Mercredi 26 juin 2019

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Financement public des opérateurs de l'hébergement d'urgence - Examen du rapport d'information

M. Alain Milon, président. - Nous examinons ce matin le rapport de nos collègues Guillaume Arnell et Jean-Marie Morisset sur le financement public des opérateurs de l'hébergement d'urgence. Je leur cède immédiatement la parole pour nous présenter leurs conclusions.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances, notre commission se saisit pour avis des crédits du programme 177 « hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Les crédits de ce programme ont connu une croissance de 43 % en cinq ans et dépassent dorénavant les 2 milliards d'euros.

Cette hausse, exceptionnelle dans un contexte de maitrise des finances publiques, a été principalement destinée au financement du parc d'hébergement qui a atteint près de 146 000 places d'accueil en 2018. Malgré l'augmentation considérable des capacités d'hébergement et les efforts engagés par le Gouvernement dans le cadre du plan « logement d'abord », les dispositifs demeurent saturés, en raison de l'augmentation des situations d'exclusion et de la progression des flux migratoires.

C'est dans ce contexte que nous avons mené nos travaux sur le financement des opérateurs de l'hébergement d'urgence, cette politique publique étant mise en oeuvre en quasi-totalité par des opérateurs privés, dont la plupart sont des associations. Nous avons souhaité mesurer l'efficience de la dépense consacrée à cette politique et évaluer le pilotage des dispositifs d'hébergement d'urgence, en appréciant les objectifs fixés, la gestion déléguée de l'offre et de la demande d'hébergement, les conditions de financement des opérateurs et l'accompagnement social proposé.

Nous avons procédé à l'audition des principaux gestionnaires de structures d'hébergement et des services de l'État concernés et nous avons effectué cinq déplacements, à Nantes, à Lille et en région parisienne. Nous avons ainsi visité huit structures d'hébergement et rencontré les opérateurs et les services déconcentrés qui mettent en oeuvre cette politique sur le terrain.

Notre constat, à l'issue de ces travaux, est celui d'un pilotage insuffisant de la politique de l'hébergement et de ses opérateurs.

Les dispositifs ont des statuts et des modes de financements divers, sans justification évidente. La gestion des dispositifs d'accueil, soumise à l'urgence, manque de prévisibilité, de connaissance des besoins et de contrôles. Nous formulons donc une série de propositions destinées à améliorer cette gestion.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Parmi les difficultés constatées figure tout d'abord la sous-budgétisation chronique de la politique d'hébergement, prise entre l'impératif de l'inconditionnalité de l'accueil et l'objectif de maîtrise des dépenses. Ce conflit d'objectifs nuit à son pilotage.

D'une part, la création en urgence, chaque année, de places d'accueil pour limiter le nombre de personnes à la rue complique la programmation budgétaire. D'autre part, les crédits ouverts pour l'année N sont inférieurs à ceux exécutés pour l'année N-1 alors que la demande d'hébergement ne se tarit pas. L'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année est ainsi devenue systématique et la résorption de cette sous-budgétisation n'a donc pas pu être réalisée.

En 2018, la loi de finances initiale a prévu l'ouverture de crédits à hauteur de 1 954 millions d'euros. Cette enveloppe s'est avérée insuffisante malgré un report de crédits de l'année 2017 sur 2018. La loi de finances rectificative pour 2018 a donc ouvert des crédits supplémentaires à hauteur de 60,2 millions d'euros, et son exécution s'est finalement élevée à 2 099 millions d'euros pour 2018.

Des efforts ont toutefois été conduits l'an dernier afin de construire une programmation budgétaire plus sincère. Un rebasage du programme a été effectué en 2018, afin de construire un budget plus adapté aux besoins de financement régionaux.

Pour autant, nous doutons que les crédits ouverts pour 2019 suffisent à couvrir les besoins de financement. À périmètre constant, ils demeurent inférieurs de 102 millions d'euros à l'exécution 2018.

Notre première proposition est donc de mettre fin à la sous-budgétisation du programme 177 en poursuivant les efforts engagés pour une programmation plus sincère.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - La gestion des places d'hébergement est rendue complexe par une multiplication des types de structures, aux modes de financements différents. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui regroupent 45 000 places, sont des établissements autorisés et financés sous la forme de dotations. Les centres d'hébergement d'urgence (CHU), qui représentent 52 000 places, sont des établissements déclarés, financés par des subventions. Enfin, 48 000 places à l'hôtel sont financées par des subventions et payées par l'intermédiaire d'un opérateur.

Le statut des CHRS, qui relèvent des établissements sociaux et médico-sociaux, offre davantage de garanties aux gestionnaires sur leurs financements et de moyens de contrôle aux services de l'État. Ces établissements sont autorisés par l'État après une procédure d'appel à projet, ils sont financés par une dotation qui peut être négociée dans le cadre d'un contrat pluriannuel. Ils sont soumis à des procédures d'audit interne et externe. Les centres d'hébergement déclarés sont régis par des règles moins strictes : la sélection du gestionnaire n'est pas toujours formalisée et les financements par subventions sont généralement encadrés par une convention annuelle ou pluriannuelle.

Les centres d'hébergement d'urgence et les places à l'hôtel ont vocation à accueillir les personnes à la rue en situation de détresse, pour une courte durée, alors que les CHRS permettent en principe un hébergement plus long pour accompagner les personnes vers l'autonomie sociale et le logement pérenne.

Cette distinction n'est cependant plus vérifiée sur le terrain : les durées de séjour se rapprochent et tendent à se rallonger dans toutes les structures. Quelques personnes résident même dans un CHU ou un CHRS pendant plusieurs années. Une enquête de la DREES menée en 2012 indiquait que la durée moyenne de séjour des adultes hébergés en CHRS était de 17 mois et de 16 mois pour ceux hébergés dans les autres centres d'accueil.

Faute de rotation suffisante dans le parc, les affectations se font moins en fonction du type de structure adaptée à la personne que selon les places disponibles. Plusieurs opérateurs interrogés ont ainsi indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure de réellement distinguer les missions exercées par les CHRS de celles des centres d'hébergement d'urgence, en termes de conditions d'accueil, de niveau d'accompagnement social et de durée de séjour.

Au sein même des structures pérennes, 18 % des places de CHRS sont identifiées comme des places d'urgence. Dans le parc « hébergement d'urgence », 16 % des places sont dédiées à de l'hébergement d'insertion et de stabilisation. À cela s'ajoutent les centres d'hébergement et de stabilisation (CHS), comptabilisés dans le parc CHU et les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) assurant un hébergement d'urgence, financés par des subventions.

Nous pensons donc que la création d'un statut unique de centre d'hébergement permettrait de rationnaliser l'offre généraliste et de simplifier le pilotage des dispositifs.

L'article 125 de la loi ELAN permet de faciliter, jusqu'en 2022, le passage de places d'hébergement déclarées sous le statut de l'autorisation, en dérogeant à l'obligation de passer par un appel à projets pour étendre la capacité de CHRS existants ou pour faire passer des places déclarées sous le statut autorisé. Ce passage sous statut autorisé doit permettre d'améliorer la gestion des dispositifs et la prévisibilité des financements. Aucun objectif de transformation n'est à ce stade fixé, en termes de nombre de places à transformer et de calendrier, car les décisions de transformation feront l'objet de négociations en fonction des priorités territoriales.

Pour mettre en oeuvre cette mesure, nous proposons que des objectifs chiffrés soient fixés pour chaque région afin d'assurer le passage effectif sous statut autorisé des places déclarées.

Nous considérons en outre que la restructuration de l'offre doit, à terme, tendre vers un statut unique sous la forme de l'autorisation pour l'ensemble des structures pérennes du parc généraliste. Or, à ce stade les résidences hôtelières assurant un hébergement d'urgence ne sont pas concernées par la loi ELAN.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Par ailleurs, le pilotage des opérateurs, largement soumis à l'urgence, manque de prévisibilité et de connaissance des publics.

L'ouverture de places hivernales est une source d'incertitude pour les gestionnaires. Malgré les efforts croissants des services de l'État pour une gestion prévisionnelle des campagnes hivernales, notamment par l'identification du foncier disponible pour accueillir des places exceptionnelles, l'ouverture des places se fait fréquemment dans l'urgence. Dans cette situation, la sélection des opérateurs se fait souvent de gré à gré, et conduit à solliciter de grands opérateurs qui ont la capacité d'agir dans des délais contraints.

Les opérateurs sélectionnés sont souvent amenés à procéder à l'ouverture de places avant que les financements dédiés ne soient versés voire arbitrés. Le coût d'une place hivernale, qui doit amortir sur une courte durée les aménagements réalisés, peut s'avérer très supérieur à celui d'une place pérenne en centre d'hébergement, alors que les conditions d'accueil sont bien moins favorables.

Les gestionnaires sont aussi confrontés à des incertitudes à la fin de chaque période hivernale, À la mi-mars 2019, ils ne connaissaient toujours pas le nombre de places qui allaient être pérennisées sur les 14 000 ouvertes pour l'hiver 2018-2019. La décision du Gouvernement de pérenniser 6 000 places n'a été rendue publique que le 1er avril. Dans l'attente de cette décision, ils ignoraient le nombre de personnes accueillies qui allaient devoir sortir des dispositifs hivernaux. Les décisions de pérennisation gagneraient donc à être davantage anticipées, en concertation avec les gestionnaires, pour assurer une meilleure continuité de l'offre d'hébergement.

Pour une meilleure préparation des périodes hivernales, des marges de progrès existent également. Pour la première fois, à l'été 2018, un appel à candidature a été initié par l'État en Ile-de-France afin d'identifier un socle de 2 800 places à ouvrir pour l'hiver. Nous proposons de renouveler cette procédure chaque été pour assurer une gestion prévisionnelle des dispositifs hivernaux, en particulier dans les grandes zones urbaines.

Au-delà de l'hiver, nous considérons que la prévisibilité d'ouverture de places pour le parc pérenne peut également être améliorée par une meilleure formalisation des procédures d'ouverture de places et par une gestion prévisionnelle du foncier. C'est en particulier le cas pour les nuitées d'hôtels, dont une partie seulement est sélectionnée selon une procédure de marché public. Nous proposons donc de renforcer la formalisation des procédures de sélection des opérateurs de l'hébergement d'urgence en ayant recours à des appels à candidature ou des appels à projet selon les besoins.

En outre, il nous semble que l'État dispose d'une connaissance trop limitée des publics accueillis dans les dispositifs d'hébergement d'urgence. Si l'État est le financeur de la politique d'hébergement, la régulation de l'offre et de la demande d'hébergement est largement déléguée aux services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Cette régulation s'est d'ailleurs considérablement améliorée avec la montée en charge des SIAO qui coordonnent, à l'échelle du département, la veille sociale, les demandes d'hébergement en gérant le « 115 » et l'orientation des publics.

La connaissance du secteur s'est aussi améliorée avec, d'une part, le développement du système d'informations des SIAO, partagé par tous les acteurs, et d'autre part, l'obligation pour les gestionnaires de remplir chaque année une enquête nationale des coûts destinée à mieux connaitre les besoins et les disparités de financement. Pour autant, la qualité de l'information disponible dépend des données demandées et transmises par les opérateurs. Certains responsables de services déconcentrés nous ont indiqué que les données disponibles n'étaient pas suffisantes pour assurer un pilotage satisfaisant.

Des informations plus précises sur les publics hébergés pourraient être demandées aux opérateurs. L'État dispose par exemple du nombre de demandeurs d'asile hébergés dans le parc généraliste mais il ignore la part de personnes non régularisées, alors que certains opérateurs ont effectué des enquêtes sur la situation administrative des publics qu'ils accueillent. Or il est nécessaire d'avoir une connaissance précise des publics accueillis pour adapter au mieux les structures d'hébergement et l'accompagnement social. Nous proposons donc qu'un travail soit engagé entre l'État et les opérateurs visant à compléter et préciser la nature des données à recueillir pour disposer d'une meilleure connaissance des publics hébergés.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Plusieurs personnes rencontrées nous ont également indiqué que l'une des principales sources de complexité dans la gestion des dispositifs d'hébergement était l'accueil du public migrant.

L'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés fait l'objet d'une prise en charge par des dispositifs spécifiques, sous la responsabilité du ministère de l'intérieur. Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA) comprend un parc d'hébergement de 86 000 places, réparties en diverses structures. Malgré l'existence de ce dispositif dédié, l'importance des flux migratoires a conduit à la création, souvent en urgence, de places d'hébergement pour l'accueil des migrants au sein du parc généraliste, financées par le programme 177. Des clarifications progressives ont été opérées entre les financements des deux dispositifs.

Toutefois, la saturation du parc dédié aux demandeurs d'asile et le principe d'accueil inconditionnel qui gouverne l'hébergement généraliste n'ont pas fait disparaître la porosité entre les deux dispositifs. Lors d'une enquête réalisée par l'État en mars 2019, 11 400 demandeurs d'asile ont été comptabilisés dans l'hébergement généraliste, soit 8 % des places du parc.

Il résulte de cette situation d'importantes difficultés de gestion. Les services de l'État sur le territoire doivent agir sous la responsabilité de deux tutelles : le ministre de l'intérieur et le ministre chargé du logement. Par ailleurs, l'accueil de demandeurs d'asile ou de réfugiés complexifie le financement des structures d'hébergement généraliste, au regard du principe de spécialité budgétaire. En effet, les services déconcentrés ont pour instruction d'identifier la présence de demandeurs d'asile dans l'hébergement généraliste afin que les places occupées par ce public soient facturées au programme « asile et immigration ». Enfin, les centres d'hébergement d'urgence accueillant des demandeurs d'asile doivent accompagner ces personnes dans des démarches pour lesquelles les centres d'accueils pour demandeurs d'asile (CADA) sont plus à même d'offrir un accompagnement satisfaisant.

Nous proposons donc de mettre fin à l'accueil de publics relevant du dispositif national d'accueil au sein du parc généraliste, en poursuivant l'accroissement du nombre de places dédiées aux demandeurs d'asile et en renforçant la coordination interministérielle.

Pour les personnes en situation irrégulière, qu'elles soient déboutées du droit d'asile ou hors du parcours de l'asile, la situation est différente. Ces personnes relèvent de l'accueil inconditionnel et peuvent donc être hébergées au sein du parc généraliste. Plusieurs opérateurs nous ont d'ailleurs indiqué qu'au sein de leur parc d'hébergement généraliste, la présence de personnes en situation irrégulière représentait environ 50 % du public accueilli.

Or, ces personnes ne peuvent prétendre à un logement social ou à un emploi : leur sortie de l'hébergement d'urgence est donc très compliquée, ce qui contribue à la saturation du parc et à l'allongement des durées de séjour. Nous estimons que les personnes en situation irrégulière ont besoin d'un accompagnement spécifique pour les aider à sortir de l'hébergement. Elles peuvent être orientées vers les dispositifs d'aide au retour ou être accompagnées dans des démarches de régularisation de leur situation lorsqu'il existe des perspectives d'obtention d'un titre de séjour.

Par conséquent, nous considérons que le public en situation irrégulière doit faire l'objet d'un accueil et d'un accompagnement spécifiques. Certains centres sont déjà dédiés à l'accueil prioritaire de publics particulièrement vulnérables tels que les femmes victimes de violences ou les sortants de détention, pour leur apporter un suivi spécifique. Nous proposons donc que certaines structures de l'hébergement généraliste soient identifiées pour l'accueil prioritaire de ce public, afin de lui assurer un accompagnement adapté.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Concernant les outils de gestion et de financement des opérateurs, de nombreuses démarches sont en cours pour améliorer la gestion des dispositifs.

La nécessité d'obtenir une meilleure connaissance des coûts selon les structures d'hébergement s'est traduite par le développement des enquêtes nationales de coûts (ENC), obligatoires depuis 2018 pour les gestionnaires de CHRS et de CHU.

Cette enquête, déployée depuis 2014 puis généralisée, a révélé d'importantes disparités de coûts selon les territoires, les structures et les prestations proposées. Alors que cette ENC n'était au départ qu'un outil d'information destiné à améliorer le dialogue de gestion, elle a été suivie d'une démarche de convergence tarifaire pour les CHRS. Cette démarche de bonne gestion a été mal comprise par les opérateurs dans la mesure où certains d'entre eux ont vu leurs dotations baisser alors qu'ils se trouvaient en-dessous des tarifs plafonds. Reconnaissant ces difficultés, le Gouvernement a pris des mesures correctrices pour cette année. Nous pensons que ces démarches sont à poursuivre et à généraliser.

Concernant l'enquête nationale des coûts, celle-ci doit être précisée afin que les données transmises soient davantage uniformisées, car les charges ne semblent pas prises en compte de la même manière par l'ensemble des gestionnaires. En outre, cette enquête devrait être étendue aux nuitées d'hôtel qui représentent un tiers du parc de l'hébergement généraliste et qui ne font, à l'heure actuelle, pas l'objet d'un recensement national de leurs coûts.

Nous estimons que la convergence tarifaire doit être poursuivie sans pénaliser les établissements dont le coût est inférieur à la moyenne. Après l'expérience de son déploiement pour la tarification des CHRS, une réflexion doit être engagée pour étendre la démarche de convergence à l'ensemble des structures d'hébergement. Deux tiers du parc n'ayant pas le statut de CHRS, la rationalisation des coûts de la politique d'hébergement doit passer par une extension de cette démarche.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Les démarches de contractualisation pluriannuelle avec les opérateurs doivent également être renforcées.

Le recours à la contractualisation pluriannuelle s'est progressivement développé pour les places de CHRS. La loi ELAN a rendu obligatoire la signature de CPOM entre l'État et les CHRS, à l'horizon du 31 décembre 2022. Des travaux sont en cours entre le ministère et les opérateurs pour élaborer un modèle de CPOM au secteur de l'hébergement. Il serait selon nous pertinent que les structures d'hébergement subventionnées puissent être intégrées au CPOM d'un CHRS si ces établissements relèvent du même gestionnaire, et qu'au sein de ces CPOM, une fongibilité des financements soit permise afin de de mutualiser des moyens ou des fonctions support pour la gestion de plusieurs types d'établissements.

En cohérence avec notre recommandation d'unifier les statuts des dispositifs d'hébergement, nous proposons donc d'étendre la démarche de contractualisation pluriannuelle à l'ensemble des centres d'hébergement pérennes et de prévoir des possibilités de fongibilité des financements pour certaines activités mutualisées entre structures.

Enfin, ces évolutions doivent s'accompagner d'un renforcement du contrôle de l'État sur les opérateurs. La responsabilisation des gestionnaires par la contractualisation pluriannuelle implique un contrôle effectif de la dépense et des objectifs fixés.

Or nous avons constaté que les contrôles des gestionnaires étaient bien souvent limités à des contrôles comptables et que certains d'entre eux ne faisaient pas l'objet de vérifications régulières sur les conditions d'accueil et leur fonctionnement par des contrôles sur place. Des campagnes de contrôle ont été lancées en 2017 dans les régions Grand-Est, Normandie et Hauts-de-France. Elles ont permis de récupérer des excédents et de redéployer les crédits obtenus. De telles démarches sont donc à reconduire régulièrement dans les autres régions. Il est par conséquent indispensable de renforcer les opérations de contrôle sur l'ensemble des structures, en particulier des nuitées hôtelières qui ne font pas l'objet de vérifications suffisantes. Alors qu'une réorganisation de l'administration territoriale de l'État est en cours, une attention particulière devra être portée sur les effectifs et les compétences nécessaires au sein de l'administration déconcentrée pour assurer ces contrôles.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Au total, d'importantes mesures ont été engagées pour améliorer le pilotage et le financement d'une politique dont la conduite est éminemment complexe. Nous proposons donc d'aller au bout de cette logique pour véritablement renforcer le pilotage et mieux maitriser les financements alloués aux opérateurs de l'hébergement.

Ces propositions sont, selon nous, de nature à améliorer la gestion, l'accueil et la fluidité du parc d'hébergement d'urgence. Néanmoins, la sortie des publics de l'hébergement ne sera satisfaisante que lorsque les solutions de logement adapté et social seront suffisantes. Le développement de l'offre de logement fait partie des objectifs du plan « logement d'abord » mais ceux-ci sont loin d'être atteints. Nous invitons d'ailleurs le Gouvernement à augmenter les financements pour le logement adapté, en cohérence avec les ambitions affichées. Ces mesures ne concernent pas directement l'hébergement d'urgence, qui était l'objet de notre mission, mais elles sont nécessaires pour remplir l'objectif assigné à cette politique : accompagner les personnes vulnérables vers un logement pérenne.

M. Michel Forissier. - Le travail présenté par nos deux rapporteurs est remarquable. Cette problématique prend une dimension particulière au sein des grandes agglomérations, comme l'agglomération lyonnaise : le bon fonctionnement des systèmes sociaux y produit mécaniquement un appel d'air, et une concurrence, qui ne devrait pas exister, peut s'installer entre différents publics prioritaires.

Différentes catégories de personnes requièrent un accompagnement spécifique. Les femmes en danger vis-à-vis de leurs conjoints doivent ainsi être placées dans des lieux protégés et surveillés jour et nuit. Les personnes ayant purgé une peine ont également droit à la réinsertion. À cet égard, la solution que j'ai conçue avec des chefs d'entreprise de l'agglomération lyonnaise, qui a consisté à les accueillir dans le secteur locatif normal, a suscité des réserves qu'il a fallu dissiper.

Trop souvent, les préfets ont pris des décisions sans même prendre soin d'en informer les maires, alors que la responsabilité de l'accompagnement social incombe aux centres communaux d'action sociale (CCAS). Les services de l'État doivent donc tenir compte des responsabilités des collectivités territoriales en matière d'accueil des personnes vulnérables, en particulier des villes et villages d'accueil à fort taux de logements sociaux situés en périphérie des agglomérations et dont les dépenses d'accompagnement social devront être remboursées. Une collaboration étroite entre les services de l'État, les départements et les communes est donc indispensable.

À l'échelle du département du Rhône, avant la création de la métropole, pour une population d'1,7 million d'habitants, nous étions dans l'impossibilité de préserver les spécificités de certains types d'accueil. L'insuffisance de places conduit à une recherche délicate de solutions en urgence.

Mme Frédérique Puissat. - Avez-vous tenu compte, dans le périmètre de vos travaux, des ouvertures de places et des liens avec les collectivités ? Certains d'entre nous ont fait cette expérience de l'absence de concertation avec les collectivités territoriales il y a quelques années : le groupe Accor a procédé à des ventes d'hôtels « Formule 1 », rachetés par un fonds d'investissement à impact social, moyennant un certain niveau de rentabilité, et confiés à un gestionnaire, Adoma. Cet épisode a été très mal vécu au niveau local : non pas que les maires étaient réticents à l'accueil, mais le fait est que, d'une part, ils n'avaient pas été prévenus, et, d'autre part, les « Formule 1 » sont généralement implantés dans des zones d'activité qui n'étaient pas le lieu idéal pour l'intégration des publics accueillis qui comptaient des enfants. Dès lors qu'il y a ouverture de places, un lien doit être assuré avec les communes et les départements, de sorte que nous puissions faciliter ces intégrations.

Mme Laurence Cohen. - Les rapporteurs ont souligné la faiblesse des crédits alloués à l'hébergement d'urgence, qui sont consommés intégralement tous les ans. Les moyens sont encore moins suffisants pour la pérennisation du suivi des personnes.

Le Gouvernement a fait de la protection des femmes victimes de violences conjugales une grande cause nationale, mais les paroles demandent encore à être traduites en actes. Depuis le début de cette année, on recense déjà 67 féminicides. La violence des conjoints touche tous les âges et tous les milieux sociaux. Les rapporteurs pourraient-ils nous préciser les solutions prévues et le financement des opérateurs d'hébergement d'urgence en matière d'accueil spécifique de cette population particulièrement vulnérable ? Des mesures spécifiques sont-elles envisagées pour les femmes migrantes, notamment les demandeuses d'asile, encore plus vulnérables ?

Mme Monique Lubin. - Énormément de progrès restent à faire pour l'hébergement des femmes victimes de violences.

Je partage l'accent mis par les rapporteurs sur la nécessité d'un contrôle accru des différents opérateurs. Ce contrôle ne doit pas être uniquement budgétaire et porter aussi sur les conditions d'accueil. Mais n'oublions pas que de l'argent public peut financer des marchands de sommeil qui orientent les personnes vers des hôtels ou des logements très anciens. Il est particulièrement préoccupant de savoir que, notamment en région parisienne, des hôtels accueillent essentiellement des personnes en hébergement d'urgence, percevant des fonds de l'État, et dont on apprend qu'ils sont gérés par des marchands de sommeil.

L'hébergement d'urgence doit par ailleurs être suivi d'effets en termes d'hébergement pérenne.

Les dernières mesures législatives adoptées l'année dernière produiront des dégâts qu'on ne tardera pas à mesurer sur le financement de nouveaux logements sociaux.

Mme Michelle Gréaume. - Comme l'ont rappelé les rapporteurs, le programme 177 a vocation à financer une partie des dispositifs à destination des populations migrantes dont le nombre ne cesse d'augmenter et dont les conditions d'accueil sont déplorables.

Le Conseil d'État vient de condamner la préfecture du Nord, le 21 juin 2019, à prendre les mesures sanitaires nécessaires pour le gymnase de Grande-Synthe où sont abrités des migrants, les équipements étant jugés insuffisants, notamment en matière d'accès à l'eau potable et aux toilettes. Le Conseil d'État a rappelé que l'État devait garantir le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants. La commune de Grande-Synthe va d'ailleurs engager une action indemnitaire contre l'État afin de le contraindre à participer aux dépenses importantes engagées en faveur de l'accueil décent des migrants. Est-il prévu un plan de financement supplémentaire pour faire face à cette insuffisance de l'hébergement d'urgence ?

Mme Patricia Schillinger. - Il s'agit d'un sujet très complexe, qui à mon sens requiert surtout une réorganisation totale avec un rôle accru pour la ruralité. Il faudrait que les CCAS y soient particulièrement attentifs. Les communes urbaines arrivent à saturation. La commune de Ferette dans mon département accueille 100 migrants pour seulement 1 000 habitants, avec un grand succès. L'accueil massif dans les hôtels, qui alimente une misère sociale scandaleuse, doit cesser. Les jeunes femmes migrantes avec des enfants sont particulièrement vulnérables.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Je vous remercie de vos questions. Tout d'abord, il y a effectivement une nécessité de clarifier les compétences. Les problèmes doivent être traités en premier ressort par la politique du logement, et le ministère afférent. En 2017, 59 hôtels « Formule 1 » ont été vendus par le groupe Accor à la Caisse des dépôts et consignations, dont 23 sont des résidences hôtelières à vocation sociale, assurant de l'hébergement d'urgence, et qui consacrent leur activité à l'accompagnement de personnes en difficulté. Cela représente 2 300 places gérées par Adoma.

Pour aller dans le sens des propos de Madame Puissat, le ministère du logement doit être attentif à ne pas déconnecter la mise en oeuvre de cette politique de la maille locale. Il est arrivé que les maires apprennent très tardivement l'ouverture d'une résidence hôtelière à vocation sociale sur leur territoire, celle-ci étant exclusivement financée par l'État sans concertation obligatoire avec les élus locaux. Cela peut donner lieu à quelques frottements : le maire de Linas conditionnait l'ouverture de la résidence hôtelière que nous avons visitée dans l'Essonne à la situation régulière des personnes hébergées.

Pour les demandeurs d'asile, bien que la demande exprimée soit similaire, le programme budgétaire et les opérateurs diffèrent, ce qui donne lieu à des incompréhensions. Le cas de Grande-Synthe, évoqué par Madame Gréaume, fournit une illustration particulièrement vive de ces conflits de compétences. Nous avons pu rencontrer M. Michel Lalande, préfet du Nord, qui nous a assuré de l'effort important fourni par les services de l'État mais de l'urgence d'une meilleure organisation entre le ministère du logement et le ministère de l'intérieur.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Pour répondre à l'une des questions posées, la mission ne s'est pas spécifiquement penchée sur le cas des femmes victimes de violences. Nous avons visité une structure majoritairement ouverte à des femmes seules avec enfants, qui semblaient satisfaites de leur prise en charge. L'apparition et la disparition impromptues de leur conjoint peut néanmoins fragiliser leur accompagnement.

Je souhaiterais revenir sur le volontarisme de certaines communes, qui acceptent de recevoir et de prendre en charge des gens en situation de précarité mais dont l'accompagnement financier est lacunaire. Nous avons pu voir qu'à Lille, grâce à d'importants efforts organisationnels, le recours aux nuitées d'hôtels avait quasiment disparu et c'est une piste à creuser.

Madame Cohen, je ne conteste pas le fait que les crédits soient insuffisants, mais si nous regardons les deux programmes budgétaires distincts - le 177 sur l'hébergement d'urgence et le 303 sur l'aide apportée aux demandeurs d'asile - c'est une progression considérable que nous constatons.

Mme Laurence Cohen. - Je suis un peu étonnée de la remarque de M. Arnell. Plusieurs budgets ont tout de même chuté de près de vingt millions d'euros.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - Sur ce sujet, j'apporterai quelques précisions d'ordre technique. Il est tout à fait vrai que certaines structures, notamment les CHRS, ont vu leurs dotations diminuées en raison de la convergence tarifaire récemment entreprise par le ministère. M. Julien Denormandie, que nous avons rencontré, a reconnu le dommage de certaines baisses et a pris l'engagement de rajouter 10 millions d'euros au programme 177 pour le financement des CHRS, ponctionnés sur la stratégie pluriannuelle de lutte contre la pauvreté.

Il est à mon sens normal que l'État demande qu'un effort de rationalisation soit fourni par les opérateurs. Mais nous devons tout de même constater que cette politique publique, en pleine expansion depuis 4 ans - 43 % d'augmentation de crédits de paiement - ne bénéficie pas de financements adéquats. Les documents annexés au projet de loi de règlement pour 2018 révèlent un écart de 100 millions d'euros entre l'exécution 2018 et les crédits que nous avons votés l'an dernier pour 2019. J'ajoute que ces crédits sont particulièrement contraints par le principe d'accueil inconditionnel prévu à l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

En Nouvelle-Aquitaine, région qui comporte douze départements, les crédits sont répartis depuis Bordeaux et le manque de personnel à l'échelon départemental oblige parfois à conduire les négociations et les répartitions par téléphone ! Enfin, le Gouvernement s'était engagé en 2017 à verser un forfait de 1 000 euros aux communes pour chaque enfant migrant accueilli, qui n'est jamais venu !

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - Dans la construction de ce rapport, nous avons veillé à être aussi objectifs et aussi sincères que possible, sans parti-pris contre le Gouvernement. On ne peut passer sous silence certains chiffres, et en particulier le fait que les crédits soient passés de 1 470 millions d'euros en 2014 à 2 099 millions en 2018, soit une hausse de 43 %. Lors de la programmation budgétaire, le plus souvent, la prévision pour l'année N est inférieure à l'exécution de l'année N-1 ; une rectification est donc presque toujours nécessaire. S'il y a eu une nette augmentation des crédits, elle reste cependant largement inférieure aux besoins.

M. Michel Forissier. - Je souhaite vous faire part d'une information. Dans la métropole de Lyon, la mise en oeuvre du plan pauvreté ne représente que 0,33 % du budget social : c'est une goutte d'eau, un affichage qui n'apportera aucune amélioration. En réalité, il s'agit de crédits pris au pot commun et réaffectés. Le plan pauvreté est une usine à gaz qui « retricote » des dispositifs déjà existants.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - J'insiste sur les points à retenir de nos recommandations : il convient d'améliorer la gestion des dispositifs, de maîtriser le financement de l'hébergement d'urgence, de créer un statut unique de centre d'hébergement ; il est également essentiel d'étendre la convergence tarifaire et de renforcer le contrôle de l'État sur les opérateurs. L'État a en effet un rôle essentiel à jouer mais il nous est apparu qu'il ne connaît pas suffisamment les publics accueillis.

M. Yves Daudigny  - Au sein des dispositifs que vous avez décrits, où se situent les personnes sans domicile fixe que l'on peut voir le jour comme le soir sur les trottoirs à Paris ?

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur. - On ne connaît pas avec précision leur nombre. Pour les identifier et les orienter, il y a d'abord les maraudes. Pour ces personnes, les haltes de nuit proposent un accueil chaque soir. En outre, les centres d'accueil de jour sont ouverts de 8 heures du matin à 8 heures du soir. Il n'y a toutefois pas suffisamment de places pour accueillir l'ensemble de ces personnes.

Il faut bien comprendre que lorsque l'État ouvre 14 000 places en hiver, cela fonctionne de gré à gré avec les opérateurs. Au mois de mars, les gestionnaires attendent que le Gouvernement dise combien de places il va pérenniser ; cette année, il a fallu attendre jusqu'au 1er avril. Il y a donc un effort d'anticipation à fournir.

M. Guillaume Arnell, rapporteur. - On a souvent un regard compatissant sur la situation hivernale, mais il faut savoir qu'il y a en réalité autant de morts en été qu'en hiver.

M. Alain Milon, président. - Merci pour ce rapport très intéressant. Il devra être mis en application dès que possible afin de clarifier et d'harmoniser ces situations. Madame Lubin a parlé de « marchands de sommeil » : il faut savoir qu'il en existe de toutes sortes, y compris dans le secteur caritatif. Ce rapport est d'autant plus important que moins une situation est claire, moins nos concitoyens la comprennent et plus ils se tournent vers les extrêmes en réaction. Face à ces derniers, il est important qu'il n'y ait pas un unique barrage, qu'il soit de droite ou de gauche.

La commission est-elle favorable à la publication du rapport d'information ?

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La réunion est close à 10 h 40.

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et situation et perspectives des comptes sociaux - Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

M. Alain Milon, président. - Nous recevons cet après-midi M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le ministre, la commission souhaiterait vous entendre, quelques semaines avant le débat d'orientation des finances publiques, afin de faire un point sur la situation des comptes de la sécurité sociale. À cet égard, le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale a fait apparaître une réelle amélioration du solde en 2018 tout en insistant sur les facteurs qui, dès l'année en cours, risquent de faire replonger les comptes dans le rouge.

D'autre part, nous n'avons pas eu l'occasion de débattre avec vous de l'avenir des relations financières entre l'État et la sécurité sociale depuis que vous nous avez remis le rapport du Gouvernement sur la question. Or il s'agit clairement d'un sujet politique qui mérite à nos yeux un vrai débat.

Enfin, la réforme constitutionnelle pourrait peut-être revenir à l'ordre du jour du Parlement, sans doute expurgée de ses dispositions relations relatives à l'examen des lois de financement de la sécurité sociale - vous pourrez peut-être nous le confirmer. Néanmoins, vous pourriez aussi nous préciser si, à vos yeux, avec ou sans réforme constitutionnelle, des évolutions du cadre organique régissant les lois de financement vous semblent souhaitables.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Je suis très heureux de vous voir, d'abord parce que cela me change des discussions sur le budget de l'État qui m'occupent beaucoup en ce moment... mais surtout car cela nous permet d'exposer aux sénateurs ce que nous avons dit sur l'année 2018 devant la commission des comptes de la sécurité sociale.

Il s'agit donc d'un moment de vérité pour le Gouvernement que cette année 2018 qui été exécutée dans la première année de l'exercice plein du mandat du Gouvernement auquel Mme Buzyn et moi appartenons. L'examen du projet de loi de règlement qui va arriver très bientôt nous permettra peut-être aussi de travailler sur le projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année prochaine, puisque nous avons commencé hier soir les premières discussions budgétaires avec la ministre de la Santé et des solidarités.

Si le projet de loi constitutionnelle devait revenir, il n'y aurait pas de remise en cause du PLFSS. Le ministre des Comptes publics avait même fait la proposition de créer un troisième texte qui aurait été un projet de loi de finances pour les collectivités locales - mais cela n'a pas été retenu. Le président de la commission des finances de votre assemblée travaille avec le rapporteur général sur ces questions. On peut se plaindre que les dépenses et les recettes publiques soient ainsi séparées dans deux textes, alors que pour les Français, les choses ne sont pas déconnectées. Ils sont sans doute très attachés au système de sécurité sociale et au rôle des organismes professionnels ou des syndicats, mais les prélèvements obligatoires sont des prélèvements obligatoires et les dépenses des dépenses. Si les travaux du Gouvernement ou plus encore des parlementaires pouvaient améliorer la lisibilité de la décision, nous aurions bien travaillé pour la démocratie et pour la République.

La relation entre l'État et la sécurité sociale est une ténébreuse affaire : depuis très longtemps, nous avons créé des tuyaux un peu partout, qui sont difficilement compréhensibles. Nous avons demandé à des spécialistes de travailler d'après les très nombreux travaux parlementaires sur cette question et nous vous avons rendu le rapport qui avait été commandé.

La commission des comptes a évoqué la question de la défiscalisation des heures supplémentaires qui, sous Nicolas Sarkozy, avait été compensée par l'État. Le choix inverse a été fait cette fois. On peut aussi parler du transfert d'agences régaliennes mais qui ont un lien évident avec la sécurité sociale et les médicaments ; d'autres questions se poseront en cas de réforme systémique des retraites, qui sera importante aussi pour comprendre qui paye quoi, et notamment qui décide quoi. Le principe général « chacun chez soi » - si je veux caricaturer en une formule le rapport - me semble de bonne politique : celui qui paye décide et qui décide paie, cela évite de faire des économies sur les poches des autres.

Nous pouvons effectivement nous féliciter d'un redressement des comptes sociaux. Si les recettes supplémentaires du premier semestre 2018 nous ont aidés, le redressement a été consolidé au deuxième semestre malgré les difficultés que la France a connues. Les comptes sociaux sont désormais proches de l'équilibre, même si la question se posera effectivement pour l'année 2019, à cause des décisions prises postérieurement au mouvement des « gilets jaunes » et au grand débat national, comme l'abaissement de la CSG pour une partie des retraités ou la ré-indexation d'une partie des pensions. Nous avons voulu financer les mesures de pouvoir d'achat en faveur des actifs. Mais nous sommes dans la meilleure situation depuis 2001. Il faut saluer pour cela les mesures courageuses et parfois impopulaires qui ont été prises par les deux gouvernements qui se sont succédé, ayant permis de rétablir les comptes. Nous le devons aussi à la bonne tenue de notre économie, singulièrement pendant 2018, mais également les mesures d'économies prises par tous les gouvernements pour la branche familles et la santé.

Nous continuerons les mesures de soutien au pouvoir d'achat décidées par le Président de la République et soutenues notamment par le Sénat, la baisse des cotisations salariales, chômage et maladie de 3,15 points notamment. Nous pouvons à la fois améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens et rétablir les comptes en profitant de la conjoncture, mais pas seulement. Comme l'ont indiqué les rapports parlementaires ou de la Cour des comptes, c'est un grand acquis de ce gouvernement que de parler de chiffres qui correspondent vraiment à la réalité.

Le solde du régime de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'établit à moins 1,2 milliard d'euros en 2018, soit une amélioration de quasiment 4 milliards par rapport à 2017. La branche maladie et la branche vieillesse restent déficitaires ; mais la branche AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) demeure excédentaire et la branche famille le redevient après quinze années de déficit. Ces résultats sont conformes aux prévisions que vous avez votées d'ailleurs en loi de financement - ce qui devrait rassurer le rapporteur général, qui pose des questions bien légitimes sur la sincérité des inscriptions budgétaires - puisque celle-ci prévoyait un déficit d'à peu près un milliard d'euros. Pour entrer plus dans le détail, le solde de la branche famille est proche de la prévision, celui de la branche maladie est meilleur qu'attendu, les deux autres sont un peu dégradés. La Cour des comptes a relevé notre effort de sincérisation : l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie) a été tenu à 2,3 % pour la deuxième année successive, ce qui n'est pas si facile pour une masse de 200 milliards d'euros. Nous avons pu rendre 300 millions d'euros aux hôpitaux, ce qui a permis de baisser leur l'endettement pour une partie d'entre eux, même si cette question reste compliquée.

Vous m'interrogez sur la compensation des mesures d'urgence que la majorité sénatoriale a choisi de soutenir - et je vous en remercie. Elles ont permis un vrai gain de pouvoir d'achat pour nos concitoyens : je suis en mesure de vous livrer les premiers chiffres. La majorité sénatoriale s'est opposée à la réduction des plafonds de la prime à la naissance et de l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant. Il y aura des questions de méthode à trancher lors du débat du PLFSS. Vous avez souhaité également un retour à l'équilibre des comptes sociaux mais en même temps - je le dis sans provocation inutile, monsieur le président - la somme des diminutions de recettes occasionnés par les amendements de la majorité sénatoriale - pas toujours soutenus par le rapporteur général...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Rarement soutenus !

M. Gérald Darmanin, ministre. - ...ni par le président, il est vrai - était de l'ordre de 14 milliards d'euros. Mais l'Assemblée nationale n'est pas exempte de ce genre de tentations, pas plus que le Gouvernement lui-même...

L'équilibre des comptes reste un objectif pour 2022 que le Premier ministre a rappelé dans son discours de politique générale. Malgré les accidents de la fin d'année dernière et du début de cette année, la masse salariale continue à augmenter et l'activité économique reste élevée : les recettes de TVA, de CSG et de cotisations devraient permettre la résorption de la dette détenue par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) en 2024 et l'équilibre des comptes en 2022. Cet objectif sera présenté dans le débat d'orientation des finances publiques que nous aurons à la mi-juillet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Je me réjouis évidemment comme vous-même et comme le président du retour à l'équilibre ou à un quasi-équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2018. Mais je me pose quand même des questions sur 2019. Si nous écoutons le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, le solde du régime général auquel on ajoute le FSV se dégraderait même si les mesures d'urgence étaient compensées. On parle d'un trou de l'ordre de 3 milliards d'euros, qui efface donc les gains de l'année précédente. Comment allez-vous faire pour rééquilibrer les comptes sans mettre en cause le principe de compensation ?

Avez-vous pu mesurer les effets en 2018 des mesures de pouvoir d'achat de la loi de financement - suppression de cotisations et contributions des salariés compensée par une hausse de la CSG - en distinguant, en particulier, les salariés et les retraités ? Disposez-vous de premiers éléments sur les effets économiques de l'année exceptionnelle pour les entreprises qu'est l'année 2019, pendant laquelle se cumulent la dernière annuité du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) et la baisse de cotisations et contributions patronales qui compense sa disparition ?

Je suis partisan, comme un grand nombre de collègues, du maintien du principe de compensation, que je considère comme un outil de responsabilisation de l'État décideur vis-à-vis de la sécurité sociale et qui évite que d'autres lois autres que la loi de financement comportent des diminutions de recettes non compensées. Les profils comparés de la CSG et de l'impôt sur le revenu devraient nous inciter à la réflexion.

Le maintien d'un tel principe n'empêche pas l'adoption de nouvelles exceptions, comme celles que le Sénat a votées dans la loi de financement pour 2019. Mais le Parlement doit pouvoir arbitrer.

Il convient de toute façon de simplifier les relations financières entre l'État et la sécurité sociale en limitant le nombre de « tuyaux » - nous sommes d'accord sur ce principe. L'évolution des flux doit être compréhensible ; or ce n'est pas le cas avec la diminution programmée des flux de TVA, qui ne fait rien d'autre que de préempter des excédents encore très hypothétiques, voire illusoires. Cette trajectoire sera-t-elle révisée en conséquence dès la prochaine session budgétaire ?

L'exécution de la loi de financement pour 2018 illustre bien le danger pour la sécurité sociale qu'il y a à faire peser sur elle le risque en dernier ressort de baisse de contributions hors sécurité sociale. Dès la première année, sur une masse financière encore relativement limitée, on relève une perte sèche de 103 millions d'euros pour les différentes branches puisque la diminution de contributions chômage remboursée à l'Unedic s'est élevée à 9,630 milliards d'euros tandis que la part de TVA affectée en compensation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) n'a atteint que - si l'on peut dire - 9,527 milliards d'euros.

Ce mécanisme, qui s'étendra dès cette année aux contributions patronales chômage et de retraite complémentaire, pourrait provoquer de vrais déséquilibres qui n'auront pas été arbitrés par le Parlement - c'est un vrai problème. Comment le Gouvernement évitera-t-il cela ?

M. Jean-Noël Cardoux, président de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss). - Je reviendrai sur la Cades. Vous nous dites que le déficit devrait être en 2018 de l'ordre de 1,2 milliard d'euros. Mais quid des diminutions de recettes adoptées en fin d'année - il est vrai avec l'accord du Sénat - non compensées pour 3 ou 4 milliards ? Si l'on y ajoute le stock de dette logé au sein de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) non transférée à la Cades, à savoir 15 milliards d'euros - le directeur de l'Acoss, que la Mecss recevra en audition la semaine dernière pourra nous en dire plus - nous nous approchons de 20 milliards d'euros !

Vous nous dites que le Gouvernement conserve son objectif d'un retour à l'équilibre pour la sécurité sociale en 2022 et d'une extinction de la dette de la Cades en 2024 ; pensez-vous que l'accélération économique à laquelle vous avez fait allusion pourrait absorber d'ici 2022 ce déficit cumulé, ou, sinon, comment envisagez-vous de le transférer à la Cades ? Dans ce cas, comment respecterez-vous la prévision d'extinction de cette-ci en 2024 ? Nous sommes en situation économique d'accélération, mais cela pourrait changer. S'il reste en 2024 un stock de dette à l'Acoss, quel scénario envisagez-vous pour éviter de prolonger la durée de vie de la Cades ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Le Gouvernement aura sans doute des réponses plus complètes lors de la présentation du PLFSS avec la ministre de la santé et des solidarités. Sans remettre en cause les trajectoires que nous avons évoquées, nous pourrons les actualiser. Nous pensons que la baisse des impôts que le Gouvernement a choisi de proposer au Parlement et aux Français à la demande du Président de la République est une forme de relance. À ceux qui disent que le président, qui était très libéral, serait devenu keynésien, je répondrai qu'à part la prime d'activité qui est une vraie dépense publique mais qui n'est pas une prestation sociale puisque elle est dans le budget général, la relance ne se fait pas par un accroissement de la dépense. Le Président de la République n'a pas choisi d'augmenter les retraites, le SMIC, le RSA, il a choisi de proposer aux Français, conformément à son programme électoral, de répondre aux « gilets jaunes » et au grand débat national en continuant la baisse d'impôts. Après une première partie de quinquennat axée plutôt, hormis la suppression de la taxe d'habitation, sur la taxation du capital et de l'entreprise, il favorise les ménages avec l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la défiscalisation des heures supplémentaires et des primes.

Avons-nous les moyens de ces baisses d'impôt, comme nous l'a demandé le président de la commission des finances de l'Assemblée Eric Woerth ? Nous pensons que oui. Nous le verrons dans le projet de loi de finances que je présenterai avec un déficit qui continuera à baisser. La Cour des comptes ce matin n'a pas dit que c'était impossible, elle s'est interrogée sur la capacité de notre République à être autour de 2 % de déficits publics toutes administrations publiques confondues pour 2019 et à 1,5 % l'année suivante. Quand je suis arrivé aux responsabilités, nous étions à 3,4 % de déficit ; si nous passons à 2 %, nous aurons réalisé 28 milliards de baisses de déficit public grâce à la sécurité sociale et, en partie, aux collectivités locales, même si les choses sont un peu différentes.

Nous pensons que le pari économique et social du Président de la République va être tenu avec la masse de Français qui retrouveront un travail : la relance de l'activité économique générée par la baisse des prélèvements obligatoires permettra - et les chiffres le montrent - de tenir les trajectoires que nous avons évoquées.

Quelques chiffres : les mesures d'urgence ont coûté 2,7 milliards d'euros et non 3 milliards ; elles ont touché à peu près 3,8 millions de bénéficiaires ; 224 millions d'heures supplémentaires ont été déclarées pour 6,8 millions de personnes ; la prime a été versée à 2,2 millions de salariés pour un montant moyen de 401 euros ; la hausse de la CSG ne concerne plus qu'un tiers des retraités. La bascule du CICE que nous vivons en ce moment équivaut à un point de PIB de relance, soit 20 milliards d'euros, et la direction du Trésor nous indique que cela générera 0,2 points de croissance en plus pour à peu près 100 000 emplois créés ; le double compte de cette année assurera la continuité dans la baisse du chômage. La note du Trésor du 18 juin dernier prévoit une hausse de 1,4 % du pouvoir d'achat de l'ensemble des Français, salariés et retraités. C'est la plus grande augmentation de pouvoir d'achat depuis longtemps !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Si vous aviez suivi le Sénat, vous auriez fait tout cela plus tôt !

M. Gérald Darmanin, ministre. - Quant aux relations entre l'État et la sécurité sociale, il est préférable que toute modification de prélèvements obligatoires, au profit de l'un ou de l'autre budget, soit faite en loi de finances ou de financement ; il est facile de décider des exonérations, mais quand on fait les comptes, les mêmes qui les ont demandées - y compris le Gouvernement - se plaignent du déficit. Nous devons faire encore le ménage, même si beaucoup choses ont été approuvées par le Parlement. Certes, la défiscalisation des heures supplémentaires ne correspond pas au principe « chacun chez soi » ; mais lorsque vous dites qu'il faut responsabiliser l'État, il faut se souvenir qu'il porte l'essentiel du déficit public : son déficit est en effet supérieur au déficit public, car il supporte des baisses de prélèvements obligatoires très largement supérieures à celles de la sphère sociale : baisse de l'impôt sur les sociétés, de la TVA, suppression de la taxe d'habitation, baisse de l'impôt sur le revenu... Qu'on soit pour ou qu'on soit contre, ces baisses d'impôts ont été compensées dans l'idée du président de la République, du Gouvernement, et donc du législateur qui approuvé ces mesures - ce n'est pas le cas de la majorité sénatoriale, j'en conviens - par l'augmentation de la CSG. Nous pourrions avoir un débat assez long sur la question de savoir si c'est un bon impôt, mais au moins il est proportionnel, tandis que la TVA est fondée sur la consommation.

Les relations entre l'État et la sécurité sociale ne peuvent se résumer aux exonérations de charges. Il semble normal qu'il les compense, c'est le principe du rapport que nous avons approuvé collectivement : chacun doit payer ce qu'il décide. Mais lorsqu'il y a d'énormes transferts décidés par la volonté du législateur, si ce n'est du peuple qui a voté pour un programme présidentiel, on pourrait revenir sur cette question. Oui, l'État doit de l'argent à la sécurité sociale et parfois à l'Unedic, même si c'est objectivement très compliqué de calculer à l'euro près combien. Mais lorsqu'il y a en même temps des mesures sociales ou de santé qui sont payées par l'État sans compensation par la sécurité sociale, lorsque l'État baisse les impôts des entreprises et supprime l'ISF, ce qui augmente l'emploi, il provoque une augmentation de recettes des organismes sociaux. C'est donc une question très compliquée. L'idée du « chacun pour soi » est une très bonne idée, et la question est très importante, mais moins prioritaire que le redressement des comptes. Concernant la Cades, la galanterie - mais aussi les arbitrages définitifs que le Gouvernement doit proposer au Parlement - m'invitent à ne pas vous répondre en l'absence de Mme Buzyn.

M. Yves Daudigny. - La sécurité sociale est un système assurantiel assurant la solidarité entre malades et bien portants et entre les générations, marqué par une gestion paritaire - même s'il en reste peu de chose aujourd'hui. Il faut qu'elle le reste. Nos compatriotes y sont très attachés. Elle a pour but de nous protéger contre les accidents de la vie - même s'il est difficile de considérer comme tel le fait d'avoir des enfants...

Le sujet de la compensation a déjà été largement évoquée, je n'y reviens pas longuement. J'ai pris parti à différentes occasions pour que la compensation soit effectuée selon la loi Veil de 1994. Je voudrais souligner un problème de forme, mais qui est plus que cela : les comptes du régime général de 2018 affichent un excédent de 500 millions d'euros et le budget de 2019 en prévoit un de 100 millions. Mais la sécurité sociale est néanmoins en déficit, à cause du FSV. Or le FSV n'est pas assurantiel, il a été créé pour assurer le financement du minimum vieillesse. C'est lui qui est responsable du déficit de 1,2 milliard d'euros en 2018 et du déficit prévu de 1,7 milliard en 2019.

Ce fait reflète bien l'évolution de la sécurité sociale d'aujourd'hui, qui n'a plus que des liens lointains avec celle de 1945, car elle n'est plus construite sur les mêmes bases philosophiques.

Mme Laurence Cohen. - Mes propos s'inscrivent dans le prolongement de ceux de M. Daudigny. Lorsque vous séparez de manière tranchée, dans votre présentation, le budget de l'État, d'un côté, et le budget de la sécurité sociale, de l'autre, vous instaurez une rupture avec la logique de compensation qui prévalait jusque-là. Vous avez répondu de manière très habile aux questions, mais la question qui vous est posée est bien celle de la compensation par l'État à la sécurité sociale des exonérations de charges ! Le groupe CRCE a l'habitude d'être minoritaire dans cette assemblée, mais la Cour des comptes souligne comme nous que l'amélioration des comptes de la sécurité sociale est conjoncturelle : elle résulte, au moins pour moitié, de la bonne tenue de l'économie française. Cela montre qu'il faut modifier la politique économique qui est menée aujourd'hui car elle ne relance pas l'emploi en dépit des cadeaux fiscaux et des exonérations de charges. Le CICE n'a pas entrainé de créations d'emplois. Ce n'est pas le constat d'un groupe minoritaire, c'est un fait !

Comme vous le dites très justement, l'hôpital vit une situation extrêmement difficile. Les petites mesures qui ont été annoncées ne sont pas suffisantes. Les hospitaliers réclament des créations d'emplois. Cela améliorerait d'ailleurs la situation de la sécurité sociale parce que cela ferait rentrer des cotisations supplémentaires. Mais ce n'est pas la voie que vous prenez.

Si l'on peut saluer la hausse de l'Ondam, qui passe de 2,3 % à 2,5 %, celui-ci devrait toutefois s'établir à plus de 4 % pour simplement suivre l'augmentation du coût de la vie. Le décalage est donc énorme ! Vous n'anticipez pas. Vous gouvernez au jour le jour, en aggravant les comptes de la sécurité sociale et en rompant avec la logique de solidarité, sans régler les problèmes.

M. René-Paul Savary. - Le Gouvernement entend-il suivre les propositions du rapport de M. Aubert, en créant des sous-Ondam ou en régionalisant l'Ondam ? Ensuite, avez-vous tranché s'agissant de l'âge des retraites : le Gouvernement entend-il créer un âge pivot dans le cadre du futur système de retraite à points ou bien allez-vous prendre une mesure paramétrique pour modifier la durée de cotisation ?

Mme Nadine Grelet-Certenais. - Je visitais hier soir un service d'urgences dans mon département, la Sarthe. La situation est catastrophique à l'approche de l'été. Des services ferment. Les moyens humains et financiers manquent. Le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé apportera quelques réponses mais dans l'immédiat rien n'est résolu. La situation appelle des mesures exceptionnelles pour répondre à l'urgence.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Monsieur Daudigny, les temps ont changé depuis la création de la sécurité sociale ! Celle-ci était le fruit d'une alliance entre les gaullistes et les communistes. Elle a rendu de grands services aux Français, elle les a protégés à un moment où notre économie et notre démographie n'étaient pas tout à fait celles que nous connaissons aujourd'hui. Mais, depuis trente ans, la population vieillit, le chômage est important, le coût des soins augmente. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les crises pétrolières ont été confrontés à ces déséquilibres. Notre système assurantiel s'essouffle, les déficits se sont creusés. Depuis que je suis enfant, j'entends parler de déficits ; c'est bien la preuve qu'il y a quelque chose qui ne va pas ! Je suis très attaché à notre système de sécurité sociale, mais il nous appartient désormais, comme l'a dit le Président de la République lors de la campagne présidentielle, de fixer le cadre d'un nouvel État-providence, qui ne serait pas fondé sur la capitalisation mais sur un régime universel, même si cela le rend moins assurantiel. Notre système, d'ailleurs, est déjà de moins en moins financé par des cotisations et de plus en plus par l'impôt. Les gouvernements que vous souteniez, Monsieur Daudigny, se sont inscrits dans cette logique aussi. Le montant de la CSG s'élève déjà quasiment à 100 milliards d'euros et ce n'est pas le fait d'Emmanuel Macron ! La réforme par points n'est rien d'autre qu'un système universel, qui se substituerait aux 42 régimes actuels, car les Français sont très attachés à l'égalité. Quel que soit le métier exercé, un euro cotisé doit donner les mêmes droits. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La question est alors de choisir entre un système privé ou un système public. Je préfère un système public, garant de la solidarité nationale, sur le modèle de l'assurance chômage : on remplace les cotisations par de la CSG, ce qui donne aussi le droit à l'État de donner son point de vue. Votre constat est donc juste mais nous assumons nos choix et nos réformes ne sont pas faites en catimini.

Il est un peu facile de retirer le FSV du calcul, on l'a toujours compté ! Il est aisé de prétendre que les comptes sont excédentaires si l'on retire tous les éléments en déficit...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - On présentait les comptes du régime général plus ceux du FSV. De plus en plus, on les a amalgamés.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Le minimum vieillesse relève bien de la solidarité et il faut bien le payer.

Oui, Madame Cohen, la bonne tenue de notre économie explique en partie l'amélioration des recettes. Mais si notre économie résiste c'est bien parce que nous avons su prendre les mesures qu'il fallait en abaissant la fiscalité, en supprimant un impôt sur le capital et en améliorant les conditions de l'accès au marché du travail. Pour le reste, je ne suis pas d'accord avec vous : la situation n'empire pas mais s'améliore. Le chômage baisse : 93 800 emplois ont ainsi été créés au cours du 1er trimestre 2019 selon l'Insee. Cette baisse du chômage n'est pas le fruit du hasard et contribue, en effet, à améliorer les recettes. Selon vous, le CICE n'a pas entrainé de créations d'emplois. Ce n'est pas prouvé ! Et, surtout, c'est bien pour améliorer le dispositif et éviter les effets d'opportunité que nous l'avons transformé en une baisse de charges pérenne, afin de soutenir les créations d'emplois salariés.

Vous évoquez aussi l'Ondam. En 2017, sous un gouvernement que vous souteniez, l'Ondam était de 2,2 %. Nous l'avons porté à 2,3 %, puis à 2,5 %. Vous avez raison, pour suivre le coût de la vie, il devrait s'établir à 4 %, mais pourquoi ne pas l'avoir fait lorsque vous étiez aux responsabilités ?

Mme Laurence Cohen. - Ce n'était pas mon gouvernement !

M. Gérald Darmanin, ministre. - En tout cas, on ne peut pas nous reprocher de ne pas faire aujourd'hui ce que l'on n'a pas fait hier ! Je rappelle aussi qu'une hausse de 0,1 point de l'Ondam représente 200 millions d'euros pour les finances publiques. L'effort que nous réalisons est donc conséquent ! On peut aussi se demander si l'enveloppe budgétaire est bien utilisée. Les hôpitaux et la sécurité sociale ont fait de gros efforts mais il reste sans doute des marges de progrès. C'est pourquoi Agnès Buzyn a présenté son texte sur la santé.

Élu d'une ville particulièrement touchée par le chômage, je connais bien les urgences. Les urgentistes réclament sans doute plus de moyens, mais ils se plaignent surtout des conditions de travail, de l'accumulation des gardes et des heures de nuit, des problèmes de sécurité, du fait qu'un contractuel payé à la journée soit mieux payé qu'un titulaire - la ministre a d'ailleurs pris un décret sur ce sujet. Il faut continuer à renforcer la collaboration entre la médecine de ville et l'hôpital. Reconnaissons aussi que la population a évolué, que l'hôpital que nous connaissons n'est plus tout à fait celui d'hier. Le pouvoir politique doit s'efforcer de répondre aux attentes et celles-ci ne sont pas uniquement budgétaires. Les urgentistes que j'ai rencontrés m'ont beaucoup parlé de vocation, de conditions d'exercice et de sens du travail.

La régionalisation de l'Ondam ? La question se pose et Mme Buzyn aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. Attention toutefois au risque d'une différenciation des tarifs entre les régions. En tout cas, je crois que le PLFSS pour 2020 ne sera pas construit sur ce principe.

Mme Cohen nous reproche de ne pas anticiper, mais la dépendance est incluse dans l'Ondam. Des crédits de santé sont utilisés pour financer la grande dépendance. Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient déjà évoqué la création d'une cinquième branche. Ils ne l'ont pas fait car cela coûte très cher et c'est très compliqué. Emmanuel Macron souhaite la création d'une enveloppe dédiée à la dépendance. Cela permettra de garantir que les crédits de santé vont bien à la santé et que les dépenses liées à la dépendance sont bien prises en charge. Les besoins sont considérables.

Michel Rocard disait que la réforme des retraites pouvait provoquer la chute de n'importe quel gouvernement. Tous les gouvernements ont ainsi affirmé qu'ils ne voulaient toucher à rien, tout en trouvant un moyen pour le faire quand même. En effet, on ne peut pas maîtriser la dépense publique sans toucher aux dépenses sociales car elles représentent la moitié des dépenses publiques : l'Ondam représente 200 milliards d'euros ; les retraites, un engagement de 320 milliards d'euros, 14 % du PIB. Il serait donc illusoire de penser qu'un gouvernement puisse se désintéresser budgétairement de la question des retraites. La France est l'un des pays qui consacre le plus aux pensions, et c'est aussi l'un des pays où l'on part le plus tôt à la retraite.

Dans la réforme des retraites, il faut distinguer les mesures applicables avant 2025 et celles qui seront valables ensuite avec l'instauration d'un régime de retraite par points. Le Haut-commissaire rendra ses conclusions le 12 juillet au Premier ministre ; un projet de loi devrait être déposé à l'automne et nous aurons l'occasion sans doute de débattre longuement de ce magnifique projet de société, mais qui soulève beaucoup de questions puisque l'on fait 42 réformes en une.

En attendant, la question que vous posez est de savoir si nous allons procéder à une réforme paramétrique : modifiera-t-on l'âge légal de départ ? La réponse est non ! On pourrait aussi réfléchir à un système de décotes et de surcotes modifiant l'âge de départ effectif, ou alors à une accélération de la réforme Touraine en modifiant la durée de cotisation. Tels sont les scénarios. Le Gouvernement proposera, dans le cadre du PLFSS, des mesures en accord avec les annonces du Président de la République lors du grand débat national et du Premier ministre lors de son discours politique générale. Le Président de la République s'est engagé à ne pas revenir sur l'âge légal. Mais il faut constater aussi que les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR) ont évolué depuis la campagne présidentielle. L'enjeu est que le travail paie plus pour pouvoir compenser les baisses d'impôts. Soit on augmente la durée hebdomadaire du travail au-delà de 35 heures - mais le Président de la République a déjà repoussé cette hypothèse -, soit on supprime des jours fériés, ce qui semble peu probable, soit on prend des mesures en attendant la réforme des retraites. Dans tous les cas, les mesures proposées devront être cohérentes avec la réforme par points que nous allons proposer ensuite. Si nous voulons que la réforme de 2025 soit durable et aboutisse à un régime pérenne, il faut que le budget des retraites en 2025 soit à l'équilibre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Donc je n'ai pas encore de réponse précise à votre question mais je vous ai dressé les problématiques.

M. Daniel Chasseing. - Notre pays s'est fortement désindustrialisé. Alors qu'en 2000 la proportion de personnes travaillant dans l'industrie était similaire à celle de l'Allemagne, avec un taux de 18 %, aujourd'hui l'écart s'est creusé : il est à 26 % en Allemagne et à 11,5 % en France. Grâce au CICE et à la baisse des charges, on a rétabli l'équilibre avec le coût du travail en Allemagne. J'espère aussi que les mesures annoncées, lors de la crise des « gilets jaunes », sur les heures supplémentaires, la prime d'activité, la CSG, les baisses de cotisations sociales et les baisses d'impôts permettront d'augmenter le pouvoir d'achat et le nombre d'emplois. Ainsi le produit des cotisations devrait augmenter, ce qui contribuera à équilibrer les comptes de la sécurité sociale et à réduire les déficits. J'espère que le Gouvernement gagnera son pari. Vous avez dit que le financement de la dépendance pouvait reposer sur d'autres recettes ; en tout cas, les besoins sont énormes et la dépendance n'est pas suffisamment prise en charge dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Les besoins sont aussi importants dans les hôpitaux pour les urgences ou l'ambulatoire, qui réclame presque le même personnel qu'une hospitalisation classique. Il sera donc nécessaire à l'avenir d'augmenter l'Ondam.

M. Gérard Dériot. - Le Gouvernement a choisi de ne pas poursuivre la baisse des taux de cotisation de la branche AT-MP en 2019.

À l'inverse du FSV, cette branche est en excédent. Chaque année, elle reverse une certaine somme correspondant au coût estimé de la sous-déclaration des accidents du travail - près de 1 milliard d'euros - au régime général.

Malgré cela, la branche AT-MP dispose encore d'un excédent important. Pourrions-nous utiliser cet excédent pour permettre aux caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), de recruter des ingénieurs de prévention supplémentaires ?

La prévention est un élément majeur des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cepom). Or les Carsat manquent manifestement de personnel. L'amélioration de la prévention entraîne mécaniquement la baisse du nombre d'accidents du travail.

Je fais confiance à votre ministère pour trouver une formule comme lui seul en a le secret, c'est-à-dire une formule que personne ne comprendra sauf, peut-être, le service qui l'aura élaboré - ce qui n'est déjà pas si mal. Nous pourrions alors nous appuyer sur quelque chose de concret.

M. Olivier Henno. - Vous avez évoqué la question fondamentale du passage du système assurantiel au système universel. Mais ne s'agit-il pas d'un faux débat ?

Le système assurantiel reposait sur la taxation du travail. À partir du moment où l'on se donne comme objectif d'alléger les charges pesant sur le travail, on est contraints de renoncer en partie, sinon en totalité, au système assurantiel. Le vrai choix politique ne consiste-t-il pas à décider d'alléger les charges sur le travail, au moment où ce dernier se raréfie, et d'accepter alors de passer à un système universel ?

Nous vivons une époque particulière, avec des taux d'intérêt négatifs. Il s'agit d'une bonne nouvelle, les marchés estimant que la dette française est un placement sûr. Toutefois, ces taux négatifs peuvent également s'avérer dangereux s'ils entraînaient un relâchement de la maîtrise de la dette publique. Profitez-vous de cette période pour accélérer la mutation ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Les taux n'ont été négatifs que durant deux jours. La France emprunte ces dernières semaines à 0,11 %. Certains expliquent qu'un niveau aussi bas s'explique par l'action accommodante de la Banque centrale européenne ; selon d'autres, des taux aussi bas expriment une aversion au risque, ce qui est annonciateur d'une crise économique. Le général de Gaulle disait des économistes qu'ils expliquaient toujours pourquoi ce qu'ils avaient prévu n'était pas arrivé...

Les taux bas ne s'expliquent pas uniquement par la politique de la Banque centrale européenne : l'Italie emprunte à un taux de 2,42 %, avec la même banque centrale et la même monnaie. L'Allemagne, quant à elle, emprunte structurellement à des taux négatifs.

Si nous appliquions les taux italiens aux emprunts français, nous devrions payer 15 milliards d'euros d'intérêts de plus l'année prochaine. La France n'a pas les moyens de payer ces 15 milliards. Il nous faudrait donc soit diminuer de façon extrêmement marquée les dépenses publiques - et je ne suis pas certain que le ministre des comptes publics prendrait alors beaucoup de temps pour discuter avec les chambres et avec ses collègues face à cette urgence -, soit augmenter très fortement les impôts, et sans doute plus sûrement un peu des deux.

Je me réjouis donc de ces taux d'intérêts bas, non seulement parce que je n'ai pas à trouver 15 milliards d'euros supplémentaires, mais aussi parce que les marchés font plus confiance à la France qu'à l'Italie, par exemple, à niveau de dette à peu près similaire et avec des difficultés évidentes depuis quarante ans en matière de comptes publics.

Cela signifie que les réformes voulues par le Président de la République et que nous exposons à la Commission européenne, à la Cour des comptes, aux emprunteurs - la moitié des gens qui nous prêtent de l'argent ne sont pas européens - sont crédibles. Je peux faire jouer la fibre nationale avec les grandes banques françaises, c'est plus compliqué avec des prêteurs venus de l'autre bout du monde qui ne regardent que leur intérêt...

Toutes nos réformes - code du travail, fiscalité du capital, SNCF, assurance chômage, audiovisuel public, fonction publique... - portent leurs fruits auprès de ceux qui nous jugent - la Commission européenne -, qui nous notent - les agences de notation - ou qui nous prêtent. Nos chiffres ne sont peut-être pas excellents, mais nous faisons les réformes nécessaires pour transformer notre appareil économique.

Le montant de la dette n'est pas aussi dangereux que le risque d'un arrêt des réformes. Si nous interrompions ce cycle, soyez certain que les taux d'intérêt augmenteraient et qu'il faudrait faire du paramétrique dans tous les domaines ou augmenter les impôts, ce qui est arrivé à d'autres pays. Il est donc essentiel de tenir l'agenda des réformes.

Certains, enfin, proposent de profiter de ces taux bas pour emprunter davantage. Pour moi, ce serait l'équivalent d'une prise de morphine. La France empruntant en général à moins de dix ans, notre stock de dette se renouvelle assez vite. Supposons que les taux remontent en moins de six mois aux niveaux italiens, nous serions pris à la gorge.

Monsieur Mélenchon me dit régulièrement que la dette n'existe pas. Je caricature sa pensée, mais il estime que la France ne pourrait être mise en faillite, parce que c'est la France. D'autres poussent à emprunter parce que le moment leur semble bien choisi eu égard à la faiblesse des taux. Une telle politique se révélerait mortelle pour notre pays, car les taux finiront par remonter un jour.

Enfin, Monsieur Henno, même dans cette période, je préférerais tout de même être dans la position du ministre allemand des comptes publics qui doit répartir les excédents - il a d'ailleurs fait le choix de les redistribuer aux fonctionnaires, notamment aux enseignants - et non gérer les déficits. Mais pour arriver aux excédents, il a fallu à l'Allemagne vingt ans d'une gestion sans doute plus compliquée que celle que nous avons pu connaître sous quelque gouvernement que ce soit.

Le passage du système assurantiel au système universel s'inscrit dans la politique générale d'exonérations et d'allégements. Nous considérons que le coût du travail a handicapé notre économie et entraîné des délocalisations. Certains pourraient dire la même chose du coût de l'énergie et nous pourrions avoir le même débat sur l'énergie nucléaire. Je pense que le coût du travail était moins intéressant en France qu'ailleurs en Europe ou dans le monde. L'allégement général des cotisations, suivi par tous les gouvernements réformistes, y compris par ceux qui se disaient socialistes, a mis fin au système assurantiel, remplacé par l'impôt.

Michel Rocard n'y pensait peut-être pas au moment de créer la CSG, mais l'assiette de cet impôt s'étend aussi au capital, qui finance donc aussi le social, ce qui me semble assez juste. Lors de l'élection présidentielle, la question de savoir s'il fallait augmenter la TVA ou la CSG n'était pas un mauvais débat. Choisir la TVA, comme le fait souvent une partie de la majorité sénatoriale, n'est pas pareil qu'augmenter la CSG.

En ce qui concerne les Carsat, je ne suis pas certain qu'il faille toujours répondre aux problèmes par des dépenses supplémentaires. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2018-2022 que nous avons signée avec la ministre des solidarités et de la santé, nous avons doublé le montant des fonds de prévention dont les crédits devraient s'élever à une centaine de millions d'euros.

Vous n'avez pas l'air d'être convaincu, Monsieur Dériot, mais le montant du coût de la sous-déclaration des accidents du travail pour la branche maladie est évalué tous les trois ans par une commission indépendante présidée par un magistrat de la Cour des comptes. Je n'ai pas la capacité du rapporteur général pour évaluer la justesse du montant retenu, à une centaine de millions d'euros près.

Vous m'avez enfin demandé pourquoi nous n'avions pas choisi de fixer un Ondam plus élevé. Il a augmenté de 2,3 %, cette année, comme nous nous y étions engagés. L'année dernière, il avait augmenté de 2,5 % pour tenir compte des investissements nécessaires dans les hôpitaux ultramarins, notamment dans le centre hospitalier de Guadeloupe.

Encore une fois, nous avons tenu un Ondam à 2,3 %, exécuté à 2,1 %. Le Gouvernement a redonné aux hôpitaux le surplus. Il est très difficile de tenir un Ondam entre 2,1 et 2,3 % pour les raisons que vous avez évoquées.

Dans l'Ondam, on ne trouve pas que les dépenses de santé stricto sensu et les hôpitaux. Y figurent aussi les indemnités journalières, la médecine de ville, l'homéopathie... Certaines questions très importantes se posent, beaucoup de gouvernements et de parlementaires y ont réfléchi et ont parfois reculé devant l'obstacle. Mais l'Ondam n'étant pas qu'une dépense de santé, je ne suis pas sûr qu'il faille juger de l'efficacité de notre système de santé uniquement au regard de sa progression. Voilà un peu plus de dix ans, il atteignait 6 à 7 % et nous parlions déjà de crise dans les hôpitaux.

Le métier de soignant et d'aide-soignant est très difficile et souffre d'une concurrence très forte avec le privé, qui s'est spécialisé et qui a parfois attiré un certain nombre de praticiens hors du secteur public. La question du numerus clausus se pose aussi. Il ne s'agit donc pas que d'une question d'argent...

La réunion est close à 17 h 55.