- Mercredi 19 novembre 2025
- Mission d'information sur le plateau des Guyanes - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 - Coordination du travail gouvernemental (action 2 Coordination de la sécurité et de la défense, SGDSN, Cyberdéfense) - Examen du rapport pour avis
Mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Mission d'information sur le plateau des Guyanes - Examen du rapport
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le rapport qu'Étienne Blanc, Olivier Cigolotti, André Guiol et moi-même avons réalisé au nom de la mission d'information sur le plateau des Guyanes.
Cette mission s'inscrit dans la continuité des travaux menés par notre commission sur le plateau des Guyanes, voilà un peu plus de deux ans. Elle nous a notamment permis d'inaugurer l'ambassade de France au Guyana, ouverte à la suite d'une recommandation de la commission formulée dans un rapport de 2023.
En effet, pendant trop longtemps, l'Amérique latine a été un angle mort de notre diplomatie. Et pourtant, la France y tient une place singulière : unique État européen présent en Amérique du Sud, elle y partage les défis, mais aussi les formidables opportunités de cette région en pleine mutation.
Il est donc essentiel que la France se donne les moyens de devenir un acteur régional de premier plan, en développant ses coopérations avec ses voisins et en réaffirmant sa souveraineté.
Dans cette perspective, notre mission avait deux objectifs.
En premier lieu, identifier les leviers de renforcement des relations bilatérales entre la France et le Guyana, à un moment charnière : notre pays a, j'y insiste, ouvert en septembre 2025 une ambassade à Georgetown, devenant ainsi le premier État membre de l'Union européenne (UE) à disposer d'un tel niveau de représentation dans ce pays. Ce geste diplomatique fort traduit une conviction : le Guyana est un partenaire stratégique. Sa croissance spectaculaire - de 47 % en moyenne entre 2022 et 2024, soit la plus forte au monde - est tirée par l'exploitation de ses ressources pétrolières. Le Guyana détient en effet les deuxièmes plus importantes réserves de pétrole par habitant au monde, devant l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et de nombreux autres pays pourtant réputés pour leur production.
Le renforcement de la coopération avec nos voisins, dont le Guyana, est en outre clé pour lutter efficacement contre les activités illicites en Guyane, en grande partie « importées ».
En second lieu, notre mission s'est attachée à dresser un bilan de l'action des forces armées en Guyane, acteur central de la lutte contre les activités illégales : orpaillage, pêche et narcotrafic.
Au terme de nos travaux, nous formulons vingt recommandations, dont certaines vous seront présentées dans un instant.
Je commencerai cette présentation par un point sur les principaux enjeux sécuritaires en Guyane, qui, je l'ai dit, s'inscrivent très largement dans un contexte régional.
Premier enjeu : la lutte contre l'orpaillage illégal (LCOI).
La Guyane est au coeur du « croissant aurifère » sud-américain et compte parmi les régions du monde les plus riches en or. Mais cette richesse nourrit un paradoxe : l'activité légale y demeure marginale, voire quasi nulle, tandis que l'exploitation illégale prospère. Chaque année, jusqu'à 10 tonnes d'or sont extraites clandestinement, c'est-à-dire une perte pour l'économie guyanaise qui pourrait atteindre 1,3 milliard d'euros avec l'évolution actuelle du cours de l'or !
Quel pays pourrait accepter un tel pillage de ses ressources ? Car il s'agit bien d'un pillage, dès lors que 96 % des orpailleurs illégaux sont brésiliens, la logistique est fournie depuis des comptoirs tenus par des commerçants chinois situés au Suriname et l'or extrait est ensuite destiné au marché asiatique. Ce phénomène, par conséquent largement exogène, est pourtant traité comme une criminalité interne, avec des moyens souvent inadaptés.
Le procureur général près la cour d'appel de Cayenne, que nous avons rencontré, et dont il faut saluer la détermination et l'action, a notamment souligné la faiblesse du contrôle aux frontières, alors que les opérations de l'État, telles que l'opération Harpie, dont parlera Étienne Blanc tout à l'heure, se déroulent essentiellement à l'intérieur du territoire national.
Nous recommandons par conséquent de renforcer le contrôle des frontières afin d'empêcher l'entrée et l'installation des garimpeiros sur le territoire national.
Nous appelons en outre à étudier la mise en place de zones de défense et de sécurité sur le territoire de la Guyane qui deviendraient, de facto, des zones d'exclusion pour l'orpaillage.
Mais lutter efficacement contre ce fléau suppose aussi une coopération renforcée avec nos voisins.
Pour le Suriname, nous recommandons la création d'un centre de coopération policière et douanière à Saint-Laurent-du-Maroni, offrant un cadre juridique et opérationnel renforcé et servant de point de contact privilégié entre les services de police et douaniers français et surinamais.
Concernant le Brésil, il nous paraît essentiel d'impliquer davantage Brasilia dans la protection de l'environnement de part et d'autre de la frontière - nous avons survolé un certain nombre de zones d'exploitation illégale de l'or et constaté que la situation est catastrophique pour l'environnement. À cet égard, le projet de mise en réseau du parc amazonien de Guyane et du parc national des montagnes du Tumucumaque, en vue de créer une zone de biodiversité protégée, semble très prometteur. Les négociations sont avancées et il convient désormais de finaliser la convention liant les deux États.
Plus généralement, face à la catastrophe écologique, économique et sanitaire que constitue l'orpaillage illégal et à la menace sécuritaire accrue qu'il représente, en raison de l'implication croissante des factions armées brésiliennes dans cette activité - j'y reviendrai -, la stratégie de simple « confinement » de ce phénomène ne suffit plus. Toutes les autorités que nous avons rencontrées en Guyane ont en effet largement souligné que nos opérations ne permettaient que de contenir l'orpaillage illégal - tandis que, dans d'autres pays voisins, les surfaces détruites et exploitées illégalement augmentent de manière très importante.
Il faut donc s'attaquer aux causes en développant rapidement l'orpaillage légal afin d'exploiter pleinement le potentiel aurifère de la Guyane et de protéger l'environnement de toutes les catastrophes qui le menacent, notamment celles qui sont liées à l'utilisation du mercure. Par ailleurs, on observe une augmentation croissante du nombre de factions brésiliennes ultra-violentes sur le territoire guyanais. Le prix de l'or augmente - il était à 100 euros le gramme au début de notre déplacement et atteignait presque 120 euros quelques jours plus tard -, et ces factions se tournent vers l'exploitation de l'or avec des moyens humains, matériels et militaires bien plus importants que ceux des garimpeiros. Elles risquent, de ce fait, de mettre en danger les forces armées engagées dans l'opération Harpie, ce qui justifie la nécessité d'agir rapidement.
Deuxième enjeu : le fléau du narcotrafic.
La Guyane constitue un maillon dans le transit de la cocaïne entre l'Amérique latine et l'Europe. Elle sert à la fois de zone de transit et de rebond pour les trafiquants.
Face à l'augmentation du trafic à destination de l'Hexagone, la préfecture, les services de police et la justice ont su innover avec le dispositif « 100 % contrôle ». Entre 2022 et 2025, 17 000 arrêtés d'interdiction ont ainsi été pris, alors que, dans le même temps, le nombre de saisies a été divisé par vingt - cela correspond d'ailleurs à une demande de la commission à l'époque.
Les contrôles physiques restent également importants. Ainsi, lors de notre participation à l'opération « 100 % contrôle » avec la police aux frontières (PAF), 10 kilos de cocaïne - à la revente, un peu plus de 1 million d'euros - ont ainsi été saisis sur un passager.
Malgré l'engagement et l'agilité des services de l'État, nous avons constaté que les moyens à la disposition des services de l'État restaient insuffisants.
Nous sommes évidemment conscients de la situation budgétaire du pays, mais les expédients auxquels les services doivent avoir recours peuvent se révéler extrêmement coûteux. Ainsi, faute de moyens aériens propres, la PAF doit recourir à la location d'hélicoptères pour des reconduites, au coût estimé de 17 000 euros par mission. Une évaluation des solutions pérennes à moyen et long terme est donc nécessaire.
Troisième enjeu : l'implantation des factions armées brésiliennes.
Originaires des prisons brésiliennes et liés au narcotrafic, quatre groupes ont désormais des ramifications en Guyane. Ces factions, parfois interconnectées, recourent à des méthodes ultra-violentes - braquages, assassinats, enlèvements - et cherchent à s'implanter durablement en Guyane, porte d'entrée vers l'Europe - je rappelle que 20 % de la consommation de cocaïne dans l'Hexagone passe par la Guyane. On estime que 400 factionnaires seraient déjà présents sur le territoire, représentant une menace non seulement pour la Guyane, mais aussi pour l'Hexagone.
Nous insistons donc dans notre rapport sur la nécessité de prévenir tout risque d'essaimage, en concentrant ces factionnaires dans un nombre restreint d'établissements pénitentiaires.
M. Étienne Blanc, rapporteur. - Dans le contexte qui vient d'être rappelé par le président Perrin, les forces armées en Guyane (FAG) sont, sur ce territoire, le bouclier de la République.
Avec près de 2 500 militaires et civils, appuyés par plus de 350 réservistes, les FAG représentent le plus important contingent du ministère des armées hors de l'Hexagone.
Outre les postures permanentes de sécurité maritime et aérienne, l'action des FAG comprend trois opérations permanentes conduites en interministériel : l'opération Titan, de protection du Centre spatial guyanais (CSG), l'opération Harpie, de lutte contre l'orpaillage illégal, et l'opération Polpêche/Narcops, de lutte contre la pêche illégale et le narcotrafic.
L'opération Harpie constitue le volet répressif de la lutte contre l'orpaillage illégal sur le territoire national. Sur réquisition du préfet de Guyane, les forces armées interviennent en appui des forces de sécurité intérieure. Chaque jour, 350 militaires arpentent la forêt, épaulés par 277 gendarmes, dont 120 permanents et 157 renforts. Face à eux, nous faisons face à une réalité alarmante : 450 à 550 sites d'orpaillage illégal, tenus par environ 6 100 orpailleurs, dont plus de 90 % sont brésiliens. En 2024, la saisie des avoirs criminels dans le cadre de la LCOI a atteint 94,5 millions d'euros.
Ces résultats sont considérables. Ils ont notamment empêché une déforestation massive, comparable à celle qui est observée au Brésil ou au Suriname. Mais, reconnaissons-le, ils n'ont pas suffi à éradiquer le phénomène. Et la hausse quasi constante du cours de l'or depuis 2018 rend malheureusement l'orpaillage illégal toujours plus attractif.
Le président Perrin a déjà évoqué les pistes qui nous semblent devoir être explorées pour lutter efficacement et durablement contre ce phénomène. Je souhaiterais cependant revenir sur le cadre législatif et réglementaire applicable à la LCOI. Si celui-ci a été jugé adapté par les personnes rencontrées par la mission, une difficulté a cependant été soulevée.
En effet, le code minier dispose que, en Guyane, lorsque le transfert des personnes interpellées présente des difficultés matérielles insurmontables, le point de départ de la garde à vue peut être exceptionnellement reporté jusqu'à l'arrivée dans les locaux, dans la limite de vingt heures.
Or ce délai se révèle souvent insuffisant compte tenu des contraintes géographiques et logistiques propres à la Guyane, notamment l'éloignement des zones d'intervention et la difficulté d'accès à certains sites. Il serait donc opportun de le porter à vingt-quatre heures, ce qui fait l'objet de l'une de nos recommandations.
Deuxième mission des FAG : la lutte contre la pêche illégale et le narcotrafic dans le cadre de l'opération Polpêche/Narcops.
Là encore, la situation est paradoxale. La Guyane possède un potentiel halieutique considérable, mais sa filière pêche décline. Faute de bateaux guyanais en nombre suffisant, l'UE attribue désormais 45 quotas de pêche au large à des bateaux vénézuéliens... Par ailleurs, comme pour l'orpaillage, l'espace laissé vacant est aujourd'hui occupé par des pêcheurs clandestins.
Ainsi, selon un rapport de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) paru en 2024, le nombre de jours de mer des bateaux étrangers clandestins aurait doublé au cours de la dernière décennie.
L'opération Polpêche de lutte contre la pêche illicite s'est donc logiquement intensifiée ces dernières années, le nombre de procédures ouvertes étant passé de 234 en 2023 à 373 en 2024, et celui des navires déroutés et détruits de 9 à 14 sur la même période.
Des opérations coup de poing, baptisées Mako, sont régulièrement menées pour affirmer la souveraineté française sur nos eaux, protéger les ressources halieutiques, et dissuader la violence.
En matière de narcotrafic, les patrouilleurs Antilles Guyane (PAG) ont vu leur mobilisation s'accroître lors d'opérations sous contrôle opérationnel des forces armées aux Antilles.
La montée en puissance de ce domaine dans la zone maritime guyanaise nécessite désormais le développement d'une expertise spécifique et pourrait conduire à prioriser certaines opérations.
Enfin, l'opération Titan vise à assurer la protection périphérique du CSG lors des phases critiques de lancement, grâce à un dispositif interarmées couvrant les milieux terrestre, maritime et aérien. Le nombre de jours dédiés à cette opération a diminué au cours des dernières années, passant de 170 jours en moyenne dans les années 2000-2010 à 130-140 jours actuellement, du fait de la baisse du nombre de lancements. Un retour à plus de 30 tirs annuels pourrait porter cette durée à environ 200 jours, ce qui aurait un impact opérationnel sur d'autres missions, notamment l'opération Harpie, ainsi que sur les dispositifs de sûreté aérienne et maritime.
Il s'agit d'un point de vigilance à prendre en compte dans les moyens nouveaux dont devraient bénéficier les FAG dans le cadre de la LPM, la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
M. André Guiol, rapporteur. - La LPM porte une ambition particulière pour les outre-mer : celle de leur donner les moyens de défendre notre souveraineté, de protéger nos intérêts et de contribuer à la stabilité régionale.
Cette ambition a été déclinée par l'état-major des armées dans un schéma directeur outre-mer (Sdom). Ce document fixe un cap : rattraper le retard accumulé, moderniser nos équipements, adapter nos infrastructures aux opérations d'aujourd'hui et de demain.
En Guyane, le volet capacitaire du Sdom vise à renouveler un matériel vieillissant.
Dans le domaine terrestre, les véhicules utilitaires tout-terrain, tels que les TRM 2000, ont plus de trente ans de service. Un plan de renouvellement est ainsi engagé, comprenant le remplacement des véhicules tout-terrain, des moteurs de pirogues et l'acquisition de drones destinés à appuyer les missions de terrain.
S'agissant des capacités aériennes, la LPM prévoit un renforcement du dispositif des FAG, en particulier le remplacement des hélicoptères Puma, dont la durée de vie atteint cinquante ans, par quatre Caracal - les deux premiers appareils, accompagnés de leurs équipages et équipes de maintenance, sont arrivés en Guyane en août 2025, comme nous avons pu le constater sur place -, le renouvellement des hélicoptères Fennec par quatre hélicoptères interarmées légers (HIL) Guépard, et le remplacement progressif des avions CASA par les avions issus du programme d'avion de transport d'assaut du segment médian (Atasm).
Si les mesures prévues dans le LPM commencent à produire leurs effets, nous avons constaté que la disponibilité réduite des moyens aériens demeure un facteur contraignant pour les opérations.
Dans le domaine naval, la base navale de Dégrad-des-Cannes verra sa flotte progressivement modernisée, et les unités de la gendarmerie maritime, dont la durée de vie moyenne est de vingt ans, seront remplacées par deux vedettes de nouvelle génération d'ici à 2031.
Le volet infrastructures du Sdom prévoit, quant à lui, une adaptation et une modernisation des installations. En particulier, la base aérienne 367, qui constitue le seul point d'appui souverain français couvrant l'ensemble des fuseaux horaires du continent américain, doit prochainement bénéficier d'importants travaux de modernisation. Celle-ci étant aujourd'hui saturée, ses infrastructures sont sous-dimensionnées, voire inadaptées.
À titre d'exemple, l'avion multirôle de transport et de ravitaillement (MRTT) ne peut pas stationner sur la base et doit être positionné sur l'aéroport civil. Il est donc indispensable que la base puisse accueillir ce type d'appareils ainsi que des A400M venant de l'Hexagone. La création d'un parking pour gros porteurs comprenant six emplacements prévue par le schéma directeur devrait permettre de répondre à cette problématique.
Toutefois, la modernisation complète de la BA (base aérienne) 367 est devenue indispensable, car les nouveaux appareils - comme le Guépard, 2,5 fois plus grand que le Fennec - nécessitent des espaces adaptés. Au total, 36 millions d'euros sont prévus dans la LPM pour la modernisation de la base aérienne, mais les besoins réels sont estimés à 48 millions d'euros en raison des surcoûts liés à l'éloignement et aux contraintes environnementales.
Nous devons donc veiller à ce que, chaque année, les crédits nécessaires soient inscrits dans la loi de finances, sans quoi le calendrier initial ne pourra être tenu. Or tout retard entraînerait notamment la nécessité de renouveler certaines études environnementales, retardant d'autant la livraison du projet.
En matière de logement, nous avons constaté un manque criant de places. Les compagnies stationnées au quartier de La Madeleine sont actuellement hébergées dans des hangars à l'issue de leurs missions, en attendant leur retour dans Hexagone ou leur redéploiement entre deux missions, une période qui peut atteindre quinze jours.
La montée en puissance prévue dans la LPM, qui devrait créer 250 postes d'ici à 2030, rend d'autant plus nécessaire la construction de places d'hébergement supplémentaires. Nous appelons donc à la construction d'au moins 300 places nouvelles, en tenant compte de la montée en cadence des tirs depuis le CSG, qui nécessitera également une adaptation de l'opération Titan.
Enfin, plusieurs personnes entendues par la mission ont souligné les difficultés rencontrées par les militaires mutés en Guyane pour assurer la scolarisation de leurs enfants. C'est pourquoi nous recommandons qu'un travail de coordination soit engagé avec les communes de Guyane afin de faciliter la scolarisation des enfants de militaires dans leur commune de résidence.
M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - La défense de notre souveraineté passe aussi par une meilleure compréhension du contexte régional dans lequel s'inscrit la Guyane et par un renforcement des relations avec nos voisins, en particulier le Guyana, pays qui a connu de profonds changements au cours de la dernière décennie.
Son économie reposait jusqu'à récemment sur l'agriculture, l'extraction minière de la bauxite, de l'or et des diamants, ainsi que sur les transferts financiers de la diaspora. Mais les perspectives économiques ont radicalement changé depuis les explorations pétrolières lancées en 2008, qui ont conduit ExxonMobil à annoncer, en 2015, l'exploitation d'importants gisements.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), le Guyana disposerait des deuxièmes réserves de pétrole par habitant au monde, derrière le Koweït. À partir de 2027, la mise en exploitation des deux champs supplémentaires pourrait par ailleurs permettre de doubler la production actuelle, pour atteindre environ 1,2 million de barils par jour.
Cette manne pétrolière a entraîné une croissance spectaculaire : de 33 % en 2023, après une hausse de 62 % en 2022 et de 20 % en 2021. Entre 2022 et 2024, la croissance moyenne a atteint 47 %, le taux le plus élevé au monde.
Le FMI prévoit que le PIB par habitant devrait atteindre près de 51 000 dollars en 2030, un niveau proche de celui de la moyenne européenne.
En parité de pouvoir d'achat, le produit intérieur brut (PIB) par habitant du Guyana devrait s'élever à près de 195 000 dollars, plaçant le Guyana au premier rang mondial, devant Singapour, le Luxembourg ou le Qatar.
Cette prospérité soulève toutefois des interrogations sur la gouvernance, les conséquences écologiques et les risques d'une dépendance excessive à la rente pétrolière, dite « maladie hollandaise », dont a notamment souffert le Venezuela.
Pour prévenir ces risques, le Guyana s'est doté en 2019 d'un fonds souverain, sur le modèle norvégien, afin d'investir les recettes pétrolières dans le développement du pays plutôt que de les dilapider. Ce développement spectaculaire n'a cependant pas permis de diminuer significativement les inégalités, notamment dans l'arrière-pays, où l'accès aux services de base reste très limité.
Sur la scène régionale, le Guyana entend utiliser sa nouvelle puissance économique pour faire entendre sa voix. Il est membre de l'Organisation des États américains (OEA) et de l'Union des nations sud-américaines (Unasur), mais surtout fondateur et hôte du siège de la Communauté des Caraïbes (Caricom), dont il a exercé la présidence au cours de la première moitié de 2024. Le Guyana s'appuie sur cette organisation pour faire valoir ses priorités, qu'il s'agisse du renforcement de l'intégration régionale comme de la levée des barrières tarifaires entre États membres.
Parallèlement, le pays a multiplié ses partenariats diplomatiques et s'est affirmé sur la scène internationale.
Le soutien américain à Georgetown, particulièrement marqué sous la présidence de Joe Biden, n'a pas été remis en cause avec le changement d'administration. Un mémorandum d'entente a ainsi été signé en mars 2025 avec le secrétaire d'État Marco Rubio, visant à renforcer la coopération militaire entre les deux pays.
Cette proximité marquée avec Washington ne limite pas pour autant les partenariats avec d'autres pays, notamment le Royaume-Uni, l'Inde et la Chine, et plus récemment avec le Moyen-Orient. Le Brésil voisin demeure également un partenaire majeur, notamment dans les domaines agricole et militaire.
Le Guyana a par ailleurs renforcé sa présence dans les organisations internationales, en étant élu pour la troisième fois membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2024-2025.
Cette stratégie d'ouverture internationale s'inscrit en partie dans une logique d'« externalisation de la défense de l'Essequibo », visant à sécuriser ses intérêts face aux revendications territoriales du Venezuela. En effet, depuis son accès à l'indépendance, le Venezuela conteste la frontière établie entre les deux pays, pourtant confirmée par un arbitrage de 1899.
La découverte, en 2015, de gisements d'hydrocarbures dans la zone a cependant ravivé les prétentions vénézuéliennes. Ainsi, le 27 mai 2015, le Venezuela publie un décret établissant les zones opératives de défense intégrale maritime et insulaire. En décembre 2018, la marine vénézuélienne intercepte un navire mandaté par ExxonMobil pour réaliser des études sismiques.
Le 7 janvier 2021, le président vénézuélien, Nicolas Maduro, déclare créer le « territoire de la façade atlantique vénézuélienne ». Deux ans plus tard, le 20 septembre 2023, le Venezuela annonce l'organisation d'un « référendum consultatif pour que le peuple renforce la défense de la Guayana Esequiba et les droits inaliénables du Venezuela sur ce territoire ». Le vote, qui a lieu le 3 décembre 2023, se traduit par un très large soutien aux prétentions vénézuéliennes sur la région, malgré un taux de participation limité.
Plus récemment, le 25 mai 2025, des élections ont été organisées dans une circonscription spécialement créée à la frontière, qui ont conduit à l'élection de huit députés et d'un gouverneur pour la Guayana Esequiba.
Dans ce contexte, nous estimons crucial que la France continue d'afficher son attachement au respect du principe d'intégrité territoriale ainsi que la nécessité d'un règlement du différend fondé sur le droit international, dans le cadre de la procédure actuellement devant la Cour internationale de justice (CIJ), saisie par le Guyana en 2018.
C'est dans ce cadre général que nous avons examiné les perspectives de renforcement de la relation bilatérale avec le Guyana.
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Sur le plan économique, au regard du développement extrêmement rapide que connaît le Guyana, les perspectives offertes aux entreprises françaises sont significatives.
Nos entreprises gagnent déjà des marchés dans le pays, qu'il s'agisse des chantiers navals Ocea, qui ont déjà livré trois pilotines aux autorités guyaniennes - dont deux ont été inaugurées lors de notre déplacement - et livreront l'année prochaine un patrouilleur hauturier, ou encore, très récemment, de TotalEnergies, qui a signé le 11 novembre dernier un contrat de partage de production avec le ministère des ressources naturelles du Guyana.
L'ouverture de la nouvelle ambassade à Georgetown doit constituer une opportunité pour densifier encore davantage nos relations commerciales.
La diplomatie économique devra donc être une priorité pour ce poste, en poursuivant et en renforçant les efforts déjà engagés pour soutenir les entreprises françaises dans l'identification et l'exploitation des opportunités offertes par le Guyana.
Néanmoins, la diplomatie économique ne se limite pas à la présence symbolique d'un drapeau. Elle exige des actions concrètes et coordonnées, un accompagnement permanent et ciblé.
Lors de notre visite, nous avons constaté un fort tropisme caribéen du Guyana. Cela peut sembler anecdotique, mais de nombreux produits importés proviennent de Trinidad et Tobago. Par ailleurs, le Guyana accueille le siège de la Caricom.
Nous proposons par conséquent d'envisager un rattachement du Guyana et du Suriname au service économique de Panama, déjà compétent pour la zone Caraïbe, plutôt qu'au service économique de Bogota, comme c'est le cas actuellement. Cela nous semble de nature à renforcer la coordination et l'efficacité des actions économiques que nous menons dans le pays. Je rappelle en effet que le service économique actuel doit, à lui seul, gérer sept pays d'Amérique du Sud.
Les opportunités commerciales que je viens de présenter ne doivent cependant pas masquer certaines difficultés persistantes. Ainsi, les taux de crédit proposés par la France demeurent rarement inférieurs à 4 %, alors que nos concurrents offrent des taux bien plus attractifs : 1,5 % pour la Chine et 1,5 % à 1,7 % pour l'Inde.
Face à cette distorsion de concurrence, les entreprises françaises doivent valoriser des offres globales, intégrant formation et maintenance, afin de promouvoir l'expertise française et renforcer leur compétitivité. Lors de nos entretiens, les autorités guyaniennes ont en effet systématiquement insisté sur l'importance d'élever le niveau de formation de la population. Il ne faut pas se voiler la face : derrière des taux de croissance de 47 % ou 43 %, les disparités sont considérables. La question de la redistribution de cette richesse demeure un enjeu majeur.
Sur le plan diplomatique, plusieurs visites officielles françaises ont eu lieu, dont celle d'une délégation de notre commission en 2023. La mission recommandait l'ouverture d'une ambassade de plein exercice à Georgetown, une recommandation qui a été suivie : l'ambassade a ouvert ses portes le 1er septembre 2025 et a été inaugurée le 3 octobre, en présence du président du Guyana, Mohamed Irfaan Ali, événement auquel nous avons participé.
Aujourd'hui, la France est le seul État de l'Union européenne à disposer d'une ambassade à Georgetown ; elle est identifiée par les autorités guyaniennes comme un partenaire de premier rang.
Lors de l'entretien avec le chef d'état-major des forces de défense du Guyana, le brigadier général Omar Khan a souligné qu'une coopération plus étroite en matière d'échange d'informations, notamment radar, permettrait d'anticiper les trajectoires suspectes avant qu'elles n'atteignent le territoire français - je pense aux petits avions qui participent au narcotrafic Le président Ali a également réaffirmé l'intérêt de renforcer les capacités de surveillance et d'alerte communes, en particulier pour la lutte contre les trafics transfrontaliers et maritimes.
Il convient donc de relancer régulièrement les réunions du groupe de travail conjoint France-Guyana afin d'en renforcer le caractère opérationnel et, dans le prolongement du dernier dialogue stratégique du plateau des Guyanes, d'étudier les possibilités de partage d'informations pour améliorer la coopération opérationnelle.
La France a par ailleurs proposé de négocier une convention de coopération judiciaire, visant notamment à faciliter le retour des détenus guyaniens en fin de peine dans les établissements pénitentiaires de Guyane. Il importe de relancer le gouvernement guyanien sur ce projet.
Plus généralement, l'ouverture de l'ambassade à Georgetown doit permettre de faire avancer les principaux dossiers en suspens, tels que la lutte contre la pêche illicite, le transit du mercure ou l'obtention de laissez-passer consulaires pour le rapatriement des détenus.
Enfin, la question de la délivrance des visas reste cruciale. Aujourd'hui, les Guyaniens doivent solliciter un visa auprès de l'ambassade de France au Suriname. Depuis 2024, certaines démarches peuvent être effectuées à Georgetown deux jours par mois, mais il convient d'aller jusqu'au bout de la logique qui a présidé à l'ouverture de l'ambassade en la dotant d'une section consulaire capable de délivrer des visas pour la France. J'ajoute qu'au prix actuel du visa, 90 euros, le coût en ressources humaines sera vite rentabilisé, à la condition de ne pas privatiser ce service.
Mes chers collègues, je conclus en me félicitant que la France porte désormais un regard plus attentif vers l'Amérique du Sud. La Guyane française n'est pas une périphérie : elle est un pont entre l'Europe et l'Amérique du Sud, un atout géostratégique et économique majeur pour la France.
Nous devons saisir cette opportunité pour renforcer notre ancrage et notre influence dans la région. Cela passe par l'affermissement de notre souveraineté en menant une lutte déterminée contre toutes les formes de criminalité qui sévissent en Guyane et le pillage de nos richesses, mais également par le renforcement de nos liens avec nos voisins qui, lorsque nous les rencontrons, manifestent une réelle attente de coopération avec la France.
Je voudrais remercier l'ambassadeur de France au Guyana, qui vient de prendre ses fonctions et qui n'a pas ménagé sa peine pour nous recevoir et organiser l'inauguration officielle de l'ambassade. Ce déplacement nous a permis de prendre la mesure des enjeux, qui sont considérables pour la France. Je l'ai dit, 20 % de la drogue qui arrive dans l'Hexagone transite par la Guyane : les mesures du « 100 % contrôle », que le Sénat avait demandé en 2020, ont permis une diminution du trafic, lequel se déporte maintenant vers la Guadeloupe et la Martinique. Le problème est donc loin d'être réglé.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je tiens à vous remercier pour cet excellent rapport qui fait suite à une mission exigeante. Vous avez couvert l'ensemble des domaines que l'on peut aborder lors d'une mission : diplomatie, questions militaires, ressources naturelles...
Vous proposez que l'orpaillage devienne une activité en quelque sorte officielle. Avez-vous des informations sur la pollution engendrée par l'orpaillage sauvage ? Quels seraient les avantages d'une exploitation officielle de l'or, gérée par des compagnies nationales ?
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - L'orpaillage illégal est à l'origine d'une grande partie de la déforestation en Guyane et donne lieu au déversement de plus d'une dizaine de tonnes de mercure chaque année. La pollution est donc massive : il suffit de regarder l'état de la nature une fois la « mine » ouverte.
Un autre sujet mérite d'être pris en compte : quel pays dans le monde aujourd'hui accepterait de se faire piller 1,3 milliard d'euros par an de ressources naturelles sans agir ? On connaît parfaitement les sites d'orpaillage, qui sont près de 600, et nous savons que la plupart des 6 000 garimpeiros viennent du Brésil. Un trafic est organisé via le Suriname par des commerçants chinois, basés de l'autre côté du fleuve, qui vendent moteurs, mercure et autres matériels nécessaires à l'exploitation. Il n'est pas acceptable - et les autorités sur place sont entièrement d'accord avec nous - d'accepter que cette situation perdure. La zone aurifère est très limitée en Guyane : nous pourrions parfaitement y mettre en place des zones d'extraction légales afin d'exploiter l'or nous-mêmes et de contrôler sérieusement les conditions d'exploitation, notamment environnementales. Cette solution présenterait de nombreux avantages - économique, sociétal et environnemental.
M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Les problématiques environnementales sont une réalité. Nous nous sommes rendus en Guyane en 2018 avec Philippe Paul pour étudier l'opération Harpie. Nous avons vu, de l'autre côté du Maroni, comment était organisée la filière d'orpaillage illégal qui, à l'époque, était tenue par les Surinamais ou les Brésiliens.
Depuis 2018, ce qui a changé, c'est que tout est maintenant aux mains des Chinois, qui vendent aux garimpeiros, le président Perrin l'a dit, les équipements nécessaires à l'orpaillage illégal : moteurs de bateau, alimentation, mercure, petit outillage, etc. Ces marchandises vendues à crédit sont remboursées avec de l'or, qui part immédiatement en Chine. Le général de gendarmerie que nous avons rencontré nous a fait état d'un rapport qui semble placer la Chine à la tête d'un stock d'or, y compris privé, très important : on parle d'une estimation de plus de 25 000 tonnes.
Comme le disait le président Perrin, les ressources françaises sont pillées, en particulier par la Chine, en Guyane. Il faut dire les choses comme elles sont !
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Je veux revenir sur un point crucial : la montée en puissance des factions brésiliennes, qui sont ultra-violentes : dans le cadre du narcotrafic, elles mettent en oeuvre des méthodes très dures.
Compte tenu du prix de l'or, qui est actuellement de 120 euros le gramme, il devient intéressant pour elles de s'intéresser au trafic d'or. On les voit donc arriver sur les sites d'orpaillage illégaux, avec des moyens militaires. Nous sommes très inquiets, car le jour où nos forces se rendront sur ces sites, les méthodes qui leur seront opposées seront bien différentes de celles des garimpeiros, qui ne sont finalement que des paysans brésiliens.
Avant qu'il ne soit trop tard, il est urgent d'agir et de s'intéresser sérieusement à cette problématique. Si l'on additionne le montant des pillages et le coût de l'opération Harpie, on aboutit à des sommes considérables.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Vous a-t-on indiqué les moyens qui seraient nécessaires pour reprendre la main ?
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Nous avançons des pistes dans le rapport.
Mme Catherine Dumas. - Vous avez fait référence à la mission à laquelle j'ai participé en 2023, qui est, en quelque sorte, à l'origine des travaux de la commission aujourd'hui.
Nous avions mené une mission au Brésil, en Guyane, au Suriname et au Guyana, au cours de laquelle nous avions non seulement étudié les problématiques que vous avez évoquées, mais aussi constaté le potentiel de la région. Le travail diplomatique a ensuite permis l'ouverture d'une ambassade ; à l'époque, il n'y avait qu'un seul Français, qui faisait un travail remarquable.
Les travaux de notre commission s'inscrivent dans une logique, et je remercie les rapporteurs de l'avoir poursuivie.
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - En 2020, nous sommes allés en Guyane pour une mission conjointe de la commission de la défense de l'Assemblée nationale et de notre commission. À l'époque, l'un des sujets était de savoir s'il était intéressant de faire évoluer le droit afin de donner des moyens spécifiques à la Guyane pour lutter contre les divers trafics dont elle était victime. Nous avons évoqué le sujet avec le procureur général, lequel estime qu'une nouvelle législation n'est pas forcément nécessaire.
Le procureur général, qui est un homme de grande qualité, prend des initiatives, et le « 100 % contrôle » à l'aéroport a abouti à un nombre considérable d'interdictions d'embarquer. Le nombre de mises sous écrou a augmenté de 123 % avec l'arrivée de nouveaux magistrats. Lorsqu'il existe une volonté judiciaire d'appliquer les textes, cela fonctionne plutôt bien.
M. Olivier Cadic. - Les coeurs de palmier que nous trouvons dans nos supermarchés viennent d'une entreprise dirigée par un conseiller du commerce extérieur de la France au Guyana.
Juste à côté de la Guyane, on assiste à un écocide au Venezuela, notamment autour du fleuve Orinoco, où l'on peut constater les dommages causés par l'orpaillage. Je vous recommande d'auditionner SOS Orinoco. L'OCDE travaille aussi sur ce sujet depuis plusieurs années. Si Maduro réussit à se maintenir au pouvoir, c'est parce que l'orpaillage se fait avec le concours de l'armée vénézuélienne et de la Russie qui, en échange d'or, fournit des dollars.
Lors du débat sur la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, j'avais rappelé qu'il faut agir à la source. Nous avons un attaché de sécurité intérieure pour le Pérou et la Bolivie, alors que ces pays sont les deuxième et troisième producteurs de cocaïne. J'avais fait le parallèle avec la lutte contre Daech : pour contrer le terrorisme, il était nécessaire d'aller en Irak et en Syrie. Le Président de la République a fait le même parallèle, et Jean-Noël Barrot a déclaré que le narcotrafic était un fléau pour la France, et qu'il fallait traiter le mal à la racine.
J'aimerais savoir si notre commission a prévu d'étudier les cartels d'Amérique latine : en effet, ce sont eux qui sont les nouvelles forces terroristes. Le plus grand cartel brésilien est ainsi implanté juste à côté de Santos, le port le plus important du continent sud-américain.
M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Ce travail a été effectué en 2020 lorsque nous avons conduit une mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane. Nous avions alors identifié la constitution des cartels brésiliens ; depuis, la situation n'a fait qu'empirer.
Le problème de la Guyane réside dans sa situation géographique, sur le plateau des Guyane : la coopération avec les pays voisins est compliquée. À l'époque, nous avions plaidé pour une évolution de la coopération avec le Suriname, où 43 aérodromes clandestins servaient principalement au narcotrafic. Le kilo de cocaïne coûtait 3 950 euros de l'autre côté du Maroni ; une fois sur le territoire national, il était revendu, recoupé une à deux fois, pour 50 000 euros. Les cartels utilisent les conditions misérables dans lesquelles vit une partie de la population guyanienne pour transporter la cocaïne vers la métropole.
La filière est très bien organisée : une fois la marchandise arrivée à Orly ou à Roissy, les mafias des pays de l'Est s'occupent de faire le demi-gros à destination de villes comme Limoges ou Clermont-Ferrand. Les cartels constituent aujourd'hui une menace importante, qui montent en puissance à la faveur d'un changement de trafic : on est passé du narcotrafic à l'orpaillage illégal. Le trafic d'or devient, pour eux, une activité beaucoup plus lucrative.
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Nous ne nous sommes pas penchés sur la question des cartels pour les raisons évoquées par Olivier Cigolotti. En revanche, comme nous l'ont rappelé les autorités sur place, notamment le procureur général, nous évoquons dans le rapport le fait qu'il faut absolument éviter tout essaimage des membres des factions, notamment brésiliens, dans l'Hexagone. Car cela contribue à développer la gangrène : ils profitent de leur emprisonnement pour embrigader d'autres prisonniers et développer leur trafic.
J'évoquerai une anecdote : lors de notre visite à l'aéroport de Cayenne pour voir la mise en oeuvre du « 100 % contrôle », les policiers font un premier contrôle sur la base d'un criblage réalisé à partir de la liste des passagers. Lors de notre venue, ils ont laissé passer un passager accompagné d'un enfant et pourvu d'une valise cabine. Il a ensuite été arrêté, car, lors du contrôle des bagages, il s'est avéré que sa valise ne contenait que de la drogue - plus de dix kilos de cocaïne.
Les trafiquants jouent aussi parfois sur la naïveté de certaines personnes recrutées pour transporter la drogue, en jouant sur des superstitions.
Enfin, je veux évoquer un problème : à l'aéroport Félix-Éboué, une fois les bagages enregistrés et, le cas échéant, une vérification effectuée, il est possible de ressortir de l'aéroport... Il va falloir changer cela ! Un travail est en cours : des moyens financiers seront nécessaires pour régler cette situation.
Mme Gisèle Jourda. - Ma question porte sur la base de Kourou. Lors de ma visite, il y a quelques années, le deuxième pas de tir était en construction. Un troisième était envisagé. Où en est-on ? Des lancements ont-ils lieu fréquemment ?
Par ailleurs, quid des nuisances engendrées par les lancements ? Des conventions devaient être signées avec les communes proches de Kourou pour leur verser des subventions. L'ont-elles été ?
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Des lancements ont lieu régulièrement, avec Ariane 6 et Vega C. Se développent aussi les lancements des acteurs du New Space, qui sont des entreprises privées et dont l'une d'entre elles a vocation à occuper le pas de tir de Soyouz.
Il est prévu que le Centre national d'études spatiales (CNES) verse aux collectivités locales 50 millions d'euros entre 2021 et 2027.
En matière environnementale, la surveillance est précise. Le Centre spatial guyanais passera d'ailleurs devant le tribunal de Cayenne dans peu de temps pour n'avoir pas respecté certaines règles environnementales.
Une anecdote montre qu'il faut s'interroger sur les normes applicables. Le long d'une route traversant le site du CSG, un petit site de panneaux photovoltaïques a été installé. Comme les garimpeiros volent ces panneaux pour les utiliser dans la jungle, le CSG a investi pour sécuriser le site, en faisant poser de hauts grillages et des barbelés. Mais la pose de passes pour les tortues a été exigée, lesquelles sont suffisamment grandes pour laisser passer un être humain...
Même si des efforts environnementaux sont faits, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : le CSG reste un centre de lancement.
Mme Nicole Duranton. - Je faisais partie de la délégation qui a effectué une mission en 2023. Le Guyana est un pays qui se développe. Nous avions rencontré les autorités qui nous demandaient de promouvoir l'installation d'entreprises françaises. Mais l'absence de vol direct représente un point noir : c'est le parcours du combattant pour se rendre au Guyana ! Avez-vous pu évoquer ce problème avec les autorités ?
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Effectivement, il n'y a pas de liaison avec le Guyana...
Pour développer notre partenariat avec ce pays, il faut créer une ligne directe entre Georgetown et Cayenne. Le problème vient aussi du fait que les compagnies du Suriname sont classées sur la liste noire de l'Union européenne.
Les Guyaniens ont indiqué souhaiter acheter des avions de transport de petite taille. Le dossier est entre les mains du nouvel ambassadeur. Effectivement, les perspectives de développement sont importantes si l'on parvient à développer une ligne de transport vers le Guyana.
M. Pierre Médevielle. - Le rapport évoque le pillage de la ressource halieutique, un sujet de plus en plus sensible. J'ai rencontré en 2019, lors d'un déplacement en Nouvelle-Calédonie, le haut-commissaire de la République : il m'avait fait part de son impuissance face à l'envahissement des blue boats vietnamiens, qui font de la pêche illégale. Détruire ces bateaux coûte cher ; et il faut loger les équipages avant de les renvoyer chez eux.
Il faut se pencher sérieusement sur cette question de pillage, sans en arriver aux méthodes des Chinois, qui envoient systématiquement les bateaux par le fond. La France a le deuxième patrimoine mondial marin ; nous devons le protéger. D'autant que de récentes enquêtes montrent que ces bateaux de pêche ne transportent pas que du poisson : ils participent activement au trafic de drogue.
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Un rapport de la commission de 2020 soulignait la sous-exploitation légale des ressources halieutiques. Nous constatons exactement la même chose aujourd'hui, six ans plus tard.
Le président de la collectivité territoriale de Guyane est conscient de l'importance de ce sujet. Le Président de la République, lors de sa visite en Guyane en 2024, a déclaré qu'il fallait développer la pêche. Depuis, les choses n'ont pas beaucoup changé. Les infrastructures portuaires restent globalement inadaptées ; les bateaux et le personnel formé manquent.
Il est difficile d'accepter que l'Union européenne accorde des licences d'exploitation de pêche à des pêcheurs vénézuéliens. Nous insistons sur ce sujet dans le rapport.
Pour lutter contre le trafic de drogue, le président Trump a opté pour une méthode radicale : il a déployé des navires de guerre, et il fait détruire les bateaux soupçonnés de transporter de la drogue. Le fait que le Guyana soit le pays avec la plus grande réserve pétrolière par habitant au monde n'est pas étranger à cette décision du président américain.
M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Un certain nombre d'espèces halieutiques sont très prisées par les Chinois pour leurs vessies natatoires. Les « tapouilles » pêchent dans les eaux guyanaises, et les Chinois rachètent l'ensemble des produits issus de la pêche illégale.
M. Jean-Luc Ruelle. - Envisageons-nous de conclure une convention fiscale avec le Guyana ?
M. Cédric Perrin, président, rapporteur. - Cela sera sans doute une nécessité, mais cette question n'a pas été abordée ni par l'ambassadeur ni par les autorités locales.
L'ambassade dispose pour l'instant de très peu de moyens : elle compte de l'ordre de trois agents, en plus de l'ambassadeur. Nous souhaitons qu'elle monte en puissance, car nous avons bien ressenti que le fait d'être le premier pays européen à ouvrir une ambassade dans le pays était très apprécié par le président du Guyana.
Nous sommes allés visiter une école, très éloignée de la première ville : il est difficile d'imaginer comment les enfants, une fois qu'ils auront terminé leurs études primaires, pourront poursuivre leurs études secondaires à Georgetown, où le coût de la vie est élevé.
Olivier Cadic évoquait M. Sureau, dont l'entreprise produit des coeurs de palmier depuis une trentaine d'années. Il est confronté à un manque de main d'oeuvre, car l'argent du pétrole est en partie redistribué, via des allocations diverses et sans contrepartie. Il y a donc une ligne de crête à trouver. Le pays est en pleine mutation et les opportunités sont multiples. Nous espérons l'accompagner sur cette voie.
La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et en autorise la publication.
Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 - Coordination du travail gouvernemental (action 2 Coordination de la sécurité et de la défense, SGDSN, Cyberdéfense) - Examen du rapport pour avis
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis. - Le documentaire de France Télévisions que vous venez de voir illustre un vol massif de données de l'Urssaf qui a eu lieu très récemment, et nos concitoyens nous demandent ce que nous faisons pour éviter cela : voilà l'objet du programme 129, que je présente depuis neuf ans. Et nous en sommes toujours là...
Le budget pour 2026 s'inscrit dans le prolongement de 2025, avec une augmentation de 6 %, soit 431 millions d'euros. En réalité, ce montant est inférieur à celui prévu dans le projet de loi de finances pour 2024, qui était de 438 millions d'euros.
Cette revalorisation vise à remplir les objectifs de la revue nationale stratégique 2025 (RNS 2025), laquelle prévoit que l'ambition 2030 « passera par une augmentation des budgets pour accélérer le réarmement de la France et pivoter résolument vers une Nation plus résiliente, prête à faire face à une guerre de haute intensité ».
La part du programme 129 dans cet effort de défense et de sécurité nationale, qui justifie son examen pour avis par la commission, repose sur trois des objectifs stratégiques définis par la RNS 2025 : une résilience cyber de premier rang - j'ai demandé comment mesurer l'évolution de la résilience et j'attends encore la réponse -, une autonomie d'appréciation et une souveraineté décisionnelle garanties, ainsi qu'une capacité à agir dans les champs hybrides. L'atteinte de ces trois objectifs se traduit par un effort budgétaire vers les fonctions de cybersécurité, de protection contre les ingérences numériques étrangères et de soutien aux services de renseignement, selon la répartition suivante pour 2026.
Les crédits du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) représentent 318 millions d'euros, soit une hausse significative de 23 millions d'euros. Le SGDSN est chargé notamment de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), de l'Opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés (Osiic) et du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum).
Les moyens du groupement interministériel de contrôle (GIC), qui met en oeuvre les techniques de renseignement au profit des services habilités, sont de 46 millions d'euros, en hausse de 2 millions d'euros. Cette progression s'inscrit dans l'extension des finalités du renseignement aux ingérences étrangères depuis 2024 et à la criminalité organisée depuis la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Sont prévus 67 millions d'euros de fonds spéciaux pour le financement des actions couvertes par le secret de la défense nationale des services de renseignement liés à la sécurité intérieure et extérieure. Cette dotation initiale, essentiellement destinée à la direction générale des services extérieurs (DGSE), demeure stable par rapport à l'exercice 2025, mais elle reste sous-évaluée par rapport à la consommation effective de crédits - plus de 100 millions d'euros -, au regard de la dégradation du contexte sécuritaire et géopolitique.
Voilà pour le volet budgétaire sur la base duquel nous proposerons l'adoption des crédits de la mission.
L'Anssi a dépensé 7 millions d'euros pour renforcer l'accompagnement local aux enjeux de cybersécurité et financer les CSIRT (Computer Security Incident Response Team) régionaux. J'avais insisté sur ce point, qui n'était pas prévu dans le budget de l'Agence ; cela montre que les services sont capables de trouver des financements quand la nécessité s'en fait sentir.
Lors de l'audition du SGDSN et de ses chefs de service, j'ai posé des questions qui sont restées sans réponse, ce qui constitue des points d'alerte.
Nous n'avons pas eu de réponse précise sur la publication des stratégies nationales de cybersécurité ou de lutte contre les manipulations de l'information, alors qu'elles avaient été annoncées l'an dernier. Le SGDSN a bien dit que cela dépendait de lui et que les dossiers étaient sur son bureau. Nous attendons donc qu'il veuille bien nous communiquer ces stratégies...
Nous n'avons pas eu plus de réponse sur la recommandation de la Cour des comptes de créer un observatoire public des menaces, qu'elles soient cyber ou informationnelles. Quels sont les retours d'expériences de l'Anssi sur les attaques massives d'institutions telles que France Travail, la DGFiP (direction générale des finances publiques) ou encore l'Urssaf ? Le silence radio de l'Anssi sur les suites à donner est inquiétant. L'Anssi semble se concentrer sur une poignée d'événements de sécurité : dans les statistiques, à peine cinq attaques ont été qualifiées de notables pour toute l'année 2024, alors que les demandes d'assistance du grand public auprès de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, maintenant le 17 cyber, devrait atteindre le demi-million !
Je souhaiterais que l'on puisse faire une mission flash sur le vol massif de données à l'Urssaf, à l'instar du rapport que nous avions rédigé à la suite de la cyberattaque contre la plateforme Ariane du ministère des affaires étrangères. Nous devons montrer que nous réagissons à ce qui s'est passé, en examinant ce que l'Anssi a fait. Pourquoi France Travail est-il attaqué en permanence ? Il n'y a jamais de responsable pour assumer ce qui s'est passé.
Se pose aussi le problème des points d'entrée dans le dispositif de lutte contre les cyberattaques. Mickaël Vallet y reviendra plus en détail, mais, pour ma part, je voudrais savoir sur la base de quels indicateurs et selon quelles justifications seront employés les moyens supplémentaires demandés par l'ANSSI.
Nous allons mettre en oeuvre la directive NIS 2 (Network and Information Security), qui vise à élever le niveau de résilience. L'Italie l'a déjà fait : les entreprises ont dû s'enregistrer. Le véritable problème, comme me l'ont dit les Italiens, est de savoir comment mesurer la résilience. En quoi les obligations imposées aux entreprises leur permettent-elles d'être mieux protégées ?
Le retard du projet de loi de transposition des directives relatives à la résilience des entités critiques expose la France à une sanction de 50 millions d'euros. Cela dure depuis plus d'un an ! Cette amende potentielle représente le double de l'augmentation du budget de SGDSN cette année.
D'autres États de l'Union ont transposé plus simplement les directives en appliquant la norme ISO 27000, un système d'assurance qualité. Vendredi dernier, j'ai rencontré le SGDSN du Luxembourg : leur ministère de la défense passe à la norme ISO 27000. Je ne cesse de demander que nos administrations fonctionnent avec un service qualité, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent.
Avec Viginum, nous sommes capables d'aller voir la paille dans l'oeil du voisin. Nous pouvons démontrer comment, grâce à TikTok, un candidat à l'élection présidentielle en Roumanie est passé de 1,5 % à 24 % en quelques semaines. Qui se pose la même question s'agissant d'un candidat du Rassemblement national (RN) dont la notoriété est montée en flèche sur TikTok en quelques semaines au moment des élections européennes ?
M. Stéphane Ravier. - C'est lunaire !
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis. - La France serait-elle capable d'arrêter une élection si nous étions dans la même situation ? Qui analyse ce qui se passe dans notre pays ?
M. Stéphane Ravier. - Je suis scandalisé par ce qui vient d'être dit ! La démarche du candidat du RN était démocratique. Qu'insinuez-vous ?
M. Cédric Perrin, président. - Mon cher collègue, vous pourrez prendre la parole après les interventions des rapporteurs.
M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis. - Olivier Cadic a présenté le cadre budgétaire et propose d'adopter les crédits pour 2026 - je ne reviendrai pas sur ce point. Je partage un certain nombre de ses interrogations sur la cohérence d'ensemble du dispositif de lutte contre les cyberattaques, mais j'aurai quelques nuances sur l'opposition qui peut être faite entre la notion de guichet unique et le message, certes peu clair de l'Anssi, sur le foisonnement de l'offre de cybersécurité. Je le rejoins néanmoins sur le fait que les missions et les financements de cet écosystème ne sont pas suffisamment clairs.
Je ferai certains constats avant de proposer quelques sujets d'attention.
La configuration actuelle de l'Anssi reste encore largement à redéfinir, ce qui dépendra du périmètre d'application de la directive NIS 2 qui sera adopté dans le cadre du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques, actuellement en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
À ce stade, ni les ministres de tutelle successifs ni l'Anssi n'ont présenté de schéma global sur les contours de ce qui relèvera de la compétence directe de l'Agence et de ce qui sera partagé ou confié à d'autres entités institutionnelles, lesquelles sont très variées en nombre et en compétences : le GIP Acyma - cybermalveillance.gouv.fr -, les CERT (Computer Emergency Response Team) sectoriels, les CSIRT régionaux, et les nouveaux opérateurs qui sont retenus par l'Anssi dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt pour le renforcement de l'accompagnement local aux enjeux de cybersécurité, doté de 7 millions d'euros sur trois ans.
Cette nouvelle enveloppe temporaire vient s'ajouter au précédent dispositif de CSIRT régionaux, dont le financement reste à la charge des régions, ce qui n'assure aucune garantie de pérennité. Les financements pourraient s'arrêter du jour au lendemain, par une simple délibération de la région, alors même que l'écosystème global de cybersécurité nous interdit tout trou dans la raquette. La clarification de l'organisation et du financement de cet écosystème est une recommandation que nous reformulons tous les ans.
À cet égard, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé La réponse de l'État aux cybermenaces sur les systèmes d'information civils. Plusieurs des onze recommandations de ce rapport rejoignent nos sujets de préoccupation : je pense notamment à la nécessité de définir l'articulation entre les CSIRT ministériels, sectoriels et territoriaux et de s'assurer de la pérennité de leur financement, et de prévoir une programmation pluriannuelle des moyens de l'Anssi cohérente avec la stratégie nationale de cybersécurité, laquelle n'est toujours pas publiée.
La réponse qui nous était apportée en audition était assez légère : nous sommes pourtant en droit de connaître le calendrier prévu. Nous sommes également préoccupés par le changement d'échelle et l'évolution des missions de l'Agence, en cohérence avec le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité.
La Cour s'interroge également sur le modèle économique de fonctionnement du GIP Acyma et du Campus Cyber, ainsi que sur la simplification des critères de labellisation des solutions de cybersécurité pour les PME et les collectivités territoriales. Tout le monde ne peut pas en permanence faire appel à l'Anssi. Un organisme de petite taille ou de taille moyenne ou la moindre commune de nos départements doit savoir quels logiciels peuvent être utilisés : une labellisation est nécessaire.
Nous partageons donc un certain nombre de constats. Je reviendrai sur deux d'entre eux : le Campus Cyber et le GIP Acyma.
Le Campus Cyber, qui a été créé en 2022, semble être arrivé en fin de cycle d'une mission qui reposait davantage sur la sous-location de surface de bureaux que sur l'animation d'un réseau. L'enjeu de la nouvelle gouvernance du Campus sera de « transformer la colocation en écosystème ». Une feuille de route reste donc à tracer en l'ouvrant plus largement aux futures entreprises et collectivités concernées par la directive NIS 2.
De nombreuses initiatives, notamment régionales, visaient à se doter de campus cyber. Mais s'il s'agit simplement de mettre dans un même immeuble des entreprises spécialisées sur ce sujet, cela ne produit pas d'émulation ! Même si nos organismes, comme l'Anssi et Viginum, sont reconnus mondialement, on constate que de nombreux pays étrangers ont de meilleurs résultats.
Olivier Cadic a rappelé les différentes approches de quantification de la cybermenace : 4 386 saisines de l'Anssi, contre 420 000 demandes d'assistance auprès du GIP Acyma. Derrière la disproportion entre le champ d'action de l'Agence et les besoins de l'ensemble de la population, se pose la question de la protection du grand public. Les personnes victimes d'une cyberattaque sont démunies : elles cherchent une porte d'entrée. Elles peuvent la trouver avec le GIP Acyma, mais seulement si celui-ci fonctionne correctement, avec les budgets afférents.
Or la subvention de 845 000 euros accordée par l'Anssi au GIP Acyma n'a pas varié depuis 2017 : cela équivaut à une réduction tendancielle des moyens. Le directeur général de l'Anssi, qui est également le président du GIP, nous a dit de ne pas nous inquiéter pour la pérennité de la plateforme 17 Cyber qu'il considère non comme un point d'entrée unique, mais plutôt comme un « point d'entrée naturel » relié aux autres. Ce n'est pas un jardin à la française, mais cela correspond à la notion de foisonnement de l'offre de cybersécurité. Il reste néanmoins des angles morts, comme le filtre anti-arnaques prévu par la loi de 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi SREN, laquelle n'est toujours pas appliquée dans ce domaine.
Je veux également évoquer la lutte contre les manipulations de l'information, dont la stratégie nationale n'est toujours pas adoptée. Cette stratégie était une demande de notre collègue Rachid Temal, rapporteur de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères, qui a rendu ses conclusions en juillet 2024.
Il y a quelques motifs de satisfaction : les ajustements en cours d'exercice ont permis à Viginum de poursuivre sa croissance - 60 personnels en 2025 -, ce qui répond à notre amendement de l'an dernier ; et il est passé d'une posture de défense passive à une posture de défense active, comme l'a montré l'audition par notre commission du chef de ce service le mois dernier.
Il était également question de la création d'une académie de lutte contre les manipulations de l'information et d'un pilotage stratégique contre les ingérences étrangères numériques. Cette montée en puissance de Viginum pose la question de la coordination interministérielle, notamment avec le ministère des affaires étrangères, qui a lancé en septembre 2025 le dispositif French Response, pour fournir une riposte en ligne sur les réseaux internationaux lorsque la France est attaquée.
Là aussi, il reste à structurer une gamme d'outils de détection et de réponse contre les manipulations non seulement de l'information, mais également des élections, avec l'échéance des prochaines municipales. Des entreprises privées françaises ont pris conscience du problème depuis deux ou trois ans ; sans attendre des commandes d'État, elles ont proposé des offres et elles poursuivent actuellement leurs efforts d'innovation.
Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons l'adoption des crédits, tout en restant vigilants sur les points d'alerte que nous avons évoqués.
M. Stéphane Ravier. - Monsieur le « petit » rapporteur Cadic, vous avez le droit de ne pas être d'accord avec un adversaire politique, et de faire porter la responsabilité de votre échec électoral sur ses méthodes de communication. Mais faites-le ailleurs qu'en commission ! Ayez le courage d'exprimer vos analyses dans l'hémicycle, pour permettre à vos opposants de s'exprimer tout aussi publiquement.
Nous ne sommes pas réunis en commission pour vous entendre étaler vos états d'âme et nous faire part de votre mélancolie électorale. Contentez-vous de faire ce que vous faites depuis neuf ans, c'est-à-dire de présenter le programme 129, et tout ira pour le mieux !
M. Alain Joyandet. - Sur la sécurité numérique, la question n'est pas de savoir quels moyens doivent être donnés à l'Anssi ou quel retard nous avons en matière de publication de documents ou de transposition de directives.
Depuis quelques dizaines d'années, notre pays et l'Europe ont raté l'entrée dans le monde de la communication. Tant que des milliards de données françaises et européennes, publiques et privées, seront stockées hors de l'Union européenne, nous n'en sortirons pas. Le reste, comme on dit chez moi, c'est un cautère sur une jambe de bois !
La véritable question est donc de savoir si l'Europe, et la France, se saisissent de cet énorme enjeu de sécurité. L'intelligence artificielle se développe à une rapidité exponentielle. Pour rattraper le retard, il faut commencer à agir tout de suite, et le Sénat a son rôle à jouer. Je me souviens que, en 1997, une mission commune d'information de notre assemblée avait commis un rapport, auquel j'avais participé, sur l'entrée dans la société de l'information. Qu'a-t-on fait depuis ? Rien !
Nous avons regardé l'évolution du phénomène numérique, qui vient des États-Unis, lesquels ont investi des milliards de dollars pour se constituer des entreprises dont la performance est incroyable. L'Europe ferait mieux de s'occuper de ce sujet plutôt que de l'emballage des camemberts ! La France doit, quant à elle, alerter impérativement sur l'importance de cet enjeu stratégique.
Dans notre pays, un certain nombre d'entités publiques et privées ont arrêté d'utiliser Microsoft, et ont mis en place des stratégies « en circuit court » ; des start-up françaises particulièrement performantes proposent des solutions de stockage et des moteurs de recherche très puissants. Il faut développer des solutions en dehors des États-Unis - on ne peut pas toujours accuser les Russes et les Chinois. Le transfert des données dans les tuyaux internationaux rend vulnérables nos millions d'informations qui y circulent. Si nous avions une véritable stratégie européenne, française, nous serions davantage en sécurité.
Quant à l'Agence, elle fait pour le mieux avec les moyens qu'on lui donne, mais, j'y insiste, ce n'est pas vraiment le sujet. Il faut reprendre en main notre sécurité. L'Europe a été capable de faire de grandes choses - je pense à Arianespace -, mais nous ne sommes pas capables d'avoir un cloud indépendant des États-Unis.
À l'heure actuelle, ce sont les petites institutions, publiques et privées, qui donnent l'exemple à l'État de ce qu'il faudrait faire. La région Île-de-France, par exemple, cherche des solutions avec des start-up régionales pour accroître son indépendance et sa sécurité. Le recours à ces entreprises augmentera la production française, et donc notre croissance !
M. Cédric Perrin, président. - Nous devons commencer par agir à notre niveau. Pour ma part, j'ai une adresse électronique de La Poste, et pas une boîte Gmail : les données ne sont pas hébergées au même endroit.
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis. - Je souhaite répondre à mon collègue Stéphane Ravier, qui n'a pas tout à fait compris mon propos. J'ai dit que Viginum étudiait les manipulations extérieures et qu'il avait suivi l'élection présidentielle en Roumanie. Je rappelle que cette élection a été arrêtée après le premier tour, ce qui est une décision grave.
Je me demande si la France serait capable d'arrêter une élection présidentielle à l'issue du premier tour si l'on se rendait compte qu'une manipulation étrangère avait favorisé de façon excessive un candidat. Quelques mois avant la Roumanie, il y avait eu à Taïwan une tentative de manipulation du même type, qui avait été détectée et contrecarrée grâce à l'intelligence artificielle.
Viginum ne s'occupe que de la désinformation venant de l'étranger. Aucune analyse n'est faite sur l'évolution de l'explosion de la popularité sur TikTok de certains candidats dans notre pays. Par naïveté peut-être, cette soudaine popularité est associée au charme et au talent du candidat. Je le répète, qui serait capable d'arrêter une élection présidentielle en France si une attaque informationnelle réussie venait changer le cours de notre histoire ? Sommes-nous protégés contre ce risque ? Je dis simplement qu'il s'agit d'un point d'alerte.
Pour répondre à Alain Joyandet, dont je comprends tout à fait la préoccupation, je signale que le Cloud Act européen est en cours d'examen. Le Cloud Cyber Security Scheme vise à garantir que les données hébergées dans le cloud au sein de l'Union européenne restent protégées contre l'accès illégal de pays tiers, notamment en imposant des exigences strictes de souveraineté et de sécurité. Il cherche également à favoriser des fournisseurs européens ou soumis au droit européen pour éviter les risques liés aux lois extraterritoriales étrangères, comme le Cloud Act américain.
Mme Hélène Conway-Mouret. - L'ampleur des problématiques mises en évidence par le rapport est considérable, puisqu'il y a à la fois un aspect économique, avec le racket et le vol des données, et un aspect politique, qui, lui, doit nous intéresser fortement.
Vous avez exposé l'ensemble des problèmes auxquels nous devons faire face ; nous devrions nous donner l'ambition de pouvoir y répondre. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a enfin créé une cellule de riposte, qui emploie quelques dizaines d'agents, quand les services turcs en ont plusieurs milliers, les Russes des dizaines de milliers, et les Chinois encore plus. La création de cette cellule est une bonne chose, mais pourquoi ne pas nous donner dès le départ les moyens de faire mieux ? Pourquoi produire des communiqués de presse une semaine ou quinze jours après un événement, quand tout le monde l'a oublié, au lieu d'utiliser les réseaux sociaux ?
Je suis d'accord avec notre collègue Joyandet. En sous-traitant, nous avons volontairement créé nos propres dépendances vis-à-vis de l'extérieur, qui posent aujourd'hui des questions de souveraineté. Nous avons fait preuve de passivité, on pourrait même dire de lâcheté. Nous aurons beau acheter tous les chars et les avions du monde pour défendre notre pays, nous ne pourrons pas résister à des ingérences étrangères coordonnées à un niveau étatique. Comment faire prendre conscience à nos concitoyens de ces enjeux, notamment dans le cadre des prochaines élections ? La presse a déjà fait état d'attaques coordonnées venant de l'étranger. Qu'attendons-nous donc ?
M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis. - Il est difficile de se comparer avec des pays qui n'ont pas les mêmes standards démocratiques et les mêmes exigences éthiques que les nôtres. Nous ne voulons pas créer des bots dans des fermes à trolls pour répondre à de fausses affirmations de manière masquée.
En revanche, avec une cellule de riposte, un nouveau champ d'action s'ouvre. S'il faut toujours des communiqués de presse, des déclarations pesées au trébuchet, des moyens de communication classiques, il faut aussi, pour qu'il n'y ait pas de trou dans la raquette, investir les réseaux sociaux, ces endroits où le message passe par l'ironie et par l'humour, c'est-à-dire en trouvant la bonne tonalité pour démonter une fausse information.
Comme nous l'a expliqué le ministère, cette cellule de l'administration centrale vient en appui aux nouveaux métiers que sont obligés d'investir les chargés de communication ou les porte-parole des ambassades. Ces derniers assurent une vigilance locale, sur des sujets qui concernent la France. Ainsi, en Afrique du Sud il y a quelques semaines, ils ont vu monter une rumeur malveillante, et se sont organisés pour y répondre. Ils parviennent parfois à désamorcer les choses, tout simplement en intervenant sur les réseaux sociaux de manière officielle, mais avec les bons codes. C'est bien à cela que servent les services de riposte.
Ensuite, comment rétablir la vérité en cas de mésinformation massive ? On est là face à une aporie. Continuons-nous à respecter nos libertés publiques ou bien faisons-nous comme nos adversaires, quitte à être décrédibilisés lorsque nous serons démasqués ? Il est probablement préférable de continuer à respecter nos principes.
J'entends ce qui a été dit sur notre naïveté, sur notre retard par rapport à d'autres grands pays... Je ne suis pas un européiste de la première heure, mais il faut reconnaître que l'échelon européen a fait ce qu'on attend de lui, c'est-à-dire produire de la norme efficace. Je pense au règlement général sur la protection des données (RGPD), qui est repris par d'autres pays, et à la modération des contenus.
Le problème vient de l'équation politique. Que faire quand un pays se comporte de manière impérialiste et promet un retour de bâton, notamment par des mesures tarifaires, si l'on applique nos propres règles ? Les propos que nous entendons aujourd'hui au sein de notre commission sur l'absence de naïveté à avoir vis-à-vis des États-Unis, cela fait bien longtemps que nous aurions dû les entendre ! Car les États-Unis n'ont pas attendu Trump pour se comporter de cette façon. Il faut faire preuve de courage politique.
D'un point de vue technique, les outils existent, mais il faut mesurer ce qu'ils représentent en termes d'investissements. Pour être complètement indépendant, c'est absolument phénoménal ! Il est donc important de distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas. Une personne cible peut avoir une adresse Gmail, à condition de se contenter de l'utiliser pour faire des commandes sur Amazon, et pas pour échanger des données sensibles.
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis. - À Taïwan, on compare une fausse information à un cancer : il faut y répondre très vite, sinon c'est trop tard. La technique consiste à répondre en 200 mots en deux heures, avec de l'humour, en associant l'administration et des membres de la société civile.
M. Philippe Folliot. - Je voulais aller dans le droit fil du propos d'Alain Joyandet sur la naïveté qui a été assurément la nôtre. Une partie de nos données est hébergée aux États-Unis, mais se pose surtout la question du régime juridique, c'est-à-dire des enjeux relatifs à l'extraterritorialité des lois américaines. Une donnée française adressée à un interlocuteur français qui passe par un tuyau américain, même si cela ne passe jamais physiquement par les États-Unis, peut être récupérée par les autorités américaines. Et l'intelligence artificielle complexifie encore les enjeux.
Ma question sera très technique. Des solutions hybrides sont proposées par un certain nombre d'opérateurs, notamment « Bleu Cloud », de Microsoft, d'Orange et de Capgemini ou S3NS de Google et Thales. Derrière une façade tricolore, ces solutions permettent-elles réellement d'accéder à une souveraineté numérique ? Dans ces conditions, l'Anssi doit-elle accorder sa qualification à ces offres ?
M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis. - Cet exemple est tout à fait pertinent. J'ai interrogé deux fois le Gouvernement sur la question de l'hébergement sur le cloud d'Amazon de l'outil prédictif utilisé par EDF pour la gestion des données de maintenance des centrales nucléaires ?
À chaque fois, les réponses ont été assez dilatoires. La première fois, on m'a répondu qu'il s'agissait d'une expérimentation ; la seconde fois, que l'expérimentation avait pris fin, mais qu'aucune donnée sensible n'avait été fournie. Cela montre que de très grandes entreprises peuvent faire preuve de naïveté en considérant qu'Amazon est une bonne solution.
L'Anssi doit-il donner son label ? Nous ne sommes pas des techniciens, mais ce qui est certain, c'est que si l'on garantissait que ces solutions ne tomberont pas sous le coup de l'extraterritorialité du droit américain et qu'il finissait par y avoir un problème, la confiance accordée à la parole de l'Anssi, qui est un élément fondamental dans ce domaine, s'effondrerait. Il faut faire confiance aux techniciens qui ont le sens de l'intérêt national, mais il faut que nous, politiques, puissions fixer comme objectif de ne pas se soumettre à l'extraterritorialité du droit américain.
De ce domaine, on constate tout de même une évolution. Il y a quelques années, le Health Data Hub était utilisé par le ministère de la santé, et un contrat avait été passé entre le ministère de l'éducation nationale et Microsoft. Cela n'est plus tolérable aujourd'hui.
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis. - Le SGDSN a indiqué qu'un cloud sécurisé peut être labellisé SecNumCloud, même s'il n'est pas souverain. L'Anssi considère que la souveraineté est un sujet différent de la cybersécurité.
Quarante-huit heures avant l'invasion de l'Ukraine, les parlementaires de la Rada ont voté à l'unanimité l'autorisation de transfert des données nécessaires au fonctionnement de l'administration en dehors de l'Ukraine. Ces données ont été confiées à Amazon et cela a fonctionné !
M. Pascal Allizard. - Je voudrais revenir sur la problématique du monitoring des élections. Dans le cadre de mes responsabilités à l'AP-OSCE, l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, j'ai participé à de très nombreuses missions d'observation électorale. Il faut faire la distinction entre les tentatives d'influencer les électeurs et la manipulation du résultat.
En ce qui concerne la manipulation du résultat, se pose de plus en plus la problématique du vote électronique. Pour prendre un exemple, les dernières élections législatives en Géorgie, il y a un an, ont donné lieu à de nombreuses polémiques, en lien avec l'usage massif du vote électronique. Le gouvernement géorgien sortant avait confié toute la gestion du système de vote électronique à un prestataire américain, ce qui était censé apporter une garantie de qualité.
La mission de court terme observe un process électoral sans entrer dans des commentaires sur les résultats. Nous faisons savoir si nous avons constaté des dysfonctionnements ou des influences extérieures. La mission d'observation est composée généralement de parlementaires de l'AP-OSCE, de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), de l'Otan, de l'Union européenne et d'observateurs de la société civile. Avec l'évolution des technologies et l'émergence de nouvelles formes d'influence, il est impossible de prétendre que les phénomènes qui ont été évoqués sont inexistants.
Je suis d'accord avec l'analyse d'Olivier Cadic sur la situation française. Parmi les membres fondateurs de la Commission de Venise, la France est pratiquement le seul pays à refuser les missions d'observation. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Italie, par exemple, les acceptent. Lors des dernières élections législatives et présidentielles de 2022, les autorités françaises ont mis un veto net et clair à toute observation sur notre territoire. Même si nous sommes de moins en moins naïfs, il est probable que nous soyons confrontés à des compétiteurs privés qui évoluent à une vitesse supérieure à la nôtre.
M. Cédric Perrin, président. - Je remercie les rapporteurs. Je vous invite, mes chers collègues, à être présents en séance pour défendre les crédits de ce programme comme nous l'avions fait l'an dernier sans être malheureusement entendus en CMP.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
La réunion est close à 11 h 40.