Mardi 26 février 2013

- Présidence de M. Daniel Raoul, président et de M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire -

Avenir de la production d'électricité par géothermie en France - Table ronde

La commission organise, conjointement avec la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, une table ronde sur l'avenir de la production d'électricité par géothermie en France, autour de : M. François Manneville, président de FM Lighthouse, M. François Demarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), président-directeur général de Géothermie Bouillante, M. Jean-Claude Andreini, président de la commission géothermie du syndicat des énergies renouvelables (SER), M. Romain Vernier, responsable de la division géothermie du BRGM, vice-président de la commission géothermie du SER, M. Jean-Claude Guillaneau, directeur des géoressources du BRGM, président-directeur général de CFG services, M. Éric Lasne, directeur général délégué de CFG services, membre du Bureau de la commission géothermie du SER, M. Albert Genter, GEIE Exploitation minière de la chaleur et M. Philippe Roubichou, directeur régional du BRGM Midi-Pyrénées.

M. Raymond Vall, président. - Nous avons décidé d'organiser cette table ronde sur la géothermie à la suite d'une rencontre avec François Manneville, président de la TPE FM Lighthouse. Nous connaissons tous la géothermie, même si elle occupe un peu moins de place dans les débats. Pourtant, nous avons ressenti de la part de la ministre de l'Écologie la volonté politique de lui donner un nouvel élan. Nous avons donc souhaité réunir un panel de personnalités actives dans ce domaine, qu'il s'agisse de scientifiques, de responsables d'entreprises ou d'experts... que nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui.

M. François Demarcq. - Je suis directeur général délégué du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public d'expertise et de recherche à la disposition de l'État, des collectivités territoriales et des entreprises, et président directeur général de Géothermie Bouillante, le plus gros producteur d'électricité d'origine géothermique en France, situé en Guadeloupe, qui est une filiale relevant à 98 % du BRGM. Je vais présenter brièvement les autres participants. Jean-Claude Andreini, président de la commission géothermie du syndicat des énergies renouvelables (SER), présentera les différentes formes de géothermie. Il faudrait en effet parler « des géothermies » plus que de « la géothermie ». Éric Lasne, directeur général de CFG Services, une autre filiale, relevant à 100 % du BRGM, également membre du bureau de la commission géothermie du SER, présentera quant à lui deux savoir-faire particuliers en matière de géothermie profonde dans lesquels sa société excelle : l'exploitation de la chaleur dans le bassin parisien et la production d'électricité en outre-mer. Il parlera du site de Bouillante. Albert Genter, directeur scientifique du groupement européen d'intérêt économique Exploitation minière de la chaleur, de Soultz-sous-forêts, en Alsace, présentera la première expérience de géothermie très profonde réalisée en France, avec des forages de plus de 5000 mètres de profondeur. Romain Vernier, responsable de la division géothermie du BRGM et vice-président de la commission géothermie du SER, exposera, à partir de quelques exemples, les perspectives d'avenir pour la géothermie. Participeront également à cette table ronde Philippe Roubichou, directeur régional du BRGM Midi-Pyrénées et Elsa Demangeon, chef du département bioénergies au SER.

M. Jean-Claude Andreini- Le secteur de la géothermie représentait, en 2010, 0,2 million de tonnes d'équivalent pétrole (Mtep) et devrait en représenter 1,3 millions en 2020, soit l'horizon du Grenelle de l'environnement. Cela correspond à une multiplication par six de la production actuelle : le secteur pèse peu aujourd'hui mais devrait croître beaucoup, plus que les autres, au cours des prochaines années ; il a donc un fort potentiel.

La géothermie peut se diviser en trois grands ensembles, en fonction du niveau de profondeur : au niveau peu profond, la géothermie sur pompes à chaleur individuelles et collectives permet d'exploiter l'air ou l'eau ; à un niveau un peu plus profond, la géothermie profonde sur réseaux offre des niveaux de chaleur plus élevés ; enfin, la géothermie beaucoup plus profonde, qui est en mesure de produire de l'électricité. Les deux premières formes de géothermie sont très dispersées : elles peuvent être mises en oeuvre sur tous les territoires, et permettent d'obtenir de la chaleur comme du froid. Nous avons donc tous, sous nos pieds, un potentiel facilement mobilisable en la matière, souvent méconnu. Il est pourtant source de nombreux emplois peu délocalisables. Des efforts ont déjà été réalisés pour développer ces formes de géothermie ; ils doivent être poursuivis. La troisième forme de géothermie, sur laquelle le débat d'aujourd'hui est focalisé, est plus lourde à mettre en oeuvre, et requiert une expertise et des compétences plus élevées, en géologie notamment. Elle nécessite des investissements lourds, déterminés par l'État. Elle est beaucoup moins répandue, puisque seuls deux sites la mettent en oeuvre aujourd'hui. Chacune de ces trois catégories de géothermie doit connaître une grande croissance dans les prochaines années. La géothermie électrique atteint aujourd'hui 16,5 mégawatts. L'objectif fixé pour 2020 s'élève à 80 mégawatts, soit une multiplication par cinq de la production actuelle ! Faire progresser la géothermie dans ces proportions est nécessaire pour respecter l'ambition du Grenelle.

S'agissant de la géothermie sur pompe à chaleur, elle peut prendre la forme de capteurs horizontaux, de sondes géothermiques verticales, ou de pompes à chaleur sur nappes ou sur aquifères, dans la maison individuelle ; de champs de sondes ou de fondations thermoactives, dans le petit collectif. La géothermie sur réseaux peut assurer le chauffage d'un quartier ou d'un ensemble d'immeubles d'habitat collectif.

Pour lever les freins au développement de la géothermie sur pompe à chaleur, la publication du décret d'application de l'article 66 de la loi Warsmann est indispensable - nous le rappelons de façon continue à la Ministre -, afin d'autoriser les forages à 200 mètres de profondeur. Ils sont aujourd'hui limités à 100 mètres de profondeur. Cette mesure dégagerait des sources d'énergie. Il est regrettable qu'elle prenne autant de temps. Cela fait plus d'un an que nous attendons ce décret.

Il faut également soutenir le transfert des appellations de qualité : dès qu'on progresse en profondeur, il faut faire de bons forages. Pour cela, il est nécessaire de développer les qualifications au sein des entreprises. Cet enjeu est de taille, afin d'éviter toute mauvaise utilisation du sous-sol. Nous sommes en train de travailler avec qualit'EnR pour mettre au point des qualifications.

Il est aussi nécessaire d'avoir une visibilité sur la durée des dispositifs d'incitation. La géothermie doit être placée au coeur du bâtiment neuf comme du bâtiment existant. Les freins psychologiques, comme ceux liés à la durée des opérations ou aux enjeux locaux, doivent être levés.

S'agissant de la géothermie sur réseaux, nous préconisons de doubler le fonds chaleur renouvelable, de réserver une suite rapide et favorable à l'appel à manifestations d'intérêt (AMI) pour les démonstrateurs, lancé par l'ADEME, ainsi que d'engager un nouvel AMI. La recherche et développement doivent continuer à se développer.

La géothermie électrique est quant à elle aujourd'hui limitée à deux sites. Il convient de multiplier ce chiffre en menant d'autres opérations lourdes. Nous devons aussi améliorer notre performance par la stimulation de nos systèmes. La technologie EGS (enhanced geothermal systems) doit être développée. Il faut également couvrir le risque géologique. Compte tenu de l'ampleur des opérations menées, il est nécessaire d'avoir des assurances. La géothermie électrique est une bonne solution pour les îles, afin d'en renforcer l'autonomie énergique.

La filière de la géothermie compte en France une centaine d'entreprises solides, d'après l'annuaire du SER. Toute la chaîne de valeur est incluse dans ce chiffre : ingénierie, sociétés de services, équipementiers... Nous sommes très bons, mais le marché national est encore insuffisamment développé pour accéder à l'export. Il ne s'agit pas d'un problème de qualification, car nous sommes à la hauteur, mais de développement.

M. Éric Lasne. - En géothermie, nous avons affaire à une ressource naturelle. Elle doit être respectée et gérée en tant que telle. L'opération de géothermie réalisée en 2010 à l'aéroport d'Orly, avec un dispositif « en doublé » comportant un forage de production et un forage de réinjection, permet à l'eau extraite d'être restituée dans son milieu naturel. L'intégration environnementale d'une centrale de géothermie est une question importante. La géothermie est une pratique vertueuse, qui doit l'être dans tous ses aspects, y compris celui de l'intégration visuelle.

La carte des ressources géothermales de notre pays montre les grands bassins sédimentaires parisien et aquitain, dans lesquels on trouve des aquifères continus. Ces derniers sont assez facilement caractérisables et sont déjà exploités. Les aquifères sont des formations rocheuses suffisamment poreuses pour contenir de l'eau. Dans le massif central, il y a des zones volcaniques dans lesquelles il pourrait y avoir des ressources géothermales que, dans le cadre de l'AMI, plusieurs projets visent à caractériser. On peut mentionner enfin les grands bassins fracturés, en Alsace mais aussi dans le couloir rhodanien. Dans les îles, en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, il y a des ressources dont une partie sont avérées.

La région parisienne est une belle vitrine des opérations de géothermie en France. Le bassin parisien possède une couche géologique dont les ressources géothermiques sont très riches : le dogger. Son exploitation est la première au monde en termes de chaleur. Elle se répartit entre 37 installations, sur une couronne partant du nord de Paris, vers la Courneuve, passant par l'Est parisien, et se refermant sur Fresne, pour une production de chaleur d'un million de mégawatt-heure par an. L'impact environnemental de cette production doit être souligné, puisqu'il permet d'éviter la production de 280 000 tonnes de CO2, ce qui est particulièrement important en milieu urbain.

Ce savoir-faire a déjà été décliné à l'international, en Roumanie, en Belgique, en Suisse, en Andorre et en Chine.

L'exploitation de la chaleur en France pourrait aller plus loin. La France n'atteint que le quinzième rang européen en termes de liaison des habitations à des réseaux de chaleur. Seuls 6 % des habitations et des bureaux sont raccordés à un réseau de chaleur. Sur ceux-ci, on trouve 30 % d'énergies renouvelables : la géothermie est donc vertueuse en matière de mix énergétique. Elle constitue un effet de levier important.

Un autre avantage de la géothermie réside dans son prix. Une étude du réseau Amorce a montré qu'elle était très compétitive par rapport aux autres énergies. Elle a des coûts à peu près équivalents à l'énergie de récupération sur les usines d'incinération d'ordures ménagères, ou issue de la cogénération de gaz ; elle est 5 % à 10 % moins chère que la biomasse. La géothermie est donc vertueuse tant du point de vue environnemental que de la compétitivité. Les collectivités, qui ont commencé à investir dans ce domaine dans les années 1980, choisissent aujourd'hui de maintenir et de renouveler leurs installations.

Dans les îles, il y a deux types de système volcanique : un arc insulaire de volcans, comme en Martinique, en Guadeloupe et à la Dominique, et un volcanisme de points chauds, à La Réunion par exemple.

Dans les îles, la plus belle réalisation en matière de géothermie, et la seule dans le domaine de la production d'électricité, se trouve à Bouillante en Guadeloupe. Elle est composée de deux unités qui produisent 6% de l'électricité de la Guadeloupe. L'unité Bouillante 1 fournit 4,7 mégawatts électriques , l'unité Bouillante 2 11 mégawatts. Le champ géothermal de Bouillante n'est absolument pas lié à l'activité actuelle du volcan de la Soufrière, nous sommes sur des édifices volcaniques anciens, déconnectés du volcanisme actuel. Dans le périmètre d'exploitation de Bouillante, il y a encore un fort potentiel à développer. Un projet Bouillante 3 doit voir le jour ; dans la zone de Vieux-Habitants, au Sud, des études sont actuellement en cours. Les résultats devraient être disponibles d'ici la fin du premier semestre 2013.

Un potentiel de développement un peu plus caché, et à approfondir, existe à la Martinique dans trois zones : sur le flanc ouest de la montagne Pelée, au niveau de la petite anse au sud de l'île ; sur la plaine du Lamentin. A cet endroit des forages ont déjà été réalisés dans les années 2000, avec des résultats assez prometteurs en matière de production de moyenne énergie.

A La Réunion, le potentiel en géothermie concerne les cirques de Salazie et Cilaos (Piton des neiges) et le secteur de la plaine des sables à l'ouest du Piton de la fournaise et de la rivière des remparts. Fin 2008, le projet de réalisation de trois forages exploratoires dans la plaine des sables a été abandonné en raison des risques pesant sur la demande de classement au patrimoine mondial de l'UNESCO, s'agissant d'une zone située dans le parc national, mais il pourra peut être revoir le jour à un autre endroit.

La géothermie électrogène permet de consolider et sécuriser les systèmes énergétiques insulaires, souvent intermittents en ce qui concerne l'énergie éolienne ou solaire. La géothermie est une énergie de base avec des taux de disponibilité qui peuvent être supérieurs à 90 %. Il s'agit d'une production locale, indépendante des importations de combustibles fossiles. Elle est moins chère, puisque le tarif de rachat actuel fixé par la commission de régulation de l'énergie est de 130 euros par mégawatt heure, alors que les énergies conventionnelles sont plutôt autour de 200 euros par mégawatt heure. Il est en outre possible d'utiliser tout ou partie de la ressource géothermale, « en cascade », pour des applications « chaleur », dans le domaine agricole (séchage), industriel (froid)... Cette production émet peu de rejets en CO2. Il s'agit en outre une filière complète, déjà structurée.

Nos attentes de professionnels de la géothermie sont les suivantes.

Il faut tout d'abord continuer à développer la connaissance des ressources géothermiques, que ce soit pour la production de chaleur ou la production d'électricité. Il faudrait également instaurer un dispositif de couverture du risque géologique pour la production d'électricité, comme cela existe déjà pour la production de chaleur. La conception de mécanismes de soutien financier au développement de la géothermie dans les territoires insulaires, notamment en termes de tarifs d'achat, permettrait par ailleurs à beaucoup de projets de voir le jour ; il faudrait que le tarif d'achat soit compris entre 170 et 200 euros du mégawatt-heure. Il faudrait également définir une réglementation adaptée aux territoires insulaires, notamment pour l'importation d'électricité : la production d'électricité sur l'île de la Dominique pourrait intéresser la Martinique ou la Guadeloupe. Des adaptations de la réglementation sont également nécessaires : lorsque l'on fait des forages d'exploration, ne pourrions-nous pas travailler comme dans le domaine des hydrocarbures, avec un système de déclaration plutôt que d'autorisation, qui prend beaucoup plus de temps ?

Pour améliorer l'insertion des projets dans les territoires, la mise en place d'une redevance communale permettrait aux collectivités locales de s'y retrouver sur le plan financier.

Il faudrait, enfin, renforcer les actions de recherche et développement engagées dans le cadre des investissements d'avenir : nous pensons aux AMI, mais aussi à l'institut d'excellence, qui doit permettre de mettre en place des démonstrateurs en géothermie profonde pour dynamiser la filière.

M. Albert Genter. - Le projet de Soultz se distingue en ce qu'il concerne une zone non volcanique. Le site est une anomalie thermique du fossé rhénan, où le gradient de température est de 200 degrés à cinq kilomètres de profondeur. Ce projet franco-allemand, lancé il y a vingt-six ans par le BRGM, en est à la phase pré-industrielle. Il a pris la forme d'un groupe européen d'intérêt économique (GEIE). L'objectif est d'exploiter une ressource géothermale à partir de réservoirs non conventionnels de type granite fracturé.

L'électricité produite est vendue sur le réseau depuis 2011 et bénéficie d'une obligation d'achat à 20 centimes d'euros par kilowatt-heure.

Une pompe fait remonter un liquide très salé qui est exploité dans une centrale de type cycle de Rankine puis réinjecté dans le sous-sol par un autre puits. Les conditions d'exploitation sont ainsi marquées par le caractère agressif de l'eau chaude chargée de sel et de particules de granite.

Les recherches portent sur la connaissance du sous-sol, au moyen de tests de traçage, sur la micro-sismicité induite par la réinjection d'eau, ainsi que sur les conditions d'exploitation : corrosion des matériels, échangeurs de chaleur, pompes de production, dépôts de minéraux par les fluides.

Nous travaillons également sur les nuisances telles que le bruit, les vibrations mais aussi la radioactivité naturelle des roches. Une enquête a montré que l'activité bénéficiait d'une bonne acceptabilité au niveau local, même si les forages suscitent quelques plaintes relatives aux nuisances sonores.

Nous avons des projets de géothermie profonde sur trois autres sites de la vallée du Rhin : Landau, Insheim et Rittershoffen.

M. Romain Vernier. - Le développement de la géothermie profonde de nouvelle génération, dite EGS, repose sur deux facteurs clés : la température et le débit.

Le gradient géothermique moyen est de 3° C tous les cent mètres. En milieu volcanique, la présence de sources de chaleur magmatiques conduit à des températures élevées à de faibles profondeurs. Des anomalies thermiques existent toutefois, y compris en milieu non volcanique : c'est le cas en Alsace, dans le sillon rhodanien ou en Aquitaine.

S'agissant du débit, la présence de fluide diminue avec la profondeur et sa composition chimique se complique avec la présence de saumures. Le débit rencontré est lié à la porosité ou la perméabilité de la couverture sédimentaire, ainsi qu'à la présence de fractures. La stimulation permet d'améliorer la circulation dans les fractures existantes et d'améliorer la connexion du puits au réseau naturel.

Le projet de Soultz a permis de démontrer qu'on pouvait produire de l'électricité à partir de la géothermie profonde même en dehors des zones volcaniques, d'améliorer les cycles thermodynamiques et d'expérimenter la stimulation. Les nouvelles cibles sont des sites moins profonds que Soultz.

Des perspectives sont ouvertes sur de nouveaux débouchés, tels que les procédés industriels ou les réseaux de chaleur à haute température, et la géothermie représente une filière industrielle stratégique de l'économie verte, reconnue par le ministère dans un rapport de 2010 consacré aux filières vertes.

D'après l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la production d'électricité à partir de géothermie représente aujourd'hui une puissance installée de 11 gigawatts dans le monde. Les priorités sont aussi bien l'exploration des ressources et l'amélioration des techniques, que la mise à disposition des données auprès des acteurs économiques, la recherche de nouvelles techniques de forage ou l'efficacité énergétique des systèmes de cogénération. Il faut développer des démonstrateurs géothermiques de nouvelle génération, des technologies de stimulation, des outils de décision et de modélisation du réservoir, prévenir les impacts et les risques, démontrer la possibilité de production de long terme, exploiter des ressources alternatives telles que la valorisation de l'eau coproduite avec le pétrole et le gaz et les fluides supercritiques. Il est enfin nécessaire d'accroître le financement de la recherche et développement et la coopération internationale.

Les évolutions technologiques et l'expérience de Soultz-sous-Forêts permettent d'envisager un développement significatif de cogénérations géothermiques dans des régions non volcaniques. Le développement de la filière passe par la réalisation de démonstrateurs, aujourd'hui non financés, dans des contextes géologiques variés. Un soutien à la recherche et développement, y compris en amont de ces démonstrateurs, est nécessaire pour développer de nouveaux concepts et alimenter les besoins technologiques. Enfin une couverture du risque géologique doit être mise en place pour permettre à des projets préindustriels et industriels d'émerger.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - On parle de production d'électricité par la géothermie depuis trente ans : pourquoi un tel retard ? Pourquoi n'utilise-t-on pas le fluide à moyenne température dans des cycles de Rankine ? Vous n'avez pas évoqué la production de froid : est-ce une application envisageable ?

M. Michel Teston. - Comment limiter le débit afin de ne pas épuiser la ressource pour une période de temps donnée ? S'agissant de la fracturation hydraulique, sur laquelle le Sénat a été particulièrement sensibilisé, des problèmes ont-ils été rencontrés à Soultz ? Si oui, comment ont-ils été réglés ?

M. Roland Courteau. - La France a été pionnière pour la géothermie dans les années 1960 : pourquoi un tel désintérêt ensuite ? Sommes-nous sur le bon chemin pour respecter les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement ? Que devons-nous faire de plus, concernant par exemple les dispositifs fiscaux et financiers, pour le développement de la filière ? Existe-t-il un mécanisme d'assurance pour le cas où l'on ne trouve pas la ressource attendue lors d'un forage ?

M. Jean-Claude Lenoir. - Les expérimentations dans le domaine de la géothermie apparaissaient, il y a une trentaine d'années, très prometteuses. Le coût du carburant, plus encore que les problèmes de corrosion, les ont cependant compromises.

Je suis chargé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), avec mon collègue député Christian Bataille, d'un rapport sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour les hydrocarbures non conventionnels, c'est-à-dire le gaz et le pétrole de schiste. J'ai été frappé, en regardant votre présentation, de la similitude dans l'approche du sujet, que ce soit en matière d'exploration ou de fracturation - vous entendez augmenter le diamètre des microfissures, par de l'eau et des additifs.

Vous avez souligné - cela m'a beaucoup intéressé - l'intérêt du démonstrateur. Le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a été entendu par l'Opecst sur le rapport que j'évoquais. Pensez-vous qu'il pourrait y avoir un rapprochement des données fournies par cet organisme, mais d'autres également, pour compléter notre information sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique. D'autres produits, tel que le propane, pourraient-ils être utilisés ? Ou bien parvient-on aujourd'hui à mieux maîtriser l'usage de l'eau ?

M. Claude Belot. - J'ai lancé, dans ma commune du Nord de l'Aquitaine, un premier puits à 2 000 mètres de profondeur en 1979, puis un second en 1993, qui se sont révélés des succès économiques et financiers. Il y avait alors une réelle volonté politique et une intervention de l'Etat comme assureur. Il nous faut aujourd'hui soit une société nationale de géothermie, soit, mieux encore, que les communes et leurs groupements se lancent dans ces démarches. Or, elles ne le feront que si elles sont assurées ; c'est là un facteur déterminant.

Les réseaux de chaleur sont une grande réussite. Le « fonds chaleur » est un outil efficace, mais la demande reste insuffisante.

Faire creuser un puits et aménager un réseau ne posent plus aucun problème technique : nous possédons, en France, le savoir-faire et le matériel nécessaires. Il faut simplement relancer l'assurance, à travers le comité national de la géothermie, et être conscient qu'un dixième des forages peut être improductif pour des raisons naturelles.

Il existe de grandes différences selon les régions : en Île-de-France, les réservoirs ne sont pas réalimentés et il faut donc, en cas de forage, réinjecter de l'eau après avoir capté la chaleur ; en Aquitaine, au contraire, les nappes sont naturellement réalimentées. Or, aujourd'hui, on nous oblige un réaliser un doublé. Du fait de cette exigence, dans les zones où il y a un renouvellement naturel de l'eau, les projets ont été stoppés.

J'essaie dès que possible de recourir aux énergies renouvelables dans ma commune, par exemple en installant des pompes à chaleur. Mais l'utilisation d'eau à des fins thermiques doit donner lieu à sa réinjection après refroidissement. Dès lors, ces projets ne peuvent être menés à bien. On est dans l'absurdité : l'administration nous impose un raisonnement de type « centre - bassin parisien », ce qui va paralyser de nombreux projets rentables. Arrêtons le massacre !

M. Bruno Sido. - Merci pour cette remarquable présentation. La question métallurgique - problème des eaux porteuses de soufre et d'acide sulfurique - a-t-elle été maîtrisée ?

Mme Hélène Masson-Maret. - Quelle est la surface des centrales géothermiques ? Va-t-on pouvoir les diminuer, en vue d'en réduire l'impact environnemental et esthétique ?

Mme Évelyne Didier. - Votre exposé était très clair ; pourriez-vous nous préciser l'impact de la géothermie sur la qualité de l'eau ?

M. Jean-Claude Andreini. - Le développement de la géothermie reste limité par plusieurs freins.

Les problématiques de corrosion et d'agressivité des eaux sont désormais bien maîtrisées, pour l'essentiel. Il n'y donc plus d'obstacle technologique, sauf cas particuliers, qui nécessitent de continuer d'investir et de progresser dans la recherche.

Les politiques publiques ne sont pas suffisamment ancrées sur le long terme. Or, une certaine continuité est nécessaire. De plus, la législation est surabondante et inadaptée, et l'administration trop lente et complexe. Il faut six mois en Allemagne pour lancer un projet, contre deux ans en France !

Le risque géologique doit être pris en compte. Les pétroliers l'assument, lorsqu'ils réalisent des forages. Des solutions assurantielles sont aujourd'hui disponibles, sauf pour la géothermie électrique.

Enfin, il faut souligner l'existence d'un frein culturel, avec des peurs irrationnelles liées au sous-sol et l'assimilation du secteur à la fracturation hydraulique, polluante.

Tous ces freins peuvent cependant être levés aujourd'hui. La géothermie présente de nombreux atouts : c'est une industrie non délocalisable et maîtrisée, fournissant une énergie bon marché et disponible sur tout le territoire. Il faut la développer.

M. Ladislas Poniatowski. - On sent un glissement progressif du débat, qui ne porte plus sur la production d'électricité à partir de la géothermie, mais sur l'intérêt de la cette industrie ... Finalement, la question centrale est de savoir quand il sera plus rentable de vendre de l'électricité plutôt que de la chaleur. Je serais très demandeur d'un déplacement à Soultz-sous-Forêts, en tant que président du groupe d'études sur l'énergie.

M. Raymond Vall, président. - Nous sommes arrivés à un stade où les collectivités doivent se mettre face à leurs responsabilités, en particulier dans les zones rurales, où il est important de capter de nouvelles ressources. Dans le cadre de la géothermie électrique, elles peuvent investir. Il s'agit donc de savoir où l'on peut faire de l'électricité grâce à la géothermie, à partir de quelle profondeur, pour quel rendement ... Ceci en vue de tracer une carte permettant aux territoires ruraux, ne pouvant installer de réseaux de chaleur, de produire de l'énergie renouvelable et constante.

M. François Demarcq. - Il existe en effet une ambiguïté entre la production de chaleur et celle d'électricité. Pour ce qui est de l'électricité produite avec de la vapeur d'eau, et en raison des lois de la thermodynamique, le rendement est d'autant plus important que la température est élevée ; c'est pourquoi des cartes de température vous ont été montrées. Sont donc privilégiés les sites ou les gradients géothermiques sont les plus élevés. C'est le cas à Bouillante, ainsi qu'à Soultz-sous-Forêts.

L'utilisation d'autres produits que l'eau, comme l'ammoniac ou d'autres gaz fluorés, permet d'augmenter les rendements. C'est ce qui se passe aujourd'hui avec les ORC : de nombreuses installations géothermiques fonctionnent avec des températures de 160° tout en ayant des rendements corrects, comme c'est le cas à Soultz-sous-Forêts.

Il y a une limite économique à trouver pour chaque projet en fonction de la chaleur qui n'est pas transformée en électricité, et récupérée. D'où l'idée de cogénération : cette nouvelle génération de géothermie permettra de valoriser un peu d'électricité, avec des rendements moyens, mais beaucoup de chaleur, sur le modèle des usines d'incinération d'ordures ménagères. Il faut des démonstrateurs, à court terme, pour pouvoir tester les projets.

M. Jacques Cornano. - La Guadeloupe possède des caractéristiques climatiques idéales pour la géothermie. Or, on y avantage les centrales thermiques. A Marie-Galante, un grand projet de ferme photovoltaïque ne s'est pas réalisé. Quelles sont les études en cours et les perspectives d'avenir pour le développement de la géothermie à Bouillante ?

M. François Demarcq. - En tant que président-directeur général de Géothermie Bouillante je peux vous indiquer qu'il y a des perspectives sérieuses pour développer la géothermie à Bouillante, sur le territoire de la concession qui a été octroyée en 2009 à notre société. Au nord de la baie de Bouillante, des discussions sont en cours sur un projet appelé « Bouillante III », à 1,5 kilomètre des sites déjà existants. Nous avons des autorisations pour réaliser des forages d'exploration. Nous avons buté jusqu'à présent sur des problèmes de négociations avec les propriétaires de terrains, et la mairie de Bouillante, au sujet de l'accès effectif à cette zone. Le territoire est marqué par une densité de population assez élevée, avec un habitat dispersé, et des zones naturelles à protéger. Il est donc difficile d'obtenir l'accord de tous pour réaliser les forages.

La création d'une redevance au profit des communes permettrait de débloquer la situation dans les îles. Aujourd'hui, la société géothermique paye les taxes habituelles. En revanche, il n'y a absolument aucun avantage spécifique lié à l'utilisation de la ressource géothermique pour la commune. Nous avons proposé, avec le soutien du Syndicat des énergies renouvelables, l'instauration d'une redevance de type redevance minière, comme il en existe pour l'exploitation des mines métalliques, du pétrole ou du gaz. Cette redevance pourrait être versée aux communes, et éventuellement à la région ou au département. Toutefois, si on veut que cette redevance soit d'un niveau suffisamment significatif pour que la commune en tire un bénéfice réel, il faut que ce montant de redevance supplémentaire soit compensé auprès de l'entreprise par une légère augmentation du prix de vente de l'électricité à EDF. L'électricité géothermique est aujourd'hui dans les îles la moins chère qui existe.

M. Éric Lasne. - Pour répondre à la question d'Hélène Masson-Maret, il nous faut distinguer entre la chaleur et l'électricité, dans la mesure où les problématiques sont un peu différentes en matière d'impact environnemental et esthétique. Je vous invite à aller à Sucy-en-Brie, où se situe une très belle installation de géothermie produisant de la chaleur, avec un triplet, c'est-à-dire trois puits. Les têtes de puits sont enterrées dans le parc du château de Sucy-en-Brie, vous pouvez vous déplacer sans même les voir. La centrale est souterraine, et aucun équipement n'est visible. En matière de production de chaleur, l'impact visuel se limite donc à la période des travaux de forage.

En ce qui concerne l'électricité, les besoins de refroidissement sont supérieurs. Il est nécessaire de faire appel à des technologies en aérien, soit des aéro-réfrigérants, soit un refroidissement à l'eau. L'impact visuel peut donc être supérieur, et nous travaillons à l'intégration environnementale des équipements très en amont dans les projets. Des esquisses ont par exemple déjà été faites dans le cadre du projet « Bouillante III » pour parfaitement s'intégrer dans le paysage.

M. Romain Vernier. - Sur la question de l'épuisement de l'énergie, dès la conception des installations et dans la manière de les exploiter, le but poursuivi est toujours d'avoir une exploitation pérenne de la ressource géothermale. Cela passe par différents paramètres. Sur un doublet, on calcule les écartements de puits pour que l'exploitation se fasse bien à l'échelle de temps sur laquelle elle est planifiée. Nous sommes aujourd'hui limités par le vieillissement des puits au bout d'une quarantaine d'années. Comme tout projet économique, les temps de retour sont plutôt d'une vingtaine d'années, vous comprenez donc l'intérêt de ces opérations.

Sur les questions de refroidissement, plusieurs méthodes existent. Pour la géothermie superficielle, on peut tirer profit du fait que le sous-sol proche reste toute l'année aux alentours de 15 degrés. A partir de là, soit on fait du froid en faisant tourner une pompe à chaleur à l'envers, soit on recourt à la technique du géo-cooling. L'efficacité énergétique de ces méthodes est excellente.

Par rapport aux objectifs du Grenelle de l'environnement, on assiste aujourd'hui à un réel développement de la filière sur un certain nombre de segments, notamment la géothermie assistée par pompe à chaleur pour l'habitat collectif et les bureaux. Sur le logement particulier, une réflexion est à mener, en particulier sur le volet réglementaire et fiscal. Ce marché doit être soutenu, compte tenu du fort investissement de départ nécessaire. En métropole, il convient de développer encore les applications en matière d'électricité et de chaleur, via notamment les réseaux de chaleur, qui peuvent être très utiles, dans une logique d'aménagement du territoire, pour alimenter un tissu économique local.

J'aimerais revenir sur les questions concernant la stimulation hydraulique. Les objectifs de la fracturation hydraulique et ceux de la stimulation sont bien distincts. En géothermie, des fractures naturelles existent dans le milieu. Le but de la stimulation va être d'en ouvrir quelques unes, sans avoir vocation à en ouvrir beaucoup. L'objectif n'est pas le même pour les gaz de schiste pour lesquels il s'agit de récupérer le gaz piégé dans la roche, et donc d'ouvrir le maximum de fractures. Dans la mesure où des fractures sont déjà présentes en géothermie, les pressions sont plus faibles au moment de la stimulation. Les impacts et les risques sont donc moindres. Une des critiques adressées aux gaz de schiste concerne les volumes d'eau à mobiliser. En géothermie, la stimulation hydraulique est effectuée au début de l'opération pour créer ou améliorer le système géothermique. Les temps de fonctionnement sont ensuite de plusieurs dizaines d'années. Les gaz de schistes requièrent en revanche des fracturations successives. Les volumes d'eau utilisés en géothermie sont moindres, dans la mesure où on réutilise le fluide de formation, présent dans la roche, pour mener l'opération de stimulation.

Sur l'enjeu de la sismicité induite, Albert Genter a rappelé ce qui était mis en place en matière de monitoring. Dans le cadre de la stratégie de stimulation hydraulique, une feuille de route doit être respectée, afin d'utiliser des pressions et des procédés compatibles avec la maîtrise de la sismicité induite.

M. François Demarcq. - J'aimerais ajouter un mot sur la question des hydrocarbures ou gaz de roches mères, bien que ce ne soit pas le sujet d'aujourd'hui. Les roches mères sont extrêmement imperméables, ce qui explique que les hydrocarbures ou gaz n'aient pas migré au cours du temps. La matière organique est emprisonnée depuis des centaines de millions d'années. Il faut casser cette matrice très compacte avec de la fracturation pour aller chercher la ressource.

En géothermie, il s'agit au contraire de trouver des zones poreuses. Si elles sont insuffisamment poreuses, on ouvre des microfissures. Le granit à Soultz-sous-Forêts n'a rien à voir avec les roches mères. L'idée qui a pu être étudiée, il y a une trentaine d'années, d'aller dans des roches totalement sèches, qu'on appelait roches chaudes sèches, est aujourd'hui quasiment abandonnée. Pourquoi aller dans des roches sèches alors qu'on a des roches humides ? Il vaut mieux aller dans des zones où il y a déjà de la circulation d'eau et améliorer les conditions de cette circulation. C'est le sens de la stimulation hydraulique.

Je voudrais revenir également sur la question d'Evelyne Didier s'agissant de la qualité de l'eau. Il faut là encore distinguer entre les différentes formes de géothermie. Lorsqu'on est dans de la géothermie profonde, on a en général à faire à de l'eau salée. Il faut éviter de la rejeter de manière inconsidérée dans l'environnement. Si je prends l'exemple de Bouillante, cette eau est moins salée que l'eau de mer et peut être rejetée en mer. A terre, on ne peut pas mélanger l'eau douce de surface avec de l'eau salée provenant des profondeurs, d'où la réinjection.

Quand on fait un puits, on prend toujours un risque, maîtrisé, de pollution des eaux souterraines. Si le puits est mal réalisé, on risque de mettre en communication différentes nappes à différents niveaux. On peut aussi, dans certaines circonstances, mettre de l'eau en communication avec des roches qui supportent mal l'eau, comme le sel, ou le gypse, ce qui peut créer des désordres mécaniques. Ces problématiques soulignent l'importance de la qualité du forage et de la qualification des entreprises du forage. Un bon foreur doit savoir cimenter son puits pour éviter tout passage d'eau d'un aquifère vers d'autres horizons.

M. Jean-Claude Andreini-Les techniques utilisées en géothermie sont pour l'essentiel les techniques de forage d'eau. Les foreurs d'eau sont les foreurs de la géothermie. Ce sont donc des technologies qu'on maîtrise, parfois depuis des centaines d'années. On sait pomper, acidifier un puits, l'isoler. Il n'y a pas de risques lorsqu'on procède dans les règles de l'art.

M. Éric Lasne. - Un complément sur la protection des nappes d'eau souterraines : MM. Demarcq et Andreini ont répondu par rapport à la période des travaux de forage, qui dure généralement quelques mois. En cours d'exploitation, il est important de rappeler que l'ensemble des opérations de géothermie est réglementé par des arrêtés préfectoraux qui définissent les règles à respecter, avec des inspections des forages tous les trois ou cinq ans. L'intégrité des cuvelages est vérifiée. Toutes les précautions sont donc prises au cours de l'exploitation pour ne pas altérer les ressources en eau potentiellement potables aux alentours.

En termes de doublets, la réinjection n'est pas toujours imposée, même si la tendance est effectivement à essayer de restituer au milieu naturel d'origine les quantités d'eau qui ont été prélevées dans un aquifère. Nous travaillons à l'heure actuelle sur un projet à Mont-de-Marsan, où se situent deux puits de production de géothermie. Nous avons essayé de trouver, avec la régie des eaux, une solution consistant à ne pas tout réinjecter, et à garder une partie de l'eau notamment pour de l'irrigation, dans la mesure où cette eau a une qualité chimique qui le permet.

M. Michel Teston. - Votre carte montre qu'il y a d'importantes ressources géothermales dans les failles rhénane et rhodanienne. A Soultz, trois forages de cinq kilomètres de profondeur ont été effectués. N'y a-t-il pas des risques en termes de sismicité à effectuer des forages aussi profonds dans des zones de faille ?

M. Albert Genter. - L'Alsace est en effet la deuxième région sismogène de France. Je ne connais cependant aucun projet de géothermie qui ait déclenché de séismes. Il n'y a pas de risque sismique associé à l'acte de forage. On peut observer des séismes lorsqu'on réalise des expériences de stimulation dans le cadre du fossé rhénan, lorsqu'on rouvre des failles granitiques colmatées pour créer des chenaux. Toute l'eau trouvée est cependant réinjectée dans le milieu.

M. Raymond Vall, président. - Je vous remercie pour cette présentation et ce débat très riches. A la suite de l'audition du responsable de la réécriture du code minier, Thierry Tuot, nos deux commissions ont décidé de créer un groupe de travail pour suivre cette réforme. Il serait intéressant que, dans ce cadre, la problématique de la géothermie fasse l'objet d'un examen attentif.

Audition de Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice nationale du crédit aux entreprises

La commission procède ensuite à l'audition de Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice nationale du crédit aux entreprises.

M. Daniel Raoul, président. - Nous avons le plaisir d'entendre la médiatrice nationale du crédit qui a pris ses fonctions en janvier 2013.Vous étiez déjà, Madame, médiatrice déléguée auprès du médiateur du crédit aux entreprises depuis janvier 2009. Vous avez aujourd'hui l'occasion de nous présenter votre rôle auprès des entreprises et de préciser les procédures mises en place pour venir en aide à ces dernières.

Lorsque nous avons reçu, il y a deux semaines, le médiateur des relations inter entreprises, il a beaucoup été question des difficultés de trésorerie des TPE et PME, du fait de l'allongement des délais de paiement. Or, je suppose que ce regain de tensions sur le crédit inter entreprises a pour effet de compliquer les relations entre les entreprises et leurs banques. La politique d'octroi de crédits de court terme des banques pallie-t-elle les difficultés ou contribue-t-elle à les renforcer ? Faut-il envisager à nouveau, comme cela a été fait au plus fort de la crise de 2008-2009, des mesures d'urgence pour soutenir la trésorerie des entreprises, à moins que les outils actuels vous paraissent adéquats ?

Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice nationale du crédit aux entreprises. -Comme vous l'avez rappelé, j'ai effectivement pris mes fonctions de médiatrice nationale du crédit en janvier 2013 pour accomplir une mission dont j'avais déjà une certaine expérience puisque j'avais rejoint la médiation du crédit en janvier 2009, dans les deux mois qui ont suivi sa création en novembre 2008.

Cela me permet de dresser le bilan du travail accompli au cours de ces quatre dernières années. Depuis sa création, la philosophie et la mission de la médiation du crédit n'ont pas changé : il s'agit de ne laisser aucune entreprise dans l'isolement face à une difficulté de financement, dans sa relation avec une banque ou un assureur de crédit. L'organisation de la médiation est décentralisée : elle se décline partout sur le territoire, au plus près du terrain.

Depuis la création du dispositif, les dossiers de saisine de la médiation proviennent essentiellement des PME (à 95 %) dont des TPE (à 80 %). L'explication de ce phénomène tient à ce que les petites entreprises sont les plus fragiles face aux difficultés : elles ne sont pas armées de la même manière que les grandes entreprises qui disposent de conseils, d'avocats ou d'experts comptables chevronnés.

M. Daniel Raoul, président. - J'ai constaté récemment la diffusion de publicités sur les huissiers de justice...

Mme Jeanne-Marie Prost, médiatrice nationale du crédit aux entreprises. - J'y reviendrai parce que dès l'origine de la médiation, nous avons travaillé avec tout un réseau, que nous appelons les « tiers de confiance de la médiation », et qui peuvent aider les entreprises à s'adresser à nous.

Je vous donne quelques chiffres significatifs : 37 000 entreprises ont saisi la médiation depuis sa création et, sur ce total, 27 000 dossiers ont été traités, avec un taux de réussite de 62 %. Près de 4,3 milliards d'euros de crédits ont été débloqués et 300 000 emplois préservés. Je précise qu'on peut distinguer deux périodes : le flux de saisines a été massif de 2009 à la mi-2010, puis on a constaté un ralentissement en 2011 et, dans une moindre mesure, en 2012.

En dehors des périodes exceptionnellement chargées, comme en 2009, la médiation traite en moyenne 4 000 dossiers par an. Notre capacité de traiter un très grand nombre de dossiers en période de crise s'explique par l'organisation décentralisée de la médiation du crédit qui s'appuie, dans chaque département, sur le directeur de la Banque de France, qui fait office de médiateur du crédit. L'utilisation du réseau de la Banque de France est un gage d'efficacité : il est bien identifié sur le terrain, connait bien les entreprises et bénéficie d'une image solide auprès des banquiers.

De plus, la procédure de médiation est automatisée et rapide : la saisine débute par une demande effectuée par l'entreprise sur le site internet du médiateur du crédit ; on lui répond très vite et, dans les jours qui suivent, les banques ainsi que l'entreprise sont contactées et les réunions s'organisent.

L'autre grande raison du succès de la médiation est le recours à une méthode qui a fait ses preuves. En situations de crise, comme en 2009, ou en cas de difficulté structurelle, le fait de rassembler les acteurs autour d'une table crée des dynamiques nouvelles et permet de trouver des solutions qui n'auraient pas pu émerger si chaque partie prenante avait traité le dossier séparément et de façon individuelle. Je fais d'ailleurs observer que les dossiers arrivent en médiation bien souvent parce que le dialogue a été rompu ou parce que le chef d'entreprise n'a pas pris conscience de la situation à laquelle sa firme est confrontée : le soutien apporté par la Banque de France est alors particulièrement utile.

J'ajoute que la « colonne vertébrale » de la médiation du crédit est l'accord de place passé entre l'Etat, le Gouverneur de la banque de France et les établissements de crédit. Les banquiers se sont engagés, par l'intermédiaire de la Fédération bancaire française (FBF), à ne plus résilier les concours financiers, dès la saisine du médiateur et tout au long de la négociation. Je rappelle qu'à la fin de l'année 2008, au moment où les banques ont signé cet accord, le contexte de renflouement de ces dernières par l'Etat ne leur laissait guère le choix et elles avaient alors exprimé certaines réticences. Cependant, quatre ans plus tard, le dispositif a prouvé son efficacité et l'accord de place initial a été renouvelé en 2011 pour deux ans et le sera à nouveau, très prochainement, jusqu'à la fin de 2014. Il me semble qu'un certain nombre d'établissements financiers ont pris conscience de l'utilité d'une force de rappel pour prévenir les conséquences désastreuses au plan local induites par la situation économique ou la fragilisation d'une entreprise.

Ainsi, la médiation assume depuis sa création une mission de vigie, au plus près du terrain, et pour soutenir les entreprises faisant faire face à des banquiers qui craignent excessivement le risque ou formulent des exigences excessives. Encore faut-il, j'y insiste, que les entreprises saisissent le médiateur du crédit, d'autant qu'à l'accord de place avec les banques s'ajoute un accord avec les assureurs de crédit qui nous permet de faire participer ces derniers au tour de table.

Pour l'année 2013, ma priorité est de conforter la présence ainsi que la visibilité sur le terrain de la médiation. Dans cette perspective, je prolongerai la tradition de déplacements en province instituée par mes prédécesseurs.

Afin d'anticiper les risques de difficultés de trésorerie qui pèsent sur les PME et TPE, le Gouvernement a d'ores et déjà réactivé, le mois dernier, un fonds de garantie créé par Oséo et destiné au renforcement de la trésorerie, un peu différent de celui que ce dernier avait mis en place en 2008. Aujourd'hui, l'objectif est de consolider des crédits à court terme en allongeant leur durée, Oséo pouvant alors apporter sa garantie à hauteur de 50 %, voire 70 % si de nouvelles contributions interviennent. Par ailleurs, un nouveau dispositif qui vient d'être finalisé permet aux entreprises de mobiliser leurs créances au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), ce qui peut constituer une ressource de trésorerie appréciable.

Je conclus ce propos liminaire en rappelant que, de son coté, l'État intervient également à travers les Commissions des chefs des services financiers (CCSF) en accordant des moratoires sur les créances publiques sociales ou fiscales : cet outil a été utilisé massivement en 2008.

M. Daniel Raoul, président. - A propos du déploiement territorial de la médiation du crédit, je m'interroge sur les conséquences de la réorganisation du réseau de la Banque de France...

M. Yannick Vaugrenard. - Je souligne que sur le terrain, nous sommes très souvent interpellés par les petites entreprises qui ont des difficultés de financement bancaire. Je rappelle également que, bien souvent, les banques n'acceptent d'intervenir que si elles obtiennent des garanties de la part des collectivités. Ne doutant pas de l'efficacité de votre action, je fais cependant observer que l'information diffusée aux entreprises sur la possibilité de saisir la médiation me paraît insuffisante.

Dans le cadre de la préparation du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, je m'interroge sur l'impact potentiel du texte sur les conditions de financement des petites entreprises et voudrais vous demander quelle est votre analyse globale de ce projet de loi et comment - selon vous - il susceptible d'impacter le financement de notre économie.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous avez brossé un tableau très précis des moyens d'actions de la médiation du crédit tout en faisant preuve, me semble-t-il, d'un peu d'indulgence à l'égard du comportement de certains établissements bancaires face aux petites entreprises en difficultés, en 2008 et 2009. Reconnaissons qu'il a fallu une intervention vigoureuse de la puissance publique pour leur faire prendre conscience des conséquences de leurs décisions - j'allais dire de leurs devoirs. Il est tout de même paradoxal de constater qu'un certain nombre d'établissements de crédits qui se consacrent volontiers à ce que l'on peut qualifier d'activités annexes sont souvent ceux qui manifestent le plus de réticences pour soutenir nos PME.

Je suis bien convaincu que le label et l'efficacité de la Banque de France sont des atouts déterminants pour la médiation du crédit. Cependant, comme le Président Daniel Raoul, je me demande si on ne doit pas craindre l'affaiblissement de son réseau. Je voudrais également vous interroger sur votre positionnement par rapport à la création de la Banque publique d'investissement (BPI) qui cible également les PME et les TPI - tout en espérant que l'action de cette dernière vous permettra de poursuivre votre mission de façon tout aussi efficace qu'avant.

M. Gérard Bailly. - Depuis 2008, le préfet de mon département a tenu une réunion mensuelle, puis trimestrielle, sur la situation économique. J'ai pu constater à cette occasion l'action bénéfique de la Banque de France, dans le traitement des dossiers de médiation. Les élus sont sensibles à ce travail quotidien, en particulier dans un département tel que le mien, où beaucoup de PME et PMI sont implantées.

Je m'inquiète en revanche de la suppression par le précédent gouvernement de la Banque de France pour le Haut-Jura, située à Saint-Claude, pour la transférer au chef-lieu de département, à Lons-le-Saunier. Il est prévu, nous a-t-on dit, de réduire les effectifs de cette dernière et de transférer son activité fiduciaire à Besançon. Je vais demander au gouverneur de la Banque de France et au préfet ce qu'il en est. J'ai par ailleurs écrit au ministre de l'économie et des finances, M. Pierre Moscovici, qui m'a répondu que l'activité « surendettement » irait à Besançon, obligeant les employés de Lons-le-Saunier à s'y rendre quotidiennement, alors que cela pourrait être traité informatiquement à distance... Le ministre m'a précisé que « seulement » 177 personnes seraient concernées et je suis choqué par l'emploi de ce terme !

Dans nos territoires ruraux, les petits hôtels ont des difficultés car les saisons touristiques sont courtes et espacées : leurs dossiers sont-ils transmissibles à la médiation ?

Le Crédit Agricole communique sur une utilisation locale des dépôts de ses clients : qu'en est-il réellement ?

M. Roland Courteau. - Sur 37 000 entreprises ayant sollicité des crédits, 27 000 dossiers ont été traités, et 62 % avec succès ; quelles sont les motifs d'échec des 38 % de dossiers restants ? Quel est le délai entre la saisine de la médiation du crédit et le déblocage des crédits ? Quelles conditions sont exigées pour l'octroi des crédits ?

Je regrette, moi aussi, que les plus petites entreprises ne soient pas bien informées des possibilités de recours à la médiation.

M. Michel Teston. - Les dispositions prises par la Banque postale, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour aider les collectivités, permettent-elles de libérer les financements accordés par les organismes bancaires aux entreprises ? Etant donné que l'on facilite l'accès au crédit pour les collectivités, ces organismes devraient avoir plus de marge de manoeuvre pour financer les entreprises.

Mme Jeanne-Marie Prost. - Sur les 37 000 saisines dont nous sommes l'objet, toutes ne sont pas éligibles. 30 000 dossiers sont instruits, soit un taux d'éligibilité de 80 %. Sur ces 30 000 dossiers, 27 000 sont clos, avec un taux de succès de 62 %, ce qui représente 16 733 entreprises confortées dans leur activité. Les 38 % de dossiers restants sont donc en échec, pour des raisons extrêmement variables. Le plus souvent, les situations sont trop dégradées. En outre, dans des secteurs difficiles, les banquiers ne peuvent plus apporter des financements, sans quoi ils risqueraient de soutenir artificiellement une activité non rentable, ce qui poserait des problèmes au regard du droit de la concurrence.

S'agissant de la durée entre la saisine et l'octroi des crédits, nous avons toujours demandé aux médiateurs départementaux d'être attentifs. La médiation n'est close qu'une fois les crédits débloqués, le médiateur devant suivre de près leur mise à disposition.

Toutes les entreprises, y compris agricoles, peuvent saisir la médiation, sachant que le Crédit agricole accorde beaucoup de prêts-médiation dans ce secteur. Peuvent également y accéder les hôtels et la restauration, les cliniques privées, les secteurs des services, de l'industrie, du bâtiment et des travaux publics (BTP), du transport, du commerce...

La Banque de France fait effectivement l'objet d'une réorganisation territoriale, Pour ce qui est de la médiation, les dossiers continuent d'être traités au niveau du chef lieu de département.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Dans mon département, cela engendre des difficultés, entre Saint-Gaudens et Toulouse ...

M. Gérard Bailly. - ... de même qu'à Saint-Claude !

Mme Jeanne-Marie Prost. - Nous essayons, à la médiation, d'être aussi pratiques, flexibles et efficaces que possible. Certains dossiers peuvent être traités par téléphone, par exemple.

La BPI, nous la connaissons déjà, du fait de notre proximité - depuis notre création - avec Oseo. Il n'y a pas de télescopage de compétences à redouter : ils travaillent sur les garanties de financement, nous nous occupons de négociation et sommes dépourvus de fonds.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Allez-vous continuer à travailler avec la BPI ?

Mme Jeanne-Marie Prost. - Mon objectif est que les banques commerciales financent les TPE et PME. Elles doivent être les interlocuteurs de référence des entreprises. Il y a parfois des cas particuliers et des excès, et nous sommes là pour aider les entreprises et surveiller l'action des banques.

Il faut que le système bancaire finance l'économie réelle. Nous devons veiller à ce que les banquiers ne s'égarent pas dans des activités spéculatives. Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires paraît équilibré, permettant de conserver le dynamisme des organismes de crédit. De ce point de vue, notre système bancaire, pour avoir pu le comparer avec celui d'autres pays, est efficace et compétitif.

Je n'ai pas vu la publicité du Crédit agricole dont vous avez fait état. Les réseaux bancaires n'ont pas tous la même politique de gestion de liquidité. Pour ce qui est de cette banque, les caisses régionales ont une grande autonomie. En ce qui concerne la Banque postale, il y a un débat sous-jacent sur le montant du financement du logement et de l'immobilier, notamment avec la hausse du plafond du livret A. Certains réseaux cherchent à conserver suffisamment de ressources pour le financement de l'économie réelle. Mais je ne souhaite pas m'avancer plus loin dans ce débat ...

M. Daniel Raoul, président. - Une partie, non consommée, des crédits transférés à la CDC pour le logement, reste disponible. L'augmentation du plafond va accroître artificiellement ce flux. Les banques souhaiteraient en conserver une partie, en vue d'accorder des financements à leurs clients au quotidien, quitte à les rendre si les besoins en matière de logement l'exigent.

Mme Jeanne-Marie Prost. - Oui, c'est un vaste débat dans lequel je ne souhaite pas m'engager.

Nos interlocuteurs à la Banque de France que nous venons d'interroger viennent de me confirmer qu'il subsistera toujours un service de médiation et de surendettement dans chaque département.

En 2009, les banquiers ont très mal pris la médiation, celle-ci étant à l'origine assez dure. Puis ils se sont rendu compte qu'ils traitaient mal la clientèle des TPE et PME. Certains ont fait des efforts à cet égard, et créé leur propre dispositif de médiation. Cela a pu s'estomper en 2011 et 2012, et il pourrait être intéressant de relancer cette dynamique en 2013.

Les TPE et PME ne sont pas assez informés sur l'existence et le rôle de la médiation, j'en conviens. Mais c'est notre première mission, en 2013, que d'améliorer les choses de ce point de vue, en ciblant en priorité les plus petits patrons.

Mercredi 27 février 2013

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Création du groupe de travail sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques à l'outre-mer

Sur proposition de son président, la commission décide de la création d'un groupe de travail commun avec la délégation sénatoriale à l'outre-mer sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques à l'outre-mer. Les membres de ce groupe de travail seront désignés la semaine du 13 mars.

Présidence conjointe de M. Daniel Raoul, président et de M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire -

Audition de M. Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

M. Daniel Raoul, président. - Nous sommes très heureux de recevoir les présidents de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).

Le Sénat s'intéresse beaucoup aux questions de logement et il nous est donc apparu tout à fait naturel d'organiser cette matinée d'audition, notamment après celle de M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, qui avait été particulièrement intéressante.

Vos deux organisations se mobilisent depuis le début de l'année pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation du secteur du bâtiment. Cette audition vous permettra donc de nous faire part de vos difficultés, de vos inquiétudes mais aussi de vos revendications.

Le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux en matière de logement, tels que la production de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Des premières mesures ont d'ores et déjà été votées : je pense bien sûr à la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement adoptée à la fin de l'année 2012 ou au « dispositif Duflot » adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Nous attendons donc de vous que vous dressiez le bilan de ces premières mesures et que vous nous fassiez part de vos attentes alors que la ministre de l'égalité des territoires et du logement a lancé une concertation en vue du dépôt d'un grand projet de loi en juin prochain.

Enfin, dans la droite ligne de l'audition de M. Philippe Pelletier il faut évoquer l'objectif fixé par le Président de la République de rénovation thermique de 500 000 logements par an d'ici 2016. Le Président de la République devrait d'ailleurs annoncer d'ici à deux semaines un « plan d'urgence » pour le logement et la rénovation thermique.

J'ai confié à notre collègue Claude Bérit-Débat, vice-président de la commission des affaires économiques et rapporteur du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public, la tâche d'organiser cette audition. Elle se déroulera en trois séquences : d'abord la situation économique du secteur du bâtiment ; ensuite les moyens à mobiliser pour produire 500 000 logements par an ; enfin, ceux à mobiliser pour la rénovation thermique de 500 000 logements par an. Chacune de ces séquences sera introduite par un propos liminaire de nos deux invités.

M. Patrick Liébus, président de la CAPEB. - La CAPEB représente 380 000 entreprises de moins de 20 salariés réalisant, au total, 79 milliards d'euros de chiffre d'affaires et recrutant quelque 80 000 apprentis. Toutes ces entreprises, même quand elles dépassent le seuil de dix salariés et qu'elles font du commerce, relèvent de l'artisanat, parce qu'elles en ont fait le choix. Or, elles traversent des conditions très difficiles, qui s'aggravent : l'activité est en recul, de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2012, ce qui devrait entraîner la suppression de 16 000 à 20 000 emplois sur l'année. Concrètement, l'artisanat a perdu 800 emplois chaque mois dans la construction, dans le plus grand silence puisque les entreprises artisanales ne sont pas celles qui sont sur le devant de la scène. Leur trésorerie est exsangue : pour un quart des entreprises, la trésorerie n'aurait jamais atteint un point aussi bas, selon une enquête récente. Les causes en sont connues : le recul de l'activité, la hausse du coût des matériaux, l'augmentation des salaires et surtout celle des charges. En 2009, le carnet de commande allait en moyenne de huit à douze mois, il ne va pas aujourd'hui au-delà de deux à trois mois, et trop souvent même à la semaine, voire au jour le jour : dans ces conditions, la trésorerie ne peut pas tenir. D'autres causes sont également bien identifiées : le passage de la TVA de 5,5 % à 7 % a fait mal, car les artisans ont souvent dû faire un geste commercial envers leur client pour les devis effectués avant la hausse ; le crédit d'impôt développement durable (CIDD) a baissé de 10 % en 2011 puis de 15 % en 2012, le prêt à taux zéro (PTZ) a été recentré sur les logements neufs, et le plafond de ressources abaissé de 45 000 à 30 000 euros pour l'écoprêt à taux zéro : ces mesures ont restreint l'activité, c'est très visible sur la réhabilitation. L'année 2013 s'annonce tout aussi difficile, avec la perspective d'un recul de l'activité de 3 %, ce qui représenterait la perte de 40 000 emplois dans la construction, dont 20 000 dans l'artisanat.

Ces chiffres sont alarmants, je pourrais vous en communiquer bien d'autres.

M. Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). -Merci d'avoir organisé cette table-ronde qui est extrêmement importante pour nous. La construction connaît en effet une période très compliquée.

La FFB couvre l'ensemble des entreprises du bâtiment. Nous comptons 57 000 adhérents. Le premier d'entre eux en volume est l'entreprise VINCI, troisième constructeur mondial. Nous comptons également 43 000 artisans parmi nos adhérents. Nos adhérents couvrent les deux tiers du chiffre d'affaires du secteur du bâtiment, qui est de 129 milliards d'euros hors taxes en 2011. Le secteur compte également 1,2 million de salariés et représente entre 6 et 7 % du produit intérieur brut (PIB) de notre pays. Il s'agit donc d'une activité très importante qui a toujours su, dans les périodes de croissance, multiplier les emplois.

Les entreprises du bâtiment sont en général peu capitalisées. Elles sont souvent pauvres en fonds propres et donc très fragiles en cas de « vents forts ». Cette insuffisance en fonds propres est due à une insuffisance de rentabilité : la marge nette moyenne est de 1 %, contre 3 % il y a quelques années.

L'année 2012 a été difficile en termes d'activité, après une année 2011 marquée par un certain rebond. Après une année 2007 remarquable en termes d'activité, avec la mise en chantier de 467 000 logements neufs, 2008 a marqué le début de la décroissance. Sur l'ensemble de la période, la production a chuté de 17 % et près de 50 000 emplois ont été perdus.

En ce qui concerne les secteurs, l'activité de réhabilitation-rénovation-entretien constitue un pilier très fort, avec plus de 55 % du chiffre d'affaires. Cette activité s'est beaucoup développée au cours des quinze dernières années. La construction neuve représente 29 % de l'activité et l'activité de construction non résidentielle (bâtiments administratifs, locaux commerciaux) 14 %.

Les perspectives pour 2013 sont sombres. C'est pour cette raison que nos organisations se sont mobilisées en début d'année. Ces perspectives sont d'autant plus sombres que le secteur est un « gros bateau » caractérisé par une relative inertie : même si de bonnes orientations sont prises, il faut attendre un long moment avant d'en percevoir les effets. Nous estimons déjà que le début de l'année 2014 sera marqué par une mauvaise tendance en termes d'activité. Pour 2013, nos perspectives sont de -3,5 % en termes d'activité et de - 40 000 emplois. Chaque mois, 3 500 personnes vont quitter les effectifs du bâtiment.

Nous avons le sentiment que, depuis maintenant 18 mois, le secteur de l'immobilier est dans le collimateur. Il y a une liste impressionnante de décisions qui ont été prises à l'encontre de notre secteur, comme la taxation des plus-values immobilières, la fin du PTZ dans l'ancien... Le secteur n'a plus les faveurs des pouvoirs publics : c'est le ressenti de nos adhérents.

La loi de modernisation de l'économie (LME) a été extrêmement mal acceptée et dévastatrice pour nos entreprises. Dès le départ, nous étions persuadés que cette loi aurait un impact négatif en matière de délais de paiement. Nous avons été entendus partiellement par la mise en place d'accords dérogatoires. Nous constatons cependant que nos délais fournisseurs se sont considérablement contractés alors que nos clients paient plus lentement qu'avant. Vous imaginez l'impact sur les trésoreries des entreprises. L'activité construction ne peut donc se passer d'un soutien bancaire, alors même que les banques freinent leurs concours.

Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) est une perspective satisfaisante pour nos entreprises. Le dispositif n'est cependant pas bien compris pour l'instant par les chefs d'entreprises : un travail de pédagogie s'impose.

Quand le régime des auto-entrepreneurs est entré en vigueur au 1er janvier 2009, nous avons été en première ligne pour le dénoncer. En tant qu'entrepreneurs, nous promouvons la libre entreprise. Ce régime est cependant appliqué dans le bâtiment, un secteur réglementé avec une concurrence très forte. Nous demandons la sortie du bâtiment du régime de l'auto-entrepreneur. Nous espérons avoir gain de cause. La concurrence étrangère constitue par ailleurs un point très important : toutes les régions sont concernées par une « invasion » d'entreprises venant travailler en sous-traitance ou répondre à des appels d'offre de promoteurs ou de collectivités publiques. Les tarifs pratiqués défient toute concurrence. Cette concurrence se pratique grâce à la directive sur le détachement qui est systématiquement détournée. Nous lançons un cri d'alarme et avons des propositions pour contrer cette concurrence étrangère. Si nous n'y prenons pas garde, l'entreprise du bâtiment comprendra demain un encadrement français et un outil de production qui viendra de l'étranger.

M. Patrick Liébus. - Les entreprises ont actuellement besoin de 5 000 à 15 000 euros de trésorerie. Les banques ne suivent pas, se contentant de regarder les résultats obtenus l'année précédente sans prendre en compte les carnets de commande.

En matière de marchés publics, il faut revenir à une application stricte du code des marchés publics et au « mieux disant ». Certaines entreprises travaillent en dessous du marché grâce à la sous-traitance, parfois en cascade. Il faut davantage de transparence, de l'allotissement, des circuits courts... Il faut également travailler sur les groupements, avec un cadre législatif permettant de les sécuriser.

Le CICE est particulièrement complexe pour les entreprises artisanales. 200 000 entreprises de l'artisanat en sont exclues, alors qu'elles vont subir l'augmentation de la TVA.

La CAPEB est mobilisée depuis le début contre le régime de l'auto-entrepreneur. 57 % des auto-entrepreneurs ne déclarent pas de chiffre d'affaires. Ils vivent grâce à du travail dissimulé couvert par le statut d'auto-entrepreneur. Comment vivre avec une activité qui rapporte 4 300 euros par an ? On parle d'augmentation de TVA, or il n'y a pas de TVA pour les auto-entrepreneurs ! Il s'agit de concurrence déloyale dans un secteur extrêmement réglementé.

Les entreprises low cost répondent aux marchés publics en sous-traitance. Elles sont payées toutes taxes par le donneur d'ordre mais ne reversent pas la TVA à l'État français. Il n'est donc pas étonnant qu'elles puissent faire des marges importantes. Il faut appliquer la loi française : si on leur appliquait réellement la TVA, elles n'auraient aucun intérêt à venir répondre aux marchés publics français.

M. Claude Bérit-Débat. - Nous sommes sur la première thématique de cette matinée. Nous passerons ensuite aux problématiques de la construction de logements et de la rénovation, deux axes d'une politique qui est en train d'être mise en oeuvre.

Les deux Présidents ont mis en perspective les problèmes rencontrés par le bâtiment depuis plusieurs années : ils mettent en cause la LME, le statut de l'auto-entrepreneur ; ils s'interrogent sur le CICE, sur l'augmentation de la TVA qui est passée de 5,5 % à 7 % et sur l'augmentation à venir. Je souhaite indiquer que, unanimement, notre commission des affaires économiques milite pour que la TVA soit fixée à 5 % pour le logement social. J'espère que nous y parviendrons.

Mme Élisabeth Lamure. - Merci aux deux présidents pour leur exposé très réaliste de la situation du secteur du bâtiment. Je souhaiterais apporter des réponses s'agissant de la LME.

Sur les délais de paiement, nous vous avions auditionné, Monsieur le Président de la FFB, à l'occasion des débats parlementaires. Vous nous aviez indiqué que les délais de paiement dans le bâtiment étaient alors de 107 jours. Ils atteignent aujourd'hui 45 jours. Tout le monde a donc profité de la loi. Vous déplorez les délais non respectés par vos clients. La LME avait prévu cela en confiant une mission spécifique aux commissaires aux comptes, chargés de dénoncer le non respect des délais.

Pour ce qui concerne l'auto-entrepreneuriat, cette mesure visait à encourager la création d'entreprises - l'objectif semble atteint -, mais aussi à réduire le travail dissimulé et à répondre à un segment de marché auxquelles les entreprises classiques ne peuvent pas toujours répondre, comme les petits travaux pour les particuliers. Je suis plutôt favorable à ce qu'on réfléchisse à limiter dans le temps le bénéfice de ce régime, pour permettre à ceux qui ont réussi de rentrer dans le droit commun. Ceux qui ne font pas de chiffre d'affaires n'ont rien à faire dans ce dispositif.

M. Michel Teston. - Vous avez évoqué à juste titre la question préoccupante de l'emploi de main d'oeuvre étrangère. Certaines entreprises proposent des devis de 30 à 40 % inférieurs à ceux d'autres entreprises pour les chantiers publics. Je souhaite rappeler que les salariés détachés par des entreprises étrangères sous-traitantes intervenant en France doivent être déclarés à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et doivent être payés au même tarif que les salariés français.

J'ai entendu vos propos. Pour autant, nous avons l'impression que ni la FFB ni la CAPEB n'ont une influence sur leurs propres ressortissants. Quels moyens entendez-vous utiliser pour contribuer à appliquer la législation ? Cette question relève des pouvoirs publics mais également de la profession.

M. Jean-Claude Lenoir. - Le travail en alternance est soumis à une réglementation qui pose beaucoup de difficultés aux employeurs. S'agissant par ailleurs de la réglementation thermique, beaucoup de clients ne savent pas si l'employeur est suffisamment compétent : seriez-vous favorables à ce que leurs compétences soient validées par un diplôme ou un label ?

M. Roland Courteau. - Alors que les délais de paiement font des ravages dans la trésorerie et que nous avions mis en garde contre les inconvénients du régime de l'auto-entrepreneur, je voudrais souligner que le Gouvernement élabore des pistes concernant aussi bien la trésorerie des entreprises que la rénovation thermique. S'agissant des marchés publics, les critères sociaux et environnementaux ne devraient-ils pas être mieux appliqués ? Les contrôles constituent par ailleurs une absolue nécessité pour la main d'oeuvre étrangère. Un commissaire européen, que j'ai saisi l'an dernier, m'a dit qu'un projet de directive serait présenté prochainement pour limiter les sociétés de type « boîte à lettres ».

M. Daniel Dubois. - Vous avez annoncé une baisse d'activité importante pour le premier trimestre 2014. Avez-vous des estimations sur les risques de fermeture d'entreprises ?

M. Martial Bourquin. - L'Observatoire des délais de paiement corrobore vos constats sur l'allongement de ces délais. Certaines entreprises gèrent de la trésorerie au détriment des PME.

Mme Laurence Rossignol. - ...et des collectivités.

M. Martial Bourquin. - Les banques sont réticentes à prêter. Dans le cadre de la mission que je mène sur ces questions, je proposerai un durcissement de la traque aux mauvais payeurs. S'agissant du risque de délocalisation, la règle du mieux-disant doit être respectée dans les appels d'offres. Je signale que des groupements de petites entreprises peuvent d'ailleurs faire le poids face à des entreprises plus grandes. Enfin, il faut un grand plan de relance et l'abaissement à 5 % de la TVA est une bonne piste.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Vous dites ne pas croire au CICE. Vous avez pourtant dû être consultés lors de l'élaboration de cette politique. S'agissant de la main d'oeuvre étrangère à bon marché, il est nécessaire de procéder à des contrôles et de lutter contre la concurrence déloyale.

Mme Renée Nicoux. - Le recours à la sous-traitance est aussi pratiqué par certains de vos adhérents et les collectivités territoriales, lorsqu'elles font appel à une entreprise, n'ont pas toujours les éléments nécessaires pour décider en toute connaissance de cause. Je constate de plus que l'apprentissage est en perte de vitesse.

M. Alain Fouché. - Des Africains qui se retrouvent à Paris sans papiers, notons-le, pratiquent un travail non déclaré et sont bien plus mal traités que le personnel français. Quant à la question de la rénovation énergétique, c'est un effort nécessaire pour lutter contre la misère de ceux qui ne peuvent plus payer leurs factures.

M. Daniel Raoul, président. - Je propose aux deux intervenants qu'ils ne répondent aux questions que dans le cadre des deux séquences suivantes. Je signale par ailleurs qu'on devrait adapter au nouveau contexte économique la LME, adoptée dans d'autres circonstances.

M. Claude Bérit-Débat. - La plupart des questions portent en effet sur les thématiques que nous allons aborder maintenant : l'objectif de construction de 500 000 logements par an, au sujet duquel vous allez intervenir à présent, et la rénovation thermique qui constituera ensuite le troisième thème de cette table ronde.

M. Didier Ridoret. - Comment construire 500 000 logements par an ? Nous nous félicitons d'abord de cet objectif. Pour mémoire, seulement 395 000 logements ont été construits annuellement au cours de la dernière décennie ; l'objectif de 500 000 n'a peut-être pas été atteint depuis les années qui ont suivi la dernière guerre.

Mais où construire ces logements ? Il faut mettre l'accent sur des zones telles que l'Île-de-France et les grandes métropoles, où les besoins sont les plus importants mais où il est également le plus difficile de construire. La FFB estime qu'on pourrait atteindre en 2013 315 000 logements.

Cet objectif de 500 000 logements se répartit entre 150 000 logements sociaux, 70 000 logements locatifs privés et 280 000 logements en accession.

La question des moyens est essentielle pour les logements sociaux. Il faut baisser la TVA, mais aussi soutenir les grands acteurs tels qu'Action Logement, dont le modèle économique est menacé. Enfin, les subventions demeurent indispensables.

S'agissant du parc locatif privé, le dispositif « Sellier » a été remplacé par le dispositif « Duflot ». Celui-ci permettra la construction d'environ 40 000 logements, mais son zonage devrait être revu afin de ne pas en exclure les projets situés en zone de moyenne tension locative, dite zone B2. Enfin la volonté des investisseurs institutionnels de revenir vers le logement est à encourager. Toutefois, le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros constitue un frein considérable.

Le sujet le plus important est celui des logements en accession. Le dispositif du PTZ n'est pas assez puissant aujourd'hui pour permettre aux primo-accédants d'accéder à la propriété : il faut en élargir l'accès.

Enfin, le foncier ne manque pas en France, mais il est nécessaire d'inverser la règle fiscale actuelle, qui réduit la fiscalité pour ceux qui détiennent leur bien depuis longtemps : il faudrait au contraire pénaliser ceux qui le conservent sur une longue période afin de favoriser les transactions.

M. Patrick Liébus. - Je ne reviendrai pas sur les chiffres évoqués par Didier Ridoret.

Comment atteindre l'objectif de production de 500 000 logements fixé par le Président de la République ? Le secteur manque aujourd'hui de visibilité. Le « dispositif Duflot » n'aura un réel impact qu'à partir de 2014. Comme pour le Pacte pour l'artisanat, il faut des moyens.

Le Livret A et le livret Développement durable concentrent des sommes importantes qui pourraient être réinjectées rapidement. Le relèvement de 20 à 25 % du taux obligatoire de logements sociaux prévu par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains est une mesure importante. La cession des terrains publics disponibles de l'État et des établissements publics est également attendue : les négociations doivent être engagées rapidement pour que ces terrains puissent être libérés au plus vite.

S'agissant de la TVA, l'éventuelle diminution du taux ne doit pas concerner uniquement la rénovation ou le logement social. Je rappelle que quand le Gouvernement a abaissé le taux de 19,6 à 5,5 %, près de 40 000 emplois ont été créés. Je pense que, dans le contexte difficile actuel, des messages forts doivent être envoyés. La baisse de la TVA aurait un impact très fort sur la création d'emplois. Je répète par ailleurs que la TVA doit être payée par tous ceux qui doivent la payer.

Un travail est à faire sur le PTZ : il doit être piloté par les collectivités locales et ainsi ajusté par rapport aux besoins locaux.

En matière de logement, il faut agir à l'échelle intercommunale. Il faut également agir sur la fiscalité pour favoriser la libération du foncier. Si le coût du bâtiment augmente, c'est aussi parce que le coût du foncier est très élevé. Il faut engager une réflexion sur la densification et faciliter la construction citoyenne.

M. Didier Ridoret. - Je voudrais répondre sur plusieurs points.

Sur les délais de paiement, le bâtiment est très spécifique. Il y a une co-activité très forte ; on intervient sur une oeuvre unique, dans un délai imparti et à des prix convenus. Cela demande de vérifier la facturation ou les prix réalisés. Aujourd'hui le temps de vérification des facturations n'est pas inclus dans les délais de paiement, et nous demandons à ce qu'ils soient inclus. Les délais de paiement clients n'ont en effet pas bougé : on est toujours à près d'une centaine de jours. Je ne mets pas en doute la vertu de la LME pour d'autres secteurs : elle n'est cependant pas adaptée au bâtiment, en raison de ces « délais cachés ».

J'ai compris les critiques qui m'ont été adressées pour ce qui concerne la concurrence étrangère. La FFB a porté ce problème sur la place publique. Il ne lui appartient pas de faire la police au sein de ses adhérents.

S'agissant de la construction des logements, les recours sont un des facteurs de la difficulté à construire. La volonté politique existe de prendre ce sujet à bras le corps. Il faut débattre et trouver des solutions.

M. Patrick Liébus. - Concernant les entreprises low cost, il faut pouvoir vérifier et contrôler. Il est faux de prétendre que les salariés concernés sont payés autant que les salariés français : j'ai eu connaissance de cas où des salariés vivaient dans des caves. Comment peut-on accepter que Zola revienne dans notre pays au 21ème siècle ?

Certaines entreprises utilisent les auto-entrepreneurs pour les faire travailler chez eux. Des actions de répression sont indispensables dans ce domaine.

Les artisans sont aujourd'hui les banquiers des particuliers : il est en effet toujours plus facile de faire attendre son artisan que son banquier. Il arrive par ailleurs que des marchés publics soient passés mais les artisans non payés. C'est notre rôle de dénoncer ces situations.

Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle, m'a reproché que nous ne formions plus. C'est une réalité : mais pourquoi prendre un apprenti si c'est pour le licencier peu après ?

M. Claude Bérit-Débat. - S'agissant des marchés publics, il est possible de résoudre en partie le problème de la concurrence par une clause d'insertion sociale. Ce type de clause est utilisé par certaines communes et intercommunalités.

Vous avez évoqué la question de la TVA. Comme je vous l'indiquais, nous sommes unanimes pour défendre le taux de 5 % applicable au logement social. Nous allons relayer votre position. Vous avez rappelé par ailleurs la problématique de la libération du foncier. En tant que rapporteur de la loi sur la mobilisation du foncier, je vous avais rencontrés, ainsi que l'ensemble des acteurs du logement : il existe un consensus pour inverser la logique de la taxation des plus-values immobilières. Vous avez plaidé, Monsieur Liébus, pour des mesures à l'échelle de l'intercommunalité. Certaines existent déjà (PLH, PLU, SCOT...).

Une question enfin : les investisseurs institutionnels, les « zinzins », ont disparu du secteur du logement depuis vingt ans. On souhaite aujourd'hui les y faire revenir : avez-vous des idées pour les mobiliser ?

M. Daniel Raoul, président. - En matière de libération du foncier, la fiscalité inversée est une voie. Les pays nordiques ont adopté une autre solution : ils ont mis en place une taxation qui permet de taxer davantage le terrain quand il prend de la valeur, du fait de mesures prises par les pouvoirs publics.

M. Alain Fouché. - Les mesures annoncées par Mme Cécile Duflot sont intéressantes, mais il faudrait cesser de réserver tous les moyens aux seuls territoires urbains. Dans la ruralité aussi, il y a des logements sociaux insalubres, mais les opérateurs n'accèdent pas aux subventions pour faire les travaux nécessaires. Ensuite, quelle est la tendance en matière de partenariats public-privé ?

M. Charles Revet. - La TVA à 5,5 % a été utile, je m'en réjouis d'autant que je me suis battu à l'époque pour l'abaisser à ce niveau. Je souhaiterais connaître la part de la commande publique des collectivités locales dans l'ensemble du secteur de la construction : avez-vous une estimation à nous communiquer ? Enfin, ce que nous voyons sur le terrain, c'est que la demande et l'offre de logement ne coïncident pas bien, en témoigne les logements vides, y compris en centre bourg. Cependant, les documents d'urbanisme, les règlementations freinent les constructions, nous obligeant finalement à construire là où il y a déjà du logement, au lieu, dans certains cas, de rénover ce qui pourrait l'être dans d'autres secteurs : quelle est votre position sur ces questions ?

Mme Valérie Létard. - Cette table-ronde est l'occasion d'un échange très concret et très utile. Le zonage doit être revisité, je le dis d'autant plus aisément que j'ai eu des responsabilités dans des gouvernements qui l'ont soutenu. Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est le rendre plus efficace, mieux relié à la demande de logement elle-même.

Je crois, ensuite, qu'il nous faut « mettre le paquet » sur la rénovation thermique et l'amélioration de l'habitat, en mobilisant les crédits qui sont disponibles aussi à l'échelon européen : le Fonds européen de développement régional (Feder) prend désormais en compte cet objectif, nous devons nous en saisir le plus efficacement possible !

M. Jean-Jacques Filleul. - Dans ma ville, qui compte 12 000 habitants, on construit beaucoup, la commune donne toujours la priorité à la qualité, pas seulement au prix, et je ne retrouve pas, dans ce que me disent les artisans du bâtiment, les propos que j'entends aujourd'hui de la part du président de la CAPEB. Cependant, comme vous, je suis contre l'auto-entreprenariat, je suis même favorable à ce que nous revenions sur cette réforme chère à M. Hervé Novelli et, comme vous, je suis convaincu qu'il faut améliorer certains des outils actuels, en particulier le PTZ.

M. Daniel Dubois. - Le logement n'est pas un bien comme un autre, il répond à un choix de vie, à une projection dans le temps qui implique une relation de confiance : c'est bien le problème aujourd'hui, celui de la confiance dans l'avenir. Or, nos règles aggravent la situation, en particulier les ruptures fiscales, les changements de cap qui entraînent encore plus de méfiance de la part de nos concitoyens. Je le dis sans arrières pensées politiques puisque c'est bien l'ancienne majorité qui a changé les règles sur la fiscalité des plus values immobilières à 30 ans, mettant à mal des investissements indispensables.

Ce dont nous avons besoin, c'est donc d'un choc de confiance, en direction des investisseurs : nous devons être rapides, lisibles et efficaces, ou bien rien de ne produira. Et la TVA fait évidemment partie de ce « package » global, de même que les mesures pour inverser la logique de la taxation des plus-values dans le temps.

Nous avons également besoin d'un programme d'envergure sur la rénovation thermique : ici encore, des annonces sont faites, mais côté réalisation, c'est peanuts !

Autre chose que je ne peux passer sous silence : l'accession à la propriété n'est pas du tout prise en compte dans les mesures annoncées, alors que sans elle, parce qu'elle représente 300 000 logements par an, nous n'atteindrons jamais l'objectif de 500 000 logements neufs annuels, c'est tout simplement mécanique.

Enfin, nous devons encore évoquer la réglementation, et la mauvaise volonté que l'État met dès qu'il s'agit de construire à la campagne. Dans ma commune, qui est sous le seuil des documents d'urbanisme, un artisan maçon que je connais vivait très bien en construisant quelques maisons dans le secteur, c'était la base de son activité, mais maintenant que l'État refuse quasiment toute construction nouvelle à la campagne, il ne peut plus vivre !

M. Bruno Sido. - La situation économique de l'artisanat ne saurait être florissante quand toute l'économie du pays se porte mal. J'ai été saisi de nombreuses fois par les adhérents de la CAPEB, je leur ai répondu à tous, individuellement. Je note que vous n'avez pas évoqué dans votre propos les commandes des collectivités locales, alors qu'elles sont importantes et que nous sommes de bons payeurs. Je déplore aussi que les artisans soient devenus trop souvent procéduriers, n'hésitant pas à poursuivre la collectivité devant les tribunaux pour des marchés non remportés...

M. Daniel Raoul, président. - Il s'agit surtout de démarches précontentieuses...

M. Bruno Sido. - C'est exact, mais cela n'empêche : les artisans sont devenus moins bons joueurs... Je ne suis pas connu pour être un fervent partisan du Gouvernement actuel, mais je crois que lorsque le pays traverse une crise comme celle que nous connaissons, une certaine unité nationale s'impose pour sortir le pays de l'ornière ! Or, vous demandez une baisse de la TVA, sans considérer les besoins de l'État face à la crise. Vous dites que les 500 000 logements neufs seront difficiles à atteindre, mais que proposez-vous, quels conseils donneriez-vous au Gouvernement pour atteindre ses objectifs tout en respectant les impératifs budgétaires de l'État ?

M. Patrick Liebus. - Les artisans vont très rarement en justice contre les collectivités locales, les démarches en restent effectivement au stade précontentieux. Vous me parlez des besoins de l'État face à la crise, mais c'est aussi mon propos. Comme trésorier de l'Unedic, je sais très bien comment les choses se passent : nous en sommes à rechercher 18,6 milliards d'euros pour financer le chômage, nous démarchons les banques européennes, en sachant très bien que nous n'avons pas d'autre choix que de trouver cet argent, parce que vous savez comme moi que si les chômeurs n'étaient plus indemnisés, ce serait l'insurrection. Or, si nous pouvions ne pas détruire des emplois dans un secteur aussi dynamique que le bâtiment, nous éviterions à l'Unedic de devoir indemniser ! Nous demandons une baisse de la TVA, ce serait moins d'argent dans les caisses de l'État, mais le gain serait certain ailleurs, via les moindres indemnités chômage : nous ne demandons pas à être protégés, nous demandons à pouvoir créer des emplois, parce que nous croyons en l'avenir de notre pays. Investissez dans nos professions, vous serez récompensés au centuple et c'est comme ça, par l'activité et l'emploi, que notre pays s'en sortira !

M. Didier Ridoret. - La confiance ne se décrète pas : nos concitoyens s'inquiètent pour l'avenir et s'interrogent sur leur capacité à investir, c'est un fait. En revanche, notre règlementation change trop souvent, instaurant un cadre instable pour les investissements de long terme, c'est un désavantage par rapport à l'Allemagne par exemple, où les règles principales n'ont pas changé depuis au moins trente ans.

De même, les normes et la réglementation en sont venues à freiner la construction, par leur complexité, par les coûts qu'elles induisent, et nous faisons face à des demandes toujours nouvelles, pour renforcer encore les règles, alors même que les coûts de construction représentent déjà la moitié du coût global du logement. En ceci aussi, nous avons besoin d'un cadre de travail plus stable et pérenne.

Les investisseurs institutionnels sont-ils prêts à prendre plus de place dans la construction ? Oui, mais à la condition de leur apporter une rentabilité d'au moins 3%, ce qui suppose bien davantage de moyens sur les leviers dont nous disposons : les mesures adoptées ou annoncées vont dans le bon sens, mais elles exigent plus de moyens pour avoir un véritable effet d'entrainement.

Les PPP ont fait le buzz, mais ils ne représentent en fait qu'une infime partie de l'activité. Aujourd'hui, la tendance est plutôt au retrait, après quelques affaires retentissantes.

Les collectivités locales jouent un rôle très important : elles représentent le quart de l'activité de nos adhérents. Nous nous inquiétons de voir les moyens des collectivités locales s'amenuiser : un moteur de notre activité en serait ralenti.

Nous regrettons que les problèmes soient abordés sous le seul angle budgétaire. Cela se conçoit quand l'argent se fait rare, mais notre point de vue d'entrepreneur nous pousse à considérer un ensemble bien plus large de facteurs, de conséquences, et à nous engager davantage pour l'avenir. Lorsqu'en août 2011 le Gouvernement de M. François Fillon a modifié la taxation des plus values immobilières, son objectif était uniquement budgétaire. Mais les effets de la mesure sont allés très loin, puisqu'elle rapporte finalement moins que prévu dans le temps et qu'elle a freiné l'activité, avec des conséquences graves pour l'emploi. Nous entrepreneurs raisonnons en investisseurs : nous savons qu'un logement représente 1,8 à 2 emplois, que l'effet sur l'activité est direct, tangible : tout ceci invite à aller bien plus loin que le seul raisonnement budgétaire.

M. Claude Bérit-Débat. - Nous passons à la troisième séquence : comment atteindre l'objectif de rénovation thermique de 500 000 logements par an ? Le Président de la République a fixé l'objectif et annoncera très prochainement des mesures en ce sens. Quelles sont vos suggestions ?

M. Patrick Liebus. - Je salue le remarquable travail de Philippe Pelletier, qui a su être à l'écoute des professionnels et définir avec eux les meilleures solutions techniques. Les financements innovants, d'abord, sont utiles, mais on ne peut espérer qu'ils règlent tous les problèmes, puisqu'ils ne sont pas adaptés à un grand nombre de situations. On évoque ensuite le tiers financeur, mais son intervention ne sera pas gratuite : elle représenterait 8% du chiffre, ce qui ne serait pas sans conséquence sur les travaux. C'est pourquoi je crois essentiel de privilégier le mix énergétique, de cibler toutes les énergies utilisées et de ne pas s'en tenir au contrat de performance énergétique, qui est utile mais qui n'est pas très adapté à l'habitat diffus.

Je veux également souligner l'indispensable maintenance des équipements nouveaux que nous installons aujourd'hui : la maintenance est essentielle pour leur performance dans le temps, mais aussi pour leur sécurité et leur salubrité. Pourquoi pas, comme pour l'automobile, prévoir un contrat d'entretien qui lierait la garantie ?

La CAPEB s'est fortement impliquée dans le programme « Habiter mieux », nous avons une connaissance fine des situations dans leur diversité. Les mesures vont dans le bon sens, mais les moyens ne suivent pas, il faut amplifier le programme si l'on veut lutter véritablement contre la précarité énergétique. Le crédit d'impôt développement durable (CIDD) et l'écoprêt à taux zéro viseraient 120 000 logements, mais il faudrait passer à 280 000 pour être efficace. De même, l'abaissement du plafond à 30 000 euros, au lieu de 45 000 euros, a vidé l'incitation de sa portée : en dessous de 30 000 euros annuels, un ménage a bien d'autres choses à financer que des travaux d'amélioration énergétique, nous en sommes là. Le PTZ+ devrait également être mobilisé, pour que des primo-accédants engagent des travaux d'amélioration énergétique en même temps qu'ils deviennent propriétaires.

Nous avons sauvé le programme Formation aux économies d'énergie dans le bâtiment (FEE-Bât), que les énergéticiens voulaient cesser de financer : ces formations aident les artisans à s'adapter au marché très évolutif des équipements du bâtiment, il faut maintenir ce programme menacé l'an prochain, j'insiste auprès de la représentation nationale car c'est un message fort de notre organisation.

Nous déplorons également que les certificats d'économie d'énergie soient détournés de leur fonction première, la caricature étant leur usage pour la vente en hypermarchés de téléviseurs importés d'Asie : est-ce vraiment le modèle d'économie d'énergie que nous voulons aider ? Ne vaudrait-il pas mieux encourager les travaux d'économies d'énergie dans le bâtiment ? Réfléchissons un peu plus à l'utilisation des outils...

M. Didier Ridoret. - L'offre et la demande se forment, mais de manière encore latente et il manque l'étincelle qui les feront se rencontrer et s'entraîner : nous attendons cette étincelle, elle est d'autant plus nécessaire que le marché de la rénovation thermique est plus étroit que celui de la construction neuve.

Le Gouvernement doit donc se positionner et envoyer un signal fort, mobiliser des outils puissants. L'éco-PTZ a montré ses limites, il faut confier son éligibilité aux entreprises et aux artisans, ils sont bien mieux placés que les banques qui reconnaissent elles-mêmes leurs difficultés à instruire les dossiers très techniques du bâtiment. Il faut également allonger la durée de ce prêt, le rendre sécable, et en réserver éventuellement une partie à la rénovation énergétique d'un bien lors de son achat, car les dépenses peuvent être très importantes, mais sont plus efficaces.

Nous avons également besoin de règles stables et claires, au service d'objectifs définis à moyen terme et assortis de ressources pérennes. En fait, tout le monde est prêt, les besoins ont été évalués aussi bien que les outils et nous ne gagnerions plus grand-chose à pousser plus avant les études : ce dont nous avons besoin, c'est de passer à l'action, avec des leviers suffisamment fort et l'impulsion doit venir du Gouvernement !

Mme Bernadette Bourzai. - Des réglementations très techniques ont été adoptées - la RT 2005, puis la RT 2012 et maintenant la RT 2020 -, elles exigent des formations poussées qui ne sont pas accessibles à tous les professionnels. Un problème paraît également se poser sur la formation professionnelle des maîtres d'oeuvre : est-ce le cas ? Vous évoquez les questions d'apprentissage et de recrutement : le contrat de génération ne peut-il pas vous aider ?

Je signale une expérimentation très intéressante de l'université du Limousin, qui a monté une formation dédiée à la construction de maisons à énergie positive, ce type d'initiative est très utile dans les territoires, pour diffuser des techniques économes d'énergie.

Cependant, comme vous le dites, nous avons besoin d'un grand programme pour lancer la rénovation thermique, ou bien elle ne décollera pas.

M. Daniel Dubois. - Le programme « Habiter mieux » touche tous les secteurs du bâtiment, il est très ambitieux mais côté moyens, c'est très insuffisant ! Nous savons tous que les plafonds d'éligibilité sont trop bas, que les conditions techniques sont trop sévères, et que tous ces critères sont calibrés en fonction des moyens que l'Etat peut ou veut mettre sur ce programme. Nous sommes tous d'accord sur le constat, et nous connaissons les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux que nous pouvons en espérer : ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de décisions !

M. Claude Bérit-Débat. - Les décisions devraient intervenir dans les deux prochaines semaines, le Président de la République l'a confirmé.

Philippe Pelletier nous avait annoncé l'arrêt probable du programme FEE-Bât, je note avec satisfaction qu'il n'en n'est rien : c'est une bonne nouvelle.

Je signale que les programmes dont nous parlons visent la précarité énergétique et qu'ils n'enlèvent rien aux autres mesures pour l'amélioration énergétique des logements, en particulier celles des collectivités locales dans le cadre des programmes locaux de l'habitat.

M. Patrick Liebus. - Nous nous sommes battus pour le programme FEE-Bât et nous avons obtenu son maintien de haute lutte : nous devons être vigilants pour la suite. Les maîtres d'oeuvre, ensuite, ont accès aux formations, ce n'est pas une difficulté. Je salue également l'initiative de formation avec l'université du Limousin : un adhérent de la CAPEB en est à l'origine.

Plusieurs d'entre vous nous demandent des propositions de financement, nous en avons une à vous faire dès aujourd'hui : l'instauration d'un prêt pour travaux de performance énergétique, vers lesquels seraient fléchées une partie des ressources des livrets d'épargne. Il faudrait imposer aux banques les mêmes conditions de délivrance, le même nom, les mêmes taux, et un plafond autour de 8 000 à 10 000 euros : ce nouveau prêt identique dans toutes les banques, visible pour le consommateur, aidera concrètement les ménages à sortir de la précarité énergétique.

M. Claude Bérit-Débat. - Merci pour toutes ces informations et ces propositions, nous les relaierons dans les meilleurs délais.