Mercredi 14 mai 2014

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

La réunion est ouverte à 11 h 05.

Nomination de rapporteurs

M. Pierre Laurent est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 411 (2013-2014) présentée par M. Pierre Laurent, et plusieurs de ses collègues, visant à favoriser une exploitation cinématographique indépendante.

M. Jean-Pierre Leleux est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 428 (2013-2014) présentée par M. Philippe Marini instaurant la gestion collective des droits de reproduction et de représentation d'une oeuvre d'art graphique, plastique ou photographique par un service de moteur de recherche et de référencement.

Audition de M. Bruno Genevois, président de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

La commission auditionne M. Bruno Genevois, président de l'agence française de lutte contre le dopage.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous sommes réunis aujourd'hui pour procéder à l'audition de M. Bruno Genevois, président de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Cette audition intervient un peu moins d'un an après la remise du rapport de la Commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité de la lutte contre le dopage dont nos collègues Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach étaient respectivement président et rapporteur. Nous attendons, monsieur le président, que vous nous disiez ce que vous avez pensé des propositions de cette mission mais aussi des évolutions que vous avez pu constater depuis lors.

Le sport occupe une place de plus en plus importante dans les médias ; il est pratiqué par de nombreux jeunes... et moins jeunes. Il peut être un formidable vecteur de transmission de valeurs et d'éducation. Mais il peut aussi donner à voir des aspects les plus sombres de l'âme humaine au travers d'un goût immodéré pour la victoire à tout prix, le mépris des règles et l'appât du gain, sans oublier toutes les dérives et discriminations (sexisme, racisme, homophobie...) qu'il peut engendrer.

L'AFLD a un rôle essentiel à jouer pour que le sport reste un facteur de progrès et d'épanouissement. Voilà pourquoi notre commission souhaite connaître les actions que vous menez, les difficultés que vous pouvez rencontrer, ainsi que vos attentes concernant l'éventuelle évolution de votre statut d'agence publique indépendante.

Nous attendons également de votre part quelques éclairages concernant le projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en oeuvre le nouveau code mondial antidopage que le Gouvernement pourrait prochainement déposer devant le Parlement.

Pour nous éclairer sur toutes ces questions, je vous cède tout de suite la parole. Notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach vous interrogera ensuite ; puis le débat s'engagera avec l'ensemble des sénatrices et sénateurs de notre commission.

M. Bruno Genevois, président de l'agence française de lutte contre le dopage. - Plusieurs propositions de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage ont déjà fait l'objet d'une mise en oeuvre. C'est le cas du protocole d'accord signé avec la direction générale des douanes pour accroître les échanges d'informations et du recrutement d'une investigatrice auprès de la police nationale.

Par ailleurs, je souhaiterais appeler l'attention de la commission sur trois points particuliers. En premier lieu, il convient d'observer que la France est dans le peloton de tête dans la lutte contre le dopage. Cela tient au fait que notre pays a eu recours à la loi et a créé une agence indépendante. En outre, la France a une conception large de la lutte contre le dopage, qui doit concerner tous les sportifs et pas seulement les sportifs de haut niveau et s'inscrire dans une perspective de santé publique au-delà de la question de l'équité des compétitions. Pour cela l'AFLD dispose d'un budget conséquent -  9 millions d'euros - et peut s'appuyer sur les services déconcentrés du ministère des sports ainsi que sur l'expertise du laboratoire national de détection du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry qui lui est rattaché.

En deuxième lieu, notre législation, qui a privilégié la mise en évidence d'une substance interdite dans les urines et dans le sang, doit être modifiée. Ce mode de preuve s'avère certes décisif, lorsque le résultat est positif, mais on constate une baisse des signalements depuis une dizaine d'années, qui ne semble pas correspondre à un recul du dopage si l'on en croit les témoignages de plusieurs anciens sportifs comme le niveau de certaines performances. Ceci invite à renforcer les contrôles au moyen de modes de détection indirects dans la logique du passeport biologique qui permet de déceler la prise de substances au travers des effets provoqués sur l'organisme dans la durée.

C'est ainsi que les comparaisons effectuées sur des profils sanguins permettent de déceler la prise d'érythropoïétine (EPO) et que l'analyse des profils stéroïdiens pourrait prochainement permettre de déceler la prise d'anabolisants. L'usage de cette dernière technique nécessitera une modification de la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles.

Les analyses rétrospectives sur une période de quatre ans ont également montré leur efficacité. Le décret d'août 2011 a ainsi permis de développer la conservation d'échantillons.

La commission d'enquête sénatoriale proposait d'adopter une procédure de clémence pour les sportifs qui reconnaîtraient leurs fautes mais l'idée de « dénonciation » ne passe pas très bien dans le milieu sportif et nécessite un effort pédagogique.

Le troisième et dernier point est relatif à la gouvernance de l'agence. Compte tenu des éléments évoqués précédemment et du contexte budgétaire difficile ayant entraîné une diminution des subventions versées à l'AFLD, nous n'estimons pas prioritaires les changements proposés par la commission d'enquête. J'aimerais développer mes arguments en abordant successivement deux sujets :

- pour ce qui concerne la répartition des compétences en matière disciplinaire, nous pensons que les choix effectués par le législateur sont judicieux car l'action de l'agence en la matière est complémentaire et subsidiaire par rapport à celle des fédérations. Je rappelle que ces dernières disposent d'un délai de quatre mois pour statuer sur un cas, à peine de dessaisissement au profit de l'AFLD : elles ne peuvent donc pas enterrer des procédures. Si elles rendent une décision dans le temps imparti, alors l'agence peut ensuite décider de se saisir du dossier si elle juge cette décision trop clémente ou trop sévère, et elle rend sa décision après une procédure contradictoire. L'agence a ainsi le pouvoir soit d'annuler une sanction soit au contraire d'en étendre les effets à des fédérations voisines dans un objectif d'harmonisation. La commission d'enquête suggère que la compétence disciplinaire soit une compétence directe de l'AFLD, mais cela risquerait fortement de désintéresser les fédérations de la lutte contre le dopage, qu'elles pourraient alors juger comme un élément extérieur ne les concernant pas. Enfin, on ne peut accroître les compétences de l'agence qu'en contrepartie d'une hausse de ses moyens, ce qui semble improbable aujourd'hui ;

- le deuxième sujet est relatif à la proposition de création d'une commission des sanctions, distincte du collège de l'agence, afin de répondre aux exigences posées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme de juin 2009 Dubus c/  France. Le Conseil d'État a jugé, dans un arrêt du 9 novembre 2011, que nos procédures n'étaient pas incompatibles avec la convention européenne des droits de l'homme. La composition de notre collège, par sa diversité, permet de bien appréhender les problèmes dont on imagine mal qu'ils soient traités par un organe distinct.

M. Jean-Jacques Lozach. - Je me réjouis de constater que vous avez suivi nos propositions avec la plus grande vigilance. Malheureusement le dopage reste un sujet d'actualité, comme l'a récemment prouvé la révélation du capitaine de l'équipe de rugby d'Afrique du Sud qui, dans ses mémoires, reconnaît le dopage de l'équipe à la veille de sa victoire en finale de la coupe du monde 1995.

Un modeste projet de loi sera bientôt débattu au Parlement afin d'adapter le code du sport au code mondial antidopage, pour que soient notamment prises en compte les preuves non scientifiques ou non objectives. Ce sont d'ailleurs ces preuves - enquêtes, témoignages, etc. - qui ont permis de reconnaître la culpabilité de Lance Armstrong.

Sera également abordée l'harmonisation internationale et, à ce titre, je rappelle que vous venez de signer une convention avec les douanes qui devrait permettre de tirer les conséquences du constat que nous avons fait de l'incapacité des nombreux services impliqués à travailler ensemble - douanes, police, gendarmerie, AFLD, etc. Les contrôles inopinés vont également prendre une place plus importante. Les choses semblent donc avancer dans la bonne direction au sein de l'agence mondiale antidopage (AMAD), ce qui n'est d'ailleurs pas étranger à l'action de la France.

Je souhaiterais vous poser trois séries de questions :

- au-delà de ce qui est proposé dans le projet de loi, que vous semble-t-il urgent de réformer ? Quelles sont les intentions de la nouvelle ministre et du nouveau secrétaire d'État ?

- comment se présente la situation dans le cadre des compétitions à venir ? Je pense en particulier au Tour de France, après l'élection d'un nouveau président de l'union cycliste internationale (UCI) ayant mené une campagne sur la moralisation du cyclisme et la lutte antidopage : peut-on espérer une amélioration des relations avec l'AFLD ? Par ailleurs, dans quelques jours débutera le tournoi de Roland-Garros et je me réjouis que la fédération française de tennis se soit appuyée sur les conclusions de la commission d'enquête pour faire pression sur la fédération internationale afin que les contrôles soient mieux maîtrisés. La situation est-elle réellement en voie d'amélioration ? Enfin pour l'Euro 2016 êtes-vous en phase de concertation avec l'union des associations européennes de football (UEFA) ?

- la lutte contre le dopage est l'une des dimensions de la question de l'intégrité sportive. Or, j'ai vu ici ou là quelques propositions parmi lesquelles la fusion de l'AFLD avec l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Selon moi les deux agences ont des natures et missions très différentes : que pensez-vous de cette proposition ?

M. Bruno Genevois. - M. le sénateur Lozach nous propose ici un ensemble de questions particulièrement intéressantes, auxquelles je répondrai en ordre inversé. S'agissant tout d'abord de la fusion entre l'AFLD et l'ARJEL, lors de mon audition par la commission d'enquête sénatoriale le 21 mars 2013, j'avais indiqué que si les deux instances participaient effectivement à la sauvegarde de l'intégrité du sport, leurs méthodes s'avéraient par trop différentes pour être regroupées. En effet, quoi de commun entre la détection de paris suspects et la recherche de substances interdites dans le sang ou les urines d'un sportif ? La commission d'enquête avait d'ailleurs, dans son rapport, fermement écarté l'idée d'une fusion. Interrogé par quelques députés d'une proposition de loi sur ce thème, j'ai récemment fait à nouveau état de mon désaccord sur ce que je considère être une fausse bonne idée.

Concernant la préparation de l'Euro 2016, les contacts que l'AFLD entretient avec les différentes instances concernées sont encourageants. J'ai personnellement reçu, le 12 avril dernier, une délégation de l'union des associations européennes de football (UEFA) et de la fédération internationale de football association (FIFA) sur les contrôles envisagés. Cette rencontre a été suivie d'un courrier du Préfet Lambert, ancien directeur de la fédération française de football (FFF) et président de la société Euro 2016, à l'agence. Pour notre part, nous tentons de promouvoir, auprès de ces instances, un contrôle complet et efficace, a contrario de celui, limité et décevant, mis en oeuvre lors de la phase finale de la Coupe du monde en Afrique du Sud, dont les résultats sont apparus dérisoires au regard de l'ampleur de la compétition. À cet effet, des discussions sont en cours avec l'UEFA pour permettre un contrôle sur les équipes participantes en amont de l'événement, qui aura lieu entre le 10 juin et le 12 juillet 2016. Si l'UEFA a semblé convaincue par nos arguments, la mise en oeuvre d'un tel dispositif dépendra de chaque organisation nationale antidopage. Pendant la compétition elle-même, l'UEFA avait initialement prévu que seuls deux joueurs par équipe seraient contrôlés à chaque match. Cette méthode nous semblait plus qu'insuffisante, dans la mesure où la législation antidopage ne prévoit de sanction que si le dopage est avéré chez plus de deux joueurs d'une même équipe. Elle interdisait donc d'avance toute sanction sportive. Par bonheur, l'agence a été entendue sur ce point. Nous essayons enfin de convaincre le comité exécutif de l'UEFA de partager la pratique du comité international olympique (CIO) en annonçant aux fédérations nationales que les échantillons prélevés sur les sportifs seront conservés pour des analyses a posteriori. Les discussions sont encore en cours sur ce dernier point mais semblent bien engagées.

Le débat relatif à la lutte contre le dopage lors du tournoi de Roland-Garros constitue, en revanche, un sujet compliqué. Au lendemain de son audition par la commission d'enquête sénatoriale, Francesco Ricci Bitti, président de la fédération internationale de tennis (FIT), pendant laquelle il était apparu sur la défensive, a été reçu à l'AFLD. Il y a fait état d'un argument, certes original bien que peu décisif, pour évacuer toute velléité d'un contrôle de l'agence sur le tournoi. Selon lui, seule une dizaine de pays est à même d'effectuer efficacement des contrôles antidopage, alors que la FIT doit être en mesure de faire réaliser ces tests à l'échelle mondiale. Cette lacune justifierait, à son sens, que la compétence antidopage soit réservée à la seule FIT, à l'exclusion de toute autre agence nationale a contrario des dispositions du code mondial antidopage qui prévoit la possibilité d'un contrôle additionnel des sportifs par un autre intervenant. Par ailleurs, l'AFLD est toujours en attente d'une réponse de la fédération française de tennis (FFT) s'agissant du contenu (urinaire ou sanguin) des contrôles réalisés à Roland-Garros. Au total, vous l'aurez compris, la FIT ne montre guère d'entrain en matière de coopération antidopage.

Les évolutions apparaissent plus satisfaisantes s'agissant du cyclisme depuis l'élection de Brian Cookson à la présidence de l'UCI. Les procédures de contrôle applicables au Tour de France 2014, présentées à l'occasion de l'annonce du parcours du Tour à la mi-octobre 2013, ont sensiblement accéléré par rapport à l'année précédente. Après un entretien encourageant avec Brian Cookson suivi d'un échange de lettres en date des 25 et 27 février 2014, le dispositif a été mis en oeuvre par l'agence avec près d'un mois d'avance. Les contrôles en amont de la compétition ont démarré grâce aux informations de localisation des 160 coureurs qui participeront au Tour 2014 transmises par l'UCI. Ce dispositif permet de contrer les stratégies d'évitement trop souvent à déplorer pendant la compétition. Les contrôles sanguins dits pre start sont confiés au laboratoire de Lausanne. Pendant la compétition, l'AFLD et l'UCI détermineront, conjointement et le plus tardivement possible avant l'arrivée, les coureurs qui feront l'objet de contrôles ciblés, méthode sensiblement plus efficace que celle consistant à tirer au sort les sportifs contrôlés. Enfin, les échantillons prélevés seront conservés pour des contrôles ultérieurs.

S'agissant des dispositions législatives et réglementaires, le ministère des sports doit prochainement prendre une circulaire relative au regroupement des correspondants antidopage, même si le récent changement de Gouvernement a retardé cette initiative. En outre, dès que les scientifiques du collège de l'agence auront une certitude sur un profil stéroïdien fiable au regard de la prise d'anabolisants, je demanderai, après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la publication d'un décret semblable à ceux du 27 décembre 2013. Nous attendons également le projet de loi de modernisation du sport, dont l'une des mesures les plus efficaces me semble être la lutte contre le dopage dans les salles de culturisme où la prise d'anabolisants se développe dangereusement. Aujourd'hui, l'agence ne dispose pas des moyens suffisants pour intervenir, dans la mesure où le culturisme ne constitue pas un sport en tant que tel. Ces dérives ont d'ailleurs récemment été dénoncées dans un article du Monde. Le projet de loi prévoit, à cet égard, que pourront être prises, à l'encontre des athlètes fautifs, des sanctions sportives ou pénales. Il me semble également essentiel de développer les modes de preuves de dopage autres qu'analytiques. Dans ce cadre, comme la commission d'enquête sénatoriale s'en faisait l'écho, la politique dite de clémence constitue une solution intéressante. Les fédérations sportives n'y sont pourtant guère favorables ; il est vrai que cette proposition ressort plus certainement d'une culture anglo-saxonne.

Enfin, j'aimerais aborder le cas de Lance Amstrong. Si les dénonciations de ses actes par ses co-équipiers ont certes été décisives, il convient de rappeler que ce sont les tests antidopage réalisés en amont sur Floyd Landis, contrôlé positif à la testostérone, et Taylor Hamilton, sur passeport biologique, qui ont conduit au lancement d'une procédure. Ces échantillons, sur lesquels s'est appuyée l'agence américaine antidopage (USADA), avaient été conservés par l'AFLD et transmis à cette instance lors des rencontres des 12 et 13 mars 2012.

M. André Gattolin. - Je suis également membre de la commission des affaires européennes du Sénat, co-auteur avec mes collègues Dominique Bailly et Colette Mélot d'un rapport d'information sur les perspectives d'avenir d'Europol et d'Eurojust. J'ai été étonné que la lutte contre le dopage et les trafics qui y sont liés ne figurent pas parmi les priorités définies par ces institutions. Il existe, par contre, des objectifs de lutte contre le trafic de drogue et contre la production et la distribution des drogues de synthèse.

Il n'y a pas de demande de coopération des polices européennes dans ce domaine. Or, les trafics, notamment dans le sport de haut niveau, sont importants. Y a-t-il une possibilité d'action au niveau européen ?

M. Michel Le Scouarnec. - Les efforts dans la lutte contre le dopage portent-ils également sur le sport amateur et chez les jeunes ? Les parents et les chefs d'établissements scolaires doivent y être associés. Le combat doit s'effectuer dès le plus jeune âge.

M. Jean-Claude Carle. - À quelques jours de la Coupe du monde de football, j'aurais voulu savoir si toutes les fédérations procèdent à des contrôles ou si elles en font lors de leur championnat. Il me semble avoir lu qu'il n'y a pas eu de contrôle lors de la Bundesliga, le championnat allemand.

M. Bruno Genevois. - La Coupe du monde de football en Afrique du Sud est un mauvais exemple. Les prélèvements ont été très réduits et peu significatifs. Au Brésil, il n'y a pas eu de contrôles en amont, il y en aura pendant la compétition mais le laboratoire antidopage brésilien vient de perdre son accréditation par l'agence mondiale et on sera obligé de procéder aux examens en Europe.

Cela m'inquiète, pas tant pour les contrôles urinaires, mais surtout pour les contrôles sanguins.

C'est plus problématique pour ces derniers car les règles sont strictes. Si les prélèvements sont faits en vue du profil biologique, les analyses doivent être faites dans les 48 heures, qui constitue également la durée de recommandation pour les détections directes. Ce sera très difficile d'avoir des contrôles effectifs.

Ce que vous me dites sur la Bundesliga est une surprise. Je vais me renseigner. Sachez qu'en France, nous avons par exemple contrôlé tous les joueurs lors de la finale de la Coupe de la ligue. Il en a été de même pour la Coupe de France où un contrôle s'est révélé positif.

Sur le sport amateur et sur les jeunes, je partage l'avis de M. Le Scouarnec. J'ai évoqué les caractéristiques du modèle français de lutte contre le dopage. Sur le plan mondial, le contrôle porte prioritairement sur le sport d'élite. Sur les 190 000 prélèvements, 10 000 ont eu lieu en France. Certains pays ne s'intéressent qu'au contrôle de l'élite. Mais la politique de la France est différente et nous sommes conscients qu'il faut agir auprès des jeunes. Il y a deux périodes de vulnérabilité : celle où le jeune amateur veut devenir professionnel ou de haut niveau et celle où le sportif plafonne dans sa performance et veut garder son niveau coûte que coûte. Nous sommes attentifs à ces aspects-là. Notre politique ne pourra être pleinement efficace que s'il y a un relais au niveau de la prévention vis-à-vis des jeunes. Je suis favorable, en accord avec le discours de la fédération française de tennis (FFT) au contrôle des championnats cadets et juniors. Il faut marier la prévention et le contrôle car la peur du gendarme demeure. Le secrétaire d'État aux sports, Thierry Braillard, nous a recommandé d'aller dans ce sens.

Enfin, je partage le sentiment de M. Gattolin. Même au niveau national, le dopage n'est pas toujours une priorité. Cela se reflète au niveau international. D'où la nécessité d'y remédier. Mais ce qui m'a toujours frappé, ce sont les inégalités des efforts accomplis selon les pays et selon les disciplines en matière de lutte contre le dopage.

Sur 175 États qui ont ratifié la convention de l'Unesco du 19 octobre 2005 sur la lutte contre le dopage dans le sport, seuls 70 États incriminent pénalement le trafic des substances interdites en toutes circonstances, à l'entraînement comme en compétition. Dès le départ, il y a une faille dans le système. À cela s'ajoutent les priorités définies par nos institutions. Nous n'avons pas le même historique que celui de la lutte contre les stupéfiants. Il est, par conséquent, nécessaire de sensibiliser les responsables dans ce domaine.

M. Maurice Vincent. - Je souhaiterais connaître votre sentiment sur l'intensité et l'efficacité des contrôles effectués dans le cadre européen de la Champions League et de l'Europa League ?

Un moyen supplémentaire de lutte contre le dopage serait peut-être d'alléger les calendriers. Certes les clubs ont des effectifs assez nombreux, mais parmi les joueurs, les cadres doivent faire face à des successions ininterrompues de matchs qui sollicitent beaucoup leurs organismes.

M. Bruno Genevois. - L'UEFA fait valoir avec satisfaction que les contrôles effectués n'ont pas donné de résultats positifs. J'aimerais partager ce sentiment, mais je note que la plupart des contrôles sont effectués, et donc attendus, lors des compétitions et jamais en amont de façon impromptue.

La question des calendriers est en effet essentielle. Elle se pose peut-être plus encore pour le rugby, sport très exigeant physiquement et demandant plus de récupération, certains matchs de l'équipe de France tombant en même temps que des rencontres du Top 14. Dans le projet de loi de modernisation du sport, et conformément à une recommandation de la commission d'enquête sénatoriale, est prévue une disposition traitant de cette question.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - En complément des observations de M. Le Scouarnec s'agissant de la nécessaire protection de la jeunesse, je déplore que notre législation autorise les pratiques, que je considère pour ma part comme étant délictueuses, consistant à proposer, à la sortie des établissements d'enseignement, des boissons énergisantes, qui plus est dans des bouteilles déjà ouvertes afin de s'assurer de leur consommation immédiate. Plusieurs ministres de la santé ont été mis en échec sous prétexte de préservation de la concurrence, mais nous devons poursuivre nos efforts, pour que soit mis fin à cet encouragement au « pré-dopage ».

Je souhaiterais conclure notre réunion en rendant hommage à Camille Lepage. Cette jeune reporter photographe, qui vient de trouver la mort en Centrafrique, exerçait en indépendante ; cette situation particulière a pu la conduire à prendre de plus en plus de risques pour que le fruit de son travail soit repris par les organes de presse. Au nom de notre commission, j'adresserai un message de condoléances à sa famille et à ses proches.

La réunion est levée à 12 h 05.