Mardi 7 février 2023

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 8 h 45.

Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables - Examen des amendements au texte de la commission mixte paritaire

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons pour la dernière fois le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables avant de nous retrouver cet après-midi en séance publique pour son adoption définitive.

Je me félicite qu'un accord ait été trouvé entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur ce texte indispensable à la préservation de notre souveraineté énergétique et à l'atteinte de nos objectifs climatiques.

Ce texte est le fruit d'un travail qui a duré plusieurs mois au sein de notre assemblée. Je remercie notre rapporteur, Didier Mandelli, qui n'a pas ménagé ses efforts ni son énergie. Ce texte résulte d'un compromis en CMP avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Compte tenu des modifications importantes apportées sur le fond, des ajustements de portée technique sont apparus nécessaires pour garantir la bonne application du texte. Tel est l'objet des 18 amendements du Gouvernement que nous devons examiner et qui ont précédemment été adoptés par l'Assemblée nationale, le 31 janvier. Je rappelle que l'article 45 de la Constitution dispose qu'aucun amendement n'est recevable au texte élaboré au texte de la CMP, sauf accord du Gouvernement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 1er bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

11

Coordination rédactionnelle avec l'article 1er

Favorable

Article 1er ter

Le Gouvernement

13

Coordination juridique

Favorable

Le Gouvernement

12

Coordination rédactionnelle avec l'article 3

Favorable

Article 1er quinquies A

Le Gouvernement

15

Coordination rédactionnelle vis-à-vis du droit européen

Favorable

Article 3

Le Gouvernement

6

Coordination rédactionnelle et correction d'erreurs de référence

Favorable

Article 4

Le Gouvernement

14

Correction d'une erreur de référence

Favorable

Article 5

Le Gouvernement

16

Introduction d'un renvoi à un décret en Conseil d'État pour préciser les conditions d'application de l'obligation de notification des recours

Favorable

Article 6 bis A

Le Gouvernement

2

Coordination rédactionnelle avec l'article 1er

Favorable

Article 6 bis B

Le Gouvernement

3

Coordination rédactionnelle avec l'article 1er

Favorable

Article 6 bis

Le Gouvernement

4

Coordination juridique

Favorable

Article 6 ter C

Le Gouvernement

5

Coordination rédactionnelle

Favorable

Article 11 bis

Le Gouvernement

17

Clarification rédactionnelle

Favorable

Article 11 ter

Le Gouvernement

18

Précision rédactionnelle

Favorable

Article 11 decies

Le Gouvernement

1

Précision rédactionnelle et correction d'erreurs de référence

Favorable

Article 16 nonies

Le Gouvernement

9

Correction d'une erreur de référence

Favorable

Article 16 duodecies

Le Gouvernement

8

Correction d'une erreur de référence

Favorable

Article 17

Le Gouvernement

10

Correction d'une erreur de référence

Favorable

Article 18

Le Gouvernement

7

Précision rédactionnelle

Favorable

La réunion est close à 9 h 55.

Mercredi 8 février 2023

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 10 h 35.

Audition de Mme Laure de la Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Mme Laure de la Raudière, qui assure la présidence de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) depuis deux ans, presque jour pour jour.

Madame la présidente, nous avions eu l'occasion de vous entendre en mars 2021, peu après le début de votre mandat. Vous nous aviez alors fait part de l'avancée des programmes de déploiement des réseaux numériques, s'agissant du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile. Bien entendu, en deux ans, l'aménagement numérique a beaucoup évolué, avec l'accélération du déploiement des réseaux et la publication récente du plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange.

Dans un premier temps, je souhaiterais faire un point d'étape sur la couverture en fibre optique du territoire : pouvez-vous nous indiquer où en est le déploiement de cette technologie - au regard de l'objectif de généralisation de la fibre prévue pour 2025, en distinguant entre la zone très dense, la zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement, dite « zone Amii », et les réseaux d'initiative publique ?

S'agissant de la zone Amii, notre commission alerte, depuis plusieurs années, sur les retards pris par Orange et SFR dans les déploiements. L'opérateur historique s'était engagé à rendre raccordables, d'ici à la fin de 2020, 100 % des locaux des communes sur lesquelles il s'était engagé. Or, comme l'a déploré, cet automne, notre rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, Jean-Michel Houllegatte, non seulement cet objectif n'était atteint qu'à 87 % en fin d'année 2022, mais on constate un ralentissement préoccupant des déploiements dans cette zone.

Comment la société Orange justifie-t-elle une telle situation et où en est la procédure de mise en demeure lancée à son égard par l'Arcep ? Face à la persistance de ces retards, ne faudrait-il pas envisager de passer à l'étape des sanctions ? La réaction d'Orange ne s'est en tout cas pas fait attendre, puisque, selon nos informations, l'opérateur aurait saisi le Conseil d'État début février, afin de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l'encontre du pouvoir de sanction de l'Arcep, comme il l'avait déjà fait en 2019, avant de se rétracter. Faut-il y voir une volonté de déstabiliser le régulateur, voire une remise en cause des objectifs assignés par le Parlement et le Gouvernement en matière d'aménagement numérique du territoire ?

Je souhaite également aborder la question de la fermeture du réseau cuivre d'Orange, sujet indissociable du déploiement de la fibre et qui gagnera sans doute en ampleur dans les prochaines années. Je rappelle que, depuis 2020, des expérimentations sont conduites par Orange dans plusieurs communes en vue de la fermeture du réseau cuivre. Quels enseignements tirez-vous de ces expériences, notamment s'agissant du rôle de facilitateur que peuvent jouer l'État et les élus locaux dans la conduite de cet ambitieux projet ?

En décembre dernier, le premier lot de 162 communes dans lesquelles le processus de fermeture sera engagé dès 2023 a été rendu public. Or la complétude du réseau fibre n'est pas assurée dans l'intégralité de ces communes, alors qu'il s'agit d'un préalable à la fermeture du réseau cuivre : serons-nous en mesure de respecter les calendriers de fermeture envisagés ?

Enfin, en attendant l'extinction totale du cuivre, prévue à horizon 2030, l'entretien de cette infrastructure demeurera un point d'attention majeur pour les territoires. Si le déploiement de la fibre avance bien à l'échelle nationale, de fortes disparités territoriales demeurent. Selon le rapport de France Stratégie de janvier 2023 sur le plan France Très Haut Débit, certains départements à dominante rurale, notamment l'Ardèche, la Dordogne ou encore la Nièvre, dépendent toujours à plus de 25 % du réseau cuivre. Des problèmes de qualité de service ont régulièrement été déplorés sur ce réseau au cours des dernières années : où en sommes-nous aujourd'hui ? Avons-nous la garantie qu'Orange maintiendra ses investissements dans l'entretien du réseau à un niveau suffisant, malgré la décroissance tendancielle du nombre d'abonnés ADSL ? Il est capital que l'Arcep joue pleinement son rôle de vigie sur ce sujet.

Mme Laure de la Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre accueil. J'évoquerai des enjeux qui concernent le quotidien des Français : disposer d'un accès à internet à très haut débit et d'un service postal fiable, ou trouver son journal préféré chez son marchand de journaux.

Je suis venue accompagnée de deux membres du collège de l'Arcep, Serge Abiteboul et Joëlle Cottenye, ainsi que de Cécile Dubarry, directrice générale, et Virginie Mathot, conseillère.

Tout d'abord, avant de répondre à vos questions, monsieur le président, je souhaite évoquer les deux autres secteurs régulés par l'Arcep.

Dans le domaine de la distribution de la presse papier, dont la régulation a été confiée à l'Arcep fin 2019, juste avant la faillite de Presstalis, le contexte est difficile, du fait d'un changement des usages - la vente des sept principaux journaux quotidiens a chuté de 37 % entre 2019 et 2022 - et du contexte économique actuel, avec la hausse du prix du papier. Les chantiers sont nombreux : mise en oeuvre effective de l'accord sur les règles d'assortiment, rémunération des marchands de presse ou mise en place de la comptabilité réglementaire.

Dans un contexte de fragilité de la filière, il faut vraiment que les acteurs réfléchissent à une amélioration et à une optimisation de leur organisation, permettant de garantir la pérennité de la distribution de la presse.

Quant à La Poste, elle fait face à une réduction de son activité historique de distribution du courrier. La baisse de cette activité a coûté 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021. Dans ce contexte, l'équilibre économique du service universel postal est remis en cause. Le Parlement nous a d'ailleurs confié une nouvelle mission dans la loi de finances pour 2022, à savoir l'évaluation du coût net du service universel postal.

Nous avons constaté une absence de surcompensation : le coût du service est, en effet, estimé à 1,6 milliard d'euros, alors que le versement de l'État a représenté 520 millions d'euros au titre de l'année 2021.

Nous avons aussi rendu, cette année, des avis sur la nouvelle gamme des services inclus dans le service universel, lancés par la Poste en janvier 2023.

Concernant les enjeux de la régulation du secteur des télécommunications, j'évoquerai tout d'abord le New Deal mobile. Ce changement de paradigme dans l'attribution des fréquences, sous l'impulsion politique des élus, a été l'engagement de tous : Gouvernement, Arcep, opérateurs et collectivités. Cela fonctionne bien.

La première obligation est le dispositif de couverture ciblée. Sur les 5 000 sites à déployer par opérateur, 1 786 sites, quadri-opérateurs pour 90 % d'entre eux et choisis par les collectivités, avaient été mis en service au 30 septembre 2022.

Le New Deal mobile, c'est aussi la montée en débit sur certaines zones où la fibre n'est pas encore déployée, la généralisation de la technologie 4G sur tous les sites mobiles des opérateurs, l'obligation de fournir une solution d'appel sur wifi, l'obligation de couverture des axes routiers prioritaires ou encore l'exigence de qualité de service dans les obligations générales des opérateurs. Ces deux dernières obligations conduiront à l'implantation de nombreux nouveaux sites.

Concernant la 5G, après les inquiétudes citoyennes et politiques apparues en 2020 et 2021, les concertations et débats organisés par les collectivités ont permis d'apaiser la situation, et les opérateurs sont aujourd'hui en phase avec leurs obligations de déploiement.

Parallèlement, la fibre est devenue le réseau d'accès à internet de référence pour les Français, puisque, en 2022, la barre de 50 % des abonnements à internet haut débit et très haut débit a été franchie. Le nombre de locaux raccordables à la fibre approche aujourd'hui les 80 %.

Plus précisément, le taux de déploiement de la fibre est de 90 % dans les zones très denses ; à 88 % dans les zones Amii ; d'environ 62 % dans les zones RIP ; et de 41 % dans les zones Amel (appels à manifestation d'engagements locaux).

Le plan France Très Haut Débit est un succès collectif, comme le souligne France Stratégie dans son récent rapport d'évaluation, qui met en avant plusieurs facteurs clés de succès. Tout d'abord, la stabilité dans le temps du cadre réglementaire mis en place dès 2009 a apporté une prévisibilité essentielle aux investissements des acteurs privés comme des acteurs publics. C'est le fruit d'un choix de régulation résolument tourné vers l'investissement, pour permettre l'aménagement numérique des territoires. Ensuite, la gouvernance du plan a associé tout le monde : Gouvernement, Arcep, parlementaires, collectivités et opérateurs, comme pour le New Deal mobile, même si le contexte est différent. Le succès du plan France Très Haut Débit traduit des efforts industriels et humains tout à fait remarquables de la part des opérateurs et des collectivités, efforts que je veux saluer.

Dans ce contexte, quelles sont nos priorités pour les années à venir ?

La qualité de service sur la fibre a sans doute été ma priorité lorsque j'ai été nommée, voilà deux ans, présidente de l'Arcep. Si le volume des déploiements atteignait des niveaux record à l'époque, je recevais chaque semaine des courriers d'élus me faisant part de situations invraisemblables et inacceptables rencontrées par nos concitoyens. Une telle situation m'a conduite à prioriser les travaux sur ce sujet. En 2021, les opérateurs n'avaient toujours pas mis en place les processus de contrôle ni les outils permettant de tracer les interventions effectuées sur les réseaux et d'identifier les responsables des malfaçons et des dégradations. C'était « ni vu ni connu » pour celui qui débranchait un client pour rebrancher le sien.

Les opérateurs étaient dans un certain déni de l'importance du sujet. À son habitude, l'Arcep a objectivé la situation. Certains réseaux, qui représentent environ 2 % du parc des lignes fibre, concentrent les incidents. Deux opérateurs d'infrastructures sont concernés : Altitude, pour les anciens réseaux Tutor et Covage, dans l'Essonne et le Calvados ; et XpFibre, pour certains réseaux en Île-de-France et dans le Rhône. À l'automne 2022, ces deux opérateurs nous ont présenté des plans de reprise complète des réseaux concernés. L'Arcep effectue le suivi de ces plans de reprise, afin de veiller au respect par les opérateurs des engagements pris. Les premiers travaux réalisés montrent quelques améliorations.

Ensuite, à la demande de l'Arcep et du Gouvernement, la filière a remis un plan d'action, en septembre dernier, pour améliorer la qualité des réseaux fibre. Ce plan inclut la mise en place d'outils et de processus permettant un réel contrôle des interventions sur le terrain, l'engagement d'avoir des techniciens qualifiés et formés pour assurer le travail correctement, ainsi que la remise en état des infrastructures dégradées au fil de l'eau.

La mise en oeuvre de ce plan par la filière est en cours. L'Arcep en assure un suivi et sera particulièrement vigilante quant à son exécution. Cet enjeu de qualité et de service nous paraît fondamental, parce qu'il n'est pas acceptable que la promesse technologique et les investissements massifs réalisés soient ternis par des pratiques non professionnelles.

Cet enjeu est aussi important dans la perspective de la fermeture du réseau cuivre par Orange, projet structurant pour l'ensemble de la filière et pour les Français. En effet, pour permettre et réussir la fermeture du réseau cuivre, il faut d'abord pouvoir compter sur un réseau fibre bien construit et bien exploité. Il faut aussi que les déploiements des réseaux en fibre optique soient terminés.

Or, autant les déploiements dans les zones d'initiative publique connaissent un rythme soutenu, autant nous constatons un ralentissement inquiétant des déploiements dans les zones très denses et les zones moins denses d'initiative privée, les zones Amii. Cette situation est problématique, car cela prive certains de nos concitoyens du bénéfice de la fibre. Pour rappel, « Amii » signifie « appel à manifestation d'intention d'investissement ». Il s'agit donc bien d'engagements librement consentis par les opérateurs concernés. Comme certains d'entre vous s'en souviennent, ce choix a d'ailleurs été fait à l'encontre de la volonté de certaines collectivités d'assurer le déploiement sur leurs communes.

Par ailleurs, une telle situation fragilise la trajectoire de fermeture du réseau cuivre. En mars dernier, nous avons donc mis en demeure Orange de respecter les engagements pris auprès du Gouvernement, en couvrant 100 % des locaux de la zone Amii, dont 8 % raccordables à la demande. Orange a d'abord contesté cette décision de mise en demeure devant le Conseil d'État, considérant notamment avoir pris un engagement sur un volume de lignes à déployer au sens d'indicateurs statistiques de l'Insee datés.

Dans les faits, la lecture des engagements pris par Orange ne laisse aucun doute quant à leur nature réelle : il s'agit d'un engagement de couverture d'une liste de communes qui doit être complète à une date donnée. C'est d'ailleurs ainsi que l'ont compris toutes les collectivités concernées.

Plus récemment - cette information a été reprise dans la presse hier et aujourd'hui - Orange a déposé une question prioritaire de constitutionnalité portant à la fois sur le pouvoir de sanction de l'Arcep et sur la constitutionnalité de l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, par lequel les engagements pris par Orange auprès du Gouvernement sont juridiquement opposables. En procédant ainsi, Orange demande au Conseil d'État de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel et partant, de surseoir à statuer sur la mise en demeure de l'Arcep dans l'attente de la décision de ce dernier. En réalité, Orange cherche à retarder la décision du Conseil d'État sur la mise en demeure elle-même, voire à faire en sorte que le Conseil d'État soit dans l'incapacité juridique de confirmer celle-ci.

Doit-on comprendre que les engagements d'Orange pris devant le Gouvernement en 2018 n'avaient pas de valeur ? Doit-on comprendre qu'Orange renie ses engagements ? Doit-on comprendre que de nombreux habitants des Sables-d'Olonne, de La Roche-sur-Yon, de Brive-la-Gaillarde et de bien d'autres communes en zone Amii devront attendre la fibre encore longtemps ? Doit-on comprendre qu'Orange défie les objectifs assignés à la régulation par la volonté du Parlement ? Doit-on comprendre, enfin, que, plutôt que de chercher à atteindre des objectifs qu'il s'était lui-même fixés en 2018, Orange préfère tenter d'arracher son sifflet au gendarme des télécoms ? La stratégie d'Orange sur ces déploiements en zone Amii, à l'aube de la fermeture du réseau cuivre, reste un mystère.

Le succès du plan de fermeture du réseau cuivre reposera sur la mise en place effective par Orange d'une gouvernance associant réellement toutes les parties prenantes, dans un esprit de parfaite concertation avec l'opérateur d'infrastructures de la zone, mais aussi avec tous les opérateurs commerciaux et les collectivités concernées. J'aimerais d'ailleurs qu'Orange s'appuie davantage sur les propositions faites par les collectivités quant au choix des communes. Il serait préférable, en effet, de commencer par les communes et les élus les plus motivés. Cela faciliterait grandement les opérations.

De plus, Orange doit partager beaucoup plus les informations dont il dispose, notamment celles qui permettent de réconcilier les adresses de présence du réseau cuivre avec celles du réseau fibre de l'opérateur d'infrastructures, en vue d'une substitution des deux réseaux.

Enfin, il faut veiller à ce qu'une communication neutre et rassurante soit assurée à l'égard des Français concernés par la fermeture du réseau cuivre.

J'en viens au dernier point, la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique au sein des travaux de l'Arcep. Comme le mentionne un rapport du Sénat réalisé en 2021, l'empreinte carbone du numérique représente 2 % de l'empreinte totale en France. Cette proportion peut sembler faible, mais sa croissance est exponentielle, du fait de la multiplication des usages du numérique et des terminaux connectés. Il nous paraît donc essentiel que le secteur du numérique, qui peut, par des services innovants, contribuer à apporter des solutions face aux enjeux climatiques, ne s'exonère pas pour autant des efforts nécessaires pour réduire son empreinte.

C'est pour cela que l'Arcep a ouvert un nouveau chapitre de la régulation, relatif à la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique. En 2020, le Gouvernement a confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et à l'Arcep une mission visant à mesurer l'empreinte environnementale du numérique et à faire un exercice de prospective à échéance de 2030 et 2050. Nous avons remis les conclusions de notre étude, hors travail sur la partie prospective, l'année dernière.

Nous avons constaté que, des trois composantes du numérique incluses dans le périmètre de l'étude, ce sont les terminaux, en particulier les écrans et les téléviseurs, qui sont à l'origine de 65 à 90 % de l'impact environnemental, selon l'indicateur considéré. Parmi tous les impacts environnementaux, l'épuisement des ressources énergétiques fossiles, l'empreinte carbone, les radiations ionisantes liées à la consommation énergétique ainsi que l'épuisement des ressources abiotiques - minéraux et métaux - ressortent comme des impacts prédominants du numérique.

De toutes les étapes du cycle de vie des biens et services considérés, la phase de fabrication est la principale source d'impact, suivie de la phase d'utilisation. Ces deux phases sont souvent responsables de 100 % de l'impact environnemental, selon l'indicateur environnemental considéré.

L'étude confirme le besoin d'approfondir la connaissance sur ce sujet, de collecter des données et de permettre, à terme, l'ouverture de bases de données publiques. Elle confirme aussi la nécessité d'agir sur l'impact environnemental des équipements et matériels, notamment en favorisant l'allongement de la durée d'usage des équipements numériques par le développement du reconditionnement ou de la réparation.

L'étude souligne aussi l'interdépendance entre les réseaux, les centres de données et les terminaux, ce qui justifie des actions pour limiter l'impact environnemental du numérique dans tous les domaines de ce dernier.

Grâce à la proposition de loi sénatoriale votée en décembre 2021 et devenue loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, notre collecte de données environnementales a été élargie à l'ensemble des acteurs du numérique, ce qui nous permettra progressivement d'enrichir notre enquête annuelle intitulée « Pour un numérique soutenable ». Ces résultats nous donneront une vision inédite de l'empreinte environnementale du numérique, qui nous permettra d'informer les citoyens, les acteurs publics et l'ensemble des parties prenantes sur les impacts, mais aussi d'identifier les activités des acteurs susceptibles d'avoir un véritable impact sur l'environnement et, partant, de cibler les actions sur les mesures les plus efficaces en matière d'impact environnemental. Nous souhaitons également suivre l'évolution de ces indicateurs dans le temps pour permettre une évaluation objective des politiques publiques menées en matière de numérique.

Soyez assurés de l'engagement de tous les Arcépiens et de toutes les Arcépiennes à défendre les objectifs d'intérêt général et les priorités politiques que vous nous fixez par la loi sur l'ensemble des secteurs que nous régulons, avec, comme boussole, la satisfaction des utilisateurs.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de ces propos liminaires, madame la présidente. Permettez-moi de rappeler que notre commission a été la première à mener une mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique. Présidée par Patrick Chaize, cette mission, dont les rapporteurs étaient Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, a remis un rapport d'information en juin 2020.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Alors que la zone très dense est couverte à 90 % par le réseau de fibre optique, certains départements affichent des taux de couverture très inférieurs à la moyenne. La Meurthe-et-Moselle et le Nord, par exemple, ne sont couverts qu'à 70 %. On observe, en outre, une forte baisse des déploiements dans cette zone. Comment expliquer ces incomplétudes de déploiement dans une zone pourtant considérée « commercialement rentable » pour les opérateurs ? S'il s'avère que l'initiative privée est finalement insuffisante pour atteindre nos objectifs de déploiement dans certains secteurs de la zone très dense, ne faudrait-il pas organiser de nouveaux appels à manifestation d'intérêt pour identifier ces derniers et prévoir des engagements contraignants pour les opérateurs ?

Par ailleurs, Orange n'étant plus tenu d'étendre son réseau cuivre, les occupants de logements neufs qui ne sont pas encore raccordés à la fibre se trouvent dans l'impossibilité de souscrire à une offre de réseau fixe, et doivent donc recourir à la 4G mobile... Avez-vous été alertée sur ce sujet ? Quelle réponse faudrait-il y apporter ?

Je souhaite, enfin, évoquer la qualité du raccordement final des abonnés à la fibre. Pouvez-vous nous indiquer l'état d'avancement des mesures déployées sous l'égide de l'Arcep, en particulier le nouveau contrat de sous-traitance que doivent mettre en oeuvre les opérateurs ?

Notre collègue Patrick Chaize a récemment déposé une proposition de loi qui formule des propositions intéressantes, notamment l'élaboration, par l'opérateur d'infrastructures, d'un cahier des charges encadrant les conditions de réalisation du raccordement final par l'opérateur commercial. Le texte propose également de renforcer les pouvoirs de sanction de l'Arcep sur ce sujet. Que pensez-vous de ces propositions ?

Mme Patricia Demas. - Que devons-nous comprendre quant au déploiement de la fibre dans les territoires qui restent à couvrir ? Que devons-nous comprendre quant au décommissionnement du cuivre ? Quels sont les moyens dont dispose l'Arcep pour atteindre l'objectif « tout fibre » à l'horizon 2025 ? Comment contraindre l'opérateur à honorer ses engagements ?

Quelles sont les dispositions prévues par l'Arcep pour optimiser et fluidifier le processus de décommissionnement du cuivre ? Quelle est la maille de fermeture technique la plus opportune : la commune, le quartier ? Quelles sont les mesures mises en oeuvre pour s'assurer de la transparence d'Orange et les sanctions auxquelles cet opérateur s'expose s'il ne tient pas ses engagements ?

Que prévoit l'Arcep afin d'assurer l'accès au très haut débit d'ici à 2025 en cas de raccordement complexe, d'habitat isolé ou encore dans les zones blanches en zone très dense ?

Quels sont les leviers que les communes peuvent actionner pour obtenir davantage de transparence de l'opérateur quant au calendrier de déploiement en zone Amii ?

M. Stéphane Demilly. - La problématique des zones blanches demeure et ce, malgré la multiplication des pylônes de téléphonie mobile qui apporte d'ailleurs davantage de difficultés à nos concitoyens que de solutions à leurs problèmes de connexion. J'ai récemment alerté le ministre chargé des télécommunications à une action politique volontariste et ferme en faveur de la mutualisation des antennes-relais téléphoniques. Quel est votre avis sur ce sujet, madame la présidente ?

Par ailleurs, depuis le 1er janvier, l'envoi du courrier prioritaire se fait en ligne, en scannant ses documents sur le site de La Poste. Pourtant, 54 % des Français éprouvent des difficultés pour effectuer des démarches en ligne. Qu'en pensez-vous, et quelle est votre action dans ce domaine ?

Enfin, le 24 mars 2021, je vous avais alertée sur la difficulté que rencontrent les usagers de la ligne ferroviaire Amiens-Paris pour se connecter à internet. Vous m'aviez répondu que vous interrogeriez la SNCF. Cela a-t-il été fait, et, si oui, quelle réponse vous a été donnée ?

Mme Angèle Préville. - Les abonnés à un journal quotidien ne le reçoivent plus tous les jours : comment faire pour recevoir son journal tous les jours ?

J'ai été alertée sur le recours à la sous-traitance dans le cadre du déploiement du réseau de fibre optique. Certains travaux commencent et ne sont jamais terminés, des câbles restent apparents, internet fonctionne un jour, mais plus le lendemain, etc. Or les maires des communes concernées ne disposent d'aucun interlocuteur face à ces difficultés. Quels sont les recours possibles ?

M. Éric Gold. - La suppression de la lettre rouge est pénalisante pour de nombreux concitoyens éloignés du numérique ou du bureau de poste. La dématérialisation produit de l'exclusion lorsqu'elle ne s'accompagne pas de canaux alternatifs. Estimez-vous que le nécessaire accès au service postal est maintenu pour tous ?

Par ailleurs, ne serait-il pas possible de collecter le cuivre après l'installation de la fibre, afin de le recycler ou de le valoriser ?

M. Jean-François Longeot, président. - Je salue notre collègue Patrick Chaize, présent parmi nous.

Mme Laure de la Raudière. - Les zones très denses ne sont pas soumises à des obligations réglementaires de déploiement. Or il est exact que le taux de couverture de certains secteurs de ces zones n'est pas satisfaisant. La reprise en main de certaines zones, soit par un autre opérateur, soit par une collectivité, serait effectivement possible après une démarche de constat de carence.

Pour ce qui concerne les zones Amii, nous avons mis Orange en demeure de respecter ses engagements, car le Gouvernement lui-même nous a demandé d'ouvrir une procédure de sanction. Cette situation nous préoccupe, mais, tant que la situation juridique que j'ai évoquée n'est pas débloquée, l'Arcep ne peut rien faire d'autre.

Dans les zones RIP, le déploiement se passe bien. Nous avons mis en demeure Savoie connectée de respecter ses engagements dans les zones Amel. Or nous observons que XpFibre respecte ses engagements, de même que SFR dans la Nièvre que nous avions également mis en demeure.

Concernant les nouveaux locaux, si l'armoire de rue a été installée, il revient à l'opérateur d'infrastructures de réaliser le raccordement. Il peut y avoir des retards, car les opérateurs n'ont pas été mis dans la boucle ou ne sont pas au fait des procédures. En revanche, si le territoire n'est pas encore fibré, il revient à Orange de réaliser le raccordement au réseau de cuivre.

Je ne reviens pas sur ce que j'ai déjà dit concernant l'importance que j'accorde à la qualité de service, mais je suis bien sûr très favorable au renforcement des pouvoirs de l'Arcep, notamment à la possibilité, prévue dans la proposition de loi de M. Chaize, de réaliser des audits sur la qualité de service à la charge des opérateurs.

Le succès de la fermeture du réseau cuivre suppose, à mes yeux, de disposer au préalable d'un réseau fibre de qualité et d'associer les parties prenantes, notamment dans le choix des communes, afin de commencer par celles qui sont candidates. Cela suppose aussi une mobilisation très forte d'Orange sur ce projet et, partant, la mise en oeuvre de moyens substantiels, car c'est un projet structurant pour la filière et complexe à mener pour Orange.

Il faut aussi qu'Orange, mais aussi tous les opérateurs commerciaux, et sans doute l'État dans un second temps, assurent une communication efficace à l'égard des usagers.

Cela suppose enfin - l'Arcep y sera attentive - que la qualité de service du réseau cuivre soit maintenue tant qu'il n'est pas fermé.

En ce qui concerne les raccordements complexes, c'est à l'opérateur d'infrastructures qu'il revient de réaliser les opérations de génie civil nécessaires sur le domaine public. Il arrive que des travaux sur des propriétés privées soient nécessaires pour effectuer certains raccordements ; ces travaux incombent alors aux propriétaires.

Nous avons récemment lancé une consultation publique sur le sujet des travaux de génie civil, car il ne nous semble pas déraisonnable, lorsque d'importants travaux sont nécessaires, que le coût de ces travaux soit intégré dans le tarif facturé entre le point de branchement et le point de mutualisation. De cette manière, l'opérateur d'infrastructures pourrait recouvrer une partie des coûts liés aux travaux de génie civil.

J'en viens à la suppression du timbre rouge. L'Arcep a rendu un avis sur l'ensemble de la nouvelle gamme tarifaire de La Poste. Aujourd'hui, 80 à 85 % des envois sont effectués par le biais de la lettre verte, qui est distribuée, non plus à J+ 2, mais à J+ 3. J'estime donc que le service universel est maintenu. L'objectif du changement de gamme tarifaire étant une réduction des coûts du service universel postal, La Poste a souhaité dématérialiser la lettre prioritaire sur une partie du trajet. Dans notre avis, nous avons alerté La Poste sur la nécessité d'accompagner le lancement de cette nouvelle gamme par une vaste campagne de communication et de s'assurer que chaque personne puisse être accompagnée pour l'envoi de la e-lettre rouge prioritaire. Des facteurs formés seront présents dans tous les bureaux de poste à cette fin. Comme vous, j'attache beaucoup d'importance aux dispositifs qui permettent l'inclusion numérique.

Enfin, nous avons publié, dès 2016, des lignes directrices concernant la mutualisation des réseaux mobiles et des pylônes. Sur les 1 787 sites qui ont été mis en service au 30 septembre 2022, plus de 90 % sont mutualisés entre quatre opérateurs. La mutualisation est une bonne chose d'un point de vue esthétique, mais elle permet également aux usagers de ne pas changer d'opérateur quand ils changent de zone.

M. Guillaume Chevrollier. - Je souhaite revenir sur l'application de la loi d'initiative sénatoriale visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique. Vous avez évoqué le rôle renforcé qu'elle confère à l'Arcep en matière de régulation environnementale du numérique, en lui confiant un pouvoir de collecte des données sur ce sujet. Je souhaitais vous interroger sur la mise en oeuvre de cette nouvelle compétence, mais vous avez déjà répondu à cette question.

Ma deuxième question porte sur la lutte contre le démarchage téléphonique. L'article 24 de cette loi permet à l'Arcep d'interdire l'usage de certains indicateurs géographiques aux systèmes automatisés d'appels. Or, il semble que des effets indésirables soient constatés dans des secteurs d'activité qui n'étaient pas a priori dans le viseur du législateur, notamment les sondages d'opinion ou la gestion des relations clients. Nous avions identifié ce risque lors de l'examen de la proposition de loi en deuxième lecture en octobre 2021, mais la volonté d'adopter le texte conforme n'avait pas permis d'opérer des corrections sur l'article introduit par les députés. Avez-vous été alertée sur cette difficulté et identifiez-vous des solutions pour y remédier par la voie réglementaire ou par un ajustement du plan de numérotation de l'Arcep ?

Par ailleurs, nous sommes régulièrement alertés sur la persistance de zones blanches. Dans la commune de Prée-d'Anjou, une antenne téléphonique a bien été installée, mais il n'y a qu'un seul opérateur.

Nous sommes également saisis de difficultés relatives à la qualité du réseau cuivre, qui suscitent l'insatisfaction des élus et de nos concitoyens.

Enfin, j'ai récemment déposé une proposition de loi visant à transférer la responsabilité de l'information aux administrés concernés par l'installation d'une antenne-relais de l'élu aux opérateurs. Il paraît, en effet, incohérent que le maire, qui ne dispose d'aucune possibilité d'empêcher l'installation d'antennes, soit en charge d'informer les habitants, d'autant que cette situation suscite parfois l'incompréhension de ces derniers. Qu'en pensez-vous ?

Mme Nadège Havet. - Dans le cadre de vos travaux en faveur d'un numérique soutenable, la collecte de données environnementales a été élargie, en décembre dernier, aux opérateurs des data centers et de communications électroniques, ainsi qu'aux fabricants de terminaux. Pourriez-vous nous préciser le type de données collectées, en plus de celles qui concernent les émissions de gaz à effet de serre ? Y aura-t-il des éléments sur les appareils reconditionnés ? Quel sera le calendrier de publication de ces résultats ?

M. Didier Mandelli. - Je souhaite revenir sur le sujet de la mutualisation des antennes-relais. Dans la commune littorale de Saint-Hilaire-de-Riez, qui connaît, en été, de forts afflux de population, cinq projets portés par cinq opérateurs différents ont vu le jour en l'espace d'un semestre, sans aucune concertation ni mutualisation. Vous avez relevé une amélioration en la matière, mais des difficultés persistent.

Dans les communes des Sables-d'Olonne et de La Roche-sur-Yon, seulement 75 % des locaux sont raccordés, alors que la convention signée par Orange précisait que la couverture devait atteindre 100 % en 2020. Orange argue que le contrat a été signé pour un nombre d'habitants défini. Il est exact que la Vendée se développe à raison de 7 500 nouveaux habitants par an.

Une partie du département étant couverte par l'opérateur Vendée numérique, qui est d'ailleurs délégué à Orange, les collectivités ont-elles la possibilité de dénoncer les contrats ?

M. Philippe Tabarot. - Dans le département des Alpes-Maritimes, plusieurs vallées ont été sinistrées par la tempête Alex. Malgré les efforts du département, à raison de 165 millions d'euros, 2 000 à 2 500 prises pourraient être abandonnées du fait des difficultés d'accès.

L'Arcep est-elle susceptible de travailler avec le Gouvernement à l'élaboration d'un plan visant à financer la construction de ces prises isolées ?

M. Daniel Gueret. - Dans nos territoires, pas une semaine ne s'écoule sans que nous soyons interpellés sur des difficultés qui relèvent du service après-vente. En Eure-et-Loir, les témoignages d'habitants et d'élus de communes du territoire du Perche sont nombreux : quand ce n'est pas une fibre coupée par un engin de travaux sur une route départementale, c'est le remplacement impossible d'un poteau tombé par grand vent ou usé par le temps, d'un boîtier heurté lors d'un accident de voiture dans un village ou la repose d'un câble ballant. Les usagers se trouvent alors de fait dans une zone blanche et soumis à un isolement dangereux pour les personnes âgées et délétère pour les administrés, qui sont nombreux à télétravailler dans ces territoires ruraux. Les maires agissent au mieux pour sécuriser les lieux lors d'un accident, avec leurs maigres moyens, c'est-à-dire leurs employés communaux, leurs concitoyens agriculteurs et même, parfois, avec l'aide des gendarmes de la brigade locale.

Dans ce contexte, la décision de déplacer la fibre sur les poteaux téléphoniques et la diversité des opérateurs sont trop souvent ressenties comme catastrophiques par les populations. Dans ces exemples, il s'agit non pas d'heures ou de jours, mais de semaines, voire de mois sans aucun moyen de communication pour nos concitoyens, les opérateurs opposant aux maires des arguments variés pour expliquer le retard pris dans les interventions : sous-traitant défaillant, liquidation judiciaire, déclaration administrative de travaux, autorisation d'arrêté de voirie, etc.

L'Arcep est-elle en mesure d'imposer aux différents opérateurs une amélioration de la qualité du service après-vente ? À une époque où tout est connecté, il convient d'encadrer les interventions de manière à ce que celles-ci soient efficaces et effectuées dans des délais raisonnables et selon des règles très claires, voire très strictes.

Mme Laure de la Raudière. - L'Arcep n'a pas de compétence en matière de démarchage téléphonique ; elle en a seulement en matière de plan de numérotation. Nous avons encadré les usages de certains numéros, mais nous ne sommes pas en mesure de distinguer un démarchage d'un sondage ou d'une enquête. Nous ne pouvons pas aller plus loin. La difficulté que vous soulignez, monsieur Chevrollier, relève du domaine législatif plutôt que du domaine réglementaire.

Je suis consciente de la persistance de zones blanches, comme de l'insatisfaction que peut susciter la présence d'un seul opérateur à certains endroits. Nous avons interrogé les collectivités locales, dans le cadre d'une consultation publique sur l'avenir des réseaux mobiles, sur l'opportunité d'un second New Deal mobile, afin d'améliorer la couverture.

Je répète que nous sommes très favorables à la mutualisation des antennes-relais et que nous avons publié des lignes directrices en ce sens. Pour aller au-delà, il faudrait que des dispositions législatives interviennent afin de concilier cet enjeu avec la liberté d'entreprendre.

Il me paraît tout à fait légitime que des collectivités envisagent de se substituer à l'opérateur dans des zones Amii - je l'ai d'ailleurs indiqué à Orange -, mais ce n'est pas de mon ressort.

Je reviens sur une question concernant la collecte du cuivre ; celle-ci, dès lors qu'elle est possible, sera effectuée par Orange dans un second temps, au moment de la fermeture du réseau.

Je suis sensible à la question de la qualité de service du réseau cuivre comme du réseau fibre. Il n'est pas acceptable que des usagers soient privés de réseau. Le sujet est ancien. Vous aviez déjà alerté l'Arcep en 2017, et mon prédécesseur avait mis en demeure Orange de respecter ses obligations. La situation s'était un peu améliorée, avant de se dégrader à nouveau en 2020. En 2021, un plan cuivre a été mis en place par Orange et la situation s'était un peu améliorée. Le Premier ministre avait demandé aux préfets d'instaurer des comités de concertation du cuivre dans chaque département. Je constate aujourd'hui que la situation se dégrade à nouveau. Nous avons ouvert une procédure, et nous allons instruire ce dossier afin d'utiliser notre pouvoir de sanction.

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur Chevrollier vous a également interrogée sur une proposition de loi qu'il a déposée.

M. Guillaume Chevrollier. - En effet, ce texte vise à confier à l'opérateur la responsabilité d'assurer l'information des administrés lors de l'installation de nouvelles antennes-relais, et non à la collectivité locale.

Mme Laure de la Raudière. - L'information est en tout cas nécessaire, mais je ne peux pas vous répondre sans avoir consulté le texte de manière détaillée, monsieur Chevrollier.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Je souhaite insister sur les difficultés qui découlent de la dérégulation du service public.

À la suppression du timbre rouge s'ajoute l'expérimentation, à compter du mois de mars 2023, de tournées du facteur allégées, sur 68 sites. Au-delà du fait que la dématérialisation de la lettre rouge ignore la fracture numérique, qui affecte pourtant 13 millions de Français, cette réorganisation porterait de 6 à 2 le nombre de passages hebdomadaires du facteur. Bien que la direction de La Poste démente la fin des tournées quotidiennes, il s'agit bien d'un choix stratégique, l'objectif étant l'adaptation au marché et le gain de compétitivité face à des groupes spécialisés dans l'envoi de colis.

La Poste perçoit une compensation de l'État d'au moins 500 millions d'euros par an au titre du service public qu'elle rend. Après la réduction significative de la présence postale dans nos territoires ruraux, cette démarche est de nature à accentuer la déshumanisation de nos services publics. La tournée du facteur permet, en effet, de tisser des liens essentiels, en particulier pour les personnes les plus fragiles.

Quel est votre avis sur ce sujet ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Comment l'Arcep envisage-t-elle d'encadrer le déploiement de la 5G ?

S'agissant des réseaux d'initiative publique, certains élus locaux s'inquiètent des difficultés rencontrées pour réaliser les raccordements ou dans la gestion quotidienne du service. Les opérateurs commerciaux d'envergure nationale laissent parfois leurs clients sans solution pendant de longues semaines. Ils mettent en cause le gestionnaire de réseau, alors même qu'ils ne lui signalent pas les problèmes rencontrés. Or, sans un ticket d'incident de l'opérateur, le gestionnaire de réseau ne peut pas intervenir. Quelle action l'Arcep peut-elle mettre en oeuvre pour vérifier que les opérateurs commerciaux signalent, dans des délais acceptables, les problèmes rencontrés sur les réseaux dont ils ne sont pas propriétaires ?

M. Fabien Genet. - Madame la présidente, je salue la qualité de votre intervention et votre liberté de ton.

Je souhaite souligner que le déploiement d'un réseau national de fibre en seulement quelques années est tout de même une réussite, et saluer l'effort réalisé par les collectivités, qui ont accepté de prendre cette compétence et de contribuer financièrement à ce projet.

Comme d'autres collègues, je constate, sur le terrain, le recours à des sous-traitants et les conditions de travail difficiles des personnels employés. En les voyant travailler, on s'interroge parfois sur le fonctionnement futur du réseau. Quel regard portez-vous sur cet écosystème ? Pensez-vous que ces entreprises et ces sous-traitants pourront recruter suffisamment d'experts pour faire fonctionner le service ?

J'imagine que, instruit par l'exemple des zones blanches de la téléphonie mobile, le régulateur a conçu des solutions pour éviter que le déploiement de la fibre ne soit entravé par de nouvelles zones blanches, en particulier pour les locaux dits « non raccordables ». De quelles solutions disposons-nous pour garantir à nos concitoyens l'égalité d'accès à la fibre sur l'ensemble du territoire ?

Vous avez évoqué la fermeture du réseau cuivre. Sur le terrain, nous constatons plutôt son abandon par l'opérateur historique. Comment peut-on remédier à cette situation ?

Enfin, dans le contexte d'un risque de rationnement de l'énergie électrique et des coupures de courant cet hiver, quelle serait la résilience d'un réseau de télécommunications par fibre optique ? Quel regard portez-vous, en tant que régulateur, sur cette hypothèse ?

M. Jacques Fernique. - L'Arcep a élargi son périmètre à la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique, dont le reconditionnement est un levier déterminant. Dans une étude récente, l'Ademe indique que le reconditionnement d'un mobile permet une réduction de 64 et 87 % de l'impact environnemental global.

Cette étude insiste également sur les paramètres qui permettraient de réduire le plus possible cet impact environnemental, notamment le nombre de pièces changées, la durée d'utilisation totale du produit ou encore la localisation du reconditionnement et de l'approvisionnement en pièces de rechange. Quels sont, à votre avis, les dispositifs qu'il faudrait déployer pour exploiter pleinement ce potentiel de réduction de l'empreinte du numérique ?

Le Gouvernement a supprimé l'exonération de la redevance pour copie privée pour le secteur du reconditionné. Quels seront, selon vous, les effets de cette suppression ? Comment aider ce secteur fragile et émergent à maintenir sa croissance dans ces conditions ?

Mme Angèle Préville. - Madame la présidente, vous n'avez pas répondu à ma question relative à la distribution des journaux quotidiens.

M. Bruno Belin. - Je comprends qu'il y a des tensions entre l'Arcep et Orange. La commission des affaires économiques a récemment reçu la directrice générale d'Orange, qui évoquait de possibles sanctions. J'estime, pour ma part, que les élus locaux ont pu s'appuyer sur cet opérateur, et qu'il convient sans doute de le soutenir davantage, car il nous est utile.

Par ailleurs, dans mon département, seulement 47 pylônes ont été installés en quatre ans. Quand passerons-nous à la vitesse TGV ? Il est temps que l'Arcep use de son statut d'autorité pour faire enfin avancer les choses.

M. Gilbert Favreau. - Vous avez indiqué que l'empreinte du numérique était estimée à 2 % de l'empreinte globale de notre pays. Ce pourcentage tient-il compte de la seule consommation des données en France, ou également de leur production et de leur stockage, qui sont, pour partie, réalisés à l'étranger ?

M. Jean-Claude Anglars. - Orange a officialisé, en février 2022, la fermeture du réseau cuivre d'ici à 2030. Pour autant, le service public universel est garanti - il revient d'ailleurs à l'Arcep de s'en assurer. Dans ces conditions, comment l'entretien du réseau cuivre sera-t-il réalisé ?

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - En Guyane française, il y a trois ans, les opérateurs s'étaient associés pour réduire la zone blanche entre Kourou et Sinnamary, soit sur une soixantaine de kilomètres. Cependant, entre Sinnamary et Saint-Laurent, soit sur près de 200 kilomètres, et entre Cayenne et Régina, soit sur 183 kilomètres, il n'y a toujours pas de réseau. Les centaines de Guyanais qui empruntent ces routes ne peuvent donc pas appeler les secours en cas d'accident.

La Guyane dispose d'une seule infrastructure routière, qui longe le littoral, si bien que les communes de l'intérieur sont enclavées. Or elles ne disposent pas non plus de couverture numérique.

Que comptez-vous faire pour obliger les opérateurs à respecter leurs engagements ?

Mme Laure de la Raudière. - La Poste a l'obligation de distribuer quotidiennement les journaux quotidiens. Si ce n'est pas le cas pour certains usagers, je souhaiterais le savoir. En tout état de cause, nous suivons les indicateurs de qualité de service de la Poste concernant l'ensemble de ses obligations, dont celle-ci.

J'en viens à la question relative aux tournées des facteurs. L'organisation industrielle de La Poste est du ressort, non pas de l'Arcep, mais de La Poste. En revanche, je peux vous confirmer qu'il y a bien 17 000 points de présence postale dans notre pays, comme cela est prévu dans la loi.

L'Arcep met en avant les bonnes pratiques en matière de reconditionnement des terminaux ou d'amélioration de la réparabilité, mais l'organisation des filières ne relève pas de notre ressort. J'observe cependant une prise de conscience de la population en la matière. La durée de détention des terminaux mobiles, par exemple, est en augmentation.

S'agissant de l'impact de la taxe copie privée sur le reconditionnement des mobiles, j'ai un avis, mais je n'ai pas de mesure à proposer. Du reste, il me semble que, pour des raisons de procédure, la taxe ne s'applique pas encore. Le Gouvernement veillera certainement à mesurer l'impact de celle-ci sur le reconditionnement dès lors qu'elle sera appliquée.

Monsieur le sénateur Favreau, je vous propose de vous communiquer par écrit le détail du calcul qui a permis d'évaluer l'empreinte du numérique à 2 % de l'empreinte globale de la France.

J'en viens à la Guyane. Un appel à candidatures pour l'attribution de fréquences dans ce département est en cours. L'Arcep a travaillé en amont avec la collectivité de Guyane pour identifier les zones qui doivent être couvertes et les obligations auxquelles les opérateurs doivent être soumis.

La résilience des réseaux de télécommunications relève du ressort de l'État plutôt que de l'Arcep. Nous avons toutefois instauré un atelier visant à étudier la résilience des télécommunications au regard des événements météorologiques et du réchauffement climatique. Nous pourrons également examiner les dispositions prévues dans l'éventualité de délestages pour assurer une continuité des télécommunications.

Monsieur de Nicolaÿ, il y a deux ans, les opérateurs n'avaient pas mis en place de procédures de contrôle et d'échanges leur permettant de repérer qui faisait quoi et quand sur les réseaux. L'Arcep s'est saisie de ce dossier, et nous disposons aujourd'hui d'un plan d'action de la filière. Celui-ci est en cours de déclinaison, et nous espérons qu'il produira ses effets, courant 2023.

Le réseau cuivre étant la propriété d'Orange, c'est à cet opérateur qu'il incombe d'assurer la qualité de service sur ce réseau.

Par ailleurs, le service universel téléphonique n'existe plus depuis décembre 2020. Jean-Noël Barrot a annoncé, en décembre 2022, l'ouverture d'une réflexion sur la mise en place d'un nouveau service universel garantissant un droit d'accès de 30 mégabits pour tous les Français.

Concernant, enfin, la densification de la 5G, les licences des opérateurs comportent l'obligation de fournir la 5G sur tous les sites à l'horizon 2030. Dans cette attente, les opérateurs ont également dû équiper les consommateurs de la 4G+, c'est-à-dire avec un débit minimum de 240 mégabits, 75 % des sites mobiles en France avant la fin de l'année 2022. Ils devront équiper 85 % des sites d'ici fin 2024, et ainsi de suite, afin d'assurer un débit satisfaisant sur la majorité des sites mobiles en attente de la 5G. Par ailleurs, les opérateurs ont des objectifs de couverture de certaines zones prioritaires en milieu rural, notamment les territoires d'industrie.

Mme Marta de Cidrac. - Le désaccord entre l'Arcep et l'opérateur Orange prend des proportions qui peuvent être aujourd'hui considérées comme inquiétantes pour nos territoires. Sans parler du fond, quelle est selon vous la solution de sortie ?

Mme Laure de la Raudière. - La porte de sortie est certainement le dialogue. En dépit d'une actualité qui est quelque peu brûlante, nous entretenons celui-ci.

Le Parlement et le Gouvernement nous demandent de jouer notre rôle de régulateur. Dans ce cadre, il nous revient de contrôler les obligations auxquelles les opérateurs ont souscrit et de nous assurer de leur respect. Orange ne peut pas s'étonner que nous soyons exigeants.

Il est normal qu'il y ait des tensions, mais je suis attentive à ce que cette situation ne pénalise pas les communes, et je puis vous assurer que le dialogue n'est pas rompu.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie pour ce temps d'échanges, madame la présidente.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous allons à présent procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

Nous pourrons dès lors ainsi engager les travaux préparatoires sur ce texte, qui nous a été récemment transmis par l'Assemblée nationale et sur lequel le Gouvernement vient d'engager la procédure accélérée, ce qui est le signe d'un possible examen dans des délais rapprochés.

Jusqu'en 2023, un dispositif dérogatoire a été accordé à la presse par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi Agec ». En effet, en lieu et place d'une contribution financière à la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) papier, le secteur de la presse a pu s'acquitter de ses obligations sous la forme de prestations en nature, par la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur le geste de tri. Cette dérogation a donc pris fin le 1er janvier 2023, pour mise en conformité avec le droit de l'Union européenne, comme l'a prévu le législateur.

Pour aider le secteur de la presse à surmonter les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles il fait face, la proposition de loi que nous aurons probablement à examiner vise à prolonger le système de contribution, en nature en excluant la presse de la REP et en fusionnant les REP papier et emballages ménagers. Il conviendra d'examiner ce texte de près, compte tenu de ses conséquences financières pour les collectivités locales, qui assurent la gestion des déchets et font face, elles aussi, à une hausse de leurs charges.

La commission désigne Mme Marta de Cidrac rapporteure sur la proposition de loi n° 305 (2022-2023) portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

La réunion est close à 12 h 20.