Jeudi 25 juin 2015

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Conséquences de la baisse des dotations de l'État - Présentation par l'institut de sondage Ifop des résultats de la consultation des élus locaux

M. Jean-Marie Bockel, président. - En novembre 2014, Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard ont rédigé un premier rapport d'information sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017, très utile sur le terrain, comme nous le constatons avec les associations de maires. Nos collègues continuent d'évaluer les conséquences des baisses de dotations de l'État, en examinant comment les collectivités s'adapteront.

Afin de disposer de bases solides, nous avons appelé les élus locaux à répondre à un questionnaire en ligne, dont l'institut de sondage Ifop a exploité les réponses. Nous écoutons ses représentants nous présenter les résultats.

M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. - Le but de cette enquête était de déterminer la perception de l'impact de la réforme par les élus locaux, les mesures qu'ils prennent pour s'adapter, et leurs anticipations pour l'avenir. Il s'agit d'une consultation - et non d'un sondage - réalisé sur un échantillon représentatif.

La première question posée à propos d'une telle consultation est la suivante : le public visé y a-t-il répondu ? La réponse est clairement oui : plus de 3 000 personnes, 3057 exactement, auxquelles s'ajoutent plus de 1 500 élus ayant rendu des questionnaires incomplets que nous n'avons pas pu utiliser. Ce sont donc près de 5 000 personnes qui ont pris le temps de s'y intéresser. Qui a répondu ? La répartition est homogène, et les pourcentages reflètent bien les nombres respectifs de collectivités : 93,5 % d'élus municipaux, 4,3 % de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 1,8 % d'élus des départements - 54 départements représentés, soit un sur deux ! - et 0,4 % d'élus des régions, soit 12 régions sur 23. Quant à la répartition des communes selon leur taille, 43,5 % des réponses représentent des communes de moins de 500 habitants, 34,6 % des communes de 500 à 1 999 habitants, 16,4 % des communes de 2 000 à 9 999 habitants et 5,5 % des communes de plus de 10 000 habitants.

Les élus sont sévères sur la nécessité et l'efficacité de la baisse des dotations : seuls 27 % des élus la jugent nécessaire, dont 5 % seulement « tout à fait nécessaire », contre 63 % « pas nécessaire », dont 30 % « pas du tout ». Un même doute se manifeste sur l'efficacité, puisque seuls 18 % y croient, dont 2 % « tout à fait », contre 68 % qui n'y croient pas, dont 35 % « pas du tout ». Les élus régionaux sont moins sceptiques sur la nécessité des baisses, à laquelle croient 58 % d'entre eux, contre 43 % des élus départementaux, 34 % des représentants des EPCI et 26 % pour les élus communaux, quelle que soit la taille de la commune. Le clivage est moindre en revanche sur l'efficacité des baisses, à laquelle même les élus régionaux et départementaux ne croient guère.

Quid du jugement global sur la réforme territoriale ? Il reflète un très fort scepticisme sur les économies qu'elle pourrait faire réaliser aux collectivités : 16 % y croient, contre 78 % qui n'y croient pas, dont 34 % « pas du tout ». C'est un peu moins vrai pour les régions, avec 33 % de oui, que pour les petites communes, avec seulement 12 %. Ce fait est à relier à l'inquiétude des élus, mesurée par la question : « la baisse des dotations de l'État est-elle une contrainte surmontable ou insurmontable ? » - chacun ressent l'anxiété qui se trouve derrière ce mot. Les élus sont 56 % à la trouver insurmontable, en particulier les élus des départements, qui ne sont que 13 % à la considérer comme surmontable, contre 58 % pour les élus des régions et 39 % pour ceux des communes, où l'on constate un clivage selon la taille : les trois-quarts des élus des villes de plus 10 000 habitants la considèrent comme insurmontable, mais un peu moins pour les plus petites.

Cela ne relève pas tant d'un sentiment que d'une réalité connue : 84 % des élus déclarent connaître la baisse des dotations pour sa collectivité, dont 33 % précisément ; cela est un peu moins vrai pour les régions et les départements que pour les EPCI et les communes. Chez ceux qui la connaissent, la part du budget de la collectivité que représente la baisse des dotations est de plus de 10 % pour un quart des réponses, et de plus de 15 % pour un dixième. Pour une moitié, la baisse se situe entre 5 % et 10 %. Les élus ont eu du mal à répondre sur l'impact de la baisse des dotations en équivalent pourcentage de fiscalité : 57 % ne le savent pas. Pour un cinquième d'entre eux, cela représenterait entre 10 % et 15 %, en particulier pour les régions et les départements.

Un élu sur deux déclare connaître les mesures de renforcement de la péréquation pour sa collectivité, cette proportion étant plus faible dans les régions et plus importante dans les départements, et augmentant spectaculairement dans les communes selon leur taille, de 43 % pour les communes de moins de 500 habitants à 67 % pour les communes de plus de 10 000 habitants. 31 % des élus consultés considèrent leur collectivité comme un « contributeur net » - 52 % pour les communes de plus de 10 000 habitants - et 38 % estiment qu'elle est un « bénéficiaire net ». Un quart d'entre eux ne connaissent pas la réponse et 8 % ne se prononcent pas. Ils sont 77 % à ne pas connaître le pourcentage de fiscalité représenté par les différents fonds de péréquation ; le reste des réponses se disperse autour d'un pourcentage moyen de 6,7 %.

Lorsque nous leur demandons s'ils jugent équitables les critères d'éligibilité et de répartition de la dotation générale de fonctionnement (DGF), seuls 26 % répondent par l'affirmative, avec une part marginale (1 %) qui les trouvent tout à fait équitables. Ce jugement sans ambiguïté présente peu de différences selon les collectivités, ou selon la taille des communes, sinon que les élus départementaux sont particulièrement critiques.

Nous voulions aussi connaître les mesures prises par les collectivités pour faire face à cette baisse. Lorsqu'on leur demande quel est leur choix prioritaire parmi les différentes mesures - une seule réponse étant possible - 5 % des élus choisissent l'endettement, mais cela représente 25 % pour les régions ; 13 % choisissent la hausse de la fiscalité, en particulier pour les communes et les EPCI ; le choix majoritaire concerne la baisse des dépenses d'investissement (44 %) - notamment pour les départements - et de fonctionnement (32 %), notamment pour les régions.

Si nous examinons ces mesures les unes après les autres, les élus déclarent à 62 % que leur collectivité compense la baisse des dotations par une baisse des dépenses d'investissement, notamment dans les communes ; cette baisse est de 10 % et plus pour un tiers des collectivités. Même réponse à 63 % concernant la baisse des dépenses de fonctionnement, avec une baisse de 2 % à 5 % anticipée par 37 % des élus - la baisse est plus faible que pour l'investissement, ce qui n'est pas une surprise. Les élus sont 29 % à déclarer compenser la baisse des dotations par une hausse de la fiscalité, ce qui n'est pas négligeable. Une étude pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) révèle que la principale inquiétude des Français à propos de l'État et des pouvoirs publics porte sur la hausse des impôts locaux, avant celle de l'impôt sur le revenu. Cette mesure concerne surtout les EPCI et les communes, singulièrement celles de taille intermédiaire, entre 500 et 10 000 habitants, et nettement moins les plus grandes. L'endettement est choisi par moins d'élus, sinon ceux des régions et des départements.

À l'horizon 2017, 45 % des élus envisagent une baisse des dépenses d'investissement plus forte qu'aujourd'hui, et 19 % une baisse identique. Pour le fonctionnement, la baisse serait plus forte pour 36 % des élus, et identique pour 30 %. La hausse de la fiscalité serait équivalente pour 27 % et plus forte pour 22 %, et celle de l'endettement respectivement pour 22 % et 20 %. Notons qu'une forte proportion d'élus déclare ne pas le savoir.

Mme Adeline Merceron, directrice de clientèle à l'Ifop. - Pour l'avenir, les deux risques les plus importants d'ici à 2017 sont une baisse des investissements pour les trois quarts des élus, notamment ceux des communes, mais beaucoup moins pour ceux des départements ; le deuxième risque est le désengagement dans certains secteurs, pour 39 %, là aussi les départements sont en retrait. Ces derniers ainsi que les régions semblent davantage craindre l'érosion du taux d'épargne brute, le déficit et la dégradation de la capacité de désendettement. Les deux tiers des élus craignent des difficultés financières à l'avenir - quelle que soit la taille des communes ; les représentants des régions sont un peu plus optimistes. Les secteurs les plus touchés sont les équipements et l'urbanisme à 71 %, en particulier pour les communes, les subventions aux associations à 45 %, de manière homogène pour toutes les collectivités, les services administratifs et le personnel à 32% - mais 58 % pour les régions et 41 % pour les départements. Viennent ensuite le développement économique, en particulier pour les communes, la culture, l'éducation et les services sociaux.

À partir du verbatim des élus, nous avons constitué un nuage de mots représentant les principales activités affectées par la baisse des dotations. La première occurrence est la voirie, suivie de près par les travaux, puis par l'entretien des bâtiments communaux ou le non-remplacement du personnel. Si nous les classons par grands thèmes, la première activité touchée correspond effectivement aux travaux et à l'entretien de la voirie, la seconde au fonctionnement et au personnel, la troisième à l'entretien et à la rénovation des bâtiments, avant l'urbanisme ou les projets liés à la vie scolaire ; les autres font preuve d'une grande dispersion.

Les élus municipaux et d'EPCI à 61 % n'envisagent pas de fusion - qui préserverait pourtant leurs dotations - mais cette idée pourrait faire son chemin puisqu'un quart d'entre eux y pensent, en particulier dans les petites communes. Il s'agirait, dans 81 % des cas, de fusionner avec des communes. Les élus sont plus réceptifs à la mutualisation, déjà engagée pour 41 % d'entre eux, dont 34 % envisagent d'y recourir à nouveau, mais 7 % sont restés sur leur faim. Un tiers y réfléchissent ; seuls 18 % d'entre eux ne l'envisagent pas. Les élus régionaux sont 75 % à l'avoir engagée, mais les élus départementaux ne sont que 37 %. Les communes importantes sont plus nombreuses, logiquement, à l'avoir expérimentée.

Les attentes vis-à-vis de l'État sont multiples : un quart des élus veulent un nouveau calendrier pour étaler dans le temps la baisse des dotations, surtout dans les départements et les communes ; un quart réclament une simplification de la fiscalité, notamment dans les régions et les communes ; un quart souhaite une DGF entièrement péréquatrice. La réponse « autre » a permis aux élus de s'exprimer de façon virulente et dans toutes les directions, notamment en réclamant le maintien des dotations actuelles ou la baisse du train de vie de l'État...

M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. - Nous préparons une typologie des élus, définissant des élus résignés, légitimistes, inquiets -même si l'inquiétude est une caractéristique presque générale - que nous vous fournirons en début de semaine prochaine.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Merci pour ce travail très intéressant. Au-delà du simple ressenti, comment agir sur les dépenses de fonctionnement, notamment sur la masse salariale ? Je suis personnellement engagé sur ce sujet particulièrement brûlant pour les collectivités territoriales, et je finaliserai demain, dans ma collectivité, un dialogue avec les organisations syndicales sur l'application effective des 35 heures. J'ai aussi échangé avec elles sur l'absentéisme. Nous signerons vraisemblablement un accord avec toutes les organisations syndicales sauf une.

Je donne d'abord la parole aux rapporteurs des travaux sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Ces résultats sont intéressants mais peu surprenants. Nous y retrouvons notre préoccupation principale : le risque d'une forte réduction des dépenses d'investissement. On note des différences entre catégories de collectivités, les régions s'inquiétant moins que les communes.

Vous avez regretté que 1 500 questionnaires soient revenus incomplets, mais le taux de réponse, qui dépasse largement les 5 % habituels pour ce type de consultation, peut être considéré comme satisfaisant.

M. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. - Oui, c'est un très bon résultat, en particulier en plein mois de mai.

M. Antoine Lefèvre. - En effet, pour cette période, c'est bien !

M. Philippe Dallier, rapporteur. - Cette consultation confirme mes craintes. Je suis davantage surpris par la connaissance toute relative qu'ont les élus de leur avenir proche. Autant je l'aurais comprise avant la notification de la DGF -même à la commission des Finances, nous avions du mal à l'évaluer-, autant chacun sait désormais ce qui l'attend pour 2016 et 2017, à epsilon près, sauf peut-être dans les petites communes.

M. Jacques Mézard, rapporteur. - Ce questionnaire est une bonne illustration de l'utilité d'interroger les élus locaux ; cette méthode devrait être davantage employée, car la collecte d'expériences personnelles est insuffisante. Nous avons une vraie vision de ce que pensent les élus locaux, pour chaque niveau et taille de collectivité.

Cela nous interpelle, ainsi que les gouvernements successifs : les élus locaux sont de plus en plus perdus en matière de gestion de leurs ressources financières. À leurs yeux, la situation financière des communes est tellement compliquée qu'ils ont du mal à appréhender correctement la situation. Nous devons simplifier et mieux communiquer. Ces résultats prouvent que toute la paperasserie reçue des préfectures, voire de certaines associations d'élus, est mal absorbée, voire ne l'est pas du tout.

Les effets de la diminution des ressources financières des collectivités territoriales sont perçus comme devant se poursuivre après 2017, leurs impacts durables entraîneront d'autres conséquences pour les collectivités et l'économie.

M. Charles Guené, rapporteur. - Je partage l'avis du président et des autres rapporteurs. Nous ne sommes pas surpris par ce qui est ressenti ou pressenti. Le taux de réponse est d'autant plus satisfaisant que l'Association des maires de France (AMF) avait réalisé, dans la même période, une enquête similaire, quoique plus simple, et qu'il est parfois compliqué pour les élus de répondre à de telles enquêtes successivement.

Je suis un peu déçu, car dès que les questions sont plus techniques, les élus ne s'y attardent pas suffisamment. Ce n'est pourtant pas si difficile d'indiquer l'effet de la diminution des dotations ou de la péréquation en points de fiscalité : une règle de trois est à la portée de tous ! Si les élus avaient pleinement connaissance de la situation, les résultats seraient pires.

D'où le troisième volet de nos travaux : que faire ? Une solution simple consisterait à limiter la diminution des dotations. Mais tout tourne autour du système fiscal, actuellement en pleine réforme, qui est sédimenté, sans aucune logique. Nous devrons faire des préconisations de plus en plus ciblées.

M. Michel Le Scouarnec. - Mercredi dernier, lors d'une réunion de parlementaires avec le bureau de l'Association des maires du Morbihan à laquelle je participais, nos interlocuteurs nous ont fait part de leurs difficultés actuelles et de leur peur de l'avenir, de leur besoin de stabilité et surtout d'étaler des baisses de dotations trop dures et trop rapides, pour plus d'équité. Selon le maire de Vannes, qui n'est pas de mon bord politique, la DGF de sa commune s'élèverait à 192 € par habitant, contre 800 € à Levallois-Perret ! Si telle est la vérité, c'est terrible. Il faut donc étaler et retravailler la péréquation pour plus de justice. Je confirme que cette consultation reflète bien les craintes des maires.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Merci d'avoir précisé - car c'est important - qu'il s'agissait d'une consultation, et non d'un sondage. Notre délégation s'est saisie d'un sujet essentiel. Est-il anxiogène d'avoir mal ? Oui, à l'évidence.

Remettons la situation en perspective : le sentiment diffère selon les collectivités territoriales. D'après votre consultation, ce sont les communes, et les petites communes en particulier, où l'on en arrive « à l'os » et dont les marges de fonctionnement sont déjà très limitées, qui éprouvent le plus de craintes. Les régions ou les départements, du fait de leur taille, n'envisagent pas l'avenir plus sereinement - voyez la dette publique ! - mais disposent encore de marges de manoeuvre.

La vraie question ne porte pas sur la diminution des dotations, mais sur la durée de cette diminution. Quelle solution peut être acceptée par chaque niveau ? Certaines collectivités se trouvent en difficulté en raison du contexte structurel : ainsi, depuis douze ans, les gouvernements successifs ont fait porter aux départements tout le poids de la politique de solidarité nationale. Mais par quel niveau de collectivité celle-ci - revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d'autonomie (APA), politique de handicap - doit-elle être financée ? Certes, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), consacrée aux investissements, a augmenté substantiellement.

J'en reviens à l'interrogation de notre président. Dans ce contexte si difficile pour les collectivités, qui perdure quel que soit le gouvernement, nous devons poser des questions iconoclastes et difficiles. Longtemps présidente d'un conseil général, j'ai interrogé les syndicats des techniciens, ouvriers et du personnel de service (TOS) sur les raisons de l'absentéisme accru dans cette catégorie par rapport à d'autres. Le métier est difficile, m'ont-ils répondu ; mais n'est-il pas au moins aussi difficile de déneiger les routes ou de recevoir des personnes en difficulté sociale ? Nous avons ensuite défini ensemble certaines règles et la situation s'est améliorée.

La situation du pays nous impose de poser ces questions délicates, de faire ces choix que nous devons étaler dans le temps, en tenant compte des différentes situations, sans pénaliser les collectivités les plus fragiles...

M. Jean-Marie Bockel, président. - D'où l'importance du troisième volet que nous allons engager.

M. Christian Manable. - J'abonde dans le sens de mes collègues : ces résultats m'ont peu surpris ; les réponses seraient aussi prévisibles si l'on demandait à nos concitoyens s'ils préfèrent être en bonne ou en mauvaise santé ou s'ils souhaitent payer plus d'impôts !

Ce qui est fondamental, c'est le sens à donner à la réduction des dotations de l'État. Nous devons nous projeter dans l'avenir, conscients du risque que la dette publique s'accentue pour les générations futures. Des mesures certes dures ont été prises, sur une période trop courte, mais le précédent président de la République avait aussi envisagé, je le rappelle, une diminution des dotations de l'État aux collectivités, sans avoir le temps de la mettre en oeuvre.

Président d'un conseil général pendant sept ans et élu local durant un quart de siècle, j'ai toujours milité pour un fonds de solidarité nationale qui évite les ruptures d'égalité entre les citoyens. Retrouvons le chemin que prit le Conseil national de la résistance dans la France à genoux, meurtrie et décimée de 1945 : celui de la solidarité nationale. Retrouvons cette solidarité, en particulier pour le RSA. Entendons cette demande d'une péréquation plus forte entre les collectivités. Les restrictions financières ont cette vertu d'obliger les élus locaux à réviser chaque ligne budgétaire, à être plus attentifs que lorsque l'argent public abondait.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - J'ai moi-même répondu à cette consultation en tant qu'élu local. À la question sur la nécessité de la réduction des dotations j'ai répondu de façon positive car, en tant que parlementaire, je suis conscient de cette nécessité. Pourquoi avions-nous lancé cette consultation ? Car le gouvernement, lorsqu'on échange avec lui, prétend que la diminution des dotations est soutenable pour tout le monde. Récemment, lors des questions cribles, il a affirmé que cela ne représentait que quelques pourcents des dépenses de fonctionnement, alors que le parlement l'alertait sur la réduction des investissements et ses conséquences sur la croissance et l'emploi.

L'intérêt de cette enquête, c'est de montrer que, quels que soient les leviers, l'investissement est le premier touché. Deux tiers des collectivités, et en particulier les communes de plus de 10 000 habitants, seront en-dessous du seuil suffisant d'épargne nette d'ici 2017. Cette consultation nous servira dans les futures négociations du projet de loi de finances et de la réforme de la DGF - de véritables bouteilles à l'encre - qui accroissent l'angoisse des élus locaux. Cette consultation, au lieu d'enfoncer des portes ouvertes, est intéressante et utile. Elle montre que nos inquiétudes sur l'investissement public sont justifiées. Que faire ? Il faut jouer sur la péréquation.

Mme Caroline Cayeux. - Cette étude corrobore celle que nous avons réalisée avec l'association des Villes de France, qui montre que les maires ont le sentiment que l'État leur demande de faire ce qu'il n'a pas fait : les restrictions budgétaires, les coupes dans les services publics... La réduction particulièrement brutale des dotations décidée à partir d'avril 2014, sans avoir été annoncée clairement, concerne beaucoup d'élus locaux qui se sont engagés à ne pas toucher à la pression fiscale et qui se retrouvent particulièrement démunis pour assurer leurs projets d'investissement et de fonctionnement.

Lors d'un déplacement pour l'association dans une autre région, j'ai constaté la diminution de ces dépenses. La presse se fait l'écho de l'arrêt de festivals, de l'interruption de programmes municipaux ou départementaux. C'est la vie économique globale qui sera totalement bousculée, à cause du dogme de Bercy selon lequel un surplus de dotation augmenterait les dépenses de fonctionnement. Mais nous avons le sens des responsabilités !

Certes, réduire la voilure est très difficile. Aller plus loin risquerait de remettre en cause le statut de la fonction publique, alors que toute entreprise privée peut réorienter régulièrement sa politique de personnel. Nos collectivités sont obligées de présenter un budget en équilibre, c'est la quadrature du cercle ! Trimestre après trimestre, j'examine avec ma direction des finances comment parvenir à l'équilibre budgétaire en 2017, qui ne sera probablement atteint qu'en 2020. Mes collègues sont contraints d'arbitrer parmi ces difficultés incommensurables mais croissantes. Merci pour ces informations de grande qualité.

M. Jacques Mézard, rapporteur. - Nous avons fait réaliser une analyse précise des conséquences de la baisse des dotations par le cabinet Michel Klopfer. Il ne s'agit pas de critiquer le gouvernement ou telle ou telle étude. Le constat est clair : une part importante des collectivités se trouvera dans le mur. Face à cela, il est important de faire le lien avec les élus locaux et de transmettre un certain nombre de messages. Certes, il faut faire des économies, mais on ne peut pas rester sans réagir. La fusion des régions réduira les dépenses de l'État, la DGF sera réformée, mais le pire interviendra après 2017. Il est du devoir du parlement de préparer cela.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je remercie les représentants de l'Ifop, nos rapporteurs et tous nos collègues. Cette démarche est utile. Nous devons, en tant qu'élus locaux, nous remettre en question et explorer ces sujets, comme nous le faisons dans nos collectivités, par le dialogue social, sur les 35 heures ou l'absentéisme.

Cette étude nous servira dans les négociations à venir, dans les réflexions avec les associations d'élus, avec l'AMF, qui doivent se poursuivre. Le combat continue. Cette étude sera d'autant plus utile quand l'ensemble de notre travail sera publié et diffusé, pour consolider les positions des territoires face à une certaine morgue, à l'idée reçue que nous serions laxistes, que nous déciderions au fil de l'eau. Non : nous faisons des efforts, nous innovons et nous nous remettons en question. Le maintien de réductions excessives entraînera des conséquences graves pour notre pays.