- Mercredi 15 octobre 2025
- Audition de M. Henri Prévost, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
- Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Henri Prévost aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
- Audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de la SNCF
- Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex aux fonctions de président-directeur général de la SNCF
- Programme Petites villes de demain - Examen du rapport d'information
- Proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR) - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 15 octobre 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Audition de M. Henri Prévost, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous auditionnons aujourd'hui, en application du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. Henri Prévost, candidat proposé par le Président de la République pour occuper la fonction de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Comme vous le savez, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, suivie d'un vote. Je rappelle que cette nomination ne pourrait pas intervenir si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions. Cette audition est publique et retransmise sur le site du Sénat.
À l'issue de cette audition, nous procéderons au vote à bulletin secret. Je rappelle qu'il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Si M. Prévost est devant nous aujourd'hui, c'est parce que le Sénat a souhaité prévoir l'audition du directeur général pressenti de l'ANCT par les commissions permanentes compétentes du Parlement dans le cadre d'une proposition de loi organique de mon prédécesseur Hervé Maurey qui avait été adoptée en 2019, au moment de la création de l'ANCT. Le rapporteur de ce texte était Louis-Jean de Nicolaÿ. Ce dernier nous présentera d'ailleurs cet après-midi, à quatorze heures, les conclusions de la mission d'information qu'il a conduite avec notre collègue Nicole Bonnefoy sur un dispositif national piloté par l'ANCT : le programme « Petites Villes de demain ».
M. Paul Vidal, rapporteur. - Monsieur le préfet, je suis heureux d'introduire cette audition. L'aménagement et la cohésion des territoires constituent un domaine emblématique du portefeuille de notre commission, au carrefour de nombreuses politiques publiques, donc au coeur de nos préoccupations, en notre qualité de représentants des territoires.
Notre commission a un lien particulier avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires depuis ses origines : c'est en effet elle qui a instruit en 2019 la proposition de loi, déposée sur l'initiative de notre ancien Jean-Claude Requier, portant création de l'agence.
Depuis la création de l'ANCT, nous entretenons un lien étroit avec elle : nous avions pour coutume de recevoir chaque année la personne qui occupait les fonctions auxquelles vous êtes pressenti, M. le préfet Stanislas Bourron, afin de dresser un bilan des dernières actualités de l'activité de l'agence. En fonction de la suite qui sera donnée à votre candidature, il n'est pas impossible que nous ayons l'occasion d'échanger à nouveau dans un avenir proche.
Au vu de notre engagement collectif et constant sur le sujet de l'aménagement et de la cohésion des territoires, je ne doute pas que mes collègues sauront utilement aiguillonner nos débats, à la lumière de leurs travaux respectifs sur des programmes phares de l'agence : France Services, dont l'utilité a été saluée par notre collègue Nadège Havet en sa qualité de rapporteure de la mission d'information sur l'accès aux services publics, qui vient de rendre ses travaux ; « Petites Villes de demain », dont un bilan nous sera présenté tout à l'heure par nos collègues Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ ; « Villages d'avenir », qui fait partie du périmètre d'étude de l'avis budgétaire sur les crédits dédiés à la cohésion territoriale.
Je constate que ces labels sont plus ou moins bien identifiés. Même pour le plus visible et, peut-être, le plus plébiscité sur le terrain, France Services, le pilotage de l'ANCT souffre d'un évident défaut de notoriété. Plusieurs élus locaux que j'ai rencontrés - et certains de mes collègues m'ont fait part de remarques similaires - ignorent tout ou presque des actions de l'ANCT, ne la connaissant parfois que de nom.
Dans un contexte où la légitimité du portage de certaines politiques publiques par des opérateurs ou des établissements distincts de l'État fait débat, quelle réponse apporteriez-vous à ces nombreux élus locaux qui n'ont pas identifié l'agence comme une ressource utile ?
Toujours du point de vue des élus locaux, l'agence est parfois perçue comme un acteur qui contribue à complexifier la mise en oeuvre des politiques publiques sur le terrain et l'accès aux dispositifs correspondants. Comment envisagez-vous de simplifier et de fluidifier cette gouvernance foisonnante, afin qu'elle soit plus lisible et efficace pour les territoires ?
Je souhaiterais également vous interroger sur la manière dont vous appréhendez la cohérence globale de l'ensemble des dispositifs pilotés par l'agence avec les prestations d'ingénierie territoriale proposées par d'autres opérateurs, tels que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). De nombreuses propositions ont été formulées ces derniers mois quant au périmètre de l'ANCT : outre celles que nos collègues de la commission d'enquête relative aux agences et opérateurs de l'État ont émises au mois de juillet dernier, je pense notamment à un rapport conjoint de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd) paru cet été. Il faisait suite à une revue de dépenses engagée par le Premier ministre François Bayrou sur l'ingénierie territoriale des périmètres de l'ANCT, de l'Ademe et du Cerema. Le maître-mot de ces travaux était : rationalisation.
Avez-vous pu prendre connaissance de ces propositions ? Si oui, comment verriez-vous la conciliation entre une rationalisation des prestations proposées par l'ANCT et la nécessité de maintenir un appui adapté aux collectivités les moins dotées en ingénierie ?
Sachant que certaines petites communes peinent à monter leurs dossiers de demandes de subventions ou de réponses à des appels à projets, quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en oeuvre pour renforcer l'appui en ingénierie en direction des territoires les plus fragiles ?
J'aimerais à présent m'adresser non au candidat en tant que tel, mais au préfet-candidat. Dans le cadre des fonctions qui étaient encore les vôtres voilà un mois, vous étiez, en votre qualité de représentant de l'État, le délégué départemental de l'ANCT dans la Marne. À la lumière de cette expérience, avez-vous des idées pour améliorer l'action de l'agence sur le terrain, notamment en ce qui concerne la gouvernance, le portage et le lien avec les élus locaux ?
En outre, quelle est votre analyse sur la manière dont s'articule l'action de l'ANCT avec celle des services déconcentrés de l'État ? Plus précisément, pensez-vous qu'il y ait un réel besoin de prestations d'ingénierie qui soient opérées par une entité distincte de l'État ? Ou bien estimez-vous qu'il faudrait plutôt confier ces missions à des services de l'État, en administration centrale ou au sein de l'État territorial ?
Nos collègues membres de la commission d'enquête portant sur les agences et opérateurs de l'État ont formulé cet été des propositions relatives à la mise en place d'un dossier unique dématérialisé qui viserait à faciliter les demandes de financement et l'instruction des projets. Pensez-vous que l'ANCT puisse piloter cette transformation numérique et organisationnelle au bénéfice des collectivités ? Si oui, quelles en seraient les principales étapes ?
Ma dernière question s'adresse cette fois-ci à l'ancien officier de marine qui a servi à bord du porte-aéronefs Jeanne d'Arc, de la frégate Primauguet et du pétrolier ravitailleur Durance. La navigation en mer, en particulier par gros temps, nécessite de garder un cap ferme. Dans la mesure où l'aménagement du territoire s'apparente aujourd'hui à un vaste océan, débordant de dispositifs contractuels, de labels et de programmes nationaux, quelle sera la vision de la cohésion des territoires qui vous servira de boussole ? Et, selon cette vision, est-ce nécessairement une agence distincte de l'État qui doit tenir le gouvernail ?
Je fais miens les propos de notre collègue Christine Lavarde, rapporteur de la commission d'enquête sur les agences et opérateurs de l'État : « Bien que nous soyons critiques à l'égard de l'ANCT, la nomination d'un nouveau directeur général à ce stade est nécessaire. Cela ne limite en aucun cas le questionnement porté à l'égard des missions du futur directeur général et de l'agence. »
M. Henri Prévost, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. - Je suis honoré d'être devant vous aujourd'hui pour présenter ma candidature.
Originaire du Pas-de-Calais, j'ai été affecté dans nombre de territoires : Bretagne, Antilles, Var, Lyon et, enfin, la Marne. J'ai donc une connaissance assez approfondie du pays. J'ai également passé du temps en administration centrale. Je suis membre de la Cour des comptes. J'ai été en cabinet et en établissement public, en l'occurrence l'agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Je mesure donc bien la nécessité d'avoir une relation très étroite entre une agence et une tutelle ; ce sera un point de vigilance particulier de ma part si vous confirmez ma nomination.
Sur le terrain, j'ai été frappé par la diversité des outils proposés par l'ANCT, ainsi que par sa capacité à s'adapter aux différentes demandes. Il s'agit de programmes conçus avec les associations d'élus, dans un dialogue permanent avec les assemblées, au plus près des besoins du territoire. J'ai vu aussi combien des maires de communes parfois très petites étaient désarmés vis-à-vis de certains projets. Il est important de pouvoir leur apporter une aide.
J'ai aussi pu mesurer l'apport de l'agence sur la politique de la ville, avec la redéfinition des quartiers prioritaires et avec des programmes qui ont également remporté des succès : réussite éducative, cités éducatives, accompagnement avec les adultes-relais, etc. Tous ces dispositifs, auxquels l'ANCT contribue, permettent d'assurer la cohésion de notre pays.
Je suis évidemment bien conscient du défaut de notoriété de l'agence. Issue de la fusion d'organismes résultant de plusieurs évolutions au sein du paysage institutionnel, l'ANCT n'est pas toujours bien identifiée sur le terrain. Dans la Marne, nous avons profité du Forum de l'ingénierie publique territoriale pour réunir tous les acteurs concernés et montrer l'esprit de subsidiarité qui anime l'ANCT : l'idée est non pas d'imposer une « solution maison », mais de chercher dans la boîte à outils, voire d'envisager la création d'un nouvel outil pour répondre à des besoins particuliers. J'aurai à coeur de poursuivre ce travail en lien avec mes collègues, les préfets, et avec l'ensemble des acteurs, notamment les assemblées de maires dans les départements.
Comment fluidifier la procédure ? Je pense que nous avons une offre extrêmement abondante ; les services de l'État sont certainement confrontés à une problématique similaire. L'ANCT est censée piloter le travail avec les autres opérateurs pour que l'offre sur le terrain soit cohérente. Le sujet est d'autant plus important au regard des nouvelles compétences qui sont attribuées aux préfets par la circulaire du 5 septembre dernier sur l'approfondissement de la déconcentration. Je continuerai de travailler dans cet esprit avec mes homologues si vous confirmez ma nomination.
Il me paraît vraiment important de venir en aide aux communes les moins dotées, qui sont souvent les plus petites. C'est d'ailleurs l'esprit de la déconcentration d'une enveloppe qui a été fléchée vers les préfets, afin de permettre de faire de l'ingénierie clé en main, ingénierie d'ailleurs gratuite pour les communes de moins de 3 500 habitants.
À mon sens, les outils numériques qui sont en train d'être développés par l'agence permettront de renforcer l'appui en faveur des plus fragiles. Ils sont en ce moment testés dans cinq départements.
Je suis très réservé sur l'idée de démembrer totalement l'ANCT en envoyant ses agents sur le terrain. En revanche, je pense que ces derniers doivent être plus mobiles, afin de pouvoir fournir un appui aux préfectures.
Mon expérience de délégué départemental de l'agence va me permettre d'entrer en dialogue avec mes collègues pour renforcer le lien avec les élus. Je pense que ce lien doit d'abord passer par les préfets, les sous-préfets et les directions départementales des territoires.
Je sais les interrogations et les réticences qui ont pu exister s'agissant des appels à projets. Il me paraît important d'être dans la coconstruction plutôt que dans les projets verticaux. D'ailleurs, la méthode qui a été retenue pour la mise en place de « Villages d'avenir » ou pour l'extension des tiers-lieux en est une bonne illustration.
Compte tenu de mon expérience, je peux mesurer le rôle d'une administration centrale. Simplement, une administration centrale est sur beaucoup de politiques publiques : elle donne des instructions descendantes, fixe des orientations et effectue des contrôles. J'estime que l'ANCT peut être une boîte à outils, un facilitateur déployé sur le territoire en appui à l'action des préfets.
Enfin, je pense qu'il faut, dans la perspective tracée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, une nouvelle étape de décentralisation et de déconcentration. L'ANCT peut jouer un rôle à cet égard. Elle a montré sa souplesse. Lors de sa création, en 2019, beaucoup des programmes que vous avez mentionnés n'existaient pas. Cette capacité d'adaptation de l'agence est l'une des forces sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.
La priorité sera évidemment de soumettre des propositions aux autorités quant à l'avenir des programmes que vous avez évoqués, certains arrivant bientôt à échéance : « Petites Villes de demain », « Action coeur de ville ». Il faudra que des arbitrages soient rendus et que l'agence puisse accompagner les actions menées.
Si je suis nommé directeur de l'agence, je rencontrerai rapidement l'ensemble des acteurs. L'ANCT est encore jeune ; elle a besoin d'avoir plus de cohérence dans sa méthode et dans son action. Je pense qu'il faut continuer à la faire grandir, au service des territoires.
M. Stéphane Demilly. - Je vous prie par avance d'excuser le ton provocateur et légèrement ironique de mon intervention ; n'y voyez absolument rien de personnel.
À ce jour, notre pays a plus de 1 200 organismes publics. Il faut un lexique pour décoder tous les sigles. À quand le « guide du routard de la bureaucratie française » pour s'y retrouver dans une telle jungle administrative ? Certes, chacune de ces agences ne manque ni d'arguments ni de porte-voix pour justifier le caractère indispensable de son existence. Mais l'audition de ce matin ne peut pas être déconnectée du contexte budgétaire actuel. Quand l'État demande à toutes les collectivités de réduire leurs dépenses de fonctionnement, il doit montrer l'exemple. Tzvetan Todorov, philosophe bulgare, déclarait : « Donner des leçons de morale n'est pas une preuve de vertu. » Hier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre rappelait l'urgente nécessité de « mieux répartir les compétences » et de « réformer l'État ».
Que répondez-vous à ceux qui considèrent que l'ANCT n'est finalement qu'un « machin » de plus ? Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux d'opter pour une réinternalisation à l'échelon central de la distribution des aides opérées par l'agence ? En d'autres termes, la France s'arrêterait-elle de tourner si l'on supprimait demain l'ANCT ?
Mme Nicole Bonnefoy. - À sa création, l'ANCT a suscité de véritables espoirs chez les élus locaux.
Le rapport d'information que nous allons rendre cet après-midi avec mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ souligne l'importance de l'ingénierie. Nous considérons que les différents programmes manquent d'une vision d'ensemble sur l'aménagement du territoire. Le ciblage opéré dans ce cadre peut renforcer le sentiment d'abandon de la part des collectivités qui ne sont pas identifiées comme prioritaires. Quel est votre avis sur le programme « Petites Villes de demain et sur son devenir ? »
Nous sommes tous, je pense, des orphelins de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité des régions (Datar) et d'une vision politique d'un aménagement équilibré du territoire. À l'heure où le secrétariat général à la planification écologique est enlisé, comptez-vous répondre à la nécessité d'articuler les projets soutenus par l'ANCT et les enjeux majeurs d'adaptation au changement climatique ?
M. Simon Uzenat. - Nous avons dénoncé la diminution brutale de la subvention pour charges de service public attribuée à l'agence en 2025. Comment appréhendez-vous la trajectoire budgétaire pour l'exercice 2026 ?
Si le besoin d'ingénierie est évident, en particulier pour les petites communes de moins de 1 000 habitants, beaucoup d'élus indiquent qu'ils veulent surtout disposer d'argent pour financer leurs projets. Quelles sont vos pistes pour simplifier leur travail ?
Nous sommes nombreux à trouver anormal que le programme France Services soit financé pour près des deux tiers par les collectivités locales. Comment appréhendez-vous le nécessaire renforcement du soutien de l'État à ce dispositif, qui a fait ses preuves ?
Comment prévoyez-vous de renforcer l'articulation avec les politiques de cohésion des territoires qui peuvent être mises en oeuvre par les régions ?
M. Cédric Chevalier. - Vous étiez le préfet de mon département, la Marne, jusqu'au 1er septembre de cette année.
Je souhaite apporter une note optimiste sur l'ANCT. Certes, cette agence souffre d'un manque de lisibilité, beaucoup d'élus locaux, notamment dans les petites communes, ignorent plus ou moins à quoi elle sert. Pourtant, c'est un outil qui, bien utilisé, permet de donner plus de cohérence à l'action publique locale. Les programmes qui ont été évoqués ont un effet réel sur le terrain ; ils permettent à nos territoires de se revitaliser, de se moderniser et de mieux accompagner les habitants. Cela étant, l'ANCT reste critiquée : certains la jugent trop technocratique ; d'autres envisagent même de réduire son budget, voire de la supprimer.
Comment comptez-vous convaincre les élus locaux de s'approprier pleinement un tel outil ? Comment entendez-vous encourager l'ensemble des préfets à le mobiliser avec conviction ? Comment garantir que chaque euro investi par l'agence soit un euro utile et réellement efficace pour les collectivités locales ?
M. Sébastien Fagnen. - Depuis plusieurs années, nous souffrons d'une crise en matière d'aménagement du territoire. Ce n'est pas du fait de l'ANCT ; il s'agit avant tout d'un manque de vision politique, notamment à l'échelon gouvernemental. Si l'agence est appelée à jouer un rôle d'ensemble, l'attrition de ses moyens qui est envisagée dans le projet de loi de finances pour 2026 risque de provoquer sa balkanisation.
Par ailleurs, je pense que nous pourrions tous témoigner de la désespérance des maires face à la multiplication des appels à projets, particulièrement chronophages et énergivores. Comment ambitionnez-vous de réorienter les outils d'intervention auprès des collectivités locales, afin de délaisser les appels à projets et de revenir à des contractualisations de long terme assurant aux élus la stabilité et la visibilité nécessaires ?
M. Michaël Weber. - Au sein de la commission d'enquête sur les agences et opérateurs de l'État, il y avait une volonté, notamment de la majorité sénatoriale, de proposer la suppression de l'ANCT. Pourtant, et cela a été souligné, cette dernière répond à un besoin réel dans les territoires. Il serait, à mon sens, souhaitable de lui octroyer une réelle autonomie stratégique régionale et une mission de planification, qui lui font défaut aujourd'hui.
Je vous l'avoue, je n'ai pas été totalement rassuré par vos propos. Je n'ai pas bien compris si, dans votre esprit, l'ingénierie de l'agence devait être en appui aux préfets ou aux territoires... Je pense qu'une clarification s'impose.
Que doit être l'ANCT demain ? Une nouvelle Datar avec un positionnement stratégique - je crois que c'est nécessaire - ou seulement une ingénierie à la disposition des territoires, qui nous le réclament en permanence ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - J'assiste au conseil d'administration de l'ANCT depuis maintenant neuf ans. Il me semble utile que l'agence soit dirigée par un préfet. J'ai été frappé, monsieur le préfet, par le fait que vous ne citiez pas l'Ademe et le Cerema qui sont membres de l'agence.
Il y a, me semble-t-il, un gros travail de coordination à effectuer, notamment avec l'Union européenne, les départements et les régions, afin d'harmoniser les politiques menées, de réaliser des économies d'échelle et d'éviter les doublons.
Le moment me paraît venu de doter cette agence, que je crois utile, d'une nouvelle stratégie englobant davantage les politiques publiques en général : énergie, environnement, etc.
M. Ronan Dantec. - Je n'ai pas le talent de provocation de Stéphane Demilly, mais j'essaie tout de même de comprendre le fil du raisonnement tenu aujourd'hui par nos collègues de la droite sénatoriale. Il y a encore quelques heures, vous souteniez un gouvernement qui appelle à une nouvelle étape de la décentralisation, et vous proposez dans le même temps de redonner au préfet le rôle d'accompagnement et de distribution pour les collectivités territoriales. J'ai un peu de mal à comprendre cette logique.
Si l'on a créé des agences - nous le savons bien -, c'est parce que l'État n'était plus en mesure de répondre efficacement aux demandes des collectivités territoriales. Et, en réalité, lorsqu'il y a du mécontentement, comme l'a très justement résumé Cédric Chevalier, il provient davantage de ceux qui ne bénéficient pas de l'appui des agences que de ceux qui y ont recours. Ceux qui bénéficient des agences en sont satisfaits ; ce sont les autres qui expriment des frustrations. Cela démontre bien l'utilité de ces agences. Redonner au préfet un rôle d'interlocuteur unique et de premier niveau pour toutes les demandes des collectivités reviendrait, selon moi, à surcharger la préfectorale et à bloquer de nouveau le fonctionnement du pays.
Cela étant dit, plusieurs enjeux majeurs demeurent, sur lesquels nous souhaitons vous entendre.
D'abord, plusieurs agences sont reconnues sur le terrain, mais leur coordination mérite d'être renforcée. Comment envisagez-vous cette coordination ? L'ANCT, plus modeste par rapport à d'autres structures, ne devrait-elle pas jouer ce rôle pivot de coordination ? Nous disposons également, avec les contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE), d'un outil de contractualisation avec les collectivités territoriales, qui constitue une avancée réelle, mais qui demeure encore trop souvent géré au cas par cas, sans réelle approche intégrée.
Ensuite, il y a une agence qui revient fréquemment dans les échanges, souvent citée en exemple : le Cerema. Sa particularité est que les collectivités territoriales participent désormais pleinement à sa gouvernance. Comment voyez-vous, dès lors, l'évolution des gouvernances au sein des agences ? Faut-il aller vers un modèle où celles-ci deviennent de véritables lieux de co-élaboration des politiques publiques entre l'État et les collectivités, plutôt que des structures fonctionnant selon une logique descendante ? Cette question de la place des collectivités territoriales dans la gouvernance des agences me paraît centrale si l'on veut poursuivre le mouvement de décentralisation.
Enfin, pour ne pas allonger davantage mon propos, je souhaite revenir sur un point soulevé avec justesse par Louis-Jean de Nicolaÿ, dont je ne partage pas la conclusion, mais dont l'observation est particulièrement pertinente : la réforme de la politique de cohésion européenne entraînant notamment la renationalisation des fonds européens. Cette réforme marque une évolution majeure, avec un retour affirmé des États dans la gestion des fonds, alors que la tendance allait jusqu'ici vers un lien plus direct entre les régions et l'Union européenne. Comment, selon vous, l'ANCT peut-elle se positionner dans ce nouveau cadre ? Quel rôle peut-elle jouer dans la gestion et la coordination de ces fonds européens ?
M. Jean-Claude Anglars. - Monsieur le préfet, ma question portera sur un sujet qui n'a pas encore été abordé ce matin : la politique de la montagne. Votre parcours commence dans le Pas-de-Calais et s'arrête dans la Marne - ni l'altitude ni la pente n'ont guère changé. Mon propos rejoint d'ailleurs la question posée par Ronan Dantec à propos des politiques européennes. Ce sont des politiques reconnues, mais quelle est votre vision du rôle de l'ANCT en la matière ? On ne constate pas de réelle différenciation, alors que la montagne doit être traitée spécifiquement, compte tenu de ses caractéristiques et des difficultés particulières qu'on y rencontre.
M. Guillaume Chevrollier. - Monsieur le préfet, bien que de nombreux collègues aient déjà abordé les sujets que je vais évoquer, leur récurrence témoigne de l'importance des attentes des élus locaux en matière d'ingénierie. Les rapports récents du Sénat et des inspections générales ont souligné le manque de cohérence dans l'organisation territoriale de l'ingénierie locale et ont proposé plusieurs pistes de rationalisation, y compris la suppression de certains programmes de l'ANCT et la recentralisation de certaines missions au niveau préfectoral.
Comment, en tant que préfet, entendez-vous garantir le respect du principe de subsidiarité qui doit guider l'action de l'ANCT ? Par ailleurs, et au regard de l'importance de la coordination soulignée par de nombreux collègues, notamment avec le Cerema et l'Ademe, la rationalisation apparaît comme un objectif majeur dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Si vous étiez appelé à assumer la direction de l'ANCT, quelles seraient, selon vous, les pistes prioritaires pour réduire la dépense publique et débureaucratiser les politiques publiques dont vous auriez la charge ?
Mme Annick Girardin. -Je partage une grande partie des remarques et des interrogations formulées. Je souhaitais simplement compléter l'intervention de mon collègue sur la question des spécificités territoriales, en évoquant la place des outre-mer. Vous avez indiqué avoir servi aux Antilles, et vous savez donc combien ces territoires présentent des complexités singulières, même si certaines situations peuvent être comparées à celles de la montagne ou des littoraux en matière climatique.
Il me semble qu'une prise de conscience accrue s'impose concernant les conséquences du changement climatique sur le littoral français. Mon territoire en subit d'ailleurs directement les premiers effets, comme beaucoup de territoires de l'océan Pacifique. Je souhaiterais donc savoir comment vous envisagez la place des territoires ultramarins dans les politiques conduites par l'ANCT et de quelle manière il serait possible de développer des programmes davantage adaptés à leurs spécificités.
M. Henri Prévost. - Je vais tenter de synthétiser les différentes questions, et les orateurs voudront bien me pardonner de ne pas les reprendre une à une, certaines pouvant être traitées conjointement.
Sur les outre-mer, madame la ministre, je tiens à vous rassurer. Je garde un souvenir très fort de mon séjour en Martinique, qui demeure une expérience marquante de la réalité ultramarine. J'ai également eu l'occasion, en tant que marin, de me rendre dans plusieurs territoires d'outre-mer. L'ANCT y a déployé, notamment dans les départements et régions d'outre-mer, plusieurs programmes tels que « Action coeur de ville » ou « Villages d'avenir », avec des résultats tangibles. Il convient naturellement de porter une attention particulière à ces territoires, qui rencontrent des problématiques spécifiques. Cela est manifeste, par exemple, en ce qui concerne le déploiement du numérique : si la couverture en fibre a progressé, certains territoires rencontrent encore des difficultés nécessitant une vigilance particulière. En fonction de ces spécificités, des réponses adaptées devront être apportées. Je suis convaincu que l'ANCT, par son principe de boîte à outils et sa capacité d'adaptation, constitue une réponse pertinente pour les outre-mer.
En ce qui concerne l'ANCT elle-même, je perçois bien les interrogations qui peuvent s'exprimer. En tant que membre de la Cour des comptes, je suis particulièrement attentif à la dépense publique, qui ne saurait être un objectif en soi. L'enjeu premier demeure d'atteindre les objectifs fixés. Je considère toutefois qu'une organisation sous la forme d'un établissement public présente des avantages réels, notamment pour assurer un service efficace et une prestation adaptée. Il ne s'agit évidemment pas, comme certains ont pu le souligner, d'une prestation au service du préfet ou de l'État, mais bien d'un appui au bénéfice des collectivités territoriales.
Enfin, il s'agit également de doter les préfets des outils nécessaires à leur mission. Mon expérience de près de six années en préfecture m'a permis de mesurer la réalité du fonctionnement des préfectures de petite ou moyenne taille, dont les effectifs et les capacités de pilotage demeurent souvent limités. Je pense que l'ANCT peut, à ce titre, jouer pleinement son rôle en apportant une véritable boîte à outils, des instruments concrets permettant d'améliorer l'action publique locale. À cet égard, le projet actuellement développé et expérimenté intitulé « Mon espace collectivité », me semble particulièrement intéressant. J'en ai pris connaissance en préparant cette audition ; je ne le connaissais pas auparavant, n'ayant pas exercé dans un territoire d'expérimentation. Mais je perçois bien qu'il constitue une partie de la réponse, notamment par sa contribution à la digitalisation, au service de la simplification des démarches.
Je partage en effet pleinement le constat d'une offre aujourd'hui foisonnante, parfois concurrentielle, entre plusieurs agences. Toutefois, je tiens à souligner, avec la neutralité que me confère ma position actuelle extérieure à l'ANCT, que dans ma pratique de préfet, j'ai constaté que l'ANCT remplissait efficacement sa mission d'accompagnement des collectivités territoriales, en lien étroit avec les représentants de l'État. Cela n'était pas toujours le cas d'autres opérateurs, dont la politique, très régionalisée et centrée sur des appels à projets, s'avérait plus descendante. D'ailleurs, la critique d'un recours excessif à ces appels à projets a, je crois, été entendue.
Il ne s'agit évidemment pas de concentrer toutes les décisions dans le cabinet du préfet, mais d'instaurer un dialogue permanent - je l'ai moi-même pratiqué - avec les élus du territoire, les maires, les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les parlementaires, afin d'identifier les projets les plus urgents et d'accompagner prioritairement ceux qui en ont le plus besoin, faute d'ingénierie disponible ou face à une urgence particulière. À cet égard, le programme « Petites Villes de demain » illustre bien cette méthode. Il n'est pas exempt de critiques et devra sans doute évoluer. Ce sera, à n'en pas douter, l'une des priorités du futur directeur général de l'ANCT, appelé à formuler des propositions au Gouvernement, en concertation avec les élus.
Concernant la coordination avec les autres acteurs, les outils existants ont montré leurs limites : certains opérateurs ne participent pas toujours aux réunions ou ne perçoivent pas suffisamment l'intérêt d'une coordination renforcée. Les observations formulées dans les rapports parlementaires et dans celui des inspections générales doivent donc conduire à resserrer le pilotage commun, à rationaliser les dispositifs lorsque ceux-ci se révèlent redondants et à s'interroger systématiquement sur leur juste dimensionnement.
Les dotations allouées pour financer les deux agents présents dans chaque maison France Services ont été sensiblement augmentées et devraient continuer à croître cette année. De même, les frais d'installation ont souvent été pris en charge au titre des dotations d'investissement : dans la Marne, par exemple, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont pu être mobilisées.
Pour ce qui est de l'appropriation des outils, le travail engagé à travers les forums de l'ingénierie doit être poursuivi. Le rôle des préfets et des sous-préfets est ici essentiel : interlocuteurs quotidiens des élus, ils sont les mieux placés pour proposer, identifier et mobiliser les outils pertinents, qu'ils proviennent de l'ANCT ou d'autres opérateurs, dans un souci constant de bonne utilisation des deniers publics.
Un rapport de la Cour des comptes sur l'aménagement et la cohésion du territoire doit prochainement paraître. Si l'ANCT n'a pas vocation à concevoir la politique d'aménagement du territoire, elle doit en revanche se mettre au service des orientations de la politique publique fixée par l'État. Dans cette perspective, les CRTE constituent, d'après mon expérience dans la Marne, un outil précieux pour renforcer la cohérence territoriale et éviter que certaines collectivités se sentent laissées de côté. En effet, des programmes comme « Petites Villes de demain », « Action coeur de ville » ou « Villages d'avenir » peuvent parfois donner le sentiment à certaines communes non retenues qu'elles ne font pas partie des priorités. C'est un malentendu auquel il faut remédier.
L'enjeu est donc de faire des instances créées par les CRTE de véritables lieux opérationnels, et non de simples espaces de discussion. L'ANCT a, à cet égard, un rôle important à jouer, en appui aux préfets, pour veiller à l'intégration des enjeux liés au changement climatique et à la transition écologique dans la mise en oeuvre des politiques territoriales.
Voilà, en quelques mots, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Je vous prie de m'excuser si mes propos ont pu paraître trop synthétiques, mais il m'était difficile, dans le temps imparti, d'être plus exhaustif. J'aurai naturellement à coeur, si ma nomination est confirmée, de poursuivre ces échanges avec les membres du Parlement, au fil de leurs travaux ou lors de mes déplacements sur le terrain.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de votre présence et des informations que vous nous avez données.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Henri Prévost aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)
M. Jean-François Longeot, président. - L'audition de M. Henri Prévost étant achevée, nous allons procéder au vote.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Il est procédé au vote.
Audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de la SNCF
M. Jean-François Longeot, président. - En application de l'article 13 de la Constitution, nous entendons ce matin M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général la SNCF.
Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cette audition est publique et retransmise sur le site du Sénat. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale.
L'audition devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de nos collègues de l'Assemblée nationale aura lieu mercredi 22 octobre prochain.
En vertu du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux commissions représentait, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Pour mémoire, Jean-Pierre Farandou dirigeait la SNCF depuis le 1er novembre 2019, et jusqu'à sa nomination en tant que ministre du travail et des solidarités. Il a été le premier dirigeant du groupe dans sa nouvelle structure mise en place en application de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, laquelle a décliné dans notre droit national le principe d'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs posé par le droit de l'Union européenne.
Le mandat de M. Farandou est arrivé à son terme le 13 mai 2024. Celui-ci a ensuite assuré l'intérim, notamment pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 jusqu'à présent.
Il ne me paraît pas nécessaire vous concernant, monsieur le président, de rappeler votre parcours, bien connu de tous, et particulièrement des membres de notre commission. Vous êtes en effet déjà venu à trois reprises devant nous dans le cadre de la procédure par l'article 13 de la Constitution ; vous êtes, pour le moins, rompu à l'exercice. Nous vous avons en effet entendu une première fois en juillet 2022, comme candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), puis une seconde fois, en novembre 2022, pour celles de président-directeur général de la RATP, et une troisième fois, en octobre 2024, pour vous renouveler dans vos fonctions à la tête de la RATP.
Je donne la parole à notre rapporteur, Daniel Gueret, chargé par notre règlement de conduire votre audition. Vous pourrez ensuite nous présenter votre candidature, nous faire part de votre retour d'expérience et de vos motivations, avant de répondre aux premières questions du rapporteur. À l'issue de cet échange, mes collègues sénateurs vous interrogeront à leur tour.
M. Daniel Gueret, rapporteur. - Je suis ravi de vous retrouver ce matin, un peu plus d'un an après votre précédente audition, dont j'avais également été le rapporteur, et à l'issue de laquelle vous aviez été confirmé dans vos fonctions à la tête de la RATP.
Je ne souhaite pas m'attarder sur votre curriculum vitae, qui illustre votre engagement pour un service public de qualité et votre connaissance du domaine des transports. Vos trois années à la RATP ont démontré votre capacité à gérer, exploiter et moderniser le réseau francilien, qui est l'un des plus grands réseaux de transport en commun au monde. Je tiens à rappeler en particulier la réussite des Jeux olympiques et paralympiques : les transports ont été à la hauteur de l'événement. Vous y avez largement pris votre part en impulsant un dynamisme fondé sur la confiance et la proximité avec tous les personnels de la RATP
Ma première question est donc de savoir quelles leçons vous tirez de votre expérience de PDG de la RATP. Comment souhaitez-vous utiliser cette expérience à la tête de la SNCF ?
En outre, votre casquette de PDG de la RATP nous appelle à nous interroger sur les risques de conflits d'intérêts éventuels si vous étiez nommé à la présidence de la SNCF. L'ouverture à la concurrence des transports conventionnés a entraîné une mise en concurrence entre les deux opérateurs publics ; la RATP est notamment pressentie pour se voir attribuer l'exploitation de l'étoile ferroviaire de Caen, historiquement opérée par la SNCF.
La concurrence s'établit également dans les transports urbains, où la RATP et Keolis s'affrontent pour l'attribution de l'exploitation de réseaux de bus, y compris à l'international.
Ainsi, selon vous, comment le groupe SNCF doit-il se positionner sur l'ouverture à la concurrence des transports conventionnés ? Et comment comptez-vous éviter les conflits d'intérêts sur les appels d'offres où les groupes de la RATP et de la SNCF seraient en concurrence ?
L'ouverture à la concurrence sur le service librement organisée (SLO) représente également un défi pour la SNCF, laquelle craint de n'être concurrencée que sur les segments les plus rentables tout en devant réaliser des dessertes d'aménagement du territoire parfois déficitaires. Elle appelle donc à renforcer la modulation des péages ferroviaires ou à envisager un allotissement des sillons par lot, chacun comprenant des liaisons plus ou moins rentables.
Vous n'ignorez pas, par ailleurs, que la concurrence reste encore embryonnaire. Un changement si précoce des règles du jeu pourrait l'enterrer avant même qu'elle soit réellement effective.
Quel est votre positionnement sur l'ouverture à la concurrence du SLO et les règles actuelles qui sont appliquées à la SNCF et ses concurrents ?
De plus, les voyageurs font face à une pénurie d'offres sur le marché ferroviaire. Cette situation s'explique en partie par les retards pris dans la livraison des nouveaux TGV Inoui, qui doit permettre à la SNCF d'augmenter son offre. Les choix passés de la SNCF ont également joué un rôle dans cette situation : le nombre de dessertes en gare par des TGV de la SNCF s'est contracté de 12 % entre 2015 et 2023 et le nombre de rames a été réduit d'une centaine entre 2010 et 2023. De même, SNCF Voyageurs a consacré une partie de sa flotte au marché espagnol avec son offre Ouigo et souhaite prochainement affecter certains des futurs TGV M au marché italien.
Comment répondrez-vous aux pénuries de matériels roulants pour augmenter l'offre sur le SLO ? Comptez-vous poursuivre la politique d'internationalisation de SNCF Voyageurs ?
Avant d'évoquer le fret ferroviaire, je tiens à aborder la question du train de nuit. Il y a quelques jours, la presse annonçait la fin prochaine de l'exploitation de la symbolique ligne Paris-Berlin, l'État français cessant de la subventionner. Je rappelle que cette ligne n'a fait l'objet d'aucun soutien public allemand. Comment mener à bien la relance du train de nuit ? Pensez-vous qu'il soit possible de faire fonctionner des liaisons de nuit rentables ?
J'en viens au fret ferroviaire. Près de 90 % des marchandises transitent encore par la route. La stratégie nationale pour le fret ferroviaire a fixé l'objectif de doubler la part du fret ferroviaire entre 2018 et 2030 pour passer à 18 % et atteindre 25 % à l'horizon 2050. Dans cette démarche, l'État, SNCF Réseau et l'Alliance 4F - pour fret ferroviaire français du futur - ont lancé le plan Ulysse Fret pour investir un total de 4,5 milliards d'euros entre 2023 et 2032.
Force est de constater que le compte n'y est pas. La part modale du fret ferroviaire n'a pas augmenté depuis 2019 et l'objectif fixé pour 2030 semble désormais inatteignable. Le train dit des primeurs, entre Perpignan et Rungis, ne circule plus depuis 2024, et la transformation Fret SNCF en deux entités distinctes, Hexafret et Technis, s'est accompagnée d'un renoncement pour le groupe à 30 % des contrats de Fret SNCF.
Quels leviers pensez-vous mettre en oeuvre pour relancer l'activité de fret ferroviaire du groupe ?
Le développement du transport ferroviaire exige des infrastructures performantes. SNCF Réseau fait face à un double besoin de régénération et de modernisation du réseau, qui présente un âge moyen de 30 ans. Quelque 4 000 kilomètres de lignes de desserte fines du territoire (LDFT) sont menacés de fermeture faute de financement. Et 2 400 kilomètres de lignes subissent déjà des ralentissements.
En 2025, 3,3 milliards d'euros ont été affectés par SNCF Réseau à la régénération et à la modernisation du réseau. Une large partie de ce montant, environ 1,5 milliard d'euros, provient du fonds de concours issu des bénéfices de SNCF Voyageurs.
Néanmoins, cette somme reste insuffisante pour assurer la pérennité de l'infrastructure, dont l'entretien nécessite, selon SNCF Réseau, 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an pour maintenir la performance actuelle. La conférence Ambition France Transports a ainsi entériné le principe d'une augmentation de cet ordre du budget consacré à la régénération et à la modernisation du réseau d'ici à 2028. À partir de 2032, une partie de cette enveloppe pourrait provenir des concessions autoroutières, mais les autres recettes restent à définir. La SNCF propose également de sécuriser 500 millions d'euros supplémentaires sur le fonds de concours.
Alors que les prix des péages de SNCF Réseau sont déjà particulièrement élevés, quelles solutions préconisez-vous pour dégager de nouvelles recettes stables permettant l'entretien et la modernisation du réseau ?
Enfin, dans vos fonctions à la RATP, vous avez su mener un dialogue social intense. Ces dernières années, la SNCF a été marquée par une série de mobilisations sociales suivies, parfois - et c'est une nouveauté - hors de tout encadrement par les organisations syndicales.
Cette situation s'inscrit notamment dans le contexte d'ouverture à la concurrence. SNCF Voyageurs répond à chaque appel d'offres avec la création de filiales dédiées chargées de l'exploitation des lots attribués. Cette décision a été décriée par les syndicats, qui considèrent qu'elle affaiblit l'unité du groupe. Les risques de licenciement sont également soulignés en cas de perte du marché par la SNCF, si les salariés concernés refusent le transfert.
De même, la transformation de Fret SNCF en deux entités a été critiquée par certaines organisations syndicales.
La réforme des retraites a également ouvert une période de forte conflictualité sociale, conclue par le coûteux et décrié accord sur les fins de carrière d'avril 2024.
Avec votre expérience de PDG social à la RATP, comment comptez-vous procéder à la tête de la SNCF pour instaurer un climat social de confiance tout en améliorant la performance du groupe, avec pour objectif un service de qualité, au quotidien, pour tous les usagers ?
M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de la SNCF. - Vous avez eu raison de rappeler que je suis, sinon un recordman, du moins un habitué de votre commission, avec quatre auditions en trois ans ! Je considère que cette procédure est très saine ; vous en connaissez l'origine, mais elle me semble utile : à chaque fois, cet exercice m'a contraint à une préparation rigoureuse par respect pour votre commission, qui me servira aussi dans mes futures fonctions, si vous confirmez le choix du Président de la République.
M. Farandou a été nommé PDG de la SNCF en 2019, et j'étais alors moi-même candidat, je le relève à titre factuel, afin d'éclairer la cohérence de mon parcours et de ma candidature actuelle. J'ai, depuis lors, exercé d'autres fonctions, que j'espère avoir remplies utilement. Aujourd'hui, vous avez face à vous un candidat très motivé, même si, je l'avoue, je quitte la maison RATP avec un peu de tristesse. J'y ai trouvé des agents remarquablement engagés, et nous avons traversé ensemble des périodes particulièrement intenses, notamment à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, mais pas seulement.
Le calendrier des auditions dépend de circonstances extérieures à moi, mais il me semble plutôt opportun. En effet, je n'aurais pas souhaité quitter la RATP avant d'avoir mené à terme plusieurs chantiers essentiels. J'en citerai trois, parmi les plus significatifs.
Tout d'abord, l'ouverture à la concurrence. Je suis un dirigeant d'entreprise publique qui vient de conduire à son terme l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du réseau de bus de la RATP. C'est une transformation considérable, plus importante encore, en termes historiques, que celle qui est opérée à la SNCF, puisque ce réseau était situation de monopole depuis 1863, soit l'époque du baron Haussmann ! Le choc culturel fut donc important, mais, comme vous l'avez sans doute constaté, on en a peu entendu parler ; c'est donc que les choses ont été gérées correctement. La RATP a perdu certaines parts de marché, mais elle en a conservé beaucoup, grâce à la qualité de ses offres. Surtout, les usagers n'ont subi aucune perturbation, et c'est là l'essentiel, car ils souhaitent avant tout que leurs bus fonctionnent, peu importe qui les exploite.
Ensuite, hors du périmètre des bus, l'activité reste régie par un contrat quinquennal avec Île-de-France Mobilités, notre autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Après six mois de négociations, nous avons conclu, au début de l'été, le contrat 2025-2029 avec la présidente de cette autorité, Mme Pécresse. De ce point de vue également, l'horizon est dégagé.
Enfin, troisième chantier : la modernisation du métro. Un heureux hasard de calendrier veut que, demain matin, en avance sur les échéances, soit introduite la première rame du nouveau métro MF19, marquant le début d'un programme de dix ans de modernisation portant sur huit des quatorze lignes du réseau.
J'espère avoir renforcé mon expérience dans le domaine des mobilités durables, au sein d'une entreprise publique d'envergure, confrontée à des problématiques comparables à celles que connaît la SNCF. Votre question sur le sujet me donne l'occasion de m'exprimer publiquement sur les risques éventuels de conflits d'intérêts, ou plus précisément de conflits concurrentiels, liés à mon parcours. Dès mon entrée en fonction, je saisirai la commission de déontologie de la SNCF, afin de prévenir tout risque à cet égard. Deux décisions ont d'ores et déjà été prises, sous réserve de leur validation par ladite commission.
Premièrement, pour les appels d'offres en cours auxquels le groupe RATP et le groupe SNCF concourent l'un contre l'autre, qu'il s'agisse de Keolis sur les segments urbains ou de SNCF Voyageurs sur les trains express régionaux (TER), je me déporterai systématiquement. Cinq appels d'offres en France sont concernés, dont le plus important est celui de l'étoile ferroviaire de Reims, et trois à l'étranger, dont un à Copenhague. Je n'aurai à en connaître d'aucune manière. En effet, vu que je serais susceptible de connaître l'offre de la RATP, je pourrais affaiblir mon ancienne entreprise : cela ne m'a pas traversé l'esprit, mais il faut être extrêmement prudent.
Deuxièmement, pour l'avenir, je n'ai aucune contrainte légale en la matière, car chaque appel d'offres est spécifique et les AOM décident du lauréat. Néanmoins, j'ai décidé que, chaque fois que la RATP sera identifiée comme entreprise sortante dans une délégation de service public urbaine ou interurbaine et se représentera, et que le groupe SNCF décidera également d'y concourir, je me déporterai, et ce pendant une période de trois ans à compter de ma nomination. Ainsi, tout risque sera écarté, tant sur le stock que sur le flux.
Il serait curieux que mon premier objectif soit de « canarder » la RATP. En revanche, je tiens à souligner que, si j'ai défendu la RATP lorsque j'en étais le PDG, je défendrai, avec la même détermination, la SNCF si vous m'en confiez la direction. C'est le sens même de la responsabilité que j'assume. Il me paraît néanmoins essentiel de définir un cadre clair et rigoureux.
Je souhaite également rappeler que l'ensemble de mon parcours, qu'il soit administratif, politique ou managérial, s'est déroulé dans le service public. C'est une constante de ma carrière, et, à l'âge de 60 ans, je n'ai nullement l'intention d'en changer. Je considère donc que, si la SNCF perd certaines parts de marché au profit d'autres groupes de service public, cela peut aussi constituer une évolution positive.
La SNCF est avant tout une entreprise des territoires et pour les territoires. J'ai pu, en tant que maire, travailler avec elle sur des projets d'aménagement, comme les pôles d'échanges multimodaux : j'y vois des marges d'amélioration. J'ai siégé cinq ans au conseil régional de feu le Languedoc-Roussillon - avant sa fusion avec Midi-Pyrénées - où j'ai suivi de près, au sein de la commission des transports, les conventions passées avec l'entreprise ferroviaire. Cette expérience nourrit ma conviction que la SNCF doit continuer à être un acteur essentiel de la cohésion territoriale. Je veux également saluer la communauté cheminote : je n'en fais pas partie, mais j'aurais pu - et j'espère le pouvoir.
Le groupe SNCF se trouve aujourd'hui à un moment charnière. Depuis la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, de nombreux progrès ont été accomplis : le plan stratégique 2023-2032 fixe une ambition claire, les comptes ont été redressés, le chiffre d'affaires a progressé de 20 % en quatre ans, et l'activité se porte bien - et même, on n'arrive pas à transporter tout le monde... Les taux de remplissage sont souvent records, la régularité moyenne s'est améliorée, même si des disparités subsistent. Le climat social, quoique toujours exigeant, paraît plus apaisé. Les mouvements sociaux récents ont été occasionnés par des éléments extérieurs à l'entreprise, comme la réforme des retraites. La transition vers un modèle tourné vers la responsabilité sociétale est résolument engagée, et l'engagement des collaborateurs progresse.
Je veux saluer le travail de Jean-Pierre Farandou et des équipes de la SNCF, qui ont su poser des bases solides. Comme lui, si vous entérinez ma nomination, je viendrai à intervalles réguliers vous présenter le bilan de mon action et de l'activité du groupe SNCF.
Les défis demeurent considérables. Le premier d'entre eux, la mère des batailles, reste l'état du réseau. Rien n'est possible sans un réseau fiable : ni ponctualité, ni sécurité, ni attractivité. Un consensus semble désormais se dégager sur la nécessité d'accroître l'effort d'investissement, en passant de 3 à 4,5 milliards d'euros par an, afin de combler la dette grise des infrastructures. Sur ce milliard et demi supplémentaire, la SNCF est prête à porter environ un tiers de l'effort, ce qui me paraît être le maximum soutenable. Il faudra donc, avec l'État, défendre la part restante. C'est un combat essentiel, que je compte mener avec détermination.
Je rappelle - même si les sénateurs le savent parfaitement - que la France se distingue, au sein de l'Europe, par un État qui intervient très peu dans le financement des infrastructures ferroviaires. Cela explique en grande partie le niveau beaucoup plus élevé des péages ferroviaires dans notre pays. Les chiffres sont éloquents : nous avons traversé, entre les années 1970 et 2010, ce que j'appelle les « trente piteuses » du sous-investissement. En 1991, les dépenses publiques consacrées aux infrastructures de transport représentaient 1,2 % du PIB ; elles ne sont plus que de 0,8 % en 2023. Autrement dit, il y a des domaines où la France dépense davantage que ses voisins européens, mais certainement pas celui des infrastructures de transport ferroviaire. Il faudra donc mobiliser les moyens nécessaires, car, encore une fois, si nous ne réglons pas ce problème, tout le reste se dégradera. C'est là l'enjeu fondamental.
La part modale du ferroviaire reste faible, pour les voyageurs ainsi que, plus encore, pour le fret. De nombreux Français ne peuvent pas prendre le train, faute d'offre suffisante, alors même que les bénéfices en termes de développement durable seraient évidents. Il nous faut donc faire mieux, et cela commence par les fondations de la maison : l'infrastructure.
Cet effort est, de surcroît, avantageux sur le plan économique. Une infrastructure plus performante - songez notamment à la signalisation ou à la commande centralisée du réseau - améliore la fiabilité tout en réduisant les coûts d'exploitation et de maintenance. C'est un cercle vertueux : investir dans le réseau, c'est investir dans la qualité du service et dans l'efficience globale du système. J'ai connu exactement la même problématique à la RATP. La première bataille, c'est donc bien celle du réseau.
La seconde, que vous avez également évoquée, est celle de la capacité. Les fondations, c'est l'infrastructure ; mais il faut aussi du matériel roulant. Là aussi, j'ai fait mes calculs : tous véhicules confondus - locomotives, autorails, wagons de fret et voitures voyageurs -, nous sommes passés de 102 000 unités en 2019 à 96 000 en 2023, alors même que la demande augmente. Le trafic TGV est particulièrement dynamique, mais l'offre, paradoxalement, s'est contractée.
Certes, de nombreuses commandes sont en cours, et c'est une excellente nouvelle. J'ai constaté, à la RATP comme à la SNCF, des retards de livraison récurrents, qui pénalisent directement les usagers. Il faudrait donc muscler notre filière industrielle, et travailler sur plusieurs leviers : prolonger la durée de vie du matériel existant, optimiser son taux d'utilisation, et adapter notre offre à l'évolution des comportements de mobilité. Des études, notamment du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), montrent qu'avec les mêmes trains et les mêmes conducteurs, il est possible d'accroître significativement le nombre de circulations, sans coût marginal excessif. C'est là un potentiel qu'il faut exploiter.
L'ouverture à la concurrence peut, de ce point de vue, offrir une opportunité : elle peut générer de l'offre supplémentaire là où on en manque. L'exemple de la ligne Paris-Lyon est parlant : l'arrivée de nouveaux entrants a permis d'augmenter le nombre de trains disponibles pour les voyageurs. De même, l'ouverture à la concurrence de l'étoile ferroviaire d'Amiens - que j'avais examinée à l'époque où la RATP envisageait de se porter candidate - illustre un modèle intéressant : le cahier des charges ne portait pas seulement sur l'exploitation, mais intégrait un renforcement de l'offre et une maîtrise des coûts.
Aujourd'hui, sur les TER, huit lots ont été attribués : cinq remportés par la SNCF, trois par des concurrents, ce qui représente néanmoins 81 % du chiffre d'affaires pour la SNCF. Sur les Intercités, un seul lot a été attribué, et sur les lignes à grande vitesse, les concurrents étrangers, notamment italiens, ne représentent encore qu'environ 2 % du chiffre d'affaires. Autrement dit, l'essentiel reste à venir.
J'insiste donc : le réseau doit rester neutre et garantir une parfaite équité d'accès. Les travaux du Sénat, notamment ceux conduits par le Vice-président Didier Mandelli, ont souligné la nécessité d'une plus grande transparence et d'un abaissement des barrières à l'entrée. J'en suis pleinement conscient.
Pour autant, dans le même temps, la SNCF doit s'armer pour affronter cette nouvelle donne. Il s'agit d'assurer une stricte égalité des conditions pour tous les acteurs, mais aussi de permettre à l'entreprise nationale d'être compétitive et conquérante. Cela suppose un effort de rationalisation - car la SNCF compte aujourd'hui quatre marques -, une stratégie offensive à l'étranger et une valorisation de la marque France.
J'en profite pour rappeler que le fonds de concours, qui finance une partie de la régénération du réseau, est alimenté exclusivement par les excédents du TGV. C'est-à-dire que la SNCF est seule à contribuer, comme Jean-Pierre Farandou l'avait souvent rappelé devant vous. Si les nouveaux entrants se concentrent sur les segments les plus rentables, soit environ un tiers de l'activité, la contribution de la SNCF à ce fonds diminuera d'autant, alors même que tous les opérateurs bénéficient des infrastructures.
La SNCF conservera le souci de l'aménagement du territoire, je le revendique devant vous. Autrement dit, les TGV doivent desservir Le Creusot ou Angoulême. Mais si la concurrence aboutit à ce que nous perdions des parts de marché sur les segments les plus rentables, le fonds de concours sera moins alimenté, et la régénération de l'infrastructure, qui constitue le socle de la maison, en pâtira. Or, que je sache, tout le monde profite de cette infrastructure. Il y a là une question d'équité à examiner.
Quant aux péages, leur niveau actuel ne permet guère d'envisager une hausse significative. Des ajustements ou différenciations peuvent être discutés, mais une augmentation massive ne serait pas raisonnable.
Venons-en maintenant à la dimension humaine. Vous avez évoqué, monsieur le président, la notion de PDG social. Pour ma part, je considère qu'un bon PDG, quel que soit le qualificatif retenu, doit avant tout se préoccuper des ressources humaines et de management. Une entreprise ne fonctionne que si ses salariés sont reconnus, motivés et impliqués. Pour maintenir l'attractivité, il faut recruter, fidéliser, maintenir le niveau de compétence, etc.
L'ouverture à la concurrence ne doit pas simplement nous inciter à conserver des parts de marché, il faut aussi en conquérir à l'étranger, ce qui permettra d'alimenter le fonds de concours, car nous avons le savoir-faire, les qualités et les compétences, et parce que le service public a un rôle à jouer. Mais, lorsqu'on remporte un lot, l'activité est souvent filialisée, ce qui entraîne des transitions complexes sur le plan managérial et social. Ces phases doivent être accompagnées avec la plus grande attention, pour éviter toute perte de cohésion. La SNCF doit rester un groupe uni. Je le dis souvent : je ne souhaite pas être à la tête d'un « agrégat inconstitué de peuples désunis », pour citer Mirabeau. L'unité du groupe est essentielle, et son incarnation, c'est précisément le PDG.
Enfin, au-delà de ces grands enjeux structurels - financement du réseau, capacités, ouverture à la concurrence - il y a la gestion du quotidien. Mon expérience m'a appris qu'il est toujours possible d'améliorer la vie des voyageurs, même dans un contexte difficile. Prenons l'exemple du RER B, exploité conjointement, justement, par la SNCF et la RATP. Malgré des retards dans la livraison du matériel roulant, des mesures ciblées ont permis, en trois ans, d'améliorer la ponctualité et de stopper la dégradation du service, à infrastructure et matériel constants. Cela prouve qu'une action fine, concertée et continue peut produire des effets tangibles. C'est cette méthode que je souhaite généraliser : identifier, ligne par ligne, les principales causes de retard, travailler en transparence avec les AOM et les élus, et mettre en oeuvre des plans d'action concrets.
Il existe des marges de progrès sur la billettique, sur la réservation et sur la coordination des horaires, notamment avec l'ouverture à la concurrence. Par exemple, l'arrivée d'un TGV à quatorze heures vingt-neuf alors que le TER de correspondance est parti à quatorze heures seize n'a pas de sens pour l'usager. Ce type d'incohérence doit être corrigé par un meilleur pilotage d'ensemble.
En somme, monsieur le rapporteur, je crois avoir une conscience claire des défis qui nous attendent. Ce sont ceux de la Nation toute entière, la SNCF n'étant pas une île, mais j'aborde ces responsabilités avec sérénité et détermination.
M. Didier Mandelli. - Permettez-moi de vous remercier pour le travail que vous avez accompli à la RATP ces dernières années. Une page se tourne, et il appartient aux parlementaires de reconnaître l'action d'un grand serviteur de l'État au sein de cette belle structure qu'est la RATP. Cela augure, je l'espère, de ce que sera demain votre action à la SNCF.
Notre ancien collègue et ami Philippe Tabarot, ministre des transports, a organisé en mai et juin derniers la conférence Ambition France Transport. Nous avons travaillé à cette occasion sur les questions de financement, concernant notamment les services express régionaux métropolitains (Serm), ainsi que sur les relations avec les AOM. Vous avez évoqué les investissements à réaliser sur les réseaux ; ma question, à laquelle vous avez partiellement répondu, porte sur la mise en oeuvre de ces investissements et sur les ressources nécessaires à leur financement. Pourriez-vous compléter votre propos à ce sujet ?
La question suivante s'inscrit dans le prolongement de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. En lien étroit avec la SNCF, cette loi a permis à l'entreprise, au travers d'une structure ad hoc, de mettre en oeuvre cette politique, notamment en matière de photovoltaïque, sur son immense patrimoine foncier. Où en êtes-vous et quelle est votre ambition en la matière ?
Enfin, deux dernières questions : lorsque vous présidiez la RATP, vous effectuiez de très nombreuses visites de terrain, au rythme d'une tous les deux jours. Compte tenu de l'immensité du territoire, maintiendrez-vous cette cadence ? Plus sérieusement, entendez-vous poursuivre ce qui fut votre marque de fabrique, cette proximité avec les agents et l'ensemble des équipes, au travers de visites qui me semblent indispensables pour privilégier les relations humaines aux ressources humaines ?
Une dernière question, à laquelle vous n'êtes nullement tenu de répondre : quel serait, selon vous, le profil idéal de votre successeur à la tête de la RATP ?
M. Alexandre Basquin. - Je souhaite évoquer la question du fret ferroviaire, que vous avez partiellement évoquée. Il s'agit d'un point nodal en matière d'aménagement du territoire, d'environnement, de sécurité et de développement économique.
Comme l'a rappelé le rapporteur, la part modale du rail dans le transport de marchandises est d'environ 10 % en France, contre 18 % en Allemagne, 32 % en Autriche et 35 % en Suisse, ce qui montre que beaucoup reste à faire.
Depuis les années 1970, nous subissons les orientations politiques libérales qui ont dépecé le fret ferroviaire au profit du tout-routier, avec les conséquences économiques et environnementales que l'on connaît. Les logiques de rentabilité à court terme, imposées par l'Union européenne et de libéralisation des transports dans les années 1990, ont aggravé la situation. Vous avez mentionné le nouveau pacte ferroviaire ; j'évoquerai pour ma part le plan de discontinuité de Fret SNCF, auquel nous nous sommes opposés, car il fragilise le transport public de marchandises. L'intersyndicale demande d'ailleurs un moratoire sur ce sujet.
Nos inquiétudes sont donc légitimes, alors qu'il est impératif d'investir massivement dans le fret : il s'agit d'une absolue nécessité pour lutter contre le dérèglement climatique, mais aussi pour mailler le territoire, soutenir les zones enclavées et permettre le développement économique. Le rail est une solution attractive et écologiquement responsable.
On objectera le risque d'une augmentation des dépenses publiques, un argument facile pour balayer d'un revers de main tout enjeu progressiste, qui doit pourtant être mis en rapport avec les coûts environnementaux du tout-routier.
Je formulerai enfin une suggestion, qui ne dépend pas de vous : les produits des concessions autoroutières pourraient être fléchés vers le fret ferroviaire. Un rapport sénatorial récent a d'ailleurs démontré il y a quelques années la surrentabilité de ces sociétés concessionnaires.
Mes questions sont donc simples : le renforcement du fret est-il à vos yeux une nécessité et un pari d'avenir ? Lui attribuerez-vous les moyens budgétaires et humains à la hauteur des enjeux actuels et futurs ?
M. Franck Dhersin. - Votre prédécesseur, M. Jean-Pierre Farandou, a indiqué en 2021 que pour transporter deux fois plus de passagers d'ici à dix ans, il fallait que le rail passe de 10 % à 20 % du marché. Selon lui, l'arrivée de concurrents, conjuguée à sa politique d'augmentation des volumes, devait contribuer à cet objectif : aiguillonnée par ces nouveaux entrants, SNCF Voyageurs sera amenée à améliorer ses services.
Ces nouveaux entrants investissent aujourd'hui plus de 3 milliards d'euros dans soixante-dix trains neufs. Ils comptent sur le groupe SNCF pour trouver des solutions concrètes à la mise en service de ces trains, qui s'ajouteront aux cent quinze commandés par la SNCF. La loi confie à cette dernière les missions nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, au bénéfice de tous ses acteurs. Vous engagez-vous à la bonne intégration de ces nouveaux entrants ?
Par ailleurs, donnerez-vous au groupement d'intérêt économique (GIE) Eurailtest - filiale commune de la RATP et de la SNCF - les moyens de recruter pour faire face au plan de charge lié à l'homologation des trains neufs, tant pour les nouveaux opérateurs que pour les régions ?
Un récent rapport de la Commission européenne dresse un bilan contrasté de la mise en oeuvre de la directive 2012/34, modifiée par la directive 2016/2370, laquelle visait à achever l'ouverture du marché et à introduire des règles claires pour les gestionnaires d'infrastructures faisant partie de structures verticalement intégrées afin d'éviter les conflits d'intérêts et les comportements discriminatoires. Ce rapport souligne la persistance de telles pratiques et de barrières à l'entrée sur les lignes à grande vitesse, ce qui affaiblit l'impact positif de l'ouverture du marché.
Un développement sain de ce dernier requiert des organismes de contrôle solides et indépendants, particulièrement en présence d'entreprises verticalement intégrées. Une attention particulière s'impose pour certaines activités non essentielles de ces entreprises verticalement intégrées, qui peuvent créer des obstacles concurrentiels, notamment lorsque celles-ci utilisent des infrastructures ferroviaires initialement financées par des fonds publics.
Vous engagez-vous à appliquer le droit européen dans sa lettre comme dans son esprit, et à promouvoir la mise en place d'un régulateur fort et indépendant ?
Concernant le fret ferroviaire, les derniers chiffres de l'Autorité de régulation des transports (ART) confirment sa faible part modale. L'objectif de doublement de cette part passe par le triplement du transport combiné, dont les investissements nécessaires sont définis depuis fin 2024. Comment entendez-vous accompagner l'accélération de ces investissements ? Quelle place donnerez-vous au fret dans le cadre de la discontinuité de Fret SNCF et de la future ouverture du capital de Rail Logistics Europe (RLE) ?
Par ailleurs, les grèves régulières freinent l'attractivité du rail. Quelles mesures envisagez-vous pour rassurer les clients et éviter qu'ils se détournent du fret ? Il importe que les conséquences de ces grèves ne pèsent pas de façon déséquilibrée sur des opérateurs qui les subissent sans disposer de leviers pour les régler, et qu'un dialogue social leur apporte des réponses saines et pérennes.
Enfin, nous attendons une attitude proactive de la SNCF dans la fourniture d'informations sur les matériels amiantés, afin que l'État et les régions fassent avancer ce dossier.
M. Stéphane Demilly. - Les agents de la SNCF - conducteurs, contrôleurs, personnels en gare - sont au coeur de la confiance des usagers dans le service public. La région des Hauts-de-France, comme d'autres, souffre d'une pénurie de conducteurs, qui engendre retards, suppressions de trains et correspondances manquées. Quelle sera votre stratégie pour renforcer l'attractivité de cette grande maison, améliorer le recrutement et la formation des personnels, et garantir ainsi une offre fiable dans les territoires ?
J'aborderai ensuite la question de la gare du Nord, que j'emprunte chaque semaine. Il s'agit d'une véritable cour des miracles où règnent trafics, agressions, mendicité, insalubrité et un sentiment d'insécurité latent. Envisagez-vous des moyens exceptionnels pour restaurer l'ordre, la sérénité et la sécurité dans cette gare stratégique ?
Enfin, de nombreux territoires attendent la réalisation du barreau ferroviaire Creil-Roissy. Ce projet, qui reliera la Picardie à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, sera un levier majeur de développement économique, d'attractivité et de désenclavement, notamment pour les Hauts-de-France. Le financement mobilisé sera-t-il à la hauteur des attentes des élus, des entreprises et des habitants de ces territoires et des usagers ? Comment comptez-vous garantir la concrétisation de ce projet ?
M. Jacques Fernique. - Vous saluez à juste titre le bilan de votre prédécesseur, dont je retiens particulièrement l'essor de 30 % en cinq ans de la fréquentation des transports express régionaux (TER). Ce chiffre démontre le potentiel des mobilités ferroviaires du quotidien et s'avère prometteur pour les futurs Serm. Le projet précurseur du bassin de Strasbourg, après des débuts compliqués, est d'ailleurs aujourd'hui une réussite.
Je m'associe à notre rapporteur au sujet des trains de nuit, question à laquelle vous n'avez pas encore répondu. À Strasbourg, nous nous alarmons de la déconnexion annoncée des liaisons vers Berlin et Vienne. Il s'agit de la seule liaison de train de nuit reliant Paris à une Europe ferroviaire bien plus dense et bien mieux circulée pour ces services de nuit, alors qu'ils sont essentiels au report modal depuis le transport aérien, très énergivore. Le maintien de ces lignes ne requiert que 7,5 à 8 millions d'euros de subventions de l'État et leur enjeu justifie cet effort budgétaire. Soutiendrez-vous cette dépense devant le Parlement ? Plus largement, quelles sont les perspectives pour les trains de nuit ?
Comme cela a été dit, nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour l'essor de la part modale du rail. Si le plan Ulysse pour le fret va dans le bon sens, tout comme l'effort budgétaire à maintenir sur les péages du fret, la part modale des voyageurs stagne, n'ayant gagné qu'un point depuis 2019, malgré la progression du TER. La conférence Ambition France Transports a dégagé des pistes qui devraient être précisées dans une future loi-cadre. L'essentiel reste donc à faire pour échapper au sort de l'Allemagne, qui subit un effondrement brutal et une dégradation considérable de sa qualité de service.
Vous avez souligné qu'il faudrait beaucoup de ténacité pour que chacun, à commencer par l'État, tienne ses engagements pour la régénération et la modernisation du réseau. Les autres opérateurs devront y contribuer aussi. Qu'en sera-t-il concrètement du contrat de performance ? L'ART observe déjà que celui-ci n'empêche ni la dégradation de la qualité de service en matière d'exploitation ni un vieillissement du réseau plus rapide que prévu. Le contrat de performance actuel ne permet pas de garantir une gestion optimisée et durable, alors même que l'adaptation climatique aggrave les difficultés à surmonter.
Quelle amélioration la démarche des « ferroscopes », proposée lors de la conférence, pourrait-elle apporter ? Vous affichez sérénité et détermination ; vous sentez-vous en mesure de réussir le doublement de la part modale et de remporter la mère des batailles que sont la qualité du réseau et la capacité du matériel ?
M. Jean Castex. - Je commencerai par le fret ferroviaire, sujet que je n'avais pas encore abordé. Vous parlez à l'ancien Premier ministre qui a décidé de dégager 170 millions d'euros dans le plan de relance pour ce secteur, notamment pour des aides aux wagons isolés. Vous parlez également au Premier ministre sous la direction duquel la stratégie nationale du fret ferroviaire a été arrêtée au deuxième semestre 2021 et a fait l'objet d'un décret début 2022. Je me suis battu bec et ongles pour que la Commission européenne n'engage pas de contentieux sur ce sujet, et pour que les recours soient retirés. J'ai ainsi le souvenir de discussions vives avec Mme Vestager, alors commissaire en charge de la concurrence, car le fret présente de tels enjeux de développement durable et des conditions d'exécution si différentes de celles de la route que le combat est inégal.
Le secteur est ouvert à la concurrence depuis plusieurs années. Si l'ouverture à la concurrence peut améliorer l'offre, le résultat est neutre ici, ni meilleur ni pire. J'ai donc été surpris par le plan de discontinuité qui a suivi, contre lequel je m'étais battu, car j'en anticipais les conséquences. Il est désormais une réalité et il faut l'appliquer avec intelligence. Ne disposant pas encore de tous les éléments du dossier, je ne vous livre que mon sentiment, mais il est nécessaire d'affiner notre stratégie ferroviaire : il ne faudrait pas que l'ouverture à la concurrence ne nous oriente que vers des secteurs comme le wagon isolé, qui sont importants, et dans lesquels des aides d'État sont possibles à condition d'être validées par la Commission, au risque de laisser les segments les plus porteurs du fret à la concurrence. Cette stratégie est également liée à l'augmentation des flux internationaux : les connexions avec les ports et le transport combiné représentent l'avenir. Un état des lieux est donc indispensable.
Ne doutez pas de mon intention. Si j'ai évoqué mes actions passées, c'est parce que les promesses n'engageant que ceux qui les reçoivent, je tenais à rappeler ce que j'avais fait concrètement, à l'époque où nous avons remis la SNCF à flot, ou plutôt empêché qu'elle s'effondre. Je m'occuperai très sérieusement du fret, car c'est une question d'intérêt général.
Le rapporteur a évoqué le train des primeurs. Je suis allé moi-même rouvrir cette ligne, qui était fermée, à Perpignan, sur mes terres - il ne faut jamais oublier ses terres, mais ce n'est pas aux sénateurs que je l'apprendrai. J'en suis fier, mais l'enjeu allait bien au-delà de cela. J'ai donc été catastrophé d'apprendre sa fermeture, moi qui connais le nombre de camions qui circulent sur l'autoroute A9. Ma déception est double, car cette liaison fait partie de celles que la SNCF a cédées en application du plan de discontinuité. Je ne pourrai donc être que le spectateur de sa réouverture, que je souhaite vivement et qui dépend en partie de la plateforme de Rungis, où un appel à projets est en cours.
Tous ces sujets nous ramènent au plan Ulysse, repris par la conférence Ambition France Transports, et à son diagnostic sur le réseau, les infrastructures, le réseau capillaire et les chantiers. Nous revenons donc au mur d'investissements identifié par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Les mesures sont connues, mais dégager les crédits budgétaires nécessaires ne sera pas simple et nous ne les trouverons pas sous le sabot d'un cheval, même si, je le répète, les financements de l'État en la matière sont nettement inférieurs à ceux de nos voisins européens. Il s'agit donc de 1,5 milliard d'euros, dont 500 millions à la charge de la SNCF ; je rappelle incidemment que l'écotaxe devait rapporter 1 milliard d'euros.
Les revenus des concessions autoroutières sont une piste, mais pas pour tout de suite. Si vous m'accordez votre confiance, il faudra tout de même trouver de quoi financer la jointure. C'est un sujet financier qui demandera de l'imagination, des ressources relais, le recours aux partenariats public-privé (PPP), car l'enjeu est capital, et concerne aussi le fret. Les quatre milliards d'euros identifiés par Ulysse font partie de ce diagnostic d'investissements dans les infrastructures.
Concernant l'ouverture à la concurrence, appliquerai-je le droit ? Assurément. J'espère que personne ici ne me soupçonnerait de ne pas appliquer la loi de la République, fût-elle d'origine communautaire. J'appelle de mes voeux depuis longtemps la mise en place d'un observatoire, que vous pourriez d'ailleurs créer vous-mêmes. Étant juge et partie, je ne pourrais en être membre. Il lui reviendrait de déterminer si la situation s'améliore ou non, mais le résultat ne sera sans doute pas noir ou blanc, il faut donc du recul. Je pourrais en témoigner au sujet de la RATP. Bien entendu, les règles doivent être appliquées, à commencer par l'égalité devant la concurrence pour tous. Vous avez esquissé les chemins de progrès dans votre question, mais au final, les voyageurs et le service public doivent s'y retrouver. Les conditions doivent donc être les mêmes pour tous, car le réseau et l'infrastructure servent à tous et doivent être mis à la disposition de chaque concurrent de façon équitable. Il ne faut pas que l'un d'entre eux paie plus pour la régénération du réseau.
Comme l'a constaté Jean-Pierre Farandou, le marché est porteur, ce qui facilite l'exercice, tant il est difficile de partager un gâteau en attrition. Il est de l'intérêt général que les parts de marché du ferroviaire, pour le fret comme pour les voyageurs, se développent. Il faut donc une offre de qualité et une SNCF efficiente, ce qui facilitera l'exercice.
Sur les trains de nuit, j'en suis un grand partisan et en fus un grand utilisateur. Étudiant, je prenais régulièrement le Paris-Toulouse ou le Paris-Latour-de-Carol. La situation actuelle n'est pas brillante. Premier ministre, j'ai rouvert des lignes comme Paris-Nice et Paris-Tarbes, mais cela ne marche pas très bien, pour de multiples raisons. Pour le Paris-Berlin, je crains que le problème vienne du retrait d'une dotation d'équilibre de l'État ; il faudra voir ce que nous pouvons faire, sans susciter de faux espoirs.
Les raisons des difficultés du secteur relèvent d'abord du réseau. De surcroît, de nombreux travaux sont réalisés la nuit et perturbent ce trafic. Ensuite, le matériel roulant a été un peu modernisé, mais la voiture-couchette du Paris-Latour-de-Carol est à peu près la même qu'en 1983. L'âge des locomotives est également très avancé, ce qui entraîne des pannes. Heureusement, l'État a pris la très bonne décision de commander de nouveaux wagons et de nouvelles locomotives ; il faut maintenant qu'ils arrivent. Enfin, la réservation d'un train de nuit est tout sauf simple.
La solution idéale réside dans l'amélioration de l'infrastructure et dans l'arrivée de matériels neufs, mais il est possible d'améliorer la situation avant l'achèvement de ces chantiers, qui prendra des années. Le Paris-Nice, par exemple, attire déjà des voyageurs, malgré toutes ces contraintes. Les trains de nuit constituent pour moi une longue histoire, je ne découvre pas le sujet, et j'entends que nous ayons des ambitions à ce sujet.
Concernant la pénurie de conducteurs, notamment dans les Hauts-de-France, je ne peux répondre précisément sur ce que je ferai. J'ai cependant connu une pénurie catastrophique de conducteurs et de chauffeurs de bus à mon arrivée à la RATP, et nous l'avons surmontée. J'agirai de la même manière à la SNCF, qui est une grande entreprise qui recrute beaucoup, ce qui est essentiel pour l'emploi dans nos territoires.
Je connais un peu la gare du Nord : certaines lignes de métro y passent et l'ensemble est assez poreux. Vous avez employé l'expression « cour des miracles » ; je vous en laisse la paternité, mais je reconnais qu'il y a des choses à faire. Nous avons déjà renforcé les moyens côté RATP, en lien étroit avec le préfet de police ; je me pencherai sur la gare elle-même dès ma prise de fonction. Concernant le barreau Creil-Roissy, j'ai bien pris connaissance de l'existence de ce projet, mais n'étant pas encore nommé PDG je n'ai pas d'informations plus précises à vous donner à son propos.
Un élément que j'ai moins connu à la RATP est l'impact très concret, et qui s'accélère, du changement climatique sur le réseau. Les dossiers sont impressionnants, alors que si vous m'aviez entendu il y a quinze ans, cette question n'aurait sans doute même pas été évoquée. Le principal ennemi est l'eau, mais on constate des problèmes liés à la chaleur ou à la végétation. Cela suppose des investissements de résilience supplémentaires.
Je termine avec la question de M. Mandelli sur ma méthode. J'ai pris connaissance des ambitions fixées par le président Farandou en matière d'énergies renouvelables ; je m'inscrirai dans son sillage pour tenter de les amplifier.
J'ai pratiqué les visites de terrain toute ma vie, en tant que maire et élu local, et je continuerai à les faire. Certes, il est plus difficile d'aller à Gap qu'à Marne-la-Vallée, mais personne ici ne doutera que je ne souffre pas lorsque je sors de Paris ! Je viendrai voir les élus, qui savent que je peux comprendre leurs problématiques et leurs attentes. Je m'efforcerai, comme à la RATP, de bloquer des journées entières sur le terrain. Je ne connais pas d'autre méthode : il ne s'agit pas de court-circuiter la hiérarchie, mais j'aime soulever le capot et interroger ceux qui sont à la manoeuvre. Reconnaître ainsi le travail des agents est important, pour autant il faut également en tirer des conséquences opérationnelles : il doit y avoir un avant et un après chaque visite.
Quant au profil idéal pour me succéder à la RATP, je ne saurais me substituer au titulaire du pouvoir de nomination. Je ne doute pas qu'un bon choix sera fait et que votre commission y veillera.
M. Olivier Jacquin. - Je salue les mérites de Jean-Pierre Farandou et vous souhaite le même succès ferroviaire. Votre profil mêlant service public et politique m'amène à vous poser des questions de cette nature, en complément de votre passage réussi à la RATP.
Vous n'avez pas évoqué Geodis et Keolis, deux entités importantes du groupe. Plus généralement, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, quels outils mettrez-vous en avant pour gagner de nouveaux marchés lors des appels d'offres ?
La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, que nous n'avions pas votée, a refusé de traiter la question des lignes non rentables, créant des problèmes d'équilibre et d'aménagement du territoire dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Vous n'envisagez pas de solution par la tarification des sillons ; peut-on imaginer des obligations de desserte, évoquées par François Durovray, voire une compensation de l'État ? Comment, dès lors, éviter de recourir au cofinancement par les collectivités territoriales ? La ligne Intercités Metz-Nancy-Lyon, par exemple, arrêtée unilatéralement par la SNCF, n'a été relancée que grâce aux financements de la région, de la métropole de Nancy et du département, ce qui est une catastrophe. Comment éviter de telles situations ?
Vos réponses ne m'ont pas semblé rassurantes quant à l'obtention du 1,5 milliard d'euros évoqué lors de la conférence sur le financement des transports. De même, si vous avez relevé vos mérites en tant que Premier ministre sur certains sujets ferroviaires, je rappelle que le très mauvais contrat de performance actuel a été signé alors que vous étiez à Matignon.
Le fonds de concours, que vous avez abordé, est une bizarrerie : seul SNCF Voyageurs le finance. Comment améliorer ce mécanisme, certes subtil, car il préserve la SNCF de Bercy, mais injuste ? Comment faire contribuer les nouveaux entrants, dès lors qu'ils deviennent rentables ?
En matière de billettique, le yield management permet d'optimiser le remplissage des trains, mais fait s'envoler le prix des billets au point d'empêcher certains Français de voyager. Comment comptez-vous résoudre ce problème ? Par ailleurs, SNCF Connect est le premier opérateur de billettique au service de la SNCF. Avec l'ouverture à la concurrence, ne faudrait-il pas disposer d'un opérateur public et désintéressé, à l'inverse de sociétés comme Trainline, pour garantir à tous nos concitoyens le meilleur accès à la billettique ?
Enfin, sur la question très sensible des conflits d'intérêts, vous rappelez vous-même l'imbrication entre la SNCF et la RATP, évidente sur le RER, la possession de Systra et sur la concurrence entre Keolis et SNCF Voyageurs, d'une part, et la RATP, d'autre part. Vous proposez de vous déporter et de saisir le comité de déontologie de la SNCF. Est-ce suffisant ? Comment présider efficacement si vous vous déportez sur l'essentiel des lots mis en concurrence ? Ne conviendrait-il pas de solliciter un avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur ce sujet, afin d'aller plus loin que le comité de déontologie interne ?
M. Guillaume Chevrollier. - Monsieur Castex, votre motivation pour cette mission au service des territoires est manifeste. La volonté exprimée par la SNCF de rationaliser son réseau en limitant les queues de comètes - ces sections où les TGV empruntent des lignes classiques - fait cependant courir un risque sur l'offre dans les territoires ruraux. Mon département de la Mayenne, avec l'unique gare TGV de Laval, a ainsi vu sa desserte menacée à plusieurs reprises.
Comment concilierez-vous l'objectif de performance économique avec celui de la cohésion territoriale et du désenclavement ? Envisagez-vous de rétablir les conventions de desserte ferroviaire de gare, qui sécurisaient les élus locaux, notamment concernant les lignes, comme la ligne à grande vitesse (LGV) Grand Ouest, par exemple, dont le taux de remplissage est élevé et sur laquelle nos concitoyens manquent de places ?
Ma seconde question porte sur le marché de la distribution des titres de transport. La forte présence de la SNCF via sa filiale SNCF Connect & Tech interroge les prérogatives du PDG dans la gouvernance de ces entités commerciales. La double position du groupe, à la fois exploitant, avec SNCF Voyageurs, et distributeur, soulève des enjeux de neutralité concurrentielle. Des distributeurs concurrents dénoncent un avantage structurel de la SNCF, qui se manifesterait par la fixation des taux de commission et par la rétention de données essentielles à la distribution. Comment aborderez-vous cette problématique ? Comment articulerez-vous le développement du transport, l'ouverture à la concurrence et l'équilibre économique du modèle intégré de la SNCF ?
M. Saïd Omar Oili. - Monsieur le président, mes questions porteront sur le dialogue social dans le contexte de l'ouverture à la concurrence, réalité croissante pour la grande vitesse comme pour les TER. Comment l'envisagez-vous face à l'explosion du corps social du groupe, via les sociétés dédiées répondant aux appels d'offres ?
Plus largement, en tant que futur président de l'ensemble du groupe - incluant Keolis ou Geodis - et non du seul pôle Voyageurs, quelle est votre vision stratégique globale du dialogue social à la SNCF ?
Les transferts de cheminots vers des concurrents sont souvent douloureux et appréhendés, d'autant que le sac à dos social est limité. Comment comptez-vous aborder cette situation, tant sur le plan interne que législatif ?
Enfin, quels axes de négociation entendez-vous ouvrir avec les syndicats d'ici à l'été, et quelle est votre vision en matière de rémunération pluriannuelle ?
M. Rémy Pointereau. - L'orientation actuelle des politiques ferroviaires privilégie la rénovation et la modernisation des lignes existantes. Cette priorité est nécessaire, notamment pour les lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et Paris-Nevers-Clermont, qui bénéficie enfin de programmes de régénération significatifs, même si leur mise en place est lente. Toutefois, cette priorité semble avoir stoppé la réflexion stratégique sur l'avenir du réseau à grande vitesse, dont la France fut pourtant le berceau et le modèle en Europe.
La grande vitesse demeure pourtant un outil essentiel d'aménagement du territoire et de compétitivité, et le Grand Centre Auvergne en est le principal oublié. En tant qu'ancien élu local, maire de Prades, vous avez mesuré les problèmes d'isolement liés à la mobilité ferroviaire et vous vous êtes mobilisé pour des lignes comme le train des primeurs, mais aussi pour le train jaune. Vous comprenez donc notre attachement à nos territoires. Vous avez d'ailleurs rappelé l'attention que vous portiez aux régions mal desservies ou oubliées.
Envisagez-vous, d'une part, de réintégrer dans la stratégie de l'entreprise l'accélération de la modernisation des lignes POLT et Paris-Nevers-Clermont ? D'autre part, mènerez-vous une réflexion de fond sur les projets de lignes à grande vitesse, notamment le projet Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL), afin que le Grand Centre Auvergne ne demeure pas le seul espace du territoire dépourvu de cette mobilité indispensable pour enrayer sa désertification ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je représente la métropole de Lyon, le département du Rhône et la région Auvergne-Rhône-Alpes, mais mon nom révèle mon intérêt pour la Savoie. Les vallées alpines subissent le passage d'un million de camions par an, et le sud de l'agglomération lyonnaise subit quotidiennement des murs de poids lourds.
Dans ce contexte, ma question porte sur le projet Lyon-Turin, maillon essentiel de l'axe Kiev-Lisbonne. Le tunnel principal avance, mais où en sont les accès côté français, notamment vers Saint-Jean-de-Maurienne et au sud de Lyon ? Le financement des tunnels restants est-il sécurisé ? Par ailleurs, comment justifier la stratégie qui consiste à rénover simultanément la ligne classique Modane-Dijon ?
Enfin, concernant les sillons de fret, comment comptez-vous agir auprès du Gouvernement et de la Commission européenne pour faire revoir les délais de ventilation, afin qu'Hexafret puisse récupérer rapidement des créneaux importants ?
M. Sébastien Fagnen. - Je reviens sur le risque de conflit d'intérêts. Vous avez annoncé votre intention de vous déporter sur les appels d'offres en cours et à venir pour une période de trois ans. Ma question n'est pas malicieuse, mais pragmatique : ne craignez-vous pas que cette situation porte préjudice au groupe SNCF ?
En tant que sénateur de la Manche, je suis directement concerné par l'étoile ferroviaire de Caen, et la région Normandie s'apprête à lancer l'appel d'offres pour celle de Rouen. Comment la direction du groupe gérera-t-elle les tensions liées à l'ouverture à la concurrence et à la fragmentation de l'entreprise, issue du nouveau pacte ferroviaire de 2018, si son dirigeant est en retrait sur ces dossiers stratégiques ? Comment ferez-vous en sorte que notre opérateur historique, auquel nous sommes attachés, ne soit pas lésé par ce déport annoncé ?
Ma seconde question porte sur la ligne nouvelle Paris-Normandie, sujet sur lequel vous aviez déjà été interpellé en tant que Premier ministre et à laquelle j'associe mon collègue Pascal Martin. Il s'agit d'un enjeu majeur pour les Normands, car notre région partage avec le Grand Centre Auvergne un sentiment de déclassement ferroviaire. Cette question rejoint les interrogations précédentes sur votre vision des lignes d'équilibre du territoire. Quel rôle celles-ci doivent-elles jouer pour assurer que les régions connaissant une forte dynamique, comme la nôtre, ou auxquelles il convient de permettre d'en connaître, soient connectées de la meilleure façon à la région capitale ?
M. Hervé Gillé. - Votre profil, plus politique que celui de vos prédécesseurs, soulève des questions de gouvernance et de positionnement. Vous avez vous-même évoqué la nécessité de déports et de neutralité. Pourriez-vous nous apporter des éléments complémentaires sur la manière dont vous appréhendez ce sujet ?
Il existe par ailleurs une grande difficulté à comprendre ce que seront vos priorités réelles pour le groupe SNCF : celles-ci semblent être partout, ce qui empêche de dégager un axe clair et une planification lisible. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, quelle que soit l'issue de la conférence de financement, des arbitrages et des deuils seront pourtant nécessaires pour définir les priorités réelles.
De plus, nous manquons de documents d'évaluation de qualité permettant de suivre les évolutions au regard des objectifs affichés. Il est donc très difficile de séparer le bon grain de l'ivraie et d'y voir clair ; un effort important est attendu sur ce point.
La qualité des relations et de la gouvernance avec les collectivités territoriales, et plus particulièrement avec les régions, constitue un autre enjeu majeur. Ce dialogue est parfois difficile et mérite d'être requalifié et remis en perspective, d'autant que les régions subissent elles-mêmes de fortes contraintes financières et nourrissent des exigences croissantes. Une complémentarité bienveillante entre votre groupe et ces collectivités est nécessaire pour agir au mieux. Comment comptez-vous améliorer ce dialogue territorial ?
Cette relation avec les régions est d'autant plus cruciale que le véritable temps de trajet se calcule de porte à porte, ce qui rend la question des intermodalités particulièrement vive. La SNCF doit prendre toute sa part dans les schémas régionaux d'intermodalité existants, ainsi que dans le développement et la stratégie des Serm.
M. Jean Castex. - Je reviens sur les questions relatives aux conflits d'intérêts et aux règles de la concurrence, car mes propos semblent avoir été mal compris. Quantitativement, le sujet est en réalité très limité : le déport que j'ai annoncé ne s'appliquera qu'aux appels d'offres en cours, qui sont peu nombreux, et non aux appels d'offres futurs, pour lesquels, par construction, je ne connaîtrai pas l'offre des concurrents. Le principal lot ferroviaire concerné est l'étoile de Caen ; les autres intéressent plutôt la filiale Keolis dans le transport urbain.
Demain, si la RATP candidate à de nouveaux appels d'offres, je ne connaîtrai pas ses propositions, lesquelles dépendront du cahier des charges des AOM concernées. Je les examinerai avec mon oeil de président-directeur général de la SNCF, afin que nous les gagnions.
Les trois ans, que j'ajoute volontairement, ne s'appliquent que dans le cas où la RATP est l'opérateur sortant. Par définition, cela ne concerne aucun lot ferroviaire, puisque la SNCF y est en situation de monopole. Nous sommes donc là encore dans le champ de Keolis. Si la RATP est sortante dans les trois ans à venir, ce qui concernera quelques lots, je ne m'en mêlerai pas.
Cette précaution est juridiquement indispensable, mais je vous assure qu'elle n'amoindrira pas mon rôle de président de la SNCF, car quantitativement, le périmètre est très restreint. Le sujet n'est donc pas problématique pour l'avenir.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), saisie de mon cas, a rendu hier sa décision, qui m'a été notifiée ce matin : elle se déclare incompétente, le délai de trois ans prévu par le code pénal concernant mes fonctions antérieures de Premier ministre et de président de l'Afit France étant expiré. La HATVP régule les passages du secteur public au secteur privé et non les transferts entre deux entreprises du secteur concurrentiel. Je me tournerai donc vers la commission de déontologie de la SNCF, qui validera mes propositions, quantifiera précisément le périmètre concerné et définira ma marge de manoeuvre.
Mon parcours politique a été évoqué. Je ne le renie pas et le revendique comme une expérience précieuse, qui ne me disqualifie en rien. Cependant, j'ai pris en 2022 la décision libre et souveraine de ne plus m'y consacrer. Homme d'action et de service, j'aime le management. Quand j'ai quitté Matignon, je ne me voyais pas donner des conseils que personne n'écouterait, ou animer des conférences que personne ne suivrait. La présidence de la RATP s'est présentée comme un défi et une nouveauté dans mon parcours. Si je n'avais pas le bilan qui est le mien à l'issue de cette expérience, je ne serais peut-être pas devant vous aujourd'hui. Mon parcours n'est pas celui de M. Farandou, qui est un cheminot de toujours, mais, avant moi, d'autres présidents de la SNCF sont venus de la sphère publique. J'aborde cette fonction avec la conviction que mes expériences accumulées me permettront de défendre la mission de service public que cette grande entreprise nationale accomplit.
Concernant le financement du système ferroviaire et les besoins d'1,5 milliard d'euros, je connais, comme vous, la situation actuelle comme les processus d'arbitrage au sein de l'État. Je pèserai de tout mon poids pour que des décisions intelligentes soient prises, afin que ce service public prospère ; pour autant, cette question ne relève pas du PDG de la SNCF, mais de l'État et de la représentation nationale.
Je n'avais pas eu le temps d'évoquer Keolis et Geodis, qui représentent près de la moitié du chiffre d'affaires du groupe SNCF. Ce sont de remarquables entreprises. La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire organise une solidarité financière appréciable : les conquêtes de marchés de Keolis en Australie ou l'activité logistique internationale de Geodis renforcent le résultat du groupe et alimentent le fonds de concours qui sert à rénover des infrastructures ferroviaires dans la Creuse ou ailleurs. Ces filiales entrent donc pleinement dans la stratégie globale du groupe au titre de la diversification et de la solidarité et leur place devra y être confortée. Je n'ignore pas qu'elles font face à des enjeux de croissance, pour Geodis, à l'instar de ce qui s'était passé pour Systra, et parfois de capital, comme Keolis, avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, notre partenaire minoritaire.
La SNCF a été l'un des principaux vecteurs de l'aménagement du territoire français, et elle doit à mon sens le rester. Le TGV, bien qu'étant un service librement organisé (SLO), et non plus juridiquement un service public, doit prendre en compte ces impératifs. Il faut trouver les voies et moyens pour que, dans le respect de la concurrence, les règles d'équité soient maintenues et que le développement du TGV n'aboutisse pas à un recul pour certains territoires, ce qui ne serait pas compris.
Je revendique d'ailleurs d'avoir, comme Premier ministre, relancé trois lignes à grande vitesse, certes pas en Grand Centre Auvergne, mais il ne faudrait pas me pousser très fort pour que je m'y consacre : le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) pour la desserte de Toulouse, le barreau manquant entre Montpellier-Perpignan et la ligne existante en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ma vision politique n'a pas changé : il ne saurait y avoir de citoyens de seconde zone par rapport au TGV. Pourquoi Toulouse en serait-elle privée ? Ce n'est pas admissible. Il faut certes faire des choix et prioriser les lignes rentables, à condition que celles-ci participent à la péréquation, notamment via le fonds de concours. Je serai à ce titre un PDG offensif, dans le respect des hiérarchies et des priorités, pour poursuivre une stratégie de conquête de parts de marché, tout en travaillant à l'équilibre des comptes. Parallèlement, la modernisation des lignes classiques comme POLT et Paris-Clermont-Ferrand est une nécessité absolue. Tous les éléments sont sur la table, nous verrons ce qu'il en sera quand les infrastructures auront été mises à niveau, que les rames Oxygène auront été livrées et que la gestion des sillons aura été améliorée.
Concernant la billettique, des autorités comme l'Autorité de régulation des transports (ART) veillent avec une très grande vigilance au respect des règles concurrentielles, je l'ai constaté à la RATP. Il faut leur faire confiance. J'ai bien entendu les inquiétudes, notamment celles de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), sur le risque que la multiplication des autorités compétentes sur les tarifs, les billets, etc. finisse par former un maquis pour les voyageurs. Dans ce monde multi-opérateur, la SNCF doit être une force de proposition pour que le système fonctionne au bénéfice des usagers, sans outrepasser les règles de la concurrence. Nous devons éviter la fragmentation et le travail en silo de sorte que le paysage reste accessible. À ce titre, il nous faut faire des progrès en matière de lisibilité des offres et des réservations.
Je suis très favorable au tunnel Lyon-Turin, mais j'avoue ne pas connaître l'état d'avancement précis des voies d'accès ; je regarderai ce dossier de très près, tout comme la ligne Paris-Normandie. N'étant pas encore en fonction, je ne saurais être plus précis.
Vous avez raison, il y a beaucoup de priorités. J'ai tenté de les hiérarchiser en parlant des fondations de la maison. Nous devrons certes traiter de nombreux sujets simultanément, mais les arbitrages que l'État finira par rendre nous obligeront à recaler nos calendriers, même si, spontanément, je n'ai envie d'en abandonner aucun. L'entreprise s'appuiera sur le principe de subsidiarité : nous devrons fixer le cap aux équipes compétentes et leur faire confiance pour la mise en oeuvre.
Le dialogue social est un domaine dans lequel j'ai une certaine expérience. Au-delà des sujets classiques, comme les négociations annuelles obligatoires (NAO), l'enjeu majeur est l'accompagnement de l'ouverture à la concurrence. Des marchés seront perdus, d'autres seront gagnés ou développés sous des formes nouvelles, il nous faudra conserver l'unité du groupe. À la RATP, j'avais placé le plan d'entreprise sous le thème « Faire groupe ». Face à l'inquiétude des salariés sur leur avenir, le sac à dos social ou leurs droits à la retraite, que je constatais lors de mes déplacements dans les centres bus, une question primait : la possibilité de conserver une mobilité de carrière au sein du groupe, en devenant conducteur de métro après avoir été conducteur de bus, même après la filialisation de leur activité. Préserver ces parcours de mobilité interne a été un puissant facteur de réassurance. Il faudra de la même manière faire groupe à la SNCF, en nous appuyant sur nos valeurs cardinales de service public. Une politique exemplaire en matière de ressources humaines et de responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue un élément d'attractivité pour nos agents et un facteur de différenciation dans les appels d'offres au sein des territoires.
Enfin, concernant le dialogue avec les élus, la transparence est nécessaire. L'ouverture à la concurrence doit s'accompagner d'une ouverture tout court pour ne pas rester replié sur soi-même, comme c'est trop souvent le cas en situation de monopole. Je m'inscrirai à ce titre dans la lignée de M. Farandou qui a signé une contribution personnelle intitulée Le fer avec les territoires, en y apportant ma touche. J'espère que mon passé d'élu local facilitera les relations de confiance avec les représentants de tous les territoires, et pas seulement avec les présidents de région.
M. Michaël Weber. - Vous n'avez pas encore une connaissance parfaite de la maison SNCF, et nous aurons l'occasion de vous interroger de nouveau sur les sujets qui nous préoccupent.
La LGV est un outil d'aménagement du territoire. Dans l'Est français, les collectivités ont participé à son financement au nom de l'ouverture vers l'Europe, notamment vers l'Allemagne. Ce succès n'est toutefois que partiel : la presse locale souligne la problématique de régularité, et neuf trains allemands ICE sur dix sont en retard. Ces retards sont dus au matériel et à l'infrastructure de nos voisins, malgré leurs investissements importants. Vous faites de l'infrastructure une priorité, mais comment garantir que les travaux nécessaires n'emportent pas d'effets contre-productifs sur le service, en tenant compte, par exemple, de l'expérience de nos voisins ?
Comme mes collègues, je regrette la fin annoncée des liaisons de nuit Paris-Berlin et Paris-Vienne le 14 décembre prochain. Leur succès est peut-être partiel, mais après si peu de temps, il est trop tôt pour parler d'échec. Comment maintenir cette expérimentation et obtenir du ministère des transports les moyens de la poursuivre ?
Cette question s'inscrit dans le cadre plus large des trains Intercités, dont l'exploitation est également déficitaire. Le déclin de ce réseau est patent, le service est dégradé et délaissé au profit du seul réseau à grande vitesse, alors que ces trains sont des outils essentiels pour l'accessibilité des territoires. Quelle est votre vision de leur avenir ?
Enfin, une commission d'enquête sénatoriale sur les agences de l'État a rendu ses travaux le 3 juillet dernier et a proposé la suppression de l'Afit France. Quelle est votre opinion sur la place de cette agence ?
M. Damien Michallet. - Mon collègue a évoqué le projet Lyon-Turin. Je souhaite l'aborder sous l'angle du département de l'Isère, lequel sera coupé en deux par le tracé et, a priori, n'en subira que les nuisances sans en tirer de bénéfice. Votre parcours d'élu local et de futur dirigeant d'une grande entreprise d'aménagement du territoire constitue un équilibre et un intérêt ; vous comprenez donc les nombreuses questions que ce projet soulève dans notre département.
Puisque vous ne disposez pas encore de tous les éléments sur ce dossier, et sachant votre attachement au terrain, je ne vous poserai pas de question ; je vous invite à venir rapidement en Isère pour nous rencontrer. Nous devons mettre sur la table les enjeux de ce projet, concernant notamment les compensations. Nous devons aussi appréhender son équilibre financier, son coût étant passé de 10 milliards d'euros au siècle dernier à 30 milliards aujourd'hui. Enfin, il est essentiel que nous comprenions l'équation d'aménagement du territoire et ce que ce projet apportera réellement au département de l'Isère.
M. Alain Duffourg. - Sachant votre attachement aux lignes régionales, quelle est votre position sur le maintien de la ligne Toulouse-Auch, aujourd'hui mise en cause ? Par ailleurs, dans mon territoire du Gers, une association milite pour la réouverture de la ligne Auch-Agen, un projet qui me laisse sceptique. Quelle est votre position sur ces deux dossiers ?
Mme Nicole Bonnefoy. - Je souhaite vous interpeller sur les dessertes fines du territoire (LDFT), dites lignes du quotidien. Nous en parlons régulièrement depuis 2008, mais elles restent toujours plus que fines, car les investissements nécessaires ne sont pas réalisés.
La fin de l'exploitation de la Limoges-Angoulême, en Charente, illustre ce propos. Sur ces lignes, il convient sans doute d'envisager de faire circuler des trains plus légers. Cela passe par un modèle de rétrocession de ces infrastructures, qui appartiennent aujourd'hui à la SNCF, vers les collectivités locales. Des solutions existent, comme le train Draisy de l'entreprise Lohr, ou le Telli, sur lequel ma région, la Nouvelle-Aquitaine, investit dans le cadre du campus ferroviaire de Saintes. L'urgence est réelle : sur la ligne Limoges-Angoulême, le foncier se dégrade et la nature reprend ses droits. Les collectivités sont contraintes de financer des études à répétition, simplement pour signifier qu'elles ne renoncent pas à leur ligne, sans garantie de financement de la part de la SNCF.
Ne peut-on, une fois pour toutes, trouver un modèle intelligent de rétrocession pour ces dessertes extrêmement importantes pour l'aménagement du territoire et les populations rurales ? Un tel modèle permettrait aux collectivités d'assurer enfin un service sur ces petites lignes du quotidien.
M. Clément Pernot. - Je vous soumets un cas pratique qui illustre les préoccupations de nombreux élus. La ligne des Hirondelles, qui relie Dole à Saint-Claude, dans le Jura, nécessite des investissements très importants. Dès lors, chacun se renvoie la patate chaude, et l'on finit par évoquer des solutions de substitution par autocar plutôt que de maintenir la voie ferrée.
Votre parcours, qui allie une expérience d'élu local et des plus hautes fonctions de l'État, est un atout qui peut apporter des éclairages nouveaux à la présidence de la SNCF. La ligne Dole-Saint-Claude est une ligne patrimoniale qui traverse le massif du Jura avec ses viaducs. Quelle est la responsabilité de la SNCF à ce sujet, alors qu'elle a usé de ces équipements pendant des décennies ? Comment cette entreprise peut-elle nous aider à assumer ces coûts de rénovation ? Les collectivités locales ne pourront en effet se substituer à l'État ou à SNCF Réseau pour financer des travaux qui incombent aux opérateurs historiques. Les solutions que vous pourriez suggérer aujourd'hui quant à ce cas pratique nous éclaireraient sur votre capacité à régler ce genre de problèmes demain.
Mme Denise Saint-Pé. - Je ne vous demanderai pas de prendre des engagements ce matin, car cette audition n'est que votre examen de passage. Je formulerai plutôt le souhait de vous sensibiliser à la nécessité de moderniser et de régénérer les lignes ferroviaires au sud de Bordeaux. La région Aquitaine ne s'arrête pas à Bordeaux ; nous travaillons au développement des Serm vers le Pays basque, le Béarn et Tarbes. Je fais confiance à votre pragmatisme pour favoriser une vision axée sur l'aménagement du territoire.
Un exemple précis : sur notre territoire, une caténaire du XIXe siècle a été remplacée au terme de deux ans de travaux. Pourtant, le TGV que j'emprunte chaque semaine continue d'accuser régulièrement une à deux heures de retard. La cause en est l'état catastrophique des passages à niveau et les problèmes de signalétique en Béarn, qui sont nombreux.
Mon souhait est donc que la SNCF travaille moins en silo. Il ne suffit pas de se réjouir d'un chantier achevé si, dans le même temps, des milliers de voyageurs restent mécontents des retards persistants par ailleurs. J'appelle de mes voeux une vision plus globale de l'aménagement du territoire.
M. Jean Castex. - Ces dernières questions intéressantes relèvent, plus que de la SNCF, des autorités organisatrices, qu'elles soient nationales pour les trains d'équilibre du territoire (TET) ou régionales pour les autres lignes. Je suis un exploitant potentiel, y compris dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Plus nous exploitons de lignes, mieux c'est. Pour tous les cas que vous avez cités, qu'il s'agisse de la ligne des Hirondelles ou de celle de Toulouse-Auch, j'ai foi dans le chemin de fer et je veux que cela fonctionne.
Derrière cela se posent des questions d'argent et de répartition de la charge entre l'État et les collectivités locales. Je comprends l'irritation du Sénat quand l'État, en tant qu'autorité organisatrice des trains Intercités, les TET, impose des conditions à la discussion à leur sujet. Si cela peut se comprendre dans certains cas, la pureté des principes ne plaide pas toujours en ce sens. S'agissant de questions de financement, la SNCF ne peut se substituer aux autorités organisatrices dans la décision de fermer ou non une ligne, d'en rouvrir ou non une autre, non plus que dans les moyens qui y sont dévolus.
En revanche, elle peut être force de proposition et de conseil, grâce à sa connaissance intime de tous ces sujets. C'est un domaine où l'innovation est présente, le Draisy et le Flexy ont ainsi été évoqués. Plusieurs projets sont en cours, même si je ne saurais vous indiquer leur degré de maturité ou leur capacité à apporter des réponses. Il est évident qu'un matériel plus léger est moins cher et que les coûts de maintenance ou les réparations majeures sur les voies peuvent être moins importants. Il faut donc pousser ces solutions à fond pour trouver la jointure, dans un moment où l'argent public se fait rare.
Tous les cas que vous avez évoqués supposent toutefois des investissements. La situation financière des AOM régionales est donc un sujet de préoccupation ; si celles-ci rencontrent des difficultés accrues, elles investiront moins dans les mobilités et une entreprise comme la SNCF en pâtira inévitablement. Il faut donc veiller à ce qu'elles conservent les moyens d'agir.
J'ai personnellement souhaité, comme Premier ministre, que l'État dégage des moyens pour relancer les études sur la ligne Auch-Agen. Celles-ci portaient sur le fret, mais j'avais demandé que leur périmètre soit étendu à la perspective d'une réouverture aux voyageurs, même si cela ne semble pas être pour demain. Je m'inquiète, à ce sujet, de voir certaines collectivités abdiquer toute perspective d'avenir ferroviaire et transformer d'anciennes voies ferrées en voies vertes ou en pistes cyclables. Je n'ai rien contre ces pistes, mais de tels aménagements rendent la fermeture ferroviaire irrémédiable. Nous verrons ce que dira à ce sujet la nouvelle mission confiée au préfet Philizot. J'ai observé un point positif sur les lignes dites fines : au 1er janvier 2024, 1 500 kilomètres, soit quatorze lignes, ont été réintégrés dans le réseau structurant, sous la responsabilité de SNCF Réseau. Je constate aussi que quelques régions, certes minoritaires, ont décidé de prendre le patrimoine lui-même à leur charge, ce qui va dans le bon sens.
Je ne dispose pas de solution miracle, même si j'ai rouvert la ligne Saint-Dié-Épinal. Nous ne pouvons qu'être favorables à de telles perspectives. Cependant, c'est avant tout une question d'argent, le nerf de la guerre. Il nous faudra donc être très convaincants pour que des choix pertinents soient faits.
Je viendrai en Isère, ainsi qu'en Béarn pour observer les passages à niveau. Pour trouver des solutions, il n'y a rien de mieux que d'aller voir sur place, afin d'établir ensuite des priorités. Enfin, je connais la ligne Limoges-Angoulême pour l'avoir souvent empruntée lorsqu'elle fonctionnait encore, quand je travaillais à Angoulême.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de la qualité de ce débat et je vous félicite pour le travail réalisé à la RATP.
Je souhaite que vous exerciez vos fonctions dirigeantes à la SNCF et je sais que vous serez à l'écoute, à la fois des personnels, des usagers et des élus que nous sommes.
Nous devrons également prendre nos responsabilités et faire preuve de sens des priorités en matière de financement.
Ce compte rendu a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Castex aux fonctions de président-directeur général de la SNCF
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons donc achevé l'audition de M. Jean Castex, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président-directeur général de la SNCF. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Il est procédé au vote.
La réunion est close à 11 h 15
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 14 h 00.
Programme Petites villes de demain - Examen du rapport d'information
M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis ce matin pour l'examen du rapport d'information de nos collègues Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ sur le programme national « Petites villes de demain » (PVD), mesure phare de l'Agenda rural de 2019 qui visait à soutenir le rôle structurant des villes de moins de 20 000 habitants dans le développement des territoires ruraux.
Après six ans de mise en oeuvre, « Petites villes de demain » arrivera à son terme en mars 2026. Notre commission a souhaité opportunément anticiper cette échéance en lançant, en avril dernier, une mission flash et transpartisane : l'objectif assigné aux rapporteurs était de dresser un premier bilan du dispositif afin, notamment, d'en évaluer la plus-value pour les territoires ruraux et de tracer des perspectives pour l'après 2026. Le format retenu a été celui du contrôle de proximité, conformément à la volonté du Président du Sénat de favoriser une plus forte territorialisation de nos travaux.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Les petites villes constituent la trame de l'existence quotidienne de millions de Français et elles tiennent une place centrale dans le maillage territorial des espaces ruraux. Elles bénéficient de nombreux atouts, à commencer par un cadre de vie qui suscite un attrait grandissant depuis la crise sanitaire liée à la covid-19. Loin d'être des espaces figés, elles sont traversées par une multitude d'idées et d'initiatives en prise directe avec les transitions socio-économiques, démographiques, environnementales et climatiques contemporaines.
Néanmoins, les membres de cette commission savent bien qu'elles cumulent également des facteurs de vulnérabilité - la déprise commerciale, le déclin et le vieillissement démographiques, la vacance de logements ou encore la dégradation du bâti ancien - et que le manque de ressources financières, associé à un accès difficile à l'ingénierie technique et administrative, y rend difficile l'émergence de projets de territoire structurants.
En octobre 2020, afin de traduire l'un des engagements de l'Agenda rural de 2019 et de remédier à ces fragilités, le Gouvernement a lancé le programme « Petites villes de demain » sous le pilotage de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Son objectif était simple : soutenir la revitalisation des petites communes de moins de 20 000 habitants ayant une fonction de centralité à travers un appui en ingénierie, sur le modèle du programme « Action coeur de ville » impulsé en 2018 pour les villes moyennes. Prévu sur une période de six ans, le programme PVD arrivera à échéance dans quelques mois à peine, en mars 2026 : dès lors, la commission nous a confié la mission d'en faire une évaluation et de réfléchir à sa postérité au-delà de 2026.
Le programme PVD ayant déjà fait l'objet d'évaluations quantitatives à l'échelle nationale, nous avons choisi de compléter ces éléments statistiques par une approche approfondie et territorialisée, fidèle à l'ADN du Sénat. Notre méthodologie a donc été celle du contrôle de proximité, impulsée par le président Larcher : nous sommes partis de l'expérience concrète des élus locaux et de leurs chefs de projets, recueillie à partir de déplacements dans six départements - l'Eure, l'Oise, la Côte-d'Or, les Alpes-de-Haute-Provence, le Var et la Charente - et des témoignages écrits d'élus issus de sept de vos circonscriptions, dont vous avez eu la gentillesse de nous faire part au commencement de nos travaux.
Au total, nous avons ainsi pu bénéficier des retours d'expérience de près de quatre-vingt-dix élus locaux et de plus de vingt chefs de projet à travers la France. Cette matière empirique, venue compléter la dizaine d'auditions réalisées au Sénat, constitue la chair du rapport d'information que nous allons vous présenter.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, revenons sur la genèse du programme PVD et sur la philosophie qui l'a animé dès sa conception.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - À l'instar du programme « Action coeur de ville », le dispositif « Petites villes de demain » a été pensé selon une logique ascendante, décentralisée et déconcentrée : il s'agit de sortir de l'approche standardisée des appels à projets qui caractérise trop souvent la posture de l'État en matière d'aménagement du territoire pour favoriser l'émergence de projets sur mesure, adaptés aux besoins de chaque commune.
Cette philosophie s'est traduite dès l'étape de la désignation des 1 646 communes bénéficiaires, puisqu'elles ont été sélectionnées sur proposition des préfets, après établissement d'un préciblage national sur la base de critères de centralité et de fragilité communs. Les communes ainsi sélectionnées et leurs aires d'influence représentent 7,3 millions d'habitants. Si elles sont de tailles relativement diversifiées, au regard de leur densité, 73 % d'entre elles sont des communes rurales au sens de l'Insee.
La logique ascendante du programme s'est exprimée de manière plus visible encore dans ses modalités de mise en oeuvre : le programme PVD repose sur le recrutement d'un chef de projet, grâce à un co-financement de l'État pouvant aller jusqu'à 75 % du coût annuel. Le chef de projet a vocation à piloter l'élaboration, la mise en oeuvre et l'animation du projet territorial de revitalisation, en lien étroit avec les élus locaux. La synergie et l'acculturation réciproques entre le maire et son chef de projet sont véritablement la clé de voûte du programme.
Sur le plan opérationnel, PVD constitue une boîte à outils particulièrement souple, reposant sur un cadre contractuel et sur une gouvernance multipartenariale.
Des dizaines d'opérateurs nationaux se sont engagés dans la mise en oeuvre du programme, à travers la mise à disposition de financements, d'une offre de services ou encore la production de ressources destinées aux élus et aux chefs de projet. Au niveau local, des partenaires volontaires ont aussi pu apporter un appui déterminant aux communes grâce à leur connaissance fine de leur territoire, à l'instar des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui ont été nombreux à mettre à profit l'expertise transversale et polyvalente dont ils disposent.
Une fois qu'une commune a été labellisée PVD, une convention-cadre vient formaliser le projet de territoire, l'engagement des différents partenaires, publics et privés, et les moyens financiers associés. Dans chaque département, l'ensemble des partenaires des projets PVD ont été rassemblés dans des instances de pilotage, sous l'égide des préfets.
Si cette mécanique a été clairement posée, un élément a néanmoins été source de confusion - voire de déception - dès le lancement du dispositif : le calibrage financier.
En 2021, le Gouvernement avait annoncé qu'une enveloppe de 3 milliards d'euros serait consacrée au dispositif sur six ans, laissant espérer aux élus locaux des moyens dédiés pour mener à bien tant les phases d'études que de concrétisation des projets PVD. Or, si l'ingénierie a été financée pour l'essentiel par les opérateurs partenaires, les investissements n'ont été soutenus que par des dispositifs de droit commun via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou d'autres dispositifs comme le fonds vert, qui sont soumis à une forte concurrence d'usages et dont les moyens sont donc nécessairement limités. Cette ambiguïté originelle a créé un décalage entre l'esprit initial du dispositif, qui repose sur un lien indissociable entre ingénierie et investissement, et son déploiement effectif, qui a pu susciter des frustrations sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.
Ces éléments liminaires étant précisés, venons-en à la mise en oeuvre concrète du programme dans les territoires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Nous avons décrit le contexte - l'Agenda rural de 2019 - ; nous avons décrit les accessoires - la boîte à outils que constitue le programme PVD. Il nous reste maintenant à vous présenter le décor et les principaux protagonistes, qui sont les territoires dans toute leur diversité. Ce sont en effet sur les acteurs locaux que repose le déploiement effectif du programme, du portage à la gouvernance en passant par l'animation et, je dirais même, par la créativité : nous avons en effet été très impressionnés de relever, au sein des six départements dans lesquels nous nous sommes rendus, la manière très différente et souvent très ingénieuse dont les écosystèmes locaux se sont approprié cette boîte à outils.
Comme vous pourrez le voir dans les nombreux exemples illustrés qui figurent dans le rapport, nous avons consigné dans notre « carnet de voyage PVD » de nombreuses initiatives territoriales qui mériteraient d'être dupliquées dans d'autres contextes, tant elles nous paraissent porteuses de sens et d'efficacité pour la conduite de projets d'avenir. Nous vous laisserons en particulier prendre connaissance d'une très belle « carte mentale PVD » bas-alpine, ou encore de supports d'ateliers participatifs conduits dans l'Oise à partir d'un cas pratique fictif permettant d'aborder de manière concrète un sujet qui n'est quant à lui absolument pas fictif : les conséquences du dérèglement climatique à anticiper pour les petites centralités. Nous y reviendrons.
Sur une note plus préoccupante, nous avons pu relever un autre élément majeur de différenciation entre les collectivités lauréates : la lenteur de certains territoires à entamer le processus et à pouvoir entrer concrètement dans le programme. Cela est souvent le cas de territoires peu attractifs qui ont rencontré des difficultés à recruter et à fidéliser un chef de projet. Notre contrôle de proximité a ainsi mis en lumière de fortes disparités dès le démarrage, avec un programme qui s'est clairement déployé à plusieurs vitesses.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - J'en viens maintenant au bilan de ce programme. Il a déjà été produit de foisonnantes statistiques nationales mises à disposition en open data sur le site de la Banque des territoires, grâce à un bel outil d'agrégation et de traitement de données. Au-delà de ces infographies quantitatives, il nous a paru que notre vraie valeur ajoutée était d'appréhender ce bilan de manière territorialisée et qualitative. C'est bel et bien sur le terrain que se joue le programme : il était ainsi essentiel d'aller y recueillir le ressenti des acteurs.
Ce qui ressort très nettement et de manière globalement majoritaire dans les témoignages qui nous ont été apportés, c'est le sentiment que le programme PVD a constitué une expérience profitable pour les collectivités concernées. Un thème est revenu très largement : le label PVD constitue, je cite, une « marque de considération » et de « reconnaissance » pour des territoires qui ne se vivaient pas nécessairement comme une priorité en matière d'aménagement du territoire. Ceux-ci accèdent désormais à une « visibilité renforcée » et en tirent de la « fierté ». De nombreux élus se sont montrés particulièrement enthousiastes : un élu expérimenté des Alpes-de-Haute-Provence nous a ainsi déclaré qu'il s'agissait « sûrement [d']un des plus beaux programmes que les élus aient eu à gérer, surtout dans des communes qui n'avaient pas nécessairement eu de projets d'envergure auparavant ». Cet enthousiasme est souvent issu du sentiment de bénéficier du temps et des ressources nécessaires en ingénierie pour pouvoir élaborer des projets, je cite, « structurants », « ambitieux », « cohérents » et « porteurs de sens pour nos concitoyens ».
Cependant, le revers de cet enthousiasme nous est apparu tout aussi nettement : les bénéficiaires sont très largement déçus des modalités de financement qui ont été associées à ce programme. Pouvoir élaborer des projets ambitieux sans aucune certitude d'être en mesure de les financer génère, chez les élus, une frustration logique.
Un autre élément qui se dégage de ce bilan : nous avons pu relever des points d'achoppement très nets du programme sur le terrain.
Premièrement, dans les communes où les relations avec la communauté de communes sont compliquées, le programme accentue encore cette polarisation. C'est en effet une des ambiguïtés du programme : mettre la focale sur la centralité, c'est risquer de renforcer le sentiment que les autres communes se vivent comme une périphérie.
Deuxième difficulté : l'action non coordonnée, voire non coopérative de certains financeurs. Les porteurs d'initiatives gagneraient un temps et une énergie considérables à présenter leur projet une bonne fois pour toutes devant un comité des financeurs aux critères et aux calendriers, sinon concordants, du moins cohérents.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - À la lumière de ce bilan, une question s'est naturellement imposée à nous : quel héritage concevoir pour PVD au-delà de 2026 ? Notre rapport propose d'y répondre en quatre axes et sept recommandations.
En premier lieu, il importe de déterminer une stratégie pour conclure le cycle PVD qui doit arriver à échéance en mars 2026. En effet, seules 20 % des actions prévues par les conventions-cadres avaient déjà été livrées au 31 décembre 2024, compte tenu des délais associés au lancement du programme et à la réalisation des études préalables. De manière unanime, les élus locaux que nous avons rencontrés soulignent un besoin de délais supplémentaires et la nécessité de ne pas mettre un coup d'arrêt à la dynamique enclenchée.
Dès lors, notre recommandation n° 1 vise à prolonger le label « PVD » ainsi que le co-financement des chefs de projets pendant encore deux ans, afin d'assurer la concrétisation des projets lancés.
En deuxième lieu, le dispositif PVD a assurément produit des résultats positifs : il a démontré qu'avec les moyens et l'accompagnement adéquats, la ruralité a de l'avenir et qu'elle peut même être à l'avant-garde des mutations que connaît notre pays. Le dispositif a également permis aux communes bénéficiaires d'acquérir une culture de la conduite de projets et des méthodes de travail précieuses, dont il importe à présent d'assurer la pérennité et la diffusion à plus vaste échelle.
Notre recommandation n° 2 est la suivante : à partir de 2028, essaimer et faire fructifier l'esprit PVD en lançant une démarche « Territoires de demain » permettant d'accompagner à plus vaste échelle les territoires ruraux volontaires dans la conduite de leurs projets structurants.
À travers cette recommandation, nous souhaiterions que des territoires volontaires, organisés au niveau d'un EPCI ou d'un pôle d'équilibre territorial par exemple, puissent continuer à bénéficier d'un accompagnement en ingénierie pour mener à bien des projets structurants pour leur avenir. Ces territoires pourraient recruter à leur compte un ou plusieurs chefs de projet, en capitalisant sur l'expérience acquise par les chefs de projets PVD, et bénéficier de marchés à bons de commande pour réaliser des diagnostics et des études préalables, comme ce fut le cas pour les communes labellisées PVD.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Le troisième axe de nos propositions détaille les modalités selon lesquelles pourrait se déployer cette démarche « Territoires de demain », afin d'élargir la dynamique PVD.
Un enjeu est crucial : il est absolument stratégique que le soutien apporté à l'ingénierie s'appuie principalement sur l'ingénierie publique existante. En effet, nos territoires bénéficient déjà largement d'une ingénierie publique performante, bien implantée, bien au fait des spécificités locales et souvent gratuite, comme dans le cas des CAUE. Dans le contexte qui caractérise actuellement nos finances publiques, l'efficience est davantage à rechercher dans l'existant, le local et ce qui est déjà immédiatement opérationnel, plutôt qu'en des prestations onéreuses, standardisées et lentes à mettre en place.
Nous recommandons dès lors de mieux faire connaître aux porteurs de projet l'ingénierie publique locale existante, en préconisant que les services de l'État finalisent, là où elle n'est pas achevée, la cartographie de l'existant. Cela correspond à la recommandation n° 5. Nous recommandons que cette cartographie parte des besoins rencontrés par les élus locaux, plutôt qu'elle ne prenne la forme d'un simple catalogue d'interlocuteurs, afin que cela soit réellement lisible et utile aux porteurs de projets.
Enfin, à travers notre recommandation n° 4, nous préconisons que l'entité qui pilotera au niveau national la démarche « Territoires de demain » ne reconduise pas à l'identique les marchés à bon de commande nationaux qui avaient été conclus par l'ANCT. Ceux-ci avaient été ouverts à hauteur de 10 millions d'euros pour proposer aux collectivités PVD l'appui ponctuel de cabinets de conseil privés. À l'inverse, l'entité qui sera la pilote de cette nouvelle démarche pourra utilement apporter aux porteurs de projets une assistance à maîtrise d'ouvrage juridique afin que les territoires puissent privilégier le recours à l'ingénierie publique locale existante, tout en respectant le code de la commande publique.
Un autre point nous paraît impératif pour capitaliser sur l'expérience PVD et pour transformer l'essai : nous proposons qu'il soit mis en place pour chaque territoire de demain un pilotage et une gouvernance qui soient co-construits avec l'ensemble des acteurs. En particulier, au lieu de passer leur temps à présenter leur projet à chaque financeur potentiel selon un calendrier et des critères d'évaluation différents, les porteurs de projets doivent pouvoir bénéficier d'un comité de financeurs exhaustif et coopératif, pour que tout le monde soit autour de la table et puisse évaluer une bonne fois pour toutes, de manière cohérente et concordante, si les projets élaborés et sélectionnés sont finançables et, si oui, selon quelles modalités.
Notre recommandation n° 3 détaille le fonctionnement que nous proposons pour ce comité local qui serait mis en place pour chaque « Territoire de demain ». Selon nous, l'étape préalable à la constitution de ce comité correspondrait à l'élaboration commune, par l'ensemble des acteurs, d'un diagnostic de territoire partagé. En effet, pour pouvoir envisager une vision robuste de l'avenir, il convient que tout le monde puisse partager la même vision de l'existant.
Enfin, en dernier lieu, nous vous proposons d'élargir la focale et d'envisager, non plus les « Petites villes de demain », ni même les territoires de demain, mais bel et bien la cohésion territoriale de demain.
Notre mission avait pour horizon temporel l'année 2026, soit le terme qui était initialement fixé pour le programme PVD. Cependant, en adoptant une vision plus large, nous constatons que la fin du cycle PVD correspond aussi à la fin de nombreux autres cycles : les contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE), les contrats de plan État-région (CPER), les programmes « Action coeur de ville », « Territoires d'industrie », « Villages d'avenir », etc.
C'est pourquoi nous recommandons, en sixième lieu, de voir dans la fin du programme PVD l'opportunité, pour l'État, d'opérer une mise en cohérence globale de l'ensemble des dispositifs locaux de contractualisation et de planification. C'est en effet une constante des témoignages que nous avons recueillis : il est plus que temps de pouvoir disposer d'une vision pluriannuelle des financements disponibles pour les projets d'avenir structurants.
La dernière des recommandations que nous soumettons aujourd'hui à votre approbation nous semble absolument primordiale, non seulement pour tous les territoires de demain, mais aussi pour tous les territoires qui souhaitent, demain, et même dès aujourd'hui, préparer leur avenir. Je parle bien entendu de l'adaptation aux effets déjà visibles du dérèglement climatique. Ces conséquences désastreuses frappent les territoires selon des intensités et des modalités qui varient très fortement. Cependant, il est bien documenté que la préexistence de vulnérabilités socio-économiques et géographiques constitue un facteur aggravant d'exposition aux risques climatiques ; or, c'est très souvent le cas des petites centralités qui ont été sélectionnées pour bénéficier du programme PVD.
Notre dernière recommandation vise ainsi à renforcer la prise en compte des enjeux d'adaptation au changement climatique, de manière transversale, dans tous les territoires de demain.
Lorsque l'on parle de cohésion territoriale, il est souvent question de préparer l'avenir en aménageant les territoires. Avec mon collègue, nous vous proposons un nouveau paradigme. Les territoires que nous avons visités ont souvent été les victimes de phénomènes difficiles : déprise commerciale, désindustrialisation, dynamiques démographiques défavorables, etc. Pour les élus et les habitants concernés, préparer l'avenir, c'est se mettre en mesure de dépasser ces vulnérabilités et à nouveau pouvoir se projeter dans des projets structurants. Face à des phénomènes socio-économiques et climatiques éprouvants, la priorité que nous vous proposons, c'est que le XXIe siècle puisse privilégier, à l'aménagement du territoire, le nouvel objectif suivant : le ménagement des territoires.
M. Rémy Pointereau. - Nous avions travaillé sur les PVD il y a quelques années, et je constate que les problèmes perdurent.
Parlons du programme « Action coeur de ville », qui s'adresse aux villes de plus de 20 000 habitants. L'espoir était réel : les centres-villes se sont embellis, même si des commerces continuent de partir vers des zones périphériques.
Concernant les PVD, les inquiétudes portent, comme toujours, sur le co-financement des postes de chef de projet. Par souci de regroupement, les opérations s'adressent souvent à deux ou trois communes : le travail est encore plus important, ce qui exige la présence de techniciens. Or les maires n'ont aucune assurance que cela soit effectivement le cas et sont parfois déçus.
Nous parlons de sommes importantes. La DSIL et la DETR ne peuvent suffire à financer l'intégralité des projets associés, et les régions ou départements ne sont pas toujours en mesure de pouvoir apporter le co-financement complémentaire qui serait nécessaire. Or nous ne pouvons décevoir les élus qui se sont engagés dans le programme PVD, avec des projets dont le coût se chiffre en millions d'euros. L'effort financier que représente pour les collectivités le co-financement est un problème réel.
Vous êtes-vous adressés lors de vos auditions aux représentants des associations d'élus correspondant aux échelons régionaux et départementaux pour comprendre comment ils peuvent travailler sur des conventions pluriannuelles de financement, afin que le bloc communal puisse entreprendre des projets de long terme ?
M. Ronan Dantec. - Les propositions que vous formulez sont vraiment intéressantes, même si elles ne vont pas tout à fait au bout de la logique que vous avez développée. Il s'agit bel et bien de reconstruire la relation entre l'État et les territoires, sur le fondement de contrats de territoires intégrés, à rebours de la logique de saupoudrage qui prévaut actuellement et qui s'appuie sur le fonds vert et la multiplication des appels à projets.
Le programme PVD a été un signe fort pour les élus, qui leur a permis de montrer aux habitants qu'ils oeuvraient pour eux.
Continuons nos travaux pour définir un outil de contractualisation qui soit réellement intégrateur - je pense en particulier que le levier qui pourrait s'y prêter correspond aux contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE). Il faut travailler sur la contractualisation avec l'État, sur ce que ce dernier met en avant comme constituant des priorités - climat, cohésion sociale - et sur ses engagements, par exemple en matière d'accompagnement et d'ingénierie.
Les travaux menés par Mme Lavarde dans le cadre de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État nous ont fait perdre beaucoup d'énergie et nous envoient dans la mauvaise direction.
Votre rapport d'information, quant à lui, va dans le bon sens. Il prend une autre direction, qui propose de disposer de moins d'agences, mais que celles-ci soient des structures spécialisées et qui puissent accompagner directement les collectivités territoriales. Le programme PVD ne peut fonctionner qu'en se reposant sur l'appui du seul préfet, il nécessite la mise à disposition d'une ingénierie spécifique. Allons donc dans votre sens pour définir la forme de contractualisation qui serait pertinente pour l'avenir, compte tenu des besoins en ingénierie et du contexte de raréfaction de l'argent public.
La question de l'adaptation au changement climatique et de ses coûts sera un élément important de la contractualisation, demain, entre les territoires et l'État.
Nous devons absolument préserver le fonds territorial climat, qui suit totalement la logique de votre réflexion. Dans ce cadre, à l'inverse de ce qui est actuellement le cas pour le fonds vert, ce seraient les intercommunalités qui feraient remonter les projets.
Ce rapport d'information formule beaucoup de bonnes idées. À condition de mettre de côté le dogmatisme ambiant concernant les agences, je suis convaincu que nous pourrions mettre sur la table un vrai projet collectif partagé qui puisse être audible pour l'État.
M. Hervé Gillé. - Je valide l'idée selon laquelle il faut mettre en avant la démarche « Territoires de demain ». J'estime que nous n'allons pas assez loin en matière de planification territoriale, afin que celle-ci soit vraiment aboutie. Les territoires s'organisent autour de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) et de syndicats mixtes de territoire. Dans l'idéal, quand ces PETR et syndicats mixtes sont porteurs de schémas de cohérence territoriale (Scot) intégrateurs, nous disposons alors d'une vraie vision de développement territorial.
Utiliser ces démarches claires de planification dans une perspective de développer le progrès dans les territoires est une vision tout à fait pertinente. Ainsi, nous replacerions dans la vision du territoire l'intérêt que représentent les pôles urbains et intermédiaires, autour d'une offre de services équilibrée. L'État ne prend pas assez ses responsabilités pour que la planification aboutisse. Il y a trop de trous dans la raquette : pas assez de PETR, de syndicats mixtes de territoires et de Scot. Pour ce qui concerne les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), nous n'allons pas assez loin en matière d'outils d'organisation.
Il est possible de défendre la différenciation territoriale dans une approche commune de planification, mais ne faisons pas de la dentelle trop fine, au risque de créer de la confusion.
Grâce à ce rapport d'information, le débat est posé ; nous pourrons ainsi avancer.
M. Jean-Yves Roux. - Dans les Alpes-de-Haute-Provence, onze communes ont pu bénéficier du programme PVD, ce qui a lancé une véritable dynamique. Nous avons concrétisé des projets qui auraient été irréalisables pour de petites communes rurales sans l'appui du programme. Nous avons impulsé un élan qui a amélioré les conditions de vie des habitants de ces petites villes.
Je suis très favorable à ce rapport d'information et à ses recommandations.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - L'important est bien que, au-delà du programme PVD, les territoires se prennent en main pour se projeter dans l'avenir : une communauté de communes, un PETR, un arrondissement, etc.
La question est de savoir comment contractualiser avec chaque partie prenante : l'État, mais aussi le département, la région, voire l'Union européenne. Il faudrait qu'après les élections municipales de 2026 les élus puissent se lancer dans ces nouvelles politiques publiques d'avenir - industrielle, économique, artisanale, protection du patrimoine, écologique... -, et ce, dès 2028, pour qu'à la fin de leur mandat leur travail issu du programme PVD se soit concrétisé.
Tous les élus souhaitent que l'ingénierie soit maintenue, notamment l'ingénierie publique.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Les communes qui ont ce label sont très fières d'avoir été retenues, elles qui se sentaient loin de tout, voire abandonnées. L'État, en apportant son aide, en particulier un chef de projet et une ingénierie publique, a joué son rôle : sans ingénierie, il n'y aurait pas de vision structurante, on ne ferait que du saupoudrage. Toutes les questions - urgence sociale et climatique, déprise commerciale, logement... - sont pensées de manière globale dans une logique d'avenir.
Les élus nous ont dit leur fierté de prendre part à ce programme, partagée avec les habitants.
Reste à mettre en oeuvre les projets et à trouver les financements nécessaires à leur déploiement. Ce programme mérite de perdurer au-delà de 2026. Ainsi, les communes bénéficiaires peuvent se projeter dans l'avenir. L'ingénierie publique locale est essentielle ; il faut la préserver et lui donner les moyens d'exister.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR) - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen du rapport et l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc national (PN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR).
Je tiens à remercier la rapporteure, notre collègue Kristina Pluchet, pour ses travaux préparatoires conduits dans un contexte incertain et dans des conditions un peu acrobatiques avec, d'une part, l'absence d'un gouvernement jusqu'à la fin de la semaine dernière et, d'autre part, la confirmation de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de nos travaux par la Conférence des présidents seulement hier après-midi. Elle a dû faire preuve de souplesse et d'une grande capacité d'adaptation, ce qui n'est pas une mince affaire pour son premier rapport.
La proposition de loi déposée par notre collègue Jean Bacci est composée d'un article unique à la portée simple et mesurée : il s'agit de lever un frein juridique en permettant à une commune d'être à la fois zonée en tant que parc national et en tant que parc naturel régional pour des parties de son territoire qui ne se recoupent pas.
M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi. - Ce texte fait suite à une demande du président de la région SUD - Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca), qui souhaite créer un PNR dans la plaine des Maures pour protéger toute sa partie forestière et agricole, notamment au regard du risque incendie et des enjeux de protection de la biodiversité. Le parc accompagnera ce territoire dans son développement économique, tout en préservant la biodiversité.
En effet, des communes du Var appartiennent, pour la partie maritime, au parc national de Port-Cros - la partie maritime est donc couverte -, tandis que l'autre partie, terrestre et forestière, ne l'est pas. Nous devons donc assurer une continuité de préservation de ce territoire.
Mme Kristina Pluchet, rapporteure. - Ce texte vise à lever un verrou juridique, institué par la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. Une commune ne peut aujourd'hui être doublement zonée au sein d'un parc national et, dans le même temps, au sein d'un parc naturel régional. Sans m'appesantir sur les raisons qui ont justifié cette interdiction de principe, j'aborderai la crainte qui avait alors animé le législateur.
Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, le député Jean-Pierre Giran, fin connaisseur des problématiques des parcs nationaux, avait souhaité créer une cloison étanche entre les zonages d'un PN et d'un PNR, afin de prévenir toute superposition d'outils de gestion et de limiter ainsi les injonctions contradictoires sur un même territoire. Cette réserve a perduré, sans soulever de difficultés particulières, jusqu'à l'achoppement suscité par le projet de création du PNR « Massifs des Maures, Estérel, Tanneron » défendu par la région SUD - Paca. En l'état du droit, certaines communes du littoral varois seraient contraintes à un choix cornélien que l'on imagine douloureux : continuer d'appartenir au PN de Port-Cros, ou adhérer, en 2028, à ce nouveau PNR.
Tel est l'état du droit et les circonstances qui ont justifié le dépôt de cette proposition de loi.
Cette dernière est donc composée d'un article unique, reprenant mot pour mot une exception législative introduite par le législateur, soucieux de tenir compte des spécificités locales de la Guyane. Le code de l'environnement prévoit en effet explicitement que, sur le territoire de Guyane, les communes peuvent appartenir simultanément à un parc national et à un PNR. Cette exception se justifie par la taille peu ordinaire des communes qui composent ce territoire. À titre d'illustration, la commune de Maripasoula s'étend sur 18 300 kilomètres carrés, soit sur une superficie équivalente à une fois et demie l'Île-de-France. Il aurait donc été absurde de ne prévoir aucune souplesse pour ce territoire si singulier.
Le texte que nous examinons prévoit ainsi de renverser le paradigme institué en 2006 en faisant de l'exception la règle de droit applicable à l'ensemble du territoire national.
J'ai mené mes travaux de rapporteure en ayant à l'esprit deux interrogations. La première : que faire des réserves exprimées par le législateur en 2006 ? La seconde : quel est l'intérêt de cette mesure ? Quels bénéfices peuvent tirer une commune et un territoire de ce double zonage ?
Afin de répondre à la première interrogation, je m'appuierai notamment sur les échanges que j'ai eus avec les représentants des parcs nationaux et les équipes de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique.
Ces deux auditions m'ont permis, tout d'abord, de faire un état des lieux des territoires potentiellement concernés par un double zonage. Ce dispositif pourrait intéresser quelques communes situées dans les aires d'adhésion des parcs nationaux de Port-Cros, des Cévennes ou encore des Calanques. Les effets de la proposition de loi semblent donc limités.
Par ailleurs, ces auditions m'ont permis d'apprécier le caractère proportionné de la proposition de loi, qui dresse un solide garde-fou face aux craintes qui avaient justifié cette interdiction. Comme l'indique l'intitulé de la proposition de loi, ce n'est pas la totalité de la commune qui pourra être doublement « zonée », mais des parties bien distinctes de son territoire. Prenons un exemple concret : la commune de Hyères pourra être zonée pour sa zone côtière et littorale au sein du parc national de Port-Cros, et pour sa partie terrestre tournée vers le massif des Maures, au sein du PNR du même nom.
En conclusion, les périmètres des parcs nationaux et des PNR ne se chevaucheront pas, ce qui prémunira contre tout risque de complexité administrative et d'enchevêtrement des compétences.
Concernant la seconde interrogation portant sur l'intérêt concret pour un territoire d'une telle disposition, laissez-moi vous fournir quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, le double zonage favorisera le développement de « corridors écologiques » entre les réservoirs de biodiversité que sont les forêts et les milieux aquatiques.
Par ailleurs, la collaboration entre deux espaces protégés sur un même territoire favorisera les mouvements, les migrations, la dissémination de graines, et en facilitera l'étude scientifique.
Enfin, les communes concernées, situées au confluent d'une double ressource environnementale, pourront revendiquer et afficher cette double appartenance. Nous connaissons tous ici l'attachement de nos territoires à leurs spécificités locales et à la mise en valeur de leur patrimoine naturel.
En définitive et au regard des réponses à ces interrogations, je dirai, en reprenant les propos des personnes que j'ai entendues, que cette proposition de loi est équilibrée, bien construite et adaptée aux besoins de nos territoires.
Je formulerai néanmoins une observation que j'estime cardinale pour la réussite et le bon fonctionnement de ce double zonage.
Il est impératif que les établissements publics gérant les parcs nationaux et les syndicats mixtes gestionnaires des parcs naturels régionaux interviennent conjointement en bonne intelligence. Cela impliquera des moments d'échange et du travail en synergie, afin de veiller à la cohérence territoriale des mesures prises au sein des aires d'adhésion.
La coopération est en effet un préalable indispensable au bon fonctionnement de ce double zonage. Je formule le souhait que les modalités de cette coopération soient inscrites, au moment de leur renouvellement, au sein des chartes du parc national et du parc naturel régional concernés, de sorte que le document administratif qui sert de support à l'adhésion des communes comporte explicitement des mentions de cette synergie indispensable. Je ne peux pas formaliser ce souhait par un amendement, mais j'appellerai l'attention du Gouvernement sur ce point.
Je terminerai mon propos en mentionnant le dépôt de deux amendements rédactionnels : un amendement de correction légistique, visant à assurer la cohérence de la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'environnement, et un amendement à l'intitulé de la proposition de loi, visant à remplacer la notion de « parc naturel national » par celle de « parc national », qui est celle qui figure dans le code de l'environnement.
Aussi, je vous invite à adopter cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ces deux amendements. Il s'agit d'une démarche consensuelle et pragmatique, au plus près des enjeux de nos territoires.
M. Michaël Weber. - Ce texte permet d'avoir le zonage le plus fin possible. Il s'applique plus spécifiquement à la région Paca, mais il sera bénéfique potentiellement à tous nos territoires. La Fédération des parcs naturels régionaux de France nous a fait part de son soutien à ce texte amendé.
Plus généralement, monsieur le président, nous allons devoir travailler à l'adaptation de ces deux modèles - parcs nationaux et parcs naturels régionaux - à la réalité de nos territoires.
M. Jean-François Longeot, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, notre commission doit arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au zonage d'une commune au sein d'un parc national et d'un parc naturel régional.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Kristina Pluchet, rapporteure. - L'amendement COM-1 est un amendement rédactionnel visant à faire explicitement mention du parc national, la notion « d'espaces » n'étant pas définie dans l'article L. 331-2 du code de l'environnement.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Kristina Pluchet, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à remplacer, dans l'intitulé de la proposition de loi, la notion de « parc naturel national » par celle de « parc national », qui figure dans le code de l'environnement.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
La réunion est close à 14 h 55.