Mardi 10 avril 2018

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Audition de M. Thierry Dallard, candidat pressenti pour exercer les fonctions de Président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris

M. Hervé Maurey, président. - Nous entendons M. Thierry Dallard, candidat pressenti par le Premier ministre pour exercer les fonctions de président du directoire de l'établissement public de la Société du Grand Paris, en application de l'article 8 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Ce n'est pas une audition en application de l'article 13 de la Constitution : il n'y aura pas de vote à l'issue de cette audition.

Selon la loi relative au Grand Paris, le président du directoire est nommé par décret après avis du conseil de surveillance - qui a été favorable hier - et après audition devant les commissions permanentes compétentes du Parlement. Cette audition intervient dans un contexte compliqué : nous avons été assez impressionnés d'entendre Mme de Kersauson, présidente de la 2ème chambre de la Cour des comptes, évoquer cette dérive budgétaire et financière, décrite dans un rapport de la Cour. Le budget est passé de 19 milliards d'euros à 35 milliards d'euros, si ce n'est davantage, avec des retards qui compliquent la visibilité du projet.

Ancien élève de l'École normale supérieure et ingénieur des Ponts-et-chaussées, vous avez successivement travaillé au Centre d'études techniques de l'équipement Méditerranée, ancêtre du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), puis à la Direction départementale de l'équipement (DDE) des Bouches-du-Rhône, avant de rejoindre la société des Autoroutes du sud de la France (ASF) comme directeur du développement. Vous avez également été en poste au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer puis en 2007, vous avez rejoint la société Méridiam infrastructure, spécialisée dans le développement et le financement de projets d'infrastructures. Pour marquer cet engagement dans la durée, vous avez démissionné de la fonction publique en 2017.

Vous avez donc un profil de technicien qui paraît offrir toutes les garanties nécessaires pour cette fonction, même si vous avez davantage travaillé sur les infrastructures routières. Il y a eu une soixantaine de candidatures. De quelle manière le choix a-t-il été fait ? Quelle est votre feuille de route dans le cadre de cette équation très compliquée, avec un objectif fixé par le Premier ministre de réduction des coûts du Grand Paris Express de l'ordre de 10 %, alors même qu'un certain nombre de projets d'interconnexion ne seraient pas financés à ce stade ? Vous évoquerez sans doute le respect des échéances et notamment celle de 2024. Même s'il y a eu un rephasage - raisonnable par rapport à un chantier que le Premier ministre a qualifié de « chantier du siècle » - le projet est particulièrement important, avec 200 kilomètres de lignes, 68 gares et interconnexions. Il y a même des problèmes très concrets : une vingtaine de tunneliers seraient nécessaires, alors qu'il y en a autant dans toute l'Europe...

Quels sont les liens de votre société avec la Société du Grand Paris ? Quelle sera votre future indépendance, sachant que vous êtes en poste depuis une dizaine d'années ?

M. Thierry Dallard, candidat pressenti pour exercer les fonctions de Président du directoire de l'établissement public Société du Grand Paris. - C'est un honneur de présenter mon parcours et mes réflexions sur ce grand projet, le Grand Paris Express, pour le mener à bien et le plus vite possible.

Ce projet est d'abord défini par son gigantisme. Le Premier ministre évoque le projet du siècle, c'est plutôt le projet d'une génération. Le réseau parisien de métro fait aussi 200 kilomètres, mais la ligne 1 a été mise en service en 1900 et la ligne 14 dans les années 1990. Il aura fallu presque un siècle pour le réaliser. Comment faire le Grand Paris Express dans des délais beaucoup plus courts ? De même, il aura fallu 15 ans, de 1962 à 1977, pour réaliser la partie centrale du RER A, de Nanterre à Nation. Cela montre la complexité et le temps nécessaire pour ce projet très ambitieux - et l'on manque de qualificatifs...

À l'échelle mondiale, il y a d'autres projets de cette ampleur, il y en a eu et il y en aura encore. C'est effectivement le plus important projet à réaliser dans des délais extrêmement brefs pour l'histoire française et pour celle de l'Île-de-France ; mais Singapour, ville-État de 4 millions d'habitants, est en train de réaliser un projet de taille comparable. D'autres métropoles ont des projets similaires. C'est un défi qui confirme l'ambition française d'avoir en son sein une métropole de niveau mondial. Ce sera pour nos entreprises, nos ingénieries et nos savoir-faire la démonstration que nous sommes leader dans ce domaine. Ce sera aussi l'occasion de continuer à développer ce savoir-faire à l'étranger - une donnée économique qui dépasse largement l'échéance de la réalisation du Grand Paris. Lorsqu'on a ma carrière de maître d'ouvrage, on ne peut pas être indifférent à ce projet essentiel et emblématique en soi.

Deuxième donnée importante sans laquelle je ne serais pas là aujourd'hui, le Gouvernement a rappelé sa volonté de mener à bien ce projet. Le périmètre a été confirmé, malgré un recalage de calendrier - je n'utiliserai pas le terme de « dérive », car nous ne sommes qu'au début du projet. Les dérives interviennent lorsque le projet est réalisé au tiers ou à la moitié... Les dérives sont devant nous, si les risques n'ont pas été quantifiés au bon niveau pour la programmation budgétaire. C'est le troisième quinquennat au cours duquel le projet a été confirmé. La Société du Grand Paris a survécu et sa feuille de route a été confirmée. C'est essentiel pour moi en tant que candidat. Je partage l'ambition, l'intérêt du projet et sa faisabilité - même si les choses ne se passeront évidemment pas comme prévu.

Enfin, au-delà d'un projet technique et financier, évoqué en kilomètres et en milliards d'euros, c'est un acte d'aménagement qui doit s'inscrire dans la politique de la ville et desservir les quartiers qui ne le sont pas ou mal, relier des bassins d'emploi et donc des bassins de vie, créer de l'emploi et des richesses pour les entreprises et donc pour la collectivité, et développer une offre nouvelle de logements qui fait cruellement défaut.

Nous ne construisons plus, à l'instar des grandes infrastructures de transports collectifs de l'Île-de-France, de nouvelles radiales - celles-ci créent de nouveaux espaces d'urbanisation et renforcent l'étalement urbain. C'est un objectif de politique publique : il faut densifier. Répéter à l'envi qu'il faut lutter contre la consommation des matières premières - protéger l'eau, lutter contre le réchauffement de la planète - est un voeu pieux tant que l'étalement urbain continue. Le Grand Paris est un défi technique mais aussi un enjeu pour briser le toujours plus grand, afin de reconstruire une ville et densifier une métropole d'ampleur mondiale. Voilà les trois raisons qui m'intéressent dans ce projet.

Vous avez rappelé mon parcours. J'ai passé onze ans dans le privé, douze ans dans l'administration du ministère de l'équipement et deux ans entre les deux, au sein de l'établissement ASF, qui n'était plus vraiment public puisque 49 % de ses parts étaient vendues au privé, mais avant sa privatisation complète en 2005.

J'ai ainsi une expérience de terrain de dix ans de maître d'oeuvre et de maître d'ouvrage au sein des directions départementales de l'équipement, auprès des collectivités. J'ai travaillé sur des projets routiers dont certains sont assez connus comme le viaduc de Millau, le contournement de Nice ou l'autoroute dans le secteur alpin, mais également sur des projets de transports collectifs comme le réseau de tramway ou le prolongement du métro dans la communauté urbaine de Marseille. Lors de mon retour au sein de l'État après mon passage à ASF, à l'occasion des lois de décentralisation de 2004, j'ai piloté la réorganisation des services du ministère et créé les services de maîtrise d'ouvrage. La maîtrise d'ouvrage est le fil rouge de mon action, à la fois dans les services territoriaux de l'État, en administration centrale, puis durant mes onze années dans le privé. Cette notion caractérise le mieux mon engagement personnel, mes compétences et, in fine, mon métier.

En 2007, Meridiam était une petite start-up de dix personnes, qui travaillait sur un projet de tunnel sous-marin en Irlande, pour un financement de 100 millions d'euros sous gestion. Désormais, Meridiam a près de 7 milliards d'euros sous gestion, a réalisé 60 projets qui totalisent près de 50 milliards d'euros d'investissements, et rassemble plus de 200 personnes. Peu connue du grand public, l'entreprise est très connue dans le secteur des infrastructures. C'est un bel exemple de start-up française qui réussit. J'ai appris une autre façon d'exercer le métier de maître d'ouvrage avec les outils du privé, et avec un souci permanent de la maîtrise des coûts et des délais, pour trouver les bons contrats et les bonnes structures de partage des risques : une jeune start-up ne peut pas s'éloigner de sa cible, sinon elle aura du mal à se développer.

Ce projet d'une grande complexité a fait l'objet d'une annonce courageuse : reconnaître que l'on s'est trompé sur 20 % à 30 % du coût initial, que les sujets techniques sont plus complexes et que le calendrier sera plus long est un facteur important pour avancer. Je m'engage devant vous : la notion de transparence est pour moi essentielle, je la pratique depuis 25 ans, et elle est aussi essentielle lorsqu'on doit porter un projet qui n'a aucune chance de réussir sans un portage à tous les niveaux, des élus de la Nation aux élus de terrain - et notamment la région, autorité organisatrice à travers l'agence Île-de-France Mobilités. Il faut non seulement remplir cette mission, mais aussi être garant de son intégrité. Je ne vais pas abandonner telle ou telle partie pour tenir les délais ou l'enveloppe.

Il faudra être très vigilant pour trois familles d'acteurs. D'abord, les personnels de la Société du Grand Paris (SGP) sont au coeur de tous les débats et objets de toutes les critiques. C'est le propre d'un maître d'ouvrage que d'être en première ligne. Je tiens à souligner la qualité du travail mené entre 2010 et la fin de 2014, date des premières enquêtes publiques pour la ligne 15. En un temps très court, cette équipe a réussi à asseoir la légitimité de ce projet - c'est le plus difficile. Je lis dans la presse que l'État n'est pas assez ambitieux, qu'il ne prévoit pas d'aller assez vite pour mener à bien le Grand Paris, mais une durée de 15 ans entre les décrets de déclaration d'utilité publique de 2015, date de naissance du projet, et 2030, date d'achèvement de l'ensemble du Grand Paris Express, suppose un projet dense ! C'est le temps qu'il a fallu pour la ligne de RER entre Nanterre et Nation...

Mes prédécesseurs ont su consolider politiquement un projet caractérisé par des contraintes importantes. Donner un plafond d'emplois de 200 personnes pour une maîtrise d'ouvrage d'un tel projet revient à attacher deux grosses enclumes aux chevilles de l'ancien président du directoire. La Cour des comptes a repris dans son rapport l'exemple de Crossrail à Londres, projet de modernisation du métro, dont la maîtrise d'ouvrage requérait 700 personnes. De même, j'ai l'expérience de la ligne de TGV Tours-Bordeaux qui a nécessité 6 milliards d'euros de travaux, soit un sixième du Grand Paris Express, et dont la mission de maîtrise d'ouvrage - gestion de l'environnement, expropriations, gestion des nuisances, relations avec le territoire, coordination des entreprises, gestion des risques...- rassemblait 200 personnes. On ne peut espérer construire 200 kilomètres de métro dans le Grand Paris, avec 200 personnes, pour 35 milliards d'euros, alors qu'il en faut à peu près autant pour un projet de 6 milliards d'euros dans une zone beaucoup moins dense ! Nous devons repositionner les équipes sur leur coeur de métier, dans une phase opérationnelle.

Deuxième enjeu, ce projet n'est pas uniquement technique, c'est un acte d'aménagement complexe dans son intégration urbaine. Paradoxalement, on parle beaucoup des difficultés des tunneliers, du besoin de congeler les sols ou des argiles vertes ; lorsque tout sera mis en service, plus personne n'évoquera ces problèmes, mais un sujet restera pour le prochain siècle : le fonctionnement des gares et leurs interfaces avec l'environnement urbain, pour assurer la mobilité entre tous les modes de transport. C'est un sujet majeur de collaboration avec les territoires et leurs représentants.

Il faut accompagner une troisième famille d'acteurs, les entreprises - d'ingénierie, de travaux publics - déjà mobilisées au travers de multiples marchés. Il faut les aider et les former. La véritable difficulté n'est pas d'obtenir des tunneliers - on peut toujours en acheter ou en construire, si on y met le prix - mais des équipes qui savent manier cet outil. Il faut des équipes expérimentées en travaux souterrains : tel est le plus grand facteur limitant, qui a conduit à réduire de 28 à 21 les tunneliers nécessaires - ce qui est encore très ambitieux.

Je rencontrerai très prochainement M. Gilles Carrez, à qui le Gouvernement a confié une mission sur le financement du projet. Spécificité de ce projet, ce financement est exclusivement assuré par la région Île-de-France et par ses communes grâce à la fiscalité particulière sur l'immobilier de bureau.

J'ai 52 ans. Cela fait 11 ans que je suis dans une entreprise à forte valeur entrepreneuriale, qui a connu une très forte croissance. J'aurais pu continuer cette aventure jusqu'au bout, avec de nouveaux champs de développement, en Afrique, en Turquie ou en Jordanie, et une forte croissance des effectifs, qu'il faut accompagner. Ce projet aurait été passionnant. L'alternative était celle ouverte par la nécessité de trouver un nouveau président du directoire de la SGP. J'ai choisi d'être candidat à cette autre éventualité, mais cela n'est ni un moyen de revenir dans un cycle de la fonction publique - j'ai démissionné du corps des Ponts en 2017 - ni dans une logique de faire un poste de deux ou trois ans pour rebondir dans un autre. Je suis candidat car je pense que le projet est faisable ; il va certainement subir encore de multiples tempêtes et évolutions, mais c'est à cet ouvrage que j'ai envie de consacrer mes prochaines années.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie.

M. Gérard Cornu. - Vous avez tout à fait le profil pour embrasser cette difficile fonction. Dans votre exposé, parfois technique, vous êtes déjà dans la peau de cette fonction. Il n'y a pas forcément de débat sur la personne qui doit être à ce poste important, mais deux débats méritent d'être posés. Pourquoi est-ce une fatalité que les grands projets dérapent financièrement et spolient soit les actionnaires, soit les collectivités qui les financent ?

Actuellement, il y a Paris, en Île-de-France et le reste de la France connaît d'énormes problèmes d'aménagement du territoire - visibles dans les rapports de MM. Jean-Cyril Spinetta et Philippe Duron - et des difficultés financières pour réaliser des projets. Le reste de la France voit aussi des sommes considérables consacrées au Grand Paris. Cela pose problème à de nombreux Français et met en cause l'harmonie de l'ensemble du territoire.

M. Patrick Chaize. - Merci de cet exposé et de votre présentation très motivée. Nous avons toujours regardé avec inquiétude l'évolution des coûts. L'estimation des travaux est-elle suffisamment fiable ? Le plan d'affaires est-il suffisamment solide pour garantir une véritable réussite ? Je ne suis pas inquiet pour ce grand chantier, utile pour notre pays, et il ne faut pas avoir peur des coûts de ces grands travaux. Néanmoins, il est aussi important d'avoir, en regard de ces investissements, des recettes liées aux coûts d'exploitation. Comment rendre les plans d'affaires plus pertinents ?

M. Arnaud Bazin. - Sénateur du Val-d'Oise, je présidais ce département de 2011 à 2017. À ce titre, j'ai siégé assidûment au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. Vous avez certainement déjà pu mesurer la crise de confiance entre les élus d'Île-de-France, la Société du Grand Paris et l'État. Quelle est la crédibilité de la parole de l'État ? Comment rétablir la confiance nécessaire entre le président du directoire et les élus ? Dans votre brillante carrière, vous avez fait la démonstration de vos capacités de maître d'ouvrage. Mais comment envisagez-vous la relation avec les élus, une des conditions de la réussite du portage collectif que vous avez évoqué ?

Il y a une très grave crise de confiance : jusqu'à l'été 2017, toutes nos interventions - dont les miennes - portaient régulièrement sur la crédibilité de la réalisation du calendrier. La réponse était la même de la part du directoire : dormez tranquille, tout sera réalisé dans les délais prévus... Sauf que l'été dernier, il est apparu que les délais pouvaient être respectés, mais avec 200 millions de dépenses supplémentaires pour la ligne 17 uniquement... Depuis, nous avons appris que le projet n'était techniquement pas possible, selon une analyse de la Cour des comptes... Comment comptez-vous répondre à cette crise de confiance et rétablir la transparence nécessaire ? Le décret de création de la Société du Grand Paris prévoyait initialement une tutelle de trois ministères - c'est aussi l'un des problèmes de la gouvernance de la SGP. Comment et à qui rendrez-vous compte, directement au ministère des transports ou au préfet de région ?

À chaque examen du budget, j'ai posé des questions sur le dimensionnement insuffisant des équipes. La Société du Grand Paris nous répondait que ce n'était pas formidable, mais qu'elles y arriveraient. Voilà encore un élément de crédibilité à rétablir. On estime qu'il manque plus de 200 postes. La Cour des comptes a dénoncé une externalisation et une dépendance de la SGP à l'égard de bureaux d'études extérieurs. Avez-vous obtenu des engagements précis de la Direction du budget pour disposer des effectifs nécessaires afin de mener à bien un projet d'une telle ampleur ?

Nous nous interrogeons sur la crédibilité définitive du budget global, auquel contribuent les habitants et les entreprises d'Île-de-France. L'État n'a jamais versé ses 4 milliards d'euros initialement prévus - c'est d'ailleurs une des raisons du dérapage parce que cela a généré des intérêts, selon la Cour des comptes.... Lorsque ce projet sera réalisé, il rapportera plus de 100 milliards d'euros de PIB pour la France. Mettons davantage en avant ces recettes considérables en regard des dépenses.

M. Thierry Dallard. - Heureusement, le fort dépassement des budgets initiaux des grands projets n'est pas une fatalité. Certes, certains éléphants blancs comme Eurotunnel ont marqué les esprits. De nombreux risques ont été sous-estimés alors que la partie géologique du tunnel sous la Manche était très simple. Les conséquences de la commission de sécurité ont mené à une surenchère et à une revue complète du projet alors que les recettes n'étaient pas plus importantes. Cela a très mal fini pour les actionnaires. Même si chaque cas est individuel, chaque problème est dû à une sous-estimation des risques. Il en est de même dans les contrats de plan État-région.

M. Hervé Maurey, président. - Pourquoi sous-estime-t-on ces risques ?

M. Thierry Dallard. - Le risque est souvent mal cerné au moment du démarrage du projet. Il y a un risque supplémentaire fréquent d'instabilité budgétaire pour les projets financés sur le rythme budgétaire. Toutes les DDE ont connu cela durant les dernières décennies : vous organisez un allotissement, lancez des appels d'offre, et tout est arrêté faute d'autorisations ou de crédits de paiement nécessaires. Il faut couper le projet en tranches, le relancer, et cela coûte cher. La SGP a l'avantage d'avoir une fiscalité dédiée. Le financement doit être mis au service du planning - il y aura déjà suffisamment à faire avec les risques techniques. Dans certaines zones, on peut devoir congeler le sol pour faire des trous, et plus cette nécessité multipliera, plus cela sera long et coûtera cher. L'évaluation de ces risques peut être plus ou moins respectée... C'est un projet d'aménagement, et non une science exacte ni un produit manufacturé à la chaine.

Comment, face à chaque risque, définir un plan B ou C, une solution qui peut éventuellement coûter moins cher ? La maîtrise d'ouvrage doit être très réactive. Lorsqu'un aléa est rencontré, il faut pouvoir décider rapidement sur la base d'une expertise fiable, et en toute autonomie, sur le terrain. Le Premier ministre s'est engagé à investir les moyens nécessaires. Le plafond d'emplois doit disparaître. Je ne suis pas capable d'estimer le nombre de personnes nécessaires - un audit est en cours. Il devra à la fois préciser le nombre de personnes nécessaires, à quel moment, et avec quels profils, afin de ne pas totalement dépendre des entreprises extérieures sur le plan technique, mais aussi de pouvoir gérer les marchés publics - si l'on traite dix fois plus de contrats qu'on ne le peut, on fera preuve de moins de vigilance.

L'équilibre entre l'Île-de-France et la province est un sujet éminemment sensible. En tant que candidat à la présidence du directoire, je ne suis pas légitime à me prononcer sur ce sujet. Mais à l'automne dernier, j'ai pu mesurer lors des Assises de la mobilité que contrairement à une idée assez erronée, ce n'est pas parce que notre pays est équipé qu'il n'a pas besoin d'équipements...

Les besoins d'équipement sont de plus en plus coûteux, à Paris comme à Lyon, Toulouse ou Marseille. Le Grand Paris a pour particularité d'être financé par la fiscalité de ses entreprises et de ses habitants : c'est une des conditions posée dès son lancement.

Les estimations sont-elles fiables ? Je n'ai pas fait la tournée de tous les acteurs, mais j'imagine que le travail réalisé par les équipes de la Société du Grand Paris est sérieux, et je n'imagine pas que les chiffres donnés n'aient pas été communiqués avec sincérité.

Quant aux évaluations du risque, il est possible qu'elles soient encore révisées : c'est pourquoi il faut mener à bien, en parallèle, un plan de recherche d'économies, afin d'être prêts à réagir lorsque les aléas se matérialiseront. Il ne s'agit pas de revenir sur les fonctionnalités du projet mais d'examiner son ordonnancement : il suffit parfois de réorganiser un appel d'offres pour optimiser les coûts et faire disparaître un risque.

J'ai évoqué en introduction la crise de confiance : c'est l'un des éléments-clés. Sans confiance, impossible d'avancer ni de prendre les décisions nécessaires. Ce sera donc pour moi une question prioritaire. Mais la confiance, cela ne se décrète pas ! J'aurai besoin, en tant que maître d'ouvrage, d'un tableau de suivi des risques. Le document qui existe est illisible car trop technique. J'aimerais en faire quelque chose de simple, de transparent et de communicable, pour que les risques que nous allons gérer au fil de l'eau soient partagés et suivis.

L'un des gros enjeux sera la tutelle de l'État car, si l'État est unique, il a tendance à être pluriel. La chance de ce projet est qu'il suscite une préoccupation très forte à la tête du gouvernement. Cela aidera à obtenir des arbitrages rapides si besoin. De fait, nous sommes dans une course contre la montre. Ce projet est en fait une combinaison entre un cent mètres et un marathon : il faut tenir sur la distance, mais ne pas passer six mois à se poser des questions à chaque étape.

La mission de Gilles Carrez sera évidemment un moment important pour ajuster les coûts estimés au regard des aléas. Un projet urbain peut récupérer les recettes générées autour des gares : en fait, celles-ci sont souvent assez modestes, en tous cas elles ne sont pas à l'échelle. Certes, un sou est un sou. En réalité, ces recettes jouent surtout sur la crédibilité des acteurs privés.

Quant à la création de richesse, je ne saurais vous dire s'il elle s'élèvera à 100 ou 200 milliards d'euros ; en tous cas, on ne communique pas assez sur ce thème. Les projets d'infrastructures, qui sont souvent vus comme des projets coûteux, sont tout de même des investissements ! Dans le cas de la Société du Grand Paris, les débats qui ont eu lieu montrent bien que la rentabilité socio-économique est indiscutable : ce projet est porteur de richesses directement et indirectement. Pour lutter contre le réchauffement de la planète ou économiser les ressources, la re-densification urbaine est incontournable. C'est un projet essentiellement environnemental.

M. Hervé Maurey, président. - Vous avez raison : Bercy a tendance à ne regarder que la colonne des dépenses et pas le gain apporté par un projet. C'est comme si un chef d'entreprise renonçait à acheter une machine uniquement parce qu'elle coûte cher, sans s'intéresser à ce qu'elle pourrait rapporter ! Il y a une dizaine d'années, quand j'ai commencé à travailler sur le déploiement du très haut débit, on m'a dit à Bercy que le déficit public était tel qu'on n'allait pas encore dépenser des millions d'euros... Je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à la question sur la perception de ce projet dans les territoires.

M. Benoît Huré. - Oui, c'est une communication positive qu'il faut avoir, car elle peut intéresser bien au-delà du Grand Paris. Ajoutons qu'un tel chantier, pendant sa durée, contribue massivement à l'enrichissement collectif. Les emplois qu'il crée, ce sont autant de chômeurs en moins. Les entreprises qu'il fait travailler paient l'impôt et les charges sociales. Ces considérations incluent l'ensemble des Français dans la dynamique du projet.

M. Thierry Dallard. - Vous avez raison. De plus, la concentration du projet dans le temps crée un vrai enjeu de ressources humaines. Il va falloir former à une multitude de métiers, de l'ouvrier spécialisé à l'ingénieur en passant par le technicien et nombre de métiers intermédiaires qui ne sont pas uniquement liés aux travaux souterrains. Un projet de cette nature, à travers le projet urbain et le projet territorial qu'il porte, a vocation à ne pas être le dernier, loin s'en faut. En France comme à l'étranger, il sera dupliqué. C'est une force pour nos entreprises, notamment à l'export. De la même manière que les métros de Londres et de Paris avaient été pionniers, ce projet fera école par son ampleur.

M. Sébastien Meurant. - En commission des finances, lorsqu'on voit passer des chiffrages allant de 25 à 35 milliards d'euros, on se pose des questions : un tel écart laisse songeur. Il est vrai que la période de taux bas que nous connaissons est favorable pour lancer des grands projets d'infrastructure. Vous avez travaillé sur des ouvrages qui ont fait appel au financement privé, ce qui est un bon point. Effectivement, des taxes sont affectées à ce projet. Le département du Val-d Oise paie mais trouve qu'il n'aura que peu de retombées positives, avec une portion de ligne uniquement. Je m'interroge sur le coût des infrastructures ferroviaires et des aménagements correspondants - notamment les gares. Les architectes sont des artistes, ce qui n'est pas toujours une bonne nouvelle pour les finances ! Qui exploitera ces infrastructures ? SNCF, RATP, entreprises privées ?

M. Arnaud Bazin. - Vous avez évoqué la question des interconnexions, qui est essentielle, notamment pour les départements qui sont peu pourvus en gares comme le Val-d'Oise. Nous avons des radiales vers Paris, mais l'interconnexion de ces radiales avec le métro automatique est évidemment cruciale. C'est l'un des éléments qu'on a mis en avant pour faire accepter le projet par nos électeurs, puisque cela facilitera leurs déplacements au quotidien de banlieue à banlieue. Or, la Cour des comptes a montré que ces interconnexions étaient largement sous-financées. Qu'en pensez-vous ?

M. Sébastien Meurant. - Par exemple, pour Pleyel-Saint-Denis...

M. Thierry Dallard. - Je n'ai pas encore une vision exhaustive du sujet...

M. Hervé Maurey, président. - Vous n'êtes que pressenti !

M. Thierry Dallard. - Il y a effectivement des enjeux d'interconnexions. Ils concernent souvent des investissements qui ne sont pas sur le Grand Paris Express mais qui prévoient par exemple la création d'une gare sur le réseau ferré national. La ministre des Transports a annoncé une enquête publique sur l'un de ces projets. Je regarderai ce sujet avec beaucoup d'attention, même s'il dépasse partiellement mon champ de compétences. De toutes façons, le Grand Paris Express est là pour interconnecter les radiales - mais celles-ci ont aussi leurs propres contraintes d'exploitation.

Sur les 68 gares, je n'ai pas encore mesuré où nous en sommes. Pour certaines, on a déjà commencé à creuser. Presque toujours, se pose la question du caractère emblématique d'une gare. Dans la genèse d'un projet, il faut faire rêver, par exemple en l'incarnant par une image fédératrice. A Paris, le métro s'est réalisé de manière discrète, même s'il a fallu éventrer les boulevards - ce qui serait une solution pour réduire les coûts ! Résultat : le métro est très discret dans son émergence parisienne. Il est vrai qu'une des études préliminaires prévoyait qu'un métro aérien traverse la place de l'Opéra...

Il y a une volonté de marquer un renouveau à travers les gares. Il faut être pragmatique, et il ne faudra rien s'interdire. N'oublions pas qu'on ne fait pas ce métro pour se faire plaisir mais pour qu'elle rende un service. L'établissement Île-de-France Mobilités sera l'autorité organisatrice auprès de la région. La loi prévoit que l'exploitant sera choisi par appel d'offres. L'ouverture pour la RATP sur la partie métropolitaine est fixée en 2039, et en 2025 pour les bus sur certaines parties du réseau.

M. Hervé Maurey, président. - Merci, et bon courage ! La priorité sera d'être à nouveau crédible en termes de délais et de budget. L'échéance de 2024 est absolument incontournable, même si elle est très proche.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 05.

Mercredi 11 avril 2018

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Groupe de travail « Lutte contre la pollution de l'air » - Examen du rapport d'information

M. Hervé Maurey, président. - Mme Nelly Tocqueville nous présente ce matin les conclusions du groupe de travail qu'elle préside sur la pollution de l'air.

La pollution de l'air est un enjeu sanitaire majeur, responsable de 48 000 décès prématurés chaque année. La France, comme plusieurs autres pays européens, dépasse les normes relatives à la qualité de l'air fixées par l'Union européenne. Ces dépassements récurrents ont conduit la Commission européenne à engager, en 2009 et 2015, deux procédures précontentieuses à l'encontre de la France pour non-respect des valeurs limites en vigueur pour le dioxyde d'azote et les particules fines PM10. Ces procédures, en cours, pourraient déboucher prochainement sur une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) : la Commission devrait donner sa position à la fin du mois d'avril.

Prenant acte du fait que les mesures mises en place pour réduire la pollution atmosphérique sont insuffisantes, le Conseil d'État, en juillet 2017, a enjoint le Gouvernement à élaborer et mettre en oeuvre des plans d'actions permettant de ramener les concentrations de polluants en dessous des valeurs limites dans quatorze zones, et à les transmettre à la Commission européenne d'ici le 31 mars 2018. Le Gouvernement a en conséquence confié aux préfets des régions concernées la responsabilité d'élaborer des feuilles de route opérationnelles.

C'est dans ce contexte que notre commission a souhaité créer un groupe de travail, présidé par notre collègue Nelly Tocqueville. Compte tenu des délais, l'objectif de ce groupe de travail n'était pas de faire une évaluation exhaustive de la politique gouvernementale en matière de lutte contre la pollution de l'air, mais de regarder comment ces feuilles de routes ont été élaborées, et si les mesures qu'elles contiennent sont à la hauteur des enjeux.

Mme Nelly Tocqueville, présidente du groupe de travail. - Chaque jour, nous inspirons et expirons 12 000 litres d'air. La qualité de l'air que nous respirons conditionne notre état de santé. La pollution de l'air est la principale cause environnementale de mortalité : chaque année, 48 000 personnes meurent prématurément en France du fait qu'elles respirent un air pollué. L'exposition aux polluants atmosphériques contribue au développement et à l'aggravation de maladies respiratoires, des maladies cardiovasculaires ou encore des cancers de l'appareil respiratoire. Le Centre international de recherche sur le cancer a d'ailleurs classé la pollution de l'air comme cancérogène certain pour l'homme en 2013. Il s'agit donc d'une urgence sanitaire, connue depuis longtemps.

À cet impact sanitaire s'ajoute un coût socio-économique important. Dans son rapport de juillet 2015, la commission d'enquête du Sénat sur le coût de la pollution de l'air - dont j'étais membre - a évalué à 3 milliards d'euros le coût annuel pour le système de santé associé à la prise en charge des maladies imputables à la pollution de l'air, et entre 70 et 100 milliards d'euros le coût socio-économique résultant des pathologies et des décès prématurés.

Les efforts conduits ces dernières années pour réduire la pollution de l'air, au moyen de la règlementation des émissions industrielles, l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments ou la modernisation du parc automobile, ont entraîné une baisse continue des émissions et des concentrations de polluants. Entre 2000 et 2016, les émissions de dioxyde de soufre ont ainsi baissé de 78 %, celles d'oxydes d'azote de 49 % et celles de particules fines PM10 et PM2,5 de, respectivement, 41 % et 48 %.

Malgré cette baisse, de nombreuses agglomérations affichent des dépassements récurrents des normes de qualité de l'air fixées par le droit européen et transposées en droit national. En 2016, seize agglomérations étaient exposées à des concentrations moyennes de dioxyde d'azote supérieures aux valeurs limites, et trois agglomérations étaient dans une situation similaire concernant les particules fines PM10. Ces agglomérations sont pour la plupart situées dans l'est et le sud de la France métropolitaine, en plus, naturellement, de la région Ile-de-France.

L'absence de dépassement des normes en vigueur ne signifie pas pour autant que les populations ne sont pas exposées à des polluants dangereux pour leur santé. Les normes de qualité de l'air fixées par l'Union européenne sont en effet supérieures aux valeurs que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime de nature à réduire fortement les risques sanitaires de la pollution de l'air. Si l'on tient compte des valeurs OMS, 92 % de la population française est exposée à des concentrations de particules fines PM2,5 excessives et représentant une menace pour leur santé.

Vous le voyez, il reste encore du chemin à parcourir pour réduire les effets néfastes de la pollution de l'air sur la santé.

La France fait l'objet de deux procédures précontentieuses lancées par la Commission européenne pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d'azote et aux PM10. Ce n'est pas le seul État membre de l'Union européenne dans ce cas, puisque huit autres sont en situation de précontentieux européen, et deux ont déjà été condamnés par la CJUE : la Bulgarie en avril 2017 et la Pologne en février dernier. L'hypothèse d'une condamnation de la France n'est donc pas exclue, la Commission européenne ayant indiqué qu'elle prendrait la décision de saisir ou non la Cour de justice d'ici la fin du mois d'avril.

Prenant acte de la persistance des dépassements et de l'insuffisance des mesures mises en oeuvre, le Conseil d'État a, dans une décision de juillet 2017, enjoint le Gouvernement à élaborer et transmettre à la Commission européenne d'ici le 31 mars 2018 des plans d'actions dans quatorze zones permettant de ramener les concentrations de polluants sous les valeurs limites. Le Gouvernement a donc annoncé l'élaboration, par les préfets des régions concernées, de feuilles de route devant prévoir des actions locales permettant de réduire à court terme la pollution de l'air. Le calendrier a été tenu puisque les feuilles de route ont été effectivement réalisées et présentées devant le Conseil national de l'air le 20 mars dernier.

Notre groupe de travail visait à apprécier la manière dont les feuilles de route ont été élaborées, et si les mesures qu'elles prévoient sont à la hauteur des enjeux.

Un mot d'abord sur leurs conditions d'élaboration. Afin de respecter l'échéance du 31 mars 2018, le Gouvernement a décidé de ne pas procéder à une révision anticipée des plans de protection de l'atmosphère (PPA) couvrant les régions concernées par des dépassements, compte tenu de leur durée d'élaboration, souvent longue. Le choix de recourir à des feuilles de route a permis de réaliser un travail plus rapide, mais qui de ce fait présente plusieurs lacunes.

D'abord, ces feuilles de route n'ont pas à proprement parler d'existence juridique : elles s'apparentent à du droit souple, dont la portée normative n'est pas assurée. Ensuite, elles s'insèrent dans un paysage déjà dense et complexe de documents de planification relatifs à la qualité de l'air : le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa) et les plans de protections de l'atmosphère (PPA) élaborés par l'État et ses services, d'une part ; les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et les plans climat air-énergie territoriaux (PCAET) élaborés par les collectivités territoriales, d'autre part. Cela pose un problème de lisibilité de l'action publique. En outre, compte tenu des délais, les préfets n'ont pas pu réunir l'ensemble des acteurs traditionnellement impliqués lors de l'élaboration des PPA, comme les représentants du milieu économique, les associations environnementales ou les agriculteurs. Ceux-ci ont souvent été, au mieux, tenus informés des mesures pressenties pour figurer dans les feuilles de route. Enfin, l'impact des mesures prévues par les feuilles de route en termes de réduction de la pollution de l'air n'a pas pu être modélisé et quantifié, faute de temps. En l'absence d'évaluation, il est donc difficile de savoir si les feuilles de route permettront de faire baisser les concentrations de polluants de manière suffisante pour pouvoir respecter les normes européennes, et donc si elles convaincront la Commission européenne de ne pas engager de procédure contentieuse contre la France.

Ces documents ont cependant eu au moins le mérite de mobiliser les collectivités territoriales autour de l'enjeu de lutte contre la pollution de l'air. En effet, le choix a été fait de centrer les feuilles de route sur les actions mises en oeuvre par les collectivités territoriales en vue de réduire les émissions polluantes.

La quasi-totalité des agglomérations sont concernées par des dépassements des valeurs limites de dioxyde d'azote, qui sont principalement imputables au trafic routier. Compte tenu des compétences des collectivités en matière d'organisation des transports, le choix de mettre l'accent sur les actions locales de lutte contre la pollution de l'air paraît justifié.

Cet exercice a d'ailleurs mis en lumière les disparités importantes, selon les régions, de prises de conscience et d'actions pour réduire la pollution de l'air. Si certains territoires sont mobilisés depuis longtemps en raison d'une situation particulièrement critique, comme la vallée de l'Arve, ou du fait d'un tissu associatif actif, comme à Strasbourg, il s'agit pour d'autres d'un problème moins aigu et donc moins bien appréhendé. Tel est le cas par exemple de l'agglomération de Valence, qui n'est pas couverte par un plan de protection de l'atmosphère, et pour laquelle l'élaboration de la feuille de route a donc été l'occasion de dresser un premier inventaire des leviers d'actions pouvant être actionnés.

J'en viens au contenu des feuilles de route. Quatorze zones sont concernées, réparties dans six régions : Auvergne-Rhône Alpes, Grand Est, Ile-de-France, Martinique, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les mesures que contiennent ces feuilles sont très hétérogènes, en termes d'objet, de calendrier de mise en oeuvre et de portée. Lors de mes auditions, je me suis particulièrement intéressée à quatre régions.

L'Ile de France est la principale région concernée en nombre d'habitants, puisque 1,6 million de franciliens sont exposés à des concentrations en oxydes d'azote supérieures aux valeurs limites, et 300 000 sont dans ce cas s'agissant des particules fines. Dans cette région, l'élaboration de la feuille de route a coïncidé avec la finalisation d'un nouveau plan de protection de l'atmosphère pour la période 2017-2020, dont l'élaboration a été engagée en 2016 et qui a été adopté le 31 janvier dernier. Compte tenu de ce calendrier, il a été décidé de centrer la feuille de route sur les actions mises en oeuvre par les collectivités territoriales franciliennes, notamment dans le domaine des transports et dans le secteur résidentiel et tertiaire.

La feuille de route n'a donc pas constitué un exercice de définition de nouvelles mesures, mais a agrégé un certain nombre d'actions déjà engagées par les collectivités et retracées dans leurs propres documents stratégiques, comme le plan régional pour la qualité de l'air 2016-2021 de la région Ile-de-France, ou le plan climat air énergie de la métropole du Grand Paris. La plupart de ces mesures concernent le secteur des transports et visent, entre autres, à développer les transports en commun propres, à verdir les flottes des administrations et des entreprises, à développer le covoiturage et l'usage de mobilités douces, ou encore à soutenir l'acquisition de véhicules propres.

Parmi ces différentes mesures, une semble devoir retenir l'attention en raison de son caractère structurant et de son impact important sur la pollution de l'air : le renforcement de la zone à circulation restreinte (ZCR) à Paris et son extension à d'autres communes limitrophes. La ville de Paris a mis en place, le 1er juillet 2016, une ZCR afin de restreindre la circulation des voitures les plus polluantes. Concernant au départ les véhicules immatriculés avant 1997, cette restriction a été étendu, le 1er juillet 2017, aux véhicules classés « Crit'Air 5 », c'est-à-dire aux véhicules diesel immatriculés avant 2001. L'objectif est d'étendre progressivement les restrictions de circulation aux Crit'Air 4 en 2019, aux Crit'Air 3 en 2022 et aux Crit'Air 2 en 2024, ce qui correspondrait en pratique à une interdiction des véhicules diesel à cette date.

La métropole du Grand Paris étudie actuellement la possibilité de mettre en place, au 1er janvier 2019, une telle ZCR sur l'ensemble du périmètre délimité par l'autoroute A 86, soit sur un ensemble de 80 communes. Des études préparatoires ont été lancées en ce sens et un comité de pilotage mis en place. Une telle extension pose la question de l'harmonisation avec les restrictions prévues par la ZCR parisienne, qui doit donc être durcie en 2019. Il paraît nécessaire que la mairie de Paris et les autres communes concernées travaillent de concert pour prévoir une adéquation entre leurs ZCR respectives. J'interrogerai Mme Hidalgo sur ce point cet après-midi.

Dans la région Auvergne-Rhône Alpes, les dépassements concernent cinq territoires : Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Valence et la vallée de l'Arve. Près de la moitié de la pollution aux particules fines provient du secteur résidentiel, en raison du chauffage au bois. Quant au dioxyde d'azote, qui provient majoritairement du trafic routier, l'exposition à ce polluant se concentre logiquement dans les zones les plus urbanisées.

Les feuilles de route de cette région prévoient donc plusieurs mesures visant à accélérer le renouvellement des appareils au bois peu performants, notamment par un élargissement des financements du fonds « air-bois » porté par l'Ademe, au profit d'autres sources d'énergie comme le solaire ou le biogaz. En matière de transport, les feuilles de route visent à accompagner les projets des agglomérations lauréates de l'appel à projets « villes respirables à 5 ans » pour mettre en place des ZCR. Des réflexions sont en cours pour permettre un contrôle automatisé des véhicules dans ces zones, par un système de lecture optique des plaques d'immatriculation. Les feuilles de route comprennent également des mesures pour développer le covoiturage, notamment dans l'agglomération lyonnaise, par la création de voies réservées aux transports en commun et au covoiturage.

Dans la région Grand Est, il existe une disparité importante entre les deux territoires concernés : si l'Eurométropole de Strasbourg est très mobilisée depuis de nombreuses années sur la question de la lutte contre la pollution de l'air, il s'agit pour Reims et son agglomération d'un problème plus récent et par conséquent moins bien appréhendé par les élus et les citoyens. À Reims, les principales mesures recensées par la feuille de route portent sur l'engagement d'une réflexion sur l'interdiction de la traversée urbaine de Reims pour les poids lourd, le développement de « zones 30 » dans l'hyper centre ou encore le lancement d'une étude prospective relative à la création d'une zone à circulation restreinte applicables aux véhicules de transport de marchandises. La métropole de Strasbourg envisage également de mettre en place une ZCR pour le transport de marchandises, et compte poursuivre le développement d'un « réseau express à vélo » sur plus de 130 kilomètres ou encore procéder à l'électrification de la flotte de bateaux gérée par la filiale du Port Autonome de Strasbourg « Batorama ».

Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur enfin, Nice, Marseille-Aix et Toulon sont concernées par des dépassements pour le dioxyde d'azote, le niveau de particules fines ne dépassant plus les valeurs limites, tout en restant supérieur aux recommandations de l'OMS. Les mesures se concentrent donc sur le secteur des transports, pour désengorger les zones denses, notamment par des parkings relais et des réductions de vitesse, et pour encourager les alternatives à la voiture individuelle, par des abonnements multimodaux aux transports collectifs. Les feuilles de route prévoient également de réduire les émissions des activités maritimes et portuaires, par l'électrification des navires à quai et la mise en place d'épurateurs mobiles de fumées. Concernant le secteur résidentiel, plusieurs mesures visent à améliorer la gestion des déchets verts, en limitant les dérogations à l'interdiction de brûlage - une pratique plus répandue que dans d'autres territoires - et en développant leur méthanisation.

Ces feuilles de route ont moins été l'occasion de définir de nouvelles mesures que de recenser celles déjà mises en place ou envisagées par les collectivités. Toutes ces mesures n'apparaissent pas comme des mesures de court terme - comme l'extension de lignes de transport en commun ou le déploiement de réseaux de bornes de recharge.

L'élaboration de ces feuilles de route ne doit pas être conçue comme la conclusion d'une procédure contentieuse mais comme une étape pour améliorer durablement la qualité de l'air. Le risque serait d'en faire un exercice ponctuel et formel, en réaction à un risque contentieux et dépourvu de suites concrètes. Il est donc indispensable de mettre en place un suivi rigoureux et régulier de la mise en oeuvre de ces mesures, aussi bien au niveau local qu'au plan national.

Il serait intéressant que ce suivi s'appuie sur une gouvernance élargie, permettant à toutes les parties prenantes de participer à la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures, à l'instar de l'instance de concertation mise en place dans la région Ile-de-France pour élaborer la feuille de route, co-pilotée par le préfet et par la présidente de la région. La concrétisation de ces feuilles de route doit permettre le développement de véritables projets de territoire pour la qualité de l'air. Le suivi des feuilles de route devra également déterminer rapidement le coût et les modes de financement des différentes mesures, car plusieurs d'entre elles nécessitent des ressources importantes, en particulier lorsqu'elles relèvent du secteur des transports. Faute de précision, ces mesures resteront lettres mortes. Il faudra enfin combler le manque d'évaluation préalable des feuilles de route, pour mesurer dans le temps l'impact des mesures prises, et les réorienter si elles s'avèrent inefficaces. Cela me semble également indispensable pour justifier ces décisions auprès de la population.

Vous l'aurez compris, il reste beaucoup à faire pour mettre en action les mesures listées dans ces plans, et plus généralement pour réduire la pollution atmosphérique à laquelle trop de nos concitoyens sont encore exposés, ce dont ils ne semblent d'ailleurs pas toujours conscients. Telle est avant tout notre responsabilité, en tant qu'élus nationaux et locaux. Car si lutter contre la pollution de l'air est aujourd'hui une responsabilité morale, il s'agira peut-être demain, en cas de carence prolongée, d'une responsabilité pénale - nous en avons déjà un exemple dans la vallée de l'Arve.

M. Hervé Maurey, président. - Merci pour ce travail de grande qualité, mené dans des délais très courts.

Mme Michèle Vullien. - En Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons créé en 2001 le Club des villes durables afin de sensibiliser les communes à la pollution liée aux transports. Le problème, c'est que les mesures ne sont parfois qu'incitatives, se télescopent, ou sont imbriquées avec d'autres plans, comme le plan climat. Elles exigent en outre d'être déclinées au plus près du terrain.

Il faut également impliquer au maximum les citoyens qui, sauf allergie, se plaignent plus spontanément des embouteillages et du bruit que de la pollution. Les ZCR ne font que prendre la suite des zones d'action prioritaires pour l'air, sur lesquelles nous avons longtemps travaillé avant de mettre le dossier au fond d'un tiroir... Les mesures doivent en outre être rendues acceptables. L'interdiction des feux de bois, par exemple, ne rime à rien. Il faut enfin aider à la conversion des véhicules. L'électrique est selon moi une fausse bonne idée - nous en reparlerons.

M. Michel Vaspart. - Nous l'avons constaté hier à l'occasion d'une réunion d'Armateurs de France : certaines mesures se mettent en place, comme l'électrification des navires à quai. Le mouvement d'électrification à tous les niveaux est enclenché.

Cependant, les énergies marines renouvelables ont du plomb dans l'aile, compte tenu de la volonté du Gouvernement de remettre en cause les marchés passés, ce qui aggravera notre retard de production. Nous avons sans doute raison de promouvoir les déplacements propres, mais comment ferons-nous face à la demande d'électricité dans les années à venir ? Je n'ai pas l'impression que nos gouvernants aient conscience de ce problème. Les bonnes intentions, c'est bien, mais favoriser l'indépendance énergétique, c'est mieux.

M. Claude Bérit-Débat. - Je félicite la rapporteure pour son travail. Dans nos territoires, quelle que soit leur taille, la pollution de l'air fait l'objet de toutes les attentions. Elle était ainsi au coeur du plan de déplacements urbains de la communauté d'agglomération que j'ai présidée pendant plusieurs années. Elle provient le plus souvent des moyens de transport, et se trouve renforcée par des caractéristiques géographiques particulières - ce qui fait que certaines régions sont plus touchées que d'autres. Il faut certes informer et sensibiliser les citoyens, mais les sujets centraux restent ceux qui font le coeur de métier de notre commission : transports, pollution industrielle, par exemple. C'est un travail considérable, dont il sera difficile de venir à bout - la conclusion de la rapporteure en témoigne.

M. Guillaume Gontard. - Félicitations pour ce rapport très complet. Nous avons en effet besoin d'une démarche globale, redescendant jusqu'au citoyen, et abordant tous les aspects du problème : transports, énergie, rénovation thermique des bâtiments, etc. Dans la région grenobloise, l'action publique est forte en direction des particuliers, mais elle cible également les chaufferies collectives. Dans la vallée de l'Arve, l'enjeu du fret est considérable. Il faut enfin s'intéresser à la production d'énergies renouvelables, dont l'hydroélectricité est la première en France. Or de ce point de vue, la vente à la découpe des barrages n'est pas pour nous rassurer.

M. Pierre Médevielle. - Merci pour ce rapport fort intéressant sur ce problème qui touche tout le territoire. Nous avons réalisé une étude sur la qualité de l'air dans l'agglomération toulousaine, qui a fait apparaître ce que nous savions déjà : l'air est dégradé, surtout autour des noeuds routiers. Nous ne prenons en outre pas assez au sérieux les pathologies que génère la pollution de l'air, particulièrement insidieuses puisqu'elles peuvent mettre vingt, trente ou quarante ans à se déclarer. Il nous a de même fallu quarante ans pour mettre des photos sur les paquets de cigarettes, en dépit du coût du tabac pour l'Assurance maladie ! Certes, il n'y a pas de solution miracle, mais nous pouvons réagir de façon plus vigoureuse.

M. Guillaume Chevrollier. - Vous avez peu parlé de la mobilisation des collectivités dans l'ouest de la France. Pensez-vous qu'elles soient suffisamment mobilisées ?

Quelle est exactement la place du Conseil national de l'air dans la mobilisation des acteurs locaux et la sensibilisation du grand public ? Quel est le poids de la recherche et développement dans le domaine de la qualité de l'air ? Les investissements publics sont-ils suffisants dans ce domaine ?

M. Charles Revet. - Compliments à Mme Tocqueville pour ce rapport, réalisé dans des délais très brefs.

Personne n'a évoqué le développement des transports collectifs de ville à ville. L'histoire est un éternel recommencement : dans les années 1970, au moment du tout-voiture, nous avons rogné sur les transports publics à l'intérieur des villes, avant de les réactiver - je songe aux tramways que j'ai connus dans ma jeunesse. La France dispose, avec l'Allemagne, du plus grand maillage de liaisons de ville à ville, mais 10 000 km de voies secondaires ont ainsi, à l'époque, été supprimés. Certains pays misent sur le tram-train, ces lignes qui peuvent pénétrer à l'intérieur des villes et remédier ainsi aux embouteillages. Je suis convaincu que réactiver ces lignes rendrait service à la population.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Je remercie à mon tour la rapporteure. Vice-président d'une fédération Atmo pendant des années, je veux également attirer l'attention sur la pollution de l'air intérieur : le design moderne, jusque dans nos voitures, est parfois plus dangereux que la pollution atmosphérique...

Les aides financières pour l'achat de véhicules propres sont désormais fléchées vers l'électrique ; que sont dès lors censées faire les collectivités qui se sont engagées à encourager certaines motorisations, bioénergie ou gaz naturel par exemple ? Ce sont des investissements lourds.

M. Olivier Jacquin. - Je salue à mon tour la qualité du rapport, notamment sa conclusion. Il est toujours facile de s'exonérer de sa responsabilité individuelle, lorsque la responsabilité est aussi collective... Heureusement que l'Europe vient nous rappeler à nos responsabilités : son volet pénal pourrait bien mettre une pression supplémentaire sur les décideurs. Il est amusant de constater que le débat actuel sur le ferroviaire évoque bien peu la question climatique - absente du rapport Spinetta par exemple. À trop cloisonner la réflexion, nous n'arriverons à rien. Sur toutes ces questions, il faut raisonner globalement, et passer à la phase des propositions, dans la perspective de l'examen du prochain budget notamment.

Mme Angèle Préville. - Je veux revenir sur la grande cause de la pollution de l'air, à savoir les transports. À mon sens, on ne pourra pas s'exonérer d'une grande étude sur les trajets domicile-travail.

Par ailleurs, j'avais coutume de dire à mes élèves qu'il fallait aérer chez eux s'il y avait une odeur de neuf. En effet, énormément de composés organiques volatils très mauvais pour la santé sont présents dans l'air des maisons.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Ce rapport a aussi l'avantage de nous démontrer que nous sommes arrivés aux limites d'un système de développement. Sans faire de jeu de mots, ce système s'essouffle considérablement.

Je m'interroge également sur les multiples associations agréées qui oeuvrent au quotidien pour la surveillance, le contrôle, la mesure de la qualité de l'air. Il me semble qu'un certain nombre d'entre elles sont actuellement en grande difficulté. Est-ce que leurs financements sont pérennes ? Comment faire le relais entre les programmes de recherche ? Quelle est, au niveau national, la gouvernance globale du plan relatif à la qualité de l'air ?

M. Alain Fouché. - Pour réduire la pollution, il faut créer à l'entrée des villes des grands parkings afin de permettre aux gens de stocker leur voiture avant de prendre les transports en commun. Or il n'y a pas de crédits prévus pour cela.

M. Frédéric Marchand. - On voit bien que la question des transports est essentielle. Aujourd'hui, et nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler avec la maire de Paris cet après-midi, il y a un grand débat sur la gratuité des transports en commun. À l'aune des expériences menées actuellement en France, notamment à Dunkerque, où cela marche, ne serait-il pas intéressant que, dans cette enceinte dépassionnée qu'est le Sénat, nous puissions réfléchir à cette question ?

Mme Nelly Tocqueville, présidente du groupe de travail. - Je vous remercie de vos questions et de l'intérêt que vous portez à ce sujet, qui relève aussi de notre responsabilité en tant qu'élus. Nous n'avons pas attendu pour engager des réflexions depuis longtemps. Une des difficultés repose sur l'existence de ce millefeuille de structures très difficile à lire, en particulier pour des collectivités de taille réduite. L'installation d'une zone à circulation restreinte relève de la police du maire, mais il faut une bonne raison pour la réaliser. Par ailleurs, la lecture ne peut plus se faire à l'échelle de la commune, mais à l'échelle d'un territoire. On le voit bien à propos du Grand Paris. Mais vous avez raison, les élus locaux ont du mal à trouver leur chemin dans ce labyrinthe.

Il est aussi important de dire que la pollution de l'air est invisible. On ne la voit malheureusement que dans les statistiques sur l'augmentation des maladies respiratoires, des cancers du poumon ou des maladies causées par les produits agricoles nocifs. Or il est déjà trop tard. C'est pour cela que cette pollution est pernicieuse. Il faut bien alerter nos concitoyens sur ce point, ce que fait plutôt bien le monde associatif, et mettre l'accent sur la pédagogie à l'école.

Monsieur Vaspart, vous avez raison, le tout-électrique, c'est bien beau, mais l'électricité ne tombe pas du ciel ; il faut bien la produire. Ensuite, que fait-on des batteries des véhicules électriques ? Oui au développement de ce mode de transport, mais soyons conscients des problèmes qui en découlent.

Monsieur Bérit-Débat, je pense, comme vous, que les élus des territoires ont mené ce travail de réflexion, mais avec plus ou moins d'engagement. La sensibilisation est moins forte dans certaines régions que dans d'autres.

Vous avez évoqué les brûlages, mais il faut savoir que cette pratique très polluante est interdite partout. Pourtant, dans certaines régions, les pratiques culturelles font que cette interdiction n'est pas respectée. Il y a là une question de responsabilité, y compris pour les générations à venir.

Les bilans sont donc très variés et les engagements inégaux.

Monsieur Jacquin a abordé la question du fret ferroviaire. Le Sénat en a débattu la semaine dernière et force est de constater que notre pays connaît un retard considérable en la matière. À mon sens, nous devrions pousser plus loin la réflexion et faire un bilan dans deux ans. Nous devons absolument regarder ce qui se passe en Allemagne et en Suisse. Pourquoi ne voit-on pas plus de camions sur les trains en France ?

Mon collègue Cyril Pellevat, qui assistait à une audition avec moi, a soulevé le problème de la vallée de l'Arve. Il faut savoir que, dans certaines communes, à certaines périodes de l'année, les enfants ne peuvent pas sortir en cour de récréation à cause des taux de pollution trop élevés. Les élus réfractaires pour s'engager dans une voie vertueuse devraient se rendre sur place pour prendre conscience de la gravité du problème.

Toulouse est une région qui travaille avec rigueur sur ce sujet et prend des engagements. Il ne faut pas avoir peur des chiffres. Si l'on pas des références solides, on reste dans l'incantation. Cette démarche est la bonne.

Monsieur Chevrollier, les collectivités de l'ouest de la France n'apparaissent pas dans les feuilles de route, car elles ont des PPA, des plans climat-air-énergies territoriaux et des schémas régionaux assez aboutis, ce qui ne veut pas dire que tout va pour le mieux. La Normandie n'est pas concernée non plus par des dépassements...

M. Hervé Maurey, président. - Elle est exemplaire !

Mme Nelly Tocqueville, présidente du groupe de travail. - Comme toujours ! Cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes exonérés et que tout va bien. Mais, je le répète, dans toutes les régions de l'ouest, les documents ont été établis et les mesures sont connues, en particulier dans le secteur industriel. Cependant, il faut rester vigilant, sinon, nous pourrions être montrés du doigt lors du prochain bilan.

S'agissant des investissements publics, des moyens sont mis sur la surveillance de la qualité de l'air et la connaissance de ses effets sanitaires, à travers le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ou d'organismes de recherche comme l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Monsieur Revet, le tram-train, on en parle, on en rêve ! C'est l'une des pistes à explorer.

Plus largement, je déplore que chacun travaille sur son territoire, de son côté, sans s'inspirer forcément de ce que font les autres, même si les contraintes géographiques ne sont pas les mêmes partout.

Pour l'anecdote, le 20 mars dernier, lorsque tous les préfets se sont retrouvés autour du ministre, certains se sont étonnés d'être mis sur le même plan que tel ou tel autre, dont le territoire était réputé plus pollué. Cela renvoie à ma réflexion de tout à l'heure sur le caractère invisible de la pollution.

Monsieur Corbisez, madame Préville, vous avez parlé de la pollution de l'air intérieur, qui est aussi un problème fondamental. L'objet du groupe de travail se limitait à la pollution atmosphérique, mais vous avez raison de soulever ce point. Cette pollution est également invisible, et lorsque l'on vaporise un certain nombre de produits odorants ou censés nettoyer l'air, c'est encore pire. Il s'agit là encore d'une question de pédagogie. Une solution serait d'interdire à la vente l'ensemble de ces produits d'intérieur polluants.

Monsieur Houllegatte, vous vous interrogez sur les limites de notre système de développement. Dans l'absolu, peut-être, mais réfléchissons plutôt aux moyens de maîtriser ce développement en ayant le courage de prendre des mesures fortes. On ne peut pas tout arrêter, sauf à engager une réflexion philosophique radicale sur notre modèle de société.

Effectivement, les associations sont très nombreuses et efficaces. Je n'ai pu auditionner que Les Amis de la terre, mais l'ensemble du milieu associatif travaille très bien avec l'ensemble des collectivités territoriales lorsqu'il y a une vraie volonté de concertation. C'est à la fois un levier d'action et une courroie de transmission avec nos concitoyens.

Les feuilles de route ont le mérite d'exister, malgré les limites que j'ai mentionnées. Je veux aussi rappeler que le Gouvernement a lui-même produit une liste de mesures prises au plan national, qui a été transmise à la Commission européenne. Pour l'anecdote, sachez que la limitation à 80 kilomètres/heure sur un certain nombre d'axes routiers figure dans ses préconisations...

Monsieur Fouché, vous avez raison, la multiplication des parkings relais à l'entrée des villes est une évidence. Des agglomérations s'y sont déjà fortement engagées, tandis que d'autres, dont Marseille et, plus largement, les grandes villes de la région PACA, sont très en retard.

Monsieur Marchand, vous avez abordé la gratuité des transports collectifs. C'est une question qui revient régulièrement à l'ordre du jour, notamment dans les débats au sein de la métropole Rouen-Normandie. J'ai été très surprise de lire dans Paris-Normandie, avant-hier, qu'un collectif d'usagers était opposé à la gratuité. Ils craignent en effet un assèchement des financements nécessaires à l'entretien et au développement des transports collectifs.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie de la qualité de ces échanges. Je crois pouvoir dire que nous avons toujours été relativement réservés sur le tout-électrique en matière de véhicules propres dans notre commission. Noter ancien collègue Louis Nègre avait beaucoup insisté lors des débats sur la loi de transition énergétique sur le fait que le véhicule électrique n'était pas le seul véhicule propre. Je crois que les faits nous donnent raison aujourd'hui.

Je tiens aussi à souligner le rôle très important des collectivités locales. Il y a cependant encore beaucoup de travail pour sensibiliser les élus. Nous aurons l'occasion d'en reparler cet après-midi avec Mme la maire de Paris.

Enfin, j'insiste sur la question de la pollution intérieure. Il faudra que nous regardions comment travailler sur ce sujet, qui est encore trop peu médiatisé.

Désignation d'un rapporteur

Avant de nous séparer, je voudrais vous rappeler que nous avons mis en place un groupe de travail sur la démographie médicale. Un certain nombre d'entre vous ont manifesté le souhait d'en faire partie, et il est encore possible de se porter candidat.

Nous devons enfin désigner un rapporteur sur la proposition de loi de Mme Françoise Cartron visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul d'un trait de côte. Ce texte sera inscrit dans l'espace réservé au groupe socialiste et républicain le mercredi 16 mai. Compte tenu de notre calendrier très contraint, nous serons amenés à examiner le rapport dès le 18 avril. Nous avons reçu la candidature de Mme Tocqueville, qui a prouvé ce matin toutes ses qualités de rapporteure.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 10 h 40.

La réunion est ouverte à 15 heures.

Pollution de l'air - Audition de Mme Anne Hidalgo, maire de la ville de Paris

M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes très heureux d'accueillir Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, au sein de notre commission élargie aux sénateurs des autres commissions qui ont souhaité participer à cette réunion.

Nous poursuivons nos travaux relatifs à la qualité de l'air, après avoir entendu ce matin Mme Nelly Tocqueville, qui nous a présenté le rapport d'information du groupe de travail sur la pollution de l'air et les feuilles de route élaborées par les préfets des régions concernées par un non-respect des normes de qualité de l'air.

La pollution de l'air est un enjeu sanitaire majeur, puisqu'en causant 48 000 décès prématurés par an, elle constitue la première cause environnementale de mortalité.

Parce que les normes européennes en matière de qualité de l'air ne sont pas respectées dans plusieurs agglomérations, dont l'agglomération parisienne, la Commission européenne a lancé deux procédures précontentieuses contre la France qui pourraient aboutir prochainement à une saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE).

Réduire la pollution de l'air nécessite d'agir sur les différents secteurs émetteurs que sont l'industrie, les transports, le secteur résidentiel et l'agriculture. Il s'agit par conséquent d'une responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales compétentes en matière de mobilité et d'urbanisme.

Lors de l'élaboration des feuilles de route par les préfets de région ces derniers mois, une des ambitions a justement été de mobiliser les collectivités territoriales autour de l'enjeu de lutte contre la pollution de l'air. En Ile-de-France, les différents niveaux de collectivités (région, départements, métropole du Grand Paris, ville de Paris) ont été associés à cette démarche.

Si nous avons souhaité vous auditionner, Madame la maire, c'est par ce que la situation de Paris est atypique en raison de sa taille et du nombre de personnes exposées à la pollution de l'air, mais aussi et surtout parce que vous avez fait de la réduction de cette pollution un de vos principaux chevaux de bataille. Vous avez oeuvré à diminuer l'usage de la voiture individuelle par la mise en place d'une zone à circulation restreinte (ZCR), par des aménagements urbains comme le réaménagement des principales places parisiennes, la création de zones à trafic réduit ou la piétonisation des voies sur berges, ou encore par le développement des mobilités alternatives et partagées.

Ces mesures suscitent des interrogations, pour ne pas dire le mécontentement des automobilistes, qui se demandent si tout cela ne va pas trop loin et trop vite. Comment trouver un équilibre ? Quelle est votre vision de ce que doit être une métropole sans pollution ? Est-ce une métropole où, à terme, les voitures individuelles sont interdites - ou à tout le moins les voitures thermiques - et où la mobilité ne s'envisagerait que dans le cadre de transports en commun ou propres ? Quelles sont les prochaines étapes que vous envisagez pour réduire la pollution de l'air à Paris, qui reste supérieure aux normes européennes ? Outre le renforcement de la zone à circulation restreinte, d'autres mesures sont-elles prévues ? De nouveaux aménagements urbains importants sont-ils envisagés ?

Mme Anne Hidalgo, Maire de Paris. - C'est un honneur de venir parler devant vous d'un sujet qui est d'abord de santé publique : à Paris, on recense 2 500 décès par an liés à la pollution de l'air, et sur la métropole du Grand Paris, c'est-à-dire la zone dense qui englobe 7 millions d'habitants, 6 000 morts par an sont liés à cette pollution. Sans compter toutes les maladies qui lui sont imputables. Lors d'un colloque, organisé la semaine dernière à l'Hôtel de Ville, des médecins ont démontré le lien entre la pollution de l'air et les maladies cardio-vasculaires, sur la base de plusieurs études épidémiologiques. Aux États-Unis, des publications scientifiques ont établi un lien entre les particules fines et l'augmentation des cas d'Alzheimer, mais aussi avec le développement de l'autisme.

Ce sujet majeur n'a rien de nouveau à Paris, puisque dès 2001, l'équipe de Bertrand Delanoë avait pris le sujet à bras le corps, même si nous ne disposions pas à cette époque de tous les éléments scientifiques dont nous avons connaissance aujourd'hui. Nous avons engagé une politique visant à réduire la place de la voiture polluante à Paris et à offrir des alternatives de transport, à travers le développement des bus en site propre, la construction du tramway sur le boulevard des maréchaux, ou encore la mise en place de nouveaux services comme Vélib' en 2007, et Autolib' un peu plus tard.

Nous travaillons aussi sur d'autres sources de pollution, liées par exemple à la construction de bâtiments. Cependant, dans une ville comme Paris, la pollution vient essentiellement du trafic automobile. D'ailleurs, depuis 2001, ce trafic a diminué de 30  % à Paris, et le niveau de pollution a également diminué de 30  %. Ces chiffres doivent être nuancés par le fait qu'avant 2013, on ne prenait pas en compte la pollution particulaire, et donc les effets de la très forte diésélisation du parc automobile parisien sur la pollution aux particules fines.

Cette politique de long terme a produit ses effets, mais elle a été génératrice de polémiques. En 2014, lorsque je suis devenu maire, j'ai annoncé assez vite la sortie du diesel et un plan de mobilité qui ne s'appuyait plus sur le véhicule individuel polluant. Les Parisiens sont de moins en moins propriétaires d'un véhicule, puisque 37  % en possèdent un en 2018 contre plus de 60  % en 2001.

À partir de 2014, nous avons mis en place comme dans toutes les communes de France un plan pour accélérer le pincement des entrées de véhicules dans les centres villes, afin de faciliter une circulation apaisée et une baisse de la pollution. Ce plan prévoyait notamment de piétonniser les 3,3 kilomètres d'autoroute urbaine des voies sur berge, empruntée par 40 000 automobilistes, ce qui est dérisoire en comparaison des 10 millions de personnes qui empruntent les transports en commun tous les jours en Ile-de-France. Neuf Parisiens sur dix n'utilisent pas la voiture pour aller travailler, et seulement deux Franciliens sur dix prennent leur voiture pour venir travailler à Paris. Même s'ils n'étaient empruntés que par une minorité, les 3,3 kilomètres de voirie parisienne fermés à la circulation se sont retrouvés au coeur de l'actualité, dans un univers où l'hystérisation du débat politique est devenue la règle, de sorte qu'on ne parle plus que de polémique comme si la capacité des politiques à poser des arguments et à arbitrer en connaissance de cause était tombée aux oubliettes.

Nous faisons à Paris ce que font toutes les grandes villes du monde. J'ai l'honneur de présider le C40, un réseau qui réunit 92 des plus grandes métropoles mondiales, qui représentent 650 millions d'habitants et 25  % du PIB de la planète. Ce réseau a pour but d'accompagner toutes les mesures liées au changement climatique et à la question de la pollution. Toutes les grandes villes qui en sont membres sont en train de mettre en oeuvre la stratégie Deadline 2020, qui a été voté au sein du C40, et qui vise à  réduire la part de la voiture polluante dans les centres villes, à ouvrir vers d'autres types de mobilité dont les mobilités douces, et à développer les infrastructures lourdes de surface, comme le tramway.

Nous sommes engagés dans cette politique très concrète depuis 2014, avec des résultats intéressants. Entre 2016 et 2017, le trafic automobile dans la capitale a baissé d'environ 4  %, et cette baisse se poursuit en 2018 : - 4,8  % pour le mois de janvier, - 11  % en février et - 8  % en mars par rapport à l'année dernière. Il a donc fallu six mois d'ajustements et d'adaptations pour que les usagers de véhicules automobiles passent à d'autres formes de transport. Ce phénomène que l'on nomme scientifiquement « l'évaporation du trafic » correspond aux résultats que l'on pouvait attendre.

Nous avons intégré la réforme du stationnement dans cette politique de mobilité. Une fois octroyées les facilités de stationnement aux professionnels et aux résidents, nous avons fait en sorte que l'utilisation de l'espace public soit facturée et payée. Cette politique de paiement du stationnement rotatif a eu des conséquences très intéressantes, puisque 25  % des embouteillages parisiens étaient liés à la recherche de places de stationnement. À partir du moment où le stationnement est devenu payant, beaucoup de gens ont décidé d'utiliser un autre moyen de transport, ce qui a contribué à libérer des places et à réduire les embouteillages.

La politique que nous menons n'a pas vocation à se limiter à Paris stricto sensu. Nous avons travaillé en concertation avec les communes riveraines, car en cas de pic de pollution sur la métropole, les mesures de restriction de circulation concernent 22 communes autour de Paris. Nous travaillons aussi à l'échelle métropolitaine avec les 131 communes concernées, et nous oeuvrons en bonne intelligence avec la métropole du Grand Paris sur des propositions de zones de circulation restreinte pour répondre aux demandes de la Commission européenne sur le respect des normes en matière de qualité de l'air.

La région Ile-de-France comprend 12 millions d'habitants et la zone dense 7 millions. Le nuage de pollution couvre cette zone. Comme maire de Paris, je suis responsable de ce territoire et je ne peux pas attendre que tout le monde soit d'accord pour régler ce problème de santé publique. D'autant qu'il risque d'avoir des conséquences pénales, car un certain nombre d'associations commencent à attaquer les pouvoirs publics pour non-respect des règles en matière de qualité de l'air et mise en danger de la vie d'autrui. Il est hors de question pour moi de ne pas agir, alors qu'il s'agit de protéger ma ville, ainsi que la zone de 7 millions d'habitants.

Pour accélérer le pas en matière de lutte contre la pollution, notamment des particules fines, il faut pouvoir s'appuyer sur des données précises, d'où le recours à Airparif qui nous prévient lorsque le seuil de pollution nécessite de déclencher une alerte. Nous avons décidé d'aller plus loin en tissant un partenariat avec Enedis, dont les 300 véhicules électriques qui circulent dans Paris sont équipés d'un capteur des niveaux de pollution. Ces capteurs alimentent une cartographie des niveaux de pollution en temps réel, grâce à laquelle nous pouvons identifier les noeuds de pollution : nous avons ainsi pu constater que l'évacuation des bouches de métro produisait des niveaux de pollution extrêmement importants.

À l'international, nous avons mis en place le Global Urban Air Pollution Observatory (Guapo) qui recense les niveaux de pollution et de particules fines des villes du monde entier.

Enfin, nous travaillons en étroite collaboration avec le secteur automobile. Jean Todt, président de la Fédération internationale automobile est très engagé dans le développement des mobilités électriques. Je signale d'ailleurs que le Grand Prix de Formule électrique aura lieu à Paris à la fin du mois. La Fédération internationale a compris qu'il fallait sortir de la motorisation diesel, et la grande majorité des constructeurs vivent l'engagement des villes à sortir du diesel comme une opportunité d'accélération de la mutation du parc automobile. À Paris, nous avons fixé un cap, avec l'interdiction des véhicules diesel à partir de 2024 et l'interdiction des véhicules thermiques à partir de 2030. L'industrie automobile a intégré ce signal et nous l'y aidons grâce à des mesures fiscales destinées à accélérer le passage aux nouvelles énergies. Nous prévoyons aussi d'équiper rapidement la ville en bornes électriques ou à hydrogène : Tokyo qui a fait le choix de l'hydrogène est sorti du diesel depuis vingt ans. Il faut une politique globale alliant la fiscalité et les mesures d'aide à la reprise des véhicules ou au passage à d'autres formes de motorisation. L'industrie est prête.

Le modèle parisien, constitué d'une grande métropole et d'une zone dense n'est pas transposable aux territoires ruraux. À Paris, il y a une station de métro à moins de 10 minutes à pied du logement de chaque habitant. Ce n'est pas le cas ailleurs. En revanche, je ne peux pas attendre que le reste de la France bouge pour faire évoluer la situation à Paris, la ville qui a accueilli l'accord de Paris sur le climat. Nous sommes dépositaires de la COP 21. Si nous n'agissons pas, qui le fera ?

Le débat public s'enlise du fait du jeu des lobbies et de l'hystérisation des propos, de sorte qu'il est difficile de poser un diagnostic et de trouver des solutions adaptées aux différents territoires. Cependant, nous sommes des élus responsables, conscients du risque de santé publique qu'induit la pollution. Nous ne pouvons pas rester sans agir. En donnant le signal de la sortie du diesel, j'ai favorisé une prise de conscience et les constructeurs y voient désormais une opportunité. Il reste à aménager une transition en termes d'emplois et de mobilité en apportant les bonnes réponses plutôt que d'être dans une résistance qui n'a vraiment plus lieu d'être.

M. Hervé Maurey, président. - Madame la Maire, merci pour cette intervention, qui confirme votre engagement, votre détermination et votre courage sur un sujet difficile. Je salue notre collègue Husson qui a présidé la commission d'enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l'air.

Mme Nelly Tocqueville. - Le sujet est éminemment important. Il nous place devant nos responsabilités. C'est un devoir moral : vous avez rappelé le nombre des victimes de la pollution de l'air. Il faut aussi replacer le rapport de notre groupe de travail dans le contexte de la mise en conformité avec les normes européennes. Lutter contre la pollution de l'air est un devoir qui engage les élus nationaux et les élus locaux. Le discours que vous venez de tenir, passionné et passionnant, montre que votre engagement et celui de la Ville de Paris sont forts depuis longtemps.

En matière de pollution, les valeurs limites fixées par l'Union européenne ne sont pas en adéquation avec celles de l'OMS, bien plus exigeantes. Il nous appartient cependant de commencer par répondre aux injonctions de l'Europe, tout en sachant que cela ne sera pas suffisant pour régler les problèmes sanitaires liés à la pollution de l'air.

Les auditions que j'ai menées sur l'élaboration des feuilles de route ont montré une grande hétérogénéité des situations. La prise de conscience est plus ou moins importante selon les régions, tout simplement parce que la pollution de l'air ne se voit pas, d'où son caractère pernicieux. L'Ile-de-France et la Ville de Paris sont concernées au premier chef, parce qu'elles concentrent une population importante. Beaucoup de décisions ont été prises et certains de ces choix sont vécus comme des contraintes.

La situation de l'Ile-de-France est complexe eu égard au nombre d'acteurs et de collectivités concernés et au vu des compétences qui sont les leurs en matière de mobilité et de lutte contre la pollution, qui peuvent parfois s'entrechoquer. Comment coordonner les actions menées par les différents niveaux de collectivités ? Comment s'organise la concertation, même si vous avez précisé que la lutte contre la pollution doit s'envisager à l'échelle de la métropole et de la région ?

La métropole du Grand Paris étudie la possibilité de mettre en place une zone à circulation restreinte (ZCR) au 1er janvier 2019 sur le périmètre délimité par l'autoroute A86. Comment cette ZCR s'articulera-t-elle avec la ZCR parisienne ?

Dans les ZCR, on n'a recensé que 67 verbalisations pour non-respect des restrictions de circulation. Quelles dispositions envisagez-vous de mettre en place pour renforcer ce contrôle ?

Si les restrictions de circulation sont justifiées, il reste à développer un dispositif d'accompagnement des citoyens pour les aider à changer de façon de se déplacer, ou pour les aider à acquérir des véhicules non polluants, en particulier des véhicules électriques. Chaque collectivité, qu'il s'agisse de la région, de la métropole ou de la ville de Paris, a mis en place un dispositif d'aide à l'acquisition de véhicules propres. Y a-t-il eu concertation à ce sujet ? Seriez-vous favorable à la mise en place d'un guichet unique, financé par les différentes collectivités ?

Qu'en est-il du nombre de personnes qui ont recours aux aides de la Ville de Paris ? Le dispositif est-il appelé à se pérenniser dans sa forme actuelle ou pourrait-il évoluer en fonction des résultats ?

Le plan vélo 2015-2020 qui prévoit le doublement du nombre de pistes cyclables, a pris du retard. Pourriez-vous nous préciser le nouveau calendrier ?

Enfin, pourriez-vous nous éclairer sur le calendrier du réaménagement des principales places parisiennes ?

Mme Anne Hidalgo. - L'organisation entre la région capitale, la métropole et Paris est effectivement complexe, car elle implique des territoires qui ont des vocations et des réalités très différentes. La région Ile-de-France, ce sont 12 millions d'habitants, des villes nouvelles sur la grande couronne, des espaces agricoles entre cette grande couronne et la zone dense, et enfin une zone dense, quasi continue, de 7 millions d'habitants qui n'avait pas été conçue pour être aussi peuplée. En effet, dans les années 60, on avait prévu d'entourer la ville-centre de Paris par des villes nouvelles, satellites, reliées à la capitale par le RER. Mais la vie s'invitant là où on l'attend pas, et elle s'est installée entre la ville centre et les villes nouvelles, dans cette zone qui n'avait pas été conçue pour cela.

À l'époque, les schémas de développement des déplacements étaient très centralisés, de sorte qu'il fallait toujours passer par Paris et que les mobilités de banlieue à banlieue étaient négligées. D'où le rattrapage qui a cours depuis 2009, avec des rocades de liaison qui déchargent le coeur du système de transport parisien pour faciliter la circulation de banlieue à banlieue.

L'enchevêtrement des compétences est un problème. Une réflexion sur le Grand Paris est en cours. Je pourrai vous transmettre les propositions que j'ai soumises au président de la République. Nous avons besoin d'une autorité de transport exerçant sur l'ensemble de la région. Mais la zone dense doit avoir une capacité décisionnelle sur les sujets qui la concernent, ce qui n'est pas le cas actuellement. La ville de Paris paie 380 millions d'euros par an pour le fonctionnement des transports d'Ile-de-France. Pour boucler le financement du Grand Paris Express et pour faire la liaison vers les Yvelines ou pour développer la ligne 11 vers la Seine-Saint-Denis, nous rajoutons quelques centaines de millions d'euros. Mais lorsqu'il s'agit de construire un tramway, ce n'est pas cette contribution qui est utilisée et c'est encore à Paris de payer.

La région doit travailler en privilégiant les liens entre les territoires plutôt que ce qui les oppose, sans nier les problèmes spécifiques de la zone dense. J'ai proposé de créer une autorité organisatrice qui exercerait ses compétences à l'échelle métropolitaine plutôt que parisienne.

Avec le conseil municipal de Paris, nous avons décidé de mettre en place une quarantaine d'aides financières à destination des professionnels qui voudraient changer de véhicule pour passer à l'électrique. J'ai ouvert cette aide à des commerçants qui n'habitent pas Paris mais qui ont leur lieu de travail à Paris, de manière à toucher un public plus large. Mais lorsque Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris, demande à la région de pouvoir mettre en place les mêmes aides que Paris à l'échelle des 7 millions d'habitants, on le lui refuse. Même refus quand il demande à bénéficier d'une délégation pour travailler sur le transport fluvial. L'élue de Paris que je suis vous dit que les 7 millions d'habitants ne peuvent pas se diluer dans un territoire qui a ses problèmes particuliers. La région a toute sa place dans l'alliance des territoires ; elle ne peut pas nier les problèmes spécifiques de la zone dense. Nous avons besoin d'une région capitale forte, qui laisse leur part d'action à ceux qui veulent agir. Les aides parisiennes pour l'achat d'un vélo, l'abonnement Autolib ou la carte Navigo fonctionnent et devraient pouvoir être étendues à l'échelle de la métropole.

Paris a été la première ville avec Grenoble à mettre en place une zone à circulation restreinte, ou ZCR, le système de vignettes Crit'Air étant également très utile pour gérer la circulation différenciée en cas de pic de pollution. Nous travaillons avec Patrick Ollier à la création d'une ZCR métropolitaine à l'intérieur du périmètre formé par l'A86, et avec la préfecture de police sur le déploiement de contrôles automatiques par vidéosurveillance, à partir des plaques d'immatriculation.

Le plan vélo de Paris a connu des retards en raison du travail de concertation mené avec la préfecture de police, mais il avance rapidement. Notre objectif était de passer de 700 à 1 400 kilomètres de pistes cyclables, avec des axes rapides sud-nord et est-ouest, ainsi qu'un réseau dense de pistes bidirectionnelles sécurisées. Nous aurons accompli au moins 80  % à 90  % du plan vélo d'ici la fin de la mandature.

Mes compétences en matière de circulation sont plus claires depuis la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, Paris s'étant rapproché du droit commun. L'avis conforme du préfet reste toutefois nécessaire pour quelques axes importants. Une discussion est en cours sur l'avenue du Général-Leclerc, mais elle se passe en bonne intelligence. L'usage du vélo va se développer pour les trajets domicile-travail grâce aux vélos à assistance électrique.

M. Guillaume Chevrollier. - La qualité de l'air est une question majeure de santé publique. Nous devons modifier nos comportements et nous adapter au changement climatique.

Vous avez lancé les bus en sites propres, mais, d'après les statistiques de la RATP, les bus circulent moins vite qu'auparavant. Le trafic a diminué de 30  % et la pollution dans les mêmes proportions. Pourtant, le résultat devrait être meilleur compte tenu des améliorations technologiques des moteurs. La congestion du trafic routier pourrait être une explication. Comment y remédier ?

Pékin et Shanghai ont réduit la pollution, mais en détruisant beaucoup d'emplois. Pensez-vous avoir trouvé le bon équilibre à Paris ?

Mme Michèle Vullien. - Je vous félicite pour votre courage et vous encourage à continuer dans cette voie. À Lyon également, les voies sur berges ont été rendues à leur vraie vocation, qui n'était pas de faire circuler des voitures.

Je souhaite également soulever le problème de la logistique urbaine. Nous devons organiser la ville différemment, réussir à faire cohabiter le transport et les achats sur internet pour construire une ville apaisée et moins polluée.

M. Jean-Michel Houllegatte. - J'aborderai le problème de la planification urbaine. Les distances entre le domicile et le travail ont tendance à s'accroître, avec un impact très important sur la qualité de l'air. Paris intra-muros perd 9 000 habitants par an. Qu'attendez-vous du projet de loi ELAN qui sera examiné prochainement ? Que pensez-vous de la volonté de transformer des bureaux vacants en logements d'habitation et de régler juridiquement le problème de l'encadrement des loyers ?

M. Guillaume Gontard. - Je vous félicite à mon tour pour le courageux combat que vous menez pour améliorer la qualité de l'air.

La gratuité des transports, sur laquelle vous avez lancé une étude, peut être une solution parmi d'autres. Enfin, pouvez-vous nous dire un mot du partage d'expériences entre villes françaises ou européennes au sein du C40 ?

M. Éric Gold. - Certaines grandes villes, dont Paris, expérimentent depuis quelques années des navettes électriques autonomes. Ont-elles vocation à se multiplier dans la capitale à moyen et long terme ? Est-il utopique d'envisager aussi des navettes autonomes fluviales pour transporter les personnes et les marchandises ?

M. Ronan Dantec. - On doit en effet vous rendre hommage pour votre volontarisme. Les grands enjeux sur le climat ou la santé ont toujours tendance à passer après les tracas du quotidien.

La tendance générale des métropoles à attirer l'activité économique et à perdre leurs habitants est l'un des grands enjeux. Comment faire pour qu'il y ait autant de gens qui partent travailler ailleurs que de gens qui viennent travailler dans la métropole. Sans cet équilibre, on ne réglera pas les questions de mobilité.

M. Olivier Jacquin. - La coordination des politiques publiques est en effet essentielle.

Avant d'ouvrir le débat sur la gratuité des transports, ne faudrait-il pas d'abord travailler plus finement sur les tarifications solidaires ?

Enfin, le risque de judiciarisation me semble important pour les élus locaux, maintenant que l'on connaît les dommages causés par la pollution. Une première action collective a été engagée dans la vallée de l'Arve. Comment anticipez-vous ce risque, sachant que vous ferez peut-être figure de référence pour les politiques courageuses que vous avez engagées ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Nous sommes des élus ruraux, mais très fiers de notre capitale ! Nous constatons toutefois que les embouteillages s'aggravent. L'automobile n'est pas seule responsable de la pollution de l'air ; n'oublions pas non plus l'air conditionné et le chauffage.

Enfin, pour l'attractivité de la capitale, il serait grand temps de rénover les esplanades aux abords des gares parisiennes.

M. Alain Fouché. - Vos décisions sont courageuses.

Les bus propres, que j'utilise fréquemment, sont aussi rapides que les autres. Combien de temps faut-il pour remplacer toute la flotte ?

Les équipements de climatisation ont en effet une incidence importante sur le climat. Avez-vous un levier pour éviter leur déploiement dans les bâtiments publics neufs ?

Mme Angèle Préville. - Je vous remercie de votre discours clair, courageux et engagé. La pollution de l'air pose un réel problème de santé publique, et cette seule réalité devrait nous faire réagir. Une étude a montré, entre autres méfaits, des retards cognitifs chez les enfants exposés à la pollution. Beaucoup a été fait, mais ce n'est visiblement pas suffisant.

Je me pose aussi la question de la pollution intérieure des maisons, liée notamment aux peintures, aux colles et aux vernis. Connaît-on son impact sur la santé ?

Ne faut-il pas mettre davantage l'accent sur l'information et l'éducation, et envisager aussi une densification des aires urbaines ? Car nous sommes encore loin d'avoir des transports totalement propres.

M. Didier Mandelli. - Les bus de touristes et les autocars « Macron » sont aujourd'hui relégués en périphérie de ville. Envisage-t-on à terme d'accueillir les bus propres dans des pôles intermodaux au coeur de Paris, à proximité des gares ? J'ai assisté hier au premier essai mondial d'un bus électrique d'une autonomie de 250 kilomètres qui va relier Paris à Amiens.

M. Jean-François Husson. - Je m'associe très sincèrement aux compliments qui vous ont été adressés, car vous osez affronter l'opinion sur un sujet majeur de santé publique. La commission d'enquête sénatoriale avait estimé le coût de la pollution de l'air à 100 milliards d'euros par an pour la France. Par comparaison, l'accord de Paris chiffrait les efforts à 100 milliards de dollars par an à l'échelle planète.

À Paris comme ailleurs, il me semble que la responsabilité des émissions de gaz à effet de serre incombe pour 40  % au secteur résidentiel et tertiaire, et seulement pour 25  % au transport routier.

La pollution de l'air des réseaux souterrains de transport est supérieure à celle de la surface. C'est un vrai sujet, qui n'est pas traité aujourd'hui. Le niveau de pollution de l'air intérieur des habitations est également préoccupant.

L'État a insidieusement transféré aux collectivités la responsabilité de lutter contre la pollution avec la loi NOTRe. L'État n'a pas rempli sa mission hier ; il doit aujourd'hui accompagner les collectivités territoriales. Selon vous, quelles actions prioritaires doivent être menées dans les grandes villes, sachant que la pollution n'a pas les mêmes causes selon les territoires et les saisons ?

M. Philippe Pemezec. - Tous les élus, quels qu'ils soient, partagent l'ambition de voir leurs habitants respirer un air sain et vivre dans un monde paradisiaque...

Piétonniser les voies sur berges est sans doute une belle idée, mais qui a été mise en oeuvre de façon assez autoritaire, sans concertation avec les villes qui entourent Paris et qui connaissent une pollution plus importante à cause des congestions de circulation. On veut débarrasser Paris des voitures et déplacer le nuage de pollution. Mais comment faire pour se déplacer alors que les transports collectifs ne sont ni sûrs, ni ponctuels, ni suffisants ?

Les mesures que vous avez prises n'ont entraîné qu'une diminution de 4  % du nombre de voitures, ce qui est très faible. L'objectif est certes louable, mais on s'y prend complètement à l'envers !

M. David Assouline. - Il n'y a pas beaucoup de sujets d'urgence nationale ; la pollution de l'air en fait partie. Je constate avec bonheur que certains ont laissé de côté leur étiquette politique - c'est aussi une marque de fabrique du Sénat.

Voilà 40 ans que je vis à Paris, et j'ai pu constater concrètement l'explosion des problèmes respiratoires, sans doute liée aux particules fines. Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur l'objectif de réduction de la pollution.

Quant aux critiques sur la méthode, ceux qui les formulent ne s'émeuvent pas que le Président de la République réforme la SNCF sans l'avoir annoncé préalablement dans son programme électoral. Je me souviens en revanche que la question de la pollution de l'air était au coeur de votre campagne. C'est bien la meilleure des concertations !

M. Philippe Dominati. - En tant que parlementaire, c'est la première fois que je suis convié à une séance de travail avec vous sur un sujet d'intérêt général parisien... En matière de pollution de l'air, Paris a souvent été en avance, et vous vous inscrivez dans la tradition des maires qui vous ont précédée.

J'ai toutefois décelé dans vos propos certaines évolutions positives. Je suis heureux de vous entendre revendiquer une meilleure cohabitation avec le conseil régional d'Île-de-France.

Pour ma part, j'ai toujours défendu des lois donnant plus de pouvoirs à Paris et réduisant la tutelle de l'État. Pourtant, la majorité présidentielle que vous souteniez n'a jamais voulu faire de réforme conséquente sur les transports publics en Île-de-France, notamment pour permettre aux élus qui payent de faire entendre leur voix. J'ai cru noter de votre part un changement institutionnel sur ce point, et j'espère qu'il sera durable.

Voilà des années que nous réclamons des pouvoirs de police pour Paris. Nous avons obtenu gain de cause deux mois avant la fin de la mandature précédente. N'est-ce pas un peu tard ?

Sur le Grand Paris, pourquoi ne pas avoir réclamé une meilleure concertation lors de l'élaboration de la loi de 2017 ?

Nous sommes favorables à la construction de nouvelles pistes cyclables, mais il faudrait aussi résoudre le problème des nids de poule qui fleurissent sur la voirie parisienne...

Madame Hidalgo, sur les transports, le Grand Paris et les pouvoirs de police, êtes-vous aussi réformatrice aujourd'hui que vous étiez conservatrice hier ?

M. Roger Karoutchi. - Depuis 2001, on enregistre une diminution de la circulation et de la pollution de 30  % environ. C'est plutôt pas mal...

Nous voulons bien évidemment que les gens respirent et vivent mieux. N'oublions pas toutefois que 85  % des ménages franciliens ont une voiture, contre 37  % seulement des ménages parisiens. En effet, malgré le soutien apporté aux transports publics, tous les habitants de la grande couronne ne sont pas encore à moins de 250 mètres des transports en commun, comme c'est le cas pour les Parisiens. Des millions de gens prennent leur voiture, non pas par masochisme, mais par contrainte.

Lors du débat législatif sur le Grand Paris, il aurait fallu donner la compétence des transports à la métropole. À défaut, il est indispensable que la région et la ville de Paris discutent pour que la situation ne soit pas bloquée.

Faites en sorte qu'il y ait une vraie discussion avec la région. Je connais les oppositions et les caractères, mais nous devons trouver une solution pour ne pas stigmatiser les territoires de banlieue et respecter vos objectifs de réduction de la circulation et de la pollution. Vous avez raison, il y a de l'hystérisation, mais lorsque j'entends certains de vos adjoints, j'estime qu'elle est partagée...

M. Hervé Maurey, président. - Quand disposerez-vous des techniques que vous mentionniez qui améliorent la cartographie de la pollution ?

Mme Anne Hidalgo. - Elles existent déjà, nous pourrons vous faire part des résultats.

M. Hervé Maurey, président. - Personne ne vous a interrogée sur le péage urbain pour financer la gratuité des transports, sujet que vous avez évoqué récemment, alors que vous y étiez précédemment opposée. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Vous souhaitez développer l'usage du vélo à Paris. Ne faudrait-il pas, à l'instar d'autres pays, lier son utilisation au port du casque pour plus de sécurité ?

Mme Anne Hidalgo. - Non, la réduction du trafic automobile sur les voies sur berges n'a pas généré de congestion ni de pollution supplémentaire en raison des encombrements ! C'est totalement faux ! Aucune enquête ne valide ces affirmations. Depuis 15 ans, nous réalisons un suivi du trafic avec des indicateurs fiables, élaborés conjointement avec le préfet de région. Le trafic a été réduit de 30 % en dix ans grâce à nos mesures, et la pollution s'est également réduite.

La semaine dernière, des pneumologues des hôpitaux parisiens nous ont présenté leurs études sur l'impact des particules fines sur la santé de la population parisienne, et notamment des enfants, sur plus de dix ans. L'étude de la cohorte de Paris montre un impact majeur de la pollution sur la population. Ce n'est ni un fantasme, ni une information perturbée par un usage abusif de fake news.

En janvier 2018, le trafic s'est réduit de 4,8 % par rapport à janvier 2017, de 11 % en février par rapport à l'année dernière, et de 8 % en mars. Pendant dix ans, le rythme de baisse du trafic et de la pollution était de 2 % à 3 % par an, désormais il est au moins de 5 %. Les arguments utilisés pour tronquer le débat public, et que certains peuvent reprendre en toute bonne foi, peuvent vous valoir d'être interrogés sur la responsabilité de vos actes. Nous, nous luttons contre la pollution.

Toutes les études sur la mobilité urbaine font état d'un temps d'adaptation appelé phénomène d'évaporation : il faut entre six mois et un an après l'adoption de mesures pour que le trafic se réduise. Nous sommes dans cette situation. Toutes les études d'impact étaient plus pessimistes sur la pollution que la réalité constatée a posteriori. Les faits sont objectifs et réels.

Certes, il y a d'autres sources de pollution. Il y a les gaz à effet de serre, mais aussi la pollution atmosphérique, notamment les particules fines. Depuis la COP 21, la qualité de l'air est intégrée dans les négociations sur le climat, car l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous a alertés sur les risques de santé publique. La mairie de Paris travaille sur de nombreux autres champs, notamment sur les énergies servant pour le chauffage ou la climatisation. J'ai porté en 2007 le premier plan climat de la ville de Paris qui fixait des objectifs d'utilisation des énergies nouvelles. Le troisième plan climat a été adopté récemment, à l'unanimité, par tous les groupes du Conseil de Paris. Il prévoit l'interdiction des véhicules diesel en 2024 et des véhicules thermiques en 2030, ainsi que l'utilisation de toutes les sources d'énergie. Nous avons la chance de disposer à Paris de poches de géothermie pour chauffer les bâtiments publics, des habitations dans le Nord-Est de Paris et le nouveau quartier des Batignolles. Le système Climespace utilise l'eau de la Seine pour rafraîchir les bâtiments. Y sont raccordés les plus grands équipements, y compris privés, comme le centre commercial Beaugrenelle, premier centre commercial du monde à être raccordé à un réseau de climatisation n'émettant pas de gaz à effet de serre. C'est une politique globale. Parfois on évoque ces autres pollutions pour relativiser celle de l'air, mais elles sont au contraire un aiguillon pour aller plus vite. Selon l'étude de cohorte, les enfants sont le plus exposés aux particules lorsqu'ils sont dans la rue - lorsqu'ils vont à l'école notamment. Cela ne nous empêche pas de travailler sur la pollution dans le métro avec la présidente de la RATP, mais il faut aussi s'occuper de la pollution en surface, qui relève de ma responsabilité.

Mon programme électoral prévoyait toutes ces mesures : le plan vélo, la sortie du diesel, la fermeture des voies sur berges aux véhicules. La campagne municipale parisienne est toujours très disputée, et l'on se demande parfois s'il n'y a pas plus de candidats que d'habitants... Dès 2014, j'avais instauré une procédure de concertation qui a souvent abouti à des votes à l'unanimité, et j'ai consulté les maires des villes voisines ainsi que la région Ile-de-France. Valérie Pécresse m'a reproché de ne pas l'avoir consultée sur les voies sur berges, mais j'ai été élue en avril 2014, tandis qu'elle a été élue en décembre 2015. Je n'allais pas dire aux Parisiens que j'attendais pour agir qu'elle soit élue ! Nous travaillons dans le dialogue et en bonne intelligence avec Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris. Mais je n'accepte pas qu'on exige de moi que j'attende un accord unanime pour agir ; ce serait tellement confortable ! Nous sommes confrontés à un problème de santé publique majeur qui va être judiciarisé. Certaines facilités de langage tirent vers le bas ; j'essaie de tirer vers le haut. J'aurai ma conscience pour moi. Le jour où des procès pénaux commenceront - et cela commence - chacun de ceux qui ont la main sur le coeur seront confrontés à leurs responsabilités : vous, qu'aurez-vous fait ? J'ai agi.

Il faut examiner la question du logement et de l'activité à l'échelle métropolitaine. Nous essayons de le faire depuis l'an 2000. Les politiques ont montré leurs résultats. C'est bien que des élus expérimentés, avec une vision de long terme, puissent répondre du passé. Nous avons défini un plan local d'urbanisme (PLU) dessinant le territoire parisien pour en faire un territoire mixte, en rééquilibrant la place des activités économiques et du logement. Comme par hasard, les emplois étaient à l'ouest, et les logements sociaux à l'est. Le PLU est un excellent outil de travail à l'échelle de la métropole pour éviter de grandes migrations pendulaires.

Je travaille avec le Gouvernement et notamment le ministre de la cohésion des territoires sur un dispositif permettant à Paris de limiter la fuite des classes moyennes, notamment en raison du choix des habitants de vendre leur appartement pour laisser s'installer l'activité prédatrice d'Airbnb, d'hôtels ne disant pas leur nom et échappant aux règles fiscales... C'est pour cela que nous avons développé, avec le précédent gouvernement et l'actuel, des mesures correctrices.

Quant au fret et à la logistique urbaine, Paris est la ville du monde qui a le plus de commerces de proximité par habitant, grâce au travail mené depuis quinze ans en bonne intelligence avec la chambre des métiers et au PLU. Mais l'accord récent entre Amazon et Monoprix risque de tuer ce réseau de commerces de proximité et pose un problème de mobilité et de livraison, notamment pour le dernier kilomètre.

Nous réfléchissons à l'utilisation des sous-sols, notamment avec La Poste, pour apporter des réponses liées au e-commerce, même si c'est sans doute la loi qui pourra limiter la profusion de livraisons qui viennent percuter la mobilité dont nous avons besoin. Des liaisons existent sur la Seine pour des livraisons de commerces de proximité, notamment par le port du Gros Caillou, base logistique importante. La gare de Bercy permet également l'acheminement par le rail. Nous travaillons avec les commerçants et avec Rungis où ils vont se fournir, notamment pour favoriser l'utilisation de véhicules fonctionnant au gaz ou à l'électricité. Cette semaine se tient le salon des mobilités professionnelles. L'industrie s'est saisie du sujet, et propose des offres de transport via des véhicules propres : c'est de l'emploi ! Sortons des schémas manichéens : la transition énergétique produit des mutations et des transformations d'emplois, et il faut travailler sur les processus. Sur 13 ans, les constructeurs automobiles peuvent s'adapter - c'est la durée de vie d'une automobile. La plupart d'entre eux ont jugé que la mobilité urbaine et la transition énergétique étaient une opportunité. Désormais, ils vous affirmeront que leur travail est moins de fabriquer des voitures que de proposer de la mobilité en tant que service. C'est une opportunité pour travailler en commun.

Le 27 avril prochain, nous installerons le premier comité parisien des mobilités, qui ne traitera pas simplement des transports collectifs, mais aussi des taxis, des gestionnaires de stationnement, des gestionnaires des services d'autopartage ou de vélo. C'est de cette façon-là que nous devons travailler. Nous y intégrons le sujet des navettes autonomes : nous avons testé, avec succès, une première navette autonome depuis plusieurs mois sur le pont Charles-de-Gaulle entre la gare d'Austerlitz et la gare de Lyon. Nous testons actuellement avec la RATP une navette autonome qui relie la porte de Vincennes à la Cartoucherie et au Parc floral. Nous souhaitons être prêts pour les Jeux olympiques de 2024. Cela s'intègre très bien dans le plan stratégique de développement des véhicules autonomes de Renault : ils envisagent de développer en 2021 ces véhicules, et seront prêts en 2024. Au salon mondial de l'automobile de Genève, ils ont présenté des véhicules autonomes collectifs, de six à neuf places. L'arrivée des véhicules autonomes bouleversera les transports publics collectifs. C'est pour cela que la gratuité n'est pas une question incongrue. Il faudra réfléchir à la façon dont nous utiliserons notre réseau de transport public, et comment nous inciterons à utiliser ces transports. Cette question ne doit pas seulement être examinée à l'échelle de Paris. Différentes réponses peuvent être apportées, que ce soit la gratuité pour certains publics, notamment les jeunes, ou la gratuité pour tous en cas d'utilisation de véhicules autonomes.

Le péage urbain ne s'appliquerait pas au niveau du périphérique mais au niveau de l'autoroute A86. Il pourrait financer la gratuité des transports pour un certain nombre de publics. J'étais opposée au péage urbain s'il servait à réserver l'entrée de la ville aux plus riches. Le péage de Londres a été un succès dans un premier temps, puis les automobilistes ont été prêts à payer très cher pour rentrer dans la ville. Ils ont dû augmenter le prix du péage, mais la congestion est redevenue la même qu'avant... Cette mesure ne règle pas le problème. Mais si un péage urbain à l'échelle de la métropole permet de dissuader, par exemple, les camions de traverser Paris, et qu'il finance la gratuité des transports, il pourrait être intéressant. Trois de mes adjoints travaillent actuellement sur une étude qui mettra toutes les données sur la table. J'aurais pu garder cela pour la campagne de 2020, mais je préfère qu'on ne reparte pas sur des fake news empêchant un vrai débat.

Demandez au patron de la SNCF son plan sur les gares - même si nous travaillons avec lui.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Ce n'est pas à nous de le demander !

Mme Anne Hidalgo. - Vous connaissez ma responsabilité et la sienne, vous êtes aussi des élus locaux ! Parfois on oublie le temps de l'aménagement de la ville, lorsqu'on travaille sur des temps très longs, comme la SNCF.... Il y a un très beau projet sur la gare du Nord, mais aussi sur la gare de Lyon et sur la gare Montparnasse, avec un réaménagement de toute l'esplanade et de la tour. Nous avons un dialogue fructueux avec la SNCF, mais la question des gares relève d'abord de leur compétence.

Paris est dans le top 3 des classements internationaux pour son attractivité : les trois villes les plus puissantes et les plus performantes du monde sont Paris, Londres et New-York. Il y a dix ans, nous risquions encore de devenir une ville musée qui aurait oublié qu'elle pouvait être aussi un espace de vie et de création d'activités. Le World Economic Forum n'est pas une dangereuse assemblée de gauchistes ! Or ils ont considéré que Paris était la troisième ville la mieux gérée au monde. J'en suis très fière parce qu'après les attentats, le tourisme a chuté. J'ai utilisé la campagne internationale des Jeux olympiques et fait onze fois le tour de la planète pour promouvoir un retour à Paris des touristes et des entreprises. Cela a marché ! Paris est une ville extrêmement attractive. Les patrons du secteur de la finance vont venir à Paris après le Brexit car Paris est non seulement la plus belle ville du monde, mais possède aussi des infrastructures, des services publics, une vie culturelle qui attirent ces expatriés, et développe une politique de lutte contre la pollution. Les cadres dirigeants ne veulent plus aller à Pékin ou à Shanghaï, villes trop polluées. Le président de la République est entièrement d'accord avec moi : la lutte contre la pollution doit être un élément d'attractivité de Paris.

M. Philippe Pemezec. - La messe est dite !

Mme Anne Hidalgo. - Nous rencontrons des difficultés avec les autocars de tourisme, qui ne coopèrent pas souvent : ils bloquent le boulevard Haussmann ou les abords de l'Opéra, tout en faisant tourner leurs moteurs diesel. Cela n'est plus possible. Nous essayons de travailler avec eux, en lien avec la préfecture de police, qui les contrôle, et les grands magasins.

La Samaritaine ouvrira en mai 2019. Nous avons travaillé avec Bernard Arnault sur l'acheminement des clients du futur hôtel et de la Samaritaine, et envisageons des navettes électriques. Bernard Arnault ne veut pas se laisser imposer ce que nous n'arrivons pas à faire boulevard Haussmann. Nous devons avoir une ville civilisée avec des moyens de transport civilisés. Il y a déjà des zones dédiées aux autocars, comme le cours la Reine près du Grand Palais. Mais Paris n'a pas vocation à être traversée par des autocars de tourisme. Les touristes peuvent être déposés à un endroit puis être acheminés par d'autres moyens, et notamment les personnes à mobilité réduite. Nous avons récemment inauguré avec la RATP un bus de visite de Paris qui est entièrement électrique. N'allons pas encombrer Paris : il faut moins de trafic pour que ceux qui sont obligés de prendre leur voiture, comme les médecins ou les commerçants, puissent circuler. Trouvons des alternatives à la voiture individuelle, et arrêtons de croire que les grandes villes attractives sont traversées par de gros autocars de tourisme. On ne trouve pas de grands parkings à autocars au coeur de Rome. Séoul a cassé l'autoroute qui passait en son centre et a transformé un pont autoroutier en parc ; Rio de Janeiro a supprimé cinq kilomètres d'autoroute urbaine pour rouvrir le quartier vers le port. Il en est de même pour Chicago, New-York... Arrêtons de penser à la voiture individuelle : c'est totalement générationnel. Actuellement, les jeunes Parisiens ne passent plus leur permis de conduire.

M. Jean-François Husson. - Il n'y a pas qu'à Paris !

Mme Anne Hidalgo. - Je suis favorable au port du casque de vélo, mais cela passe par la loi, et il y a encore des résistances.

Je vous transmettrai les cartographies fondées sur le trafic. Ce sont des données très intéressantes, qui permettront de dénouer certains carrefours et d'améliorer la fluidité du trafic, notamment par l'organisation des feux.

Je travaille avec Nicolas Hulot sur la réponse qu'il doit apporter à Bruxelles pour éviter la condamnation de la France. Nous travaillons avec la ministre des transports pour intégrer certains sujets à la loi d'orientation sur les mobilités. Le Gouvernement nous accompagne car il est dépositaire de l'accord sur le climat. Le leadership français à l'international passe par une position extrêmement volontariste sur l'environnement, l'écologie et la pollution. Nous sommes attendus et devons donner des gages et des preuves. Notre action à Paris sert au Gouvernement pour éviter des pénalités au niveau européen.

Je pense par ailleurs qu'il faut faire évoluer le droit de l'environnement - nous l'avons vu sur l'annulation du premier arrêté de piétonisation des voies sur berge. Le recours a été conçu pour empêcher ce projet qui a pourtant un impact positif sur l'environnement. Les procédures de concertation, les études d'impact et les enquêtes publiques doivent nourrir le débat public, or ces procédures ont été utilisées pour freiner le projet. On nous a opposé que l'étude d'impact, qui mesurait les reports de circulation, était insuffisante, alors qu'elle s'est révélée plus pessimiste que la réalité en matière de report de la circulation !

Nous devrions avoir un droit de l'environnement qui protège celui-ci et qui oblige la puissance publique à justifier d'un projet favorable à l'environnement. Il devrait y avoir une voie d'accélération pour répondre à l'urgence climatique et aux exigences de l'accord sur le climat signé à Paris. Un tribunal administratif nous oblige à rétablir la circulation sur les voies sur berge alors que la Commission européenne sanctionne la France parce qu'elle ne respecte pas ses obligations en matière de qualité de l'air !

Certaines affaires vont être portées au pénal pour mettre en cause des élus qui n'auraient pas fait ce qu'ils devaient faire. Quant aux normes internationales, la France essaie de rendre l'accord de Paris contraignant : un travail est mené par des juristes sous la houlette de Laurent Fabius. En bas de l'échelle, nous ne pourrions pas mettre en place des mesures relevant du maire ? Paris n'appartient pas qu'aux Parisiens, c'est la capitale de la France, mais je ne peux pas agir au détriment des Parisiens ! On en revient au grand débat sur l'existence d'un maire de Paris, élu par les Parisiens, qui prend des mesures utiles pour ses habitants... Ou faut-il un maire qui devrait être sous tutelle, voire nommé par l'autorité centrale ? Je crois que ce débat est tranché depuis longtemps.

M. Philippe Dominati. - Vous en avez fait une ville à statut particulier et non de droit commun.

Mme Anne Hidalgo. - Par rapport à ces injonctions juridiques et contradictoires, il faut clarifier les choses et promouvoir un régime spécifique aux projets environnementaux, permettant d'accélérer les réponses face à l'urgence climatique.

M. Hervé Maurey, président. - Merci beaucoup. Nous évoquerons le droit de l'environnement lors de la réforme constitutionnelle, puisque la lutte contre le réchauffement climatique pourrait être introduite dans la Constitution. Si tel est le cas, notre commission rendra un avis sur ce sujet.

Vous avez remarqué que notre commission - et pas seulement notre commission, comme l'a souligné M. Assouline - sait dépasser les clivages politiques, pour discuter au fond de ces sujets.

Je retiens de votre intervention et du travail de Mme Tocqueville qu'il faut vraiment communiquer, encore et toujours, car on ne connait pas encore assez les dégâts sur la santé publique de la pollution atmosphérique et on ne mesure pas à quel point il est urgent de prendre des mesures courageuses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17h50.