COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mercredi 10 juillet 2019

- Présidence de Mme Barbara Pompili, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 39.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation des mobilités

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation des mobilités s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 10 juillet 2019.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué : Mme Barbara Pompili, présidente ; M. Hervé Maurey, vice-président ; Mmes Bérangère Abba, Bérangère Couillard et Zivka Park, MM. Jean-Luc Fugit et Bruno Millienne, députés, rapporteurs pour l'Assemblée nationale ; M. Didier Mandelli, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Je souhaite la bienvenue à nos collègues sénateurs pour cette commission mixte paritaire sur les dispositions du projet de loi d'orientation des mobilités qui restent en discussion.

Je voudrais en préalable saluer la qualité du travail qui a été accompli par nos deux assemblées sur ce projet de loi que nous avons longtemps attendu. Il est aussi très attendu par nos concitoyens, car les mobilités font partie de leurs toutes premières préoccupations.

Elles sont une condition déterminante de la cohésion de notre société. Nous savons bien que dans certains territoires, le moindre déplacement rime avec complexité. Nous avons donc une très grande responsabilité : nous devons oeuvrer pour les mobilités du quotidien, mais aussi nous garder de toute promesse que nous ne serions pas en mesure de tenir, et ne pas céder à la facilité de grands projets déconnectés des besoins du terrain. Nous devons donc répondre à plusieurs défis.

Tout d'abord, une programmation volontariste, mais aussi financièrement sincère et responsable, des investissements dans les infrastructures, en tenant compte de la priorité à accorder aux déplacements du quotidien. Nos deux assemblées semblent d'accord sur les grands équilibres qui ont été retenus. Le Gouvernement vient d'annoncer des mesures qui permettront de consolider les ressources dont dispose l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). À nous de nous en emparer dans le cadre du futur projet de loi de finances (PLF).

Ensuite, il nous faut réussir la transition écologique dans les transports, pour répondre à l'urgence des enjeux climatiques. Nos concitoyens savent que nous ne pouvons plus attendre et que nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles. L'Assemblée nationale s'est montrée ambitieuse en la matière, et j'espère que nous nous rejoindrons sur ce sujet.

Cela implique en particulier de proposer à tous et partout des alternatives à la voiture individuelle, ce que devrait permettre la réforme de la gouvernance des mobilités. Car l'objectif de la mise en place des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) est bien de mieux répondre aux besoins de proximité et de désenclaver les territoires isolés.

Nous sommes conscients, à l'Assemblée nationale, de l'inquiétude exprimée par les sénateurs concernant le financement des services de transport par les AOM dont les ressources fiscales sont limitées. La voie qui avait été choisie par le Sénat pour régler cette question ne nous a pas paru la plus adaptée, mais nos rapporteurs respectifs ont depuis travaillé de manière constructive sur cette question.

Un courrier du Premier ministre adressé aux rapporteurs, puis un courrier de la ministre chargée des transports, Mme Elisabeth Borne, devraient aussi permettre de répondre aux inquiétudes. Ils témoignent de la volonté du Gouvernement de tenir compte de la situation particulière des petites AOM, dont on connaît les difficultés. La voie proposée me semble équilibrée et je pense que nous pouvons y souscrire, qui plus est avec les gages écrits accordés par le Gouvernement.

Un autre défi est celui du développement de nouvelles solutions de mobilité, comme le covoiturage qui permet de réduire l'autosolisme. Nous avons aussi pris, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, de nombreuses mesures pour développer l'usage du vélo, ce qui montre notre attachement à la promotion des mobilités actives qui répondent aussi à des enjeux de santé publique.

Enfin, nous avons, comme le Sénat, souhaité renforcer certaines mesures de sécurité dans les transports, qui répondent aussi à une attente pressante de nos concitoyens pour améliorer les mobilités au quotidien. Nous avons donc repris des dispositions adoptées en ce sens par le Sénat, et en avons aussi enrichi certaines.

Nous avons aujourd'hui l'occasion d'améliorer concrètement le quotidien de tous nos concitoyens. J'espère donc sincèrement que nous parviendrons à un accord, qui me semble atteignable compte tenu de la tonalité positive des échanges entre nos rapporteurs.

Pour conclure, je souhaite aborder un point de procédure. Plusieurs propositions de rédaction ont été déposées auprès de la commission mixte paritaire en vue de leur examen aujourd'hui. Certaines d'entre elles n'ont pas été jugées recevables, car elles ne respectaient pas les termes de l'article 45 de la Constitution et la règle de « l'entonnoir ». Je rappelle que les termes de la Constitution sont très clairs : la commission mixte paritaire a pour unique objet de « proposer un texte sur les dispositions [du texte] en discussion ». Il n'est donc plus possible, à ce stade de la navette, d'introduire de nouvelles dispositions, en particulier des articles ou des paragraphes additionnels. La pratique sur ce point est constante, dans nos deux assemblées. J'ajoute qu'une proposition de rédaction ayant pour conséquence l'extension d'une habilitation du Gouvernement à recourir aux ordonnances a également été jugée irrecevable. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est aussi très claire sur ce point : seul le Gouvernement peut étendre le champ d'une telle habilitation.

M. Hervé Maurey, sénateur, vice-président. - Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre accueil à l'Assemblée nationale. Je rappellerai à mon tour l'état d'esprit qui est celui du Sénat depuis l'origine. Nous soutenons la volonté du Gouvernement et son objectif d'améliorer l'offre de mobilités du quotidien et de mettre fin à ce qu'on appelle les « zones blanches de la mobilité ». Le mouvement des gilets jaunes est venu nous rappeler, s'il le fallait, à quel point il y a urgence à répondre à ce besoin de mobilité dans les territoires.

Nous avons donc abordé, dans un esprit pragmatique et constructif, ce projet de loi qui a été examiné en premier lieu au Sénat, avec le souci de l'améliorer et de combler ses lacunes, notamment sur le volet financier, puisque le projet de loi est arrivé au Sénat sans garantie sur son financement. Dès l'origine, nous avons insisté sur le fait que ce point était essentiel, aussi bien en ce qui concerne le financement de la programmation des infrastructures, qu'en ce qui concerne celui de la compétence « mobilité » que les EPCI sont amenés à exercer s'ils le souhaitent. L'Assemblée nationale a poursuivi le travail du Sénat en conservant un grand nombre d'apports de notre assemblée et en insérant de nouveaux articles à l'issue d'un travail très riche. Le projet de loi ainsi adopté est un texte substantiellement amélioré par rapport au texte initial. Nous pouvons collectivement nous en féliciter, puisque de nombreux sujets sur lesquels il y avait des divergences ont fait l'objet d'échanges constructifs entre les rapporteurs. Je tiens donc à remercier l'ensemble des rapporteurs des deux assemblées qui ont fait un grand travail de rapprochement des différents points de vue.

La seule question qui reste, ou peut-être doit-on désormais dire « qui restait » en suspens, est celle du financement. Nous avons introduit en première lecture au Sénat, un double dispositif de financement. D'une part, il prévoyait la possibilité pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) exerçant la compétence mobilité d'instaurer un versement mobilité de 0,3 % même en l'absence de services réguliers de transport. D'autre part, et ceci est très important à nos yeux, nous avions prévu, en introduisant un article 2 bis, l'affectation d'une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux EPCI pour lesquels le versement mobilité ne permettrait pas de dégager les ressources nécessaires au plein exercice de cette compétence. Si nous sommes très attachés à ce qu'il y ait un maillage du territoire par les AOM, voulu par le Gouvernement, celui-ci ne peut devenir une réalité que si les moyens financiers sont au rendez-vous.

Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, conformément à la volonté du Gouvernement de renvoyer cette question à la loi de finances pour 2020. Nous étions prêts à accepter ce renvoi en échange de garanties fermes et précises sur la manière dont ces financements seraient assurés. Au cours des dernières semaines, la ministre Mme Elisabeth Borne nous a indiqué que la piste privilégiée par le Gouvernement était celle d'un financement par le biais de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Puis, il y a deux jours, nous avons reçu un courrier du Premier ministre nous indiquant que, pour financer leur compétence mobilité, les intercommunalités devraient en fait compter sur le dynamisme de la part de TVA qui leur serait attribuée en contrepartie de la suppression de la taxe d'habitation.

Nous apprenions alors, en même temps, dans quel sens pourrait se faire la réforme des finances locales et la manière envisagée par le Gouvernement de financer la compétence mobilité. Ce même courrier nous indiquait que 30 à 40 millions d'euros supplémentaires pourraient être dégagés chaque année par ce biais. Nous avons immédiatement fait part de nos réserves sur ce dispositif. Celui-ci ne constitue en effet pas un financement fléché ou dédié à la compétence mobilité puisqu'il devrait de toute façon être alloué pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, que l'EPCI exerce ou non la compétence mobilité. Nous avons pu constater, sur la base de données qui nous avaient été fournies par le Gouvernement en termes de coûts des services, que ce financement ne réglerait pas le problème des communautés de communes qui souhaiteraient mettre en place des services réguliers de transport, mais dont le versement mobilité ne serait pas suffisant pour financer cette compétence. Nous craignons dès lors qu'un grand nombre d'intercommunalités n'exercent pas la compétence prévue et que, de ce fait, la promesse de développer ces services de mobilité que nous appelons de nos voeux demeure lettre morte.

J'ai eu hier l'occasion d'échanger sur ce sujet avec la ministre des transports en présence du rapporteur du Sénat. J'ai aussi eu un échange aussi imprévu qu'informel avec le Premier ministre hier soir et, comme l'a dit la présidente Mme Barbara Pompili, nous avons reçu ce matin un nouveau courrier de la ministre des transports. Ce courrier indique que, dans le cadre de la loi de finances, le Gouvernement « est disposé à examiner avec le Parlement, dans le cadre de la réforme annoncée des finances locales, des mécanismes financiers incitatifs au bénéfice des autorités organisatrices qui mettent en place des bouquets de services de mobilité ».

Or, en l'état actuel des discussions, la majorité des sénateurs - remarquez que je ne dis pas la majorité sénatoriale - considère que cela demeure insuffisant en termes d'assurances et de garanties sur la réalité de ces financements et sur leur caractère incitatif. Nous ne sommes donc pas convaincus par ce dispositif et c'est pourquoi il me semblerait nécessaire que nous revenions - c'est en tout cas la proposition que je fais et que fera certainement le rapporteur tout à l'heure au nom du Sénat - à la rédaction de l'article 2 bis adoptée par le Sénat. Je rappelle par ailleurs que ce dispositif pourrait, le cas échéant, être amendé à la demande du Gouvernement lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP). Mais nous aurions déjà une base solide qui répond à la nécessité de garantir un financement réel aux collectivités.

Mme Bérangère Abba, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je rappellerai brièvement les conclusions que nous pouvons tirer du travail qui nous occupe depuis plusieurs mois. Le titre Ier A était à l'origine le titre IV du projet de loi puisque la volonté initiale du texte était d'envisager la question globale des mobilités à travers un prisme différent de celui du financement des grandes infrastructures. Nous avons accepté et soutenu son déplacement par le Sénat. Nous avons su travailler ensemble, d'une part, pour préserver les équilibres issus des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) alors que l'on aurait pu craindre une accumulation de demandes spécifiques et territoriales qui aurait pu compromettre ces équilibres, et, d'autre part, sur le financement et la sincérité de la programmation des infrastructures. Je rappelle que c'est la première fois qu'un gouvernement propose au Parlement de voter une loi de programmation en la matière, il faut le saluer. Je m'en remets à nos échanges à venir sur les quelques points de désaccord qui pourraient subsister.

M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous oeuvrons maintenant depuis plusieurs mois sur ce projet de loi d'orientation des mobilités qui doit apporter à nos concitoyens des réponses à leurs besoins du quotidien en matière de mobilité, besoins insuffisamment satisfaits jusqu'ici. Les conséquences de ces carences trouvent leur illustration la plus frappante dans le sentiment de fracture territoriale qui a grandi dans notre pays.

Chacune des deux chambres, consciente de l'importance de cette problématique pour les citoyens, a oeuvré à l'amélioration du projet de loi, aboutissant à un texte équilibré, qui donnera, si nous trouvons un accord, aux citoyens l'assurance de savoir comment se déplacer d'un point A à un point B le plus rapidement possible, où qu'ils habitent.

La commission mixte paritaire qui se tient aujourd'hui est l'occasion de poursuivre sur cette voie. Son succès n'est pas un choix, il s'impose à nous comme un devoir. Nous devons trouver un accord sur ce qui nous sépare.

Je salue le travail accompli par le Sénat en première lecture, notamment la réintégration d'éléments majeurs tels que les contrats opérationnels de mobilité qui apparaissaient dans des versions du texte antérieures à son dépôt.

Je salue aussi le travail constructif que nous avons pu mener avec le rapporteur du Sénat, M. Didier Mandelli, qui a toujours fait preuve, me semble-t-il, d'une posture de complète ouverture, à la hauteur des enjeux et de son rôle de rapporteur.

Évidemment, les deux chambres ne sont pas d'accord sur tout. Un point de désaccord important demeure : celui du financement, notamment pour ce que j'appellerai de manière un peu rapide les « petites AOM ». Le Gouvernement a entendu vos préoccupations, qui sont aussi les nôtres, et a pris des engagements sérieux à ce sujet, en lien avec la réforme prochaine de la fiscalité locale. Ces engagements nous ont été communiqués dans les deux courriers cités précédemment et que nous avons tous reçus. Quand on voit un gouvernement s'engager à ce point-là à mettre l'argent sur la table, et c'était bien notre intention, nous ne pouvons qu'être rassurés. Il était hors de question que nous ayons travaillé aussi longtemps et aussi dur, en bonne intelligence, pour que nous ne puissions pas trouver les financements nécessaires à la mise en oeuvre de la loi.

Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement pour la mise en place de ces financements, et j'espère que nous trouverons un terrain d'entente.

Mme Bérangère Couillard, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le projet de loi d'orientation des mobilités dont nous discutons aujourd'hui est à mes yeux essentiel. Il est fortement attendu par nos concitoyens, qui demandent des réponses concrètes à leurs besoins de mobilité du quotidien. Ce projet de loi, enrichi par le Sénat puis par l'Assemblée nationale, répond à ces besoins, et il me semble nécessaire que ces réponses soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais.

En tant que rapporteure sur le titre II du projet de loi, je souhaite tout d'abord me féliciter des échanges constructifs que nous avons eus avec le rapporteur du Sénat, M. Didier Mandelli. Le compromis auquel nous sommes parvenus est respectueux du texte du Sénat et de celui de l'Assemblée. Il l'enrichit même, dans certains cas, de précisions juridiques bienvenues qui amélioreront la qualité de la loi.

Sans m'attarder sur la question, ce titre II est essentiel pour tirer profit des possibilités offertes par le numérique en matière de mobilité, ainsi que pour réguler les nouvelles formes de mobilité qui émergent aujourd'hui. Ainsi, il prévoit l'ouverture des données de transport afin de faciliter le développement de services numériques multimodaux. Il détaille également les modalités de création de services de billettique uniques, parfois appelés « MaaS », qui sont essentiels pour réduire l'utilisation de la voiture individuelle et favoriser l'intermodalité.

Ce titre permettra également de donner un cadre juridique à la circulation des véhicules autonomes. Il encourage fortement la pratique du covoiturage, tant par la création de voies réservées que par la mise en place d'incitations financières pour les passagers et conducteurs réalisant du covoiturage ou proposant des trajets. Je suis heureuse que l'Assemblée nationale ait enrichi le texte sur ce point, en renforçant et en défiscalisant ces aides au covoiturage, ainsi qu'en permettant aux collectivités qui octroient ces aides d'avoir accès au système de réservation des plateformes de covoiturage pour intégrer ces offres sur leurs plateformes multimodales.

Le titre II donne également aux collectivités tous les outils pour réguler les engins en « free-floating » ; il concilie l'émergence de ces formes de mobilité plus propres, avec la nécessité de réguler ces flottes d'engins et leur occupation du domaine public.

Enfin, il ouvre de nouveaux droits aux travailleurs des plateformes de mobilité, en leur garantissant notamment un droit à la déconnexion, un droit au refus de course, un droit de connaître le tarif minimum de la course ainsi qu'un droit à la formation. Ces droits sont inscrits dans la loi, tandis que des chartes mises en place par les plateformes pourront octroyer aux travailleurs des droits sociaux supplémentaires.

C'est ainsi que sur le titre II, nous avons cosigné avec M. Didier Mandelli toutes les propositions de rédaction que nous vous soumettons.

Il me semble toutefois que le financement des services de transport par les AOM dont les ressources fiscales sont limitées soulève encore des questions, alors même qu'un courrier du Premier ministre adressé aux rapporteurs, puis un courrier de la ministre, Mme Elisabeth Borne, répondent, je crois, aux inquiétudes soulevées par les sénateurs. Cet obstacle me semble donc levé. Monsieur le vice-président, vous semblez émettre des doutes sur les solutions proposées. Je souhaite que notre discussion générale permette de clarifier les positions de chacun, afin de pouvoir commencer l'examen des articles.

En conclusion, j'espère sincèrement que cette CMP pourra aboutir, afin que nos concitoyens voient au plus vite leur quotidien s'améliorer par des mesures concrètes répondant à leurs besoins pressants de mobilité. Encore une fois, les échanges avec le rapporteur du Sénat ont été constructifs et nous ont permis d'établir des propositions de rédaction de compromis, ce qui me fait penser qu'une CMP conclusive est possible.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite souligner la qualité du travail que nous avons mené, au sein de l'Assemblée nationale et avec nos collègues sénateurs, et en particulier le rapporteur pour le Sénat, M. Didier Mandelli. Lors de nos échanges, nous avons pu « mettre à plat » toutes nos divergences et je crois pouvoir dire que nous avons pu rapprocher nos points de vue sur l'ensemble du titre III du projet de loi.

Je ne souhaite pas revenir en détail sur le contenu de ce titre, ce qui serait quelque peu fastidieux, mais je tiens à rappeler qu'il est une « brique » essentielle de ce texte, qui permet d'aller vers des mobilités plus propres et plus actives, de manière à réduire l'impact environnemental de nos mobilités. C'est un sujet majeur sur lequel les attentes de nos concitoyens sont grandes. Je pense que le travail que M. Didier Mandelli et moi-même avons fourni a permis d'aboutir à des positions consensuelles qui n'altèrent en rien l'équilibre du texte et qui respectent le travail qui a été fait dans nos deux chambres. Plus encore, nous avons même pu enrichir et améliorer le texte.

Pour conclure, je souhaite dire que, lors de cette commission mixte paritaire, nous devons prendre nos responsabilités, transformer l'essai et ne pas avoir peur de franchir la ligne d'arrivée qui est toute proche.

Mme Zivka Park, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je veux commencer par dire que je considère que nous pouvons tous être fiers collectivement, fiers parce que nous avons un beau texte, un texte qui est abouti, un texte qui est attendu. Je tiens sincèrement à saluer le travail collectif que nous avons effectué, avec les collègues de l'Assemblée comme avec le rapporteur du Sénat. Je souhaite saluer la qualité d'écoute de M. Didier Mandelli, avec qui nous avons eu de beaux échanges.

Nos deux assemblées ont fait un travail très constructif. En première lecture, le Sénat a considérablement enrichi le texte sur le titre V, notamment en ce qui concerne le renforcement de la sécurité dans les transports et la sécurisation des passages à niveau, sujet qui, je le sais, tient particulièrement à coeur au Sénat. Lors de l'examen du texte à l'Assemblée, ce processus d'enrichissement s'est poursuivi, avec notamment le renforcement du volet maritime de la loi et des dispositions relatives à l'ouverture à la concurrence des services gérés par la RATP. Sur ce point, l'évolution du texte permettra à la fois d'assurer la continuité du service et d'apporter aux salariés toutes les garanties sociales nécessaires.

Malgré nos divergences initiales sur certains points, suite aux échanges que nous avons eus avec M. Didier Mandelli, nous sommes arrivés sur l'ensemble du titre V à des solutions qui conviennent à l'Assemblée comme au Sénat et qui permettent même d'améliorer le texte. C'est pourquoi je souhaite bien évidemment que la commission mixte paritaire arrive à un accord.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat. - Pour commencer, je tiens également à souligner la qualité des débats que nous avons pu avoir sur ce projet de loi ainsi que la qualité du travail - et je serais même tenté de dire la quantité du travail, tant le travail fourni a été important depuis la présentation du projet de loi en conseil des ministres au mois de novembre dernier. J'aimerais également remercier chaleureusement nos collègues de l'Assemblée nationale, en particulier les rapporteurs du texte, avec qui j'ai eu l'occasion d'avoir des échanges approfondis au cours de ces dernières semaines. Je salue leur écoute ainsi que leur faculté à prendre en compte les aspirations et les souhaits du Sénat, ce qui nous a permis d'arriver à de nombreux points de convergence sur l'ensemble des sujets. Plus largement, j'aimerais remercier les membres de cette commission mixte paritaire pour leur implication tout au long de l'examen de ce projet de loi qui a par ailleurs conduit à ce qu'un grand nombre de propositions, de toutes provenances, puissent être intégrées dans le texte.

Comme le vice-président M. Hervé Maurey l'a rappelé, nous avons abordé ce texte sans a priori, sans dogmatisme. Nous partageons son objectif principal qui est d'améliorer l'offre de mobilité pour nos concitoyens et d'encourager le développement de mobilités propres. Des heures d'auditions et de débats en commission comme dans l'hémicycle ont été consacrées à ce texte dans les deux chambres. De très nombreux amendements ont été déposés : pour la séance, plus d'un millier d'amendements ont été déposés au Sénat et plus de 3 000 à l'Assemblée nationale.

Nous pouvons nous satisfaire du travail qui a été mené et qui a permis d'améliorer le projet de loi initial sur de nombreux volets comme celui de la gouvernance, de l'ouverture des données, du développement des mobilités propres ou actives ou encore de la sécurité dans les transports. Je me félicite notamment, au nom de mes collègues, du fait que de nombreux apports du Sénat aient été maintenus dans le texte adopté par l'Assemblée. Je pense notamment à la sanctuarisation des recettes de la TICPE pour l'AFITF, à l'intégration de dispositions relatives au COI ou aux contrats opérationnels de mobilité. Je pense également à l'allongement du délai pour la prise de compétence mobilité par les intercommunalités ou encore aux nombreuses dispositions que nous avons adoptées pour favoriser le développement des vélos et des véhicules à faibles émissions et pour renforcer la sécurité et la sûreté dans les transports. Ces évolutions sont trop nombreuses pour être énumérées et je préfère donc m'arrêter ici. Je salue également le travail important qui a été effectué à l'Assemblée nationale, qui a permis de compléter le texte et de l'enrichir sur de nombreux points.

Au final, il ne restait que quelques points de désaccord entre nos deux assemblées, que le travail préparatoire à la réunion de la commission mixte paritaire nous a permis de lever. Encore tard ce matin, nous étions en train de finaliser des rédactions de compromis.

Cependant, comme le vice-président M. Hervé Maurey l'a rappelé, il demeure pour nous une question essentielle sur laquelle nous attendions un engagement ferme du Gouvernement : celle du financement des intercommunalités qui prendraient la compétence mobilité. Nous avions insisté à plusieurs reprises sur le sujet, dès le dépôt du projet de loi, et nous nous retrouvons aujourd'hui dans la situation que vous connaissez.

Nous avons obtenu, deux jours avant la commission mixte paritaire, un courrier qui propose une solution de financement qui ne nous paraît pas correspondre à ce qui est nécessaire, ou, en tout cas, qui n'est pas à la hauteur des ambitions portées par ce texte, puisqu'il s'agit d'un financement qui, dans le cas de la réforme du financement des collectivités territoriales à venir, aurait de toute façon été mis en place. Or nous attendons que des recettes stables et pérennes soient dégagées pour permettre la prise de la compétence mobilité par les intercommunalités.

Il nous est proposé de parier sur le dynamisme - certes bien réel - des recettes de TVA dont une part sera affectée aux collectivités pour compenser la suppression de la taxe d'habitation. Mais ce dynamisme pourrait s'avérer insuffisant et ces recettes ne sont pas fléchées vers les mobilités : de ce fait, cela ne constitue pas une incitation suffisante pour les intercommunalités à se saisir de la compétence mobilité et à développer des services de proximité, ce qui était pourtant au coeur de la réforme portée par le Gouvernement et suscite une grande attente de la part de nos concitoyens.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons aboutir à un compromis cet après-midi sauf si, comme le vice-président M. Hervé Maurey l'a évoqué, l'article 2 bis est rétabli. En effet, cet article affecte une partie de la TICPE, recette très importante qui a fortement progressé ces dernières années, au financement des mobilités. Cette affectation serait un juste retour des choses. Ce point de désaccord ne doit toutefois pas occulter le travail important qui a été fourni ces derniers mois par nos deux assemblées, par les rapporteurs et par l'ensemble de nos collègues.

M. Claude Bérit-Débat, sénateur. - Madame la présidente, je vais peut-être vous surprendre mais les représentants des sénateurs socialistes de cette commission mixte paritaire soutiennent les propos qui ont été tenus par notre rapporteur et par le vice-président de la commission mixte paritaire.

Je salue le travail qui a été accompli par le rapporteur du Sénat et les différents rapporteurs de l'Assemblée nationale pour arriver à un consensus sur un certain nombre d'articles.

Le seul problème reste celui du financement. Pour avoir été, pendant plusieurs années, président d'une communauté d'agglomération qui était en charge de la mobilité, ou plutôt des transports à l'époque, le problème du financement est un problème essentiel.

Nous avions soutenu les propositions de M. Didier Mandelli, avec nos collègues du groupe socialiste, qui permettaient d'accompagner un projet de loi indigent sur le plan du financement ; les propositions qui avaient été faites recueillaient notre approbation.

Je pense que l'article 2 bis, en permettant un versement mobilité pour les petites intercommunalités accompagné d'une part de TICPE, était une bonne formule.

Nous avons découvert un peu tardivement, peut-être plus tardivement que nos collègues de la majorité sénatoriale, la proposition qui a été faite par le Premier ministre et par la ministre des transports. Dans un premier temps, nous avons découvert lundi que la taxe d'habitation serait remplacée par une part de TVA, recette qui est dynamique. Elle a quand même le défaut de ne pas donner la main, en matière de taux, aux collectivités territoriales, contrairement à la taxe d'habitation. Ce versement bénéficierait à tous les EPCI, qu'ils exercent ou non la compétence mobilité. Nous demandons un supplément pour les intercommunalités qui choisissent d'assumer cette compétence.

Si nous avions l'assurance, à travers un article qui pourrait prendre forme dans cette commission mixte paritaire, d'un supplément de financement pour ces EPCI, nous pourrions être d'accord. Mais pour nous, je le dis encore une fois, la solution idéale est celle qui a été proposée par le rapporteur du Sénat, dont nous suivrons l'avis.

M. Frédéric Marchand, sénateur. - Je viens d'un département, le Nord, où le sujet des mobilités est essentiel pour les zones métropolitaines et les zones rurales.

J'ai le sentiment que la décision que nous allons prendre cet après-midi est très fortement attendue par de nombreuses autorités, aujourd'hui organisatrices de transports, demain de la mobilité, et d'autres qui voudraient se saisir de cette compétence. Je pense que nous avons une responsabilité que je n'hésite pas à qualifier d'historique. Effectivement, a été salué par les uns et par les autres le fait que nous empruntions un chemin qui va permettre à nos concitoyens de bénéficier d'un bouquet de mobilités. Après le chemin, il y a la volonté. J'avais le sentiment que nous partagions la même, mais j'ai aujourd'hui le sentiment qu'elle est un peu en panne.

J'ai entendu ce qu'a dit le rapporteur du Sénat s'agissant des modes de financement. J'entends ce que vient de dire mon collègue M. Claude Bérit-Débat.

Néanmoins, ma formation jaurésienne me fait dire qu'il faut aller vers l'idéal, mais comprendre le réel. Comprendre le réel, c'est trouver des solutions en matière de financement et de ce côté-là, j'ai l'intime conviction, qui je sais est partagée par d'autres, que le Gouvernement a fait plus que son travail.

La ministre Mme Elisabeth Borne s'est personnellement engagée pour faire en sorte de répondre aux attentes légitimes des sénateurs exprimées lors de la première lecture. Les annonces qui ont été faites hier en ce sens ne sont pas anodines. On voit aujourd'hui le nombre de réactions qu'elles peuvent entraîner, mais elles ont le mérite de sanctuariser le financement de l'AFITF. Le mécanisme proposé par le Premier ministre et précisé par la ministre des transports, permet d'appréhender le projet de loi de finances sous les meilleurs auspices. Dans ces conditions, il nous appartient collectivement de répondre aux demandes très fortes de nos concitoyens pour faire en sorte d'organiser le mieux possible les mobilités du quotidien sur notre territoire national.

M. Patrick Chaize, sénateur. - Je ne peux que constater avec vous que le travail a été mené de façon exemplaire, et que le texte que nous sommes en train d'examiner correspond à une attente partagée.

Nos discussions tournent autour d'un point, qui est important et même essentiel, mais qui pourrait trouver une issue favorable. Je pense qu'il y a un problème de temporalité : effectivement, le Sénat a fait des propositions par un article 2 bis qu'il a intégré dans son texte et que l'Assemblée nationale ne souhaite pas retenir. Des déclarations tardives ont ouvert d'autres pistes, qui pourraient venir se substituer à notre proposition initiale. Mais aujourd'hui, la traduction de ces intentions paraît compliquée parce qu'elle relève d'un autre débat parlementaire, celui sur la réforme de la fiscalité locale. Finalement, si l'on intégrait cette proposition de la ministre, on occulterait le débat à venir sur cette réforme, et cela me gêne profondément.

C'est pourquoi je pense qu'aujourd'hui, l'issue qui pourrait nous amener à être conclusifs serait de revenir, peut-être en l'adaptant, à la rédaction de l'article 2 bis qui avait été proposée par le Sénat dans le texte qu'il a adopté.

Mme Michèle Vullien, sénatrice. - Je souhaite saluer le travail qui a été réalisé. J'ai eu l'occasion de travailler avec le rapporteur du Sénat, M. Didier Mandelli, ainsi qu'avec des collègues de l'Assemblée nationale sur le sujet. Je suis très pragmatique. Je suis investie dans les transports de l'agglomération lyonnaise depuis près de vingt-cinq ans. Je rejoins les propos de M. Frédéric Marchand : nous devons comprendre le réel. Un important travail a été réalisé, mais on se heurte à certaines difficultés, même si nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut trouver des financements.

Il y a effectivement un télescopage avec le débat sur le projet de loi de finances. Toutefois, les récentes annonces du Gouvernement sur les transports routier et aérien, ainsi que les deux courriers adressés par le Premier ministre, M. Édouard Philippe, et la ministre des transports, Mme Elisabeth Borne, nous apportent des garanties. Il serait dommage de s'arrêter au milieu du gué après tant de travail accompli, depuis des mois, alors même qu'il existe une attente forte de nos concitoyens. Je ne sais pas quelle image nous donnerions si la CMP venait à échouer.

Il est vrai que la question du financement est un enjeu majeur. Ne pourrait-on pas obtenir, madame la présidente Barbara Pompili, de nouvelles assurances quant au prochain projet de loi de finances ?

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Avant de poursuivre la discussion générale, je tiens à préciser qu'obtenir un engagement écrit du Premier ministre et de la ministre des transports avant une CMP est à ma connaissance quelque chose de totalement inédit. Un engagement écrit qui peut être rappelé lors de l'examen du prochain PLF me semble être l'engagement le plus fort que nous puissions obtenir à ce stade.

Mme Valérie Lacroute, députée. - Nous avons tous salué l'important travail mené à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce texte présente des avancées très importantes. Si l'on veut que la loi d'orientation des mobilités soit un succès, il faut pouvoir en assurer le financement, à la fois pour l'AFITF et pour les collectivités territoriales. Lors de l'examen des précédents projets de loi de finances, nous avons eu des discussions sur le financement de l'AFITF, la suppression de l'écotaxe, etc. Il nous semble important que le financement des infrastructures soit fléché, pérenne et sécurisé.

On peut se dire qu'enfin, le Premier ministre et la ministre des transports ont compris qu'il s'agissait là de l'attente de l'ensemble des parlementaires. Leurs courriers constituent bien un engagement ; mais l'engagement qui est proposé ne nous convient pas. Nous imaginons sans difficulté la bonne foi du Premier ministre et de la ministre des transports, qui se traduira par un important travail lors de l'examen du prochain PLF. Mais le financement actuellement proposé par le Gouvernement soulève des difficultés. Comment vérifier les chiffres avancés par le Gouvernement, notamment concernant la suppression de la taxe d'habitation, qui sera compensée par une fraction du produit de la TVA ? Cette ressource sera-t-elle aussi dynamique ? Sera-t-elle précisément et directement affectée au financement des transports ?

La loi d'orientation des mobilités est en préparation depuis deux ans. Il me semble dommage que sur la question du financement, on n'aboutisse qu'à un courrier du Gouvernement adressé aux membres de la CMP, moins d'une semaine avant sa réunion. Ce qui a choqué le groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, c'est l'annonce récente de la taxation du secteur aérien, la veille de la CMP, alors que ce sujet a fait l'objet de débats en commission et dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale, qui ont abouti à un report du débat à une date ultérieure. Il s'agit d'une annonce politique. Cela reflète le mépris du travail parlementaire et de celui des Assises nationales de la mobilité sur cette question.

Pour terminer, je souhaite rappeler que la TICPE génère des recettes importantes - on parle d'une « cagnotte » d'un montant de 7 milliards d'euros. Suivant la proposition des sénateurs, il me semble pertinent d'en affecter une fraction aux collectivités territoriales et à l'AFITF, plutôt que de financer le déficit de l'État. Vu nos discussions et la colère des Français ces derniers mois au sujet de la taxe carbone, qui génère d'importantes recettes, comment annoncer aux Français l'affectation d'autres taxes (CFE ou TVA) et la taxation du secteur aérien alors qu'un financement par la TICPE est possible ?

M. Dominique Potier, député. - Trouvons de la mesure, et saluons tout d'abord le travail des rapporteurs qui a été de grande qualité. Il faut rendre hommage à cette loi dans ce qu'elle a d'innovant. Je rappelle que l'innovation n'a pas commencé en juin 2017, et que cette loi s'inscrit dans une continuité d'efforts d'innovation en matière de transition écologique, y compris pour les mobilités. Il est bon de le rappeler parfois. Je souligne de vraies innovations que nous avons approuvées pour la plupart à l'unanimité, et qui tiennent compte des innovations technologiques et également sociétales. Elles ont été saluées par tous, et nous pouvons saluer la force de conviction de la ministre des transports Mme Élisabeth Borne qui les a portées.

En revanche, il ne faut pas oublier les immenses lacunes de cette loi, que nous avons dénoncées dès le départ. Elle est marquée par une absence de plan d'infrastructures intermodal, une absence de prise en compte des questions de développement et des modes de développement, notamment sur la facturation carbone. Pourtant, une proposition de mon collègue M. Olivier Jacquin au Sénat consistait à facturer en amont la facture carbone pour les chargeurs. Cette alternative représentait une nouvelle donne systémique pour changer les modalités. Il faut noter que vous avez résisté à toutes nos tentatives de changer les modes de vie en corrigeant l'information publicitaire sur les pratiques les plus désinvoltes, en matière de consommation d'énergie. Vous avez évoqué la liberté, vous avez donc choisi de continuer comme avant. Bref, n'oublions pas les lacunes de cette loi par rapport à l'enjeu climatique et à la crise sociale que nous venons de traverser. Elle n'est pas à la hauteur.

Je voudrais simplement dire que si aujourd'hui nous allons, et nous pouvons tous le regretter, vers un échec, il faut le considérer comme le premier échec de l' « Acte II » et je le déplore profondément. Vous savez ma bonne volonté de participation dans la réussite de cette commission mixte paritaire, Mme la présidente.

Pendant les débats en séance publique, Mme Valérie Rabault a tenu près d'une heure en haleine l'Assemblée nationale sur la question de la TICPE pour financer les collectivités. Un choix simple ou une annonce claire à ce moment-là, au lieu de cette fraction de TVA que personne ne peut évaluer en vingt-quatre heures, aurait été préférable. L'annonce du Premier ministre et de la ministre des transports est un signe de bonne volonté, mais trop tardif. Le choix de la TICPE aurait pu être un engagement clair sur les moyens dédiés aux mobilités.

Ce gouvernement a inventé les contrats de transition écologique sans argent, les contrats « Territoires d'industrie » sans argent ; on ne peut pas faire de mobilité sans argent. Donc, il fallait, à un moment donné, donner des signes clairs. Enfin, je tiens à rappeler que j'ai été à l'initiative, avec certains collègues de La France Insoumise et d'autres, d'un débat sur la contribution financière du secteur du transport aérien, dans un objectif de justice sociale. Les Français paient, mais il faut qu'ils paient de manière juste pour les mobilités du futur.

Sur la question de l'aérien, Madame la présidente, c'est un peu vexant, quand on nous dit qu'on va écouter les oppositions, qu'on sent un frémissement dans la majorité et que finalement, la discipline majoritaire écarte des propositions aussi modestes que celles que reprend le Gouvernement.

Le respect du Parlement, ça existe ! (Protestations dans la salle). Vous avez décidé d'emblée que l'aérien ne ferait pas partie des débats parlementaires, c'est pour le moins choquant sur le plan démocratique. Vous constaterez, à travers cet échec probable que je regrette profondément parce qu'il y a de vraies innovations dans la loi, l'échec d'une méthode.

M. Olivier Jacquin, sénateur. - Je voudrais moi aussi évoquer quelques faiblesses du texte, et je ne reviendrai pas sur la question des financements.

Le plus gros enjeu est celui du réchauffement climatique en ce début de XXIe siècle. Toutes les propositions que nous avons faites au Sénat ont été balayées, sous prétexte qu'elles créaient une nouvelle fiscalité ou de nouvelles ressources financières. Nous avons été à la fois satisfaits et étonnés qu'en dernière minute, des débuts de propositions intéressantes soient émises sur l'aérien, mais en oubliant d'autres secteurs comme le maritime ou la question du report modal en matière de marchandises.

Je tiens à signaler qu'une réduction de deux centimes du remboursement partiel de la TICPE sur le gazole routier va créer une distorsion de concurrence. Pour moi qui suis frontalier du Luxembourg et qui vois le commerce de carburant presque détaxé à nos frontières, et une concurrence anormale dans les transports routiers, ce n'est pas satisfaisant.

Afin de répondre à l'enjeu du réchauffement climatique, nous avions proposé une stratégie de grand emprunt pour financer la transition dans les mobilités et permettre, en rétablissant une fiscalité verte, la TICPE, et la justice sociale qui doit aller avec. Rien n'est corrigé à ce jour dans ce domaine-là.

Je tiens à signaler deux points de désaccord importants. L'article 20 tente, dans un texte sur les mobilités, de régler la question extrêmement importante, au XXIe siècle, du rapport au travail. Tenter de régler les questions d'ubérisation au détour d'un texte sur les transports n'est pas satisfaisant. Vous le savez, par jurisprudence, les dispositions de l'article 20 viendront, par un principe d'analogie juridique, faire loi dans les autres domaines du travail ubérisé, et il n'y a pas que les transports. C'est pour cela qu'au Sénat, nous nous étions accordés, à droite comme à gauche, sur la nécessité d'un texte spécifique sur cette question. On ne peut pas régler ce problème ainsi.

Sur la question des concessions autoroutières, nous avions eu au Sénat des propositions de nouveaux modes d'adossement. Nous ne les avions pas prises en compte pour des raisons diverses et variées dans les différents groupes. Nous avons donc été étonnés de voir adopté l'amendement de M. Joël Giraud qui change le statut des autoroutes et permet un certain nombre d'adossements, de manière un peu détournée ; cela en même temps qu'un autre député se faisait « retoquer » un amendement qui proposait qu'on récupère les futures concessions autoroutières en procédant par emprunts. Tout cela est un peu brouillon et contradictoire.

C'est vraiment dommage pour les nombreuses propositions intéressantes et innovantes qui ont été faites dans ce texte.

M. Bruno Millienne, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je trouve dommage que l'on aille vers une CMP non conclusive pour un problème de financement, qui est un problème très important, certes, et je comprends les raisons qui vous ont conduits à cette conclusion. Néanmoins, avec les deux courriers du Premier ministre et de la ministre chargée des transports que nous avons reçus, la volonté farouche des rapporteurs de l'Assemblée nationale et des autres députés pour faire aboutir cette question lors de la loi de finances, nous allons vers un désaccord sur un texte à venir, et pas sur le texte dont nous discutons.

Sur le projet de loi dont nous discutons, nous sommes d'accord, à peu de choses près. Reste la question du financement, dont nous savons très bien que nous trouverons sa solution lors du projet de loi de finances parce que pour nous, c'est une obligation, nous le devons aux Français. Nous pouvons être sûrs qu'en cas d'échec de cette CMP, beaucoup seront tentés de se renvoyer la responsabilité de l'échec, les uns en reprochant aux sénateurs de ne pas avoir fait confiance au Gouvernement, les autres en présentant l'article 2 bis comme « la » solution parce que la TICPE constituerait une véritable « cagnotte »... Ce genre d'accusations politiciennes entachera rétrospectivement tous les travaux des deux chambres, alors même que nous pouvons justement être fiers de ceux-ci - pour ma part, et je ne dis pas cela sur tous les textes que nous adoptons, je suis très fier de celui-ci et il me tient particulièrement à coeur.

Monsieur le rapporteur du Sénat, monsieur le vice-président, prenons en compte les dégâts en termes de communication que pourrait susciter une CMP non conclusive, pour un désaccord dont nous allons discuter à la rentrée. Nous avons en outre des assurances écrites à la fois du Premier ministre et de la ministre des transports, que l'on pourra rappeler pour justifier et obtenir les financements nécessaires.

Je me suis entretenu avec le président du Groupement des autorités responsables de transport (GART) la semaine dernière, à Alès. Je l'ai assuré de notre volonté farouche d'obtenir le financement nécessaire pour cette loi d'orientation des mobilités. Alors si vous ne faites pas confiance au Gouvernement, vous pouvez faire confiance à l'Assemblée nationale.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur. - Je n'ai pas de chance parce que c'est la deuxième commission mixte paritaire à laquelle je participe qui risque d'échouer, après celle sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires. À chaque fois, je suis là, donc la prochaine fois, je tâcherai de l'éviter... (Rires).

La seule chose que nous demandons, c'est une garantie sur le financement. Il y a la bonne parole, il y a certainement la bonne volonté, il y a des courriers - mais enfin des courriers, on en a vus beaucoup à ce niveau-là, et l'on peut faire confiance à nos collègues de l'Assemblée nationale pour obtenir les financements nécessaires lors de la loi de finances pour 2020.

La seule chose que nous disons, c'est que cette loi doit définir les financements. Nous avons fait une proposition et je rejoins ce que disait notre collègue Mme Valérie Lacroute sur le financement et l'article 2 bis. S'il y a un refus systématique de recourir à la TICPE, nous en prenons acte et nous ne sommes pas d'accord. Mais on peut l'amender selon vos souhaits, pour voir si un accord est possible, plutôt que d'échouer lors de cette CMP.

M. Guillaume Gontard, sénateur. - Je ne vais pas revenir sur tout ce qui a été dit et sur l'important travail qui a été mené dans les deux chambres. J'ai plutôt apprécié le travail au Sénat et le fait que nous ayons pu enrichir ce texte sur des sujets intéressants, même si je ne les partage pas tous. Je pense notamment à la question du vélo avec de vraies avancées, ou, au contraire, à l'article 20 qui avait été supprimé au Sénat ce qui me semblait plutôt être un bon choix.

J'entends dire que le problème réside dans la question de financement. Je pense qu'en effet, la question principale est celle du financement. Elle se pose de manière chronique : sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires, créée par un très beau texte mais qui reste une coquille vide sans financement ; ou encore sur l'Office français de la biodiversité. J'ai donc l'impression que les choses se répètent, mais il me semble qu'il y a une solution.

Il y avait une proposition du Sénat : le fléchage de la TICPE. Il me semble que c'est une vraie proposition de financement, qui me paraît sage. Il me semble même pédagogique de dire que la TICPE a vocation à être utilisée pour la transition écologique et la transition des mobilités. Je pense donc que nous avons l'occasion de montrer que l'on peut y travailler. En tout cas, ce n'est pas faute de proposition, parce que cette question de financement est revenue tout au long de ce texte. Nous apporter des pseudo-solutions à quelques heures de la CMP, ce n'était pas forcément souhaitable.

M. Jean-Marie Sermier, député. - Pour avoir assisté, avec ma collègue Mme Valérie Lacroute, à la quasi-totalité des débats en commission et en séance publique à l'Assemblée nationale, je confirme qu'il y a eu des désaccords importants, par exemple sur la fin des véhicules fonctionnant aux énergies fossiles.

Pour autant, sur toute sa partie technique, le texte est satisfaisant et apporte de réelles avancées.

Tout au long de son examen, nous avons posé la question d'un financement par la TICPE à la ministre. Selon les documents qu'elle nous a donnés, les recettes de TICPE, qui étaient de 30 milliards d'euros en 2017, passent à 37 milliards d'euros en 2019. Nous le lui avons rappelé à maintes reprises et elle ne nous a jamais démentis.

En deux ans, nous avons donc 7 milliards d'euros de recettes supplémentaires. En accord avec la proposition du Sénat, nous souhaitons qu'une partie de ce montant soit fléchée vers les AOM. On ne peut répéter sans cesse que l'on doit réduire la fiscalité et ne pas utiliser une taxe qui se révèle dynamique pour éviter de créer des impôts supplémentaires.

Je fais absolument confiance à la ministre et au Premier ministre. Cependant, les choses peuvent se révéler compliquées - voyez l'épisode de l'écotaxe, où des engagements avaient été pris. Aujourd'hui, nous avons effectivement un courrier et un engagement que je crois de bonne foi, mais ce n'est pas cet engagement que nous attendions.

Il ne faut pas non plus dramatiser. Les Français sont soucieux de leurs mobilités du quotidien, mais ils sont également soucieux d'éviter de subir de nouveaux impôts.

Si nous n'aboutissions pas aujourd'hui et devions reprendre le travail en septembre pour réussir, nous le ferons, et sérieusement. Mieux vaut étudier deux fois un texte pour être sûr qu'il sera bon, plutôt que de gâcher une occasion à la dernière minute.

M. Benoît Huré, sénateur. - Je me félicite du travail collectif qui a été accompli. Ce texte est attendu dans les territoires, or précisément nous achoppons sur les moyens à donner à ces territoires pour exercer de nouvelles responsabilités.

Je fais a priori confiance au Premier ministre. Ma crainte concerne le volume de TVA concerné : ne pourrait-on imaginer que l'affectation de cette part de TVA soit conditionnée à la mise en oeuvre de la compétence mobilité ?

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Le courrier de la ministre des transports le dit très explicitement.

M. Benoît Huré, sénateur. - Je suis donc moins inquiet. Il n'empêche que le recours à la TICPE avait l'avantage de la lisibilité et que cet impôt est dynamique.

Par ailleurs, je m'étais félicité que ce texte soit l'un des rares à ne pas surtransposer les directives européennes.

Bref, alors que nous sommes près d'aboutir, je redoute l'image que nous allons donner dans l'opinion publique.

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Chacun assumera !

M. Hervé Maurey, sénateur, vice-président. - J'ai écouté les propos des différents orateurs avec beaucoup d'attention. Je remercie les rapporteurs de l'Assemblée nationale pour leurs propos à l'égard du travail du Sénat, ainsi que les députés pour la qualité de leur travail. Je remercie la présidente Mme Barbara Pompili, qui a oeuvré pour dégager une solution de compromis. Je remercie également la ministre des transports, Mme Élisabeth Borne, qui s'est beaucoup impliquée afin de trouver une solution. Le caractère tardif de la solution proposée constitue pour moi le seul bémol à l'engagement de la ministre. Nos débats font ressortir que la majorité des sénateurs n'est pas satisfaite des courriers qui ont été transmis aux membres de la CMP.

Je retiens deux éléments, qui me semblent essentiels, du propos de M. Bruno Millienne. Il a tout d'abord rappelé l'attente de nos concitoyens de pouvoir se déplacer en tout lieu d'un point A à un point B. C'est pour cela que nous souhaitions que les EPCI puissent, sur tous les territoires, mettre en place des services de mobilité. Cela explique nos revendications sur les questions de financement. Il a ensuite indiqué que nous avons l'obligation d'aboutir, ce sur quoi je le rejoins.

Je réitère ma proposition initiale, reprise par plusieurs sénateurs, de rétablir l'article 2 bis introduit par le Sénat, quitte à l'amender. Pourquoi se limiter à un dilemme consistant soit à accepter les courriers, avec l'incertitude et l'insatisfaction qu'ils engendrent, soit à faire échouer la CMP ? Pourquoi, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, ne pas rétablir cet article, quitte à l'amender ? Il semble pourtant y avoir un large consensus autour de l'affectation d'une fraction de TICPE, en termes de péréquation, de dynamisme et de neutralité fiscale.

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - La proposition que vous faites me semble aller à l'encontre du caractère pointilleux des sénateurs quant à l'élaboration de la loi. Je tiens à souligner que votre demande consiste à inscrire, dans une loi ordinaire, une disposition qui relève du domaine des lois de finances. Vous nous demandez de préempter le contenu du prochain PLF, alors que nos débats montrent qu'il est nécessaire de continuer à discuter afin d'aboutir à une solution.

Sur le reste du projet de loi, nous sommes globalement tous d'accord, à quelques exceptions près mais pour lesquelles nos rapporteurs ont pu dégager des propositions de compromis. À ce stade, je constate que nous sommes d'accord sur le projet de loi d'orientation des mobilités, et que nous sommes en désaccord sur les financements. Le Gouvernement a pourtant pris des engagements écrits sur ces questions. Chacun pourra tirer la conclusion qu'une main tendue n'a pas été attrapée. Le débat relevant de la loi de finances aura lieu lors de l'examen du projet de loi de finances ; nous pourrons donc à nouveau aborder ces questions. Je vous invite plutôt à confirmer aujourd'hui tout ce que nous avons déjà engrangé, c'est-à-dire cet énorme projet de loi qui a fait l'objet de nombreux amendements.

À partir du moment où nous aurons constaté l'échec de la CMP, les compromis qui ont été trouvés pour cette CMP ne seront plus garantis et pourront être remis en cause, pour la simple raison que vous nous posez un ultimatum concernant un mode de financement précis. Il ne s'agit plus d'une discussion, mais d'une alternative consistant soit à adopter votre proposition, soit à échouer. Quelle que soit l'issue de cette discussion, le débat aura de toute façon lieu lors de l'examen du prochain PLF. Je vais donc avoir le grand regret d'annoncer l'échec de cette CMP sur des mesures qui ne relèvent pas du projet de loi en discussion. La majorité parlementaire de l'Assemblée nationale prendra ses responsabilités, et cette loi sera bien financée.

M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il serait plus raisonnable de s'entendre sur ce que nous avons déjà écrit. Sur le sujet du financement, nous ne sommes pas d'accord, certes. Mais nous sommes à peu près d'accord sur tout le reste de ce texte, qui est un beau texte.

Comme l'a rappelé la présidente Mme Barbara Pompili, nous risquons d'aboutir en septembre sur un texte qui ne nous satisfera ni les uns ni les autres, alors que nous pourrions prendre le temps qui nous reste avant le projet de loi de finances pour travailler ensemble à un financement qui convienne aux deux assemblées.

Vraiment, je ne comprends pas le blocage du Sénat. Je trouve franchement dommage d'être obligé de se quitter sur une CMP non conclusive.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie les intervenants pour leurs mots sympathiques à l'égard des rapporteurs.

Si nous constatons un échec aujourd'hui, cet échec n'est pas lié à un blocage subit du Sénat sur la question du financement. Il y a six mois, lors de la conférence de presse que nous avons tenue au Sénat, mais aussi à plusieurs occasions devant la ministre, nous avons indiqué que cette question était cruciale, notamment pour les collectivités les moins dotées sur le plan économique, étant entendu que le versement mobilité et la CFE sont assis sur la masse salariale et sur les entreprises.

Après que le Sénat a adopté l'article 2 bis, prévoyant la mobilisation d'une part de TICPE et un versement mobilité à taux réduit pour les transports non réguliers, la ministre nous a proposé une autre voie. J'ai alors validé cette hypothèse d'étude sur un recours à la CFE. La ministre s'est engagée à y travailler et à proposer une solution à partir de cet impôt.

Jusqu'à la fin de la semaine dernière, nous étions dans la perspective d'un recours à la CFE, à quoi s'ajouterait éventuellement un mécanisme de compensation pour les territoires les moins bien dotés. Depuis le début, mon objectif a été d'arriver à une CMP conclusive. Chacun peut en témoigner, à l'Assemblée comme au Sénat.

M. Bruno Millienne, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Bien sûr !

M. Didier Mandelli, rapporteur pour le Sénat. - Grande a été notre surprise, lundi soir, de recevoir ce courrier du Premier ministre sans autre forme d'annonce. Apparemment, c'est une démarche inédite avant une CMP.

Ce courrier nous annonce une nouvelle forme de financement qui résultera d'une discussion sur l'évolution des finances locales dans le cadre du prochain PLF. Si ce n'est pas une préemption des discussions à venir au Parlement, je me demande ce que cela peut être !

Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à ce type d'affectation et de financement, mais il faut être sérieux et rigoureux. Voilà plus de sept mois que j'ai été nommé rapporteur sur ce texte. On ne décide pas comme cela, en quarante-huit heures, d'affecter un financement sans en connaître l'impact réel !

Cette CMP arrive sans doute un peu tôt. Nous aurions dû avoir une semaine supplémentaire. En l'occurrence, nous avons dû faire des arbitrages en à peine vingt-quatre heures, depuis lundi soir jusqu'à hier à dix-sept heures. Ce n'est pas très sérieux. Vous n'y êtes pour rien, mes chers collègues : nous subissons tous cette situation. J'aurais moi aussi préféré une CMP conclusive.

Cela dit, si le texte, comme vous l'affirmez, est parfait aujourd'hui et que vous le modifiez entièrement en nouvelle lecture, il risque de devenir moins parfait. Ce sera au détriment de nos concitoyens...

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Entre choisir et subir, que décidons-nous ?

Je suis pour ma part pragmatique et je ne crois manquer ni de sérieux ni de rigueur. Si nous échouons aujourd'hui, nous aurons à réexaminer ce texte au mois de septembre. Comme ce sera avant la discussion budgétaire, il n'y aura rien de nouveau par rapport à l'orientation dont nous disposons aujourd'hui.

Nous sortirions grandis de cette situation si nous décidions de ne pas subir, c'est-à-dire de trouver les conditions d'adoption de ce texte. De toute façon, la question du financement sera débattue dans le cadre du PLF, c'est-à-dire après la potentielle nouvelle lecture du projet de loi.

Cette nouvelle lecture se déroulera à l'Assemblée nationale et portera sur le texte qu'elle vient d'adopter, ce qui nous promet des moments palpitants ! (Sourires.) En termes d'efficacité politique et d'efficacité du travail parlementaire, cela revient à subir.

Je crains qu'une issue négative ne nous rende pas très fiers, alors que nous avons réalisé jusqu'à présent un travail remarquable. Nous avons tous fait des pas les uns vers les autres, justement pour ne pas subir mais au contraire pour choisir pour nos concitoyens.

Car ce sont eux qui sont concernés au premier chef. De très nombreuses personnes nous attendent sur ce texte. « Enfin ! » est un mot que l'on a énormément entendu à propos de ce texte à la tribune, quel que soit le groupe politique de l'orateur. Or, sur une problématique certes importante mais qui sera discutée dans le cadre du PLF, la lettre du Premier ministre et celle de la ministre représentent une avancée. J'ai plutôt tendance à leur faire confiance.

Hier, j'ai participé à l'échange entre le président M. Hervé Maurey, la présidente Mme Barbara Pompili, le Premier ministre et la ministre des transports, où les choses m'ont paru être relativement claires. Pour moi, nous disposions d'un élément de plus démontrant qu'il vaut mieux choisir que subir.

Devons-nous nous arc-bouter sur nos positions au point de faire échouer cette CMP ? Je trouve que ce serait dommage. J'aimerais que toutes les avancées qui ont résulté de notre travail commun puissent devenir ce soir la loi, tandis que le volet relatif au financement - sur lequel il faut cesser de se faire des procès en amateurisme : tout le monde ici sait que les mobilités doivent être financées - sera porté clairement en loi de finances.

Le Premier ministre et la ministre des transports ont donné des orientations. Faisons-leur confiance et battons-nous ensemble pour faire aboutir le sujet du financement des mesures prévues par ce texte. Je le répète, une nouvelle lecture en septembre ne sera pas un travail très intéressant.

Mme Bérangère Abba, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Nous partageons tous l'envie de réussir collectivement. Je me pose une question d'ordre technique : initialement, il n'était pas question d'inscrire les modalités de financement dans la loi. Dès lors, est-ce qu'il faut comprendre les courriers du Premier ministre et de la ministre des transports comme des propositions ou comme des décisions ? Si ce ne sont que des orientations, ne serait-il pas possible d'amender le texte pour indiquer l'existence d'un besoin de financement et laisser la réflexion ouverte quant aux modalités, en vue du projet de loi de finances, ce qui permettrait d'acter tout le reste de la loi ?

M. Benoît Huré, sénateur. - C'est une question intéressante. Nous pourrions parvenir à un accord si nous laissions ouverte la question du financement. Nous connaissons les discussions sur les projets de loi de finances... Nous devons être pragmatiques et savoir faire des compromis.

M. Jean-Marie Sermier, député. - Parmi les titulaires de la CMP, il y a une majorité de huit membres pour voter l'article 2 bis dans la rédaction du Sénat. Nous pouvons donc le voter en l'état.

M. Bruno Millienne, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - En dynamique, comme en volume, la TVA est plus puissante que le dispositif proposé par le Sénat à l'article 2 bis ! Nous devons travailler ensemble sur le financement jusqu'au projet de loi de finances. En attendant, il nous faut parvenir à conclure aujourd'hui sur le projet de loi d'orientation des mobilités.

M. Frédéric Marchand, sénateur. - Je ne crois pas que le Premier ministre et la ministre des transports puissent être taxés d'amateurisme. Les responsabilités ont été prises au plus haut niveau de l'État, par des engagements écrits. En tout état de cause, la loi d'orientation sur les mobilités sera définitivement adoptée avant le projet de loi de finances. Or, nous avons travaillé en confiance jusqu'à présent entre les deux assemblées. Je pense que nous pourrons continuer pour trouver la meilleure solution financière.

M. Claude Bérit-Débat, sénateur. - On anticipe une difficulté dans le PLF sur le remplacement de la taxe d'habitation, qui avait l'avantage d'avoir un taux déterminé par les collectivités et d'être dynamique. Cela mérite au moins un débat ! À défaut, les élus locaux nous le reprocheront.

La TVA n'est pas une solution satisfaisante car elle concernerait tous les EPCI et pas uniquement ceux qui se sont saisis de la compétence « mobilité ». Il faut donc un mécanisme incitatif, ce qui était le cas de l'article 2 bis. Nous devons travailler sur cette piste en vue de l'examen définitif de la loi.

M. Bruno Millienne, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de trouver un financement. La question est : lequel ? Nous aurons tout le loisir d'en discuter après avoir voté ce projet de loi. Nous avons travaillé en harmonie avec le Sénat jusqu'à présent, je ne vois pas pourquoi nous ne continuerions pas.

M. Dominique Potier, député. - Le rôle du Parlement est de contrôler le Gouvernement. Vous ne pouvez donc pas nous demander de lui faire confiance. Le débat sur le financement ne relève pas de notre commission mixte paritaire. Je suggère donc que nous examinions si la solution alternative proposée par Mme Bérangère Abba est envisageable.

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Il me semble que nous avançons ! Il est donc proposé de chercher ensemble une rédaction alternative à l'article 2 bis, garantissant les possibilités de financement pour les AOM les plus fragiles sans pour autant en préciser les modalités à ce stade. Je vous propose de suspendre notre réunion.

La réunion est suspendue à dix-huit heures quinze et reprend à dix-huit heures trente-cinq.

Mme Barbara Pompili, députée, présidente. - Notre suspension n'a malheureusement pas permis de trouver un compromis. Je constate donc l'échec de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation des mobilités.

La réunion est close à 18 heures 35.

Jeudi 11 juillet 2019

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de transformation de la fonction publique s'est réunie à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2019.

La commission mixte paritaire a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau : Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente ; M. Philippe Bas, sénateur, vice-président ; M. Rémy Rebeyrotte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale et Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire a procédé ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Nous sommes réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace. Déposé le 27 février dernier, ce projet a été adopté par les sénateurs le 4 avril et par les députés le 26 juin. Il rassemble les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en une Collectivité européenne d'Alsace dotée de compétences particulières justifiées par des spécificités locales.

Je veux saluer en préalable le travail considérable successivement accompli par toutes les parties prenantes : nous savons que ce projet de loi est parti du terrain, notamment des exécutifs départementaux. Il a été discuté avec le Gouvernement pour donner lieu à la Déclaration commune de Matignon, la base politique sur laquelle les échanges techniques se sont engagés.

Nous, parlementaires, avons veillé à ce que les intérêts de chacun soient respectés. La commission des lois de l'Assemblée nationale est d'ailleurs allée à Strasbourg, le 13 juin dernier, pour procéder sur place à des rencontres et à des entretiens.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je souhaite rappeler, avant toute chose, l'état d'esprit dans lequel le Sénat a examiné ce projet de loi. Notre volonté était de répondre aux attentes du terrain, que nous avons largement entendues, et de satisfaire le désir d'Alsace, l'ancienne région alsacienne s'étant dissoute dans le Grand Est. Nous nous sommes donc attachés à faire en sorte que cette nouvelle Collectivité européenne, issue de la fusion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ne soit pas une simple addition de départements mais un département « plus », « puissance 2 », afin de lui donner les vrais moyens de ses ambitions.

Prenant pour référence la Déclaration de Matignon du 29 octobre 2018, nous avons renforcé la compétence de la future collectivité en matière de coopération transfrontalière grâce à l'ajout d'un volet sanitaire au schéma de coopération, et assuré la cohérence de ce dernier avec celui établi par l'eurométropole de Strasbourg. Nous avons consolidé les dispositions relatives aux langues régionales. Nous avons également apporté des garanties sur le transfert de la voirie nationale, un point central qui paraissait nécessiter des clarifications à nos collègues alsaciens.

Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait repris un grand nombre des apports du Sénat et qu'elle les ait améliorés. C'est tout l'intérêt de la navette parlementaire.

Je me félicite de la collaboration menée avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui nous permet d'arriver aujourd'hui devant vous avec, je l'espère, un point d'accord qui profitera à l'Alsace et aux Alsaciens.

M. Rémy Rebeyrotte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. -Mme la rapporteure pour le Sénat et moi avons accompli beaucoup de travail au cours des derniers jours pour rapprocher les points de vue et faire en sorte que nos deux assemblées puissent s'entendre sur un texte commun. Nos échanges se sont déroulés en veillant au respect d'un certain nombre de grands principes :

- d'abord, ce texte, né d'une initiative alsacienne, ne devait porter que sur l'Alsace et il n'était pas question pour nous d'aller au-delà de ce que souhaitaient les protagonistes de cette nouvelle collectivité ;

- ensuite, il nous fallait respecter la région Grand Est telle qu'elle est, avec ses compétences, tout en tenant les engagements pris envers la nouvelle collectivité créée par le projet de loi ;

- enfin, nous avons veillé à préserver le travail accompli par nos deux assemblées pour parvenir à un équilibre.

Les apports du Sénat à ce texte ont été nombreux et importants : le volet sanitaire du schéma de coopération transfrontalière, le dispositif relatif à la gestion du fonds social européen, le conseil de développement, l'organisation des transferts et des élections, pour ne reprendre que quelques-uns d'entre eux.

À ma demande, nous avons retravaillé la question de l'organisation des fédérations sportives et des ordres professionnels. Nous y reviendrons au cours de nos débats.

L'accord que nous vous proposons a été élaboré en lien avec le Gouvernement. Le Sénat trouvera, peut-être, que nous ne sommes pas allés assez loin ; d'autres, en dehors de cette salle, considèreront au contraire que nous sommes allés trop loin. C'est en tout cas l'équilibre auquel nous sommes parvenus.

Je tiens à remercier le Sénat, et plus particulièrement sa rapporteure, pour l'état d'esprit de nos échanges, ainsi que les présidents de nos deux commissions des lois pour leurs encouragements.

Mme Catherine Kamowski, députée. - Je me réjouis que nous trouvions le chemin du consensus. Je remercie les rapporteurs pour leur travail fructueux. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la commission des lois de l'Assemblée nationale travaille dans ces conditions avec celle du Sénat : j'ai en mémoire les échanges que nous avions eus, Mme Catherine Troendlé et moi-même, sur un texte relatif aux autorités de la concurrence de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

Le projet dont nous discutons est, ainsi que je l'avais dit en première lecture, un beau et bon projet. Il vient consacrer la volonté des acteurs locaux de mieux s'organiser pour répondre aux enjeux spécifiques qui sont les leurs. Il s'agit d'un texte de responsabilité et d'ouverture, qui maintient l'équilibre institutionnel de notre République et qui donne aux acteurs la possibilité de se saisir de leur destin. Les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin pourront constituer une Collectivité européenne d'Alsace, composante de la région Grand Est et, j'y tiens, au sein de la République française.

Nous posons les prémisses de la différenciation territoriale que nous souhaitons mettre au service de tous les territoires et de leur développement harmonieux. Ce texte n'est pas une fin en soi ; il n'est même pas une fin tout court : pour tous les territoires, c'est le signal de l'ouverture de notre République à la possibilité d'un dialogue ouvert et d'une concertation loyale. J'y vois les prémices d'une réflexion globale et apaisée sur les capacités, les responsabilités et les pouvoirs respectifs des territoires de France.

M. Raphaël Schellenberger, député. - Ce texte n'est pas l'alpha et l'oméga de l'organisation institutionnelle en Alsace. Il n'est pas une réponse qui satisfera la demande des Alsaciens. Mais le groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale a la volonté d'aboutir. Un important travail a été réalisé à l'occasion de ce projet de loi. Même si nous avions souhaité discuter de certains sujets qui ont été considérés, par la majorité et par le Gouvernement, comme des lignes rouges, ce qui nous est présenté reste un premier pas pour l'Alsace que nous saisissons et à partir duquel nous démontrerons la nécessité d'un second mouvement.

Je tiens à saluer l'esprit d'écoute et de dialogue des deux rapporteurs pour identifier ensemble les points importants de discussion. Je découvre des propositions de rédaction intéressantes. Cela démontre que, sur des sujets aussi consensuels que celui de la nécessité de redonner à l'Alsace une organisation institutionnelle propre, il nous est possible de travailler en bonne intelligence. Même si chacun conserve sa part de frustration, c'est tout l'objet de la politique et de la recherche d'un accord.

Mme Catherine Troendlé, sénateur. - Mon intervention ira en partie dans le même sens que celle de Mme Catherine Kamowski. Plutôt qu'un bon texte, c'est un bon compromis. Le projet proposé par le Gouvernement a été amendé par le Sénat et j'observe que nos contributions ont été respectées dans les grandes lignes. Tout le monde ne sera pas pleinement satisfait : c'est le principe d'une commission mixte paritaire. Je remercie les rapporteurs pour leur travail et leur sens de l'écoute.

Nous souhaitons à présent, comme l'a indiqué M. Raphaël Schellenberger, une étape supplémentaire après ce premier acte qu'est la création de la Collectivité européenne d'Alsace. Des améliorations seront à prévoir à terme. Mais la mise en oeuvre de ce texte permettra de revenir de façon apaisée dans nos territoires pour avancer ensemble au lieu de nous déchirer et de donner l'image d'une Alsace éprise d'indépendance, ce qui n'est pas l'état d'esprit de tous les Alsaciens. Nous avons un désir d'Alsace, un besoin d'identité alsacienne et une volonté d'apaisement.

M. Jacques Bigot, sénateur. - Je veux, à titre liminaire, saluer moi aussi le travail des rapporteurs, particulièrement celui du rapporteur du Sénat. Mais si j'en juge par ce qui nous est proposé, le texte qui sortira de cette commission mixte paritaire est très proche de celui adopté par l'Assemblée nationale.

Dans un esprit consensuel, il n'appartenait pas au Sénat, représentant des collectivités territoriales, de s'opposer à la volonté qui s'était exprimée localement. Il n'en reste pas moins que nous devons la transparence et la clarté aux Alsaciens sur le contenu de ce projet de loi.

Ce texte est présenté, dans son intitulé même, comme un projet de loi « relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace ». Son article 1er A, introduit par l'Assemblée nationale et maintenu dans la proposition de compromis qui nous est faite, dispose que « les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont regroupés sous le nom de Collectivité européenne d'Alsace ». Mais c'est déjà juridiquement le cas, en vertu d'un décret ! Le législateur se borne ici à affirmer le nom de cette collectivité.

Il aurait fallu préciser que ces départements vont exercer les mêmes compétences que celles des autres départements, et davantage creuser les compétences nouvelles octroyées. Nous avons eu d'importants débats au Sénat sur leur périmètre et leur définition.

Il y a, dans la Déclaration de Matignon, des développements détaillés sur la compétence transfrontalière, qui font écho à une revendication notamment formulée par la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin. Force est de constater que le dispositif proposé est extrêmement léger, ne rejoint pas les volontés exprimées préalablement et n'est pas conforme à l'esprit du traité d'Aix-la-Chapelle, dans la mesure où les compétences laissées à l'État demeurent fortes... L'évolution permise par le projet de loi est extrêmement faible.

Sur d'autres sujets, comme les routes, la nouvelle collectivité devra assumer une charge non négligeable - nous parlons ici de 300 kilomètres de routes - mais relativement cohérente dans la vallée du Rhin supérieur. La revendication importante de pouvoir instituer une écotaxe ne sera toutefois pas satisfaite alors même que le Sénat avait formulé une proposition très élaborée. Le compromis proposé renvoie à une ordonnance prise dans un délai de dix-huit mois. Ce choix conduira à ajouter, à la complexité technique du sujet, la complexité politique dont chacun a pu prendre conscience lors des débats au Sénat, des élus estimant qu'une telle taxe reportera une part du trafic sur les routes de la Moselle et des Vosges.

Nous avions trouvé, sur ce sujet comme sur d'autres, des consensus possibles. Mais les avancées adoptées par le Sénat n'ont malheureusement pas été retenues, faute de volonté de la part du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale. En définitive, le consensus dégagé s'avère extrêmement mou. Il ne faudrait pas qu'il suscite de nouvelles revendications en Alsace.

Notre désir d'Alsace, souligné par le préfet de région, a-t-il été entendu et satisfait ? Peut-être le sera-t-il par la fusion des départements, qui permettra à l'Alsace de s'exprimer différemment au sein de la région et sans doute de retrouver sa propre identité.

Nous avons mesuré combien la question de la différenciation territoriale était complexe et difficile à appréhender, face à un jacobinisme encore prégnant. Encore faudrait-il, un jour, que les girondins se mettent d'accord sur leur conception de l'organisation territoriale pour avancer ensemble. Ce n'est pas ce texte qui nous le permettra.

Mme Françoise Gatel, sénateur. - Je veux saluer le travail considérable effectué sur ce texte. C'est du grand art. La phrase de Portalis qui guide les travaux de notre commission des lois au Sénat trouve ici une bonne illustration : « Les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ». L'accord auquel nous sommes en train de parvenir est riche d'enseignements. Nous voyons combien les grandes lois territoriales récentes ont tenté de nous faire croire qu'il pourrait y avoir un seul modèle d'organisation, faisant fi des espaces et des hommes. Entre la Bretagne et l'Alsace, il y a la France qui nous sépare ou qui nous relie - je préfère cette dernière option. Les territoires se font avec leur histoire, leur culture et leur géographie.

Je voudrais dire quelques mots sur le sujet de la différenciation : comment allons-nous poursuivre ce chemin pour prendre en compte la diversité des territoires tout en maintenant l'unité de la République ? Allons-nous nous engager dans ce processus en nous fondant sur un droit d'exception ? Ou assumer une vraie volonté de décentralisation reposant sur la responsabilité des élus locaux ?

Mme Patricia Schillinger, sénateur. - Je souhaite à mon tour remercier les rapporteurs. Leur travail était difficile car il est délicat de comprendre un territoire dans lequel on n'habite pas. Les parlementaires alsaciens ont accompagné ce long processus et ont participé aux échanges depuis des mois. Nous avons eu tout au long de nos débats la confiance du Premier ministre et de Mme la ministre Jacqueline Gourault. Il est rare qu'un travail parlementaire soit produit de telle façon, puisque nous sommes même allés le poursuivre outre-Rhin.

Il va maintenant falloir appliquer cette réforme sur notre territoire. Cela prendra peut-être du temps s'agissant de certains dossiers, mais je me réjouis de ce consensus qui démontre le savoir-faire des élus des collectivités territoriales.

La commission mixte paritaire en vient à l'examen des dispositions restant en discussion.

Article 1er A

L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Article 2 bis A

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Nos rapporteurs proposent une rédaction de consensus de cet article.

M. Rémy Rebeyrotte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit, pour cette disposition introduite dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, d'une rédaction nouvelle, retravaillée avec Madame la rapporteure pour le Sénat.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - En effet, cette rédaction témoigne de notre travail de concertation. Elle permet aux ordres professionnels et aux fédérations culturelles et sportives de créer des organes infrarégionaux à l'échelle de la Collectivité européenne d'Alsace.

M. Frédéric Reiss, député. - Cet article est très important. J'ai été contacté par les fédérations de basketball et de football. Elles souhaitaient que puissent être proposés des championnats au niveau de la Collectivité européenne d'Alsace. La nouvelle rédaction me paraît assez claire, même si j'aurais préféré traiter séparément ordres professionnels et fédérations sportives et culturelles.

M. Olivier Becht, député. - Je voudrais remercier les rapporteurs pour leur travail car il s'agit, en effet, d'une disposition importante. Les parlementaires qui l'ont défendue souhaitaient que des championnats soient organisés à l'échelle de l'Alsace. La région est grande comme deux fois la Belgique et cela peut occasionner jusqu'à douze heures de trajet pour des enfants se rendant à une compétition. Cette question ne touche d'ailleurs pas que l'Alsace.

Il faut pouvoir s'organiser sur des territoires adaptés et affirmer la vocation infrarégionale de ces championnats, et non augmenter la taille des championnats départementaux car cela conduirait à l'exact inverse de l'objectif poursuivi. De tels déplacements sont fastidieux à ce niveau de compétition.

M. Raphaël Schellenberger, député. - Cette disposition peut sembler n'avoir pas sa place dans ce texte car elle est de nature réglementaire. Mais elle est essentielle car elle symbolise de manière forte la rupture de la confiance en Alsace suite à l'intégration forcée de ce territoire au sein de la région Grand Est, contre tout bon sens. Cette intégration a occasionné des changements importants dans la vie quotidienne des Alsaciens. Par exemple, elle a affecté la capacité des jeunes à participer à un championnat de football.

La disposition que nous nous apprêtons à voter pour y remédier aurait dû être prise par décret. Cela n'a pas été fait, ce qui explique que l'on recoure à la loi. Il a été envisagé de faire de la fédération alsacienne une association départementale ; cela n'aurait pas été acceptable. Je salue donc cette proposition des deux rapporteurs. Les associations départementales sont les échelons de proximité, qu'il s'agisse des fédérations sportives ou d'éducation populaire ; l'échelon alsacien sera, quant à lui, celui de la montée en compétence. Il convient de ne pas entrer dans un niveau de détail trop important afin de ne pas empiéter sur le domaine réglementaire.

M. Jacques Bigot, sénateur. - Il faut être attentif à ce que l'on inscrit dans la loi. Certes, la question de la culture, du sport et de l'organisation territoriale a été évoquée dans la Déclaration de Matignon. Je ne nie pas le problème mis en exergue par nos collègues. Mais rien dans la réforme des régions n'imposait l'organisation qui a été mise en place. Parallèlement, le Gouvernement a annoncé une réforme de l'organisation du monde sportif, au travers de la création d'une agence nationale en lien avec les élus locaux. Par conséquent, je me demande si un tel article a sa place dans un texte sur l'Alsace.

Se pose également la question des ordres professionnels - avocats, médecins, etc. - qui ne sont même pas toujours organisés au niveau du département. Je ne comprends pas le sens de cette mention, qui n'était d'ailleurs pas évoquée dans la Déclaration de Matignon.

Mme Catherine Troendlé, sénateur. - Comme l'ont souligné à juste titre MM. Schellenberger et Bigot, il n'est pas certain qu'une telle disposition soit nécessaire dans la loi. Je voudrais néanmoins faire partager mon expérience. Nous sommes souvent invités par des organisations sportives ou des présidents d'association. Or, ces derniers soulignent un certain essoufflement du bénévolat du fait du temps consacré aux déplacements. Il est important de réaffirmer la possibilité d'une organisation à l'échelle alsacienne pour permettre à ces structures de se consacrer pleinement aux jeunes.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il est clair qu'il y a, dans ce texte, des dispositions qui auraient pu être mises en oeuvre sans passer par la loi. Cela a donné lieu à de nombreux débats au Sénat. Nous devons cependant saisir l'opportunité lorsque s'expriment de véritables besoins. C'est le sens de la proposition de rédaction : la loi n'a pas pour objet de contraindre ni d'encadrer précisément l'organisation locale. Notre objectif était d'élaborer un dispositif qui maintienne des compétitions au niveau des anciens départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, tout en permettant une organisation infrarégionale au niveau de la Communauté européenne d'Alsace.

Quant aux ordres professionnels, le renvoi au décret permettra d'apprécier chaque situation particulière. Elles ne seront pas réglées de la même manière selon qu'il s'agit des avocats, des notaires ou des médecins. Il faut laisser, là aussi, une certaine souplesse.

M. Bruno Fuchs, député. - C'est un sujet qui n'est pas anecdotique. Cela concerne la vie de tous les jours : celle des jeunes, des sportifs, des parents, des bénévoles et des présidents de club. On constate un essoufflement de la part des bénévoles qui doivent parcourir 300 à 400 kilomètres dans le cadre de certaines compétitions. Ce sujet, à mon avis, quelles que soient les dispositions existantes, mérite d'être intégré dans ce texte.

Pour autant, il est important que les fédérations puissent également s'organiser à un niveau national, et participer aux championnats nationaux. De fait, le texte proposé n'apporte pas de grande modification.

M. Rémy Rebeyrotte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je rejoins les propos qui viennent d'être tenus par la rapporteure pour le Sénat. La mention « peuvent s'organiser » laisse la souplesse nécessaire ; elle a emporté notre adhésion. La rédaction proposée nous semble être dans l'esprit de ce texte qui donne aux acteurs la possibilité, face à un problème, d'organiser différemment les choses.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Les sénateurs du groupe socialiste et républicain s'abstiendront.

La proposition de rédaction n° 1, mise aux voix, est adoptée. L'article 2 bis A est ainsi rédigé.

Article 2 bis (Supprimé)

La commission mixte paritaire supprime l'article 2 bis.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 3 bis (Supprimé)

La commission mixte paritaire supprime l'article 3 bis.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Article 5

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 6

M. Raphaël Schellenberger, député. - J'aimerais que les rapporteurs nous éclairent sur les propositions de modification qui concernent le calcul de la compensation du transfert des routes nationales. Elles me semblent substantielles. S'agissant de l'investissement, la compensation serait calculée en fonction des dépenses faites par l'État sur une période « d'au moins cinq ans » avant le transfert de compétences alors que la rédaction de l'Assemblée nationale fixait cette durée à cinq ans. En ce qui concerne le fonctionnement, la période de référence serait au maximum de trois ans, c'est-à-dire qu'elle pourrait être inférieure à trois ans. Cela change considérablement les choses.

Cela veut dire qu'en matière d'investissement, pourraient être prises en compte des années où les dépenses ont été moins importantes, contrairement au fort investissement constaté ces dernières années et qui devrait perdurer jusqu'en 2021. Je rappelle que l'Assemblée nationale avait supprimé, pour cette raison, la proposition de fixer à 2018 la date de référence pour le calcul de ces montants.

Au contraire, s'agissant du fonctionnement, la prise en compte de moins de trois années permettrait à l'État d'optimiser le coût du transfert sur les deux années qui restent avant son échéance. Cela me semble remettre en cause l'équilibre qui avait été trouvé lors de nos débats.

Sans éclaircissement supplémentaire, je ne serai pas favorable à ces modifications.

M. Rémy Rebeyrotte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes revenus au droit commun en matière de compensation des transferts de compétences. Les départements n'y sont d'ailleurs pas défavorables puisque cela permet une certaine souplesse dans la fixation du montant de la compensation.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit de la règle de calcul qui s'applique à chaque transfert de charge et qui donne la souplesse nécessaire au pouvoir réglementaire pour éviter que des variations de dépenses à la hausse ou à la baisse ne modifient substantiellement la moyenne à retenir. L'application de ce principe a toujours été favorable aux collectivités locales.

M. Frédéric Reiss, député. - Cette nouvelle rédaction pose problème. Celle de l'Assemblée nationale avait l'avantage de la clarté. Nous savons tous que le transfert des routes peut s'avérer, pour la Collectivité européenne d'Alsace, un cadeau empoisonné. Entre 2019 et 2021, il peut se passer de nombreuses choses. Je ne suis pas favorable à cette nouvelle rédaction.

L'article 6, mis aux voix, est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 7

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Article 8

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 9

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Article 10

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 11

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Jacques Bigot et moi nous abstenons sur l'ensemble du texte.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.

La réunion est close à 14 h 50.