Mercredi 24 octobre 2018

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2019 - Audition du général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'armée de l'air

M. Christian Cambon, président. - Mon Général, je suis heureux de vous accueillir pour votre première audition devant la Commission depuis votre nomination le 31 août 2018.

La loi de programmation militaire 2019-2025 n'a pas tout résolu, mais elle est allée dans le bon sens, celui d'une remontée en puissance des moyens des armées. Le Sénat se montrera vigilant sur son exécution, dont le projet de loi de finances pour 2019 est la première étape.

La LPM prévoit des livraisons de grands programmes structurants pour l'Armée de l'air : le MRTT Phénix dont le premier a été livré à Istres, vendredi dernier et j'ai pu assister à cette présentation avec plusieurs collègues, la remontée en puissance de notre flotte de transport tactique (A400M, C130), s'agissant de l'aviation de combat, la rénovation des Mirages 2000D et, à partir de 2022, la reprise des livraisons de Rafale, y compris la préparation du standard F4 de cet appareil. Enfin, un effort pour le renseignement avec la livraison et la commande de systèmes de drones Reaper, pour n'en citer que quelques-uns.

La LPM prévoit également le lancement d'études sur le futur missile « ASN4G » pour moderniser la dissuasion et sur le système de combat aérien du futur, dans le cadre d'une coopération européenne à l'horizon post 2035. Sur ce dernier point, nous avons récemment échangé avec les parlementaires allemands : nos visions divergent quelque peu sur le partage des retombées industrielles et sur l'exportation. Quelle est votre appréciation ?

En dehors des programmes d'équipements, ce PLF 2019 est-il satisfaisant pour les infrastructures et le soutien, notamment le maintien en condition opérationnelle ? L'amélioration de la disponibilité des flottes avec la réforme du MCO aéronautique et la création de la DMAé est-elle d'ores et déjà sensible ?

Le volet RH est sans doute le plus critique. L'Armée de l'air a absorbé 50% des déflations d'effectifs de la précédente LPM. Le renouvellement du personnel dans certaines spécialités est difficile. Le recrutement et la fidélisation deviennent des enjeux. Dans le même temps il faut couvrir des besoins nouveaux. C'est, je le sais, votre préoccupation n°1, vous nous direz vos attentes en ce domaine.

Dans le contexte stratégique actuel, vous nous direz si vous prévoyez une diminution des engagements de l'Armée de l'air en OPEX, notamment au Levant. Comment conserver une supériorité aérienne face aux systèmes défensifs -d'anti accès- qui se perfectionnent et se multiplient ? Dans l'avenir, je reste préoccupé par les signes d'une militarisation de l'espace. Vous nous direz sur ces différents sujets ce que l'Armée de l'air a mis en place pour évaluer ces menaces.

Général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l'Armée de l'air.- Je suis très heureux de venir à votre rencontre pour cette première audition en tant que chef d'état-major de l'Armée de l'air. Vous le savez, l'Armée de l'air est une armée au service des opérations, une armée entièrement tournée vers la défense et la sécurité Français. Elle est aussi une grande famille ! Une famille composée d'aviateurs, qui détiennent la clé de nos succès en opération. Une famille dans laquelle vous devez vous sentir chez vous. Aussi, les portes de nos bases aériennes vous sont grandes ouvertes. C'est là que bat le pouls de l'Armée de l'air... on y voit toutes les spécialités d'aviateurs, on y sent la poudre et le kérosène et on vibre au son des décollages des avions !...

Je souhaite d'ailleurs vous remercier des travaux que vous avez menés dans le cadre de la récente loi de programmation militaire... et du rôle du Sénat en particulier. Nous avons une LPM qui permet d'innover, de renouveler nos équipements, de se préparer aux conflits à venir, et surtout...une LPM à hauteur d'homme. C'est très important de pouvoir compter sur la représentation nationale pour faire ce lien si essentiel et si précieux entre notre armée et les Français. Grace à cette LPM de remontée en puissance, je suis heureux de pouvoir annoncer aux aviateurs qu'ils peuvent aborder l'avenir avec optimisme et confiance.

Aussi je développerai mon intervention en trois temps : d'abord je partagerai avec vous ce que j'estime être l'état des lieux de l'Armée de l'air au moment de ma prise de fonctions, puis je vous livrerai les premières orientations de mon plan de vol, c'est-à-dire mon plan stratégique pour l'armée de l'air, enfin, je reviendrai sur l'exercice budgétaire à venir, dans le cadre du PLF2019.

Comme je l'évoquais, dès ma prise de fonction, j'ai souhaité un plan stratégique pour l'Armée de l'air. Mon prédécesseur, le général Lanata, avait initié une large consultation des aviateurs, sur les bases aériennes et dans les états-majors. Cela a permis de tirer un état des lieux assez précis. Il en ressort le constat suivant : après 10 années difficiles, les aviateurs sont engagés et motivés, mais certains semblent un peu perdus. La complexité des processus et le manque de moyens a parfois induit un manque de repères, surtout chez les plus jeunes. Aussi, les aviateurs ont besoin : d'une armée de l'air soudée, à la cohésion renforcée, de simplifier les processus, de plus de subsidiarité et de commandement à tous les niveaux. Ils ont aussi besoin de plus de place à l'innovation, notamment au niveau local. Surtout, alors qu'un nombre croissant d'acteurs utilisent la 3ème dimension, les aviateurs veulent voir leur rôle de référent du domaine aérospatial s'affirmer davantage.

Dans le domaine des opérations, j'observe une contestation croissante des espaces aériens et spatiaux, et une généralisation du déni d'accès. C'est un vrai motif de préoccupation, en tant que conseiller air du CEMA car cette tendance, qui va de pair avec le réarmement des Etats puissances, est de nature à, dès aujourd'hui, nous priver de notre liberté d'action militaire. A titre d'exemple, cette année en Syrie, 3 avions de chasse et un nombre significatif de drones ont été abattus. Et nous opérons au Levant quotidiennement depuis 4 ans ! Nos avions évoluent à proximité immédiate de systèmes sol/air et d'avions de chasse russes et syriens de dernière génération. Des moyens de guerre électronique brouillent les drones de la coalition, nos armements guidés GPS et les systèmes d'arme et de navigation de nos aéronefs ! Nous avons bien pris en compte cette menace lors de la préparation du raid Hamilton. Si on n'y prend pas garde, j'estime qu'il y a un vrai risque à se retrouver privés de notre liberté d'action, et même à voir certains rapports de force s'inverser. Le Field Marshall Montgomery rappelait, au cours de la 2ème guerre mondiale : « si vous perdez la guerre dans les airs, vous perdrez la guerre, et vous la perdrez vite ». Il faut en être convaincu : la liberté d'action dans le domaine aérien est un préalable à notre protection, ainsi qu'à toute liberté d'action militaire, en l'air, à terre comme en mer.

Cela vaut aussi pour l'espace ! La Ministre des Armées l'a rappelé récemment dans son discours au CNES à Toulouse. Elle a donné l'exemple du satellite russe Luch-Olymp qui s'est rapproché excessivement de notre satellite de communications militaires sécurisées Athena-Fidus, dans une manoeuvre inamicale qui s'apparente d'espionnage ! Je crois pouvoir dire aujourd'hui, comme Montgomery à l'époque, que si nous perdons la guerre dans l'espace, nous perdrons la guerre tout court !

Quels sont les enjeux pour l'Armée de l'air ?

Le premier est de rester au rendez-vous des opérations. Je vous l'ai dit, nous avons une armée de l'air au service des opérations. C'est notre raison d'être. Et nous avons jusqu'ici une armée de l'air qui gagne. J'estime qu'il faut en permanence nous adapter pour conserver cet avantage, à la fois vis-à-vis de nos ennemis mais aussi de nos partenaires et compétiteurs stratégiques. Le déni d'accès et la contestation des espaces augmentent. De nouveaux champs de conflictualité s'ouvrent, en premier lieu desquels figurent l'espace et le cyber. Nos ennemis comme nos partenaires se modernisent. Nos alliances et la cohésion entre européens sont remises en cause.

Le second enjeu, ce sont nos ressources humaines. L'aviateur est à la fois le pilier sur lequel repose l'ensemble de nos succès opérationnels, celui qui met en oeuvre et vit notre transformation et aussi celui qui prépare l'avenir ... et il est aussi soumis à de fortes tensions. Il constitue une richesse rare et convoitée dans un secteur civil très compétitif, et qui est aujourd'hui fragilisée.

Pour faire face à ces enjeux, et répondre tant aux attentes des aviateurs qu'au besoin des opérations, je m'apprête à lancer un plan stratégique pour l'Armée de l'air. Il s'appellera « plan de vol », et s'appuiera et s'alimentera du contexte très favorable de remontée en puissance prévu par la loi de programmation militaire.

Je le résume en deux phrases : « Je veux une Armée de l'air agile, moteur en Europe, qui gagne et conserve sa supériorité en opération. Et je veux une Armée de l'air soudée et enthousiaste, qui s'appuie sur des aviateurs experts du domaine aérospatial »

Je vois ce plan de vol se décliner en 4 axes d'effort dont je souhaiterais partager avec vous quelques focus d'intérêt.

Le premier axe, c'est la puissance aérospatiale. Vous l'aurez compris, l'enjeu est de conserver l'avantage en opérations. La revue stratégique précise deux types de menaces : d'un côté les Etats puissances, de l'autre le fait non étatique, qui prend la forme du terrorisme, de l'immigration clandestine ou encore de catastrophes humanitaires... J'estime qu'aujourd'hui, même si nous restons sous la menace permanente du terrorisme, ce qui doit appeler notre attention, et donc structurer notre préparation opérationnelle et notre préparation de l'avenir, c'est la résurgence de la force, utilisée de façon décomplexée par des Etats. C'est pourquoi j'attache une attention particulière à ce que l'on conserve la supériorité aérienne et spatiale.

C'est pourquoi la modernisation de notre composante nucléaire aéroportée est si essentielle. Vous le savez, celle-ci s'appuie sur le triptyque avion de chasse - missile - avion de ravitaillement en vol. Ce triptyque va être rénové. Nous avons retiré du service le M2000N fin juin et sommes passés depuis au tout Rafale. Le premier des 15 avions de ravitaillement en vol A330 Phénix est arrivé vendredi à Istres. La rénovation à mi-vie du missile ASMPa est prévue dans la LPM, ainsi que les études sur le nouveau missile ASN4G. Cette modernisation permettra non seulement de conserver un avantage sur les systèmes de défense adverses, mais aussi de renforcer notre crédibilité dans le dialogue dissuasif.

Au passage, je souligne que ces évolutions bénéficieront à la dissuasion, mais aussi à l'ensemble des missions conventionnelles que nous conduisons quotidiennement, comme au Levant par exemple. Dans ce cadre, l'apport des nouveaux standards Rafale, des radars à antenne active, des missiles de supériorité aérienne METEOR, et du système de combat aérien futur constitueront de véritables game changers dans nos opérations. Par ailleurs, la masse compte, et le nombre d'avions de chasse polyvalents aussi. Tout comme la préparation opérationnelle. Il faut maintenir notre participation à de grands exercices, notamment pour s'entraîner à l'entrée en premier. Et nous allons innover... avec un recours accru aux liaisons de données et à la simulation distribuée. Il faut aussi sécuriser le maillage de nos radars de détection, si nécessaires pour garantir la souveraineté de notre espace aérien...

Je souhaite aussi être force de proposition sur l'espace. D'abord en raison des responsabilités qui sont confiées à l'Armée de l'air en matière de surveillance de l'espace et d'alerte aux populations face à un danger spatial inopiné. Cette mission, prévue par le code de la Défense, est pilotée depuis plus de 10 ans par le « commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes » au sein du « centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux ». Elle s'appuie notamment sur les radars de détection des orbites basses GRAVES et les radars de trajectographie SATAM.

Ensuite, parce l'Armée de l'air participe, avec d'autres, à la mise en oeuvre des satellites d'observation de la terre. Grace à son « centre militaire d'observation par satellite », nous garantissons la fourniture de l'imagerie satellitaire au profit de l'ensemble du ministère, selon les priorités fixées dans les besoins en renseignement ou en produits géographiques. Enfin, l'Armée de l'air a fortement investi le domaine espace, et dispose aujourd'hui de nombreux atouts à valoriser, notamment un personnel motivé, passionné et volontaire, dont la totalité des officiers sont formés à l'espace, dès l'école de l'air de Salon de Provence. Un chiffre : deux tiers des militaires spécialistes espace des armées sont des aviateurs. Nous avons donc acquis en 10 ans une solide expérience et une expertise reconnue, qui nous semble d'autant plus naturelle que l'espace est pour l'aviateur la prolongation naturelle du milieu aérien. Ce n'est donc pas un hasard si parmi les spationautes français on compte quatre officiers de l'Armée de l'air.

Enfin, au niveau interministériel, je souhaite porter dans mon plan de vol le sujet de l'action aérospatiale de l'Etat - dit autrement, « l'action de l'Etat en l'air » par analogie à l'action de l'Etat en Mer. En effet, un grand nombre d'acteurs utilisent et exploitent la 3ème dimension...et ce nombre va aller croissant. Si l'Etat a besoin d'utiliser l'air face à une catastrophe, son action doit être réactive et efficace. Or l'Armée de l'air, en tant que référent de la 3ème dimension, est reconnue primo-intervenant en cas de crises sur le territoire national pour ce qui concerne la gestion de l'espace aérien et la coordination des moyens aériens de l'Etat dans la 3éme dimension. Aussi, je souhaite proposer un mode de fonctionnement, à partir de l'air, qui permettrait d'apporter des réponses adaptées aux défis que pose l'augmentation exponentielle des acteurs de tous types dans la 3ème dimension comme l'emploi de drones et de mini-drones ou l'augmentation des flux du trafic aérien ou encore l'ouverture au trafic spatial. Aujourd'hui, il n'y a guère que le centre national des opérations aériennes de Lyon Mont Verdun, comme seul organisme étatique à disposer d'une vision globale des moyens aériens disponibles de l'Etat et qui dispose des contacts avec tous les interlocuteurs interministériels et opérateurs aériens civils.

J'aborde maintenant le deuxième axe. Pour assoir cette puissance aérospatiale, je m'appuie sur les aviateurs. Or l'enjeu est d'attirer et surtout de fidéliser le personnel. Cela suppose un métier intéressant, des outils modernes, une préparation opérationnelle de qualité, et de bonnes conditions de vie et de travail. La loi de programmation militaire, que notre Ministre des Armées a voulu à hauteur d'homme, et qui permet une modernisation déjà visible sur certaines bases aériennes, nous donne un cadre très favorable à l'atteinte de cet objectif. Je m'inscris par ailleurs totalement dans la vision stratégique du CEMA, sur la singularité militaire, et partage ses objectifs de durcir, unifier et attirer. En particulier, je veux plus de commandement, plus de subsidiarité et un rapprochement des soutiens aux forces, autour d'objectifs partagés centrés sur la réalisation de nos missions opérationnelles.

Par ailleurs, je souhaite donner plus de transparence aux aviateurs, dans la gestion de leur carrière. A cet effet, je viens de signer une nouvelle politique des ressources humaines de l'Armée de l'air. Celle-ci prévoit d'exploiter la puissance de la digitalisation au service d'une gestion RH plus transparente... et la bascule d'une gestion de flux à une gestion de compétences. Chaque aviateur et chaque acteur RH pourront interagir, c'est-à-dire élaborer les meilleures voies pour répondre aux besoins de compétences de l'Armée de l'air dans le respect des aspirations de chacun. Enfin, je veux libérer les énergies, favoriser la prise d'initiative et faire de l'aviateur un acteur à part entière de nos succès en opération bien sûr, de notre expertise de milieu ensuite, de notre transformation...et de son propre parcours.

Le troisième axe est de disposer d'une Armée de l'air agile. A mi-chemin entre l'enjeu des opérations et celui des ressources humaines se situe pour moi un défi important, celui de mettre en oeuvre les nouvelles capacités que la LPM m'offre. Avec Mme la Ministre, nous avons accueilli vendredi à Istres le 1er A330 Phénix et début octobre à Cognac le premier avion d'entraînement PC21. Cet avion, son système d'arme et ses capacités d'entraînement et de simulation embarqués et virtuels modernisera la formation de nos équipages et contribuera à l'attractivité de la filière. Je réfléchis d'ailleurs à moderniser l'ensemble de la formation des pilotes, du vol à voile à l'arrivée dans les escadrons de combat (chasse ou transport). Je ne détaille pas l'ensemble des nouvelles capacités qui arrivent dans la LPM, mais elles sont nombreuses : arrivée des capacités tactiques de l'A400M, ravitaillement en vol de nos hélicoptères Caracal sur KC130J, nouveaux armements et pods de désignation laser sur Rafale F3R, rénovation du M2000D... L'arrivée de ces nouvelles flottes va véritablement faire changer d'échelle notre aviation : +70% de capacité transport d'ici 2025, doublement de nos capacités des drones d'ici 2020, lesquels seront armés, accueil du premier avion léger de surveillance et de reconnaissance.

Dans le même temps, nous préparerons l'avenir, et favoriserons l'innovation à tous niveaux, que ce soit dans les domaines technologiques, opérationnels ou du quotidien. C'est tout le sens des travaux en cours notamment sur le système de combat aérien futur. Nous visions à garantir, à un horizon de 20 ans et grâce au combat collaboratif connecté, notre supériorité aérienne et spatiale ainsi que la mission de dissuasion.

Enfin, quatrième et dernier axe : disposer d'une Armée de l'air connectée. Quand je dis « connectée », je pense en particulier à l'international, à la société et à la jeunesse.

A l'international, je suis convaincu qu'il faut continuer à développer les coopérations, en priorité dans les domaines où nous en avons le plus besoin. La position de la France, son aptitude à s'engager et à exercer des responsabilités internationales, conduisent naturellement l'Armée de l'air, elle-même dotée d'un large spectre de capacités et d'une forte crédibilité opérationnelle, à jouer un rôle d'entraînement en Europe. C'est pourquoi nous travaillerons, avec nos partenaires, sur les sujets d'interopérabilité, de formation, d'emploi opérationnel ou de construction et partage de capacités. Cet été, nous avons par exemple réalisé la mission PEGASE de projection de puissance en Asie du Sud-Est. Cela a été l'occasion d'opérer avec les pays de la région, de démontrer notre solidarité face à la catastrophe naturelle en Indonésie, et notre capacité de projection de force et de puissance. C'était aussi l'occasion de faire passer un message fort aux Ultra-Marins : l'Armée de l'air est là pour protéger tous les Français, où qu'ils soient!

Enfin, je crois beaucoup à ce que les armées et l'Armée de l'air en particulier peuvent apporter à notre jeunesse. Et l'engagement pour la jeunesse constitue un axe d'effort important et permanent de l'Armée de l'air afin d'entretenir l'esprit de défense et de fortifier le lien Armée-Nation. Pour accomplir cette mission, l'Armée de l'air a décliné le plan Armées jeunesse en plan Air Jeunesse. Celui-ci s'appuie sur : des dispositifs issus du plan égalité des chances (cadets de la Défense, tutorat ou classes de défenses et de sécurité globales par exemple), complétés d'actions développées par l'Armée de l'air (brevet d'initiation aéronautique, cadets de l'Armée de l'air, service militaire volontaire ou volontaires aspirants en année de césure...). L'éventail des dispositifs s'inscrit dans une offre attractive et diversifiée. Mais je crois qu'il reste encore des pistes à explorer pour accompagner cette jeunesse au travers de l'émerveillement que leur suscite l'aéronautique. Si je regarde par exemple ce que font nos amis britanniques avec leur RAF Cadets : ce sont 30 000 à 50 000 jeunes d'une classe d'âge qui, chaque année, conduisent dès l'âge de 12 ans des activités aéronautiques, de vol, sportives, et qui font des camps au sein de 1 000 escadrons d'ancrage local dans la Royal air force. Je souhaite proposer une organisation inspirée de ce modèle, qui pourrait s'appuyer notamment sur des encadrants volontaires, dans leur temps d'engagement que prévoit la 2ème phase du SNU. Je ne perds pas de vue que cette jeunesse constitue aussi une opportunité de recrutement !

Je finirai avec une appréciation sur le PLF 2019 : il permet d'aborder le travail de régénération et de modernisation de l'Armée de l'air.

S'agissant d'équipement, le plan de commandes/livraisons est conforme à ce qui est prévu en LPM, avec notamment les livraisons suivantes : en matière de commandement et surveillance : 1 ALSR, 2 systèmes de drones Reaper et 2 radars GM200, en matière de projection et de mobilité: 1 MRTT, 1 A400M, 2 KC-130J ravitailleurs et 1 avion C-130H modernisé, en matière de formation : 9 PC21, en complément des 8 livrés cette année, et en matière d'Engagement et de combat : 10 Pods de désignation laser PDL NG-TALIOS et 31 missiles air/air METEOR. Mes points d'attention portent sur la rénovation des 3 radars SATAM de trajectographie pour la surveillance de l'espace et le re-complétement du Caracal détruit en opération

En matière d'effectifs, nous recevrons 98 droits supplémentaires, au titre de notre montée en puissance en matière de renseignement (ALSR/Reaper) et du SOUTEX.

En ce qui concerne l'activité, notre ressource est de 4 329 millions d'euros en AE et de 2 321 millions d'euros en CP, hors surcouts OPEX et ressources extrabudgétaires. Cela permettra de couvrir 95% de nos besoins en AE, et de réaliser une activité individuelle par équipage stable par rapport à 2018 - voire en légère augmentation en ce qui concerne le transport. Notez également que ce fort volume d'AE permet d'amorcer la nouvelle politique contractuelle de la DMAé pour aller vers des contrats globaux. La ressource permet donc d'accompagner les efforts pour améliorer la disponibilité des flottes.

Évidemment, la fin de gestion 2018 conditionnera les conditions d'entrée de la 1ère année de la LPM. Nous avons donc besoin de la levée de la réserve et d'une couverture des surcoûts OPEX-MISSINT.

En conclusion nous sommes dans une période favorable que nous n'avions pas connue depuis bien des années. Je suis conscient de cette chance, et vous assure que nous saurons bien employer les moyens mis à notre disposition au service des opérations. Je m'y engage et vous remercie de votre attention.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur du programme 146 - La LPM a mis fortement l'accent sur les coopérations européennes en matière d'armement. Des déclarations fortes, notamment franco-allemandes, ont été faites. Mais les informations dont nous disposons n'amènent pas forcément à être très optimiste. Quel est votre sentiment sur ce sujet, notamment sur le projet de SCAF, et sur le programme de drone MALE européen ? La décision de la Belgique d'acheter des F35 américains aura-t-elle une influence sur le projet d'avion de combat futur franco-allemand ?

Je reste préoccupé par la capacité d'utilisation des drones Reaper pour la surveillance du territoire national notamment à l'occasion de grands évènements.

Enfin, pouvez-vous nous donner votre appréciation sur l'opportunité de développement d'une capacité européenne en matière de très gros avions transporteurs, en remplacement des Antonov que nous louons actuellement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteure du programme 146.- Lors des débats de la LPM, j'ai soulevé la question de l'évolution de nos stocks de munitions. Ceux-ci sont-ils au niveau, entre un engagement opérationnel fort, et la nécessité d'assurer également l'entraînement et la préparation opérationnelle ? A contrario, y aura-t-il une moindre consommation des munitions avec la diminution des opérations contre Daech ?

La LPM a renvoyé après 2025 la question de l'équipement en hélicoptères interarmées légers (HIL), comment résoudre les conséquences de l'obsolescence du PUMA ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178.- La réforme du maintien en condition opérationnelle [MCO] aéronautique était une urgence étant donné que, en 15 ans, la disponibilité des aéronefs a baissé globalement de 10% alors que les coûts de maintenance se sont envolés, durant la même période, de 40%. Les objectifs fixés à la nouvelle direction de la maintenance aéronautique (DMAé) pour 2018, c'est-à-dire une augmentation de 15% de la disponibilité du Caracal, un doublement du nombre d'A400M disponibles de 3 à 6, et le passage de 6 à 7 Atlantique 2 disponibles ont-ils été atteints ?

Quels sont vos objectifs prioritaires d'amélioration de la disponibilité technique opérationnelle pour 2019 ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure du programme 178.- Dans le domaine de la formation, 2018 devait être l'année de la réception sur la base aérienne de Cognac des premiers PC 21, indispensables pour moderniser la formation des pilotes de chasse.

Ces livraisons se déroulent-elles selon le calendrier prévu ?

Pouvez-vous nous expliquer l'articulation entre cette nouvelle formation, qu'on a longtemps désignée sous le nom de formation différenciée, FOMEDEC, et le développement tous azimuts de la formation par systèmes de simulation ?

Quand pensez-vous atteindre la norme d'activité individuelle de 180 heures de vol par pilote de chasse ?

M. Gilbert Roger, co-rapporteur du programme 212.- Sur le volet RH, la fidélisation des personnels est essentielle. Comment la renforcer ? Quels partenariats ? L'Armée de l'air est-elle active pour développer des stratégies et des filières de recrutements en liaison avec l'éducation nationale et les industriels ? Quels types de formations recommandez-vous dans les nouveaux domaines afin que nous anticipions et que nous ne prenions pas de retard par rapport à d'autres pays ?

M. Pascal Allizard, co-rapporteur du programme 144.- On voit monter en puissance la thématique de l'espace comme nouveau terrain de conflictualité entre les Etats. Selon vous, le spatial bénéficiera-t-il de l'augmentation progressive des crédits d'études amont ?

Que pensez-vous des capacités annoncées du bombardier stratégique furtif chinois. Est-ce crédible ? Quelles conséquences devons-nous en tirer pour nos futurs équipements?

Thalès développe un outil expérimental de maintenance prédictive. Les systèmes de ce type constitueront-ils une révolution en matière de MCO ? La maintenance sera-t-elle plus aisée et moins coûteuse ?

Général Philippe Lavigne.- Sur la coopération franco-allemande, je vais ce soir à Berlin prendre contact avec mon homologue pour la première fois. Nous avons prévu en 2019 de nombreuses coopérations. 2019 sera l'année de mise en place de l'escadron de transport franco-allemand sur C130. Nous recevrons les deux derniers C130 J qui nous permettront de ravitailler en vol. Nous avons déjà fait des essais de ravitaillement du Caracal sur C130 J. Nous travaillons également dans le cadre de l'initiative européenne d'intervention qui nous incite à partager nos expériences et à améliorer notre coopération dans la planification et dans les opérations.

Nous avons également le système de combat aérien futur. Le SCAF, vise à conserver, à l'horizon 2040 et plus, notre supériorité en opérations. Nous avons listé une somme de menaces portant sur les technologies et les ruptures de technologies auxquelles nous devrons faire face. Nous avons identifié les besoins. En avril 2018, un accord a été conclu entre les chefs d'état-major allemands et français sur les besoins militaires. Depuis, nous travaillons pour savoir comment faire face à ces menaces. Ce système de combat futur sera construit autour d'une plateforme d'avion de combat, habité ou non, polyvalent, autour duquel nous placerons un certain nombre d'effecteurs, des drones et de l'armement. Quoi qu'il en soit, c'est la connectivité qui sera le game changer. Il est essentiel, dans les combats de demain, de pouvoir saisir toutes les opportunités. Il faudra être plus rapide que l'adversaire. La capacité à gérer l'ensemble des données, à se voir présenter des solutions par l'intelligence artificielle et ainsi à pouvoir agir sera déterminante. La connectivité, la collaboration entre tous les acteurs, qu'il s'agisse de drones, de satellites ou de chasseurs, permettront de conserver notre supériorité opérationnelle.

Sur la question des drones, nous observons une montée en puissance très rapide des drones Reaper. Nous allons recevoir très prochainement nos deux derniers systèmes composés chacun de trois drones et d'un système de commandement. Les drones ainsi livrés seront armés et auront une capacité ROEM (renseignement d'origine électromagnétique). Par ailleurs, l'EUROMALE a été décidé pour permettre à l'Europe d'avoir ses propres drones, qui sont un élément du système de combat aérien futur. Les premières commandes devraient avoir lieu en 2019, les premières livraisons à la fin de la LPM.

Sur les gros-porteurs, lorsque j'étais en Afghanistan, nous avions chaque jour soit des C17, soit des Lockheed C-5 Galaxy qui venaient décharger des grands matériels. Il y a également des Antonov. Certains pays ont fait le choix d'acquérir, c'est le cas des Britanniques, des C17. Nous avons choisi de recourir pour notre part à la location. Un gros transporteur français, l'Airbus A300-600ST dit « Beluga », peut également transporter de gros volumes avec un plus faible tonnage. La question se pose de savoir quel est le besoin dans ce secteur. La France a un besoin du fait de ses interventions en théâtres extérieurs. Est-ce que les autres pays européens ont le même besoin ? La réponse est certainement oui pour les Britanniques et peut-être un peu moins pour les autres mais nous sommes en train de développer l'initiative européenne d'intervention et donc à terme ce besoin commun devrait être avéré. De même, la question des catastrophes humanitaires, survenant plus souvent, induit un tel besoin afin d'intervenir dans les territoires ultra marins. La réflexion est lancée, l'Europe dispose de capacités industrielles pour construire ce genre d'équipement.

Sur les hélicoptères, nous avons trois types d'hélicoptères :

- les Fennec, qui sont des hélicoptères légers qui participent à notre posture permanente de sécurité. Nous n'avons pas de difficultés majeures sauf peut-être le système d'optronique qui doit être remplacé, mais nous avons largement la capacité d'attendre 2028 pour les remplacer,

- les Caracal. Nous attendons le remplacement de celui qui a été détruit pour compléter le parc. C'est un hélicoptère qui participe aux actions des forces spéciales et qui permet également la récupération des pilotes éjectés derrière les lignes ennemies. La remise à niveau est prévue en 2026, ce qui devrait nous amener jusqu'aux années 2030-2040, date à laquelle le HM-NG, hélicoptère de manoeuvre nouvelle génération, dont les études sont prévues, devrait prendre le relais

- enfin les Puma pour lesquels nous avons un sujet : leur âge les rend vulnérables. Nous partageons cette flotte avec l'Armée de terre. Leur disponibilité technique opérationnelle est faible, nous réfléchissons donc à la location d'hélicoptères de manoeuvre tels que les EC225. Nous disposons déjà de deux de ses appareils. C'est une version civile que nous adoptons à la marge par exemple pour réaliser des missions de sauvetage sur terre ou en mer. Nous pourrions devoir louer ce genre d'hélicoptères dans l'attente du HIL HM qui n'arrivera qu'en 2028.

S'agissant des munitions, la consommation a diminué en air-sol, vous le savez. Nous allons rejoindre fin 2018 un niveau qui nous permet d'assurer les opérations de gestion de crise. Nous avons encore des besoins de bombes, notamment à très forte puissance. Des commandes sont prévues en fin de LPM. Sur l'air-air, nous avons un besoin opérationnel qui n'est pas couvert actuellement mais qui est pris en compte dans la LPM puisqu'est prévue la remotorisation de missiles air-air. Un nouveau missile de défense aérienne METEOR est prévu, ainsi que des crédits d'études pour des missiles nouvelles génération anti-aérien MICA (acronyme de « Missile d'Interception, de Combat et d'Auto-défense »).

La réforme du MCO est l'enjeu majeur, comme l'a dit la Ministre des Armées : « Il faut que ça vole !», pour atteindre les normes d'activité et pour la tenue des contrats opérationnels. Le MCO des aéronefs ne doit pas éclipser celui des radars et des matériels sol-air qui sont essentiels comme je vous l'ai dit. La direction de la maintenance aéronautique (DMAé) a été créée afin d'augmenter la disponibilité des équipements, je vais pour ma part créer de l'activité. Ce sont deux choses différentes et complémentaires. Lorsque j'ai un avion disponible, il faut que je l'adapte aux besoins d'entraînement avant de l'affecter à une mission. La disponibilité de certaines flottes est objectivement trop faible. C'est notamment le cas de l'A400 M, du Mirage 2000 D, du C130 et des Pumas. Pour chacune de ces flottes, un plan a été défini : soit la maintenance est confiée dans son ensemble au service industriel de l'aéronautique (SIAé), notamment Clermont-Ferrand pour le C130. Pour l'A400 M, vous avez parlé du plan de remontée en puissance de trois à six, la DMAé est toute jeune et il y a un temps de montée en puissance, mais lorsque j'étais à Orléans il y a 15 jours, cinq aéronefs étaient disponibles : trois étaient en OPEX, un revenait d'outre-mer et le dernier était affecté à l'instruction. La remontée en puissance est donc effective.

Pour répondre à la question sur la remontée de l'activité opérationnelle, nous atteindrons les 180 heures de vol par pilote en 2023 pour la chasse. Actuellement nous avons un plateau à 164 heures de vol. En 2019 est programmée la remontée de l'activité des pilotes de transport.

S'agissant de la formation à Cognac sur PC 21, la livraison est sur le trait. J'étais ce mois-ci à Cognac pour assister au vol du PC 21. En ce qui concerne l'articulation entre la formation et la différenciation, on a deux mouvements très différents. La formation va être modernisée. La différenciation n'a pas pu être mise en place par l'Armée de l'air jusqu'à présent en raison du très fort niveau d'engagement. J'avais donc besoin de tous les pilotes dans le premier cercle. J'ai actuellement accumulé une dette organique de formation, mes jeunes pilotes étaient moins formés car mes pilotes aguerris faisaient la guerre. Lorsque vous faites la guerre en Afrique, vous n'êtes pas entraînés à l'ensemble du panel des activités de guerre, il faut donc vous réentraîner. J'ai une dette organique dans le premier cercle qu'il faut que je comble. Ensuite nous verrons ce que nous pourrons faire en termes de différenciation.

La simulation dans la formation est essentielle à la préparation opérationnelle. Nous avons par exemple de très bons moyens de simulation sur Rafale,A400M et PC21, et attendons un simulateur de drone Reaper pour début 2019. Nous recevrons des moyens de simulation modernes sur MRTT et C 130 J. Nous pouvons d'ores et déjà élever le niveau d'instruction et d'entraînement de nos équipages en générant des cibles et des menaces fictives, tant dans les radars des avions d'armes que dans le système d'armes de nos avions d'entraînement PC21. Nous savons aussi mettre en oeuvre - grâce à la simulation distribuée à distance et à la simulation réelle, virtuelle et constructive, des scenarii d'entraînement à des missions tactiques complexes. Cela me permet d'avoir un entraînement plus réaliste avec plus d'avions fictifs en opposition.

S'agissant du domaine spatial de défense, un groupe de travail est en cours. Il y a en effet un enjeu essentiel car nous avons développé une grande dépendance et l'espace est devenu un champ de conflictualité où les menaces vont grandissantes. Le groupe de travail étudie donc ces menaces, qui doivent dorénavant être prises en compte, et proposera, en fonction du niveau d'ambition retenu, de nouvelles missions pour les armées. J'estime pour ma part que le préalable indispensable aux opérations dans l'espace est le renforcement de notre capacité de surveillance de l'espace. La LPM prévoit d'ailleurs, outre l'acquisition de nouveaux satellites (CSO de MUSIS, CERES, SYRACUSE IV), une modernisation partielle du radar GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale).

Il me semble possible que les Chinois soient en mesure de développer un bombardier furtif. La réponse est le SCAF. Le combat collaboratif connecté est aussi un moyen pour lutter efficacement contre la furtivité.

S'agissant du développement de maintenance productif par Thalès, c'est une bonne chose, c'est ce que l'on peut appeler un « game changer ». Notre objectif étant de voler, nous prenons toutes les bonnes idées pouvant nous permettre d'y arriver.

Sur la fidélisation enfin, nous avons quatre grands axes pour y parvenir. Les compétences seront au coeur de ma politique de ressources humaines. Il va falloir mettre en place une progression professionnelle dynamique et valorisée, dans un format à la hausse : soit une croissance de 98 effectifs en 2019, 330 d'ici 2022, et 1250 sur l'ensemble de la LPM. Nous devons valoriser le capital humain et l'épanouissement de l'aviateur. Tout cela me permettra de stabiliser le capital en ressources humaines par les leviers suivants : promouvoir l'innovation, accélérer la simplification, prendre en compte les conditions dans lesquelles travaillent les hommes. Et lorsque nous modernisons, on l'a vu à Istres - avec des nouveaux hangars et des plans d'infrastructure cohérents permettant de rénover également les logements sur base - les résultats s'améliorent. Enfin le plan famille annoncé par la Ministre augmente l'attractivité de la carrière militaire.

M. Jacques Le Nay. - De notre visite sur la base aérienne de Saint-Dizier le 22 février, j'ai retenu le haut niveau de performance de notre Armée de l'air et nous avons été impressionnés par l'atelier de maintenance. Cependant la presse relaie régulièrement aussi les difficultés rencontrées en matière de maintien en condition opérationnelle. Une stratégie en trois ans pour optimiser la maintenance a été annoncée. Les moyens financiers de ce budget sont-ils mis en place pour la conduire ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Ma question porte sur le programme ACCS qui est capital pour l'interopérabilité entre les pays alliés pour le traitement des informations de la défense aérienne. Je me rends la semaine prochaine à Cinq-Mars-la-Pile. Le général Lanata avait estimé nécessaire de prolonger le fonctionnement et le soutien du système STRIDA pour sécuriser la continuité de la protection de l'espace aérien national. Où en est-on aujourd'hui concernant le retard de ce programme ?

M. Olivier Cadic. - La Belgique vient d'annoncer l'achat de 34 F35, c'est une déception pour le programme Rafale. Votre prédécesseur appréhendait l'arrivée de l'avion de 5ème génération qui pouvait menacer la mise en oeuvre d'un programme d'avion de combat à l'échelle européenne. Vous mettez en avant le partenariat franco-allemand. Nous avions la même question au début des années 80. Est-ce que les discussions avec les Allemands prennent en compte la liberté éventuellement future d'exporter cet avion ?

M. Richard Yung. - Vous avez parlé de suprématie de l'Armée de l'air. Comment vous comparez-vous par rapport aux autres grandes armées opérant en Europe. S'agissant de l'action aérospatiale de l'Etat. Le président Trump a souligné sa spécificité et annoncé la création d'une « sixième armée » de l'espace. Avez-vous des propositions en la matière ?

M. Alain Cazabonne. - Nous avons entendu récemment le directeur général de l'ANSSI qui vous avait souligné l'importance des dommages que pouvait occasionner une cyberattaque. L'Armée de l'air est-elle suffisamment protégée en cas de cyber-attaque ?

M. Robert del Picchia. - Comment lutter contre la mise en oeuvre des dispositifs de déni d'accès et faire passer nos forces ?

M. Ladislas Poniatowski. - Vous avez mis en avant le partenariat franco-allemand s'agissant du SCAF. Je suis un lecteur de la presse spécialisée allemande qui n'est pas tendre avec l'armée allemande et qui soulignait, dans un article publié en juin dernier, sa faible aptitude au combat et un état de délabrement qui touche toutes les armes. Ainsi seuls 4 Eurofighter seraient en état de volet, entre juin 2017 et juin 2018, 15% des pilotes d'hélicoptère auraient perdu leur licence faute d'heures de vol suffisantes. La France ne risque-t-elle pas de trouver bien seul dans le projet d'avion de combat du futur ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Vous souhaitez une Armée de l'air soudée et confiante. La confiance se gagne souvent dans les détails. Il y a des problèmes au niveau de l'habillement. Le taux de satisfaction est de 20% avec des ruptures de stocks fréquentes et des difficultés à fournir le paquetage aux nouveaux engagés, mais aussi à des problèmes de marché et de faillites d'entreprises. Qu'envisagez-vous pour remédier à ces difficultés ?

Général Philippe Lavigne.- Le MCO est essentiel, et nous sommes mobilisés derrière la DMAé. Le budget prévoit une augmentation de l'entretien programmé des matériels (EPM) de +9% en 2019, et +33% sur la LPM. Nous voyons d'ailleurs les premiers résultats sur l'A400M. Donc nous sommes assez confiants sur la question du MCO.

Sur l'ACCS, nous avons effectivement pris du retard. Nous avons insisté pour tenir certaines échéances sur ce programme. Au cours des années qui viennent, et jusqu'en 2022, nous aurons tout un mouvement de déploiement des nouveaux radars 406, 403 et 200. Donc nous maintenons le STRIDA dans l'attente de l'achèvement du programme ACCS. Par ailleurs, nous développons la coopération européenne en matière d'échanges de partage de données radars, avec l'Espagne notamment, et plus récemment avec l'Allemagne.

Je ne ferai pas de commentaires sur l'éventuel choix belge en matière d'avion de combat. En tous les cas, nous ferons le SCAF a minima avec les Allemands. Par ailleurs, nous avons développé le Trilateral Strategic Initiative, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ce qui nous permet de de développer notre interopérabilité en nous entraînant au meilleur niveau avec nos alliés. Cela nous permet de conserver notre capacité d'entrer en premier, et de lutter contre les stratégies de déni d'accès. Je note d'ailleurs au passage que le Rafale est un des meilleurs avions de combat au monde.

Sur le spatial, je ne peux en dire beaucoup plus à ce stade. L'Armée de l'air a des capacités qui vont contribuer à la politique militaire spatiale évoquée par le Président de la République dès le 13 juillet dernier. Nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet, qui devrait présenter ses conclusions à la fin de l'année. Il y a les opérations depuis l'espace, et le développement plus récemment par certains Etats d'opérations inamicales dans l'espace, auxquelles il va falloir réagir.

Par rapport au risque cyber, la responsabilité est d'abord portée par le commandement interarmées de cyber défense. Néanmoins, l'armée de l'air dispose d'une unité sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, en charge de la lutte informatique défensive pour les besoins spécifiques de l'armée de l'air. Je vous invite à venir la visiter. Nous avons des systèmes qu'il nous revient de protéger, tout cela s'inscrivant dans le cadre global défini par le commandement de cyberdéfense.

Sur le déni d'accès, nous avons plusieurs réponses : le SCAF ; le futur missile de croisière que nous développons avec les Britanniques ; le fait de disposer d'un avion de supériorité aérienne, comme c'est le cas actuellement du Rafale ; de nouveaux radars actifs, qui correspondent aux caractéristique du nouveau missile de supériorité aérienne Météor ; et de futurs équipements de guerre électromagnétique, comme le CUGE.

Concernant l'implication allemande dans le SCAF, elle est forte, pour nous permettre de faire face conjointement aux menaces que nous rencontrerons à l'horizon 2040.

Pour ce qui est enfin de l'habillement, son achat ne relève pas directement de ma compétence. En revanche je suis responsable du moral des aviateurs. Et je reconnais que c'est un problème. C'est pourquoi je suis très attentif à ce sujet. Cela étant, je peux témoigner que, depuis mon entrée dans l'Armée de l'air, la qualité de l'habillement s'est bien accrue.

Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

M. Christian Cambon, président. - Nous auditionnons à présent M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration (SGA) du ministère des Armées, qui a la responsabilité du programme 212, dont le montant est de l'ordre de 15 milliards d'euros. Celui-ci concerne à la fois le soutien, les infrastructures, la politique immobilière, les dépenses de personnel et les systèmes d'information. Tout le monde a encore en tête les nombreuses questions qui vous ont été posées les années précédentes sur le système Louvois et son remplacement par Source Solde.

Nous avons, comme tous les ans, un certain nombre de questions à vous poser. Ce ne sont pas toujours les plus agréables, mais elles visent à faire en sorte que cette première année de la LPM soit exemplaire.

Le chiffre de 450 créations d'emplois en 2019 est évidemment insuffisant si l'on tient compte de ce que souhaitent les différents chefs d'état-major. Va-t-il falloir redéployer les postes ? Dans ce cas, où va-t-on le faire ? Nous avons entendu dire que le titre 2 consacré au personnel, qui est sous votre responsabilité, n'avait pas été totalement consommé en 2018. Il est vrai que l'année n'est pas terminée, mais il serait fâcheux de se plaindre de l'insuffisance en personnel et de ne pas dépenser la totalité des crédits. Vous nous direz ce qu'il en est.

La nouvelle politique de rémunération des militaires est un chantier gigantesque et à hauts risques. Nous sommes évidemment inquiets des impacts que peut avoir la mise en oeuvre du prélèvement à la source, mais aussi de la réforme des retraites. Le chef d'état-major des armées, dans de nombreuses déclarations, a dit qu'il souhaitait que les armées bénéficient d'un traitement spécial lié aux contingences de leurs missions : quelles sont les pistes de réflexion ?

Sur le plan de la gouvernance, tous les chefs de nos armées souhaitent une meilleure subsidiarité. On sait qu'un commandant de base ne peut faire repeindre un couloir sans s'adresser au SGA. Je simplifie un peu, mais la demande est récurrente. Vous nous direz, là aussi, quelles sont vos pistes de réflexion. Avez-vous notamment dépensé la totalité de vos crédits d'infrastructures en 2018 ?

Autre sujet sur lequel nous vous interrogerons : la politique immobilière du ministère, une des priorités de la commission. Nous sommes bien évidemment toujours inquiets de l'état dégradé de nos infrastructures et des importants besoins non financés. On a estimé à 2,5 milliards d'euros sur six ans l'argent qui manque pour remettre ces infrastructures à niveau.

Sur le plan des recettes immobilières, où en est-on des cessions immobilières parisiennes, notamment l'îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce, sur lesquelles nous vous interrogeons chaque année ? Vous savez que nous souhaitons que les armées puissent garder des capacités de logement, notamment pour Sentinelle, faute de quoi les soldats sont logés très loin à l'extérieur et passent une bonne partie de leur temps en déplacements.

Vous savez que nous avons voté dans la LPM la non-application de la décote Duflot, sauf si une partie importante des logements sociaux créés est affectée à des militaires. Comment cela va-t-il être concrètement appliqué, notamment sur l'îlot Saint-Germain et au Val-de-Grâce ? Quelles sont les retombées pour les armées, en termes de recettes ou de logement, de cette disposition ?

Nous sommes en outre saisis très fréquemment d'observation de militaires qui voient leur affectation de logement à Paris signifiée fin août, à quelques jours de la rentrée scolaire, ce qui ne simplifie pas la vie des familles. Or on est dans une LPM à hauteur d'hommes. Il faut donc aussi que ces considérations soient prises en compte.

Enfin, vous êtes en charge, au titre du service national universel (SNU), de la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui avait fait l'objet de quelques observations et même d'amendements. Quelle serait, selon vous, la contribution soutenable des armées à ce futur dispositif, qui va certainement prendre corps, puisque nous avons relevé qu'il existe dorénavant un secrétaire d'État pour mettre cette réforme en place ?

Monsieur le secrétaire général, cette audition est filmée et sera retransmise sur le site internet du Sénat. Vous avez la parole pour une quinzaine de minutes, à la suite de quoi nous aurons des échanges avec les rapporteurs et l'ensemble de nos collègues.

M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais rapidement vous présenter les principaux éléments du budget pour 2019, et notamment ce qui concerne les trois programmes placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration.

Vous le savez, la décision du Président de la République de donner une priorité budgétaire dans la durée aux crédits des armées se confirme à travers ce projet de loi de finances. Le budget consacré à la mission « Défense » augmente de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2018, s'établissant à 35,9 milliards d'euros hors pensions. C'est une augmentation significative de 5 % par rapport à 2018, portant l'effort de défense à 1,82 % de la richesse nationale.

Nous considérons que les bases de ce projet de loi de finances sont solides. En effet, les crédits alloués reposent sur des ressources budgétaires et non sur des recettes exceptionnelles. De plus, la provision pour opérations extérieures et missions intérieures poursuit son augmentation progressive, pour s'établir à 950 millions d'euros en 2019, notamment sur des crédits de titre 2, sur lesquels je reviendrai.

Il nous appartient donc désormais de bien employer ce budget et de confirmer l'inflexion de la traduction budgétaire des armées déjà amorcée l'an dernier.

Trois programmes sont placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration et, en premier lieu, le programme 212 « Soutien de la politique de défense », qui regroupe les fonctions d'administration et de soutien mutualisé au profit de l'ensemble du ministère des armées. Les crédits de paiement de ce programme, hors dépenses de personnel, vont augmenter de près de 3 %, soit 80 millions d'euros, passant de 2,56 milliards d'euros en 2018 à 2,64 milliards d'euros en 2019.

Cette hausse est plus limitée que celle que nous avions connue l'an dernier, qui était de 20 %. L'an dernier, un effort très important avait été réalisé en matière d'infrastructures, puisque l'augmentation avait été de plus de 400 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) entre 2017 et 2018. Néanmoins, l'augmentation de 2019 sera confirmée, en particulier pour les infrastructures.

Le programme 167 « Lien entre la Nation et son armée » contient peu de crédits, mais c'est malgré tout un programme important dans notre relation avec les jeunes Français notamment, ainsi qu'en matière de politique de mémoire. C'est un programme qui bénéficiera de 33,81 millions d'euros en CP en 2019, soit une baisse de 8,87 millions d'euros par rapport à 2018.

Ce programme comporte deux actions. La première regroupe des unités opérationnelles (UO) à destination de la jeunesse, notamment la « Journée défense et citoyenneté », dotée de 15,3 millions d'euros. On prévoit d'accueillir à cette occasion 792 745 jeunes. Une unité opérationnelle nouvelle du programme 167, auparavant inscrite au programme 178, concerne le service militaire volontaire (SMV), que vous avez pérennisé dans le cadre de la loi de programmation, et qu'il a été décidé de gérer dans le cadre d'un service à compétence nationale placé sous l'autorité du directeur du service national et de la jeunesse. Cette UO bénéficie de 2,5 millions d'euros de crédits budgétaires et contient également un montant provisionnel indicatif de 3,3 millions d'euros issu de fonds de concours, notamment pour la formation professionnelle et pour les dépenses de formation professionnelle des jeunes ayant choisi le SMV.

Le programme 167 enregistre une baisse des crédits relatifs à la politique de mémoire, qui bénéficiait de 28 millions d'euros en 2018 contre 16 millions d'euros en 2019. Ceci est normal : on arrive à la fin du programme de commémoration de la Première Guerre mondiale.

Cependant, on enregistre un mouvement de transfert sur ce programme 167 entre le ministère de la culture et le ministère des armées. Désormais, c'est en effet ce dernier qui aura la responsabilité de l'organisation du 14 juillet. À cet égard, on nous a transféré 2,4 millions d'euros du programme « Patrimoine » du ministère de la culture.

Le programme 169 « Anciens combattants - Mémoire et lien avec la Nation » verra ses crédits s'élever à 2,196 milliards d'euros, en baisse de 7 % par rapport à 2018, ce qui correspond à l'évolution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité et de retraite du combattant.

Il existe néanmoins trois mesures nouvelles dans le budget 2019. Une première mesure était très attendue par le monde combattant, celle du droit à la carte du combattant pour les militaires déployés sur le sol algérien entre juillet 1962 et juillet 1964. On estime le nombre de personnes concernées à environ 50 000 anciens combattants. Cette mesure devrait coûter environ 6,6 millions d'euros en 2019 et 30 millions d'euros en année pleine à partir de 2020.

Le deuxième ensemble de mesures concerne les harkis. La secrétaire d'État a récemment annoncé un plan « harkis », préparé à la suite des réunions d'un groupe de travail animé par le préfet Ceaux.

Ces mesures comportent des mesures de revalorisation des allocations de reconnaissance et de l'allocation viagère bénéficiant aux anciens membres des formations supplétives et à leur conjoint. Ces allocations augmenteront de 400 euros, soit une dépense de 2,5 millions d'euros pour un peu plus de 5 800 bénéficiaires.

Un dispositif de solidarité est mis en place à hauteur de 7,5 millions d'euros. Il sera prorogé durant tout le quinquennat et permettra de répondre aux difficultés que pourrait avoir la deuxième génération, c'est-à-dire les enfants de harkis. Ces aides seront accordées après une enquête sociale.

Enfin, il est prévu une mesure symbolique mais importante de revalorisation du montant des expertises médicales afin de les aligner sur celui de la sécurité sociale et de faciliter le travail en la matière.

S'agissant du titre 2, le secrétaire général pour l'administration a depuis 2015 la responsabilité de la gestion de la masse salariale du ministère, antérieurement placée sous celle des employeurs.

Pour 2019, la ressource totale, y compris les crédits de pension, s'élève à 20,811 milliards d'euros, dont 8,455 millions d'euros pour le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions, soit, hors pensions, 12,356 milliards d'euros, qui seront complétés par 259 millions d'euros de ressources extrabudgétaires, principalement grâce à l'attribution des produits de cession du Service de santé des armées (SSA), à hauteur de 258 millions d'euros.

Les crédits du titre 2 augmentent de 234 millions d'euros par rapport à 2018 en raison de l'évolution positive du schéma d'emploi.

En 2019, le plafond des effectifs budgétaires du ministère s'élèvera à 274 595 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit 77 % de militaires, 23 % de civils. Le schéma d'emplois se traduit par la hausse de 450 postes hors Service industriel de l'aéronautique (SIAé), celui-ci récupérant quant à lui seize emplois supplémentaires.

Les priorités pour ces 450 postes concernent le renseignement, le numérique, la sécurité-protection, le soutien aux exportations et la réponse à certains besoins opérationnels, notamment au profit de l'armée de l'air et de la marine.

Cette hausse du schéma d'emploi pour les militaires à hauteur de 282 ETPT se traduit par le maintien du nombre de sous-officiers, une baisse de 50 ETPT de militaires du rang et une évolution de 312 postes pour les officiers, dont la diminution très importante pose aujourd'hui des difficultés aux armées dans les fonctions d'encadrement et d'expertise de haut niveau, qu'il faut absolument corriger.

Concernant le personnel civil, l'augmentation sera de 184 ETP. La population des ouvriers d'État continuera à baisser de 814 emplois. On augmentera les catégories A à hauteur de 315 emplois, les catégories B à hauteur de 433 emplois, et les catégories C à hauteur de 250 emplois.

Cela signifie que l'on va avoir, en 2018 comme en 2019, un volume de recrutement extrêmement important à réaliser, avec un turn-over de nouveau très important au sein du ministère. On aura près de 25 300 recrutements à effectuer en 2019, dont près de 3 700 recrutements de personnels civils. Nous sommes donc encore à l'aube d'une année très importante en termes de recrutement. La marine et l'armée de l'air ont notamment du mal à limiter et à compenser les départs.

Compte tenu de ce que je viens de dire, et notamment des difficultés que nous rencontrons pour fidéliser les personnels, il faut prévoir un certain nombre de mesures catégorielles. Celles-ci s'élèvent à 131 millions d'euros en 2019, dont 22,8 millions d'euros pour le personnel civil. Elles visent à couvrir les besoins prioritaires du ministère en termes d'attractivité et de fidélisation. À cette fin, nous allons essayer de mettre en oeuvre pour 2019 une prime de lien au service qui va se substituer à cinq primes existantes, et qui devra être mise en oeuvre par les gestionnaires de ressources humaines.

Nous avons prévu 12 millions d'euros pour mettre cette prime en oeuvre dès cette année. Elle est actuellement présentée au ministère en charge de la fonction publique et au ministère du budget. On espère bien pouvoir disposer de ces textes dès le début de l'année.

Par ailleurs, nous mettrons en oeuvre des mesures votées dans le cadre de la loi de programmation militaire, notamment deux expérimentations en matière de procédures de recrutement dérogatoires (sans concours) visant notamment des personnels civils, afin de pourvoir certains postes techniques où nous avons des difficultés. Nous avons par exemple plus de 130 postes de techniciens au service des infrastructures qui ne sont pas pourvus, faute de l'être par le biais des concours. Il faut donc utiliser les éléments introduits dans la LPM pour répondre aux difficultés que nous connaissons.

Vous avez, monsieur le président, évoqué la nouvelle politique de rémunération des militaires. C'est un chantier qui commencera à être engagé en 2019. Des mesures vont être mises en oeuvre, notamment pour fidéliser les médecins. L'an dernier, nous avons modifié le régime de rémunération des gardes, en commençant à les rémunérer. La ministre a validé la mise en place de primes, reconnaissant la spécialité des médecins engagés dans la médecine des forces ou dans les centres médicaux des armées.

D'une manière générale, nous voyons aujourd'hui comment construire la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Ceci rejoint votre question sur la réforme des retraites. Nous essayons de toucher à la fois aux aspects indemnitaires et indiciaires.

Nous allons pour ce faire travailler autour de huit thèmes différents :

- premier thème : les sujétions et obligations des militaires ;

- deuxième thème : les parcours professionnels et l'exercice de responsabilités, pour mieux valoriser la détention de qualifications ;

- troisième thème : l'engagement opérationnel afin de déterminer comment compenser l'absence. Vous savez qu'une indemnité d'absence compensée a été mise en place à partir de 2015. Comment celle-ci va-t-elle être prise en compte ?

- quatrième thème : les activités spécifiques pour des emplois à haut niveau d'exigences (sous-mariniers, pilotes, etc.) ;

- cinquième thème : qualifications et compétences. Quelles primes va-t-on attribuer pour conserver les compétences ? Cela rejoint ce que je disais à propos des médecins et des ingénieurs ;

- sixième thème : commandement et performances. Comment valoriser les postes de commandement et de responsabilité afin de garder les officiers et éviter des départs trop importants ?

- septième thème : la mobilité. Comment indemniser la mutation de façon plus simple et homogène ? Ceci nous conduit à ouvrir le sujet de la politique du logement, que vous avez évoquée. Devons-nous indemniser ou prévoir à la fois une indemnisation et un parc de logements ? Dans les zones sous forte tension, comme Paris, Toulon, Bordeaux, ce parc est nécessaire. En région parisienne, nous disposons de plus de 10 000 logements, dont 2 000 logements domaniaux. Ceux-ci nous sont utiles pour essayer de jouer par rapport au prix du marché. Ces logements sont proposés au personnel, à Paris à 50 % en dessous du prix du marché et, en province à 30 % du prix du marché ;

- huitième thème : la garnison, qui sera également prise en compte.

Nous travaillons sur ces huit thèmes au sein du ministère, mais aussi en liaison très étroite avec la gendarmerie. J'ai rencontré hier soir le directeur général de la gendarmerie à ce sujet. Nous serons en mesure de proposer à la ministre un certain nombre d'orientations à la fin de l'année. Elles seront examinées lors d'un comité exécutif (Comex) qui se tiendra avec les chefs d'état-major.

Dans les crédits du titre 2 figurent également les crédits relatifs à l'action sociale, qui permettront notamment de mettre en oeuvre le plan famille. Celui-ci sera doté d'environ 57 millions d'euros en 2019. La dotation relative à l'action sociale, elle, se stabilise par rapport à 2018 à 111 millions d'euros. Nous avons, dans le cadre du plan famille, mis en place un portail numérique social des armées qui fonctionne depuis le milieu de l'année. Il sera complété en 2019 par une seconde partie, qui permettra de déposer une demande en ligne. Nous sommes également en train de mettre en place un portail destiné à faciliter l'aide apportée aux familles en matière d'assistance maternelle.

Enfin, parce que la gestion du personnel restera une gestion de flux, nous avons besoin d'outils de reconversion du personnel. La dotation inscrite au PLF 2019 s'élève à 38,7 millions d'euros, en augmentation de 1,2 million d'euros. L'agence de reconversion a procédé à plus de 12 000 reclassements en 2017. Ce chiffre sera à peu près le même en 2018.

Ces reclassements ont un aspect positif, le nombre de militaires au chômage ayant baissé au cours de l'année écoulée de près de 4 %. La dépense de chômage a, quant à elle, également baissé l'an dernier d'environ 5 %. La dépense prévue en 2019 s'élève à 138 millions d'euros.

Quelques mots à propos de la politique immobilière. Vous avez appelé notre attention dans plusieurs rapports sur son importance. Elle l'est d'autant plus que le parc mis à disposition des forces armées représente un quart de la valeur du parc immobilier de l'État. Le budget pour 2019 s'inscrit dans la continuité de 2018, avec une augmentation de crédits. La dotation, toutes dépenses et toutes opérations stratégiques confondues, s'élèvera à 2,83 milliards d'euros en AE et à 1,834 milliard d'euros en CP. Une diminution de 80 millions d'euros apparaît en AE, mais on constate une augmentation de 53 millions d'euros en CP.

Par ailleurs, nous envisageons d'utiliser 30 millions d'euros d'AE et 160 millions d'euros de CP par l'intermédiaire du CAS Immobilier à partir de ce que nous pensons récupérer en termes de cessions immobilières au cours de l'année 2019, notamment avec la cession de l'îlot Saint-Germain.

L'effort le plus important dans le budget 2019 est réalisé sur les opérations de maintenance. Un effort très important est nécessaire. On avait diminué les crédits de maintenance dans la précédente LPM parce qu'on avait des investissements lourds à réaliser pour accueillir de nouveaux matériels. On rétablit les crédits de maintenance à un niveau élevé. 411 millions d'euros en AE et 373 millions d'euros en CP y seront consacrés, les crédits de maintenance augmentant de 12 %.

La moitié sera consacrée à la réalisation d'opérations de maintenance individualisées d'un montant supérieur à 500 000 euros. L'autre moitié est consacrée à des opérations en dessous de 500 000 euros. Par rapport à la subsidiarité, les opérations inférieures à 500 000 euros sont pilotées localement par le commandant de la base de défense et le patron du service d'infrastructure au plan local. Je suis très attentif aux propos sur la subsidiarité. Pour moi, celle-ci ne s'exerce pas au profit des états-majors centraux, mais du terrain. Ce sont les commandants de base de défense qui disposent des éléments pour pouvoir décider des opérations.

Il faut par exemple avoir à l'esprit que l'enveloppe de crédits qui est accordée aux deux principales bases de défense, celles d'Île-de-France et de Toulon, représente 13 millions d'euros par an. Sur cette somme, seul un million d'euros est véritablement à leur disposition en tant que tel, hors contrats d'électricité, etc.

J'ai donc proposé à la ministre d'augmenter cette enveloppe des crédits déconcentrés de 50 millions d'euros dès 2019, en plus de ce que l'on donne aujourd'hui, afin que le commandement de Base de Défense (COMBdD) puisse réellement disposer d'une somme de 2 à 3 millions d'euros.

Je souhaite qu'on ne les flèche pas à partir des états-majors parisiens ou de mes services. C'est aux COMBdB avec les responsables d'unités, de discuter localement des priorités. Vous dites qu'on ne peut peindre une pièce sans mon autorisation : si, on le peut ! La liberté de manoeuvre est importante, mais il faut l'accroître - et j'en suis tout à fait conscient.

J'ai d'ailleurs fait des propositions en ce sens à la ministre. J'espère qu'on pourra les mettre en oeuvre dès 2019 et que cela pourra se traduire dans le budget 2020 par une augmentation des crédits de maintenance réellement déconcentrés à partir de la construction budgétaire.

M. Christian Cambon, président. - C'est très attendu !

M. Jean-Paul Bodin. - Les crédits d'infrastructure sont répartis dans trois opérations stratégiques (OS).

Premièrement, pour le fonctionnement et les activités spécifiques, 310 millions d'euros, dont 94 millions d'euros de loyers budgétaires, seront maintenus pour le ministère en 2019, avant d'être appelés à disparaître.

Deuxièmement, l'OS dissuasion, qui comprend toutes les dépenses d'infrastructure relatives à la dissuasion, recevra 92 millions d'euros d'AE et 139 millions d'euros de CP.

Troisièmement, les infrastructures de défense relatives à la construction, la rénovation et la maintenance des infrastructures, qui ne concernent pas la dissuasion, sont dotées de 1,680 milliard d'euros d'AE et 1,385 milliard d'euros de CP.

Nous allons, avec ces crédits, réaliser ou poursuivre des aménagements qui permettront d'accueillir des matériels nouveaux. Je pense, par exemple au sous-marin Barracuda dans les trois ports, et plus particulièrement à Toulon. Nous devrions engager 412 millions d'euros d'AE en 2019. Je pense également au MRTT. La ministre a reçu la semaine dernière le premier à Istres. Vous avez dû y voir le hangar qui abrite cet avion.

M. Christian Cambon, président. - La réalisation du bâtiment est extraordinaire.

M. Jean-Paul Bodin. - Des discussions ont lieu pour savoir si l'on doit en faire un second, dans quel délai, voire un troisième, et si l'on doit prévoir des pistes supplémentaires compte tenu de l'augmentation du nombre des avions. Nous travaillons sur cette question.

Je me réjouis de votre enthousiasme, d'autant que cette opération a été menée par une équipe totalement intégrée de l'armée de l'air et des services d'infrastructure. Ceci a dès le départ donné lieu à un travail conjoint, afin de répondre aux besoins de l'armée de l'air.

Des investissements seront également engagés à hauteur de 85 millions d'euros en faveur du programme Scorpion. On continuera aussi la rénovation électrique du port de Brest, où l'on devrait engager 31 millions d'euros l'année prochaine. On poursuivra par ailleurs la réhabilitation de l'installation nucléaire à Toulon à hauteur de 88 millions d'euros. Il s'agit d'investissements extrêmement lourds, liés à l'arrivée des nouveaux matériels.

Des dépenses auront également lieu en matière de logement. Un programme important est prévu dans le cadre de la LPM. Il conviendra en premier lieu d'organiser la sortie du bail signé en 2008, qui s'achève en 2018. Nous allons signer un avenant le prolongeant jusqu'en 2020. Nous préparerons l'appel d'offres. S'agira-t-il d'une concession ou d'un partenariat ? Je ne le sais pas encore. Ferons-nous des allotissements régionaux ou un allotissement national ? On va étudier l'organisation du secteur...

L'objectif est d'avoir un dispositif nous permettant de gérer et d'entretenir les 10 000 logements domaniaux, tout en faisant évoluer ce parc. En effet, aujourd'hui, nous n'utilisons plus un millier de logements. Il faut donc s'en débarrasser et les renouveler. Les zones de tension sont concentrées sur la région parisienne, Toulon, Bordeaux. Comment s'entendre avec un opérateur pour permettre au parc d'évoluer ? C'est le principal sujet sur lequel nous allons travailler en 2019.

La manoeuvre immobilière du Grand Balard est terminée. Les deux derniers bâtiments en réhabilitation ont été livrés en septembre. L'îlot Saint-Germain est désormais totalement libéré. L'hôtel Bourbon Busset, l'hôtel de la Lionne et le bâtiment des jardins ont été mis en vente. La ville de Paris, à la suite d'un accord signé le 13 mai 2016, s'est portée acquéreur, au printemps dernier, de la tour centrale et de la partie le long de la rue Saint-Dominique afin de construire des logements sociaux. Nous avons mis en oeuvre les dispositions permettant d'avoir un retour en termes de logements. Nous bénéficierons de 25 logements sur le programme, et également des 25 logements du contingent préfectoral. Nous récupérerons par ailleurs 29 millions d'euros.

Les parties le long du boulevard Saint-Germain et de la place Jacques Bainville viennent de faire l'objet d'un appel d'offres international lancé par la Direction de l'immobilier de l'État. Les acheteurs éventuels ont jusqu'à la mi-janvier pour faire connaître leurs propositions. On peut donc espérer aboutir dans le courant de l'année 2019 à la cession de l'îlot Saint-Germain.

Enfin, en matière de politique immobilière, le ministère doit contribuer à la politique gouvernementale de développement durable. À cet égard, nous sommes en train de recenser les surfaces disponibles qui pourraient être louées. Nous avons actuellement identifié 300 hectares pouvant faire l'objet d'un appel d'offres rapide pour un usage photovoltaïque. Nous avons pris l'engagement de trouver 2 000 hectares. Nous avons donc encore du chemin à faire.

En conclusion, le projet de loi de finances pour 2019, que j'ai l'honneur de vous présenter en tant que secrétaire général pour l'administration est, dans mon domaine de responsabilités, équilibré et conforme à la trajectoire de la LPM. Il reprend l'inflexion introduite l'an dernier, notamment concernant les crédits d'infrastructure, et la consolide.

Il appartient au service du SGA de transformer cet effort en une politique durable au service des intérêts de la défense. Vous avez évoqué l'infrastructure : je pense qu'il nous faut continuer à innover dans ce domaine, en particulier dans la façon dont nous passons les marchés, afin de pouvoir répondre complètement au besoin et dépasser les critiques qui nous sont adressées. Je reviendrai sur ce sujet, en répondant à vos questions.

Nous avons malgré tout quelques difficultés pour encaisser une augmentation de 400 millions d'euros d'un seul coup. Nous essayons de ne pas laisser de crédits sur la table, mais nous avons commencé l'année avec un report de charges de plus de 210 millions d'euros dans ce domaine. Même si nous allons réduire le report de charges, il existe cependant des incertitudes autour de 60 millions d'euros concernant les crédits d'infrastructure pour la fin de l'année.

Je vous ai dit qu'il existait des tensions en matière de ressources humaines. Je pense que ce sujet va nous occuper tout au long de la LPM. Nous rencontrons des difficultés pour recruter et fidéliser nos personnels, en dépit de l'engagement extrêmement important de l'ensemble des directions des ressources humaines. Il nous faut surveiller cela de très près.

Ceci doit nous amener à réfléchir aux outils que nous devons mettre en oeuvre en matière de rémunération, mais aussi à la façon dont nous gérons nos personnels en général et dont nous les accompagnons. Le plan famille peut être un élément de réponse. Les difficultés que nous rencontrons depuis le début de l'année, si elles se confirment, constitueront l'un des points d'attention les plus importants de la LPM.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour ces précisions. La parole est aux différents rapporteurs, puis aux commissaires qui ont demandé la parole.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Monsieur le secrétaire général, à quelle hauteur se situe la sous-consommation des crédits de titre 2 fin 2018 ? Ne va-t-elle pas se reproduire ? Ce serait tentant de récupérer ainsi des crédits...

Par ailleurs, on a entendu parler d'une réflexion sur la modernisation de la gouvernance RH du ministère. Cela touche-t-il des points limités ou envisagez-vous une « manoeuvre » plus importante ? Si tel est le cas, laquelle ?

J'attire enfin l'attention de chacun sur le risque qu'il y aurait à ne pas disposer de suffisamment de crédits en matière de programmes d'entretien, de modernisation et de qualité d'accueil des personnels. On admire tous les grandes infrastructures, mais si l'on souhaite une politique familiale et des ressources humaines attractives, il ne faut pas oublier le quotidien.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». - Monsieur le secrétaire général, ma question ne vous surprendra pas, compte tenu du nombre d'amendements portés par mon groupe pour faire de la LPM une loi de programmation « à hauteur de femme », puisqu'elle était déjà à hauteur d'homme.

Les chefs d'état-major de tous les corps d'armée nous rappellent l'importance qu'ils attachent à l'amélioration du quotidien des personnels. Vous avez vous-même beaucoup insisté sur la fidélisation de ceux-ci. Quelle politique mettez-vous en oeuvre pour intégrer au mieux le personnel féminin ? Pour rappel, un amendement sur l'adaptation des uniformes en cas de grossesse avait fait débat au sein de cette commission, avant d'être très largement adopté.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis du programme 178 «  Préparation et emploi des forces ». - Monsieur le secrétaire général, nous suivons la réforme des soutiens et son impact sur le Service du commissariat des armées (SCA) et le Service de santé des armées (SSA). Comment êtes-vous associé à la réflexion sur l'évolution vers le guichet unique des soutenants ?

Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Monsieur le secrétaire général, la Délégation des systèmes d'information d'administration et de gestion (DéSiag), placée sous votre autorité, est-elle impliquée dans la mise en place des systèmes d'information nécessaires à la numérisation des commandes individuelles d'habillement ou au livret médical informatisé ?

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Monsieur le secrétaire général, pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos de la problématique des recrutements, notamment en matière de compétences rares ou d'emplois très qualifiés ? Qu'en est-il de la concurrence avec le privé ? Quels moyens administratifs et financiers vous donnez-vous pour y pourvoir ?

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Monsieur le secrétaire général, je pourrais prolonger la question de Pascal Allizard concernant les services de renseignements, sur lesquels un effort particulier est fait, car nous connaissons les difficultés de ces services à recruter des personnels extrêmement pointus et surtout à les fidéliser.

Ma question portera surtout sur l'innovation, que la ministre a souhaité mettre en avant dans cette LPM. On a le sentiment que de très nombreuses structures traitent d'innovation. Comment cela va-t-il s'organiser ? Cet effort en matière d'innovation s'applique-t-il également au soutien ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Monsieur le secrétaire général, l'an dernier, je vous avais fait part de mes craintes concernant une suppression éventuelle de la Journée défense et citoyenneté (JDC) pour les Français de l'étranger.

Le 4 octobre dernier, cette nouvelle a été annoncée aux Français de l'étranger, réunis en assemblée générale. J'ai interrogé le ministre des affaires étrangères, qui n'avait pas l'air très informé. On connaît son penchant pour les affaires militaires et de défense... Le chef d'état-major des armées, que j'ai interrogé également, n'était pas davantage au courant.

Or il s'agit d'un sujet extrêmement grave. Les jeunes Français de l'étranger, qui ne bénéficieront pas de la JDC seront discriminés. Il est extrêmement important, pour des raisons de stratégie, d'influence, de devoir de mémoire et de citoyenneté, que ces jeunes puissent eux aussi profiter de la JDC.

Le Quai d'Orsay refusant de continuer à organiser ces journées pour des questions budgétaires, le ministère de la défense ne pourrait-il les prendre en charge ? Jusqu'à présent, ce sont essentiellement les attachés de défense, leurs équipes et les réservistes qui organisent les JDC.

Je rappelle que les jeunes Français de l'étranger sont en grande majorité des binationaux. Il est donc extrêmement important de pouvoir leur communiquer des éléments sur l'esprit de défense, notre citoyenneté, nos valeurs. Pouvez-vous nous aider à faire progresser cette question ?

J'ajoute que j'ai écrit au Président de la République...

M. Ladislas Poniatowski. - C'est effectivement le sujet du Président de la République !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Le Président de la République est le chef des armées. Il a besoin, auprès de lui, de personnes qui puissent l'informer et défendre le dossier, qui me paraît vraiment très sérieux.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Monsieur le secrétaire général, les soutiens de nos forces représentent, me semble-t-il, jusqu'à 77 % des déflations de postes. Mme Parly a évoqué devant nous la transformation du soutien des forces, qui doit s'achever en 2023 et concerner le SCA, le Service des infrastructures de la défense et le SSA, dont les procédures doivent être simplifiées afin d'éviter les doublons.

Ne peut-on craindre que la digitalisation ne déshumanise les relations entre soutenus et soutenants dans l'armée, ceux-ci ayant besoin de proximité pour accomplir leur mission ? Ne serait-il pas plus judicieux d'aller vers un équilibre entre la digitalisation et la création de postes ?

M. Christian Cambon, président. - Monsieur le secrétaire général, vous avez la parole.

M. Jean-Paul Bodin. - Tout d'abord, s'agissant de la gestion, les chiffres ne sont pas encore calés. Nous sommes fin octobre. On a encore deux mois et, en ce qui concerne notamment les recrutements, on doit réaliser des efforts importants durant les derniers mois de l'année.

Lorsqu'on regarde l'évolution des effectifs sur les sept premiers mois de l'année, on enregistre des départs plus importants que prévu de sous-officiers anciens en début d'année, notamment dans la marine et dans l'armée de l'air. Les recrutements ont plutôt lieu dans la deuxième partie de l'année. Cela a nécessairement des conséquences sur le titre 2.

Par ailleurs, on ne peut que constater l'effet de certaines mesures. On se réjouit que la dépense consacrée au chômage diminue de 5 millions d'euros sur l'année. Il vaut certes mieux qu'il y ait moins de militaires indemnisés, mais cela a un impact sur le titre 2. La modification de l'indemnité de résidence à l'étranger, qui s'applique à l'ensemble des administrations, a pour nous un impact à hauteur de 7 millions d'euros : c'est un élément qui vient modifier les données de gestion en cours d'année.

On constate par ailleurs une augmentation des produits de cession du SSA de plus d'une trentaine de millions d'euros. Ceux-ci sont principalement affectés au titre 2. Nous allons engager un travail interne pour mieux les prévoir. Une variation d'un peu plus d'une trentaine de millions d'euros sur 240 millions d'euros aurait dû être mieux prévue. On ne peut vraisemblablement diminuer la part de produits qui revient vers le titre 2 et en réorienter une autre part pour aider le SSA à moderniser ses équipements ou son fonctionnement.

Par ailleurs, compte tenu de ce qui se passe en termes de fidélisation, les outils d'aide au départ sont beaucoup moins utilisés que les autres années. Cela a des conséquences. À chaque fois, les sommes qui s'ajoutent vont jusqu'à 10 millions d'euros. Je ne peux pas dire aujourd'hui quel sera le résultat définitif, mais plusieurs dizaines de millions d'euros sont vraisemblablement en cause. En 2016 et 2017, nous avions eu aussi des excédents du titre 2 pour environ 77 millions d'euros et 87 millions d'euros. On va vraisemblablement être un peu au-dessus.

Certaines dépenses ne sont néanmoins pas couvertes. Par exemple, 43 à 45 millions d'euros de surcoût de titre 2 liés aux OPEX ne seront pas couverts par la dotation OPEX. Il faudra bien les prendre en charge.

Tout cela est en train de se stabiliser. Une loi de finances rectificative sera présentée au Parlement bien plus tôt que les autres années. Les mécanismes que l'on connaissait antérieurement ne seront plus mis en oeuvre. Il faut donc absolument tout stabiliser.

Nous pensons qu'il existe des difficultés de fidélisation. La machine à recrutement tourne à plein, et les armées fournissent un effort considérable. La marine a ouvert une antenne de formation à Saint-Mandrier-sur-Mer. Rochefort et tous les centres de recrutement sont pleins, mais on déplore des départs plus importants vers des spécialités techniques dans lesquelles les personnels retrouvent très facilement du travail à l'extérieur.

De quels moyens disposons-nous concernant le recrutement des compétences rares ? Nous travaillons par famille professionnelle pour essayer de réaliser des diagnostics assez précis afin de déterminer avec les employeurs les profils dont on a besoin et pour savoir si ce personnel doit être militaire ou civil.

Vous évoquez les services de renseignement : ce travail a été réalisé dans le courant de l'année avec les services dont certains emplois étaient non pourvus. On a pu ventiler des droits à recrutement entre organismes du ministère dans le courant de l'année. C'est ainsi que la Direction générale des services de la DGSE a pu bénéficier d'augmentation de ses droits à recrutement de certaines compétences techniques pour embaucher du personnel civil sous contrat. Cela suppose de définir le niveau de rémunération avec le contrôleur budgétaire pour être compétitif.

Pour un certain nombre de métiers, comme ceux concernant les systèmes d'information ou en matière de renseignement, on a bâti des grilles de rémunérations afin de fixer le salaire de recrutement et son évolution. Ceci a fait l'objet de discussions avec le Contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et la Direction du budget lorsque c'était nécessaire.

Vous avez dû constater qu'un nouveau décret sur la gestion budgétaire et comptable est sorti il y a quelques semaines. Il prévoit que l'on puisse recruter plus facilement lorsqu'on a pu se mettre d'accord avec le CBCM ou la direction du budget sur une grille de recrutement.

Nous menons une réflexion sur les familles professionnelles, les compétences dont nous avons besoin, et les modalités de recrutement. Nous fréquentons tous les salons professionnels et diffusons des offres d'emploi, par exemple en matière de maintenance aéronautique, à Villacoublay et dans l'armée de l'air. On essaye par tous les moyens d'attirer des jeunes.

Les trois armées ont engagé des démarches auprès de l'enseignement professionnel pour essayer de recruter un certain nombre de personnes et leur garantir une durée d'activité au sein du ministère. Nous réfléchissons aussi à la façon d'assurer les progressions de carrière. On pourrait jouer sur la durée de la formation, tout en garantissant à la personne une embauche, comme cela a été fait pour les atomiciens.

Cette politique de ressources humaines doit être la plus concertée possible. La Direction des ressources humaines est dans son rôle de pilotage, mais elle doit aussi donner aux responsables des ressources humaines de l'ensemble des armées qui recrutent les outils dont ils ont besoin.

Comment intégrer le personnel féminin ? Je n'ai pas de réponse immédiate. La ministre a confié à l'amiral Anne de Mazieux une double mission pour nous aider à engager la démarche « Diversité et égalité » et travailler sur la « mixité ». Elle est en train de faire le tour des armées, des employeurs, des gestionnaires, etc. Je pense qu'on aura vraisemblablement un certain nombre de mesures concrètes à proposer vers avril ou mai.

Certaines mesures du plan famille ont un lien direct avec l'accompagnement des familles. On a par exemple demandé à l'Agence de reconversion de défense d'aider les conjoints des militaires à trouver un emploi. On a formé certaines épouses pour être assistantes maternelles. Cela permet à d'autres femmes de trouver éventuellement du travail au sein du ministère. Toute une série d'actions est également menée pour améliorer l'accueil en crèches et l'accompagnement des familles.

La ministre a fixé un certain nombre d'objectifs, notamment en termes de parcours de carrière pour les officiers. On va essayer de les atteindre. Ce n'est pas très évident. Il existe en effet, vous le savez, un problème de vivier. Les écoles, notamment les écoles d'officiers, n'ont pas été par le passé largement ouvertes aux femmes. Les cohortes de personnes qui peuvent se présenter ensuite pour l'avancement sont nécessairement restreintes.

Par ailleurs, je suis directement associé aux évolutions du SSA. Il existe quatre établissements civilo-militaires. Une convention défense-santé a été mise en place. Elle tient réunion au moins une fois par an avec le ministère de la santé. Cette réunion est coprésidée par la secrétaire générale des ministères sociaux et par moi-même. Nous devons nous rencontrer dans quelques jours pour faire le point sur la mise en place des hôpitaux plateformes et des hôpitaux civilo-militaires. Nous avons un certain nombre de sujets à examiner, concernant par exemple des investissements prévus dans des hôpitaux civils, dont nos hôpitaux hors plateformes devaient se rapprocher.

Tout ceci n'était pas forcément très bien coordonné. Nous allons essayer d'éviter que cela n'ait des conséquences pour les hôpitaux hors plateformes, étant entendu que le SSA est organisé pour répondre aux besoins opérationnels. Notre organisation hospitalière n'a qu'un seul objectif : être en mesure d'envoyer en opération les médecins et les équipes médicales dont nous avons absolument besoin.

Je suis également associé aux travaux du SCA. Nous nous réunissons au moins une fois par mois, avec le directeur, et deux fois par an avec l'ensemble des directeurs du SGA et du SCA. Nous avons ainsi travaillé au projet de nouveau dépôt de Châtres en matière d'habillement.

Je ne suis cependant pas directement impliqué dans l'organisation quotidienne du SCA. S'agissant des systèmes d'information et des aspects de digitalisation, les programmes liés à l'habillement et à la numérisation du SCA sont des programmes qui sont financés par la DéSiag, qui a inclus ces dépenses dans la masse de crédits qu'elle gère chaque année. On suit ces programmes dans une commission qui se réunit tous les trois mois.

Vous m'avez interrogé sur l'innovation et le numérique. Pour le numérique, les choses se déroulent bien. Le DGNum et moi-même suivons tous les projets de systèmes d'information, d'administration et de gestion importants. Les autres ministères sont représentés par leur secrétaire général au niveau interministériel. Le DGNum et moi-même représentons le ministère des armées auprès de la DéSiag, ainsi qu'auprès de M. Mahjoubi.

S'agissant de la JDC à l'étranger, nous avons appris cette décision à peu près en même temps que vous, à Dinard, il y a une dizaine de jours. Nous sommes convenus, avec le directeur du SNU, le général Menaouine, de nous rapprocher du Quai d'Orsay pour avoir des éléments d'explication et rechercher les réponses à apporter. Je partage votre étonnement et votre interrogation à ce sujet.

Je pense qu'il faut réfléchir à la manière d'agir. On peut peut-être s'appuyer sur le réseau des réservistes dont nous disposons à l'étranger, voire sur les attachés de défense, mais ceux-ci ont de multiples tâches et couvrent, pour certains, plusieurs pays, On aura peut-être du mal à les mobiliser complètement. Je note votre question. Il faut que nous la traitions rapidement avec le Quai d'Orsay. La Direction du service national va s'y employer.

Concernant les programmes d'infrastructure, le programme 212 comporte des dépenses en matière d'hébergement des personnels, notamment la construction de près de 1 000 places d'hébergement en Île-de-France. Je vous donnerai les chiffres très précis des dépenses d'infrastructure. Les dépenses d'hébergement doivent avoisiner 80 millions d'euros l'année prochaine.

M. Christian Cambon, président. - Nous demeurons bien évidemment attentifs au système Louvois, que l'on n'a pas évoqué...

M. Jean-Paul Bodin. - Sur 185 778 soldes payés en août, 4 341 ont dû faire l'objet d'une régularisation avant paiement. Seulement 0,04 % a été payé hors Louvois. Ceci correspond à des militaires recrutés dans le mois. Le système semble plus stable.

M. Christian Cambon, président. - Le paiement des traitements semble s'améliorer. Toutefois le système a des difficultés avec le traitement des OPEX.

M. Jean-Paul Bodin. - Nous rencontrons en effet encore des difficultés sur ce point, avec des problèmes de trop-versés et de sommes indues.

Au 31 juillet, les sommes indues représentaient 573 millions d'euros. 405 millions d'euros ont été recouvrés. Environ 95 millions d'euros ont été abandonnés, soit parce que les sommes étaient extrêmement faibles, soit pour des raisons sociales. Aujourd'hui, environ 13 % de la somme est en cours de traitement.

Le nombre d'indus n'augmente plus. Il a même tendance à baisser mois après mois, traduisant plutôt la stabilité du système. Le nombre de recours de militaires devant la commission des recours avoisinait la soixantaine en début d'année. Il s'élève à une trentaine actuellement. Cela semble démontrer que la situation s'améliore.

Nos préoccupations concernent aussi la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Nous avons fait tous les tests possibles sur Louvois. On les réalise aussi sur le système Source Solde. Pour l'instant, les éléments sont concluants. Nous avons néanmoins des discussions avec Bercy sur les revenus exceptionnels des militaires. Un militaire peut en effet être non imposable compte tenu de son traitement de base, et le devenir lorsqu'il part en OPEX ou touche telle ou telle indemnité liée à l'entraînement, la formation, etc.

Par ailleurs, un certain nombre de primes et d'indemnités ne sont pas fiscalisables, notamment celles liées aux OPEX. Il ne faudrait pas que certaines déclarations ne correspondent pas à la réalité.

Des dispositifs d'écoute téléphonique ont été mis en place avec le SCA, ainsi qu'un certain nombre d'outils afin que les responsables des ressources humaines des unités puissent fournir des explications précises. Nous bénéficions par ailleurs de l'aide d'un réseau de réservistes spécialistes en droit fiscal que l'on a déjà utilisé pour Louvois. On les mobilise de nouveau. Le directeur des affaires financières a eu des discussions avec le DGFiP, et je dois moi-même rencontrer le directeur général des finances publiques dans quelques jours pour régler les derniers points, principalement à propos de la prise en compte des revenus exceptionnels.

Quant à Source Solde, nous avons pris du retard. Ceci est dû aux difficultés de notre réglementation et à nos 170 primes, et même davantage, qui ne sont pas simplifiées. L'industriel a rencontré un certain nombre de difficultés. Les équipes ont été renforcées, à la fois du côté de l'administration et du côté de l'industriel, à partir de l'été. Le retard est en train d'être rattrapé. Je pense qu'on pourrait basculer en soldes en double dans les mois qui viennent.

Le calendrier envisagé permettrait à la marine d'être prête au printemps, si les soldes en double sont au point. C'est le calendrier que nous avons pour l'instant. On va vraisemblablement le consolider courant novembre. Les pré-soldes en double sont satisfaisantes. Nous avons travaillé en deux temps : dans un premier temps, on a essayé de voir si le système pouvait intégrer un nombre très important de dossiers. Avec Louvois, cela avait été une difficulté : au fur et à mesure de la montée en puissance, le système s'était « planté ». On teste sur Source Solde la capacité du système à intégrer l'ensemble des personnels militaires.

Nous avons développé un système de pré-soldes en double : on calcule des soldes dans Source Solde, puis dans Louvois, avant de les comparer. On essaie d'analyser les comparaisons. On s'aperçoit qu'une partie des différences est due au retour au réglementaire. Louvois n'est pas complètement revenu au réglementaire, alors que Source Solde a été construit sur la réglementation telle qu'elle est, sans interprétation possible. Il faut donc essayer de tout corriger pour tout remettre d'aplomb. Ceci demandera encore plusieurs mois de travail.

M. Jean-Marc Todeschini. - Monsieur le secrétaire général, pouvez-vous rapidement aborder le transfert des établissements médico-sociaux ? Certains personnels restent-ils à votre charge ? Tout a-t-il été transféré vers le public ?

M. Jean-Paul Bodin. - Tout a été transféré vers le public, monsieur le ministre - même si cela n'a pas été sans difficultés.

Concernant les personnels, les informations dont je dispose remontent à l'été. Il me semble que tout était réglé. Je vérifierai et je vous le confirmerai.

M. Christian Cambon, président. - Merci pour ces précisions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2019 - Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale

M. Christian Cambon, président. - J'ai le plaisir d'accueillir le Général Richard Lizurey, Directeur général de la gendarmerie nationale. Mon Général, nous sommes très heureux de vous recevoir pour une présentation des crédits du programme 152 consacré à la Gendarmerie nationale.

Lutte contre le terrorisme et montée du renseignement territorial, multiplication des grandes manifestations : la gendarmerie nationale a dû affronter de nombreux défis au cours de l'année.

Lors de votre audition en mars dernier devant la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure, vous aviez résumé ainsi la situation : il y a des signes de mécontentement, suscités notamment par le sentiment d'un décrochage des moyens et d'une moindre reconnaissance. L'esprit de corps et la cohésion de la Maison « transcendent » néanmoins ces difficultés : le souci du gendarme reste de s'adapter avec les moyens dont il dispose pour répondre aux besoins de la population.

Comment la situation a-t-elle depuis évolué ? Le budget en légère hausse annoncé pour 2019 permettra-t-il d'améliorer la situation matérielle des gendarmes ?

Par ailleurs, la gendarmerie nationale a dû récemment affronter des crises de grande ampleur qui ont mis à l'épreuve son organisation ainsi que ses capacités de maintien de l'ordre mais ont également montré qu'elle était capable de s'adapter à des situations particulièrement difficiles. Je pense notamment à l'ouragan Irma aux Antilles, mais aussi à l'évacuation réussie de Notre-Dame-des-landes en avril dernier.

Quels enseignements tirez-vous pour l'avenir de ces grandes opérations de maintien de l'ordre ? Sur un sujet plus particulier, quel est le dispositif prévu pour le déroulement du référendum en Nouvelle-Calédonie, dans moins de trois semaines ?

Enfin, nous savons que la réforme des retraites constitue un sujet de préoccupation majeur pour les gendarmes.

Pourriez-vous nous expliquer la manière dont vous abordez ce sujet, qui est piloté par le ministère des armées dans la mesure où il concerne l'ensemble des personnels de statut militaire ?

Cette audition est filmée et retransmise sur le site internet du Sénat. Nous avons 1h15 au total, merci de laisser du temps pour les échanges.

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. -Voici quelques chiffres clefs concernant le T2 hors CAS, avec la partie réserve qui est importante, nos 30 000 réservistes étant un élément indispensable et déterminant pour faire face aux pics d'activité mais aussi au quotidien, renforçant les unités chaque jour. En 2017, nous avions 2758 réservistes/jour ; l'objectif est d'arriver au même niveau d'emploi en 2019. Pour cela nous avons, dans le budget qui vous est proposé, les crédits prévus : un peu plus de 98 millions d'euros, avec deux compléments. Le premier concerne le changement de l'outil de solde à partir du 1er janvier 2019, qui permettra de payer plus vite nos réservistes. Jusqu'à présent nous avions deux mois de décalage, nous étions en année glissante, de sorte qu'avec le nouvel outil, nous serions amenés à payer 14 mois en 2019. Cela aurait un impact sur l'emploi, c'est pourquoi le budget a prévu 17 millions d'euros de mesures techniques pour résoudre ce problème et enclencher la dynamique vertueuse. Nous avons également 19 millions d'euros pour payer en 2019 les missions intervenues à partir de septembre 2018, puisque le ministre m'a demandé de mettre en place à partir de cette date le même niveau d'emploi de réservistes qu'en 2017, alors que, du fait de la régulation budgétaire, nous étions à 900 réservistes de moins depuis le début de l'année. Ces mesures techniques nous permettront donc d'avoir, tout au long de l'année, un niveau d'emploi de la réserve identique à celui de 2017. Pour la partie recrutements, le schéma d'emploi prévoit des renforts pour la police de sécurité du quotidien (PSQ), le renseignement et la formation ; la quasi-totalité des effectifs a vocation à être engagée au profit des unités territoriales car c'est sur le terrain que nos effectifs doivent être engagés, notamment dans les brigades territoriales le plus sous tension. Le plafond d'emploi s'élève à un peu plus de 100 760 ETPT. Enfin, les mesures diverses se rapportent à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) des personnels civils et à des mesures au bénéfice des différentes catégories de personnel.

En ce qui concerne la partie transformations de poste, le ministre m'a demandé de transformer 300 postes par an d'officiers ou sous-officiers de gendarmerie en 150 postes de militaires du corps de soutien et 150 personnels civils. Ce processus est enclenché depuis l'année dernière et va se poursuivre tous les ans pendant 5 ans.

En ce qui concerne le hors T2, nous avons un budget satisfaisant qui nous permet de mettre en place un certain nombre de moyens : est notamment prévu le fonctionnement pour les réserves, avec le paquetage des réservistes. Il nous faut en effet acheter des gilets pare-balles, afin de tendre vers un équipement individuel pour chacun. En ce qui concerne l'immobilier, les rénovations de logement et sécurisations de casernes, pour 15 millions d'euros, sont importantes, car il y a de plus en plus d'agressions et d'attaques contre les casernes de gendarmerie. S'agissant de la partie mobilité, sont prévus 2800 véhicules, les hélicoptères et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de Néogend. Tels sont les grands agrégats.

Mon sentiment est qu'il s'agit d'un budget satisfaisant qui nous permet de mettre en place un certain nombre de moyens au profit des militaires de la gendarmerie. Ce budget est satisfaisant mais nous oblige malgré tout à faire des choix. Nous avons donc fait le choix, depuis quelques temps, de la modernisation et de la numérisation, avec la mise en place de Néogend mais aussi, sous la houlette du ministère de l'intérieur, une réforme créant une direction du numérique, dans laquelle nous nous inscrivons résolument, l'objectif étant d'avoir une modernisation partagée du numérique pour l'ensemble des directions et des services du ministère, de manière à avoir des dispositifs interopérables et qui permettent de gagner du temps. Il s'agit à la fois de simplifier le service pour les usagers et citoyens, mais aussi de faire gagner du temps au gendarme afin qu'il puisse investir davantage dans le contact, qui constitue un axe prioritaire. Nous avons encore des marges de progression. Dans le cadre de la PSQ, nous avons mis en place plusieurs dispositifs. Le dispositif des brigades de contact a été pérennisé ; nous avons développé des groupes contact... Nous avons aujourd'hui 250 dispositifs qui correspondent à cette vision de la proximité physique et du contact individuel ; nous avons également des dispositifs qui nous permettent dans le cadre de la PSQ de contacter au quotidien les élus - j'attends votre retour à ce sujet -  : nous avons mis en place un référent personnalisé pour chaque maire, qui doit l'informer systématiquement de ce qui se passe dans sa commune. Nous avons mis en place une réunion, chaque semestre, au niveau de chaque gendarmerie départementale, lors de laquelle le commandant de compagnie et ses commandants de brigade rendent compte aux élus de l'action de la gendarmerie. Il s'agit d'une réunion de travail d'au moins une demi-journée, qui a vocation à rendre compte de l'activité de la gendarmerie et à travailler à l'amélioration du service rendu. C'est un dispositif important sur lequel nous allons continuer à travailler, car c'est ce contact avec la population et avec les élus qui me paraît être le meilleur moyen pour que le service public de la gendarmerie s'adapte bien au biotope local. C'est le sur-mesure : quelque chose qui s'est fait dans tel département ne peut pas nécessairement l'être dans un autre. L'intelligence locale doit l'emporter et celle-ci résulte du travail conjoint entre les gendarmes et les élus.

Les défis sont les mêmes que l'année dernière : nous sommes toujours dans une logique de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation, en liaison avec l'ensemble des services partenaires. Je dois me féliciter de l'amélioration de ces partenariats, en particulier avec les services de la police nationale. Sur la partie renseignement territorial, nous avons développé et allons continuer à développer notre participation. L'année prochaine, 54 personnels de la gendarmerie vont ainsi aller abonder le renseignement territorial, puis 27 personnels supplémentaires tous les ans pour renforcer ce dispositif. Depuis cet été, grâce à l'action du Directeur général de la sécurité intérieure, nous avons des militaires de la gendarmerie au sein de la DGSI, ce qui est une nouveauté. Nous avons des fiches de postes pour en affecter davantage. C'est symbolique mais cela montre surtout que nous faisons face en commun à ce défi de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme : nous sommes tous en ligne pour combattre ce fléau.

Bien entendu, nous poursuivons le travail de lutte contre la délinquance, dans lequel nous obtenons aujourd'hui des résultats intéressant, notamment en ce qui concerne les atteintes aux biens, avec une diminution des cambriolages d'environ 7% depuis le début de l'année. Un gros travail a été fait sur le terrain en matière de prévention, mais aussi un travail de police judiciaire sous l'égide, notamment, de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante, qui nous permet de lutter contre les grands groupes criminels internationaux. Jusqu'à présent les cambriolages étaient considérés comme de la petite délinquance ; en réalité aujourd'hui, le plus souvent, une organisation criminelle internationale utilise le cambriolage pour alimenter une chaîne pyramidale. C'est une criminalité organisée qu'il nous faut combattre, qui vient souvent d'Europe de l'Est. L'office central de lutte contre la délinquance itinérante est leader d'un projet « Empact » (European multidisciplinary platform against criminal threats) européen, ce qui nous permet d'avoir un réseau européen pour lutter contre ces phénomènes. L'année dernière, nous avons démantelé 50 groupes criminels internationaux, et cette année nous en sommes déjà à 38. C'est vraiment une menace très forte, avec une organisation pyramidale : des donneurs d'ordre qui sont à l'étranger ; les exécutants, qui sont souvent des mineurs, qui sont sur notre territoire, avec une chaîne de responsables intermédiaire : c'est une organisation quasi militaire qu'il nous faut combattre. Le travail se poursuit également contre la délinquance quotidienne et de proximité, notamment à travers la police technique et scientifique (PTS), où nous avons continué les efforts de modernisation. Cela va de la PTS de proximité - dans chaque brigade il y a un technicien d'investigation criminelle de proximité-, à toute la chaîne de PTS qui remonte jusqu'à l'institut de recherche, lui-même en liaison avec beaucoup de partenaires. Nous avons ainsi mis en place un conseil scientifique qui nous permet de développer un certain nombre de techniques en liaison avec la police nationale, avec laquelle nous travaillons aussi sur une rationalisation et une mutualisation des dispositifs de PTS de chaque département. Aujourd'hui, dans chaque département, il peut y avoir une plate-forme police et une plate-forme gendarmerie : l'idée est de rapprocher ces structures afin de rationaliser l'emploi de ces outils. Nous avons aussi lancé depuis deux ou trois ans une logique de dépôt de brevets. Nous en avons déjà déposé cinq et valorisé deux en liaison avec des industriels, ce qui nous permet d'avoir une participation aux bénéfices (des royalties) et aussi un prix plancher pour les produits que nous développons sur la base de ces brevets. Ainsi, la lutte contre la délinquance du quotidien et les outils que nous y consacrons permettent aussi de valoriser les innovations de nos personnels.

Nous poursuivons également nos activités en matière de police de la route et de police administrative. Un gros travail est accompli en matière de police de l'environnement, sous l'égide de l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, lui aussi leader d'un projet « Empact » européen. Il s'agit d'une criminalité sur laquelle se positionnent de plus en plus de groupe criminel, notamment sur le trafic de déchets. Jusqu'à maintenant cette délinquance était moins sanctionnée que la délinquance traditionnelle : nous devons investir ce champ nouveau. Autre champ important, le cyber et le numérique, sur lequel nous avons déjà investi depuis un certain temps et dans lequel nous continuons à agir. Nous mettons en place, dans chaque unité territoriale, des personnels spécialisés sur ce sujet. Nous avons actuellement 4 000 personnels sensibilisés et formés, l'objectif étant d'arriver à 6 000 afin d'apporter un service au citoyen qui vient nous voir après avoir été victime d'une escroquerie sur Internet. Ce n'est pas forcément le gendarme de brigade qui va répondre, mais il va savoir vers qui adresser l'usager : ce chaînage entre le citoyen et la personne qui pourra lui apporter une réponse est essentiel.

Depuis quelques mois, nous avons mis en place deux dispositifs intéressants dans le domaine du numérique : d'abord une brigade numérique, en place depuis quelques mois et qui a déjà été saisie environ 40 000 fois, installée à Rennes avec une vingtaine de militaires de la gendarmerie. C'est un service supplémentaire par rapport aux brigades classiques et qui, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, délivre au citoyen des renseignements dans différents domaines. Cela soulage aussi les brigades territoriales. Cette brigade numérique servira de plate-forme d'accueil des futures plaintes en ligne, ainsi que pour les violences sexuelles et sexistes. Elle servira ainsi de matrice du développement des relations avec les victimes et les usagers.

Nous travaillons par ailleurs actuellement avec la chancellerie sur la procédure pénale numérique. Il s'agit de travailler sur une dématérialisation de la procédure jusqu'au procès pénal. Cela devrait permettre de dégager des marges de manoeuvre, à l'horizon 2021-2022, pour nos personnels.

Enfin, la plate-forme Perceval permet, depuis le mois de mai, d'agréger tous les signalements de fraude à la carte bancaire sur Internet. Ceci nous permet de faire des rapprochements. Nous avons ainsi pu initier 58 enquêtes à Pontoise sous l'égide du procureur de la République. Un certain nombre d'auteurs ont été repérés. L'escroquerie moyenne est de 500 euros, le contentieux total qui nous a été signalé se monte à 17 millions d'euros. Nous étions jusqu'alors un peu démunis face à cette criminalité qui se développe : nous aurons maintenant un temps d'avance.

Nous allons également être encore davantage présents pour diminuer la mortalité routière.

Pour atteindre ces objectifs, je souhaite que nos ressources humaines progressent quantitativement mais aussi en qualité, c'est pourquoi nous avons inclus dans le périmètre de la formation initiale la fonction contact. Nos jeunes gendarmes sont souvent des citadins qui n'ont pas toujours la culture du contact. Il est important de leur expliquer qu'ils doivent aller à la rencontre des élus dans les circonscriptions. Nous avions un peu perdu cette culture au cours des dernières années en devenant une gendarmerie d'intervention. À cet égard, l'outil Néogend est formidable car il nous permet, et nous permettra encore davantage demain, de gagner du temps. L'outil comprend une cinquantaine d'applications et nous travaillons sur une quarantaine supplémentaire.

Nous travaillons également sur la formation de nos officiers, dans une logique d'ouverture et de mobilité. J'estime qu'un officier appelé à exercer des responsabilités importantes au sein de la gendarmerie doit avoir occupé un poste à l'extérieur de la « maison ». Nous avons cette année deux officiers supérieurs qui sont directeurs de cabinet de préfet. C'est une nouveauté. Des officiers sont à la Cour des comptes, au Conseil d'Etat, dans les services habituels du ministère des armées ou du ministère de l'intérieur. Cinq officiers sont en stage à l'école nationale d'administration, en lieu et place de l'école de guerre : c'est une logique d'ouverture qui me semble très importante. Quelqu'un qui sort de la maison et qui revient, revient meilleur !

S'agissant des enseignements que je tire des grandes opérations (Irma, Notre-Dame-des-Landes), il me semble que le « modèle gendarmerie » est adapté à ces crises, car c'est un modèle intégré. J'ai dans la main la totalité des leviers nécessaires : l'outil opérationnel, l'outil de soutien, l'outil de projection et l'outil budgétaire. Dans l'opération Irma, la réactivité a été un élément majeur. Il fallait projeter rapidement des troupes. Nous avons notamment envoyé deux compagnies de réserve territoriale, soit 150 réservistes à qui je rends hommage car ils ont passé trois mois dans des conditions extrêmement difficiles, parfois au détriment de leur emploi, ce qui est remarquable. Je les ai décorés récemment. L'opération Irma, c'est aussi l'engagement des militaires du corps de soutien, qui ont démontré toute leur pertinence. Deuxième enseignement, l'intérêt du commandement unique des opérations. À Notre-Dame-des-Landes, nous avions certes eu le temps de nous préparer, mais le commandement des opérations sur le terrain a été essentiel, avec la totalité des partenaires sur zone. J'avais un PC opérationnel avec les militaires de la gendarmerie, le corps préfectoral, les deux procureurs de la République en personne, les sapeurs-pompiers du SDIS 44 dont les personnels étaient au sein des escadrons, l'ensemble des partenaires privés comme Vinci, les personnels du renseignement territorial et de la DGSI, des formations militaires de la sécurité civile et de la police nationale dont j'ai engagé des engins lanceurs d'eau. Commandement unique et unicité de lieu nous ont donc permis de monter une opération bien préparée deux ou trois mois à l'avance, sous la houlette du ministre de l'intérieur et de son directeur de cabinet, notamment. La composante blindée a été déterminante. C'est la première fois que les véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) ont été utilisés pour une opération de maintien de l'ordre en métropole, ce qui a nécessité une réquisition du Premier ministre.

S'agissant de la directive temps de travail, depuis la mise en place de l'instruction provisoire au 1er septembre 2016, nous avons absorbé la réforme ; nous sommes dans la dynamique des armées ; les discussions se poursuivent avec la Commission européenne mais aucun changement futur n'est prévu en ce qui concerne le travail des gendarmes.

Les retraites sont effectivement un sujet de préoccupation. J'ai désigné un chef de projet au sein de la direction générale ; nous n'avons pas encore suffisamment de visibilité mais nous sommes attentifs à ce que les personnels aient les réponses adaptées.

M. Philippe Paul. - Le général, toujours très précis, a répondu par avance à presque toutes mes questions !

N'y a-t-il pas eu quelques difficultés s'agissant des réserves depuis le mois de mai, qui se sont traduites sur le terrain ? Qu'en est-il des éventuels problèmes de carburants depuis quelques semaines ? S'agissant les véhicules, on en voit qui on l'âge d'un très bon whiskey, et peu de neufs : avez-vous pu acheter ceux qui devaient l'être en 2018 ? S'agissant de la directive européenne, certains ont dit que la gendarmerie était allée un peu vite, mais je crois que ce n'est pas fondé ? S'agissant de la brigade numérique, cela marche tellement bien qu'il y aurait des velléités de la regrouper au sein d'une grande direction du ministère. Qu'en est-il ? La spécificité de la gendarmerie dans ce domaine est importante !

M. Yannick Vaugrenard. - Je m'associe aux propos du Président de la commission sur Irma et sur Notre-Dame des landes. En tant que sénateur de la Loire Atlantique, je peux témoigner de l'énorme patience et du grand sang-froid de la gendarmerie nationale en cette occasion, en coopération avec d'autres services de l'Etat ou départementaux, les services de lutte contre les incendies, la justice, la préfète. L'action a été menée de manière remarquable, sans qu'il y ait de mort.

Je souhaiterais par ailleurs que vous puissiez détailler l'application de la directive européenne temps de travail.

Il y a récemment eu un rapport sénatorial sur l'état des forces de sécurité intérieure. Il semble qu'il existe un certain un mal-être, notamment parce que la Nation ne fait pas assez d'efforts en termes, par exemple, de carburant ou de remplacement de véhicules. Une partie de cette lassitude est due aux réformes successives de la procédure pénale, qui ont rendu le travail des enquêteurs de plus en plus complexe. Il y a des espoirs d'amélioration, notamment en ce qui concerne la dématérialisation des procédures. Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice comprend un certain nombre de mesures dans ce domaine. Pensez-vous que ces réformes sont de nature à rendre son attractivité à la fonction d'officier de police judiciaire au sein de la gendarmerie ? Quel est l'état d'avancement du dossier de la dématérialisation des procédures ?

En 2015 ont été créées au sein des armées les associations professionnelles de militaires (APNM). Pourriez-vous faire un bilan de cette réforme à ce jour, en nous indiquant notamment si certaines de ces APNM ont atteint le seuil de représentativité nécessaire pour participer au dialogue organisé au niveau national, par les ministres des armées et de l'intérieur ainsi que par les autorités militaires, sur les questions générales intéressant la condition militaire ?

Pour finir, je voudrais revenir sur la perquisition dans les locaux de la France Insoumise et sur des images dérangeantes pour tout le monde. Face aux vociférations et à l'agressivité de M. Mélenchon, il s'est trouvé un capitaine de gendarmerie, en poste à l'office central de lutte contre la corruption de Nanterre, qui fut d'un calme remarquable, d'un grand stoïcisme et je considère que ce capitaine de gendarmerie de Nanterre a fait honneur à la République par son comportement au moment ou un représentant élu au suffrage universel la déshonorait.

M. Pascal Allizard. - La Gendarmerie concourt à l'innovation, en particulier sur le Big data, puisque vous avez développé un logiciel d'analyses prédictives. Vos moyens sont-ils suffisants et avez-vous recours à des entreprises françaises ?

M. Cédric Perrin. - Depuis la fin du drone Harfang qui était utilisé par les forces de sécurité intérieure pour surveiller le territoire national, nous n'avons plus de moyens car le drone Reaper n'a pas vocation à remplir cette mission. Comment voyez-vous, à l'avenir, la surveillance des grands événements ? Concernant les mini-drones, ils ont aujourd'hui une utilisation très restreinte puisque centralisée dans le cadre des sections aériennes. Il y a aussi le problème de la lourdeur du processus d'acquisition de ces drones qui fait que les coûts sont exponentiels. Quel est l'avenir de ce type de matériel? S'agissant de la formation des nouveaux gendarmes, les maires me disent qu'il n'y a pas de contact ...

M. Jacques Le Nay. - Je suis sensible au message que vous adressez aux gendarmes pour qu'ils aillent vers les autres et, en particulier, vers les élus. Les collectivités, par leurs investissements, ont largement contribué à la présence de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire et, notamment, dans les zones rurales. Quelle est la situation du parc immobilier mis à disposition par les collectivités ? La volonté de maintenir un maillage, tant dissuasif qu'opérationnel, sur l'ensemble de la zone gendarmerie est-elle toujours clairement affichée ?

M. Hugues Saury. - J'avais la même question que mon collège Philippe Paul mais je vais la préciser. Cela concerne la faible augmentation des crédits de fonctionnement du quotidien, crédits qui servent notamment à l'achat de carburant. On entend que les gendarmes ont des difficultés, que certaines patrouilles ne peuvent avoir lieu faute d'une dotation suffisante et que certains gendarmes sont même obligés d'acquérir des équipements et du carburant sur leurs propres deniers. Je ne sais pas si ces informations sont exactes ou s'il s'agit d'une rumeur. Quelles actions envisagez-vous pour régler ce problème ou mettre fin à cette rumeur ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Ma question porte sur les moyens de la gendarmerie. Nous nous félicitons de la création nette de 643 postes. En revanche, le budget du titre III du projet de loi de finances pour 2019 est reconduit à périmètre constant. Comment l'expliquez-vous, alors que la demande d'amélioration des conditions d'exercice du métier a été formulée à de nombreuses reprises, au cours de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, à laquelle j'ai participé, comme bon nombre de mes collègues de cette commission ?

M. Gilbert Bouchet. - J'ai suivi avec un grand intérêt trois jours de stage « gendarmerie » dans la Drôme. Je confirme la mise en place du référent sûreté de la gendarmerie dans la Drôme. Cela fonctionne très bien. Effectivement, on entend beaucoup parler des problèmes de carburant mais surtout de la vétusté des équipements et des bâtiments. Pouvez-vous nous indiquer l'âge moyen des véhicules de gendarmerie utilisés sur le territoire ?

M. Olivier Cadic. - Vous avez parlé de la cyber-délinquance. Il y a des arnaques en tous genres, arnaques aux sentiments, à l'héritage, à la loterie, à la commande de matériels avec paiement par carte bancaire ou virement, sur les sites de ventes aux particuliers et le comble, l'arnaque aux dédommagements des victimes d'abus de confiance. Tout cela est détaillé sur le site du Consulat de France à Abidjan, pays où l'on a beaucoup d'imagination dans ce domaine. Avez-vous le top 10 des arnaques les plus utilisées en France ? Pourriez-vous les médiatiser pour sensibiliser la population à cette problématique ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Suite au congrès national de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie, il y a eu une consultation sur la police de sécurité du quotidien (PSQ) qui a fait apparaître plusieurs points : manque de moyens juridiques et de personnels, souhait que le travail des gendarmes soit recentré sur le coeur de métier. Les retraités souhaiteraient être davantage associés à l'indispensable effort des habitants pour leur propre sécurité, mais dans un cadre juridique précis. J'ai reçu une motion à ce sujet ce matin même. Il y a donc une proposition. Qu'en pensez-vous ?

M. Ladislas Poniatowski. - Merci de bien vouloir nous montrer à nouveau ce que vous appelez « le triangle de proximité » qui montre l'effort budgétaire en faveur de l'hébergement et des conditions de travail des gendarmes. Il faut savoir qu'en France, il y a des brigades domaniales, départementales mais aussi municipales. Les budgets des départements, des municipalités et des intercommunalités consacrés à ces brigades sont importants aussi. À l'avenir, j'aimerais que vous les fassiez apparaître pour montrer les efforts réalisés, notamment en faveur de la rénovation et de la construction des logements et bureaux.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Pourriez-vous nous parler de la présence des gendarmes à l'étranger, notamment pour surveiller les ambassades ? En 2006, le Quai d'Orsay a voulu confier le gardiennage des ambassades à des entreprises privées avec les conséquences négatives que l'on sait. Existe-t-il une possibilité pour que les gendarmes présents à l'étranger puissent aider à l'organisation des journées défense et citoyenneté (JDC) sur place, si nous arrivons à obtenir du Quai qu'il revienne sur sa décision de les supprimer ?

M. Jean-Marc Todeschini. - Je m'associe à l'hommage rendu à la gendarmerie. Je veux également rendre hommage au jeune gendarme Sébastien Turin, mort lors d'une opération de sécurisation d'un accident sur l'autoroute A1. J'assisterai à ses obsèques à Longeville-lès-saint-Avold vendredi prochain. Je veux revenir sur la réserve. Je voudrais savoir si vous parvenez à recruter des réservistes, conformément aux besoins, dans tous les départements, y compris dans les départements ruraux ? Mon collègue Jean-Marie Bockel et moi-même, avons travaillé sur le service national universel (SNU). Avez-vous des pistes sur l'engagement de la gendarmerie dans ce dispositif ?

M. Christian Cambon, président. - Je donne maintenant la parole à notre collègue Gisèle Jourda et je lui renouvelle le témoignage de solidarité de la commission pour les événements que l'Aude vient de connaître.

Mme Gisèle Jourda. - Merci beaucoup Monsieur le Président. Lorsque j'ai entendu les hommages rendus à la gendarmerie, je n'ai pas pu m'empêcher, en tant qu'élue et citoyenne de l'Aude, ainsi qu'en tant qu'ancienne première adjointe au maire de Trèbes, d'avoir une pensée pour Arnaud Beltrame, mort en service, le 24 mars dernier, et au lourd tribut payé par la gendarmerie, notamment, dans la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, je suis en zone gendarmerie et je peux dire que si l'on pouvait avoir des doutes au début lors de la répartition entre les deux zones, cela fonctionne très bien aujourd'hui. La gendarmerie accomplit parfaitement sa mission.

M. Michel Boutant. - Je veux faire un lien entre innovation et prospective ainsi qu'avec les enquêtes scientifiques qui sont conduites par la gendarmerie comme on a pu le voir dans l'affaire Maëlys et Nordhal Lelandais, dans laquelle vos services ont accompli un travail remarquable. Après avoir complétement désossé la voiture, ils ont trouvé la preuve qui a permis d'inculper Nordhal Lelandais. Quelle évolution est prévue pour ce laboratoire de recherches scientifiques ? Allez-vous bénéficier d'une partie des crédits réservés à l'innovation ? Pendant six mois, j'ai présidé la commission d'enquêtes sur l'état des forces de sécurité intérieure à la fois sur la gendarmerie et la police nationale. Nous avons entendu un grand nombre de témoignages, dont le vôtre et celui du Directeur général de la police nationale. Quand on voit l'état du parc immobilier et automobile, des équipements, je me demande, si à l'instar de ce qui se fait pour les armées, il ne serait pas judicieux de lancer une loi de programmation pour les forces de sécurité intérieure avec une planification annuelle régulière, en termes d'amélioration des conditions de travail, des bâtiments, des véhicules, des équipements ainsi que des actions scientifiques.

M. Christian Cambon, président. - Je voudrais savoir, même si c'est un peu aux limites de notre compétence, si vous avez un premier bilan de la mise en oeuvre de cette mesure, très contestée, d'une vitesse maximale de 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur, mesure qui a été mise en place sans grande concertation avec les élus. Trouvez-vous une justification technique à l'application de cette mesure ?

Général Richard Lizurey. - S'agissant des réserves, la régulation budgétaire qui a été mise en oeuvre a pour objectif de respecter la loi de finances initiale en matière de T2. Nous possédons aujourd'hui deux leviers : les réserves et les dates d'incorporation. Nous avons fait usage des deux leviers en 2018 : j'ai enlevé de la partie « réserve » les 28 millions d'euros nécessaires pour rester dans l'enveloppe T2, ce qui explique les 19 millions d'euros de 2019, permettant d'enclencher un cycle vertueux - nous faisons en sorte que l'ensemble de l'année soit harmonisé pour qu'on puisse engager nos réservistes au quotidien au profit de nos unités. Je suis raisonnablement optimiste sur l'emploi des réservistes et sur le budget, qui est aujourd'hui satisfaisant à cet égard. Notre objectif est de diminuer au maximum le dégât collatéral qu'une régulation pourrait éventuellement occasionner.

Pour ce qui est des carburants, les rumeurs vont bon train, mais je n'ai pas connaissance, et je pense que je le saurais si c'était arrivé, qu'un gendarme ait acheté du carburant à titre personnel pour le service. Rien, à aucun moment, ne m'est remonté à ce stade. De plus, je n'ai pas connaissance non plus de limitations de kilométrage pour les patrouilles en circulation. Cependant, nous avons évidemment donné des conseils et des directives pour que nos patrouilles ne soient pas des patrouilles « kilométriques ». Faire 300 ou 500 kilomètres dans la nuit n'a aucun sens. Notre objectif ne consiste pas à faire des kilomètres, mais à sortir de la voiture et à rencontrer nos concitoyens. Pour autant, puisque le carburant est un paramètre important, nous avons injecté 3 millions d'euros sur les crédits des régions de gendarmerie de sorte que nous puissions terminer l'année sans problème à ce niveau. Mais à ce stade, je n'ai pas connaissance d'unités qui seraient en rupture de carburant ou qui ne pourraient pas mener leurs activités en raison d'un défaut de carburant.

Concernant les véhicules, les achats prévus pour l'année prochaine ne prennent pas en compte la mise en réserve. En 2018, nous avions prévu d'acheter 2 700 véhicules : à ce stade, nous en avons commandé 1 700, qui seront livrés dans l'année ; nous avons positionné la mise en réserve sur un certain nombre d'items, dont 1 000 véhicules, la marge de manoeuvre étant limitée. À ce stade, la mise en réserve n'est pas levée ; je n'ai pas encore commandé les 1 000 véhicules supplémentaires.

Si l'âge moyen des véhicules à 4 roues est d'environ 7,4 ans, celui des véhicules à 2 roues est d'environ 6 ans. Au total, nous possédons 31 000 véhicules, dont 24 000 opérationnels. L'objectif serait d'arriver à commander un maximum de véhicules l'année prochaine, l'objectif étant de 3 000 véhicules par an.

Sur la directive temps de travail, le Président de la République avait dit qu'elle n'avait à s'appliquer ni aux forces armées, ni à la gendarmerie nationale. Nous ne bougeons plus sur ce sujet. C'est la direction des affaires juridiques du ministère des armées qui est leader pour la négociation avec la Commission européenne. À la suite d'un contentieux porté devant le Conseil d'Etat par une association nationale professionnelle de militaires (APNM) contre l'instruction alors en vigueur s'agissant des rythmes de travail, le Conseil nous a demandé de manière informelle d'abroger cette instruction afin d'éviter une sanction et une injonction de transposition immédiate. Nous avons, à la faveur des discussions menées avec la direction des affaires juridiques du ministère des armées et avec nos personnels, mis en place, au 1er septembre 2016, l'instruction provisoire « 36 132 », qui intègre quelques items de la directive sur le temps de travail, sans que ce soit considéré comme une transposition. Nous avons notamment intégré les 11 heures de repos physiologique journalier par tranche de 24 heures, conduisant à une diminution du temps de travail global de l'ensemble de la gendarmerie, d'à peu près 4 000 ETP selon l'inspection générale de l'administration. C'est totalement intégré, nous avons fait toute l'année 2017 et l'année 2018 avec ce système. Aucune étape supplémentaire n'est prévue. Enfin, nous considérons que la disposition des 48 heures maximales de travail hebdomadaire pondérées sur l'année n'a pas vocation à s'appliquer aux forces armées, encore moins à la gendarmerie, car notre objectif au quotidien est d'être à la disposition de nos concitoyens.

S'agissant de la brigade numérique, nous allons développer son champ d'action et nous envisageons d'en augmenter les effectifs. Le besoin s'en fait sentir. Cette démarche a d'ailleurs été inscrite dans une logique interministérielle, avec la création d'une direction du numérique au sein du ministère de l'intérieur. L'objectif consistera à rationnaliser la totalité des dispositifs numériques existants dans les diverses directions et les regrouper au sein d'une gouvernance unique, à l'instar de ce qui se fait au ministère des armées. Nous n'en sommes qu'au début. Une réunion du comité stratégique se tiendra la semaine prochaine ; le dispositif de préfiguration sera mis en place en 2019 pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2020. L'ambition du ministère à ce stade est d'améliorer le fonctionnement et de n'avoir aucune régression fonctionnelle.

Concernant la simplification de la procédure pénale, nous agissons dans deux domaines. D'abord, la procédure pénale à droit constant, où un certain nombre de simplifications ont déjà été introduites (par exemple un procès-verbal de garde à vue unique, sur lequel nous avons travaillé avec le directeur des affaires criminelles et des grâces) ; nous envisageons de diffuser une circulaire commune justice/intérieure pour rappeler les mesures déjà mises en oeuvre et insuffisamment utilisées. Ensuite, il y a un travail de réflexion sur la dématérialisation de la procédure pénale ; nous possédons aujourd'hui un logiciel de rédaction de procédures qui permet à chaque gendarme de rédiger de manière numérique sa procédure, mais il est ensuite obligé d'imprimer cette procédure pour la transmettre au magistrat. Compte tenu de la perte de temps et de papier que cela représente, le processus mérite d'être industrialisé, ce qui est le but du groupe projet intérieur/justice, visant une poursuite de la dématérialisation déjà existante à travers les logiciels de rédaction de procédure et la création d'un « puits » de données qui servirait ensuite à alimenter la procédure numérique à destination des magistrats et des avocats, pour arriver enfin au procès pénal. Un tel changement est envisagé à l'horizon 2021-2022, puisqu'il faut recréer toute une architecture informatique, notamment au ministère de la justice, afin que nos procédures puissent être déclinées au niveau national mais aussi au niveau de chaque juridiction. Par ailleurs, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice est en cours d'examen. Nous y avons été associés ; il y a un certain nombre de mesures de simplification. Celles qui étaient contenues dans le texte initial, en tout cas, nous paraissent aller dans le bon sens.

Pour ce qui est des APNM, nous en avons deux, qui ne sont pas représentatives au sens règlementaire du terme. Je les ai déjà reçues une première fois l'année dernière et je vais les recevoir à nouveau dans le cadre d'un travail sur la lutte contre les suicides. Ces associations existent et il serait inopportun de les ignorer ; nous savons besoin d'avis, d'éclairages et de critiques.

Je prends notamment note de la question liée au contact avec les élus et la population, sur lesquelles nous devrons travailler davantage. Cela représente un apprentissage régulier, une culture à bâtir, un terreau. Cette culture s'est dégradée pour nombre de raisons : la mise en place de communautés de brigade qui nous a éloignés du terrain, la mise en place de centres opérationnels qui avait constitué un choc culturel assez important, enfin un travail important sur le délai d'intervention en détriment du contact. Il s'agit d'une nouvelle culture qu'il faut réimplanter. Nous avons effectivement ici ou là, dans les unités, des marges de progression. Je réunis, le 14 novembre et pour la première fois, la totalité des commandants de région, de groupement et de compagnie à l'école polytechnique. Il est essentiel de leur transmettre un message unique sur la priorité absolue du contact, dont tout le reste découle. J'espère que, l'année prochaine, nous aurons répondu davantage à cette problématique.

Je tiens à vous remercier pour l'hommage qui a été rendu aux gendarmes à propos de Notre-Dame-des-Landes et pour Trèbes. Nous avons été témoins d'un élan de solidarité exceptionnel, international. Merci pour votre soutien pour le capitaine ; je l'ai félicité. Sans mettre en cause qui que ce soit, cela montre les difficultés auxquelles les forces de l'ordre font face. Ça arrive tous les jours. Tous les jours des gendarmes se font insulter, agresser, filmer, et en général on ne voit qu'un bout du film, la fin, quand le gendarme riposte...Je rends hommage à tous ces gendarmes qui, au quotidien, subissent ces outrages et ces agressions et qui font face. Leur réponse est souvent, pas toujours peut-être et pas assez, mais très souvent adaptée aux situations rencontrées, comme à de Notre-Dame-des-landes. Nous apprenons à nos personnels la résilience, la résistance, la sérénité : nous sommes dépositaires de la puissance publique, et c'est l'honneur de l'autorité de maîtriser cette puissance. J'ai donc félicité ce capitaine qui a eu une réaction parfaitement adaptée et remarquable.

Sur les outils d'analyse prédictive, nous utilisons un logiciel entièrement développé en interne par un de nos officiers. Ce dernier a développé un algorithme qui nous a permis de mener une expérimentation sur 11 départements, visant la création d'une « météorologie » de la délinquance et des cambriolages. Au bout d'un an, c'est dans ces 11 départements que nous avons les meilleurs résultats ! Il s'agit d'un dispositif pertinent qui a réussi à prévoir 81% des occurrences et que, de ce fait, il faudra généraliser. Début 2019, le dispositif d'analyse prédictive sera disponible pour la totalité de la métropole, exclusivement en tant qu'aide à la décision, ne remplaçant pas la fonction décisionnelle du chef mais l'éclairant pour le choix des patrouilles. Nous n'avons pas fait appel à une entreprise. On nous reproche parfois de faire les choses en interne. Mais Néogend a été fait en quatre ans ; si nous l'avions sous-traité, je ne vous en parlerais probablement pas encore.

En ce qui concerne les drones, nos besoins en la matière concernent principalement le renseignement, la police judiciaire et le maintien de l'ordre, comme à Notre-Dame-des-Landes où chaque escadron avait une équipe télépilote/drone. Il est vrai que nous utilisons majoritairement des drones classiques : il y a environ 2 ans, la gendarmerie a effectué un achat de drones Novadem, dont 80% a été financé par l'UE. Accessoirement, nous utilisons la totalité des drones que nous saisissons. Demain, l'objectif sera d'équiper chaque groupement d'un moyen drone, en mettant en place une solution propriétaire ou locative, celle-ci convenant mieux à ce type de matériel en cours de modernisation. Accessoirement, nous utilisons tous les drones que nous saisissons grâce à des saisies-attributions. Pour la surveillance du territoire nationale, de mon point de vue, il est préférable d'utiliser les matériels des armées, plutôt que d'en acheter de nouveaux pour le ministère de l'intérieur. C'est une discussion interministérielle à mener. Ce sont des moyens rares et chers et nous sommes favorables à la mise en place d'un ministère leader qui mettrait à disposition le matériel et, ainsi, éviterait la duplication de l'achat.

Concernant le parc immobilier, je voudrais remercier l'ensemble des collectivités locales pour le soutien significatif apporté aux gendarmes. Sans leur appui, nous ne pourrions pas travailler de façon efficace. En l'espèce, nous sommes dans une logique de loyer, cela ne rentre pas dans les 105 millions d'euros dont je vous ai parlé.

S'agissant des arnaques, le centre de lutte contre la cybercriminalité, dont les locaux sont à Pontoise, partagés avec l'institut de recherche criminelle et le service central de renseignement criminel, pourra vous apporter des informations ultérieurement.

Sur la PSQ et les associations de retraités, il existe aujourd'hui deux types d'encadrement : la réserve, à laquelle tous les retraités de la gendarmerie peuvent participer ; la participation citoyenne, pour tous ceux qui ne souhaiteraient pas participer à la réserve. Cette dernière, qui concerne tous les citoyens, notamment les retraités, permet aux intéressés d'apporter leur contribution à un service public de sécurité.

S'agissant du dispositif à l'étranger, nous y avons aujourd'hui à peu près 500 personnels de la gendarmerie, toutes catégories confondues, dont les gardes d'ambassades. Ces derniers sont mis à disposition du Quai d'Orsay et il appartient à l'ambassadeur concerné de les employer et de définir leur mission.

Pour ce qui est du recrutement de réservistes, il a lieu y compris dans les départements ruraux. Les réservistes sont tous employés près de chez eux, dans leur « biotope », en moyenne 27 jours par an et, globalement, il n'y a pas de difficulté de recrutement. Au total, nous sommes actuellement à 30 000 réservistes. Dans les départements ruraux, ce sont souvent des anciens de la gendarmerie, parfois des policiers nationaux, des policiers municipaux ou des pompiers.

Une réflexion est en cours au ministère de l'intérieur au sujet du service national universel (SNU). On imagine notre contribution sur le modèle mis en oeuvre pour les cadets de la réserve et de la garde nationale. La difficulté majeure, c'est de trouver les infrastructures. À ce jour, nous n'avons pas d'infrastructures disponibles et serions obligés de les construire. Cela nécessiterait des moyens budgétaires complémentaires. L'encadrement, en revanche, serait effectué en grande partie par nos réservistes.

L'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) est une pépite source d'innovations. C'est par exemple un commandant de gendarmerie qui est à l'origine du test ADN rapide, qui intéresse aujourd'hui les Américains. Nous sommes sur une logique de dépôt de brevet systématique pour protéger nos innovants. S'agissant de l'affaire Maëlys, cela a été un travail d'expert, mais aussi un travail de proximité. L'IRCGN a permis de mettre au jour l'indice, mais c'est la résultante de tout un travail qui s'initie lorsque la brigade arrive dans les lieux et constate la disparition. Il faut que chacun accomplisse sa fonction pour qu'in fine le juge considère la preuve recevable. Ce travail a été très bien fait et j'ai félicité les personnels.

Les crédits d'innovation, notamment ceux en provenance de brevets ou de crédits européens, sont systématiquement réinvestis dans la recherche et dans la création de dispositifs innovants.

Une loi de programmation donnerait effectivement de la visibilité. Une telle loi d'orientation est pertinente lorsqu'elle donne une vision, une direction.

Enfin, sur les 80 km/h : 400 000 kilomètres de routes départementales sont dans notre zone de compétence. La quasi-totalité des voies concernées par la mesure sont donc en zone de gendarmerie. À ce stade, il y a un effet mécanique : quand vous avez un accident à 10 km/h de moins, vous êtes un peu moins mort ou un peu moins blessé ! C'est la réalité. Nous enregistrons une réduction de la mortalité d'environ 9% depuis le début de l'année. Je ne saurais pas vous dire si cette variation est complétement liée aux 80 km/h, mais, techniquement, la réduction de la vitesse des véhicules entraîne une diminution de la gravité des accidents et des blessures occasionnées. Il faudra certes regarder dans le détail des axes sur lesquelles l'accidentalité a diminué. Préserver nos concitoyens de ce fléau que sont les accidents routiers fait aussi partie de notre travail.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 13 heures.