à la communauté internationale, un certain nombre de questions que les autorités chinoises laissent sans réponses. Cela étant, une réflexion de bon sens consiste à faire remarquer que la Chine peut développer seule les armements dont elle a besoin.

Des possibilités de coopération existent-elles en matière de programme d'armement ?

Le Japon fait face aux mêmes difficultés financières et budgétaires que la plupart des puissances économiques mondiales. Ces difficultés ne pourront que s'accentuer avec les conséquences du 11 mars dont le coût de reconstruction est estimé à 300 milliards de dollars. Si l'aide au développement a déjà été amputée de 500 M$, le budget de défense pourrait être impacté par les besoins prioritaires de la reconstruction. Par ailleurs, le Japon fait face à d'autres défis que celui de sa défense et, en particulier, celui du vieillissement de sa population. Les seniors constituent déjà 23 % de la population et la population active devait passer de 82 millions en 2010 à 52 millions en 2050. Et ceci dans un pays qui traditionnellement n'a recours à l'immigration que de manière très marginale. C'est dire qu'il existe aussi des priorités autres que celles de la défense quand la sécurité est assurée par l'alliance américaine. On retrouve la problématique de la construction d'une PSDC face au bouclier de l'OTAN en Europe.

Quoi qu'il en soit dans ce contexte, maintenir un budget aux alentours d'1 % du PIB n'est pas évident. Des marges de manoeuvre existent cependant en termes de coûts. En effet, l'industrie nippone a bénéficié depuis toujours d'un marché captif où la concurrence n'existait pratiquement pas et où les grands groupes se partageaient les marchés par entente. Les restrictions budgétaires conduiront donc probablement à des économies et donc à la possibilité, tout en maintenant l'enveloppe budgétaire, de continuer les principaux programmes.

Quoi qu'il en soit, nos interlocuteurs - que ce soit au niveau du parlement, ou du Keidanren - ont tous avancé les mêmes arguments que nous développons nous-mêmes au niveau européen pour justifier des coopérations et des mutualisations qui sont indispensables. L'exemple de la coopération entre la France et le Royaume-Uni a, en particulier, été citée.

Ces souhaits restent très largement formels pour deux raisons :


· Les marchés publics japonais sont très peu transparents dans leurs procédures et un certain nombre de barrières non tarifaires permettent d'écarter les entreprises concurrentes, surtout quand elles sont étrangères. C'est ainsi que notre pays a vu une offre de la société Eurocopter écartée au profit d'une offre nippo-américaine pour le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de sauvetage en mer, marché qui portait sur 2 milliards d'euros. De même, Thalès a été écarté du renouvellement du système de contrôle du transport aérien au profit d'un consortium japonais. Cette remarque sur l'opacité des marchés publics ne vaut pas seulement évidemment dans le domaine des armements. Le premier ministre Nakasone nous a néanmoins indiqué qu'un projet de réforme était en cours d'examen. La clarification de ces points est un préalable au lancement définitif des négociations pour un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Japon. Lors du Sommet UE-Japon, qui s'est tenu fin mai, les préoccupations exprimées par les Etats membres sur le volet commercial, dont la France, ont été prises en compte. Ainsi, il a été décidé que l'ouverture des négociations d'un accord de libre échange dépendrait de l'obtention d'un résultat satisfaisant dans le cadre de l'étude de paramétrage ("Scoping") qui va être lancée entre la Commission et les autorités japonaises. Un mandat de négociation ne serait élaboré que si cette étude aboutissait à des résultats. La transparence des marchés publics et la suppression des barrières non tarifaires en font naturellement partie.


· La seconde raison qui rend toute coopération quasi impossible tient à la limitation stricte des possibilités d'exportation de matériels développés en commun. Le contrôle des exportations, y compris de technologies duales, est strictement encadré par les trois principes définis par le Parlement en 1967. Ces trois principes interdisent l'exportation d'armement vers des pays du bloc communiste, vers les pays où les exportations d'armement sont interdites par des résolutions des Nations unies et vers des pays qui sont impliqués, ou qui pourraient l'être, dans un conflit international. Ce principe établi par le gouvernement du premier ministre Sato a été renforcé en 1976 par le premier ministre Miki, aboutissant à une quasi impossibilité d'exporter et donc de coopérer. Le patronat japonais avait milité en 2010 pour que ces principes soient interprétés de manière plus souple dans les nouvelles directives de défense. Toutefois le parti démocratique, pour des raisons d'équilibre politique, n'a pas inscrit cette mesure.

Les représentants du patronat que nous avons rencontrés ne nous ont laissé que très peu d'espoir pour que cette adaptation soit faite à court terme. Si je cite le compte rendu de notre entretien au Keidanren, ses représentants ont déclaré : « S'agissant des projets de coopération entre entreprises françaises et entreprises japonaises, des contacts existent mais les négociations n'ont pas été poussées très loin. Il n'y a pas de projet de joint-venture car on ne peut même pas exporter la technologie japonaise en Europe. On peut par contre avoir des partenariats privés en dehors du domaine militaire. Le développement de contrat n'est pas exclu mais les trois principes limitent les possibilités d'action. Le Japon peut importer des produits français pour les utiliser mais ne peut les exporter une fois intégrés dans sa technologie. Cela exclut une véritable coopération aujourd'hui. »

Comme nous l'avait fait remarquer l'un des représentants des entreprises françaises installées au Japon, l'investissement dans ce pays s'inscrit dans le long terme. On ne peut qu'espérer que cette patience finisse par porter ses fruits.

En conclusion, et avant de passer la parole à Xavier Pintat et à Dominique Voynet, je voulais souligner que ce voyage a été extrêmement utile et intéressant et que j'ai invité nos homologues du Sénat japonais à nous rendre cette visite en 2012. La relation avec le Japon, pays avec lequel nous partageons les mêmes valeurs, suppose, comme je l'indiquais à l'instant, de l'inscrire dans le temps et la durée. Il existe je crois de réelles opportunités de travailler ensemble sur des sujets d'intérêt commun.

M. Xavier Pintat - Le Japon est un pays fascinant qui allie tradition et modernisme. Nous ne pouvons qu'être frappés par le courage, la résilience, la solidarité dont le peuple japonais a fait preuve. Il faut également souligner le gout du travail bien fait, jusque dans les moindres détails même si celui-ci conduit parfois au protectionnisme et au repli sur soi.

L'accident nucléaire de Fukushima illustre dans une certaine mesure l'absence d'échanges auquel peut conduire une trop grande certitude. Ce fut le cas de Tepco dont tout laissait à penser qu'il avait tout prévu mais qui a été pris au dépourvu devant une catastrophe qui le dépassait.

La défense japonaise est très en avance en matière de DAMB. Ils développent une nouvelle génération du missile SM3 Bloc 2A, en pleine coopération avec les Etats-Unis qui souhaitent le mettre à disposition de l'OTAN en 2018. Cette volonté des Américains se heurte pour l'instant aux trois principes de limitation des exportations. Nous n'avons pas obtenu de réponse claire sur les possibilités d'interprétation de ces principes dans le cas de la DAMB.

Confrontés à ces principes qui limitent de facto les possibilités de coopération et au caractère peu transparent des marchés publics, les entreprises françaises de l'armement que nous avons rencontrées manifestent leur mécontentement.

M. Jean-Pierre Chevènement - Votre rapport a été assez elliptique sur l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima et ses conséquences. N'y a-t-il pas eu une connivence entre l'entreprise, l'Etat et les autorités de sûreté qui a abouti à un contrôle insuffisant ?

M. Jean Faure - Nous avons eu l'impression que les autorités japonaises avaient décliné les propositions d'aide française, notamment l'envoi de robots, au début de la catastrophe puis que cette attitude avait changé. La France peut apporter beaucoup en matière de sûreté nucléaire.

M. Xavier Pintat - La mission de notre commission portait essentiellement sur nos domaines de compétences : défense et politique étrangère. Néanmoins nous avons abordé cette question avec presque tous nos interlocuteurs qui ont d'ailleurs fait part de leur reconnaissance pour l'aide et la solidarité françaises que ce soit celle de notre Gouvernement ou celle d'AREVA. Il me semble que les autorités japonaises ont fait leur autocritique sur la question de la sûreté et les faiblesses du contrôle. Ils envisagent la création d'une autorité publique.

M. Josselin de Rohan, président - C'est un évènement qui va marquer profondément la politique japonaise. Parmi nos interlocuteurs, M. Kenichi Ohmae a été très critique vis-à-vis du gouvernement et a dénoncé les liens entre le ministère, les autorités et l'entreprise Tepco. Le Premier ministre Kan a annoncé un effort important en faveur des énergies renouvelables mais les ressources du Japon en la matière sont assez limitées ce qui implique nécessairement l'existence d'une policy mix. Une sortie du nucléaire conduirait à une envolée de plus de 50 % des prix de l'électricité.

Une des leçons que je tire de notre mission est l'extraordinaire courage de la population, sa discipline et sa capacité de résilience. On imagine mal ce qui se serait passé en France dans des circonstances identiques. Il n'en demeure pas moins que cette crise a généré un profond sentiment de méfiance et une perte de confiance dans les autorités politiques. Tous les observateurs s'accordent à penser que les jours du gouvernement Kan sont comptés. La crise accentue ainsi l'instabilité politique du Japon.

M. Jacques Berthou - Comment le Japon envisage t-il la menace nord coréenne ? Sur la catastrophes nucléaire, peut-on imaginer que les Japonais, qui sont par bien des côtés à la pointe de la technologie, aient été aussi peu informés que les Russes lors de Tchernobyl ? J'ai du mal à croire qu'avec des process aussi compliqués ils aient été si peu informés. Avec plus d'humilité, le désastre aurait il pu être évité ?

M. Josselin de Rohan, président - Je ne pense pas que ce soit une question de mauvaise information. Après le tsunami il y a eu une complète désorganisation et une coupure des communications. Il a fallu du temps pour évaluer la situation dans toute son ampleur.

S'agissant de la Corée du Nord, le Japon est naturellement très attentif mais le véritable problème c'est la Chine. La Corée du Nord connait une crise de succession. Le nucléaire, comme les autres provocations militaires, sont instrumentalisés à des fins de politique intérieure.

M. Xavier Pintat - Pour le Japon, ça n'a pas été une réaction d'orgueil qui explique les retards de réaction dans le traitement de la situation mais un très réel désarroi devant le caractère imprévu de l'ampleur de la catastrophe.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Il y a un an, la DGA m'avait demandé de conduire une mission au Japon pour encourager le développement de la coopération entre entreprises françaises et japonaises et pour renforcer les contacts entre parlementaires. Les perspectives de développer des coopérations ont-elles progressé ?

M. Josselin de Rohan, président - Dans le domaine militaire, les coopérations seront très difficiles, en dehors de celles que le Japon développe avec les Etats-Unis en matière de DAMB. Les restrictions aux exportations en sont la cause principale. Pourtant les restrictions budgétaires qui toucheront la défense rendent logique la recherche de mutualisation. Il existe plus de possibilités de coopérations dans le domaine civil, dans le nucléaire en particulier.

Les contacts entre parlementaires sont très utiles comme l'a montré notre mission et c'est la raison pour laquelle j'ai invité nos homologues du Sénat japonais à nous rendre notre visite en 2012.

M. Robert del Picchia - Vis-à-vis de la menace chinoise, il est probable que le Japon a la capacité de produire des armes nucléaires dans un délai très court. Existe-t-il un risque de conflit avec la Chine sur la question des terres rares ?

M. Josselin de Rohan, président - L'analyse japonaise vis-à-vis de la Chine est ambivalente : elle est identifiée à la fois comme une menace mais aussi comme un immense marché. Dans les deux cas il faut faire de la Chine un partenaire et non un adversaire. Je ne crois pas que la Chine soit impérialiste, tout au moins au sens où nous l'entendions pour le Japon dans les années 30. Sur le nucléaire militaire il est évident que le Japon a tous les moyens et toutes les compétences pour produire des armes atomiques.

M. André Vantomme - Pouvez-vous nous préciser quels sont les enjeux du conflit des Kouriles entre la Russie et le Japon ?

M. Josselin de Rohan, président - Même s'il existe une grande sensibilité sur cette question, les Kouriles ne sont pas l'Alsace Lorraine du Japon. Cette question empêche la conclusion d'un traité de paix entre les deux pays. Les Japonais estiment que la Russie a une attitude humiliante et provocatrice par les visites de haut niveau effectuées. Ils n'oublient pas la victoire du détroit de Tsushima en 1905 où la flotte impériale russe avait été coulée par la marine japonaise, ce qui fut l'un des principaux facteurs de la défaite russe dans la guerre qui opposait les deux pays. Ces évènements ont joué un rôle important dans l'effondrement progressif du tsarisme.

Mercredi 13 juillet 2011

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

M. Josselin de Rohan, président - J'ai demandé à M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, de bien vouloir venir devant la commission évoquer les enseignements tirés, au plan technique, de l'engagement de nos matériels dans les opérations, et notamment en Libye. Je souhaite que vous évoquiez les points de satisfaction, mais également les lacunes ou les axes d'amélioration à privilégier.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Nous analysons en permanence le retour d'expérience des différentes opérations extérieures, et en particulier celle sur la Libye.

Globalement, nous sommes relativement satisfaits de la manière dont se comportent, au plan, technique, les systèmes d'armes que nous avons eu la responsabilité de définir.

Le théâtre libyen se démarque nettement du théâtre afghan en ce qu'il sollicite particulièrement les composantes aériennes, aéronavales, aéroterrestre, et même spatiales.

L'opération libyenne représente pour nos forces un effort soutenu et elles y ont opéré ce que l'on appelle l'entrée en premier. Elles font face à une menace persistante, même si on en parle peu. Je pense surtout aux tirs de missiles sol-air libyens qui représentent une menace réelle en particulier pour les appareils volant à basse altitude, à savoir les hélicoptères.

Nous constatons avec satisfaction la bonne performance de nos matériels.

Une grande partie des capacités du Rafale ont été démontrées lors de l'opération Harmattan. Celle-ci a validé la pertinence du choix de la polyvalence, enviée par nos alliés britanniques. La disponibilité du Rafale est excellente. Les Rafale engagés ont effectué près de 500 sorties et 3 000 heures de vol. Cette disponibilité a un prix. Elle réclame un engagement permanent des personnels des armées en charge du soutien, et bien entendu des pilotes, soumis au rythme effréné de missions longues, nécessitant des ravitaillements en vol. Les choix architecturaux du Rafale s'avèrent ainsi confortés. C'est un avion facile à piloter et à utiliser, doté d'excellents armements.

Les missiles de croisière Scalp EG ont été tirés, avec succès, au début de l'opération. Ils ont fait à chaque fois coup au but, avec une précision remarquable. C'est le fruit de la performance intrinsèque du missile et du professionnalisme des personnels qui les mettent en oeuvre.

La nacelle de reconnaissance Reco NG a démontré de très bonnes performances, avec une très bonne qualité d'image. Elle a fourni une grande partie des prises d'images transmises à l'OTAN.

L'armement air-sol modulaire (AASM) affiche un taux de réussite de l'ordre de 98 %, tant en mode inertiel que sur coordonnées GPS.

C'est la démonstration pratique que les choix d'ensemble étaient pertinents et que les performances sont atteintes.

S'agissant des hélicoptères d'attaque, le Tigre a démontré ses grandes qualités en Afghanistan. Il procure aux troupes au sol un appui rapide et son canon de 30 mm asservi au viseur de casque s'avère d'une redoutable efficacité. En Libye, nous avons engagé des Tigre, des Gazelle, des hélicoptères dédiés aux missions de recherche et sauvetage au combat (CSAR) et des hélicoptères Caracal des forces spéciales. La disponibilité des Tigre est excellente, proche de 100 %.

Pour les hélicoptères comme pour les avions de combat, le haut niveau de disponibilité en opération a évidemment pour contrepartie une disponibilité moindre dans les bases.

Nous portons une attention particulière à l'autoprotection des Tigre, afin d'adapter nos contre-mesures, comme les leurres infrarouge, à la menace à laquelle nos appareils sont exposés.

L'opération en Libye souligne le rôle clef de la capacité de renseignement d'origine électromagnétique. Nous nous appuyons sur les Transall C160 Gabriel et sur la nacelle Astac des Mirage F1. Ces moyens datent un peu, mais ils ont fourni le renseignement nécessaire et nous ont permis de disposer des caractéristiques précises des systèmes sol-air libyens. Nous avons ainsi pu programmer les brouilleurs de nos avions de combat préalablement à leur entrée en premier sur le théâtre.

Dans cette opération, la DGA apporte son soutien technique aux forces. En particulier, nous instruisons et validons les adaptations à apporter en urgence à nos systèmes pour répondre aux particularités du théâtre.

Il nous faut être très réactifs face à ces « urgences opération ».

Nos industriels ont également été impliqués dans ce soutien. Par exemple, Dassault-Aviation est intervenu à Solenzara et sur le porte-avions pour apporter son assistance et effectuer quelques réglages en matière de radio et de circuits de carburant.

A ce stade, la DGA n'a pas été saisie de demande de recomplètement des systèmes d'armes par l'état-major des armées. Je suis convaincu que, le cas échéant, nos industriels sauraient répondre avec souplesse et réactivité. Ils l'ont démontré lorsqu'il a fallu rapidement commander une centaine de kits AASM supplémentaires à livrer en 2011.

Bien entendu, nous faisons valoir le retour d'expérience des opérations en cours auprès des partenaires intéressés par nos équipements. Certains pays se montrent très intéressés par le Tigre qui s'est révélé être un système d'armes redoutable, alors même que dans sa configuration HAP il n'a pas encore de capacité antichar.

Les enseignements principaux que nous tirons de l'opération en Libye portent sur la nécessité d'une très forte réactivité dans la planification des opérations et sur l'attention toute particulière à porter sur le renseignement, qu'il provienne des satellites, des pods de reconnaissance ou des drones. Il faut à la fois améliorer la permanence sur zone du recueil de renseignement et la rapidité de sa transmission aux échelons pertinents, et renforcer la capacité de nos liaisons en termes de débit.

Nous avons progressé dans nos capacités d'identification, afin d'éviter les dommages collatéraux. En particulier, ces opérations confirment l'apport majeur des drones de type MALE notamment à travers l'engagement de drones REAPER américains. Ces drones ont été extrêmement efficaces et ont apporté une plus-value exceptionnelle pour la détection de cibles d'opportunité qui ont ainsi pu être assignées aux avions de combat.

Nous considérons également qu'il faut rapidement améliorer les capacités du pod Damocles dans l'identification de petites cibles de jour. Nous devons pouvoir renforcer notre capacité de tir sur cibles mobiles. Une expérimentation a été effectuée en ce sens avec l'AASM (Laser) au centre DGA-Essais de missiles de Biscarosse.

Enfin, l'intensité des opérations provoque des tensions sur le maintien en condition opérationnelle. Nous enregistrons des pics de consommation de potentiel et de charge d'entretien des matériels.

Pour conclure, ce retour d'expérience permet de valider les choix que nous avions effectués lors de la conception des matériels et de conforter nos analyses capacitaires antérieures. Dans cette perspective, les priorités porteront sur le pod de désignation laser de nouvelle génération, sur les ravitailleurs multi-rôles MRTT - nous avons mobilisé une grande partie de nos ravitailleurs dans l'opération Harmattan -, sur l'A400M, sur le satellite d'écoute électromagnétique CERES, nécessaire pour établir l'ordre de bataille adverse, et bien entendu sur les drones d'observation MALE. Nous allons également évaluer la possibilité d'équiper le Rafale de missiles antichar Brimstone, ce qui soulève quelques difficultés telles que les flammes lors du départ du missile.

M. Josselin de Rohan, président - La presse fait état de la forte sollicitation du matériel dans l'opération en Libye, notamment en ce qui concerne le porte-avions. Il risque d'y avoir un vrai problème concernant le maintien en condition opérationnelle des équipements. Comment envisagez-vous les choses ? Les forces françaises ont tiré un grand nombre d'obus. Il va falloir recompléter les stocks, comment voyez-vous la situation ? Par ailleurs, est-ce que les autorités brésiliennes ont été informées des performances du Rafale ? Quelles leçons tirez-vous pour l'instant de la coopération franco-britannique ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement.- L'usure du porte-avions va immanquablement se répercuter tôt ou tard et le délai d'interruption qu'il devra subir sera supérieur à ce qu'il aurait été autrement. A la DGA, nous veillons plus particulièrement à l'usure des catapultes et au bon fonctionnement de la ligne d'arbre. Sur ces deux sujets tout se passe bien et nous n'avons pas d'inquiétude particulière. Le reste est de la maintenance habituelle et il n'y a pas de vrai problème. Pour ce qui concerne les Rafale, nous allons livrer le centième avion à l'armée de l'air et les flottilles aéronavales sont équipées convenablement. Les forces ont ce dont elles ont besoin. Nous avons fait ce qu'il faut. Par ailleurs, le Mirage 2000D est parfaitement rodé. Le porte-avions devra subir une intervention très lourde en 2015. Il restera immobilisé pendant dix-huit mois. Il faudra que l'on recharge son combustible nucléaire.

Concernant les obus, la consommation est importante, mais elle se fait sur des munitions qui sont produites en France. Nexter a réussi un mariage munitions-canon tout à fait excellent.

S'agissant de la promotion des équipements français, nous faisons ce qu'il faut pour que nos amis brésiliens soient informés des performances de nos équipements en général et du Rafale en particulier. Avec les Emirats-arabes unis, les discussions ont lieu à un rythme soutenu. Quant aux forces indiennes, nous sommes dans l'expectative.

Pour ce qui est de la coopération franco-britannique en Libye, nous savons qu'ils ont des problèmes sur la maintenance de leurs hélicoptères Apache, mais c'est un problème récurrent sur cette machine qui est très sophistiquée et donc très fragile. Pour ce qui est des Typhoon, ils sont effectivement désormais « combat proven », dans la mission de défense aérienne, même s'ils n'ont pas été beaucoup inquiétés par la chasse libyenne. Concernant les chasseurs bombardiers, nos amis britanniques ont une vraie inquiétude entre le retrait programmé des Tornado et les JSF qui ont beaucoup de retard.

M. Jacques Gautier - Monsieur le délégué général, nous nous avons une vraie faiblesse dans le domaine des drones MALE. Un comité ministériel d'investissement (CMI) était prévu fin juillet sur cette question. Or une lettre de demande (letter of request) n'a toujours pas été envoyée à General Atomics. Nous savons que cette entreprise a fait une offre très compétitive qui a le mérite de ne pas obérer l'avenir industriel de la filière drone française. Qu'en est-il ?

Deuxième question : les forces attendent avec impatience l'arrivée des avions ravitailleurs MRTT. Quand nous déciderons nous à accélérer la deuxième partie de la loi de programmation militaire ?

Les pods Damoclès sont, selon nos pilotes, inadaptés aux missions qui sont les leurs en Libye. L'industriel nous dit qu'ils n'ont pas été conçus pour cela. Quand aurons-nous des pods de désignation d'objectifs à la hauteur ?

Enfin, nous avons beaucoup milité au Sénat pour le missile terrestre à moyenne portée (MMP). Est-ce que l'on avance dans ce sens ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Concernant les drones tout d'abord, nous connaissons parfaitement les offres de General Atomics, de Dassault-IAI et de Cassidian. Mais nous n'avons toujours pas de décision.. Nous ne pouvons pas continuer à maintenir les Harfang, ce qui pourrait conduire à un vrai problème en 2013-2014. Nous avons trois options : rénover ces systèmes, mais nous retomberons sur un vecteur aux capacités limitées. Ce n'est pas l'option de la DGA. Nous connaissons par coeur les propositions de General Atomics. Ils ont oublié que, dans le processus des Foreign Military Sales, l'armée de l'air américaine rajoute aux prix des producteurs 4 % de frais de gestion. Nous connaissons également par coeur l'offre de Dassault et de l'Israélien IAI pour le Héron TP. Le ministre a tous les éléments en sa main. En Libye, l'apport des drones REAPER engagés par les Américains a permis tout à la fois de conforter si besoin l'intérêt de ce type de moyens et de souligner la dépendance envers des moyens américains.. Nous sommes confrontés à un vrai problème de souveraineté.

Pour le MRTT, nous restons calés sur un lancement du programme en 2013 et les premières livraisons dans les forces en 2017. Nous étudions avec nos alliés britanniques la possibilité de faire du pooling and sharing. Je vous invite par ailleurs, même si je sais que le budget « voyages » de la commission est mesuré au plus près, à visiter l'usine de Getafe en Espagne où sont transformés les A330 en ravitailleurs MRTT. C'est tout à fait instructif et l'on comprend mieux pourquoi on ne peut pas effectuer cette transformation sur les chaînes d'assemblage à Toulouse.

Le pod Damoclès actuel n'est pas parfaitement adapté, c'est un fait. Nos forces ont besoin d'un pod avec une voie jour excellente, du même niveau que les pods Sniper ou Lightning. Nos industriels savent le faire. Nous avons du reste bouclé une négociation avec Thales sur ce sujet.

Enfin, sur le MMP, j'ai des raisons de penser que nous approchons du but..

M. Didier Boulaud - Le porte-avions sera indisponible dans deux ou trois ans pour une durée de dix-huit mois et nous serons alors au pied du mur. On voit bien que le problème était d'en faire deux ou pas du tout. Alors que toute la tension actuelle se concentre sur les rives de la Méditerranée, nous serons bientôt sans moyen d'actions. Cela fait bientôt dix ans que nous tournons autour du pot avec nos amis britanniques. Nous avons même dépensé beaucoup d'argent dans des études dont nous n'avons aucunement profité. Le résultat de notre indécision est qu'il y aura un trou capacitaire.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Effectivement, nous avons mené des travaux avec les Britanniques qui ont produit un « design » qui est maintenant la propriété de BAE. Les Britanniques réaliseront deux coques, dont une seule portera des catapultes. Le second porte-avions est un sujet qui reviendra immanquablement à l'ordre du jour en 2012-2013 lorsqu'il s'agira de réviser le Livre blanc. S'agissant de la mutualisation, le porte-avions britannique pourra recevoir des Rafale français sans aucun problème. Mais s'ils maintiennent leur option pour le JSF naval, qui est un avion très lourd, notre porte-avions ne sera pas capable de les accueillir. Compte tenu des retards accumulés sur le JSF, la solution serait bien évidemment qu'ils achètent du Rafale naval. Mais le voudront-ils ? Leur dépendance envers les Etats-Unis n'est pas sans susciter quelques interrogations chez eux.

M. Jean-Pierre Chevènement - Le porte-avions tiendra peut être jusqu'au Ramadan, qui comme chacun le sait sera cette année au mois d'août. Mais tout de même, il nous manque toujours les moyens militaires nécessaires à nos ambitions politiques. Tout cela parce que nous avons sacrifié à des dieux qui aujourd'hui s'effondrent sur les marchés financiers. Je voudrais savoir quel est le coût journalier des opérations militaires en Libye. Comment va-t-on le financer ?

Du point de vue des munitions, comment fait-on pour se réapprovisionner ? Par ailleurs, à toute chose malheur est bon, il faut quand même que cette guerre nous serve à faire la promotion de nos équipements militaires. Que faites vous en ce sens ?

Enfin, je suis très inquiet concernant l'exécution de la loi de programmation militaire. Tous les adversaires de la dissuasion nucléaire vont se manifester et c'est dans la pensée, sinon affichée, du moins en filigrane, de beaucoup de gens réputés qui s'expriment dans les journaux.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement - Les munitions que nous utilisons en Libye sont toutes produites en France. Les seules munitions que nous achetons à l'étranger sont les balles de 5,56 mm et les bombes GBU que nous achetons aux Américains. Sur ces dernières, les Américains jouent le jeu et nous fournissent en tant que de besoin.

Pour ce qui est de la promotion de nos équipements, nous avons réalisé - pour ce qui nous concerne - des campagnes ciblées sur nos principaux prospects. Je regrette en revanche que la presse nationale ne se fasse pas davantage l'écho des succès que nous enregistrons, alors que les papiers à la gloire des armées et de leurs équipements sont journaliers Outre-manche. Nous avons réalisé pour les prochaines Universités d'été de la défense une numérisation en trois dimensions de la vallée de la Kapissa en Afghanistan. J'ai pu réaliser que c'était un vrai guêpier en termes militaires. Je ne parle pas seulement des montagnes et des cols, mais je parle de la plaine et des villes, qui ont des rues étroites avec des murs de plus de trois mètres de haut, qui interdisent toute vision d'ensemble et rendent la tâche facile à des groupes de combattants insurgés. Or la presse n'en parle pas.

S'agissant de la dissuasion nucléaire, il nous faut admettre que notre outil de production a vieilli et qu'il faudra bientôt songer à le remplacer. Or ce sont des équipements extrêmement coûteux.

Réunion des présidents des commissions de la défense des parlements de l'Union européenne - Communication

La commission entend une communication de M. Josselin de Rohan sur la réunion des présidents de commission de défense des Parlements de l'Union européenne, à Varsovie les 4 et 5 juillet 2011.

M. Josselin de Rohan, président - Du 3 au 5 juillet dernier, j'ai effectué un déplacement à Varsovie afin de participer à la réunion des présidents des commissions de la défense des Parlements de l'Union européenne, organisée par la Diète et le Sénat polonais, dans le cadre de la présidence polonaise de l'Union européenne, qui a débuté le 1er juillet.

La dernière réunion de ce type s'était tenue en novembre 2009 à Stockholm, sous présidence suédoise de l'Union européenne. En effet, aucun des trois pays qui ont exercé la présidence semestrielle de l'Union européenne depuis cette date, c'est-à-dire la Belgique, l'Espagne et la Hongrie, n'avait jugé utile d'organiser une telle réunion.

Cela illustre toute l'importance accordée par la Pologne au renforcement de la politique de sécurité et de défense commune, qui figure parmi les priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne.

Je tiens, à cet égard, à féliciter et à remercier les présidents des commissions de la défense de la Diète, M. Stanislaw Wziatek, et du Sénat, M. Maciej Klima, pour la qualité de leur accueil et la très bonne organisation de cette réunion.

Lors de cette conférence, la plupart des parlements de l'Union européenne étaient représentés, à l'exception notable de l'Allemagne. L'Assemblée nationale était représentée par le Président, M. Guy Teissier, tandis que le Parlement européen était représenté par notre compatriote M. Arnaud Danjean, qui préside la sous-commission « défense et sécurité ».

Au cours de cette réunion, nous avons entendu des interventions du Président de la République de Pologne, M. Bronislaw Komorowski, du Maréchal de la Diète, M. Grzegorz Schetyna, du ministre polonais de la Défense, M. Bogdan Klich, du Secrétaire général adjoint du service européen pour l'action extérieure, M. Maciej Popowski, de la vice-Présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, Mme Jadwiga Zakrzewska, du conseiller diplomatique du Président polonais, M. Roman Kuzniar, de l'ancien ministre polonais des affaires étrangères, M. Adam Rotfeld, et du Président de la commission de la défense du Conseil de la Fédération de Russie, M. Viktor Ozerov.

Au cours de notre visite, nous avons également eu un entretien très intéressant avec notre ambassadeur en Pologne, M. François Barry Delongchamps, qui nous a « décrypté » la politique étrangère polonaise.

Trois principaux thèmes ont été évoqués au cours de la conférence :

- les priorités de la présidence polonaise concernant la politique de sécurité et de défense commune ;

- la politique étrangère de l'Union européenne, en particulier à la lumière de la Libye ;

- les relations entre l'Union européenne et la Fédération de Russie.

Je vous présenterai donc mes réflexions sur ces trois points.

Le premier thème de la réunion a porté sur les priorités de la présidence polonaise concernant la politique de sécurité et de défense commune.

Alors que la Pologne figurait, il y a encore quelques années, parmi les Etats membres de l'Union européenne les plus réticents à l'égard de l'Europe de la défense et comme un soutien inconditionnel de l'OTAN et des Etats-Unis sur le continent européen (comme l'ont illustré le soutien de la Pologne à l'intervention en Irak ou encore l'achat de chasseurs F16 américains), la Pologne a fait du renforcement de l'Europe de la défense l'une des priorités de sa présidence de l'Union européenne.

Ainsi, nous avons retrouvé, dans les plaidoyers, aux accents « gaulliens », du Président de la République de Pologne, M. Bronislaw Komorowski, et du ministre polonais de la défense, M. Bogdan Klich, en faveur du renforcement de l'Europe de la défense, des idées que la France plaide sans relâche depuis plus de vingt ans, sans recevoir un grand écho jusqu'à présent au sein de l'Union européenne.

Quelles sont les raisons qui expliquent cette conversion tardive de la Pologne à l'Europe de la défense ?

La première raison tient à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement libéral dirigé par le Premier ministre M. Donald Tusk et à l'élection d'un Président de la République, M. Bronislaw Komorowski, « pro-européens », après la politique nationaliste et atlantiste des jumeaux Kaczynski.

Une autre explication tient au succès économique de la Pologne, depuis son adhésion à l'Union européenne le 1er mai 2004.

Ainsi, la Pologne a été le seul pays européen à avoir été épargné par la crise économique en 2009 et est aujourd'hui le premier bénéficiaire des fonds structurels, ce qui explique que l'opinion publique polonaise est très « europhile ».

Mais ce revirement s'explique principalement par la profonde déception de la Pologne à l'égard des Etats-Unis.

Ainsi, la Pologne a été « humiliée » par la décision prise par le Président Barack Obama de renoncer à l'installation d'intercepteurs du système américain de défense anti-missiles sur son territoire, dans le cadre de sa politique de rapprochement avec la Russie (le « reset »), même si l'installation en Pologne d'intercepteurs SM3, dans le cadre du système de défense anti-missiles de l'OTAN, est prévue à l'horizon 2018.

D'autant plus que cette décision a été annoncée par les Etats-Unis le 17 septembre 2009, soit le jour de l'anniversaire de l'invasion de la Pologne par l'Union soviétique, en application du Pacte Ribbentrop-Molotov.

Alors que la Pologne s'était fortement engagée aux côtés des Etats-Unis, en Irak ou en Afghanistan, elle estime n'avoir pas été « payée » en retour et en a tiré une profonde amertume, d'autant plus que les américains ont maintenu l'obligation de visas pour les Polonais souhaitant se rendre aux Etats-Unis. Surtout, cette décision a été perçue par la Pologne comme le début d'un retrait des Etats-Unis, dont le signe précurseur avait été l'absence totale de réaction américaine et de l'OTAN lors de la guerre russo-géorgienne de l'été 2008, sentiment qui a été conforté par le récent discours de Robert Gates, appelant les Européens à prendre leurs responsabilités pour assurer leur sécurité.

Dans ce contexte, la Pologne a opéré un « revirement stratégique » et soutient désormais fortement le renforcement de l'Europe de la défense, dont elle a fait l'une des priorités de sa présidence de l'Union européenne.

Cependant, alors que ce ralliement de la Pologne à l'Europe de la défense aurait dû conduire à nous rapprocher, il nous conduit paradoxalement à nous éloigner.

Ainsi, la presse française s'est fait l'écho des supposées « réserves » manifestées par plusieurs pays, dont la France, à l'égard des propositions de la Pologne concernant le renforcement de l'Europe de la défense.

Pour simplifier, c'est un peu comme si on se retrouvait dans la situation inverse, avec la Pologne qui se montre très allante sur l'Europe de la défense et la France qui se montre plus réticente.

Comment expliquer ce paradoxe ?

Comme nous avons pu le constater lors de nos entretiens, la réintégration pleine et entière de la France dans les structures de l'OTAN et surtout les récents accords franco-britanniques en matière de défense ont été perçus par beaucoup de pays européens, dont la Pologne, comme le signe d'un « renoncement » par la France à l'ambition d'une défense européenne autonome, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Une autre explication tient au fait que la présidence polonaise développe une approche très « institutionnelle » de l'Europe de la défense, alors que la France privilégie une approche pragmatique et concrète.

Ainsi, la Pologne souhaitait, dans le cadre de sa présidence, donner corps à la notion de « coopération structurée permanente ». Je rappelle que la « coopération structurée permanente » est un concept introduit par le traité de Lisbonne, qui permet à un groupe d'Etats membres qui le souhaitent et qui remplissent certains critères dans le domaine des capacités militaires d'aller plus loin en matière de défense.

La « coopération structurée permanente » est donc une forme particulière de « coopération renforcée », qui permettrait par exemple à un groupe d'Etats de renforcer leur coopération en matière d'armements, d'interopérabilité de leurs forces armées ou encore de lancer des programmes communs d'équipements.

Il s'agit toutefois d'un mécanisme assez rigide, puisqu'il suppose une adoption par le Conseil et une convention entre les Etats.

Surtout, une telle initiative supposerait la mise en commun de capacités militaires, ce qui paraît très difficile dans un contexte de réduction des budgets de la défense en Europe, en raison de la crise économique. La plupart des Etats membres, dont le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, ont émis des réserves et la Pologne a du renoncer à cette idée.

Si nous partageons l'objectif d'une relance de l'Europe de la défense, il nous paraît qu'une approche plus pragmatique et concrète serait plus efficace.

C'est la raison pour laquelle la France, l'Allemagne et la Pologne ont fait, dans le cadre du « Triangle de Weimar », des propositions concrètes pour relancer l'Europe de la défense, qui figurent dans une lettre adressée par les ministres des affaires étrangères et de la défense des trois pays à la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton.

Ces propositions, qui témoignent d'une approche pragmatique et concrète, s'articulent autour de quatre priorités :

- le renforcement des capacités permanentes de planification et de conduite des opérations au niveau européen ;

- la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN ;

- l'utilisation des groupements tactiques ;

- la mutualisation des capacités (« pooling and sharing »).

Toutefois, si ces quatre thèmes ont été repris par la présidence polonaise, les premières consultations menées auprès des représentants des Etats membres n'ont guère été encourageantes, comme cela nous a été confirmé.

La création d'un véritable centre permanent de planification et de conduite des opérations (sorte de « quartier général européen ») de l'Union européenne se heurte toujours au veto du Royaume-Uni, qui y voit une duplication de l'OTAN.

La coopération entre l'Union européenne et l'OTAN est durablement bloquée en raison du conflit chypriote et de l'intransigeance de la Turquie, qui refuse toujours d'appliquer les dispositions du protocole d'Ankara et d'ouvrir ses ports aux navires en provenance de Chypre, malgré les inconvénients de cette situation sur les théâtres d'opérations, comme en Afghanistan.

Alors qu'il existe, depuis déjà plusieurs années, une vingtaine de « groupements tactiques », ils n'ont jusqu'à présent encore jamais été utilisés en opérations.

Dans un contexte de réduction sensible des budgets de la défense chez la quasi-totalité de nos partenaires, il paraît très difficile d'envisager de nouvelles coopérations industrielles en matière d'armement.

L'Agence européenne de défense, dont Chypre bloque l'accès à la Turquie par représailles, a vu son budget « gelé » pour 2012, à la demande des britanniques, son budget ne représentant pourtant que 30 millions d'euros.

La plupart des Etats membres, et en particulier l'Allemagne, sont réticents à l'idée de lancer de nouvelles opérations de l'Union européenne, en large partie pour des raisons budgétaires et en raison d'une certaine « lassitude » de l'opinion publique, notamment par rapport à l'Afghanistan. Le sentiment général est qu'il n'existe pas aujourd'hui parmi les vingt-sept Etats membres de réelle volonté d'avancer sur l'Europe de la défense.

C'est la raison pour laquelle j'ai plaidé pour que ce sujet soit évoqué lors d'un Conseil européen, car il me semble que, dans le contexte actuel, seule une forte volonté politique au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement permettrait réellement de relancer la politique de sécurité et de défense commune.

En effet, Mme Catherine Ashton elle-même ne semble pas manifester un grand intérêt pour les questions de défense. Ainsi, la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a annoncé qu'elle ne participera pas à la prochaine réunion des ministres de la défense, car elle préfère se rendre à New York pour participer à une conférence sur le racisme.

En réalité, à la veille de la présidence polonaise, la crise libyenne a porté un coup sévère à l'Europe de la défense, puisque l'Union européenne est restée spectatrice d'une crise majeure intervenue à sa porte, exactement comme il y a une dizaine d'années dans les Balkans.

Le deuxième sujet de la conférence a porté sur la politique étrangère de l'Union européenne.

Lors de la crise libyenne, l'Union européenne est apparue fortement divisée, avec d'un côté les pays favorables à une intervention, comme la France et le Royaume-Uni, et de l'autre les pays opposés, comme l'Allemagne et la Pologne. Le conseiller diplomatique du président polonais n'a d'ailleurs pas manqué de s'interroger publiquement au cours de la conférence sur la légitimité, le déroulement et l'issue de cette opération, ce qui a conduit les représentants français et britannique à réagir à ses propos.

Malgré la création du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et du service européen pour l'action extérieure par le traité de Lisbonne, l'Union européenne n'arrive toujours pas à parler d'une seule voix sur la scène internationale en raison des divisions entre les Etats membres.

A cet égard, de nombreux intervenants ont évoqué le risque que l'Union européenne apparaisse à nouveau fortement divisée, en septembre prochain, dans l'hypothèse du vote sur une éventuelle résolution sur la reconnaissance de l'Etat palestinien aux Nations Unies.

Un autre risque tient au fait que, faute d'une défense européenne crédible et autonome, l'Union européenne s'en tienne à une « diplomatie du chéquier », c'est-à-dire qu'elle intervienne uniquement sur les aspects civils ou humanitaires, devenant ainsi une sorte de « super ONG » ou d' « OSCE bis », alors que les opérations militaires seraient assurées par l'OTAN, à l'image de l'intervention en Libye.

Or, le profil du service européen pour l'action extérieure et l'influence de la Commission européenne accentuent cette tendance européenne.

Enfin, le dernier sujet qui a été évoqué lors de la conférence a porté sur les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Depuis déjà quelques années, la Pologne a effectué un rapprochement avec la Russie, qui s'est notamment illustré lors de la tragédie de Smolensk.

Le renforcement des relations avec la Russie figure ainsi parmi les priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne.

Pour autant, si les relations se sont en apparence apaisées, il semble encore subsister beaucoup de méfiance de la part de la Pologne à l'égard de son voisin.

Lors de la réunion, nous avons entendu une intervention très intéressante de M. Adam Rotfeld, ancien ministre polonais des affaires étrangères. Nous avons également pu écouter le président de la commission de la défense du Conseil de la Fédération de Russie, M. Viktor Ozerov.

En ce qui concerne les relations entre l'OTAN et la Russie, c'est surtout la question du système de défense anti-missiles qui a été évoquée, puisque, malgré la volonté de coopération annoncée lors du Sommet de l'OTAN à Lisbonne, de nombreux désaccords persistent entre l'OTAN et la Russie sur l'architecture et la localisation de ce système.

S'agissant des relations entre l'Union européenne et la Russie, il a été beaucoup question du « Partenariat oriental ».

La Pologne souhaite, en effet, organiser un Sommet des pays du Partenariat oriental (Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan), afin de renforcer la coopération avec les voisins orientaux, ce qui soulève une certaine inquiétude de la part de la Russie, qui veut conserver son influence dans ce qu'elle considère comme son « pré-carré ».

Pour ma part, j'ai évoqué l'idée de la chancelière allemande Mme Angela Merkel de créer un Conseil Union européenne-Russie, sur le modèle du Conseil OTAN-Russie, pour discuter de la politique étrangère, tout en souhaitant davantage d'ouverture de la part de la Russie s'agissant de la résolution des « conflits gelés », comme la Transnistrie, le Haut-Karabakh ou encore les entités séparatistes en Géorgie.

En réponse, le président de la commission de la défense russe n'a pas manqué de faire un parallèle entre les entités séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie avec le Kosovo et de critiquer l'intervention en Libye.

L'idée d'un accord sur la participation de la Russie aux opérations militaires de l'Union européenne a également été abordée, à la lumière de l'expérience au Tchad, où la Russie avait fourni quatre de ses hélicoptères.

Toutefois, cet accord se heurte à une difficulté car autant la Russie est disposée à placer ses troupes sous commandement européen ou mixte, autant les européens, et notamment les pays d'Europe centrale et orientale, ne sont pas disposés à placer leurs hommes sous commandement russe.

En conclusion, tous les participants ont souligné l'intérêt, pour les parlementaires nationaux, de pouvoir échanger régulièrement sur les questions de politique étrangère et de défense au niveau européen.

La mise en place d'une conférence semestrielle consacrée au suivi des questions de politique étrangère et de défense par les Parlements nationaux, après la disparition de l'assemblée de l'UEO, figurait d'ailleurs à l'ordre du jour de la dernière conférence des présidents des Parlements, où j'avais accompagné le Président Gérard Larcher.

Toutefois, il n'avait pas été possible d'aboutir à un accord sur la taille de la délégation du Parlement européen, puisque celui-ci réclamait au moins vingt-sept représentants, contre six représentants pour chaque Etat membre.

Ce sujet devrait être à nouveau évoqué lors de la COSAC.

M. Didier Boulaud. - Je vous remercie pour votre communication.

Le changement d'approche de la Pologne à l'égard de l'Europe de la défense constitue une nouveauté importante, comme nous avions pu le percevoir lors de l'audition de l'ambassadeur de Pologne sur les priorités de la présidence polonaise de l'Union européenne, le 29 juin dernier. La Pologne participe à de nombreuses opérations de l'OTAN et de l'Union européenne, en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine et au Kosovo, en Géorgie, au Congo ou encore au Tchad et en République centrafricaine. La Pologne a fait du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune l'une des priorités de sa présidence de l'Union européenne.

L'absence de l'Allemagne à cette réunion illustre la position de repli de ce pays, que l'on perçoit également au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, à l'égard des questions de défense et comme le montre son abstention lors du vote de la résolution 1973 au Conseil de sécurité des Nations unies sur la Libye.

Enfin, j'ai relevé avec intérêt votre analyse de la perception par la Pologne de l'attitude de retrait de la France à l'égard de l'Europe de la défense, après la réintégration pleine et entière de la France dans les structures de commandement de l'OTAN et la conclusion des accords franco-britanniques en matière de défense, sur lesquels j'étais et je suis toujours personnellement très réservé.

Je rappelle à cet égard que la décision prise par le Président de la République de la réintégration pleine et entière de la France dans les structures et organes de l'OTAN avait été conditionnée par des progrès de la politique de sécurité et de défense commune.

Or, malgré les discours, notamment pendant la présidence française de l'Union européenne, aucune avancée n'a été réalisée en ce qui concerne l'Europe de la défense ces dernières années.

Par ailleurs, comme j'ai pu moi-même le constater lors de mes différents entretiens ou visites à l'étranger, les accords franco-britanniques en matière de défense ont été perçus par nos partenaires européens comme un renoncement par la France de l'ambition d'une défense européenne autonome.

Ces accords ont provoqué un véritable « malaise » chez nos partenaires européens, auprès des responsables politiques, mais aussi dans les milieux industriels, je pense notamment au délégué général pour l'armement italien, avec lequel j'ai eu l'occasion de m'entretenir.

C'est la raison pour laquelle j'étais personnellement très réservé sur ces accords.

M. Josselin de Rohan, président - L'attitude allemande face à la crise libyenne s'explique par les dissensions existantes au sein de la coalition gouvernementale entre la CDU-CSU de la chancelière Mme Angela Merkel, qui était plutôt favorable à une intervention, et son partenaire de la coalition, le parti libéral-démocrate, dont est issu le ministre des affaires étrangères M. Guido Westerwelle, qui était hostile à cette intervention.

Les difficultés budgétaires et une certaine lassitude de l'opinion publique à l'égard des opérations extérieures, notamment à la lumière de l'expérience en Afghanistan, expliquent aussi cette réticence.

Comme nous l'a indiqué le ministre allemand de la défense, M. Thomas de Maizière, lors de son audition conjointe avec la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le 6 juillet dernier, l'Allemagne a engagé une profonde réforme de sa politique de défense, avec en particulier la professionnalisation de son armée et le renforcement de son industrie de défense. Cette réforme pourrait conduire l'Allemagne à se rapprocher des analyses françaises.

Dans un contexte de réduction des budgets de la défense chez la quasi-totalité de nos partenaires européens, en raison de la crise économique et de l'absence de menace identifiée, les Européens sont davantage tentés de remettre leur propre sécurité entre les mains de l'OTAN et des Etats-Unis, comme l'illustre la question de la défense anti-missiles.

Cela explique l'absence de volonté au sein de l'Union européenne pour progresser sur la défense européenne.

J'ai la conviction, qui est tirée de l'avertissement adressé aux Européens par Robert Gates, que l'Europe de la défense pourra réellement progresser le jour où les contribuables américains ne voudront plus payer pour financer la défense du continent européen.

Ce jour là, les Européens seront placés devant leurs propres responsabilités et devront s'entendre pour assurer seuls leur propre sécurité sur le continent européen.

Alors, l'Europe de la défense, que nous appelons tous de nos voeux, s'imposera enfin comme une nécessité.

M. Robert del Picchia - Je rappelle que, pour les pays d'Europe centrale et orientale, l'adhésion à l'Union européenne était synonyme de prospérité économique, mais qu'en matière de sécurité et de défense, leur première priorité était l'entrée dans l'OTAN et la protection offerte par les Etats-Unis.

La crise libyenne a montré l'absence de politique étrangère et de défense de l'Union européenne et a illustré l'intérêt de l'OTAN, exactement comme il y a dix ans dans les Balkans.