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Mardi 7 février 2012

- Présidence de M. Yann Gaillard , président d'âge -

Constitution du Bureau

M. Yann Gaillard , président d'âge. - Nous sommes réunis pour la constitution du bureau de notre commission d'enquête. Celle-ci résulte de la mise en oeuvre par le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) du droit de tirage prévu par l'article 6 bis de notre Règlement, selon lequel les fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sont partagées entre la majorité et l'opposition. Il y a un accord entre les groupes pour que la présidence de cette commission échoie au groupe Union pour un mouvement populaire (UMP).

Je souligne l'importance du problème que nous avons à traiter, dans une période où les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques imposent des efforts à l'ensemble de la société, ainsi que la grande difficulté de maîtriser en profondeur une telle matière pour des parlementaires, dans la mesure où l'administration fiscale elle-même ne l'a jamais complètement épuisée...

Quel est le candidat proposé pour la présidence de la commission par le groupe UMP ?

M. Francis Delattre. - Le groupe UMP présente la candidature de M. Philippe Dominati.

M. Yann Gaillard , président d'âge. - Puisqu'il n'y a pas d'opposition, il me semble inutile de procéder à un vote. (Assentiment)

M. Philippe Dominati est proclamé élu.

- Présidence de M. Philippe Dominati, président -

M. Philippe Dominati, président. - Je vous remercie de votre confiance. Nous allons procéder à la désignation des membres du bureau. La plupart d'entre nous n'ont pas eu l'occasion, jusqu'à présent, de participer à une commission d'enquête. Selon l'usage, outre la fonction de rapporteur, réservée au groupe à l'initiative de la commission, chaque groupe restant est représenté au bureau. Le groupe CRC et la majorité sénatoriale ont présenté la candidature de M. Eric Bocquet à la fonction de rapporteur. Chaque groupe ayant désigné un candidat, je vous propose de procéder comme pour l'élection du président. (Assentiment)

M. Eric Bocquet (CRC) est proclamé rapporteur.

MM. Jacques Chiron (groupe socialiste), Yvon Collin (groupe RDSE), Joël Guerriau (groupe UCR), Mme Corinne Bouchoux (groupe écologiste) sont proclamés vice-présidents.

M. Philippe Dominati, président. - Notre bureau étant constitué, procédons à un tour de table ! Notre commission d'enquête ne peut excéder six mois.

M. Louis Duvernois. - Avons-nous une date limite pour remettre notre rapport ?

M. Philippe Dominati, président. - Nous devons le remettre d'ici au mois de juillet. Nous devrons établir un plan de travail.

M. Éric Bocquet, rapporteur. - Je vous remercie pour votre confiance. Je fais partie de ceux qui n'ont pas l'expérience de ce type de commission. Notre groupe a jugé que ce thème méritait une telle commission, dans le contexte actuel, où nous sommes à la recherche de ressources nouvelles. Notre travail montrera peut-être qu'elles existent, en tout cas tel est notre état d'esprit. J'ouvre d'ores et déjà quelques pistes avant que nous échangions sur nos méthodes et nos objectifs. Nous devrons définir la nature et approcher la réalité des montants concernés, qui font l'objet d'un débat. L'une de nos missions est d'évaluer la réalité de l'évasion fiscale dans ce pays, qui concerne les particuliers comme les entreprises ; nous devrons nous intéresser aux uns comme aux autres. Nous poserons la question des moyens dont dispose l'Etat pour contrôler et agir sur l'évasion fiscale. A partir de cet état des lieux, nous dégagerons des pistes afin d'améliorer l'efficacité de son action.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Outre la recherche de ressources fiscales, nous devons être guidés par le souci d'équité et d'égalité de nos concitoyens. Il peut être utile d'étudier comment agissent les Etats-Unis en la matière, qui disposent d'un véritable droit de suite, et de services pouvant demander des comptes à tout citoyen américain redevable d'une dette fiscale, où qu'il se trouve dans le monde. C'est un sujet qu'ils prennent très au sérieux. Sur quels instruments juridiques s'appuient-ils ? Comment le système fonctionne-t-il?

Je tiens aussi à mentionner la mobilisation des organisations syndicales des agents des impôts pour lutter contre la fraude fiscale. Il sera utile de les entendre. Ce sont aussi souvent des syndicalistes qui nous ont alertés sur les pratiques comptables de certaines entreprises, orientant les flux financiers multinationaux de façon à ne pas payer d'impôts en France. Nous avons des contacts à prendre et des auditions à tenir.

Au sein de l'Union européenne, il n'y a jamais eu de véritable stratégie fiscale. Où en sommes-nous des grandes annonces qui ont été faites sur les paradis fiscaux ? La signature de certains accords ne semble pas avoir changé grand chose ...

M. Philippe Kaltenbach. - Le rapporteur a raison : il faut mieux cerner les montants en cause. Il faut aussi cerner les méthodes et les circuits de l'évasion fiscale. J'attends de notre commission des propositions pour la stopper, inspirées des Etats-Unis et d'autres pays, afin d'améliorer notre action : nous devons enrayer ces phénomènes. Notre travail peut être utile à l'exécutif.

M. François Pillet. - Je suis très intéressé par cette enquête. Cernons d'abord le sujet par la sémantique. L'évasion est un terme qui paraît sympathique lorsqu'il s'applique à un fugitif ou un Résistant, il l'est moins pour un détenu de Fleury-Mérogis. Evitons la confusion avec l'optimisation fiscale, dont plusieurs universitaires ont montré le coût, mais qui est néanmoins tout à fait possible, voire licite, grâce aux conventions fiscales, et qui ne saurait être assimilée à de la fraude. J'entends souvent parler de Monaco. N'importe quel professionnel responsable et sérieux sait que ce n'est pas une destination pour l'optimisation fiscale d'un contribuable français, en raison de la convention bilatérale imposée par le général de Gaulle. En revanche, au sein de l'Europe, la Belgique par exemple est beaucoup plus susceptible d'abriter une telle optimisation. Il y a un quartier à Bruxelles où résident les détenteurs de grandes fortunes françaises. Au Luxembourg, le secret bancaire est très important. Evitons donc la confusion entre évasion et fraude, évasion et optimisation, laquelle coûte infiniment plus cher, à mon avis, que la véritable fraude. Nous devrons faire des propositions, qui peuvent être passionnantes, sur l'harmonisation fiscale européenne, qui est une véritable catastrophe pour notre pays. Sachons distinguer entre l'affichage et notre sujet, qui est essentiellement technique.

M. Philippe Dominati, président. - Je propose une réunion du bureau mardi prochain, qui débouchera sur une réunion de la commission, afin de définir notre programme d'auditions, en fonction du calendrier parlementaire, lequel nous permettra sans doute de nous réunir davantage à partir de mars-avril.

M. Francis Delattre. - Intéressons-nous aux mouvements financiers internationaux ! Un organisme est chargé de les contrôler, en lien avec les banques : TRACFIN. Nous devrions auditionner ses responsables rapidement.

M. Philippe Dominati, président. - Oui, probablement. Le sujet est extrêmement vaste. Entre l'optimisation et la fraude, les particuliers et les entreprises, les montants ne sont pas les mêmes, il faudra choisir et établir des priorités. Notre réunion de la semaine prochaine nous permettra de préciser notre programme de travail.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Comme le montre l'exemple américain, les cloisons entre l'optimisation et la fraude ne sont pas étanches. C'est un débat de fond que nous devrons poursuivre.

M. Francis Delattre. - La frontière entre les deux notions, c'est l'abus de droit...

M. François Pillet. - ...et les prix de transferts entre les entreprises !

M. Michel Bécot. - Il faut nous pencher, non seulement sur ce que font les Etats-Unis, mais aussi sur nos voisins, pour mener un benchmarking européen.

M. Francis Delattre. - Ne croyez pas que nous sommes blanc-bleu dans ce pays !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Nous sommes bleu-blanc-rouge !