Mercredi 7 octobre 2020

- Présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président d'âge -

La réunion est ouverte à 17 h 20.

Réunion constitutive

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - En ma qualité de président d'âge, il me revient de présider la réunion constitutive de notre commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion.

Les 36 membres de la commission d'enquête ont été nommés, sur proposition des groupes, lors de la séance publique de cet après-midi. Nous devons donc désigner le président de la commission d'enquête.

J'ai reçu la candidature de notre collègue Alain Milon.

Y a-t-il d'autres candidatures ? Il n'y a pas d'opposition ?

Le président de la commission d'enquête est ainsi désigné et je félicite notre collègue Alain Milon, à qui je cède immédiatement la présidence.

M. Alain Milon, président. - Je vous remercie de la confiance que vous m'accordez pour présider nos travaux.

Je voudrais remercier nos collègues qui ont conduit les auditions en septembre, nos rapporteurs, mais surtout René-Paul Savary, qui a excellé dans le rôle qui lui était dévolu. Certains membres du Gouvernement m'ont même dit qu'il les avait parfois malmenés ! (Sourires.)

Je vous propose de procéder à la désignation du bureau de notre commission d'enquête, en commençant par les rapporteurs.

J'ai reçu les candidatures de Mme Catherine Deroche, de M. Bernard Jomier et de Mme Sylvie Vermeillet.

Il n'y a pas d'opposition ? Je proclame donc Catherine Deroche, Bernard Jomier et Sylvie Vermeillet rapporteurs de la commission d'enquête. (Applaudissements.)

Nous allons maintenant désigner les vice-présidents, de manière à ce que, conformément à l'usage, les deux groupes ayant les effectifs les plus importants aient chacun deux représentants au bureau, et à ce que chaque autre groupe ait un représentant, président et rapporteurs compris.

Compte tenu des désignations du président et des rapporteurs qui viennent d'avoir lieu, la répartition des postes de vice-présidents est donc la suivante : pour le groupe Les Républicains, un vice-président ; pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, un vice-président.

J'ai été saisi des candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. René-Paul Savary ; pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain, Mme Angèle Préville ; pour le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, M. Martin Lévrier ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, Mme Véronique Guillotin ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Mme Éliane Assassi ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Emmanuel Capus ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, Mme Raymonde Poncet.

S'il n'y a pas d'opposition, je vous propose de ratifier cette liste.

Le bureau de notre commission d'enquête est donc ainsi constitué. (Applaudissements.)

Quelques éléments sur l'organisation de nos travaux.

Je vous rappelle tout d'abord que la mission des commissions d'enquête prend fin par le dépôt de leur rapport et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de l'adoption de la résolution qui les a créées, en l'espèce le 30 juin. Nous sommes donc tenus par la date du 29 décembre 2020.

Ce délai peut sembler encore lointain mais j'appelle votre attention sur les contraintes qui vont s'exercer sur notre calendrier. Nous sommes entrés dans le coeur de la session budgétaire et sociale. Il conviendra d'adapter le rythme de nos travaux et de prévoir que nos conclusions puissent être rendues dans le même temps, alors que malheureusement, l'épidémie n'est pas terminée.

Nous avons déjà procédé à de nombreuses auditions et nos rapporteurs ont décidé de procéder à quelques auditions complémentaires.

En pratique, le principe est que les auditions des commissions d'enquête sont publiques, sauf si nous en décidons autrement. En revanche, tous les travaux non publics de la commission d'enquête, autres que les auditions publiques et la composition du bureau de la commission, sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de trente ans. J'appelle donc chacun d'entre nous à la plus grande discrétion sur ceux de nos travaux qui ne seront pas rendus publics.

Le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, soit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En outre, l'article 100 du règlement du Sénat prévoit que « tout membre d'une commission d'enquête qui ne respectera pas les dispositions du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête pourra être exclu de la commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après avoir entendu l'intéressé » et que cette exclusion « entraînera pour le sénateur qui est l'objet d'une telle décision l'incapacité de faire partie, pour la durée de son mandat, de toute commission d'enquête ».

J'invite plus généralement chacun à une certaine retenue dans son expression publique sur nos travaux.

La réunion est close à 17 h 50.

Jeudi 8 octobre 2020

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Audition de M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

M. Alain Milon, président. - Nous reprenons nos travaux avec l'audition de M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, accompagné de M. Antoine Darodes, directeur de cabinet, et de Mme Aude Costa de Beauregard, conseillère.

Cette audition a pour objet d'examiner la mobilisation des outils numériques dans la lutte contre la pandémie et de comprendre pourquoi la défiance est si forte à leur égard, quand d'autres pays, en Asie, bien sûr, mais aussi plus près de nous, semblent rencontrer plus de succès dans ce domaine.

Je vais vous donner brièvement la parole à titre liminaire, monsieur le secrétaire d'État, afin de laisser le maximum de temps aux échanges. Je demanderai ensuite à chacun, intervenant et commissaires, d'être concis dans les questions comme dans les réponses.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je vous informe qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Cédric O prête serment.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. - Je ne vais pas utiliser les dix minutes qui me sont imparties. Il sera plus intéressant de répondre aux diverses questions que vous ne manquerez pas de me poser sur le sujet, notamment sur l'application StopCovid. Celle-ci n'est pas le seul outil numérique déployé dans le cadre de la lutte contre le covid 19, mais j'imagine que c'est le sujet qui vous intéresse le plus.

Je souhaite d'abord rappeler le contexte dans lequel ce projet a émergé, au début du confinement, en mars 2020, une période de grande urgence, mais aussi de grande incertitude sur l'épidémie et sur son évolution. Il m'a alors semblé naturel, dans ce contexte d'inquiétude et de mobilisation et au vu des initiatives que nous voyions poindre dans d'autres pays, de faire ma part dans la lutte contre le covid en m'assurant que la France, comme les autres pays d'Europe et comme certains autres pays dans le monde, travaille au développement d'outils numériques pour aider à combattre l'épidémie.

Trois principes nous ont guidés depuis le début, sur lesquels vous ne manquerez pas de revenir dans vos questions.

Le premier, qui me semble important, a été de répondre à un besoin identifié par la communauté médicale et scientifique, sans chercher à imposer une solution technologique. Je rappelle que la capacité à stopper au plus vite les chaînes de contamination s'est rapidement imposée comme un levier majeur et décisif dans la lutte contre l'épidémie. La communauté des épidémiologistes - l'Impérial College London et l'université d'Oxford, en particulier, sous la direction du professeur Christophe Fraser, le premier à avoir publié des papiers sur les outils numériques - s'est très vite intéressée aux possibilités du numérique pour soutenir et accélérer ce processus et les applications de contact tracing sont ainsi apparues comme un des sujets importants de mobilisation numérique au service de la stratégie de lutte contre l'épidémie, notamment au niveau européen. Cela ne représente néanmoins qu'une partie de ce que le numérique a pu apporter dans la lutte contre l'épidémie. Aujourd'hui, notre stratégie « tester, alerter, protéger » repose ainsi sur des outils numériques complémentaires, permettant à tous les citoyens d'être acteurs de leur santé, comme la cartographie des laboratoires de santé sur santé.fr, les outils, dont vous avez eu l'occasion de débattre, qui servent de support aux brigades sanitaires, ou encore les moyens d'information. Dans ce contexte, StopCovid doit contribuer à stopper les chaînes de contamination et renvoyer vers d'autres outils, comme Mes conseils Covid, qui permettent à tous de connaître les bons gestes à adopter et de se protéger au mieux.

Notre deuxième principe était la transparence et la concertation. Dès le début, le débat public autour de cette application a été vif et il nous a toujours paru important de la développer en toute transparence sur nos principes, sur les statistiques qui l'accompagnent et sur la mobilisation des différentes parties prenantes. Rappelons quelques jalons de cette démarche : l'association de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), tout d'abord, saisie pour avis à deux reprises en avril et en mai, qui a diligenté tous les audits nécessaires au mois de juin 2020 et a donc pu ouvrir le capot ; la consultation du Parlement, ensuite, lequel a été amené à voter, après un débat sur le fondement de l'article 50 de la Constitution - j'ai moi-même été auditionné par la commission des lois au Sénat et j'ai proposé à plusieurs reprises à l'ensemble des groupes parlementaires des échanges sur ce sujet en amont du débat - ; la prise en compte des différents avis, encore, celui du conseil scientifique, mais aussi ceux du Conseil national du numérique (CNNum), du Conseil national de l'Ordre de médecins et de l'Académie nationale de médecine ; la concertation, enfin, notamment avec les associations d'élus, avant le déploiement et la publication de l'intégralité du code source en mai 2020, en amont du débat parlementaire.

Le troisième principe me semble absolument essentiel : nous avons toujours inscrit le déploiement de StopCovid dans nos valeurs et nos règlements. Nous avons ainsi fait le choix d'une application qui ne relève pas d'un cadre juridique d'exception, puisqu'elle est nativement conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD), comme l'a confirmé la CNIL début septembre. Nous avons également décidé, ainsi que nombre de sénateurs en avaient exprimé le souhait durant le débat, que cette application serait souveraine. Ce point a été discuté, nous aurons l'occasion d'y revenir, mais le retour d'expérience ne peut que nous conforter dans ce choix. Nous ne faisons, certes, pas partie du cadre d'interopérabilité des applications européennes, mais nous disposons d'une application dont le fonctionnement est très satisfaisant et qui n'a rien à envier aux applications fonctionnant avec la solution mise en place par Apple et Google ni en matière technique ni en ce qui concerne la sécurité des données et la transparence, compte tenu de ses caractéristiques.

À ce jour, d'après les informations dont nous disposons, l'application StopCovid a été installée plus de 2,6 millions de fois depuis son lancement, 7 969 personnes s'y sont déclarées comme ayant été testées positives, c'est-à-dire qu'elles ont flashé le code qui leur a été transmis à la suite des résultats de leur test, et 472 notifications ont été émises. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a un véritable enjeu d'adoption de cette application, j'aurais l'occasion d'y revenir. Ces chiffres indiquent toutefois que son potentiel reste entier, si nous parvenons à la redéployer. C'est intéressant, parce que beaucoup de personnes se déclarent dans l'application, comparativement aux autres pays, y compris à l'Allemagne, et que la dynamique d'utilisation suit celle de l'épidémie.

Il est également important de rappeler que le choix de la souveraineté nous permet de disposer de la maîtrise totale des traitements de données effectués, mais aussi des modèles de santé sous-jacents à cette application. Vous avez eu l'occasion d'auditionner Bruno Sportisse, je veux également rappeler que cette application est le fruit d'une mobilisation exceptionnelle d'acteurs français, publics et privés, que je tiens à saluer encore. Peu de pays auraient eu ou ont eu la capacité de mener un tel projet de manière autonome.

M. Alain Milon, président. - Une question taquine, monsieur le secrétaire d'État : votre montre connectée a-t-elle noté une augmentation de votre rythme cardiaque lorsque le Premier ministre a annoncé qu'il n'avait pas téléchargé cette application ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je ne peux pas répondre, monsieur le président, parce que je n'ai pas de montre connectée ! Je porte une Casio à vingt-cinq euros qui date sans doute du début des années 1980.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous nous avez expliqué que cette application avait mobilisé beaucoup de monde, que l'on voulait qu'elle soit souveraine ; comment, dès lors, expliquer l'échec du dispositif ? Contrairement au Premier ministre, je l'ai installée sur mon téléphone ! Comment expliquez-vous cette faible mobilisation, par rapport à l'Allemagne, par exemple ? Aurait-on conçu une application trop spécifique ? La communication a-t-elle été mauvaise ? Comment expliquez-vous ces chiffres ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Il est peut-être utile, à ce moment du débat, de rappeler pourquoi nous avons fait le choix de cette architecture technique. Je rappelle d'ailleurs que, à l'origine, le projet français est franco-germano-britannique, issu d'une analyse commune menée dans l'ensemble de ces trois pays, mais aussi dans d'autres pays autour du monde, selon laquelle deux modèles s'opposent dans la manière de concevoir les applications de contact tracing : le modèle centralisé et le modèle décentralisé, même si ces termes sont questionnables. Il est important de comprendre pourquoi nous avons fait les choix que nous avons faits. Dans les deux cas, lorsque je me promène et que je vous rencontre, monsieur le président, à moins d'un mètre, et durant plus de quinze minutes, si nous avons tous les deux l'application, chacun de nos téléphones enregistre le fait que nous sommes croisés. Dans le modèle centralisé, un serveur central est mis en place et, si je m'identifie comme étant positif, l'ensemble des crypto-identifiants que j'ai enregistré sur mon téléphone remonte vers le serveur central. Plusieurs fois par jour, tous les téléphones vont vérifier si leur identifiant a été inscrit sur le serveur central. Cette architecture a un avantage : le serveur central ne contient que les crypto-identifiants des contacts de gens malades, mais il n'existe nulle part de liste de crypto-identifiants de malades.

Dans un système décentralisé, à chaque fois, nous enregistrons de la même manière chacun nos crypto-identifiants respectifs en cas de rencontre, mais si je me déclare positif, j'envoie mon identifiant vers un serveur central qui le redistribue sur votre téléphone. Dans un système décentralisé, donc, la liste des crypto-identifiants de tous les malades est, non seulement disponible et facilement accessible sur internet, mais elle est, de plus, présente sur tous les téléphones. C'est ce qui a conduit l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), en accord avec ses homologues britannique et allemand, à considérer que la solution centralisée était plus protectrice de la vie privée que la solution décentralisée. Ces craintes se sont révélées fondées aujourd'hui, au vu du fonctionnement des applications européennes. Si vous êtes un peu malin, vous pouvez avoir accès à l'ensemble des crypto-identifiants des gens qui se sont déclarés malades en Europe, la liste est facilement accessible. En outre, avec ce que l'on appelle un sniffer, un logiciel qui permet de récupérer le crypto-identifiant que vous émettez, je pourrais, si j'étais employeur, installer un portique à l'entrée de mon entreprise et ainsi savoir si l'un de mes employés, et lequel, est dans la liste des gens malades. Il y a donc une possibilité de réidentification. Vous trouverez ces éléments dans les débats académiques et techniques, notamment portés par certains membres de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, l'institution qui avait poussé en faveur du développement d'une solution décentralisée. La solution centralisée, elle, ne permet jamais de réidentifier quelqu'un de malade ; la première raison de notre choix tient donc à la sécurité de la vie privée. Un des reproches qui lui est toutefois adressé tient à la présence d'un serveur central, dont un État mal intentionné ou peu démocratique pourrait se servir pour surveiller ses citoyens. Nous avons considéré que la transparence sur les éléments de code, la possibilité d'accès au serveur central offerte à la CNIL comme au comité de surveillance ainsi que le fait que nous nous trouvions dans un état démocratique caractérisé par la capacité de contre-pouvoir de la CNIL et du comité de surveillance, votée par l'Assemblée nationale et le Sénat, offraient des garanties aux Français, au-delà de la confiance que ceux-ci accordent au Gouvernement.

Un deuxième élément, sanitaire, explique que, au départ, les Britanniques, les Allemands et les Français aient choisi la solution centralisée. Aujourd'hui, 15 ou 16 millions de Britanniques ont une application sur leur téléphone, ainsi que 18 millions d'Allemands et un peu moins de 2,7 millions de Français. Ici, nous savons qu'il y a eu 8 000 codes scannés et 472 notifications reçues. Les Allemands et les Anglais sont incapables d'annoncer un nombre de notifications reçues, pour une raison simple : l'ensemble de l'architecture est entre les mains d'Apple et de Google, et les homologues anglais ou allemands de la CNIL ne sont pas capables d'aller vérifier ce qui se passe à Palo Alto, dans les serveurs d'Apple et de Google.

Je ne dis pas que l'application française est un succès, je dis que nous savons ce qui se passe et que cela marche mal, alors que les Allemands et les Anglais savent que beaucoup d'applications ont été téléchargées, mais ils ne savent rien de ce qui se passe, ni même si cela fonctionne. Je vous renvoie à un article du journal Le Monde sur le sujet, qui explique très précisément que les Allemands ne sont pas capables de savoir combien de gens ont été notifiés. C'est pour cela que j'assume aujourd'hui notre choix technique, lequel, selon moi, était le bon.

Vous me demandez, madame la rapporteure, si celui-ci a pu influencer l'adoption ou le refus des Français. À mon sens, cela n'a pas été le cas, et les études confirment cette opinion. Aujourd'hui, je ne sais pas expliquer complètement pourquoi cette application n'est pas suffisamment téléchargée. Il me semble que nous sommes à la croisée de plusieurs éléments, mais les études qualitatives qui ont été menées indiquent que le vrai sujet est que les Français ne comprennent pas l'intérêt personnel qu'ils auraient à télécharger StopCovid. S'ajoutent à cela des craintes sur les données ou, à tout le moins, une incompréhension globale du fonctionnement de cette application sur ce point. En outre, il me semble qu'interviennent également des dimensions culturelles ainsi qu'un problème de timing : les Anglais ressortent leur application au moment du reconfinement ou au moment où la peur remonte ; nous avons sorti la nôtre à un moment où l'on pensait que c'était fini. Il est impossible de refaire l'histoire, mais la lancer au moment où les bars ferment, où l'on craint pour sa sociabilité - les Anglais ont interdit les rencontres à plus de six personnes - et où l'on se rend compte que cela va durer six mois, un an ou un an et demi, cela provoque un effet de traction supérieur sur l'application. Le Gouvernement et moi-même avons sans doute été aussi insuffisamment pédagogues sur l'utilité de cette application et sur la protection qu'elle permet. Je reviens sur les sondages qualitatifs : les gens ne comprennent pas quel est leur intérêt. Il me semble donc qu'il y a une conjonction d'éléments qui font que cette application est malheureusement insuffisamment téléchargée.

Je voudrais toutefois élargir la focale : dans certains pays, on a constaté un succès de l'application en termes de téléchargements, parce que, encore une fois, on ne connaît pas son impact sanitaire en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suisse. Ailleurs, c'est un échec, parfois moins problématique, mais c'est un échec. La réussite des applications de contact tracing est donc plus l'exception que la règle. Cela ne doit pas nous empêcher de mener notre propre introspection sur les raisons qui expliquent que cela n'ait pas marché, mais il ne faudrait pas que l'arbre anglais et allemand cache la forêt, c'est-à-dire le fait que ces applications rencontrent des difficultés partout en Europe. Je dis « partout en Europe » parce que, à l'exception de Singapour, il est difficile de comparer les applications déployées en Corée du Sud ou en Chine, qui n'ont absolument rien à voir avec notre projet en matière de protection de la vie privée, dans des pays où, par ailleurs, les cultures sont très différentes.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure. - Monsieur le secrétaire d'État, tout d'abord, j'aimerais obtenir une précision : vous évoquez 2,6 ou 2,7 millions de téléchargements en France, mais le 22 septembre, lors d'une audition de la commission d'enquête, Bruno Sportisse, le PDG de l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) nous a indiqué que l'application avait été téléchargée 2,5 millions de fois, avait connue ensuite 1 million de désinstallations puis 300 000 réinstallations. Si je compte bien, cela fait un total de 1,8 million d'applications installées aujourd'hui, et non 2,6 millions. Pouvez-vous expliquer cet écart ?

Ensuite, le 23 mai, lors d'une conférence sur StopCovid, vous avez déclaré qu'il serait normal que nous puissions lancer un appel d'offres afin de disposer d'un choix plus large avec des spécifications qui permettraient à d'autres acteurs potentiels de s'impliquer dans le projet visant à gérer et à stocker les données de santé au sein de la plateforme technologique française du Health Data Hub (HDH). Pourtant, l'État a fait le choix de la société américaine Microsoft pour assurer l'hébergement des données de santé des Français, sans appel d'offres et malgré les risques de transfert de données aux États-Unis. Quand sera programmé l'appel d'offres qui permettra à des entreprises européennes de participer à l'hébergement des données de santé des Français ? Puisque l'on évoque l'échec relatif de StopCovid, ne pensez-vous pas qu'il y existe un lien entre les réserves que suscite le Health Data Hub et le peu de téléchargements de l'application en France ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - J'ai avancé un chiffre de téléchargements, donc un chiffre brut. Je vous confirme que l'on doit être aujourd'hui autour de 1,1 million d'installations.

S'agissant de la comparaison entre StopCovid et le Health Data Hub, avant de revenir sur les raisons du choix de Microsoft par les équipes du HDH, je voudrais rappeler que si nous avions choisi de passer par Apple et Google, les éléments que vous évoquez seraient aujourd'hui au coeur du débat et cela n'aurait certainement pas facilité l'adoption du dispositif par les Français. Vous me demanderiez pourquoi nous sommes passés par une solution américaine pour stocker les données de santé des Français et vous auriez raison, puisque nous avons démontré que nous pouvions développer une application par nous-mêmes.

Pour comprendre le choix du HDH, il faut se replacer dans le dilemme de l'époque. En 2018, le Président de la République annonce une accélération en matière d'utilisation de l'intelligence artificielle pour faire progresser la recherche française en matière de santé et de données numériques dans ce domaine. Il est alors décidé de lancer l'entrepôt de données de santé, autrement appelé le Health Data Hub ; une consultation de dix-neuf acteurs, parmi lesquels des Français, est mise en place autour de certains éléments du cahier des charges. Notre volonté est alors de démarrer très vite, pour deux raisons : nous voulons profiter de la dynamique enclenchée autour de ce sujet et la compétition mondiale en matière d'utilisation de l'intelligence artificielle dans la santé est extrêmement forte. Or le seul acteur capable de répondre aux prérequis au moment de cette consultation est Microsoft. Je vous rappelle un chiffre qui doit toujours nous faire réfléchir et qui découle de politiques industrielles très anciennes : chaque année, Amazon investit 22 milliards de dollars dans la recherche et le développement ; chaque année, la somme dépensée par l'ensemble de la France, public et privé mêlés, dans tous les domaines de recherche confondus, est comprise entre 60 et 70 milliards d'euros. Dans le cloud, en particulier, elle atteint sans doute moins de 1 milliard d'euros. Dans certains domaines, notamment l'intelligence artificielle, les Américains disposent donc d'une avance que nous ne pouvons pas nier. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas forts dans certains domaines relatifs au cloud ou que nous ne devons pas nous donner pour objectif de faire émerger un acteur français.

À l'issue de la consultation réalisée à l'époque, qui comprenait plusieurs Français, et pas seulement OVH, Microsoft était le mieux-disant, et le choix du ministère de la santé a été de partir avec cette entreprise pour obtenir très vite des applications. D'ailleurs, pendant la crise du covid, le HDH a été très utile pour travailler sur les interactions médicamenteuses ou sur les facteurs de comorbidités. Aurions-nous été prêts si nous avions dû attendre un an ou deux et choisir un fournisseur français ? Honnêtement, c'est très questionnable. D'une certaine manière, il s'agit d'un choix ontologique. Il a donc été décidé de partir, pour le début, avec cette plateforme et toutes les garanties ont été prises dans le cadre juridique de l'époque.

J'ai dit, lors de la conférence de presse, mon souhait que nous puissions relancer un appel d'offres, car il était très clair que la décision qui avait été prise concernait une phase de démarrage, afin d'organiser une compétition ouverte.

Je vais aller un peu plus loin : la décision prise par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'invalider le Privacy Shield il y a quelques semaines, qui est un coup de tonnerre dans le domaine de la gestion des données sensibles, nous a conduits à travailler, avec Olivier Véran, au transfert du HDH vers des plateformes françaises ou, au moins, européennes, parce que le contexte juridique a complètement changé. Une exigence s'impose donc à nous, comme aux parlementaires, d'ailleurs, parce qu'une infrastructure de cloud au niveau de compétitivité de celles des Américains ou des Chinois représente un investissement très coûteux. Nous devons donc tirer la conséquence de nos choix souverains. Des discussions sont en cours avec nos partenaires allemands sur ce sujet, entre le Président de la République et la Chancelière, mais il faut être conscient que nous n'avons pas, aujourd'hui, la même capacité technologique pour traiter des données de santé. Toutefois, compte tenu de l'invalidation de l'arrêt Schrems II et du Privacy Shield par la CJUE, nous travaillons à transférer ces données vers des fournisseurs de cloud européens.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Je vous remercie pour vos intéressantes explications techniques. La question qui nous préoccupe est la suivante : pourquoi 65 millions de Français ne veulent-ils pas télécharger et utiliser cet outil ? Car nous pouvons partager l'idée que ce type d'outil est utile dans la stratégie de traçage et de rupture des chaînes de transmission.

Depuis une quinzaine de jours, la préoccupation liée à l'épidémie devient plus forte : des bars, des restaurants sont fermés ; le port du masque est beaucoup plus strict. Avez-vous constaté une hausse significative des téléchargements sur cette période ?

Nous connaissons les craintes soulevées par les applications numériques. On peut y répondre en apportant des éléments objectifs, que vous nous avez assez bien exposés, mais aussi avec de la confiance. En mars-avril, les enquêtes d'opinion montraient un soutien majoritaire, voire massif, des Français aux mesures gouvernementales : 93 % des Français ont approuvé le confinement, du jamais-vu ! Mais les résultats des enquêtes se sont dégradés au fil des mois et aujourd'hui les mesures gouvernementales sont très majoritairement rejetées. C'est inquiétant. Dans ce contexte de défiance à l'égard des décisions du Gouvernement, comment pouvez-vous restaurer l'adhésion à un dispositif numérique proposé par le Gouvernement ? Avez-vous réfléchi à d'autres pistes pour sortir de ce guêpier ? Vous avez esquivé la question du président Milon qui n'était pas taquine, mais extrêmement importante : soit la parole des ministres, notamment celle du premier d'entre eux, n'a pas d'importance ; soit elle en a et alors elle signe la qualité du lien entre les gouvernants et la population.

Dernière question très précise : quel est le coût de l'application StopCovid à ce jour ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Nous constatons une légère augmentation des téléchargements, qui sont aujourd'hui de l'ordre de 6 à 10 000 téléchargements quotidiens, soit un peu plus qu'avant la crise. Nous n'atteindrons pas les 65 millions de Français, et nous aurions du mal à le faire en raison notamment de l'équipement en smartphones. Mais, oui, c'est insuffisant.

Je laisserai à mon collègue Olivier Véran le soin de vous répondre sur la question de la confiance dans le Gouvernement et dans la gestion de la crise. Il m'est difficile de répondre sur des questions de politique sanitaire.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - La question de la confiance n'est pas une question de politique sanitaire. C'est une question qui s'adresse à tout gouvernant.

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je ne constate pas de corrélation entre les taux de téléchargement en Europe et la confiance dans les gouvernements. Le sujet de la confiance dans la démocratie et dans les corps intermédiaires, qu'ils soient politiques, institutionnels ou médiatiques, est un énorme sujet. La crise que nous traversons peut avoir des répercussions démocratiques eu égard à ces questions de confiance et aux tensions majeures qu'elle instille dans la société. Cette question est au coeur des relations entre gouvernants et administrés, dans le cadre d'une épidémie qui va durer. S'agissant de StopCovid et des applications similaires, je ne vois pas de corrélation entre confiance dans les gouvernements et adhésion aux applications.

Comment relancer StopCovid et lui donner une deuxième chance ? Nous ne sommes malheureusement pas à une semaine près, compte tenu de la durée prévisible de l'épidémie. Nous y travaillons. Nous réfléchissons. Nous étudions notamment l'application anglaise dont les fonctionnalités diffèrent des applications allemande et française, avec plus d'informations et une interconnexion plus forte avec le système des bars et des restaurants. Nous cherchons à mieux comprendre ce qui se passe, en lien avec nos homologues.

Par ailleurs, si nous voulons relancer l'application, nous avons besoin de trouver des relais et des alliés. La parole des gouvernants, quels qu'ils soient, partout dans le monde, souffre actuellement d'un manque de crédibilité et de confiance. Si les professions médicales estiment que StopCovid est utile, elles doivent le dire : les épidémiologistes l'ont dit, le Conseil scientifique l'a dit, mais nous avons besoin que les médecins généralistes, les professeurs d'université nous aident s'ils pensent que c'est utile pour maîtriser l'épidémie. C'est à eux d'en faire le choix. Et si les responsables de cafés, hôtels et restaurants considèrent que StopCovid peut les aider à ne pas fermer leurs établissements, il faut aussi qu'ils nous aident à ce que les gens téléchargent ou activent StopCovid. En effet, les gens téléchargent StopCovid, mais ne savent pas que lorsque l'on ferme l'application, elle n'est plus utile.

Nous allons vivre avec ce virus pendant longtemps. Pour relancer un outil « insuffisamment bien parti », si vous me permettez cet euphémisme, nous avons besoin d'une manoeuvre collective. Mardi dernier, un journaliste italien m'a appris que, pour promouvoir l'application Immuni, qui a été téléchargée plus que l'application française, mais encore insuffisamment pour être utile, les journaux italiens s'étaient mobilisés afin d'offrir au Gouvernement une page de publicité, car ils considéraient que c'était utile. Cela n'est pas un appel de ma part, mais si nous considérons collectivement que StopCovid est utile, il faut que le mouvement soit collectif. La parole politique n'est plus toujours performative : ce n'est pas parce que le ministère de la santé fait sa part du travail en rappelant systématiquement qu'il est utile de télécharger StopCovid, qu'en bout de chaîne les jeunes, les personnes âgées, les personnes concernées qui vont dans les bars et les restaurants vont effectivement la télécharger...

Le Premier ministre a été clair. Les gens ne voient pas très bien à quoi sert StopCovid quand ils portent un masque, quand ils sont seuls dans leur bureau ou avec toujours les deux ou trois mêmes personnes. Mais StopCovid est particulièrement utile lorsque vous allez au bar, au restaurant, dans une soirée entre amis non autorisée, que vous ne portez pas de masque et que vous ne savez pas forcément à côté de qui vous êtes. Ce sont des cas de figure que le Premier ministre rencontre assez peu : c'est ce qu'il a essayé d'expliquer. Il faut bien rappeler dans quelles occasions StopCovid est utile, afin, le cas échéant, de réactiver l'application en entrant dans un restaurant. Les restaurateurs doivent nous aider à le rappeler, cela nous évitera de prendre les mesures que nous sommes obligés de prendre.

Sur la question du coût de l'application, le sujet est un peu complexe. Je ne voudrais pas vous dire de bêtises... L'État français n'a rien payé au cours de la phase de développement, du 8 avril au 2 juin 2020, ainsi que j'avais eu l'occasion de vous l'indiquer lors de mes passages devant les commissions du Sénat, ainsi qu'en séance publique. Pour le même travail, les Allemands ont déboursé 20 millions d'euros et les Anglais quelques millions de livres. À partir du 2 juin 2020, le ministère de la santé est en première ligne en tant que responsable du traitement de l'application et financeur du projet. Un accord-cadre d'assistance à maitrise d'oeuvre pour le déploiement, l'infogérance, l'exploitation, l'hébergement, le maintien en conditions opérationnelles de sécurité, le support utilisateurs, l'animation du déploiement et des usages et la maintenance évolutive a été signé entre la direction générale de la santé et l'Inria. C'est dans ce cadre contractuel que l'équipe projet fonctionne, avec un accord de consortium entre les acteurs privés engagés dans le déploiement de l'application : Outscale qui est une filiale de Dassault Systèmes, Capgemini, Lunabee, Orange et Withings qui est spécialiste des objets connectés.

Il ne m'est pas possible de vous donner un chiffre, car nous n'avons à ce jour versé que des avances, sans facturation au réel. Je ne peux donc vous donner que le montant des autorisations-plafonds prévues dans le cadre du marché ; ce sont des plafonds qui ont été pensés afin de nous conserver une marge très importante qui nous permette, par exemple, de déployer de nouvelles fonctionnalités. Nous serons donc probablement à un quart ou la moitié des plafonds que je vais vous indiquer. C'est ainsi que pour les quatre premiers mois d'exploitation, du 2 juin 2020 au 31 septembre 2020, ce plafond s'établit à 206 000 euros. Les premières factures seront émises en octobre pour ces premiers mois d'exploitation. Mais je ne voudrais pas faire d'erreur...

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous pouvez nous répondre par écrit si vous le souhaitez.

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Pardon, je viens de me tromper dans les chiffres. Sur cette période, le plafond est de 86 000 euros par mois, donc on peut retenir, en gros, à ce stade, un plafond d'environ 100 000 euros par mois. Sachez que Capgemini, qui est le maître d'oeuvre du projet, travaille gratuitement jusqu'à la fin du mois d'octobre. Nous avons lancé un appel d'offres afin de désigner un nouveau chef de projet dans les règles des marchés publics. Ce plafond devrait donc augmenter, sans toutefois exploser, pour s'établir autour de 200 000 euros par mois.

Le développement de l'application ne nous a donc rien coûté ; le coût de l'entretien et du suivi est de 100 000 à 200 000 euros par mois. L'Allemagne a dépensé 20 millions d'euros pour le développement et 3 millions d'euros par mois pour le fonctionnement : les chiffres sont publics. Comment la France a-t-elle été capable de réaliser cela ? Grâce à l'Inria qui assure toute une partie de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage et car nous avons le savoir-faire. Alors que les Allemands ont choisi de sous-traiter à SAP et Deutsche Telekom. Pardon de ne pas pouvoir être plus précis, je vous répondrai plus précisément par écrit.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous nous avez dit avoir lancé StopCovid à un moment où l'on pensait que l'épidémie était terminée. Est-ce bien cela ?

Vous nous avez également dit : « On n'est pas à une semaine près. » Cela me trouble : aujourd'hui on relance des plans blancs ! On a peut-être pris trop de retard en se le disant.

Il y a eu, dans certains pays, à la fois de la confiance dans les gouvernants et une vraie application. C'est le cas à Taïwan et en Corée du Sud qui sont certes de cultures différentes, mais aussi en Allemagne. L'application allemande coûte peut-être plus cher que la nôtre, mais le coût global de l'épidémie sera certainement inférieur en Allemagne qu'en France.

M. Cédric O, secrétaire d'État. - J'ai dit que nous avions lancé l'application à un moment où une partie des Français pensait que l'épidémie était terminée et la crainte était moins présente qu'elle ne l'est aujourd'hui. Bien évidemment, nous ne pensions pas que l'épidémie était terminée.

Pourquoi ai-je dit que nous n'étions pas à une semaine près ? Je suis persuadé que nous n'aurons pas deux fois une deuxième chance : nous devons savoir exactement ce que nous voulons faire si nous voulons relancer StopCovid et quelles sont les modifications techniques que nous voulons y apporter. Il faut plusieurs semaines pour développer des fonctionnalités grand public sur une telle application. Nous avons également besoin des retours d'expérience des pays où cela a marché. Nous avons été les premiers en Europe à lancer une telle application ; des équipes ont travaillé jour et nuit pour le lancement le 2 juin. Alors que le Président de la République, le Premier ministre et Olivier Véran rappellent que cette application est utile dans la lutte contre l'épidémie, nous ne sommes pas en train de nous tourner les pouces !

La réussite des applications, c'est l'exception, ce n'est pas la règle. L'exemple allemand est un bon exemple. En Corée du Sud, la culture est très différente. Je préfère que nous prenions le temps, afin de mettre toutes les chances de notre côté et que ce deuxième lancement réussisse.

Mme Angèle Préville. - On note un manque de coordination avec les autres pays de l'Union européenne. Pourquoi a-t-on loupé le coche ? Nous avons manqué de vitesse dans notre réponse au phénomène. L'Allemagne et la Grande-Bretagne étaient prêtes.

J'ai du mal à comprendre ce que vous dites sur le coût.

Vous nous avez indiqué que les gouvernements anglais et allemand ne connaissaient pas le nombre de notifications. Mais l'objectif est-il de connaître le nombre de notifications ou que chacun reçoive sa notification et puisse agir en conséquence ?

Je reviens sur un point que j'avais déjà évoqué lors du débat au Sénat : une solution parfaitement anonyme n'est pas atteignable. Imaginons une personne âgée seule chez elle, avec comme seule visite celle de son aide-ménagère. Si elle est positive, elle va penser que c'est son aide-ménagère qui l'a contaminée, alors que la contamination a pu s'opérer par le biais d'un emballage plastique à l'occasion d'une livraison de nourriture au domicile. Il peut y avoir des fuites d'information. Quid de ces cas particuliers ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Sur la vitesse de réponse, nous avons été les premiers à sortir une application, bien avant les Allemands et les Anglais : la première application disponible en Europe a été l'application française ! L'application anglaise ne sort que maintenant, soit trois mois plus tard. Notre non-réussite s'explique par de nombreuses raisons, mais pas par la question de la rapidité de la réponse.

Sur la coordination, notre choix était binaire : soit nous choisissions de nous coordonner et de faire appel à Apple et Google, soit nous décidions de rester souverains. En outre, la valeur ajoutée d'une telle coordination est limitée, à l'exception de la question des voyages internationaux et des travailleurs transfrontaliers. Si je dois aller voir mon homologue allemand en Allemagne, je téléchargerai l'application allemande. Quant aux travailleurs transfrontaliers, ils ont deux applications, ce qui ne semble pas dirimant en termes d'expérience utilisateur. Nous ne nous sommes pas coordonnés, car nous ne souhaitions pas travailler avec Apple et Google.

Les Allemands et les Anglais ne savent pas si leur application fonctionne, même si elle est très téléchargée. Cela pose un problème démocratique : il s'agit de données de santé, et personne ne sait ce qui se passe. Et il ne s'agit pas d'entreprises dont le track record en matière de protection de la vie privée est exceptionnel. Or la CNIL allemande ne peut pas ouvrir la boîte de l'application... En France, la CNIL est venue voir et je suis en mesure de vous dire que notre dispositif ne marche pas très bien. En Allemagne, si, sur les 17 ou 18 millions de personnes qui ont téléchargé l'application, une seule reçoit une notification, personne ne le saura. Pour la représentation nationale, cela me semble problématique, surtout si vous payez 20 millions d'euros pour le développement et 3 millions d'euros par mois pour le fonctionnement sans savoir si cela marche. Le choix français me semble se justifier, même s'il est légitime que ce choix soit questionné.

S'agissant d'éventuelles fuites d'informations techniques, nous avons mis en place toutes les sécurités possibles : l'ANSSI est à bord et le niveau de sécurité est extrêmement fort. Nous avons pris toutes les garanties possibles. S'agissant de la personne âgée qui est seule chez elle, les brigades sanitaires vont devoir remonter les chaines de contamination. La personne âgée que vous évoquez a-t-elle StopCovid ? Je ne suis pas certain qu'il y ait énormément de personnes âgées qui aient StopCovid. Si elle n'a rencontré qu'une seule personne dans les sept derniers jours, il est probable que cette personne l'ait contaminée.

Mme Victoire Jasmin. - Après que votre collègue porte-parole du Gouvernement a parlé d'une nécessaire « acculturation scientifique » des Français, voici qu'à votre tour vous faites comme si les Français ne pouvaient pas comprendre StopCovid, et que ce serait la source du problème. Mais imaginons, imaginez l'inverse, une minute au moins : les Français n'ont-ils pas plutôt une culture scientifique suffisamment poussée pour se méfier d'une application dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a été lancée dans la cacophonie ? Ensuite, n'avez-vous pas une façon bien hasardeuse d'engager des dépenses publiques ? Vous dites avec fierté que, entre le 8 avril et le 2 juin, l'État français n'a rien dépensé pour cette application, mais justement, cette mobilisation n'aurait-elle pas été plus utile là où il y avait le plus d'urgence, par exemple à l'hôpital, auprès des équipes soignantes ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Qu'il y ait eu des doutes envers l'application, j'en conviens parfaitement, et je constate - avec vous ? - que les questionnements et la polémique ont pu créer de la méfiance. La réponse a été que la CNIL a fait un contrôle sur pièces et sur place, et qu'elle a jugé que le dispositif était parfaitement conforme au RGPD, moyennant quelques petites modifications.

Sur la dépense publique, je ne suis pas d'accord avec vous : les entreprises ont travaillé pro domo entre avril et juin, estimant qu'il était de leur devoir mettre leur personnel à disposition de la nation face à l'urgence. Plus de 200 personnes ont été impliquées, il faut les en remercier. Ce n'est pas rien que des entreprises aient mis à disposition des salariés gratuitement, pour aider l'État à développer une application...

M. David Assouline. - Qui ne sert à rien...

M. Cédric O, secrétaire d'État. - On verra ce qu'il en est, monsieur Assouline - et comme on dit chez moi, c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses...

En tout état de cause, après cette période de mobilisation exceptionnelle face à l'urgence, on entre, avec les entreprises concernées, dans un processus contractuel plus normal, c'est sain - et je crois qu'il faut remercier les entreprises de l'effort qu'elles ont fait face à l'urgence.

M. René-Paul Savary. - Je prolongerai ce que vient de dire ma collègue : par deux fois, vous dites que les Français ne comprennent pas StopCovid, comme si c'était leur faute que l'application ne soit pas populaire. Mais ne pensez-vous pas que les Français, qui expriment une méfiance vis-à-vis du monde politique, nous le savons tous, subissent aussi la défiance que le Gouvernement leur témoigne ? L'un de vos collègues a parlé « d'acculturisme politique », c'est tout à fait extraordinaire... La vérité, et c'est un médecin qui vous parle, c'est que pour fonctionner bien, une relation a besoin de confiance : si le Gouvernement avait confiance dans le peuple, cela règlerait bien des choses.

Ensuite, j'ai fait installer StopCovid sur mon portable, et j'ai eu la mauvaise surprise de voir que cette application consommait toute ma batterie - alors, je l'ai désinstallée, pour la remettre après. Et ce que l'on entend ici et là, c'est que cet outil pêche par manque d'interactivité : cette application est incomplète, on l'installe puis on l'oublie parce qu'elle ne vous fait aucune notification, elle ne délivre aucune information. Pourquoi n'informerait-elle pas sur l'état de l'épidémie, sur les consignes en cas de symptômes ?

Vous convenez que la CJCE a mis au jour un problème de confidentialité avec des acteurs américains, mais vous vous accommodez de ce que Microsoft héberge StopCovid : dès lors, les données de santé, que StopCovid est censée ne conserver que six mois, n'appartiennent-elles pas de fait aux Américains ? Que vont devenir les données de santé qui auront été collectées ? Quelles garanties avez-vous sur ce qu'elles deviendront ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Quand je dis que les Français ne comprennent pas suffisamment StopCovid, je ne porte aucun jugement, je ne fais que constater ce qu'ils nous disent dans les sondages : à la question de savoir pourquoi ils n'y recourent pas davantage, ils répondent qu'ils ne comprennent pas cette application. Il n'y a donc nul jugement, nulle qualification dans mon propos, mais un simple constat pratique.

L'idée que StopCovid consommerait beaucoup la batterie est fausse : cette application utilise moins de 1 % de la batterie, je vous invite à regarder dans les réglages de votre téléphone, vous y verrez la confirmation de ce que je dis.

Les données de santé recueillies n'appartiennent pas aux Américains, aussi bien celles de StopCovid que de l'établissement des données de santé. Ce qui se passe, c'est que la CJCE a estimé qu'il y avait un risque juridique, dès lors que la justice américaine pourrait saisir des données de manière extraterritoriale, en particulier pour les pays qui ont recours à des opérateurs américains. Pour ce qui nous concerne, les données sont hébergées par des entreprises françaises, la conception et la réalisation de StopCovid n'impliquent que des entreprises françaises - autre chose est la situation des pays qui ont recouru à Google et à Apple.

Mme Laurence Cohen. - L'interopérabilité peut être de trois sortes : technique, syntaxique et sémantique ; pour le médical, on utilise la terminologie définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Or, une société britannique, Snomed International, a développé une base de données de l'ensemble des lexiques utilisés dans la médecine, avec l'ambition de devenir un langage d'échange universel dans les professions de santé ; sa licence est certes en libre accès, gratuite, mais elle comporte des restrictions qui rendent la terminologie difficilement utilisable en recherche. J'ai été alertée par des chercheurs, qui s'inquiètent d'une privatisation de ce bien commun qu'est la santé. Que pensez-vous de cette société, quels garde-fous pensez-vous utiles à mettre en place pour éviter ce risque de privatisation ?

Ensuite, au nom de la souveraineté numérique, vous avez refusé de lier StopCovid à Apple ou Google, mais, pour les données recueillies sur la plateforme Health Data Hub, vous avez recouru à Microsoft, qui en assurera l'hébergement : des associations de soignants, des médecins, des chercheurs s'inquiètent de ce choix pour les données de santé. Il y a des alternatives. Que pensez-vous, en particulier, de l'idée d'un grand service public des données de santé, associant les organismes de sécurité sociale, de recherche publique, les entreprises nationales - un service public qui, en plus de sécuriser les données de santé, encouragerait le développement industriel et participerait à la souveraineté numérique de notre pays, dans un cadre de coopération européenne ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je ne connais pas l'entreprise que vous citez, Snomed, aussi vous répondrai-je par écrit.

Sur le choix de Microsoft comme hébergeur de l'entrepôt des données de santé, je veux souligner qu'au moment où le projet a été établi, début 2018 de mémoire, les Américains étaient les seuls qui pouvaient répondre à nos nécessités ; bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis lors, le cadre juridique a été modifié, nous allons pouvoir faire évoluer le dispositif.

Mme Laurence Cohen. - Je partagerai avec mes collègues la réponse écrite que vous me ferez sur la société britannique Snomed.

Je voudrais être sûre d'avoir bien compris votre réponse à ma deuxième question : vous dites que le recours à Microsoft pour l'hébergement des données de santé résulte d'un manque de choix lors du lancement du projet, mais que les choses ont changé depuis et que vous travaillez à des solutions nouvelles : étant d'un tempérament optimiste, ai-je raison d'entendre que la constitution d'un grand service public des données de santé est une alternative que vous allez examiner ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - La question qui se pose aujourd'hui est celle de l'infrastructure. L'entrepôt des données de santé est sous maîtrise publique, ses équipes et sa gouvernance sont publiques, avec l'ensemble des hôpitaux publics - et le choix du Gouvernement est bien de maintenir le caractère public de cet entrepôt. En revanche, l'un des outils que nous utilisons est américain, j'ai dit pourquoi, et nous envisageons de recourir à un outil européen, toujours avec des règles strictes et très claires sur l'usage des données recueillies. Nous avons d'ailleurs tout un travail de regroupement à faire, car ces données sont encore éparpillées et nous allons les protéger par des règles claires. En tout état de cause, dès lors qu'il n'y a pas d'entreprise publique qui propose du cloud, l'entrepôt des données de santé aura recours à une entreprise privée, dans des conditions strictement définies, avec des règles claires, pour apporter toutes les garanties juridiques.

Mme Michelle Meunier. - Nous sommes désormais en mesure de faire un bilan à six mois de cette application StopCovid et l'on doit constater le peu d'enthousiasme de nos compatriotes pour s'en servir : avec le recul, que feriez-vous de mieux ? Vous nous dites vouloir développer l'application, en prenant l'exemple des restaurateurs. Mais avez-vous au moins contacté l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie ? Les associations de consommateurs ? Comment comptez-vous vous allier plus de monde ? Ce que l'on voit surtout, c'est qu'à l'entrée des restaurants on doit écrire ses coordonnées sur une feuille avec un stylo, bien loin des technologies numériques dont vous nous parlez...

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Que faire de plus ? Je fais mienne l'idée exprimée par votre collègue René-Paul Savary, de développer l'interactivité de StopCovid, nous y travaillons pour qu'elle donne, par exemple, de l'information sur l'épidémie dans son département de résidence, sur les consignes en cas de symptômes ou de suspicion de covid-19 autour de soi. C'est ce que fait l'application anglaise, mais pas celle qui est développée par nos voisins allemands. En réalité, si nous n'avons pas voulu d'interactivité au départ, c'est que, dans le contexte de débats vifs où nous avons lancé StopCovid, nous avons choisi de cantonner cette application à son strict rôle de contact tracing. Il faut développer l'usage de StopCovid. Dans le protocole des restaurateurs franciliens, nous avons recommandé le recours à cette application, il faut que cela se mette en place, aussi bien dans les restaurants que dans les bars et les magasins. Il faut une volonté collective de relancer StopCovid - je ne me défausse pas de la responsabilité du Gouvernement, mais c'est collectivement que nous y arriverons.

M. David Assouline. - Vous nous dites que les équivalents de StopCovid n'ont de succès nulle part, alors pourquoi vous obstiner ? La question n'est pas celle d'une culture française qui serait celle de la méfiance, mais plutôt celle de la responsabilité politique du Gouvernement : quand on a expliqué que les masques ne servaient à rien, puis qu'on les impose aux Français, il y a de quoi faire douter nos compatriotes ; quand on dit qu'il faut tracer, tester et isoler, mais que rien n'est prêt ensuite, c'est-à-dire qu'il faut faire des files interminables pour se tester, qu'on doit ensuite en attendre les résultats huit jours, que l'appel des cas contact n'est pas rigoureux et qu'il n'y a aucun moyen d'isolement, on comprend que la confiance ne soit pas au rendez-vous ! Si StopCovid ne marche pas, c'est bien de votre responsabilité. Quand une entreprise lance un produit sur le marché et qu'il ne rencontre pas son public, on ne dit pas que c'est la faute du client, on cherche ce qui ne va pas dans le produit. Il faut donc bien que vous regardiez du côté de ce que vous faites, que vous vous posiez la question de votre responsabilité dans le manque de confiance de nos compatriotes envers votre action, plutôt que de dire qu'ils ne comprennent pas et qu'ils ont une culture de la méfiance. Nous sommes au coeur d'un sujet décisif. Un grand nombre de citoyens, en France et dans bien d'autres pays, s'inquiètent du pillage massif de leurs données personnelles, on sait maintenant que toutes nos actions, nos paroles mêmes peuvent donner lieu à une exploitation commerciale par la manipulation des données à une échelle de masse - il y a donc un enjeu éthique, politique, qui exige de la transparence et une forte confiance dans le Gouvernement.

Il n'y a pas de situation plus favorable qu'une épidémie, en quelque sorte, pour travailler à cette confiance, car les Français, face à la menace, sont prêts à sacrifier temporairement bien de leurs libertés pour ne pas tomber malades, ils sont a priori plutôt disposés à télécharger une application s'ils perçoivent qu'elle les aidera à ne pas tomber malades et si elle leur inspire de la confiance. Pourquoi ne le font-ils pas, malgré la crainte de la maladie ? Quand allez-vous assumer que vous avez une part de responsabilité et que vous vous y êtes peut-être mal pris ?

Vous m'avez répondu, à une remarque que je faisais en aparté, que c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses. Mais les Français sont nombreux à se poser la question de votre responsabilité. Et ne me dites pas que je ne fais que regarder dans le rétroviseur : je prône l'engagement dans la révolution numérique, mais je suis convaincu qu'il faut considérer tous les enjeux, en particulier l'enjeu éthique, je crois qu'il faut rassurer, considérer les moyens de la confiance. À quoi servent les incantations si les moyens ne suivent pas, si l'on ne peut pas se tester ni obtenir les résultats rapidement, si l'on ne peut pas isoler les malades à l'hôtel dans des conditions décentes ? Il faut aussi de la stabilité dans les annonces et dans l'action, la confiance passe par là.

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Le Gouvernement et moi-même assumons la responsabilité de l'insuffisance du téléchargement de StopCovid. Si je vous ai donné l'impression de me défausser, c'est une erreur de ma part, car il faut de la pédagogie, des explications et de la clarté.

Oui, et j'en prends toute ma part de responsabilité, cette application n'a pas suffisamment rencontré son public.

M. Martin Lévrier. - L'application est-elle insuffisamment téléchargée parce que nos concitoyens se considèrent non pas comme des victimes mais comme des coupables ?

Le système centralisé que vous avez proposé est le moins mauvais parmi ceux qui existent, et en tout cas le plus rapide. Travaillez-vous avec nos partenaires européens sur la mise en place d'une application commune, qui serait de nature à augmenter la confiance du public ?

M. Cédric O, secrétaire d'État. - Vous m'interrogez sur la logique « victime/coupable ». Nous avons veillé à préserver au maximum la vie privée et à laisser aux Français leur libre arbitre quant au téléchargement de StopCovid. Il ne sera jamais question de la rendre obligatoire. Une seule personne doit y avoir accès : un employeur qui tenterait de consulter l'application de l'un de ses employés, par exemple, serait passible de poursuites pénales ; cette interdiction s'applique aussi aux cafetiers et aux restaurateurs.

Si vous êtes malade et que vous envoyez la notification à vos contacts, personne ne sait qu'il s'agit de vous ! À l'inverse, si vous recevez une notification, vous n'avez aucun moyen de savoir d'où vient celle-ci. La décision de se faire tester ensuite relève de la responsabilité individuelle.

Il me semble qu'il est trop tard pour discuter avec nos partenaires européens, car ce débat est derrière nous : 15 millions de Britanniques et 18 millions d'Allemands ont téléchargé leur application. Il y aura donc au final deux applications différentes, puisque celles-ci sont par essence non interopérables. C'est dommage à divers titres, mais je reste persuadé que nous avons fait les bons choix.

M. Alain Milon, président. - Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'État, et vous souhaitons bon courage pour la suite.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 16 h 5.