- Mardi 25 novembre 2025
- Mercredi 26 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs au cinéma - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence - Examen du rapport pour avis
Mardi 25 novembre 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 16 h 00.
Projet de loi de finances pour 2026 - Examen d'un amendement sur la première partie
M. Laurent Lafon, président. - Notre collègue Jérémy Bacchi, qui présentera demain son avis sur les crédits relatifs au cinéma, propose un amendement concernant la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Le délai limite pour le dépôt des amendements courant jusqu'à ce soir, nous sommes contraints de dissocier le vote de l'amendement de la présentation du rapport.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs au cinéma. - L'amendement vise à prolonger le crédit d'impôt international (C2I), très important pour la filière cinéma, jusqu'au 31 décembre 2028. Le C2I concerne les films et séries d'initiative étrangère dont la fabrication a lieu en France, et bénéficie aux sociétés établies en France qui assurent la production concrète d'une oeuvre pour le compte d'un commanditaire étranger.
Depuis sa création en 2009, le C2I a démontré son efficacité. En 2023, il a atteint un niveau record avec 629 millions d'euros de dépenses éligibles effectuées en France, auxquelles s'ajoutent 324 millions de dépenses directes non éligibles.
Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) estime à 925 millions d'euros les dépenses indirectes et induites, soit un total de près de 1,9 milliard d'euros pour une dépense fiscale de 254 millions d'euros. Cela représente 3,75 euros de dépenses directes pour 1 euro de crédit d'impôt, et 7,4 euros de dépenses totales pour 1 euro de crédit d'impôt. Ce même euro a entraîné 1,31 euro de recettes fiscales et sociales directes.
M. Laurent Lafon, président. - Le C2I soutient notamment les territoires disposant de lieux de production et de studios.
Mme Monique de Marco. - J'ai déjà déposé un amendement en ce sens. Je me réjouis donc de voir notre commission s'emparer du sujet.
L'amendement CULT-1 est adopté.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à l'enseignement scolaire - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen de l'avis de notre collègue Jacques Grosperrin sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'enseignement scolaire. - Je salue la présence de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Enseignement scolaire ».
Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, le budget des cinq programmes du ministère de l'éducation nationale s'élève à 63,02 milliards d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Il enregistre une légère hausse de 166 millions d'euros, soit 0,26 %, par rapport à l'an dernier.
Avant de m'arrêter sur les équivalents temps plein (ETP), dont la variation va constituer le coeur de nos débats, je souhaite revenir sur les principales hausses et baisses hors titre 2.
On observe une baisse de 54 millions d'euros pour le renouvellement des manuels scolaires. Si deux manuels doivent être renouvelés pour la classe de cinquième, le ministère estime que l'un des deux renouvellements peut se réaliser à partir des reliquats dont disposent les établissements scolaires au titre des précédents renouvellements de manuels financés.
Par ailleurs, la ligne relative à la gratification des stages professionnels enregistre une baisse de 36 millions d'euros. Le ministère justifie cette décision par la trésorerie importante de l'Agence de services et de paiement (ASP) lors des deux premières années de mise en oeuvre du dispositif.
Deux fonds sont mis en quasi-extinction. Concernant le fonds pour l'innovation pédagogique (FIP) lancé en 2022 par le Président de la République, les travaux de notre commission ont montré une absence de pilotage et de définition précise de l'innovation pédagogique. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2026 financent des projets engagés avant décembre 2024. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FDSAP), quant à lui, n'existe plus depuis la rentrée 2025, à l'exception des communes de Mayotte pour lesquelles il est maintenu.
Les crédits dédiés à la part collective du pass Culture sont en diminution de 10 millions d'euros. Le ministre a indiqué vouloir recentrer le dispositif, afin de mieux le contrôler et d'éviter les effets d'aubaine. Au-delà du montant de l'enveloppe dans le contexte budgétaire actuel, je souhaite revenir sur les évènements de janvier dernier. Les chefs d'établissement ont appris qu'ils avaient 48 heures pour valider l'ensemble des projets avant la fermeture jusqu'à la fin de l'année scolaire de la plateforme Adage. La raison de ce brusque arrêt est liée à une consommation trop rapide des crédits, le ministère craignant de dépasser le montant de l'enveloppe dédiée.
Lors de l'audition, les personnels de direction ont alerté sur les difficultés entraînées par cette coupure en cours d'année. C'est la deuxième fois qu'un tel procédé est utilisé après l'annonce d'une suspension de l'attribution des heures supplémentaires effectives (HSE) en mai 2024, suivie d'un rétropédalage du ministère. Si des réductions budgétaires peuvent arriver, il est important de donner aux chefs d'établissement et aux équipes pédagogiques une visibilité budgétaire allant au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire.
La revalorisation des bourses sociales, à hauteur de 21 millions d'euros, a également retenu mon attention. Celle-ci est liée à l'automatisation de l'attribution des bourses pour les élèves du public depuis la rentrée de 2025, et à son extension à ceux du privé lors de la rentrée de 2026. Par ailleurs, le montant des échelons a été légèrement revalorisé.
Le schéma d'emploi prévoit la création de 5 440 ETP. Celui-ci résulte de deux actions qu'il convient de distinguer : d'une part, la réforme de la formation initiale et, d'autre part, la déprise démographique. Sachant l'avancement du concours à bac + 3, les lauréats poursuivront pendant deux ans leur formation en master sous le statut de fonctionnaire ; je reviendrai plus tard dans mon propos sur cette réforme.
Dans le même temps, nous devons tenir compte de la déprise démographique. La situation est connue de tous : le nombre d'élèves diminue. Dans le premier degré, on prévoit une baisse de 116 000 élèves pour la rentrée de 2026 ; entre 2024 et 2029, on annonce une baisse de 560 000 élèves dans nos établissements. Cette baisse atteint également le collège, avec une diminution de 29 000 élèves en 2026 et de 44 500 élèves l'année suivante.
Par rapport à l'an dernier, la diminution du nombre d'ETP d'enseignants titulaires prévue dans le cadre du PLF - soit 4 000 postes - me semble raisonnable. À trop attendre, nous risquons dans quelques années une cassure nette au moment du rattrapage qui devra nécessairement avoir lieu. Cela aurait des conséquences pour les étudiants avec une forte diminution du nombre de places au concours, ainsi que pour les collectivités territoriales et les équipes pédagogiques, avec des fermetures de classes et une déstabilisation du maillage territorial scolaire.
En revanche, il ne me semble pas opportun d'aller au-delà du schéma d'emploi proposé, car cela entraînerait un nombre important de fermetures de classes dans les territoires, avec de fortes conséquences au niveau social. Les petites écoles seront sans doute préservées, sachant qu'il est difficile de fermer une classe dans une école où l'on en compte seulement deux ou trois. Seront principalement touchées les villes de taille moyenne, qui connaissent déjà un sentiment de déclassement, ainsi que les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ; c'est la France périphérique qui va souffrir le plus.
Pour amortir le choc, le ministère devra sans doute renoncer à certaines de ses priorités ; je pense au développement des toutes petites sections, aux mesures en faveur des écoles orphelines, à l'accompagnement renforcé de 15 % des collèges les plus défavorisés concentrant la très grande difficulté scolaire, ou encore au développement des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Sans doute sera-t-il tenté également de rogner sur les effectifs des brigades de remplacement, à rebours de l'effort effectué cette année pour les reconstituer.
On peut aussi s'interroger sur les conséquences d'une suppression d'ETP plus importante que prévu sur les recrutements. Cela entraînera une diminution du nombre de places au concours, au moment où le ministère réforme celui-ci pour le rendre plus attractif. Par ailleurs, cela entravera la capacité du ministère à mettre à disposition suffisamment de personnels pour assurer 50 % du volume horaire des cours du nouveau master. Enfin, l'enseignement privé sera touché du fait de l'application du principe budgétaire des 80-20, avec des fermetures d'établissements en prévision.
Je ne serai pas beaucoup plus long sur l'analyse de ce budget, car je souhaite évoquer la mise en oeuvre de la réforme de la formation initiale. Je mentionnerai seulement un effort en faveur du médico-social, avec le recrutement de 300 assistants sociaux, infirmiers et psychologues scolaires. Le ministère souhaite éviter un saupoudrage en concentrant les personnels dans les établissements où les besoins sont les plus importants.
Enfin, le budget prévoit la création de 1 200 postes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Cette nouvelle hausse ne satisfait pas pour autant les besoins. Fin octobre 2025, 36 000 enfants bénéficiant d'une notification AESH étaient encore en attente d'attribution. Une réforme systémique de l'école inclusive s'impose.
Mes chers collègues, en l'état, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
Je souhaite maintenant faire un point sur la mise en oeuvre de la réforme initiale au regard des recommandations de la commission. Dans un consensus partagé par tous les acteurs du monde éducatif, nos travaux avaient établi le constat d'une formation initiale inadéquate ; je vous renvoie au rapport de juin 2024 de nos collègues Max Brisson et Annick Billon sur cette réforme.
Nous appelions à une reprise en main par l'éducation nationale de la formation de ses futurs enseignants : le nouveau master éducation et enseignement (M2E) prévoit une présence renforcée de formateurs exerçant dans l'enseignement scolaire, afin de délivrer un enseignement au plus près de la réalité pédagogique et du métier. Par ailleurs, le ministère envisage une formation continue, de la licence aux trois années qui suivent la titularisation, impliquant un développement progressif des compétences professionnelles des enseignants sur un continuum de huit ans.
J'en viens à la nouvelle licence du professorat des écoles (LPE), qui répond aux besoins d'une formation pluridisciplinaire et polyvalente pour les enseignants du premier degré. Celle-ci implique des stages obligatoires en milieu scolaire, notamment dès la fin du premier semestre pour confronter rapidement les étudiants à la réalité du métier et, le cas échéant, leur permettre de se réorienter.
Je rappelle ce chiffre : près de 30 % des lauréats actuels du concours du professorat des écoles n'ont jamais effectué un stage d'observation avant leur prise de poste.
Toutefois, de nombreuses interrogations demeurent, d'autant que cette réforme se réalise dans la précipitation et avance par à-coups en raison de l'instabilité politique.
Il est urgent de finaliser les procédures d'accréditation des universités qui proposeront le nouveau master, ainsi que la carte des formations de la licence. Dans moins de trois semaines, la plateforme Parcoursup sera ouverte afin de présenter l'ensemble des formations disponibles ; il s'agira d'y retrouver l'ensemble des LPE, avec un maillage territorial suffisant. L'enjeu est le même pour les masters avec la plateforme Mon Master, qui sera ouverte début février 2026.
Concernant le concours du premier degré, il convient de préciser rapidement les modalités de passage de celui-ci pour les étudiants issus des LPE. Le ministère souhaite exempter des deux épreuves d'admissibilité les étudiants ayant montré leur maîtrise des connaissances disciplinaires au cours de la licence. Or, le concours prévoit quatre épreuves, avec une note allant de 0 à 20 pour chacune d'elles. Comment noter les étudiants sur ces deux épreuves qu'ils n'auront pas passées ? Les notes d'admissibilité, liées à des oraux, seront-elles les seules prises en compte pour tous les candidats ?
L'échéance est encore lointaine, les premiers concours concernés ayant lieu en 2029. Mais, si la moyenne des trois années de licence est prise en compte, la question se posera plus tôt, dès les examens du premier semestre 2027. Par ailleurs, cela risque de compliquer une intégration de la LPE en cours de formation.
La réussite de cette réforme repose sur la capacité de mobilisation du ministère ; je pense notamment à ces 50 % du volume horaire des cours en master qui devront être assurés par ses personnels. Les services déconcentrés, en lien avec les universités, doivent également proposer aux étudiants en licence et en master un nombre suffisant de stages d'observation et de responsabilité, proches de leur lieu d'études ou de résidence afin de tenir compte de leur faible mobilité.
En conclusion, je souhaite revenir sur la carte scolaire pluriannuelle. Celle-ci restera à l'état de belle idée tant que la définition du nombre d'ETP sera annuelle. Il est essentiel de définir un schéma pluriannuel des ETP permettant de dessiner une trajectoire connue de tous à l'avance. Cela aurait peu de sens de le faire en 2026 en raison des échéances électorales nationales. En revanche, quel que soit notre groupe politique, nous pourrions porter collectivement cette demande à partir de 2027. Sans cela, l'école ne pourra que subir la déprise démographique et se cantonnera à une navigation à vue, année après année.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances sur les la mission « Enseignement scolaire ». - Différents éléments ont conduit à l'élaboration de ce budget consacré à l'enseignement scolaire. Premièrement, il y a le contexte financier. Je ne reviendrai pas sur la dette, mais celle-ci a orienté les réflexions du ministère et celles de la commission des finances afin de proposer certains ajustements.
Deuxièmement, j'évoquerai - c'est peut-être le point le plus important - l'effondrement démographique de notre pays. En termes d'effectif scolaire, après une baisse de 100 000 élèves l'an dernier, celle-ci est de 107 000 élèves cette année et sera de 140 000 élèves l'année prochaine, avec l'arrivée dans les écoles maternelles des enfants nés en 2022 et 2023, deux années où l'on avait observé une diminution de 7 % des naissances.
Cet « hiver démographique » n'est pas spécifique à la France ; il est commun à tous les pays industrialisés. En France, le taux de fécondité décline, pour atteindre aujourd'hui 1,6 enfant par femme. Nous sommes obligés de tenir compte de ce phénomène à la fois triste et inquiétant afin de mettre en adéquation notre système scolaire et la démographique de notre pays.
Pour la première fois, entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025, le nombre des naissances a été inférieur à celui des décès. En 2023, on recensait 653 000 naissances, contre 833 000 en 2010.
Troisièmement, depuis quelques années, le nombre d'enseignants s'est stabilisé. Entre 2015 et 2025, on observe même une légère augmentation, aussi bien dans le premier que dans le second degré.
Quatrièmement, on constate un manque d'attractivité du métier, raison pour laquelle le ministère a engagé une réforme de la formation continue. Le nombre de places vacantes lors des concours s'avère de plus en plus important. Le métier n'attire plus pour de nombreuses raisons, la principale étant financière. Le Gouvernement a fait des efforts ; par exemple, la promesse du Président de la République sur les salaires des nouveaux professeurs, s'engageant à passer la barre des 2 000 euros mensuels, a été tenue.
En revanche, la situation des enseignants en milieu de carrière laisse à désirer, surtout si on la compare à celle de nos voisins européens. Au-delà de la réforme de la formation initiale, il convient d'effectuer un effort financier. Pour cela, dans le contexte budgétaire actuel, la commission des finances propose d'augmenter le nombre de non-renouvellements de postes afin d'utiliser une partie de l'argent dégagé - au moins 25 millions d'euros - pour revaloriser les salaires de cette catégorie d'enseignants ; voilà ce que nous sommes en train de négocier avec le ministre.
Mme Marie-Pierre Monier. - Depuis quelques années, les ministres de l'éducation nationale se succèdent plus rapidement que nos exercices budgétaires. À regarder le nombre de suppressions de postes - 4 018 ETP d'enseignants, dont 1 891 postes dans le premier degré et 1 365 postes dans le second degré -, les crédits de la mission connaissent moins de nouveautés. On a l'impression de revenir à la version initiale du PLF de 2025, que notre mobilisation avait permis d'améliorer au fil de l'examen du budget.
Nous regrettons le choix comptable proposé au nom de l'évolution démographique. La dernière étude de l' Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), parue en septembre 2025, rappelle que la France a un taux d'encadrement plus défavorable que la moyenne des autres pays. À nos collègues qui trouvent raisonnable cette suppression de postes, je rappelle les conséquences d'une fermeture de classes dans les territoires ruraux. Se mobiliser pour préserver des postes au niveau local n'a de sens que si nous luttons, au moment du budget, pour maintenir le nombre de postes nécessaire.
Concernant le second degré, les 1 365 suppressions de postes programmées vont plus loin encore que l'évolution démographique. En 2026, la baisse des effectifs dans le secondaire correspond à seulement 1 000 postes. Je rappelle par ailleurs que lorsque la démographie était en hausse dans le second degré, nous y avons supprimé des postes.
Concernant l'amélioration des conditions de travail des professeurs, dans un contexte où la carrière d'enseignant est confrontée à une crise d'attractivité sans précédent, le budget s'avère défaillant. En 2025, 1 700 postes sont restés vacants à l'issue des concours. Les départs volontaires d'enseignants représentent désormais plus de 15 % des sorties de la fonction publique, contre 2 % en 2012. Et cette année encore, 2 500 enseignants manquaient à l'appel le jour de la rentrée.
Sur le plan de la revalorisation budgétaire des professeurs, aucun nouvel effort significatif n'est prévu. Un rapport de l'OCDE paru en 2024 montre que les salaires des enseignants français n'ont progressé que de 1 % en huit ans, contre 4 % en moyenne dans les pays membres.
Si nous ne voulons pas que nos personnels enseignants renoncent, nous devons davantage les accompagner et les protéger face à la recrudescence des violences et des remises en cause. En 2023-2024, 57 % des enseignants du second degré ont vécu une atteinte à leur personne ou à leur bien. Le nombre de faits graves recensés dans les établissements a doublé en cinq ans. La protection fonctionnelle n'est pas accordée de façon systématique ; au-delà de l'écriture de la loi, des moyens supplémentaires sont nécessaires pour garantir sa mise en oeuvre sur le terrain et s'assurer que le « pas de vagues » ne corresponde plus à une réalité.
Enfin, sur le sujet de l'inclusion scolaire, la commission d'enquête menée à l'Assemblée nationale (AN) sur la prise en charge du handicap a conclu à de nombreuses lacunes. Lors de la dernière rentrée scolaire, près de 50 000 enfants étaient en attente d'un accompagnement malgré une notification en bonne et due forme. Aujourd'hui, 14 % des enfants ne bénéficient pas de l'accompagnement auquel ils ont droit, soit une augmentation de 33 % par rapport à l'an dernier. Face à ce constat dramatique, le recrutement de seulement 1 200 AESH supplémentaires n'est pas à la hauteur des enjeux.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe s'oppose à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La promesse républicaine de l'école consiste à élever le niveau général et à donner à tous les mêmes chances. Avec un tel budget, nous n'atteignons pas les objectifs fixés par cette promesse. Sachant les conditions de travail des personnels de l'éducation nationale, nous souhaitons que la baisse démographique ne s'accompagne pas d'une baisse des effectifs.
Aujourd'hui, les missions des personnels enseignants sont de plus en plus variées. L'enseignement doit s'adapter aux profils particuliers et aux besoins spécifiques des enfants. Le non-renouvellement des livres annonce également des complications à gérer pour les enseignants.
Concernant la réforme de la formation initiale, je m'interroge sur la capacité du ministère à mobiliser un nombre de formateurs suffisant. Il est précisé que la moitié du volume horaire doit être assuré par des praticiens de l'enseignement scolaire ; or, le ministre a indiqué que la cible ne serait pas atteinte cette année. Par ailleurs, il convient de préciser qui sont ces professionnels de l'éducation nationale.
Une autre interrogation porte sur l'attractivité du métier. Certes, on note une revalorisation des salaires en début de carrière, mais rien n'est fait pour les enseignants en milieu de carrière. Je souhaite également mettre l'accent sur un élément souvent oublié dans l'élaboration des politiques publiques : l'usure du métier.
Je dénonce les baisses budgétaires concernant la formation continue. Celles-ci témoignent d'un abandon des personnels et d'une dégradation des conditions d'accueil des élèves.
Enfin, l'inclusion scolaire repose sur le corps non reconnu des AESH, dont le nombre de recrutements demeure insuffisant.
Au regard de ce budget, l'école de la République subit des décisions précipitées et mal mesurées par le Gouvernement. Aussi, notre groupe s'oppose à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
M. Max Brisson. - Le rapport de M. Grosperrin permet d'y voir plus clair sur les non-choix du Gouvernement en matière d'éducation. Les débats se focalisent déjà sur la question des postes supprimés. Le rapporteur spécial de la commission des finances a rappelé les enjeux de la baisse démographique. Si l'on appliquait la seule logique comptable, 18 000 postes seraient supprimés en deux ans ; le Gouvernement propose d'en supprimer 4 000, et notre rapporteur souscrit à cette proposition.
J'invite à dédramatiser le débat. Les 4 000 postes supprimés correspondent au nombre de postes non pourvus dans le cadre du concours l'année dernière. On peut vouloir ouvrir des postes, mais encore faut-il des candidats. Par ailleurs, la proposition de revaloriser les salaires des enseignants en milieu de carrière mérite d'être étudiée.
Nous sommes contraints à des rabotages budgétaires, car nous avons toujours refusé de réaliser les réformes structurelles. Les premières victimes sont les écoles rurales. Dans mon département, par le jeu des RPI, 101 professeurs exercent seuls dans leur école. Cela signifie que, si l'on supprime un poste dans ces territoires, on supprime l'école. Il serait donc judicieux de mener une réflexion sur l'offre scolaire en zones rurales. Par exemple, pourquoi ne pas intégrer le collège à cette offre ? Actuellement, celle-ci est le résultat de choix empiriques, avec de nombreuses fermetures de postes, de classes et d'écoles, sans jamais associer les élus à la réflexion.
Alors que s'impose cette réforme de l'offre pédagogique en zones rurales, le ministère de l'éducation nationale a précisé qu'il ne souhaite pas réformer, mais piloter. Jusqu'à présent, nous avons concentré nos réflexions sur les moyens et le nombre de postes ; or, rien ne bouge et tout décline. Faute de réformes structurelles, nous sommes aujourd'hui dans une impasse.
Mme Laure Darcos. - Il est dramatique de constater que 4 000 postes manquent à l'appel et que ce métier souffre encore d'un manque d'attractivité. Le dédoublement des classes a amélioré les conditions d'apprentissage des enfants, à un âge où s'acquièrent les savoirs fondamentaux. Le nombre de postes supprimés correspond à celui des postes non pourvus ; il s'agit de s'en tenir au nombre annoncé.
Je déplore le manque d'AESH, et soutiens l'initiative de mes collègues qui souhaitent créer un corps dédié.
Concernant le secteur paramédical, les infirmières, psychologues et médecins scolaires sont toujours, du fait de la décentralisation, affiliés à l'éducation nationale. Alors que la santé mentale des jeunes est devenue une cause nationale, nous manquons de personnels, le chiffre ne correspond pas à l'ambition fixée.
Comme l'an dernier, ce budget m'inspire un arrière-goût un peu amer. Ce qui m'attriste aujourd'hui, ce sont la résignation des syndicats et le sentiment de mal-être de nos enseignants. Sans doute est-ce dû aussi à la multiplication du nombre de ministres au cours de ces deux dernières années.
Mme Annick Billon. - Sur la base des conclusions données, notre groupe suivra l'avis du rapporteur, avec quelques points de vigilance toutefois. L'enseignement scolaire devient le deuxième budget de l'État, après la défense, en autorisations d'engagement (AE). La baisse démographique est un séisme, qui pourrait entièrement redessiner la carte scolaire. Entre 2025 et 2029, les effectifs du premier degré devraient baisser de 7 %, soit moins de 450 000 élèves en cinq ans. Sur la même période, les effectifs du second degré reculeraient d'environ 4 %.
Nous aurons un débat pour savoir s'il convient de supprimer des postes ou d'améliorer l'encadrement. Je rappelle que les classes françaises sont parmi les plus denses, avec en moyenne 21,6 élèves par classe dans le premier degré - davantage que dans des pays comme l'Allemagne, la Finlande et le Portugal - et 25,9 élèves par classe dans le second degré - seul le Japon, parmi les pays membres de l'OCDE, a un nombre supérieur.
Avec la création de 5 440 ETP dans le PLF pour 2026, du fait des 7 938 postes supplémentaires de stagiaires, le plafond d'emploi s'avère en hausse. Ces créations sont contrebalancées par la suppression d'environ 4 000 emplois titulaires. Le fait de supprimer 8 000 postes, comme le propose M. Paccaud, impliquerait de fermer 1 500 écoles, pour la plupart dans nos territoires ruraux. Aussi, même si cela permettrait peut-être de revaloriser les salaires d'enseignants en milieu de carrière, je ne suis pas favorable à cette suppression de postes.
Le projet de revalorisation des enseignants est resté au fond du cartable. De même, concernant le pacte enseignant, le bilan est mitigé. Celui-ci serait majoritairement utilisé par les hommes, entraînant un accroissement des inégalités de genre.
Sur l'inclusion scolaire, je soutiens une hausse du nombre d'AESH. Lors de la dernière rentrée scolaire, 42 000 enfants ne bénéficiaient pas de l'accompagnement auquel ils avaient droit. Le slogan affiché s'avère en décalage avec la réalité des familles. Dans certains territoires, il arrive que des AESH accompagnent 10 élèves en situation de handicap. Par ailleurs, on observe un manque de places dans les instituts médico-éducatifs (IME), ce qui entraîne une dégradation de la chaîne éducative.
Je souhaite également évoquer l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) ; il en a beaucoup été question lors de la dernière rentrée, avec de nombreuses formations proposées. Encore une fois, le slogan est en décalage avec la réalité, sachant que seulement 15 % des élèves bénéficient de ces cours pourtant inscrits dans la loi.
Mme Monique de Marco. - Comme l'a indiqué ma collègue Annick Billon, pour la première fois, l'enseignement scolaire ne constitue pas le premier poste de dépenses de l'État. Cela illustre un changement dans les priorités de la Nation, et confirme la poursuite de la politique d'austérité menée depuis plusieurs années. Notre pays continue de sous-financer son école. Par ailleurs, l'éducation nationale est aujourd'hui reléguée au neuvième rang protocolaire dans le Gouvernement.
La création de 5 440 ETP cache la suppression massive et sèche de 4 018 postes d'enseignants. Cette dernière est justifiée par une logique comptable à laquelle je ne souscris pas. C'était l'occasion de revenir sur les taux d'encadrement et sur la taille des classes. Les marges de manoeuvre restent importantes, car toutes les études démontrent les effets significatifs de la réduction de la taille des classes sur les résultats scolaires, ainsi que sur le bien-être des élèves et des enseignants.
Cette suppression de postes risque de provoquer la fermeture de classes en zones rurales, notamment au niveau du premier degré. L'école constitue parfois le dernier service public dans ces territoires, et il faudrait réfléchir à une réforme de l'offre pédagogique comme l'a proposé M. Brisson.
La création de postes d'enseignants stagiaires est temporaire. Elle vise à permettre la mise en oeuvre progressive de la réforme initiale des enseignants et des conseillers principaux d'éducation (CPE). Celle-ci, annoncée au mois de mars dernier, reporte à 2026 la mise en place du concours d'entrée à bac + 3 au lieu de bac + 5.
On observe un ralentissement dans la création des postes d'AESH. Le PLF pour 2026 prévoit la création de seulement 1 200 postes, soit deux fois moins que l'an dernier et trois fois moins qu'il y a deux ans. Ces créations de postes s'avèrent donc une goutte d'eau dans l'océan.
J'en viens à la diminution des crédits liés à la formation. Cette importante coupe budgétaire de 1 milliard d'euros dépend d'une logique uniquement comptable. Cela témoigne du moindre intérêt que le Gouvernement accorde à la formation des enseignants, alors que les besoins ne cessent de s'exprimer. Selon une enquête de l'OCDE, 47 % des enseignants français considèrent qu'il n'existe pas de formations appropriées à leurs besoins. Le constat de cette sous-utilisation des crédits aurait dû conduire le Gouvernement à proposer des leviers d'amélioration de la formation continue des enseignants.
Monsieur Paccaud, je m'interroge sur votre proposition de revaloriser le salaire des enseignants en milieu de carrière. Où comptez-vous trouver les 25 millions d'euros nécessaires ? Pourquoi ne pas utiliser l'argent supprimé pour la formation ?
Concernant le pass Culture, on observe une diminution des crédits de 10 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Ce dispositif favorise pourtant les sorties pédagogiques et l'accès à la culture dans les zones rurales et périurbaines. En janvier dernier, des projets n'ont pu aboutir faute de financements. Il existe une véritable attente sur ce sujet.
On ne parle plus du « choc des savoirs ». Parfois, on a donc raison avant tout le monde.
M. Bernard Fialaire. - Nous abordons ce projet de budget pour 2026 alors que s'invite dans le débat public la question des rythmes scolaires et des temps de l'enfant. Cela rend d'autant plus pertinentes les réflexions de notre collègue Max Brisson sur la nécessité d'engager une grande réforme de l'éducation nationale.
Je me désole de cette chute démographique, même si celle-ci doit permettre de diminuer les effectifs dans les classes. Par ailleurs, comme l'a rappelé Mme Darcos, nous avons observé le bénéfice des dédoublements de classes partout où cela a pu se réaliser.
Concernant les écoles rurales, il s'agit de ne pas vouloir maintenir à tout prix un service quand tant d'autres font défaut. Le sort des enfants ne doit pas servir d'alibi pour aborder le sujet.
Il n'est plus possible que les compétences du secteur médico-social soient gérées à la fois par les collectivités et l'éducation nationale. Concernant le handicap, la protection maternelle et infantile (PMI) prend en charge le dépistage avant de passer le relais à la médecine scolaire. Avec davantage de cohérence, nous gagnerons en efficacité. De même, concernant les AESH, lorsque les intercommunalités ont pris en main le recrutement, de nombreux postes en attente ont été pourvus. Nous devons clarifier la prise en charge du médico-social dans l'école et en dehors de l'école.
Au-delà de ces points de vigilance, je suivrai l'avis du rapporteur quant à l'adoption des crédits.
Mme Samantha Cazebonne. - Avec 89,6 millions d'euros en AE et en crédits de paiement (CP), les crédits de la mission sont préservés. Leur évolution s'inscrit dans la continuité d'une hausse progressive depuis 2019, de l'ordre de 3,15 milliards d'euros en six ans.
Ce budget traduit des priorités stratégiques essentielles : la maîtrise des savoirs fondamentaux, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, la lutte contre le harcèlement ou encore le soutien à la politique de l'école inclusive. En 2026, la mission portera une réforme d'ampleur, celle de la formation initiale, qui doit permettre de remédier aux difficultés d'attractivité du métier en rémunérant de futurs enseignants encore en formation.
Le PLF pour 2026 prévoit la création de 8 800 postes de fonctionnaires stagiaires. En parallèle, la baisse des effectifs d'enseignants de 4 600 ETP anticipe une diminution importante du nombre d'élèves dans le premier degré qui devrait s'accentuer dans les prochaines années.
J'attire votre attention sur le programme 214 concernant le soutien de la politique de l'éducation nationale. En commission des finances, trois amendements adoptés sur l'initiative du rapporteur spécial ont diminué, de façon importante, les subventions allouées à plusieurs établissements publics administratifs nationaux.
Le réseau Canopé, opérateur clé de la formation des enseignants et des alliances éducatives territoriales qui jouent un rôle particulièrement pour les Français de l'étranger, est déjà concerné par 111 des 142 emplois supprimés au sein des opérateurs de l'éducation nationale. L'adoption d'un amendement tendant à diminuer sa subvention de 20 millions d'euros risque de fragiliser plus gravement encore sa capacité à assurer ses missions de service public. Cela aurait de fortes conséquences sur la trésorerie de l'établissement. Je défendrai en séance un amendement visant à augmenter le budget alloué à cet opérateur, conformément à celui qui a été adopté par la commission des affaires culturelles de l'AN.
Le Centre national d'enseignement à distance (Cned) joue un rôle essentiel dans l'enseignement à distance à tous les niveaux de formation. Cet opérateur a également vu sa subvention diminuer de 15 millions d'euros en commission des finances.
Enfin, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), opérateur national de l'orientation, est touché par une baisse de subventions votée par la commission des finances, de l'ordre de 5 millions d'euros.
Ces baisses risquent de fragiliser les opérateurs, dont le rôle est pourtant essentiel en matière de formation et d'enseignement. J'en appelle donc à rester vigilant et à ne pas suivre la position de la commission des finances.
Pour toutes ces raisons, notre groupe préfère s'abstenir concernant le vote des crédits relatifs à l'enseignement scolaire.
M. Stéphane Piednoir. - Je souhaite mettre l'accent sur la réduction du nombre de postes dans l'éducation nationale. Il s'agit de prendre en compte la déprise démographique qui risque de s'accentuer dans les prochaines années. Quand on examine un budget, on ne peut pas s'exonérer de la logique comptable.
Par ailleurs, il convient d'améliorer la pratique et le quotidien des professeurs confrontés aujourd'hui à des difficultés qui relèvent davantage de l'évolution de la société que des moyens de l'éducation nationale. Le taux d'encadrement, notamment dans le premier degré avec 21 élèves par classe, s'avère en nette baisse. Certes, il existe des disparités importantes, mais la situation s'est améliorée.
La perte d'intérêt pour le métier d'un certain nombre de professeurs est liée à l'absence de motivation. Quand on annonce que, au bout du compte, 96 % des candidats auront le baccalauréat, on dénature l'exercice du métier.
L'an dernier, des mesures de réduction des effectifs avaient été envisagées sans finalement aboutir. Cette année, entre 4 000 et 8 000 suppressions de postes sont proposées. Il s'agit de revaloriser ce métier tout en développant des formations d'accompagnement.
Mme Colombe Brossel. - En complément des observations pertinentes formulées par Marie-Pierre Monier et d'autres collègues qui nous conduiront à ne pas suivre l'avis favorable du rapporteur, je souhaiterais que nous repartions de la situation concrète observée à la rentrée à l'intérieur des écoles, des collèges et des lycées. Je remercie d'ailleurs Jacques Grosperrin pour les auditions qu'il a organisées, car elles nous permettent de balayer largement le sujet et de disposer d'informations utiles.
Nous pouvons ainsi affirmer que l'annulation de la suppression de 4 000 postes, l'année dernière, n'a pas du tout servi à la revalorisation des salaires des enseignants, mais, selon la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), à créer 540 ETP en quatrième et troisième pour les groupes de besoins, à prévoir 500 ETP pour la création des pôles d'appui à la scolarité (PAS) - ils ne seront finalement pas généralisés -, 60 ETP pour les toutes petites sections (TPS), 800 ETP pour les remplacements et enfin 100 ETP pour le pilotage et l'encadrement.
La réalité observée dans nos territoires, quelles que soient leurs spécificités, est la suivante : dans le premier degré, les remplaçants sont tous « réservés » dès le premier jour, ce qui réduit à zéro nos capacités à assurer des remplacements ; dans le second degré, il manquait au moins un enseignant dans plus de 60 % des établissements. Dans ce contexte, est-il vraiment raisonnable de continuer à supprimer des postes, en ayant à choisir entre la proposition du ministère de supprimer 4 000 postes et celle de nos collègues de la commission des finances visant à en supprimer le double ? Si elle était retenue, cette dernière aurait, selon moi, de graves conséquences.
Pour ma part, je pense qu'il faut continuer à créer des postes d'enseignants, afin de continuer à réduire le nombre d'élèves par classe. Par ailleurs, nous continuons à payer le fait qu'un certain nombre de réformes n'en ont en fait que le nom et qu'elles sont mal pilotées. Je prends un exemple qui illustre à merveille les travers de notre système que nous payons, encore plus lorsque nous supprimons des postes par milliers : avec la mise en place du pacte enseignant, les heures supplémentaires effectives (HSE) ont quasiment disparu ; néanmoins, du fait du recentrage du pacte sur les remplacements, des séances d'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité, qui étaient précédemment financées par le biais des HSE, ne peuvent plus être effectuées dans un certain nombre d'académies, alors même que l'Evars est rentrée dans les programmes ! Allons-nous continuer longtemps ainsi ?
Pour prendre un autre exemple, et même si je souscris à la nécessité de revaloriser les rémunérations en milieu de carrière, il s'avère que le pacte enseignant a amplifié les inégalités entre les enseignants du premier et du second degré, car ils n'y ont pas tous droit dans les mêmes conditions. De surcroît, le pacte a aussi été un accélérateur des inégalités de genre : alors que la profession est fortement féminisée, les enseignants hommes se positionnent le plus souvent pour effectuer des heures du pacte.
Face à ces dysfonctionnements récurrents, la seule réponse apportée consiste à continuer à supprimer des ETP, ce qui ne contribue en rien à améliorer notre système.
De la même manière, le dispositif « Devoirs faits » est devenu obligatoire dans tous les collèges en sixième, mais les moyens de le financer - qu'il s'agisse des HSE ou du pacte - ne sont ni obligatoires ni prévus dans l'ensemble des établissements : la réponse à ce dysfonctionnement, une fois encore, consiste-t-elle à couper la poire en deux entre une proposition de suppression de 4 000 postes et une autre visant à supprimer 8 000 postes ? Non, je ne le crois pas.
S'agissant enfin du médico-social, on pourrait a priori se satisfaire des créations de postes prévues par le budget, mais celles-ci sont fort éloignées des besoins et des réalités vécues dans les établissements : il n'y a ainsi qu'un psychologue scolaire pour 1 600 élèves, tandis que seuls 7 800 postes d'infirmiers scolaires existent alors qu'il en faudrait au moins le double, et je ne parle même pas des médecins scolaires, dont la rémunération est si faible que personne ne se porte candidat à ce métier. Là résident les véritables sujets et les nécessaires créations d'emplois, et pas à hauteur de 300 postes alors que l'éducation nationale accueille 12 millions d'élèves.
M. Pierre Ouzoulias. - Je m'interroge sur cette notion d' « hiver démographique » censé toucher tous les pays occidentaux : la Chine est peut-être devenue un pays occidental, car le nombre d'enfants par femme s'y élève à 1,15, contre 1,24 enfant par femme en Italie. Je pense que cet hiver est corrélé à un hiver démocratique : en effet, les citoyennes et les citoyens ne procréent plus lorsque la société ne fait plus sens pour eux, et c'est bien ce qui se passe dans cet Occident élargi à la Chine.
Je crois justement que l'éducation et la connaissance pourraient être un levier pour que les citoyens aient de nouveau foi en l'avenir et qu'ils fassent de nouveau des enfants. Au lieu de considérer qu'il faudrait accompagner la baisse démographique par la diminution du nombre de postes, nous pourrions considérer qu'une politique ambitieuse de la connaissance pourrait être un moyen de combattre la diminution de la natalité. Cette solution permettrait notamment d'éviter l' « ultra-métropolisation » de notre territoire, car les territoires ruraux perdront en attractivité du fait du manque d'enseignants, au profit des zones urbanisées.
Bernard Fialaire a évoqué les conclusions de la convention citoyenne sur les rythmes scolaires, que je trouve extrêmement inquiétantes en ce qu'elles révèlent une volonté de diminuer une nouvelle fois le nombre d'heures enseignées. Je me demande s'il ne faudrait pas, à l'inverse, profiter de ce recul démographique pour augmenter le nombre d'heures enseignées : si nos élèves se situent aujourd'hui à une place aussi basse dans les classements, c'est également à cause de la diminution du nombre d'heures à l'oeuvre depuis vingt ans.
S'agissant des professeurs, je vous laisserai le soin de leur proposer de travailler plus ; l'autre solution consiste à en conserver un certain nombre, de manière à disposer d'un plus grand nombre d'enseignants par classe et d'augmenter le nombre d'heures : cette réforme est selon moi indispensable, car il faut arrêter de considérer qu'une baisse du nombre d'heures enseignées peut être une solution viable dans une société « hyper-technologisée » telle que la nôtre.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. - Je tiens à rappeler qu'il s'agit d'un budget d'urgence, qui ne satisfait logiquement ni les uns ni les autres. N'oublions pas que sept ministres se sont succédé en moins de deux ans et que la dissolution insensée décidée par le Président de la République nous a placés dans une situation très délicate. Partant de ce constat, il nous incombe de faire preuve de responsabilité et de voter un budget.
Je tiens à remercier mes collègues qui étaient présents aux auditions.
Notre collègue Olivier Paccaud a insisté sur la diminution du nombre d'élèves, dont nous sommes tous conscients.
Concernant le métier d'enseignant, les candidats le choisissent d'abord par vocation. Toutefois il regarde aussi la rémunération. Les efforts de rémunération faits sur les débuts et en fin de carrière ne doivent pas nous dispenser de travailler sur la revalorisation des rémunérations en milieu de carrière. J'espère que nous pourrons trouver un chemin pour avancer sur ce sujet, d'autant que vous devez débattre avec le ministre d'un arbitrage sur ce point.
Madame Monier, c'est triste à dire, mais le temps va jouer pour nous concernant le nombre d'élèves par classe. Ne nous leurrons pas : des suppressions de postes auront lieu chaque année, même si la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne devrait pas être retenue pour l'éducation nationale. Vous avez aussi évoqué la crise de l'attractivité du métier, et je rappelle à tous mes collègues que la suppression de postes n'envoie pas un signal positif à ceux qui souhaitent exercer ce métier : soyons donc prudents en la matière.
Madame Corbière Naminzo, vous avez dressé un tableau assez noir de la situation. Constatons toutefois que des progrès ont été faits en matière d'inclusion scolaire, même si de trop nombreux enfants sont dans l'attente d'une solution de la part d'un pays tel que la France.
Comme le souligne Max Brisson, ce n'est effectivement pas en rajoutant toujours plus de moyens que nous parviendrons à faire mieux. Il faut dédramatiser le débat, notamment autour de la carte scolaire, mais il est vrai que les écoles rurales sont les premières affectées lorsque des postes sont supprimés.
Cela nous renvoie aux travaux que nous avons pu mener sur le maillage territorial, et je suis persuadé que nous devrons travailler différemment : l'école socle que vous évoquiez pourrait être une solution parmi d'autres, car diverses méthodes peuvent être employées afin de proposer une offre pédagogique étoffée.
Madame Darcos, vos réflexions m'invitent à recommander la lecture du livre intitulé Tout se joue avant six ans de Fitzhugh Dodson, tant les années allant de la petite section jusqu'au CE1 jouent un rôle crucial pour l'enfant.
Concernant les organisations syndicales, il est vrai qu'une grande résignation s'est exprimée au cours des tables rondes, mais, pour prendre le côté positif des choses, j'ai apprécié de les voir adopter une approche plus axée sur la proposition que sur la contestation : un changement semble être à l'oeuvre.
Madame de Marco, le budget de l'éducation n'est plus que le troisième budget de l'État, derrière celui de la défense, mais aussi celui du remboursement de la dette. Quant au « choc des savoirs », je pense qu'il a été rendu impossible par la valse des ministres à l'oeuvre depuis deux ans.
Notre collègue Bernard Fialaire a souligné la nécessité de renforcer la cohérence des actions dans le champ médico-social.
Madame Cazebonne, vous avez rappelé à juste titre les diminutions de crédits pour le réseau Canopé, le Cned et l'Onisep pour un total de 40 millions d'euros. Je tiens toutefois à rappeler le contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons.
Monsieur Piednoir, vous avez raison de souligner que la logique comptable n'est pas un gros mot : nous aurons ce débat et chacun défendra ses choix politiques.
Colombe Brossel évoquait l'annulation de la suppression de 4 000 postes. En complément des chiffres qu'elle a donné sur l'utilisation de ces postes, j'ajoute que 170 ETP de CPE ont été créés dans le cadre du plan « tranquillité scolaire ». Par ailleurs, le Pacte est venu renforcer les inégalités de salaire entre le premier degré et le second.
Enfin, monsieur Ozoulias, il faudra en effet augmenter le nombre d'heures dans un certain nombre de matières, car l'avenir de notre Nation passe par l'éducation et par nos jeunes.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Enseignement agricole » - Examen du rapport pour avis
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement technique agricole. - Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à remercier d'emblée Annick Billon, Christian Bruyen, Marie-Pierre Monier et Stéphane Piednoir pour leur assiduité et pour avoir enrichi les auditions.
L'enseignement agricole est en passe de gagner son pari de l'attractivité retrouvée. Après une baisse des effectifs entre 2013 et 2019, ceux-ci connaissent désormais une hausse continue. À la rentrée 2025, la barre des 200 000 jeunes dans l'enseignement technique agricole est dépassée. La progression des effectifs est de 7 % ces cinq dernières années.
Cette augmentation concerne les trois familles de l'enseignement agricole : les lycées publics, les lycées privés et l'enseignement du rythme approprié, notamment les maisons familiales et rurales (MFR). Par ailleurs, les effectifs dans toutes les filières sont en hausse, à l'exception de ceux de la transformation agroalimentaire.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ». Ceux-ci s'établissent à 1,46 milliard d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », soit un budget stable par rapport à l'année dernière.
Je tiens toutefois à alerter sur le caractère extrêmement rigide des dépenses de ce programme, dont plus de 95 % sont contraintes : il s'agit des salaires et rémunérations des agents, des bourses sur critères sociaux et gratifications pour stage dont les conditions d'attribution sont communes aux élèves de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, ou encore de la dotation aux établissements privés, régie selon des critères définis par les textes législatifs et réglementaires.
Si l'on examine ce budget ligne à ligne, on constate certaines hausses. Il y a notamment 40 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires : 35 ETP pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture que nous avons votée en début d'année - j'y reviendrai - et 5 ETP pour renforcer le contrôle au sein des MFR.
Sur ce point, il s'agit de concrétiser la politique portée par les deux ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture pour mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans tous les établissements d'enseignement. Lors de son audition, le ministère de l'agriculture m'a indiqué souhaiter également mettre à profit ces 5 ETP afin de renforcer les contrôles du volet pédagogique des contrats liant les MFR à l'État.
L'objectif affiché est de contrôler annuellement 20 % des établissements de chaque famille de l'enseignement agricole, soit un contrôle de chaque établissement tous les cinq ans. Si ce ratio de 20 % d'établissements contrôlés est globalement atteint pour les lycées publics et privés, la marche est encore haute pour les MFR. En 2024, seules 4 MFR ont en effet été contrôlées sur le volet pédagogique sur les 373 établissements que compte le réseau.
Les autres lignes bénéficiant d'une augmentation correspondent à des dépenses contraintes. J'en citerai trois, à commencer par 2,7 millions d'euros pour l'établissement de Coconi à Mayotte, fortement touché par le cyclone Chido. Ensuite, une hausse de 11,5 millions d'euros est prévue en faveur des MFR, dont la dotation repose sur un calcul qui tient compte du coût de formation et du nombre de jeunes formés. Une revalorisation réglementaire du coût formateur est intervenue, tandis que les effectifs ont augmenté.
Je signale d'ailleurs que le budget a été construit l'été dernier sur une hypothèse d'augmentation des effectifs dans les MFR à la rentrée 2025 de 1,5 %. Cette hypothèse est désormais caduque puisque l'augmentation constatée à la rentrée est de 2,5 % : il appartiendra au ministère de faire le nécessaire pour respecter les textes régissant ses liens avec les MFR.
Enfin, une augmentation de 4 millions d'euros en faveur des projets de modernisation des systèmes d'information est prévue. Ces dernières années, cette ligne budgétaire a souvent été la variable d'ajustement lors des gels budgétaires et les systèmes d'information sont désormais obsolètes.
Je citerai un seul exemple, celui du projet de rapprochement avec le logiciel de l'éducation nationale, qui a pris du retard. La réforme de l'automatisation de l'attribution des bourses sur critères sociaux est entrée en vigueur à la rentrée dans les établissements publics de l'éducation nationale à la rentrée 2025, alors que cette réforme est reportée d'un an dans l'enseignement agricole, notamment pour des raisons informatiques.
Au regard de la stabilité des crédits de l'enseignement technique agricole, les hausses que je viens de mentionner entraînent mécaniquement des baisses sur d'autres lignes budgétaires de ce programme.
La principale diminution concerne le pacte enseignant. Pour l'année scolaire 2024-2025, l'enveloppe du pacte enseignant a été consommée dans l'enseignement agricole à hauteur de 97,7 %. Le nombre d'enseignants qui y ont recours est significatif, 67 % des enseignants de l'enseignement agricole ayant assuré au moins une brique de pacte. À titre de comparaison, ils sont seulement 33 % dans l'enseignement secondaire de l'éducation nationale.
Cette ligne budgétaire baisse de 20 millions d'euros. Je n'ai pas souhaité déposer d'amendements au regard des montants et de la configuration de la mission « Enseignement scolaire ». En effet, il s'agirait de trouver 10 millions d'euros à 20 millions d'euros sur un programme de 1,43 milliard d'euros. Concernant la perspective d'abonder le programme 143 à partir d'autres programmes de la mission, nous nous heurtons au même problème que les années précédentes, car les cinq autres programmes relèvent d'un ministère différent - celui de l'éducation nationale.
Toutefois, il me semble important d'alerter sur toute tentation d'effectuer des économies supplémentaires qui auraient certes un effet à très court terme, mais qui seraient préjudiciables à moyen terme pour l'attractivité de l'enseignement agricole.
En l'état, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143, mais, si un coup de rabot venait à être présenté par le ministère en séance, comme ce fut le cas l'année dernière, j'espère que nous nous y opposerons collectivement.
Avant de conclure, je souhaite vous présenter une première analyse de la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dont Christian Bruyen était notre rapporteur pour avis.
Que prévoit cette loi ? Tout d'abord, une promotion et une découverte des métiers, notamment auprès des enfants et des personnels de l'éducation nationale. Le programme national d'orientation et de découverte des métiers du vivant est en cours d'élaboration avec l'ensemble des acteurs et devrait être déployé à compter de 2026. Des crédits de communication sont également prévus.
Le deuxième point concerne les objectifs ambitieux d'augmentation des effectifs. Si les dynamiques constatées ces dernières années se poursuivent, cet objectif est atteignable.
Toutefois, cela implique d'augmenter les crédits de l'enseignement agricole à moyen terme : en effet, pour les établissements du rythme approprié, comme je l'ai indiqué, l'augmentation de leurs effectifs implique une hausse de leur dotation.
Pour les établissements du temps plein - les lycées publics et privés -, le nombre moyen d'élèves par classe dépasse désormais vingt. Il est supérieur à celui des lycées professionnels de l'éducation nationale.
Le projet de loi de finances (PLF) 2026 prévoit certes 30 ETP d'enseignants supplémentaires afin d'accompagner cette hausse des effectifs constatée ces dernières années. Cela constitue également un rattrapage sur les suppressions opérées cette année. Je rappelle qu'en raison du coup de rabot de l'année dernière, le schéma d'emplois est devenu négatif de 45 ETP dans le budget 2025. Dans tous les cas, il appartiendra aux futurs budgets d'en tirer toutes les conséquences pour atteindre l'objectif d'une augmentation de 30 % des effectifs entre 2017 et 2030.
Le troisième enseignement de la loi d'orientation agricole a trait à la création du « Bachelor Agro ». La forte instabilité politique a compliqué la réalisation des consultations obligatoires et la prise des décrets nécessaires. En effet, ceux-ci ne pouvaient pas être pris au titre des affaires courantes, mais l'ensemble du cadre réglementaire est désormais fixé.
La première vague d'accréditation des établissements devrait avoir lieu en janvier et février pour une ouverture des premiers bachelors à la rentrée 2026. Plus précisément, 5 ETP sont mobilisés afin d'ouvrir en septembre prochain 10 bachelors Agro sous voie scolaire, tandis que 10 autres bachelors verront le jour sous voie d'apprentissage.
L'objectif pour 2027 est l'ouverture de 200 bachelors Agro puis, à l'horizon 2030, de 300 diplômes. Ce déploiement se veut ambitieux et ne pourra pas se faire à moyens constants, ni même avec une très légère hausse du nombre d'ETP.
Enfin, la loi prévoit la mise en place d'une cartographie régionale pluriannuelle des formations. Il s'agit d'analyser les besoins d'ouverture et de consolidation de sections de formation à petits effectifs lorsqu'elles répondent à un besoin du territoire.
C'est la mesure pour laquelle la mise en oeuvre est la moins avancée. Si le ministère assure que les premiers contrats avec l'ensemble des parties prenantes seront signés à la fin de l'année 2025, les syndicats de l'enseignement public m'ont indiqué ne pas être au courant d'avancées dans ce domaine.
Ils m'ont dit avoir interrogé les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) à ce sujet en septembre lors des comités sociaux d'administration uniques régionaux de l'enseignement agricole, qui ne disposaient pas non plus d'informations à ce sujet.
Par ailleurs, il me semble important que notre commission porte la nécessité d'un effort financier pluriannuel à partir de 2027 pour accompagner la mise en oeuvre du volet enseignement de la loi d'orientation agricole. L'enjeu est particulièrement sensible, car il s'agit de répondre à la nécessité du renouvellement des générations d'agriculteur et de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays. L'enseignement agricole constitue en cela un rouage essentiel.
Je vous propose donc, chers collègues, de donner un avis favorable à ce programme.
M. Christian Bruyen. - Je salue la qualité du travail du rapporteur, qui nous livre une analyse pertinente des perspectives induites par ce projet de budget pour 2026. Les auditions ont permis de relever des éléments positifs quant à la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole, malgré quelques regrets sur différents sujets.
Parmi les sujets de satisfaction, soulignons la mise en place relativement rapide du bachelor Agro avec de premières ouvertures dès 2026, ce qui répond à une forte attente de la profession. Un partie des ETP supplémentaires inscrits sont d'ailleurs dédiés au développement de ce diplôme. Pour autant, rappelons que la barre est haute avec un objectif de hausse du nombre d'apprenants de 30 % d'ici à 2030.
De plus, cet indispensable renouvellement des générations d'agriculteurs devra s'appuyer sur des efforts plus importants sur le système éducatif agricole, tant pour les établissements publics que pour les établissements privés, car si l'on évoque souvent cette pépite qu'est l'enseignement agricole, c'est bien parce qu'il sait s'appuyer sur une salutaire complémentarité public-privé.
Un contentieux porté par le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) devrait d'ailleurs conduire le ministère à corriger une approche budgétaire non conforme aux règles qui s'imposent et aux principes d'équité entre public et privé, d'autant plus lorsque l'on connaît le nombre assez alarmant d'établissements en difficulté.
Par ailleurs, les MFR, dont les effectifs progressent très significativement, peuvent prétendre à une révision de leur dotation : en théorie, cette dernière est bien déterminée en fonction des effectifs, mais ce n'est pas tout à fait le cas dans la pratique. Dans le cas contraire, il est à craindre que les formations dans le domaine des services à la personne - elles sont aussi proposées par les MFR - soient les victimes collatérales de cette insuffisance de crédits, alors qu'elles sont essentielles au développement socio-économique du monde rural et qu'elles semblaient retrouver un peu de souffle.
J'alerte aussi, de nouveau, sur la formation des vétérinaires, car la protection de la santé animale est un sujet de plus en plus préoccupant qui touche, dans certains cas, la protection de la santé humaine. Il convient donc de renforcer la formation et la recherche dans ce domaine, car il s'agit d'un levier de prévention des zoonoses et de maîtrise des risques épidémiques.
Si le contexte général est difficile et nécessite un effort global de réduction des dépenses publiques, la trajectoire de l'enseignement agricole d'ici à 2030 devra être protégée tant la préservation de notre souveraineté alimentaire est cruciale, d'autant que les tensions internationales s'aggravent.
En clair, le différentiel entre la progression des effectifs et la stagnation des dotations ne sera plus une approche appropriée demain. Il faut également corriger, sans attendre, la distorsion d'équité de financement entre établissements publics et privés ; renforcer à un juste niveau l'accompagnement des MFR ; et enfin, prendre en compte l'accueil d'élèves à besoins particuliers qui présentent des niveaux de handicap plus élevés que par le passé.
Cela étant, dans la mesure où la direction empruntée est la bonne, nous suivrons le rapporteur.
Mme Karine Daniel. - Ce volet de l'enseignement est très important et doit être suivi, car il renvoie à des enjeux en termes de souveraineté alimentaire et de développement de nouvelles technologies agricoles, ces dernières soulevant un réel enjeu de souveraineté numérique associé à la souveraineté alimentaire.
Par ailleurs, les jeunes filles sont, contrairement à une idée reçue, bien représentées dans cette filière. Il faudra avoir une attention particulière sur leur insertion professionnelle dans le prolongement de leurs études agricoles et agroalimentaires, car elles sont souvent moins bien traitées, qu'il s'agisse de facilités d'installation ou de leur intégration dans des entreprises qui ne sont pas nécessairement les plus performantes en termes d'égalité.
Mme Annick Billon. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour son travail et toutes les auditions qui ont pu être menées. Alors que la loi d'orientation agricole est extrêmement ambitieuse, les moyens sont stables : les différents acteurs que nous avons attendus n'ont pas surenchéri compte tenu de la contrainte budgétaire, dans un esprit de responsabilité que je salue.
Pour ce qui est des aspects positifs, la hausse des effectifs permise par une volonté politique affirmée traduit le redressement notable de l'enseignement agricole après une période de déclin entre 2013 et 2019. L'objectif des 200 000 apprenants a été atteint et la loi d'orientation agricole vise une progression encore plus ambitieuse, ce qui nécessitera forcément des moyens d'ici à 2030.
L'essentiel des dépenses du programme étant contraintes, la moindre coupe serait intenable pour l'enseignement agricole, certaines MFR n'ayant d'ailleurs pas touché la dotation à laquelle elles devraient avoir droit. Les crédits inscrits pour ces établissements sont globalement insuffisants et le Gouvernement devra trouver plusieurs millions d'euros pour combler ce manque.
La construction budgétaire a donc été effectuée à l'euro près et aucune marge de manoeuvre n'existe sur ce programme : il faudra, dès 2027, augmenter les crédits afin d'accompagner la hausse des effectifs et de financer les futures formations, dont le bachelor Agro, si seules 10 ouvertures sont prévues en 2026, la montée en charge sera très importante en 2027 et les années suivantes.
Le groupe Union Centriste suivra l'avis du rapporteur et restera vigilant si des coupes supplémentaires devaient être proposées au cours de la discussion.
Mme Monique de Marco. - Je remercie le rapporteur, à la fois mesuré et très optimiste. Je me réjouis comme lui de l'attractivité retrouvée de l'enseignement agricole avec une progression des effectifs de 1,3 % par rapport à l'année précédente, même si elle intervient après une baisse importante au cours de la décennie 2010.
Cette hausse est cependant largement inférieure au rythme nécessaire pour atteindre l'objectif de la loi d'orientation agricole, à savoir une hausse de 30 % du nombre d'apprenants à l'horizon 2030. Lors de l'examen de cette loi, mon groupe avait estimé que ce même objectif était insuffisant pour parvenir à l'installation de 400 000 exploitants d'ici à 2035.
La création de 40 postes supplémentaires pour ouvrir 10 classes est ainsi largement insuffisante, alors qu'il faudrait créer 684 postes pour ouvrir 264 nouvelles classes afin de répondre à l'immense enjeu du renouvellement des générations : la moitié de la profession doit en effet partir à la retraite d'ici cinq à huit ans.
Nous sommes encore donc loin de l'objectif et nous émettrons un avis défavorable.
Mme Nathalie Delattre. - Vous connaissez mon attachement à l'enseignement agricole : le rapport d'information intitulé Enseignement agricole : l'urgence d'une transition agro-politique, que j'avais rédigé avec plusieurs d'entre vous, avait permis d'obtenir de haute lutte une hausse de crédits, à l'époque où Julien Denormandie était ministre de l'agriculture. Il ne faut pas faiblir, l'objectif d'une hausse de 30 % des effectifs fixé par la loi d'orientation agricole étant en cohérence avec les besoins de la profession et de nature à répondre au défi de notre souveraineté alimentaire.
Néanmoins, à titre personnel je m'abstiendrai sur ce budget, car aucune anticipation de la nécessaire hausse des moyens pour les années à venir n'y est inscrite, alors même que nous avons mentionné cette exigence pour le budget précédent et que nous recevons des alertes.
Historiquement, l'enseignement agricole s'est appuyé sur un réseau d'enseignement privé, notamment autour des MFR. Si les établissements privés ferment, leurs équivalents publics ne prendront pas le relais et nous avons donc besoin de maintenir une complémentarité.
Pourtant, les disparités persistent entre les dotations du public et du privé, ainsi qu'en termes de coût unitaire de formation par élève (Cufe) : en Gironde, l'établissement de Cudos a été placé en redressement judiciaire sans que l'État intervienne. Je nourris les mêmes inquiétudes vis-à-vis des MFR.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je salue à mon tour la qualité du rapport. La souveraineté alimentaire est bien au coeur des enjeux de l'enseignement agricole et je me félicite des financements complémentaires qui ont été accordés à l'établissement de Coconi à Mayotte, indispensable pour contribuer à la montée en puissance de l'agriculture dans ce territoire si éloigné de l'Hexagone.
Je partage aussi les préoccupations exprimées par plusieurs collègues concernant le financement des MFR : si le budget n'est pas en baisse, la nécessaire montée en puissance de la filière n'apparaît pas dans les éléments présentés.
En outre, je note qu'une campagne de communication bienvenue a été lancée l'an passé afin de promouvoir ces métiers : il faudra continuer sur cette lancée. Un autre point positif a trait à la bonne mobilisation des crédits du pacte enseignant, et il serait d'ailleurs utile de comprendre les causes de l'écart avec l'enseignement général.
Le défi principal réside, selon moi, dans le renouvellement des générations d'agriculteurs. Si la hausse des effectifs de l'enseignement agricole est à saluer alors que les publics scolaires diminuent globalement, nous devons rester vigilants sur la diminution du financement de l'apprentissage, car cette politique est liée à l'enseignement agricole. Il reste donc nécessaire de veiller à une progression des moyens alloués, afin d'être en mesure de répondre à l'ensemble des enjeux.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue à mon tour la qualité du travail du rapporteur.
Ce budget est le premier que nous examinons depuis l'adoption de la loi d'orientation agricole et son objectif ambitieux d'une hausse de 30 % des effectifs formés aux métiers de l'agriculture d'ici à 2030, dans un contexte où plus d'un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d'ici à dix ans. Cette ambition ne se retrouve pas dans les crédits et le schéma d'emploi qui nous sont présentés aujourd'hui et qui ne permettent même pas de réparer les erreurs d'hier.
Rappelons que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022, soit l'équivalent de 10 000 postes dans l'éducation nationale, ce qui a entraîné une dégradation des conditions d'apprentissage dans l'enseignement agricole que nous avions d'ailleurs collectivement dénoncée dans le cadre de la mission d'information consacrée à l'enseignement agricole, dont la rapporteure était Mme Nathalie Delattre.
La dernière rentrée scolaire dans l'enseignement agricole a été durement marquée par un coup de rabot de 18 millions d'euros, la suppression de 45 ETP opérée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 ayant eu des répercussions sur le terrain : des fermetures de classes de brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) sont ainsi intervenues dans la précipitation, à rebours de la dynamique de hausse du niveau de formation des agriculteurs et des agricultrices de demain, que souhaite pourtant encourager la loi d'orientation agricole.
Certains enseignants nous ont indiqué que des travaux pratiques avec de gros animaux ne pouvaient pas être effectués en raison d'effectifs trop importants ne permettant pas d'assurer des conditions de sécurité suffisantes. Dans ce contexte, les 40 ETP prévus sur le schéma d'emploi dans ce PLF 2026, qui seront notamment dédiés aux heures d'enseignement sur des classes de bachelors Agro, paraissent nettement insuffisants pour accompagner l'essor des effectifs souhaité. Rappelons d'ailleurs que le ministère lui-même considérait que près de 200 ETP seraient nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation agricole.
Sur une note plus positive, la hausse de plus de 7,54 % des crédits dédiés à l'aide sociale aux élèves et à la santé scolaire viendra abonder les bourses sur critères sociaux et le fonds social lycéen. Cependant, il convient de rappeler que cette augmentation fait suite à quatre années successives de baisses de crédits.
Enfin, comme nous le répétons depuis plusieurs années, l'enseignement agricole doit progresser dans le pilotage de l'inclusion scolaire, cette politique étant moins aboutie que dans l'éducation nationale alors que l'enseignement agricole accueille de nombreux élèves en situation de handicap en son sein.
L'intégration de la gestion des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) dans les services du ministère de l'agriculture ou la création d'AESH référents dans l'enseignement agricole public sont autant de solutions concrètes qu'il est temps de mettre en place. Pour toutes ces raisons, mon groupe se prononcera contre l'adoption des crédits alloués.
Mme Paulette Matray. - Femme et mère d'agriculteur, je suis étonnée par l'absence de fléchage financier sur l'agriculture biologique, alors qu'une ouverture sur une autre forme d'agriculture serait la bienvenue pour les jeunes. Pour prendre l'exemple du BTS du lycée agricole de Fontaines en Saône-et-Loire, seuls trois jours ont été consacrés à la sensibilisation à l'agriculture biologique en l'espace de deux ans.
M. Jacques Grosperrin. - Les MFR ont été évoqués à de nombreuses reprises à l'occasion de ce débat. Pourriez-vous rappeler l'évolution de leurs effectifs ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - Comme le souligne Christian Bruyen, il existe bien un contentieux avec le Cneap et il faudra trouver un financement.
Une augmentation du nombre d'élèves est à relever dans la filière des services à la personne ; en outre, les classes passerelles post BTS-BTSA, organisées autour d'un concours dédié, permettent d'assurer une partie du recrutement dans les écoles vétérinaires. Ce dispositif fonctionne plutôt bien, comme j'ai pu le constater à Lyon.
Plusieurs interrogations ont porté sur la trajectoire, qui, je le rappelle, est fixée pour la période 2022-2030 : nous devrions pouvoir atteindre l'objectif fixé dans ce laps de temps.
Mesdames Daniel et Matray, l'agriculture biologique est mise en avant dans certains établissements, dont le lycée viticole de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne faut pas oublier l'innovation technique - dont le recours aux drones pour les traitements, par exemple - et la sensibilité des nouvelles générations à la protection de l'environnement.
J'attire aussi votre attention sur le fait que la filière de la transformation agroalimentaire ne progresse pas alors que les débouchés y sont nombreux, avec des rémunérations élevées : un effort de promotion de ces métiers serait sans doute bienvenu.
Je souscris aux remarques d'Annick Billon sur la responsabilité dont on fait preuve les acteurs que nous avons auditionnés. Le succès du pacte enseignant, quant à lui, s'explique par une forte implication des enseignants pour assurer un accompagnement et faire de la promotion pour le recrutement en dehors de leurs heures classiques, ce qui me fait dire que la diminution des crédits du pacte posera problème.
Madame de Marco, nous avons des raisons d'être optimistes dans la mesure où les effectifs progressent dans un contexte de crise démographique ; j'ajoute qu'il est question, pour l'essentiel, de classes à petits effectifs qui pourraient absorber, dans un grand nombre de cas, une hausse du nombre d'élèves à moyens quasi constants. Les MFR, désormais financées en fonction de leur nombre d'élèves, devraient obtenir des moyens supplémentaires grâce à la progression des effectifs à hauteur de 2,5 %.
Par ailleurs, je tiens à nouveau à remercier Mme Delattre pour le travail qu'elle avait accompli. S'agissant du bachelor, seules dix ouvertures de classes sont prévues cette année, ce qui ne nécessite pas de nombreux ETP dans l'immédiat, mais la programmation de ces ouvertures de classes jusqu'en 2030 induira des efforts financiers importants : il faudra donc que nous nous armions de la même pugnacité dont nos prédécesseurs ont fait montre pour obtenir les moyens nécessaires.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la problématique des AESH dans l'enseignement agricole, qui est similaire à celle qui est observée dans l'enseignement scolaire. Vous connaissez par ailleurs ma position sur la répartition des compétences en matière médico-sociale.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ».
La réunion est close à 18 h 00.
Mercredi 26 novembre 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de notre collègue Karine Daniel sur les crédits consacrés à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits de la création, de la transmission et de la démocratisation de la culture. - Le PLF pour 2026 intervient dans un contexte particulier pour le secteur culturel, marqué par le repli en 2025 du soutien des collectivités territoriales aux politiques culturelles. L'année dernière, je vous avais fait part de mes inquiétudes sur le risque de moindre engagement des collectivités en raison des ponctions opérées sur leurs ressources et sur l'effet « château de cartes » qui en découlerait, compte tenu du partage de la compétence culturelle.
Ma crainte s'est malheureusement confirmée et a été objectivée par le baromètre national de l'Observatoire des politiques culturelles. Alors que la période 2022-2024 a vu une relative stabilité des budgets culturels locaux, l'année 2025 marque une rupture très nette, avec une contraction de ces budgets, inédite par son ampleur : 47 % des collectivités déclarent ainsi avoir diminué leur budget culturel entre 2024 et 2025. La baisse est particulièrement marquée au niveau des régions et des départements, elle l'est moins à celui du bloc local.
Tous les domaines de politique culturelle sont affectés par la diminution des budgets locaux de fonctionnement. Les plus durement touchés sont les festivals et événements, le spectacle vivant, l'éducation artistique et culturelle.
Cette situation a évidemment des conséquences sur la coopération publique culturelle. Le même baromètre montre qu'elle commence à s'effriter : le nombre de collectivités indiquant en 2025 une baisse des partenariats avec l'État et avec d'autres niveaux de collectivités a doublé par rapport à 2024. C'est surtout à l'échelle des communes et des métropoles que les démarches de coopération sont les plus malmenées.
Ce que le directeur général de la création artistique a lui-même qualifié en audition de « brèche dans le pacte de coopération publique culturelle » est le signe que, face aux contraintes budgétaires, le consensus transpartisan autour de la culture perd du terrain. Cette évolution, que je trouve préoccupante, fragilise la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Elle fait également peser une menace sur la diversité de l'offre artistique et sur l'égal accès à la culture dans les territoires.
C'est dans ce contexte que l'État décide lui aussi d'infléchir son soutien au secteur culturel en 2026. Aucun des quatre programmes composant la mission « Culture » n'est épargné par la contraction de ses moyens.
En ce qui concerne les deux programmes 131 et 361, la baisse des crédits est de 3,2 % pour la « Création », dont la dotation s'établit autour du milliard d'euros, et de 5 % pour la « Transmission des savoirs et la démocratisation de la culture », dont l'enveloppe globale représente 723 millions d'euros.
Pour ce qui a trait aux crédits de la création artistique, après leur augmentation entre 2021 et 2024, puis leur stabilisation en 2025, leur recul de 34 millions d'euros en 2026 est un nouveau coup dur pour le secteur.
Certes, en comparaison d'autres secteurs qui intéressent notre commission, cette baisse peut paraître modérée, mais elle vient s'ajouter à celle des financements des collectivités. Le directeur général de la création artistique ne nous a d'ailleurs pas caché sa préoccupation devant la simultanéité de la baisse de ses différents soutiens financiers.
Elle intervient en outre à un moment charnière pour le secteur de la création dont le modèle économique semble être arrivé à un point de rupture. La succession des crises, sanitaire, énergétique et inflationniste, l'a plongé dans une crise profonde : le niveau des subventions publiques ne permet plus de compenser la hausse continue et généralisée des charges fixes.
Lorsqu'elles ne sont pas menacées de fermeture, les structures labellisées ou conventionnées n'ont d'autre choix que de revoir à la baisse leur activité de production et de diffusion. Dans les territoires, ce sont des programmations moins risquées qui sont présentées, des créations qui ne voient pas le jour, des représentations qui sont moins nombreuses, des tournées qui sont limitées, des actions de médiation culturelle qui sont annulées. Autant d'arbitrages qui fragilisent les missions de service public de la création.
Cette diminution de l'activité a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des départs de professionnels vers d'autres secteurs, le non-renouvellement de contrats à durée déterminée, des suppressions de postes de permanents.
Dans le budget de la création qui nous est proposé, deux sujets sont particulièrement inquiétants.
Le premier tient à la baisse des crédits déconcentrés, à hauteur de 18 millions d'euros. Ces crédits représentent la capacité de soutien des directions régionales des affaires culturelles (Drac) aux acteurs culturels dans les territoires.
L'appréciation portée par l'Association nationale des Drac sur cette mesure ne laisse guère de doute quant à ses conséquences : « Si nous sommes conscients des efforts que doit porter, comme les autres ministères, le ministère de la culture, ces baisses de crédits impacteront des structures déjà très fragiles, sans réserve, et viendront in fine précariser davantage les créateurs. »
Avec le repli des budgets culturels locaux, cette baisse des crédits déconcentrés constitue une double peine.
Le deuxième sujet de préoccupation porte sur le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Alors que le secteur connaît de fortes tensions en matière d'emploi, la gestion de ce fonds demeure problématique. Depuis plusieurs années, sa sous-budgétisation en loi de finances conduit à des retards dans le versement des aides aux structures culturelles, qui sont déjà confrontées à d'importants problèmes de trésorerie. Pour honorer leur paiement, le ministère est contraint de procéder en cours de gestion à un redéploiement de crédits au sein du programme « Création », au détriment d'autres lignes budgétaires.
Une fois encore, le montant de 35 millions d'euros inscrit au PLF pour 2026 est en deçà des prévisions de consommation, estimées entre 55 et 60 millions d'euros.
Les travaux interministériels récemment menés sur la prolongation du fonds, qui arrive à échéance à la fin de l'année, n'y ont rien changé. Le ministère de la culture a obtenu la préservation du dispositif pour trois années supplémentaires - ce qui n'était pas acquis du côté de Bercy ! -, mais non son réabondement à hauteur des besoins. Je vous invite donc, mes chers collègues, à résoudre ce problème de sincérité budgétaire en vue de l'examen de la mission « Culture » en séance publique.
Ce cadre budgétaire posé, je souhaite vous faire part de quelques appréciations sur l'action ministérielle en direction de la création.
Depuis plusieurs années, celle-ci consiste surtout en un lancement successif de programmes, de plans, d'outils spécifiques. Je m'interroge sur la pertinence d'une telle approche fragmentée qui s'apparente de plus en plus à du saupoudrage de crédits qu'à une politique publique cohérente et structurante.
Avec cet empilement de dispositifs, les acteurs culturels font état d'un triple manque. D'une part, un manque de lisibilité sur les conditions d'accès et sur les modalités d'attribution des crédits, la souplesse de gestion laissée aux Drac ayant pour corollaire une certaine opacité dans leur répartition selon les territoires et selon les structures. D'autre part, un manque de visibilité, faute de garantie sur le financement pluriannuel de ces dispositifs. Enfin, un manque de confiance en la parole de l'État qui, contraint budgétairement, a tendance à procéder par stop and go - nous l'avons vu avec le gel de la part collective du pass Culture, suscitant l'incompréhension et le découragement des acteurs.
Deux de ces dispositifs sont particulièrement mis en avant par le ministère.
Tout d'abord, le programme Mieux produire, mieux diffuser, lancé en 2024 pour refonder le système de production et de diffusion en développant les coopérations et les mutualisations. Deux cent quarante structures labellisées ou conventionnées en ont été bénéficiaires en 2024, trois cent trente-six le sont cette année, dont un tiers en zone rurale.
Alors que le programme repose sur un principe de financement paritaire « 1 euro de l'État, 1 euro des collectivités », la dégradation des budgets culturels locaux se traduit par une moindre participation des collectivités : 4,4 millions d'euros cette année contre 14,7 millions d'euros pour l'État. Celui-ci prévoit de stabiliser sa contribution en 2026, mais celle des collectivités étant très incertaine, le niveau de financement des projets déjà en cours et le nombre de nouveaux bénéficiaires sont eux aussi très incertains. Avec ce déséquilibre des contributions, c'est finalement la question de l'avenir du financement paritaire du programme qui est posée.
Au-delà de ce problème budgétaire, des inquiétudes me sont remontées sur le manque de transparence des critères de sélection des bénéficiaires et sur la logique de rentabilité qui sous-tend certains des projets retenus. Parce que Mieux produire, mieux diffuser est présenté comme une politique structurante pour le secteur, je crois nécessaire qu'une évaluation de ses résultats et de son pilotage soit menée en 2026, à l'image de ce qui a été fait cette année par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) pour le fonds d'innovation territoriale (FIT).
Ensuite, le plan Culture et ruralité, également lancé en 2024. Sur les 40 millions d'euros qui lui sont consacrés en 2025, le programme « Création » bénéficie de 5 millions d'euros pour trois mesures : le développement des artothèques, l'aide aux cafés et mairies à rémunérer des artistes, le soutien aux festivals.
Le principal mérite de ce plan est de mettre un coup de projecteur sur les dynamiques culturelles à l'oeuvre dans les territoires ruraux. Je trouve cependant un peu réductrice l'approche qui est faite de la culture en milieu rural, principalement abordée sous le prisme des « Villages en fête ». Par ailleurs, il me paraît quelque peu problématique que le volet ruralité ne constitue ni une porte d'accès ni un point d'appui aux programmes d'ordre général.
Sur le terrain, il semble que ses modalités, voire son existence, ne soient pas toujours bien connues des maires ruraux, alors que les nouveaux référents ruralité des Drac sont censés être leurs interlocuteurs privilégiés. Des acteurs culturels nous ont par ailleurs alertés sur le fait que, dans certains territoires, le plan a tendance à servir de nouvel affichage à des aides préexistantes qui sont réorientées.
Sur son économie générale, je crois qu'une réflexion globale sur le refinancement de la création et sur la répartition territoriale des crédits déconcentrés aurait été plus pertinente qu'un énième dispositif diluant les moyens.
Un dernier mot sur la situation des festivals, suivie de près par notre groupe d'études Arts de la scène, arts de la rue et festivals en région et sa présidente Sonia de La Provôté.
Vous vous souvenez sans doute de la table ronde organisée par la commission en septembre 2025 avec les représentants de la filière.
Si la concertation menée au printemps par le ministère mérite d'être saluée, les mesures qu'il a annoncées en juillet dernier n'ont pas encore trouvé de traduction concrète. Seul le dossier de la réglementation sonore a avancé, le groupe de travail interministériel mis en place étant parvenu à un premier diagnostic partagé.
Le directeur général de la création artistique nous a indiqué qu'« une feuille de route partagée » devrait être prochainement signée, mais sans plus de précision sur son calendrier et son financement. Sans moyens spécifiques, il est peu probable que cette feuille de route réponde aux nombreux enjeux de la filière.
J'en viens maintenant à l'enseignement supérieur public artistique, qui voit ses crédits globalement stabilisés en 2026.
Cette stabilisation ne suffit cependant pas à résoudre les nombreuses difficultés structurelles des écoles d'art et des écoles d'architecture qui, pour la plupart, demeurent dans une situation financière très critique.
Pour ce qui est des écoles d'art territoriales, nous avions adopté, lors de l'examen du PLF pour 2025, un amendement destiné à compenser l'exonération des droits d'inscription de leurs étudiants boursiers. D'un montant de 1,5 million d'euros, cette mesure est la seule avancée budgétaire notable depuis le diagnostic très complet posé par Pierre Oudart en 2023.
Le ministère nous a confirmé qu'elle serait bien « soclée » dans la dotation 2026 versée aux écoles. Leurs représentants nous ont toutefois alertés sur un problème de reste à charge pour certaines d'entre elles, que j'ai relayé auprès de la nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche.
Un an et huit mois après l'annonce par la ministre d'un plan global de réforme des écoles d'art territoriales, celui-ci se fait toujours attendre. Le chantier de cartographie de l'offre de formation a avancé, mais il n'est pas encore achevé. La mission confiée aux inspections pour objectiver la situation financière des écoles, initialement programmée pour 2024, n'a été lancée qu'à l'été dernier, pour un rendu attendu début 2026. Sans les résultats de cette mission, le projet du ministère d'un ciblage de ses financements sur le fonctionnement pédagogique des écoles territoriales demeure flou. Ce manque de visibilité génère beaucoup d'inquiétude parmi les équipes administratives et pédagogiques.
Même si la nouvelle directrice générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche semble vouloir faire avancer les choses - elle nous a annoncé un plan d'action stratégique à l'horizon de l'été 2026 -, j'ai la regrettable impression que beaucoup de temps a été perdu depuis début 2024.
En ce qui concerne les écoles nationales d'architecture, qui ont fait l'objet d'un soutien renforcé de l'État après la crise survenue en 2023, elles n'ont pas toutes recouvré la santé financière, dans un contexte de hausse généralisée de leurs charges. Surtout, ces écoles sont confrontées à un sous-dimensionnement persistant de leur masse salariale qui les contraint à ne plus assurer certaines missions de service public, comme l'accompagnement de leurs étudiants dans l'emploi.
Autre sujet devenu structurel : leurs effectifs n'ont pas augmenté depuis dix ans à cause de la saturation de leurs capacités d'accueil et de leurs moyens d'encadrement. L'objectif d'une augmentation de 20 % des étudiants en architecture d'ici à 2030, prévu par la nouvelle stratégie nationale pour l'architecture, ne semble guère réaliste faute de moyens financiers et humains adéquats. Je note d'ailleurs que le PLF pour 2026 ne prévoit aucune enveloppe consacrée à cet objectif.
J'en terminerai par le pass Culture et la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC).
Cette année a été marquée par l'entrée en vigueur de la réforme de la part individuelle du pass Culture. Alors qu'un consensus avait émergé sur la nécessité de procéder à un lissage des montants attribués à chaque tranche d'âge entre 15 et 18 ans, le ministère a fait le choix de concentrer le dispositif sur les jeunes âgés de 17 ans et plus. Les jeunes de 15-16 ans en sont désormais exclus. Une bonification de 50 euros à 18 ans a par ailleurs été créée pour les jeunes en situation de handicap et ceux dont les parents ont des revenus modestes.
Sur le plan budgétaire, la part individuelle continue de voir sa voilure fortement réduite, celle-ci passant de 171 millions d'euros en lois de finances initiale (LFI) pour 2025 à 127,5 millions d'euros dans le PLF pour 2026.
S'il est encore trop tôt pour mesurer les effets de cette réforme, je m'interroge sur la pertinence du recentrage du dispositif sur les jeunes de 17 ans et plus. Selon la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture - qui deviendra enfin opérateur de l'État au 1er janvier prochain -, ce recentrage est justifié par « un parcours de découverte culturelle plus clair et progressif » : le jeune collégien, puis lycéen bénéficie d'activités d'EAC dans le cadre de la part collective ; devenu jeune adulte, il reçoit la part individuelle qui lui permet de s'autonomiser dans ses pratiques culturelles.
Cette logique ne fonctionne que si la part collective joue pleinement son rôle. Or son gel en début d'année a brutalement mis à l'arrêt de nombreux projets dans les établissements scolaires. Ce contexte n'a évidemment pas été propice à un travail conjoint du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale, que nous réclamons depuis plusieurs années, pour mieux articuler les deux volets.
Alors que nos collègues de la commission des finances envisagent la suppression de la part individuelle, je crois qu'une certaine stabilité est nécessaire à l'égard d'un public jeune, qui vient tout juste d'intégrer la nouvelle formule. En outre, dans le contexte budgétaire actuel, je doute que la place laissée vacante par la part individuelle soit réinvestie par les politiques d'EAC de l'État et des collectivités territoriales, ce que nous demandons de manière récurrente. J'attire également votre attention sur le fait qu'une éventuelle extinction du dispositif devra s'accompagner du maintien de financements pendant plusieurs années, afin de couvrir les engagements déjà pris. Rien qu'au 1er janvier 2026, sans nouveau bénéficiaire, le besoin de financement est chiffré, en hypothèse basse, entre 115 et 133 millions d'euros.
Le budget consacré à l'EAC, hors pass Culture, a pour sa part subi en LFI pour 2025 une forte baisse, à hauteur de 20 %. Le PLF pour 2026 prévoit d'entériner cette diminution.
Il est très regrettable que les économies dégagées sur la part individuelle ne permettent pas de réabonder, au moins en partie, d'autres dispositifs d'EAC, relégués en arrière-plan depuis la création du pass Culture, devenu à lui seul la politique d'EAC du ministère. Or nous n'avons de cesse de le répéter : ce pass est un outil et ne saurait constituer en soi une politique publique.
Notre commission dénonce régulièrement les carences de la politique publique d'EAC, renforcées par l'irruption du pass Culture : illisibilité, défaillance de la gouvernance et sous-financement, avec la multiplicité des acteurs qui interviennent. Le diagnostic est connu et partagé, mais l'État ne semble pas prendre la mesure du chantier à mener.
Tels sont les éléments de contexte et d'analyse que je souhaitais porter à votre connaissance. Vous l'aurez compris à la teneur de mes propos, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 131 et 361.
Mme Else Joseph. - Les programmes 131 et 361 incarnent le soutien de l'État au spectacle vivant, aux arts visuels, aux métiers d'arts ainsi qu'aux professions artistiques. Leur champ d'application est donc vaste, de même que leur ambition, car ils touchent à l'avenir de la culture dans notre pays.
Malgré un transfert de masse salariale vers l'établissement des Manufactures nationales, la diminution conjuguée des crédits des deux programmes est de l'ordre de 4,5 % par rapport à la loi de finances de 2025, ce qui ne manquera pas de provoquer d'importantes conséquences sur certains soutiens à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture, et je partage à cet égard pleinement les inquiétudes de la rapporteure.
Je comprends certes la nécessité d'un effort de redressement de nos comptes publics, mais ces conséquences ne doivent être ni niées ni éludées.
La création artistique renvoie d'abord à la situation de nos festivals et du spectacle vivant ainsi qu'à la poursuite de mesures engagées lors d'exercices budgétaires précédents - par exemple le récent programme Mieux produire, mieux diffuser, le plan Culture et ruralité, le plan Cabaret ou le plan Artistes auteurs - ; il faut aujourd'hui s'interroger sur leur pérennisation.
Le Fonpeps semble sous-budgété au regard de ses missions. Si la ministre a annoncé devant l'Assemblée nationale qu'elle en avait obtenu la prorogation pour trois ans, plusieurs autres dispositifs de soutien à l'emploi arrivent à échéance à la fin de l'année ; qu'en sera-t-il au-delà de ce terme ?
En dépit du principe d'annualité budgétaire, voyons plus loin, notamment quant au devenir du spectacle vivant et des festivals dans nos territoires. C'est en particulier dans les zones rurales que les inquiétudes sont les plus vives à ce sujet.
Comment, dans un contexte budgétaire délicat, assurer pour les prochaines années le maintien des actions en zone rurale, sans augmenter les dépenses, mais sans non plus revenir sur les engagements pris et la parole donnée ?
La culture reste dépendante du budget de l'État, tandis que de nombreuses collectivités territoriales sont contraintes de se désengager, parfois fortement, dans ce domaine. La baisse des crédits déconcentrés ne pourra qu'avoir un impact dans nos territoires ; la situation justifie d'ailleurs que nous réfléchissions à la possibilité d'amendements concernant la situation des Drac.
La responsabilité budgétaire ne doit pas faire oublier le soutien à nos festivals et à la scène artistique. L'urgence commande des signes forts : 10 % de ces festivals ont en effet déjà disparu. Comment les aider à repenser leur modèle, sans les sacrifier, face à la hausse de certains coûts, notamment ceux de l'énergie ?
Il convient également de se pencher sur la stratégie en faveur des métiers d'art, une filière exportatrice constituant un atout éminent de la marque France dans le monde. Quid de cette stratégie pour l'année à venir et de la mise en oeuvre du plan France 2030 dans un contexte d'échanges internationaux tendu, avec, notamment, la hausse des droits de douane américains ?
Le soutien au théâtre privé est un impératif. On peut s'interroger sur la pertinence du plafonnement des taxes sur la billetterie. L'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) reverse 65 % du montant brut des taxes acquittées aux entreprises redevables. Nous étions déjà intervenus l'année dernière pour la levée de tels plafonds, notamment en raison du caractère sélectif des aides.
Au chapitre de la hausse des coûts, nous constatons celle de la contribution sociale généralisée (CSG) des artistes auteurs, que l'État entend traiter intégralement dans le cadre du Fonpeps. C'est, dans le soutien à la création artistique, un paramètre appelé à être désormais pris en compte. Dès lors, comment faire en sorte que les programmes que nous examinons ne soient pas absorbés par la question de la hausse de certains coûts et comment, surtout, mieux en anticiper le risque ?
Il importe de ne pas sacrifier non plus l'EAC et, de nouveau, le compte n'y est pas avec le PLF 2026, car les difficultés structurelles subsistent dans ce domaine.
Enfin, la question fondamentale reste celle de la liberté de création, trop souvent remise en cause, ce dont faisait état le rapport que Sylvie Robert, Monique de Marco et moi-même avions rendu en 2024. Les attaques à l'encontre de cette liberté qui n'a pas de prix s'avèrent de plus en plus fréquentes.
En l'état, le PLF 2026 emporterait donc de lourdes conséquences pour les filières et les métiers qui nous intéressent et qui sont à préserver, la culture jouant un rôle majeur dans tous les territoires.
L'avis du groupe Les Républicains demeure néanmoins réservé en considération, par ailleurs, de la situation des finances publiques et des impératifs d'économies.
Mme Colombe Brossel. - La première chose qui frappe à l'examen de ces crédits, c'est l'absence de pilotage. Nous avons le sentiment d'assister à la présentation d'un budget - dont la ministre nous dit par ailleurs qu'il est en hausse sur tous les postes - qui ne consiste qu'en un empilement de plans, de chantiers parfois engagés mais jamais achevés, sans la moindre cohérence d'ensemble. Cette absence de toute cohérence semble problématique, voire dangereuse, en ce qu'elle contribue à une forme de délitement d'un certain nombre de politiques qui, sous divers angles - culture et soutien à la création artistique, animation des territoires ou encore emploi -, fonctionnaient.
Nous sommes devant un catalogue de mesures sans ligne directrice politique, à l'énumération desquelles je pourrais à mon tour contribuer, en relevant, selon les cas, les sujets non traités ou laissés au milieu du gué. Où veut-on aller ? Je n'en sais rien.
Certes, le Fonpeps est sauvé, mais il ne l'est absolument pas au niveau nécessaire à la consolidation d'emplois pérennes. De même, comment se satisfaire du seul constat que l'EAC n'est pas supprimée, quand nous mesurons au quotidien combien elle contribue à la découverte, la curiosité, l'émancipation des enfants et des élèves de notre pays ?
Nous n'avons par exemple pas compris, après l'annonce d'hier relative au dispositif Ma classe au cinéma, auquel le ministre de l'éducation nationale se montre attaché, s'il fallait espérer en trouver une quelconque traduction budgétaire.
La politique d'empilement, voire de réactivation de plans ne correspond pas à une politique en faveur de la création ; c'est pourquoi nous suivrons l'avis de la rapporteure.
Mme Sonia de La Provôté. - Je félicite la rapporteure de la qualité de son travail, dont le résultat reflète fidèlement ce qui se passe dans ce moment singulier où s'ouvre une brèche dans le pacte entre l'État et les collectivités locales en matière de politique culturelle publique, avec la fragilisation des deux acteurs qui s'en partagent la compétence. D'un côté, le ministère voit son budget diminuer, de l'autre, les collectivités, prises dans la nasse budgétaire que nous connaissons, sont contraintes à des choix qui, en dépit de différences entre elles, conduisent dans leur ensemble à un moindre financement et accompagnement de la culture.
L'édifice global s'en trouve fragilisé avec, en arrière-plan, des conséquences sur l'équité territoriale dans l'accès à la culture et une remise en cause de la diversité de l'offre culturelle.
Nous n'observons pas, en réaction, davantage de pilotage. On ne nous propose ni stratégie, ni priorités, ni feuille de route, et c'est en effet une espèce de catalogue de politiques publiques s'empilant les unes sur les autres qui nous est présenté. Pour sa part, l'évaluation - indispensable pour nous situer -reprend tout juste, et nous ne disposions plus, depuis 2019, d'Atlas régional de la culture.
Dans ce contexte, si plus de la moitié des festivals peuvent se prévaloir d'une jauge de fréquentation supérieure à 90 %, 45 % d'entre eux connaissent aussi de graves difficultés budgétaires. Or ils sont une porte d'entrée vers la culture dans quasiment tous les territoires.
Le PLF 2026 ne traite pratiquement pas des arts visuels, qui participent eux aussi largement de l'accès à la culture dans les territoires.
Nous n'avons aucune visibilité sur l'EAC et nous ne récupérons pas, d'un point de vue budgétaire, ce que nous avons perdu sur la part individuelle du pass Culture.
En définitive, dans ce contexte de fragilisation de la politique publique de la culture, nous restons dans l'attente d'un ministère jouant son rôle de chef de file, de pilote et de stratège, à la fois capable de rassurer et de guider dans leurs propres choix les collectivités territoriales. Ce n'est cependant pas la réponse qu'il nous propose, en se bornant à une approche strictement financière. En l'état, le groupe Union Centriste suit donc l'avis défavorable de la rapporteure.
M. Pierre Ouzoulias. - Je partage le propos de Sonia de La Provôté. Si l'on approfondit la réflexion du point de vue historique, il faut remarquer que, dans les années 1980, la politique de l'État a incité les collectivités à investir le champ de la culture. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, la part du budget consacrée à la culture en France avoisinait 1 % du PIB. Depuis lors, ce pourcentage n'a cessé de diminuer. La part des investissements des collectivités reste cependant supérieure à celle de l'État, dans une proportion de 60 %- 40 %.
Nous avons aujourd'hui le sentiment que cet effet d'entraînement n'existe plus, que les politiques respectives de l'État et des collectivités sont dissociées, et que lorsque les secondes revoient à la baisse leur investissement, c'est l'ensemble de la culture qui en pâtit.
La question centrale est celle de savoir quelle est encore l'utilité des Drac. Existe-t-il toujours une politique culturelle de l'État dans les régions ? Les Drac conservent quelques missions que nous pourrions qualifier de régaliennes, notamment dans le domaine patrimonial, qu'elles parviennent encore, bon an mal an, à mettre en oeuvre ; mais, en dehors de cela, nous n'avons plus aucune visibilité sur leur rôle et force est d'observer qu'elles n'apportent aujourd'hui plus de soutien aux politiques culturelles locales. Je crains qu'il ne faille en outre reconnaître, dans ce domaine aussi, une forme d'« archipellisation », avec des métropoles qui demeurent les seules à s'en sortir, parce qu'elles conservent les moyens budgétaires d'une politique culturelle.
Quant au pass Culture, il apparaît comme une forme d'excroissance élyséenne sur le budget de la culture, comme un greffon qui non seulement dépérit, mais fait également dépérir l'arbre originellement sain dans lequel il a été inséré. Nous relevons en effet une forme de mise en concurrence des politiques nationales entre elles.
Nous suivrons l'avis de la rapporteure.
Mme Monique de Marco. - Le catalogue des mesures intégrées dans le PLF 2026 apparaît assez déprimant, en ce qu'il tend en effet à confirmer de sévères coupes budgétaires dans le soutien au spectacle vivant et à l'emploi artistique.
Le spectacle vivant subit la chute de ses crédits et, quoi que l'on en pense, la pérennité du plan Culture et ruralité n'est pas assurée. La baisse du soutien de l'État est incompréhensible dans un contexte où le spectacle vivant est en train de s'effondrer sous l'effet conjugué du désengagement des collectivités territoriales et de la hausse des coûts fixes. Une compagnie sur cinq pourrait ainsi disparaître. Face à ce constat dramatique, l'État aurait dû répondre présent, rehausser son soutien et non le sabrer.
Pour sa part, le soutien à l'emploi artistique accuse une baisse de 5 millions d'euros, soit 7 % de ses crédits.
Par ailleurs, le Fonpeps continue d'être sous-crédité à hauteur de 35 millions d'euros, alors que les besoins sont évalués à 55 millions d'euros.
Les crédits dévolus à la démocratie culturelle et à l'EAC sont également durement touchés. La loi de finances pour 2025 avait déjà supprimé 15 % de ces crédits, avec pour effet d'annuler des parcours artistiques dans les écoles et des résidences d'artistes, de diminuer des heures d'intervention dans les établissements scolaires ou d'amoindrir la portée des projets en zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces constats pourraient donc s'aggraver en 2026.
Le pass Culture a été supprimé pour les 15-16 ans. Cela n'apparaît pas justifié, car c'est aussi un âge où l'on développe tout particulièrement ses goûts culturels. Le montant alloué aux plus de 18 ans a été réduit et une application de géolocalisation culturelle est censée garantir une meilleure transparence de l'offre culturelle, ce qui reste à démontrer. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST), favorable à un recentrage du pass, juge décevante la proposition avancée par le PLF en la matière. La diversification des pratiques n'est pas, non plus, assez renforcée.
Surtout, on peut regretter que l'économie de 43 millions d'euros ne soit pas redirigée vers le soutien à la création et, notamment, vers le spectacle vivant ou d'autres outils de démocratisation de la culture. La réforme du pass Culture doit être non une mesure d'économie, mais une manière de redistribuer plus efficacement les crédits d'un dispositif peu efficace et coûteux.
Quant aux festivals, je vous alerte sur la situation de ceux de la région Nouvelle-Aquitaine. Certains seront contraints, faute de financements suffisants, de faire une pause en 2026.
Les crédits consacrés à la culture avaient augmenté en 2022 et 2023, puis étaient restés stables en 2024 et 2025. Le PLF 2026 prévoit une baisse brutale de ces crédits. La ministre ne peut désormais plus se targuer d'avoir préservé le budget de la culture des coups de rabot de Bercy.
Pour toutes ces raisons, nous suivrons l'avis défavorable de la rapporteure.
M. François Patriat. - Avec 3,7 milliards d'euros de crédits pour 2026, la mission « Culture » prend certes part à l'effort budgétaire, mais n'oublions pas que le secteur de la culture a bénéficié d'un soutien important au cours des huit dernières années. Entre 2017 et 2025, les crédits qui lui ont été alloués ont augmenté de près de 1 milliard d'euros.
En ce qui concerne plus spécifiquement les crédits du programme 131 relatifs à la création, ils connaissent une hausse proche de 1 % en autorisations d'engagement (AE) et une diminution d'environ 3 % en crédits de paiement (CP). La création a été l'un des principaux bénéficiaires, de l'ordre de 25 %, de la hausse des crédits des dernières années. Cette hausse a accompagné l'essor du spectacle vivant observé pendant la même période.
Le programme 131 traduit des orientations stratégiques essentielles : le soutien à la diversité et au renouvellement de l'offre artistique, le renforcement de la place de la culture au coeur des territoires ruraux ou encore le soutien à l'emploi artistique.
Il permettra de financer la poursuite du plan Mieux produire, mieux diffuser pour le spectacle vivant et les arts visuels, grâce à une dotation de près de 15 millions d'euros. Ce plan reçoit un accueil favorable du secteur et a bénéficié, depuis 2024, d'une augmentation de crédits que l'on ne peut que saluer.
Le programme prévoit également les travaux de rénovation du Palais de Tokyo, avec un démarrage prévu début 2027.
Enfin, au sujet des festivals, le public est, d'année en année, au rendez-vous. On observe cette hausse de la fréquentation quand, dans le même temps, de nombreux festivals rencontrent des difficultés financières. Le baromètre des festivals du ministère de la culture a démontré que, en 2024, 46 % de ceux qui avaient répondu à l'enquête se trouvaient en situation de déficit.
La concertation mise en place de janvier à juin dernier sur l'avenir des festivals a permis d'apporter des réponses. Sur le long terme, leur modèle économique devra donc sans doute être repensé.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) votera en faveur des crédits relatifs à la création.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Ma collègue Sonia de La Provôté a pointé du doigt le sujet le plus important : dans un contexte difficile qui impose que chacun consente à des efforts, il n'y a ni stratégie nationale ni concertation approfondie, pourtant plus que jamais nécessaire, notamment avec les collectivités territoriales qui financent pour une large part aujourd'hui ce secteur.
L'État ne peut plus faire sans elles. Or des instances de concertation existent. Le Conseil des territoires pour la culture (CTC) n'a pas été réuni depuis plusieurs mois. En son sein, les différents niveaux de collectivités territoriales ont réclamé à la ministre la formation d'un groupe de travail qui se consacre à ces questions non seulement budgétaires, mais aussi de décentralisation - par exemple celle des labels qui qualifient un certain nombre de scènes et de salles et permettent un maillage territorial ; nombre de collectivités souhaiteraient que la labellisation porte sur les aspects davantage qualitatifs que quantitatifs.
Pourtant, les chantiers ne s'engagent pas. Les annonces du ministère - notamment sur le plan Culture et ruralité ou le pass Culture - sont toujours intervenues sans que les collectivités y soient impliquées et ne se sont jamais reposées sur ce que ces dernières faisaient déjà. Le plan Culture et ruralité aurait dû prendre en compte les réalisations des départements et des régions en matière d'accompagnement et de structuration de l'offre culturelle dans les territoires, avec l'émergence des compétences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Il en résulte une perte d'énergie, au détriment de l'identification de solutions ou de dispositifs en place qui, tel le plan Mieux produire, mieux diffuser, nécessitent une co-construction.
Les acteurs de la culture sont extrêmement inquiets de ce qui se profile si une nouvelle loi de décentralisation est très prochainement adoptée, ainsi qu'on nous l'annonce. Ils craignent un chantier bâclé, qui ne prenne pas suffisamment en compte la spécificité du secteur culturel. Le spectacle vivant requiert par exemple le bénéfice de la compétence partagée.
Enfin, j'attire l'attention sur le fait que nous ne traitons pas uniquement du budget de la culture, mais aussi de celui de nos collectivités territoriales. Je m'inquiète par exemple de la proposition qui concerne le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), et qui prévoit de multiplier par deux, jusqu'à 500 millions d'euros, l'effort des régions. Or, comme le montre la Cour des comptes, ces dernières ne connaissent en réalité pas une situation plus enviable que celle d'autres niveaux de collectivités. Elles seraient alors conduites à se désengager elles-mêmes de certaines politiques culturelles.
Il nous faut être attentifs sur tous les fronts.
Mme Laurence Garnier. - Je rejoins notre rapporteure sur la question des engagements budgétaires pluriannuels relatifs au pass Culture : les financements en cours doivent être honorés.
Rappelons néanmoins ce à quoi correspond aujourd'hui principalement le pass Culture. Les abonnements les plus populaires auxquels il permet de souscrire sont en grande partie ceux des plateformes de streaming Netflix, Spotify et Deezer. En ce qui concerne les livres, ce sont avant tout des mangas qu'il permet à nos jeunes d'acquérir : les douze premiers ouvrages achetés appartiennent ainsi tous à cette catégorie. Dans l'état actuel de nos finances publiques, est-ce le rôle d'un outil de politique culturelle de financer d'abord l'achat de mangas ?
Le pass Culture permet encore l'achat de contenus de réseaux sociaux, au premier rang desquels nous trouvons notamment celui de Lena Situations, influenceuse particulièrement populaire auprès des jeunes filles. Or nous sommes nombreux à nous interroger sur les conséquences de la surconsommation de réseaux sociaux par nos adolescents et jeunes adultes. On ne peut à la fois estimer que les réseaux sociaux sont trop présents et en dénoncer les dangers, et en favoriser la consommation via le pass Culture.
M. Max Brisson. - Avec la mission « Culture » comme avec beaucoup d'autres, nous sommes arrivés au bout du chemin. Au cours des dernières années, chaque ministre a voulu, dans la société de communication qui est la nôtre, laisser sa trace par un dispositif nouveau. Ces dispositifs culturels se sont empilés les uns après les autres. Les pauvres Drac, aujourd'hui, n'en peuvent plus !
Aux grandes politiques structurantes qui ont fait l'honneur du ministère de la culture et de notre pays une exception culturelle, a succédé une politique des coups d'annonces, devenue à présent le mal de notre pays. La dette publique ramène la ministre, mais aussi chacun d'entre nous, aux réalités.
J'entends dire que tel ou tel dispositif est en péril à cause du rabot en action depuis trois ou quatre ans, et particulièrement cette année. Chacun, lorsqu'il défend l'un de ces dispositifs, est des plus convaincants et les arguments qu'il utilise sont des plus pertinents. Reste que notre État est au bord de la faillite et que c'est aussi un argument à mettre sur la table !
Ce qu'il manque sur le sujet de la culture comme sur bien d'autres, c'est une redéfinition des missions de l'État et des moyens affectés à ces missions.
Voilà pourquoi nous suivrons en définitive, bien que ce ne soit pas tout à fait pour les mêmes raisons, l'avis de la rapporteure.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Merci à tous de vos remarques qui confortent l'analyse portée collectivement à l'issue des auditions que nous avons menées.
Je le dis avec gravité, c'est la première fois que je vous propose un avis défavorable. Une « simple » baisse de crédits m'aurait paru imposée par le contexte budgétaire actuel. Dans le PLF pour 2026, cette baisse se cumule cependant avec une augmentation du nombre des dispositifs de l'État, mais aussi de ceux des collectivités territoriales.
À l'approche des prochaines échéances électorales locales, de plus en plus de collectivités sont en effet tentées, afin de maîtriser les budgets, notamment dans le domaine de la culture, de procéder à un mode d'allocation des crédits par appels à projets. Du fait de l'absence de politique culturelle véritable, la part des montants distribués dans le secteur de la culture allant à la création, à la diffusion et au public se réduit ainsi au profit des coûts administratifs et de gestion.
L'avis que vous allez rendre est l'occasion d'alerter sur le caractère délétère de cette situation pour l'ensemble des acteurs de la culture. Certains de ces acteurs nous expliquent qu'une compagnie théâtrale, de danse ou d'arts de la rue répond à quarante ou cinquante appels à projets par an, pour n'obtenir en définitive de financements que pour cinq ou six d'entre eux. Cela représente des coûts d'administration et de gestion qui sont perdus tant pour elle que pour les structures publiques à l'origine des appels à projets et qui en traitent les dossiers. Nous sommes arrivés au bout de ce système.
Le seul plan Culture et ruralité comprend vingt-trois programmes différents. C'est pourquoi je suggère que les Drac aient la main sur les arbitrages territoriaux relatifs à l'affectation des crédits, afin de définir des priorités.
Enfin, je vous propose d'avoir en séance une action concertée et coordonnée en vue du réabondement du Fonpeps, qu'il me paraît plus transparent de décider au moment du vote de la loi de finances plutôt qu'en cours d'exercice budgétaire.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2026.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs au cinéma - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de Jérémy Bacchi sur les crédits consacrés au cinéma.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits relatifs au cinéma. - Pour le cinéma, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Après une année 2024 au cours de laquelle la fréquentation s'était finalement maintenue grâce à de grands succès du cinéma français, mais une année également marquée par des révélations accablantes sur les violences sexuelles et sexistes, 2025 s'achève par une baisse très forte des entrées en salle.
Depuis le 1er janvier dernier, 122 millions d'entrées ont été enregistrées, soit un recul de 15 % par rapport à la même période de 2024. Après les 181 millions d'entrées de 2024, soit un quasi-rattrapage par rapport à l'avant-covid - 2019 totalisait 210 millions d'entrées -, on devrait avoir du mal à atteindre les 168 millions d'entrées en 2025, chiffre le plus bas depuis vingt-cinq ans.
Toute la question est de savoir s'il s'agit d'un creux conjoncturel ou d'un nouveau plancher.
Il existe quelques arguments en faveur de la première hypothèse, celle d'un simple trou d'air. Le cinéma est une économie de l'offre, et l'année 2025 a été en retrait sur ce plan. Le cinéma d'outre-Atlantique a représenté seulement 30 % des entrées en 2025, son point le plus bas depuis quarante ans. On pourrait être tenté de crier « cocorico », mais ce serait une erreur : c'est non le dynamisme du cinéma français, mais l'absence de blockbusters américains qui est en cause, et cela fragilise toute la profession.
Le plus gros succès, Lilo et Stich, n'a obtenu que 5 millions d'entrées. En 2024, trois films américains avaient fait mieux. Les effets de la grève des scénaristes d'Hollywood se font, semble-t-il, toujours sentir. Et alors que l'année 2024 avait vu deux immenses succès français, Un p'tit truc en plus et Le comte de Monte-Cristo arrivant aux deux premières places du box-office, rien de comparable malheureusement en 2025. Le plus grand succès, le cinquième Tuche, n'a réuni « que » 3 millions de spectateurs. Les films d'art et essais n'ont pas démérité, mais cela ne peut pas compenser cette absence de locomotives.
Pour sauver un peu le millésime, tous les espoirs reposent donc sur Avatar 3 et Zootopie 2, dont les sorties sont annoncées pour les prochaines semaines.
Inversement, il y a quelques raisons d'espérer pour l'année prochaine avec les sorties attendues des Misérables, de De Gaulle, du Marsupilami, ou encore des Légendaires.
L'autre hypothèse, plus pessimiste, serait que nous descendions vers un nouveau plateau sensiblement plus bas que celui de l'avant-covid, du fait d'une accentuation de tendances déjà présentes, mais masquées l'année dernière par quelques succès exceptionnels. Des jeunes, mais aussi des moins jeunes, auraient durablement basculé vers les plateformes. Le public serait désorienté, la promotion des films par les distributeurs n'étant, selon certains, pas assez dynamique. Il y aurait également une prudence supplémentaire sur les dépenses de loisirs, dont les sorties cinéma seraient les premières à souffrir.
Quelles qu'en soient les causes, les exploitants ont pris cette baisse de la fréquentation de plein fouet. En effet, elle se combine avec une poursuite du gonflement des charges et des loyers, une diminution des aides de certaines collectivités et un taux d'endettement souvent élevé, dû à des investissements importants les années précédentes.
Selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), il ne s'agit pas encore d'une catastrophe : le solde entre les ouvertures et les fermetures de salles n'est négatif que de cinq ou six unités. Mais la crise est bien là.
Quelle a été, justement, la réaction du CNC à cette situation ?
Afin de soutenir les exploitants, il a mis en place deux mesures. La première a consisté en une augmentation de 5 millions d'euros du soutien automatique à l'exploitation. La seconde, une avance sur ce soutien automatique, a été débloquée pour les petits et moyens exploitants ; elle peut se prolonger pendant trois ans et permet à ses bénéficiaires de notamment faire face aux échéances d'emprunts contractés pour se moderniser.
Ce dispositif a montré son utilité puisqu'il y a eu de l'ordre de 120 demandes, dont 70 entrent dans les critères d'éligibilité et seront satisfaites. Or il a pu être déployé rapidement grâce à la bonne santé financière du CNC.
Vous le savez, en cette période où l'on cherche partout des marges de manoeuvre budgétaires, le modèle financier du Centre a été parfois remis en cause, avec des arguments plus ou moins valables.
Le précédent projet de loi de finances (PLF) avait prévu un prélèvement de 450 millions d'euros sur la trésorerie du CNC. Deux remarques à cet égard. D'une part, seules les provisions du Centre avaient été mises à contribution et il n'y avait pas eu de conséquences pour les aides versées. D'autre part, pendant la pandémie de covid-19, le secteur avait reçu une manne de près de 450 millions d'euros en provenance du budget de l'État. Cette ponction s'apparentait donc à une forme de restitution.
Le PLF 2026 prévoit quant à lui une nouvelle ponction de 50 millions d'euros.
Un tel montant n'emportera pas de conséquences majeures pour l'activité du CNC, du fait de la situation financière saine de ce dernier. En effet, le panier de taxes qui alimentent le Centre se stabilise à un niveau assez élevé. Celles qui sont dynamiques, comme la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), qui touche les plateformes, compensent celles dont le rendement est en baisse.
En revanche, et c'est là le danger, la récurrence de ce prélèvement commence à ressembler à la mise en place d'un écrêtement.
Il y aurait alors un sujet de consentement à l'impôt, car les finances du CNC sont alimentées par des taxes additionnelles sur la profession. Les grandes plateformes américaines, déjà réticentes à participer à ce système, risqueraient d'en tirer des arguments forts pour le remettre en cause, y compris sur le plan contentieux. Il faut donc rappeler que ce prélèvement est exceptionnel et doit le rester.
Deuxième sujet, qui a fait l'objet d'amendements à l'Assemblée nationale, le crédit d'impôt cinéma et le crédit d'impôt international (C2I) restent finalement intacts, des évaluations ayant montré qu'ils ont un coût fiscal net réduit et sont efficaces pour obtenir la localisation des tournages en France. Nous pouvons nous en féliciter.
J'évoquerai à présent quelques sujets d'actualité qui ont, ou auront des conséquences majeures pour la filière.
Tout d'abord, un événement important est intervenu en 2025 : le rachat de 34 % d'UGC par Canal+, en attendant une prise de contrôle majoritaire en 2028.
Dans ce dossier, il me semble qu'il y a à la fois un motif de satisfaction et un motif, sinon de préoccupation, du moins de vigilance. La satisfaction, c'est que la situation financière d'UGC était compliquée et que l'appétence pour la salle d'un acteur majeur de l'audiovisuel tel que Canal+ est un signal positif fort pour l'avenir de l'ensemble du cinéma français. Canal+ et UGC avaient d'ailleurs déjà opéré des rapprochements dans de nombreux domaines, du catalogue de films aux offres combinées d'abonnement. Le motif de vigilance, quant à lui, c'est que, de manière générale, il ne faudrait pas qu'une concentration accrue se traduise par une réduction de la diversité de la production.
De fait, qu'observons-nous du côté de la production cinématographique ?
En première analyse, la situation est bonne puisqu'elle a retrouvé son niveau d'avant-covid, avec des budgets satisfaisants. Si l'on creuse un peu, il y aurait cependant davantage d'aversion au risque de la part des diffuseurs, notamment pour les films dits « du milieu », c'est-à-dire les films populaires à prétention artistique et à budget moyen. Ils ne sont pas moins nombreux à être financés, mais les producteurs estiment parfois devoir choisir des thèmes plus consensuels pour espérer convaincre France Télévisions ou Canal+.
Évidemment, c'est difficile à objectiver, mais il nous faudra rester vigilants sur ce point : la consolidation économique ne doit pas se faire au détriment de la diversité artistique.
Le deuxième sujet d'actualité, c'est encore et toujours la chronologie des médias.
Un nouvel accord a été conclu en février 2025. Deux acteurs ont souscrit des engagements significatifs. C'est le cas de Canal+ qui maintient son statut de premier financeur et conserve corrélativement son positionnement à six mois. Disney+ pourra pour sa part proposer les films à neuf mois, contre dix-sept auparavant, en contrepartie d'un engagement renforcé de financement, fondé sur un pourcentage de son chiffre d'affaires.
Cet accord, étendu par arrêté de la ministre de la culture, a été contesté par les nouveaux entrants, Netflix et Amazon Prime Video, qui ont introduit un recours devant le Conseil d'État. L'affaire ne devrait pas être audiencée avant l'année prochaine. L'enjeu est la fenêtre d'exploitation des films de ces deux plateformes américaines, qui commence respectivement à quinze et dix-sept mois, mais qu'elles souhaiteraient voir avancer à douze mois. La question est de savoir à quel point cela peut se faire au détriment de Canal+ ou de ses obligations de financements, ou si un compromis peut être trouvé entre l'ensemble des acteurs.
À ce stade, le plus probable est qu'un tel compromis finisse par être obtenu. Mais il existe toujours un risque que l'ensemble de la machine s'enraye, d'autant que l'Autorité de la concurrence (ADLC) s'est autosaisie de la question et que l'on attend toujours sa décision.
Troisième sujet d'actualité, l'année dernière avait été marquée par des révélations en cascade sur les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma.
Sur ce front, le milieu semble progresser vers une meilleure prévention, avec notamment des décisions inédites au Festival de Cannes 2025.
Surtout, l'obligation imposée par le CNC de former les équipes de tournage dans leur ensemble est effective depuis le 1er février 2025. Jusqu'alors, seul le chef d'entreprise était visé. Il s'agit en outre d'une nouvelle condition d'accès aux aides du CNC.
Peu à peu, grâce en particulier à toutes celles qui ont eu le courage de dire ce qu'elles avaient vécu, l'évolution positive du milieu du cinéma se concrétise avec la mise en oeuvre de nouvelles règles par ses institutions et par ses acteurs. Seule une évaluation sur le moyen terme nous permettra cependant de dire si ces progrès sont effectifs.
Dernier sujet d'actualité, celui de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), actuellement en cours d'évaluation.
Les plateformes américaines sont extrêmement actives dans ce processus d'évaluation, avec pour objectif de minorer leurs obligations de financement. C'est dans ce contexte que le CNC a lancé une révision du décret service de médias audiovisuels à la demande (Smad) qui transpose cette directive en droit français, pour créer une sous-obligation de financement des films d'animation à hauteur de 20 % de l'obligation totale.
Pourquoi une telle décision que l'on pourrait estimer risquée dans le contexte actuel ? Parce que le secteur de l'animation, un des fleurons du cinéma français, est en sérieuse difficulté dans notre pays du fait de la baisse de financement des plateformes. Plusieurs sociétés ont mis la clef sous la porte. La nouvelle obligation de financement créée par le CNC devrait donc offrir un bol d'air au secteur. Encore faudrait-il que nous parvenions à éviter une remise en cause globale de la directive SMA. Je serai particulièrement vigilant sur ce point : il est impératif que nos représentants à Bruxelles fassent le maximum pour préserver ce système favorable au cinéma français.
Enfin, un mot sur le soutien que les collectivités, au premier rang desquelles les régions, apportent à la filière. Quoique souvent invisibilisé ou minimisé, il lui est pourtant essentiel, comme il l'est pour nos territoires. Dans le contexte de baisse répétée des dotations aux collectivités, les régions, dans leur immense majorité, ont choisi de maintenir un haut niveau de soutien. Gageons que ce soutien se poursuive, malgré les nouvelles baisses annoncées des dotations.
Je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits du cinéma du PLF 2026.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je sais votre attachement profond au cinéma et salue vos efforts pour le défendre dans un contexte économique difficile.
Je rends en particulier hommage à l'initiative relative à la sécurisation du C2I, dont l'utilité n'est plus à démontrer. Le choix des lieux de tournage par les productions étrangères intervient deux ou trois ans à l'avance et il est essentiel de donner à la France les moyens de maintenir sa position face à la concurrence extrêmement marquée d'autres pays.
Par ailleurs, je partage votre point de vue sur la nécessité et l'efficacité de l'accompagnement des régions.
Je veux cependant aussi souligner l'action des commissions du film, ces bureaux d'accueil des tournages qui, par leurs expertise et connaissance fine du terrain, simplifient la logistique des tournages dans nos départements et rendent possible la création artistique dans les meilleures conditions. Elles sont de véritables moteurs d'attraction culturelle et économique, en permettant à des productions de découvrir et de mettre en valeur des territoires.
Permettez-moi également de signaler le rôle de nos communes dans cette dynamique. Elles apparaissent en effet souvent comme les premières supportrices des initiatives artistiques, elles accompagnent la création, soutiennent l'implantation culturelle locale et favorisent l'accès au cinéma pour tous. Selon une récente enquête de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), les communes sont, au sein du bloc local, majoritairement compétentes dans le champ culturel, même si l'intercommunalité peut évidemment jouer un rôle important, en particulier dans les communes de moins de 2 000 habitants.
L'action des communes est déterminante : lorsqu'elles investissent dans l'offre culturelle, qu'il s'agisse de soutenir les salles de cinéma existantes, d'encourager les tournages ou de renforcer l'éducation à l'image, c'est directement la fréquentation des salles qui s'en trouve stimulée. Cet ancrage territorial demeure un rempart contre la désertification culturelle.
Essentiels, les cinémas itinérants reconnectent pour leur part les publics ruraux et périurbains à l'expérience cinématographique. Ils s'invitent là où l'offre culturelle fait défaut et redonnent le goût d'aller voir des films.
Enfin, alors que la France a longtemps maintenu une position stable en matière de fréquentation des salles, y compris dans la période postérieure à la crise sanitaire du covid, je déplore comme vous de voir celle-ci désormais s'éroder. On peut évidemment s'interroger sur le poids, dans les causes de ce phénomène, d'autres modes de communication audiovisuelle. Quels leviers pensez-vous que nous puissions actionner pour essayer d'inverser cette tendance ?
Le groupe Les Républicains suivra votre avis.
Mme Sylvie Robert. - Merci de la qualité de votre rapport et de votre avis, que notre groupe suivra également.
Trois observations sur ce budget.
Premièrement, l'éducation à l'image et au cinéma n'y est pas inscrite. Une annonce commune de Mme Dati et M. Geffray est intervenue hier, qui nous apprend l'ouverture d'un grand chantier dans ce domaine. Nous ne pouvons que nous en réjouir, après avoir déjà salué le rapport que l'actuel ministre de l'éducation nationale a récemment commis sur le sujet ; des plus intéressant, le document contient des propositions que nous partageons.
Cependant, les mesures que les deux ministres ont dévoilées risquent de donner des sueurs froides aux acteurs qui seront chargés de leur mise en place. Pourquoi ? Parce qu'aucun crédit supplémentaire ne les accompagne et, au contraire, nous avons vu que les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont en baisse. Parce qu'il n'y a pas, non plus, encore eu de correction des effets de bord de la réforme des enseignants de 2023. Et parce que les régions, dont on connaît l'importance du soutien au dispositif Ma classe au cinéma dans le cadre des conventions passées avec le CNC, voient leurs financements fragilisés et pourraient être amenées à reconsidérer leur engagement dans ce domaine.
Attention donc aux grandes déclarations et donnons-nous d'abord les moyens d'agir !
Deuxièmement, nous avons la chance d'avoir un CNC. C'est un organisme vertueux qui, par le jeu de taxes dynamiques, permet une redistribution et une solidarité entre les blockbusters et les productions plus fragiles.
Une ponction sur ses crédits est déjà intervenue l'année dernière, que le Centre a pu absorber. Une autre est prévue dans le PLF 2026 ; ce serait, si cela devenait récurrent, et ainsi que le rapporteur l'a relevé, de l'écrêtement. Or le rapporteur général de la commission des finances vient de déposer un amendement visant à plafonner les taxes affectées au CNC. Le voter reviendrait à remettre en question la nature et la philosophie de cet opérateur, en empêchant, alors même que la fréquentation des salles a diminué de 30 % en cinq ans, que ne s'opère la redistribution en compensation des pertes que subissent certaines productions. J'espère que nous serons nombreux dans l'hémicycle pour contrer un amendement extrêmement préjudiciable au fonctionnement du CNC !
Troisièmement, j'appelle à la vigilance, comme Else Joseph, Monique de Marco et moi-même l'avions déjà fait dans notre rapport commun, sur les questions de censure dont la fréquence ne faiblit pas. Des films ne trouvent plus de financements ou les avances qui leur sont nécessaires et ne peuvent plus se monter en raison de phénomènes d'entraves à la liberté de création - phénomènes que la fonctionnaire missionnée par la ministre de la culture a parfaitement documentés.
M. Pierre-Antoine Levi. - Je tiens tout d'abord à féliciter Jérémy Bacchi de la précision de son rapport.
Le cinéma français n'est pas seulement un patrimoine, c'est aussi une industrie vivante qui emploie plus de 100 000 personnes, structure 2 000 salles sur notre territoire et constitue un modèle d'intervention publique envié en Europe.
Avec 180 millions d'entrées en 2024 - son meilleur résultat post-covid -, le secteur a prouvé sa résilience, mais les signaux de 2025 sont bien plus préoccupants : la forte baisse de la fréquentation des salles de cinéma fragilise les exploitants indépendants et nous oblige à la vigilance.
Le contexte budgétaire impose la rigueur. Le prélèvement de 50 millions d'euros sur le CNC prévu en 2026, après un prélèvement de près de 500 millions d'euros en 2025, s'inscrit dans cet effort collectif. Avec des ressources de 850 millions d'euros et un fonds de roulement qui demeure substantiel, l'établissement peut absorber cette nouvelle ponction sans compromettre ses missions essentielles, ce que son président, Gaëtan Bruel, a d'ailleurs reconnu en septembre dernier, tout en alertant qu'un tel prélèvement ne saurait devenir structurel. Le CNC n'est en effet pas une variable d'ajustement budgétaire, c'est un outil de politique publique, dont l'efficacité repose sur la prévisibilité.
Quatre enjeux majeurs conditionnent l'avenir de notre cinéma.
Premier défi : la fin programmée de deux dispositifs fiscaux fondamentaux. Le crédit d'impôt pour la production exécutive d'oeuvres étrangères et le dispositif des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) arrivent à échéance le 31 décembre 2026. Ces deux instruments représentent 160 millions d'euros de dépenses fiscales. Le crédit d'impôt attire en France des tournages internationaux générateurs d'emplois et de transferts de compétences. Pour sa part, le dispositif des Sofica mobilise près de 9 000 foyers fiscaux pour le financement du cinéma indépendant. Or, à ce jour, aucun dispositif de remplacement n'est prévu. Nous ne pouvons laisser s'ouvrir en 2027 un vide juridique qui affaiblirait notre attractivité face à l'Irlande, la République tchèque ou la Hongrie qui, de leur côté, renforcent leurs incitations fiscales. Le Sénat doit être force de proposition sur ce sujet.
Deuxième défi : la révision de la chronologie des médias. Ce système, qui organise la succession des modes d'exploitation des films, fait l'objet d'attaques convergentes : recours de Netflix et d'Amazon Prime Video devant le Conseil d'État, autosaisine de l'ADLC, pressions de Canal+. La chronologie des médias n'est pas un archaïsme corporatiste ; c'est un outil de régulation qui garantit la rentabilité de chaque fenêtre d'exploitation et la capacité de financement de la création. Toute révision doit chercher l'équilibre et non céder au plus fort.
Troisième défi : l'évaluation de la directive européenne SMA. Adoptée en 2018, cette directive a permis d'intégrer les plateformes dans le financement de la création européenne. Son évaluation par la Commission européenne est prévue fin 2026. Les lobbies américains sont puissants à Bruxelles et nous devons défendre notre modèle avec des arguments solides. Les plateformes ont investi massivement en France depuis 2020, suscitant emplois et rayonnement culturel, sans que leur compétitivité en soit affectée.
Quatrième défi : le maillage territorial. Les élections municipales de mars 2026 constituent une échéance critique pour les 480 cinémas en régie municipale, souvent situés dans des territoires fragilisés. Ces salles sont des lieux de lien social et d'accès à la culture. Le CNC a élaboré un plan d'action, mais avec moins de 200 000 euros supplémentaires, un montant dérisoire au regard de l'enjeu. Le Sénat doit porter cette alerte.
Le président du CNC a identifié cinq ruptures majeures qui traversent le secteur : la bascule vers les plateformes sociales, l'intelligence artificielle générative, l'exigence d'exemplarité contre les violences, les menaces géopolitiques sur notre modèle et le risque de désertification culturelle.
Autant de défis et de ruptures qui appellent des réponses ambitieuses. L'éducation aux images doit former des spectateurs et des utilisateurs éclairés, l'anticipation de l'intelligence artificielle commande de repenser le droit d'auteur, la préservation du maillage territorial requiert un engagement renouvelé.
Notre cinéma produit plus de 300 films par an, contre 200 il y a vingt ans. Sa diversité est notre richesse, elle permet l'émergence de talents, autorise la prise de risques, reflète la pluralité de notre société. Gardons-nous de toute logique purement comptable qui sacrifierait la diversité culturelle sur l'autel de la rentabilité.
Le budget qui nous est soumis porte la marque des contraintes actuelles, tout en préservant l'essentiel de notre modèle. Le maintien du crédit d'impôt cinéma au taux de 30 % en témoigne. Le prélèvement sur le CNC demeure supportable et circonscrit. Toutefois, ce budget laisse des questions sans réponse : que deviendront les dispositifs fiscaux qui s'achèvent fin 2026 ? Comment soutiendrons-nous les exploitants fragilisés ? Comment préserverons-nous notre modèle face aux pressions ?
Le groupe Union Centriste (UC) suivra les conclusions de notre rapporteur. Le cinéma français a traversé bien des tempêtes depuis 130 ans, il saura traverser celle-ci à condition que nous sachions conjuguer rigueur budgétaire et ambition culturelle.
Mme Monique de Marco. - Devant la détérioration de la fréquentation des salles de cinéma, qui se traduit par une baisse de 15 % en un an, certains acteurs du secteur pointent surtout un problème d'offre et, par conséquent, de soutien à la création et à la production.
Nombre de salles connaissent des difficultés, avec un effet de ciseau entre hausse des coûts et diminution des recettes. Durant l'année 2025, le CNC a dû venir en aide en ultime recours, sous la forme d'avances exceptionnelles, à plusieurs d'entre elles, qu'elles soient privées, municipales ou associatives.
Après un premier prélèvement de 450 millions d'euros dans le fonds de roulement de l'établissement en 2025, la nouvelle ponction de 50 millions d'euros prévue dans le PLF pour 2026 peut laisser craindre qu'une habitude ne se prenne de s'attaquer aux réserves du CNC. Il permet pourtant aujourd'hui à de nombreuses salles de cinéma de tenir. Son rôle est central dans le soutien tant à la production qu'à la distribution des films. À long terme, le secteur ne survivrait pas à la fragilisation continue du CNC, et surtout pas dans le modèle à la française d'exception culturelle de soutien à la petite production.
À la suite des propos de Sylvie Robert sur la diversité culturelle et la liberté de création, j'évoquerai à mon tour les risques de censure et même d'autocensure, en citant l'exemple récent de l'intervention de Vincent Bolloré pour annuler l'achat du film Grâce à Dieu, écrit et réalisé par François Ozon, et traitant de la pédophilie dans l'Église.
Je terminerai par une note positive en mentionnant les mesures mises en place pour prévenir les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma, notamment par des actions en matière de formation ou par le conditionnement de l'accès aux aides du CNC.
Nous suivrons l'avis favorable du rapporteur.
M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite remercier avec chaleur notre rapporteur de la qualité de son propos et nous en suivrons également l'avis.
Pour autant, ce PLF soulève tout de même quelques interrogations.
C'est notamment le cas sur la façon dont les politiques publiques du ministère de la culture ont été, jusqu'à présent, adossées soit à des crédits d'impôt, soit à des taxes affectées. Ce procédé a longtemps été considéré comme une force, permettant de se prémunir contre les aléas budgétaires. Nous voyons aujourd'hui qu'il peut au contraire exposer à de tels aléas, les taxes affectées étant à la main de Bercy, qui peut les plafonner comme bon lui semble, une pratique qui devient récurrente à l'endroit des milieux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture. Il est à craindre que Bercy en prenne une part toujours plus importante et n'en laisse que le reliquat aux agences et établissements, ce qui les mettrait en danger. Et nous sommes obligés de constater qu'il faudrait revoir tout un pan de la construction des politiques culturelles.
Nous relevons ensuite l'attaque en règle menée par les entreprises américaines, soutenues par leur administration nationale, des normes qui fondent l'exception culturelle française. Sont concernés le cinéma, les droits d'auteur, l'intelligence artificielle. En réponse, il faudrait une réaction, non du seul ministère de la culture, mais de l'ensemble du Gouvernement, car tous les sujets sont liés. Avec l'attaque qui vise le règlement européen sur l'intelligence artificielle venant tout juste d'être promulgué, nous comprenons que c'est la totalité de ces politiques qui sont désormais dans l'oeil du cyclone. La France doit relayer ses inquiétudes à l'échelon européen, afin que nous organisions, avec nos partenaires, notre résistance collective.
Mme Laure Darcos. - Sur le danger du plafonnement des taxes affectées, insistons sur le fait que le CNC et la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) sont les piliers du plan d'aide aux salles petites et moyennes, avec l'avance sur les droits. Cette année, dans nos territoires ruraux et suburbains, des salles connaissent de graves difficultés de trésorerie et ont plus que jamais besoin de cette aide ; Bercy semble ne pas en avoir conscience, tout en prenant par ailleurs part à la réflexion qui s'engage sur les modalités de promotion des livres.
Cela n'a pas été suffisamment souligné, nous pouvons nous féliciter des parts de marché qu'ont prises dans le secteur de l'exploitation cinématographique, d'une part, le groupe Bolloré et Canal+ en entrant au capital d'UGC à hauteur de 34 %, d'autre part, Rodolphe Saadé et CMA CGM en prenant 20 % de celui de Pathé. Ces participations consolident les deux principaux propriétaires de salles de cinéma en France, elles leur permettront de mieux saisir peut-être les enjeux de chronologie des médias, qu'ils appréhenderont désormais sous le double regard de juge et partie. Cette puissance accrue de nos acteurs nationaux renforcera également nos arguments à opposer aux Américains.
Comme ma collègue Sylvie Robert, je vous appelle tous à la mobilisation contre l'amendement qui tend à plafonner les taxes affectées au CNC.
Je suivrai l'avis du rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Dans leurs rapports respectifs, MM. Mario Draghi et Enrico Letta pointaient du doigt le déficit de politique industrielle ces dernières décennies en Europe. Pour une fois que nous avons une industrie florissante, enviée de par le monde, nous avons le devoir de la préserver d'un risque de fragilisation si certaines dispositions venaient à être adoptées.
Je rejoins donc l'avis du rapporteur qui nous met en garde contre une possible tentative d'écrêtement des crédits du CNC qui, si elle se manifestait, pourrait être fatale à la dynamique vertueuse de financement du cinéma. Il importe d'autant plus de s'y montrer attentif que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a déposé un amendement tendant à plafonner les taxes affectées à l'établissement, que la fréquentation des salles est ébranlée et que se tassent, en conséquence, les recettes de taxe sur les entrées en salles.
De la même manière, il faut conforter le rôle des régions, dont on ignore trop souvent qu'elles soutiennent la création cinématographique plus fortement que le CNC, dans un rapport du simple au double. Les fragiliser dans leur financement remettrait en cause les crédits qu'elles ont réussi à sanctuariser au titre de l'investissement dans la création.
Nous nous étions par ailleurs mobilisés pour qu'Élisabeth Borne, alors ministre de l'éducation nationale, confie à Édouard Geffray la mission d'élaborer un rapport sur l'éducation au cinéma. Le document qu'il a remis est excellent et fixe des perspectives ambitieuses ; mais encore faut-il que des moyens leur soient consacrés. Le budget opérationnel de programme (BOP) 361 ainsi que la part collective du pass Culture doivent absolument être confortés. Sans ces dispositions, mais également sans une réflexion sur la formation des enseignants, on ne pourra pas relancer les dispositifs d'éducation artistique au cinéma tels que Ma classe au cinéma, que la réforme des enseignants de 2023 a contribué à fragiliser. En Normandie, des opérations ont ainsi dû être annulées qui - nous ne faisons aucune illusion - ne reverront jamais le jour.
M. Cédric Vial. - Merci à Jérémy Bacchi pour son rapport très complet que je partage en tout point.
L'avenir du cinéma constitue un enjeu majeur. Cet enjeu touche à la fois à la gestion des salles, à la question tarifaire et aux choix de certains exploitants dans le contexte actuel ainsi qu'à ce que l'on appelle « l'exception culturelle française », c'est-à-dire un mode de financement qui garantit une production indépendante de qualité. La production française représente quelque 44 % des films diffusés dans notre pays, un ratio à peu près unique au monde.
Ce modèle est notamment compromis par la remise en cause des taxes affectées au CNC. Nous en convenons certainement tous au sein de notre commission : l'amendement du rapporteur général est une erreur, d'autant plus qu'il prévoit un plafonnement taxe par taxe ; autrement dit, même si l'une d'entre elles - par exemple la TSV - venait à bénéficier d'un rendement important, elle ne pourrait pas compenser l'éventuel déficit des autres taxes. Un unique amendement est susceptible des déstabiliser l'ensemble de notre système. Je vous appelle à tâcher de convaincre le rapporteur général de le retirer.
La filière animation, une filière d'excellence française, est aujourd'hui en grande difficulté. Nous y avons formé beaucoup de jeunes et il nous faut l'aider à accueillir des tournages en France. Les dessins animés pour enfants et les films d'animation pour adultes connaissent de profondes évolutions, tant budgétaires que dans les modalités de travail. Nos dispositifs fiscaux actuels, en particulier le crédit d'impôt, ne nous permettent plus d'en attirer les tournages. Or ces tournages emploient, dans le pays où ils se déroulent, plusieurs centaines de personnes pendant plusieurs années.
Quant aux tournages internationaux, la France n'en a attiré aucun en 2025 qui soit américain. Pourquoi ? Parce que nos dispositifs, qui étaient plutôt compétitifs, ne le sont plus en comparaison de ceux, désormais plus avantageux et plus attractifs, de nos voisins européens, en particulier l'Italie, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique ou la Hongrie. En arrière-plan, c'est tout l'écosystème que nous avons mis en branle dans le cadre du plan France 2030 - avec des investissements dans la formation et dans de nouveaux studios - qui ne fonctionne plus. Ainsi, un film consacré à la figure de Jean Moulin doit prochainement être tourné en Hongrie et une grosse production américaine dont toute l'action se déroule en France sera bientôt réalisée en Italie, où des décors reconstitueront notre pays ! Il en résulte pour la France d'importantes pertes fiscales et sociales.
Nombre d'entre vous ont signé un amendement qui a précisément pour objet de renforcer la compétitivité de notre filière animation et, plus généralement, d'attirer de nouveau les tournages sur notre sol. Je vous en remercie.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis. - S'ils ne sont pas amendés dans un sens défavorable, les crédits consacrés au cinéma dans le PLF 2026 suffisent à répondre aux exigences du moment. Je vous rejoins sur la nécessité que nous nous mobilisions en séance pour les maintenir à ce niveau. Je vous invite également à faire preuve de pédagogie : on a souvent tendance à parler de soutien public au cinéma, notamment au travers des crédits d'impôt tels que le C2I, alors qu'il s'agit en réalité d'une forme d'investissement, dont le retour est du reste bien supérieur aux montants engagés.
L'année 2025 représente cependant sans conteste un creux dans les productions étrangères, et notamment américaines, sur notre territoire national. Peut-être les déclarations du président Trump n'y sont-elles pas pour rien ; mais c'est surtout le manque de lisibilité de nos politiques à horizon de deux ou trois ans et l'incertitude qui en découle qui a posé un problème à des productions qui s'inscrivent dans le temps long. À cet égard, j'espère que l'amendement de notre commission permettra de les rassurer et les incitera à choisir de nouveau la France.
Sur la question des leviers disponibles pour relancer une année par ailleurs plutôt morose du point de vue des entrées en salles, je n'ai certes pas de recette miracle à vous proposer. Dans ma présentation, j'évoquais que le cinéma est une économie de l'offre : gageons que les prochains films qui sortiront en salle recueilleront l'adhésion du public. La magie du cinéma tient justement à ce que, aux films dont on pressent qu'ils rencontreront le succès et qui y parviennent le plus souvent, s'ajoutent toujours quelques belles surprises de films qui trouvent leur public de façon moins attendue.
Un levier de relance de la fréquentation des salles de cinéma tient néanmoins à l'éducation à l'image. L'effort que nous y consacrons en France explique pourquoi notre pays résiste d'ailleurs mieux que d'autres à l'échelle européenne et même planétaire à l'érosion de cette fréquentation. Il faut poursuivre dans la même voie et s'y employer pour les plus jeunes générations. Certes, vous l'avez dit, il faut y mettre les moyens. Je me félicite a minima des récentes déclarations, car, si j'ose l'exprimer ainsi, elles permettent de mettre le pied dans la porte et de pousser sur la question des moyens.
Vous attirez notre attention sur le risque de censure et je soulignerai, davantage encore, celui de l'autocensure. On s'en convainc lorsque l'on rencontre des producteurs : on perçoit qu'ils privilégient les thématiques consensuelles pour lesquelles ils auront l'assurance de bénéficier du soutien du CNC, de Canal+ ou de France Télévisions. Cette forme de censure est en un sens plus pernicieuse, parce que moins visible et moins dicible ; elle porte en elle le risque d'une conformité de nos productions artistiques d'autant plus regrettable qu'elle ne correspond en rien à l'histoire du cinéma français.
L'enjeu relatif à nos collectivités concerne notamment les communes à l'aune des prochaines élections municipales. Beaucoup d'interrogations sont soulevées ici et là, que les choix démocratiques des électeurs trancheront. J'observe que la situation des cinémas communaux occupe dans bien des communes, spécialement dans les territoires ruraux et en périphérie des grandes métropoles, une place à part entière dans les programmes des candidats, quelle qu'en soit du reste l'étiquette politique. Il me paraît intéressant et rassurant que le cinéma se situe ainsi au coeur du débat démocratique.
M. Laurent Lafon, président. - Nous serons donc particulièrement attentifs aux débats dans l'hémicycle sur certains amendements.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au cinéma au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2026.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Claude Kern sur les crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits de la diplomatie culturelle et d'influence. - Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » s'élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 à 605,9 millions d'euros, en diminution de 7 %. Cette baisse s'inscrit au sein de la mission « Action extérieure de l'État », dont les montants sont, eux, quasiment stables.
Les principaux opérateurs du programme, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et l'Institut français, dont les subventions pour charge de service public représentent 70 % du programme 185, sont mis à contribution au titre de l'effort de redressement des comptes publics.
Nous avions reçu, en début d'année, la présidente de l'Institut français qui nous avait indiqué que, à la suite de la baisse de sa subvention pour charges de service public (SCSP) l'an passé, l'Institut avait procédé à une revue de ses programmes. Ainsi, si l'accompagnement du réseau avait été globalement préservé, plusieurs politiques avaient été affaiblies : suppression de la subvention au dispositif d'aide aux cinémas du monde, baisse de la politique en faveur des résidences et des mobilités, légère baisse des partenariats européens...
À la suite de la nouvelle diminution de 1 million d'euros de sa SCSP, la revue des actions et des dépenses pour 2026 a pour nouveauté d'introduire des efforts sur les charges de personnel, afin de maîtriser l'augmentation tendancielle de la masse salariale. Les gels de postes ont été privilégiés après le départ de salariés de l'Institut français.
D'autres mesures de réduction ou de suppressions des programmes ont été décidées : le soutien à la Biennale de la danse en Afrique est arrêté, le programme d'appui aux opérateurs culturels en Afrique est réduit de près de la moitié, le budget des dialogues et débats d'idées est réduit, le budget consacré aux conventions avec les collectivités territoriales est diminué d'un tiers.
En 2026, le pourcentage de la SCSP consacré aux crédits d'activité sera ainsi de seulement 30 %, contre 45 % en 2024. Les baisses de SCSP sont contrebalancées, depuis 2021, par la forte augmentation des subventions fléchées sur projet, issues du ministère des affaires étrangères. Ces subventions ont atteint les sommes de 2,2 millions d'euros en 2021, 2,4 millions d'euros en 2022, 6 millions d'euros en 2023 et jusqu'à 11 millions d'euros en 2024. Elles sont estimées à 4 millions d'euros pour 2025. En plus de fragiliser l'opérateur, qui ignore le montant des sommes qui lui seront versées par ce biais au cours de l'année et qui ne décide pas de leur destination, cette pratique interroge sur la sincérité budgétaire de la subvention allouée à l'Institut français en PLF.
Les moyens alloués aux instituts français et alliances françaises sont quant à eux préservés et reconduits à l'identique : ils comportent notamment 63,1 millions d'euros pour les premiers et 7,8 millions d'euros pour les secondes. Les instituts français avaient bénéficié d'une hausse exceptionnelle de crédits en loi de finances initiale (LFI) 2024 au titre de ce que l'on appelait alors le « réarmement » du réseau culturel. Néanmoins, deux surgels intervenus au cours de l'été 2025 ont fragilisé les instituts français à l'étranger. Leur taux d'autofinancement est en baisse depuis plusieurs années et le ministère des affaires étrangères se pose la question de fermer, dans un avenir proche, les implantations dont le taux d'autofinancement est structurellement très inférieur à la norme.
Le réseau des instituts français a été très stable en 2025. Seule la Villa Hegra à Al-Ula en Arabie Saoudite a ouvert ses portes ; trois antennes ont été inaugurées au Canada. Le réseau d'Indonésie a été remodelé. Enfin, seule l'antenne de Yokohama au Japon a fermé.
L'autre opérateur du programme 185, l'AEFE, est bien plus fragilisé que l'institut français. L'AEFE n'est pas parvenue à faire face, l'an passé, à une baisse de 8 % de sa SCSP, qui diminue encore dans le PLF pour 2026 de 25 millions d'euros. Cette nouvelle baisse porterait la trésorerie des services centraux de l'AEFE à 49 millions d'euros au 31 décembre 2025, soit en dessous du seuil prudentiel correspondant à un mois de masse salariale, et à seulement 10 millions d'euros fin 2026 en l'absence de correctif.
Concomitamment à la diminution de ses ressources étatiques, l'AEFE doit faire face à des dépenses contraintes, notamment l'augmentation de sa masse salariale, et au défi financier induit par l'augmentation de 4 points, en 2025 puis en 2026, de la part patronale des pensions civiles prises en charge par l'agence pour ses 5 000 agents détachés. La suppression, dans son schéma d'emplois, de 50 équivalents temps plein travaillé (ETPT) chaque année de 2025 à 2027 n'a pas suffi à compenser ces charges nouvelles.
Face à la situation financière très inquiétante de l'agence, ses ministères de tutelle ont mis en place au cours de l'année 2025 des groupes de travail interministériels destinés à rééquilibrer son budget. Ils proposent de rétablir le juste coût des services proposés par l'agence aux établissements qui désirent appartenir au réseau et d'augmenter les contributions demandées aux établissements. Cette hausse des contributions aura pour conséquence inéluctable la hausse des frais de scolarité dus par les familles. Les chiffres donnés par nos différents interlocuteurs pour estimer la contribution des familles au budget de l'AEFE varient fortement, mais cette part contributive aura tendance à augmenter au cours des prochaines années.
Cela mettra-t-il à mal la mixité sociale du réseau ? Un récent sondage, réalisé par l'Agence dans le cadre de la remise d'un rapport au Parlement, indique que dans 40 % des établissements du réseau, des parents français songent à scolariser leur enfant hors du réseau pour des raisons financières. Les chefs d'établissement font part de leur impuissance, ne pouvant que proposer la mise en place d'un échelonnement des paiements. Les bourses, qui bénéficient à 16 % des élèves français du réseau et prennent la forme d'exonération de droits de scolarité, jouent un effet bénéfique en faveur de la mixité sociale au sein des établissements, difficilement analysable en l'absence d'indicateur de mesure de type indice de position sociale (IPS). Le montant des bourses scolaires versé au titre du programme 151 devrait pour sa part être en baisse de 4 %. Je précise par ailleurs que la mixité sociale est bien moindre en ce qui concerne les élèves étrangers du réseau, qui représentent 70 % des effectifs.
S'agissant du développement du réseau, il scolarise 403 000 élèves depuis la rentrée de septembre dernier, soit une légère augmentation annuelle de 1,2 %. Le réseau a intégré environ 50 000 élèves supplémentaires entre 2018 et 2025. Les effectifs européens et américains sont en baisse ou en stagnation, tandis que l'Asie connaît une hausse régulière, tant des homologations que des effectifs.
Face à l'impossibilité d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République en 2018, à savoir un effectif de 700 000 élèves en 2030, il a été décidé, à la suite de la revue de la politique prioritaire du Gouvernement de juin 2024, d'additionner aux effectifs du réseau de l'enseignement français à l'étranger les enfants scolarisés dans les établissements scolaires labellisés LabelFrancÉducation. Ce label sanctionne un programme local avec cours de français renforcé et une discipline non linguistique en français, pour un total de 20 % des enseignements en français. Le ministère justifie cette nouvelle cible en certifiant que les établissements détenant ce label séduisent nos compatriotes à l'étranger dans les pays où l'éducation locale est de bonne qualité. En tant que rapporteur, je ne peux que regretter que les objectifs de développement du réseau aient été aussi grandement affaiblis ; je dénonce surtout l'illusion chiffrée mise en oeuvre par le ministère, laissant entendre que l'objectif fixé en 2018 sera atteint alors qu'il n'en est rien.
De nombreuses questions se posent quant à l'avenir du réseau d'enseignement français à l'étranger. La distinction entre établissements en gestion directe, établissements conventionnés et établissements partenaires, issue de l'histoire du réseau, est-elle encore pertinente ? Quelle doit être la stratégie d'élargissement du réseau, dans une optique de soft power ?
J'en viens à une autre facette de la diplomatie culturelle et d'influence, avec la question de l'attractivité, pour les étudiants étrangers, de l'enseignement supérieur en France.
La dotation du troisième opérateur du programme 185, Campus France, demeure stable par rapport à la LFI pour 2025. Son nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) prévoit une approche plus qualitative des objectifs d'attractivité, conformément au rapport de la Cour des comptes de mars dernier sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux.
La Cour dresse un constat sévère de la stratégie Bienvenue en France, engagée par le chef de l'État en 2018. Si elle se félicite que l'objectif quantitatif de 500 000 étudiants soit sur le point d'être atteint, c'est bien la seule vertu qu'elle trouve à cette politique publique qui manque d'objectifs qualitatifs explicites et oublie d'établir des priorités entre les étudiants à qui elle s'adresse.
Les magistrats financiers s'émeuvent en outre que les droits d'inscriptions différenciés pour les étudiants extracommunautaires ne soient appliqués que marginalement. En réponse, le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche assure que l'application des droits différenciés et des ressources associées fera l'objet d'échanges avec les établissements d'enseignement supérieur dans le cadre de la négociation de leurs contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp).
La même stratégie Bienvenue en France prévoyait un doublement du nombre de bourses d'études pour les étudiants étrangers d'ici à 2027, avec un objectif de 15 000 boursiers étrangers. À ce titre, il avait été estimé nécessaire de suivre une trajectoire d'augmentation du budget des bourses avec le programme 185, à hauteur de 8 millions d'euros annuels. La forte réduction de presque 20 % des crédits alloués aux bourses au titre du budget 2026 aura un effet important sur le nombre de bourses attribuées, qui devrait chuter de 11 % entre 2025 et 2026. L'établissement de priorités deviendra alors une nécessité et s'opérera en faveur d'étudiants à très haut potentiel, dans des secteurs en tension et à forte valeur ajoutée, notamment dans les domaines de la haute technologie, du numérique et de l'intelligence artificielle.
L'origine des étudiants étrangers boursiers est stable depuis plusieurs années : un quart provient de la zone Afrique du Nord et du Moyen-Orient, un autre quart du reste de l'Afrique, 16 % d'Asie et d'Océanie et 11 % du continent américain. Bien que constituant des priorités géographiques, l'Asie et l'Indopacifique peinent encore à émerger comme régions de provenance majeures de boursiers, accusant même une baisse de 5 points de pourcentage entre 2018 et 2024.
Les espaces Campus France sont quant à eux une composante des services de coopération et d'action culturelle. Au nombre de 200 dans 133 pays, ils emploient 468 ETPT. Ce sont des lieux ouverts au public, installés essentiellement dans les instituts français ou les alliances françaises, et dont la labellisation nécessite l'accord du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ils ne constituent pas un réseau autonome et n'entretiennent pas de lien de subordination avec l'opérateur Campus France.
Enfin, la mise en place et l'animation d'un réseau des alumni étrangers passés par les établissements français font pleinement partie de la stratégie d'influence et d'attractivité française ; elles sont confiées à Campus France. En 2025, ce réseau est présent dans 130 pays et compte 623 000 membres. L'Alumni Day a pris cette année une ampleur inédite avec l'organisation de plus de 200 événements en France et dans les postes diplomatiques.
Voilà, mes chers collègues, les éléments de constat et d'appréciation que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu de la diminution somme toute modérée des crédits du programme, et en dépit de la situation budgétaire délicate de l'AEFE, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 185 du PLF pour 2026.
M. Yan Chantrel. - Comme vous l'avez signalé, le budget du programme est globalement en baisse de 7 %, soit une diminution de 45,8 millions d'euros de crédits de paiement. Il faut savoir que cette baisse survient après un budget qui a été largement entaillé, puisqu'il y avait eu 45 millions d'euros de coupes sur ce programme dans le projet de loi de finances pour 2025, avec une coupe supplémentaire de 25 millions d'euros de crédits par amendement au Sénat - par la sénatrice Goulet notamment. Cet amendement avait d'ailleurs été rejeté en séance et est revenu par la fenêtre de la commission mixte paritaire, ce qui n'était pas sans poser problème, puisque le ministre lui-même, qui avait déposé un amendement de diminution budgétaire, avait conseillé de ne surtout pas voter l'amendement Goulet qui mettrait l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans une situation très difficile.
En effet, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est en grande difficulté. Quand on regarde la subvention qu'elle aura cette année, en euros constants, cela revient au niveau de 2009 : 391,6 millions d'euros, soit moins 25 millions d'euros encore cette année pour l'Agence. Une mission a même été mise en place par le précédent ministre, M. Saint-Martin, qui n'a malheureusement n'a pas débouché sur grand-chose. Nous rencontrons une vraie difficulté dans la mesure où ce sont les pensions civiles qui ne sont pas compensées par le Gouvernement et qui pèsent de manière très importante sur le budget de l'Agence, puisqu'elles représentent 64 millions d'euros. Nous demandons justement que ce coût des pensions soit supporté par le Gouvernement via le ministère de l'Éducation nationale. C'est une revendication que nous formulons de manière récurrente : pour le budget de l'État, beaucoup plus important, cela représente une ligne très faible, alors que cela pèse de manière disproportionnée sur l'Agence, ce qui lui pose de grandes difficultés. Quand on regarde les coupes budgétaires de ces deux dernières années, cela correspond pratiquement à l'euro près aux pensions civiles non compensées.
Nous sommes donc face à ces difficultés ; un conseil d'administration de l'agence doit se tenir demain. Un conseil extraordinaire de l'agence doit même avoir lieu le 18 décembre en raison de la crise actuelle. Des décisions sont censées être prises, qui feront porter le fardeau aux familles à travers l'augmentation des frais de scolarité. L'agence est bien obligée de trouver de l'argent et se décharge donc sur les familles en faisant augmenter les frais d'écolage, ce qui n'est pas acceptable au vu de la très forte augmentation de ces frais ces dernières années. S'y ajoute la non-augmentation, voire la diminution des bourses scolaires, qui ne pourront pas compenser cette hausse des frais de scolarité. Cela met donc en péril la mixité sociale qui fait effectivement partie de notre modèle d'éducation - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur -, qui est tout à l'honneur de notre pays, mais qu'il faut préserver. Je voulais vraiment profiter de l'examen de votre programme pour alerter sur la situation dramatique de l'Agence. Il faudrait trouver un accord ou une entente pour la préserver de ces 25 millions d'euros, car cela risque vraiment de la mettre en grande difficulté. C'est l'une des raisons, bien évidemment, pour lesquelles nous ne suivrons pas votre avis, monsieur le rapporteur, puisque nous sommes contre le budget de ce programme tel qu'il est présenté.
Très brièvement, je voudrais revenir sur la situation des instituts et des alliances françaises à laquelle nous sommes toutes et tous très attachés. En raison de la situation budgétaire de notre pays, nous avions fait des propositions en la matière avec Catherine Belrhiti et Pierre-Antoine Levi dans notre rapport sur la francophonie, pour envisager une réflexion qui n'a toujours pas eu lieu - l'instabilité gouvernementale n'aidant pas - sur la mutualisation avec d'autres pays concernant ce réseau culturel qui bénéficie également à d'autres francophones à travers le monde. Certains pays francophones, qui n'ont pas les mêmes difficultés budgétaires que nous, sont tout à fait en capacité de participer également à notre programmation culturelle ou à son financement. Dans ce cas, il faudrait évidemment leur en ouvrir également le pilotage, à partir du moment où d'autres pays participent financièrement à des actions culturelles. Ce sont des pistes sur lesquelles nous devrions travailler pour permettre une ouverture sur la francophonie et, peut-être, déployer plus fortement la diversité culturelle francophone à travers notre réseau.
Mme Catherine Belrhiti. - Le programme 185 du projet de loi de finances, intitulé « Diplomatie, culture et influence », voit son budget baisser. Cette baisse s'élève à 7 % entre 2025 et 2026. Concrètement, elle interviendra alors que notre présence éducative et culturelle à l'étranger est un outil stratégique.
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger rassemble aujourd'hui environ 612 établissements et plus de 400 000 élèves. Ces établissements sont les leviers directs de notre attractivité et de notre influence sur le long terme. Malheureusement, les effets attendus de cette contraction budgétaire auront des incidences concrètes sur notre projection à l'international, avec une moindre capacité d'intervention. Les bourses, les actions linguistiques et les coopérations universitaires seront fortement impactées, ce qui exercera une pression accrue sur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Le réseau dépend d'un mélange de subventions et de recettes locales, ce qui engendre de réels risques géostratégiques dans un contexte de compétition internationale pour l'influence culturelle. Réduire notre capacité d'action peut aboutir à des pertes de terrain durables, difficiles ensuite à reconquérir.
Soyons vigilants face aux coupes budgétaires sur des missions stratégiques. Il nous faut sanctuariser les interventions ciblées, les bourses d'excellence, les aides aux établissements vulnérables et les dispositifs de mobilité. Ce sont les éléments les plus directement corrélés à notre influence à moyen terme. Il nous faut également cibler les moyens vers les zones stratégiques, comme en Afrique subsaharienne, dans les espaces francophones en expansion et dans les grands centres urbains émergents où le retour sur influence est mesurable. Il nous faut enfin préserver un dispositif d'action concrète et mesurable qui conditionne notre capacité d'influence durable et ainsi préserver notre diplomatie culturelle et d'influence, largement reconnue à travers le monde.
Si nous voulons vraiment redonner à la France un réarmement diplomatique crédible, il ne suffit pas d'augmenter les enveloppes ; il faut aussi garantir que chaque euro dépensé sert un objectif stratégique clair. Nous devons faire en sorte que la diplomatie culturelle ne soit pas une dépense de prestige, mais un levier d'influence, d'attractivité économique et de rayonnement durable.
Mme Mathilde Ollivier. - Avant de revenir sur le programme lui-même, je voudrais dire un mot sur le fait qu'à l'heure où nous investissons massivement dans la défense, un véritable renforcement de notre diplomatie doit nécessairement s'ensuivre. Ce renforcement passe par la construction de relations diplomatiques de confiance et de relations avec les sociétés civiles des pays dans lesquels notre diplomatie est présente. Tout cela passe par notre politique culturelle, notre politique éducative, scientifique et donc par le programme 185. Ne pas investir dans des programmes comme celui-ci, sur tous les volets évoqués, constitue un véritable renoncement aux valeurs mêmes que nous souhaitons porter avec la diplomatie pour avancer vers la paix.
Plus spécifiquement, lorsque l'on parle du programme 185, un point important est que les dépenses de personnel sont maintenant concentrées dans le programme 105. Par conséquent, ce que nous évaluons lorsque nous parlons du programme 185, ce sont les dépenses d'intervention. Nous n'avons finalement que peu de visibilité sur la manière dont les postes des personnels directement liés aux tâches qui vont être effectuées dans le cadre du programme 185 sont ventilés entre la diplomatie culturelle et la diplomatie économique.
Les baisses du programme 185 sont donc particulièrement préoccupantes : moins 15 millions d'euros sur l'enseignement supérieur et la recherche, moins 11 millions sur la coopération culturelle et la promotion du français. Les équipes des Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des instituts français sont impactées. Le rapporteur a notamment parlé du risque de fermeture d'instituts français qui n'atteindraient pas les objectifs d'autofinancement. Or, cet autofinancement ne s'obtient principalement que par une seule source, les cours de français, qui sont ensuite en charge de financer le reste de la politique culturelle des instituts. On ne peut pas s'appuyer uniquement sur ces cours de français pour mener une véritable politique culturelle dans nos instituts français, qui nécessite de l'argent public.
Enfin, ces coupes sur les budgets culturels et scientifiques ont aussi un impact sur les industries culturelles et créatives (ICC). Nous avons discuté juste avant des crédits consacrés au cinéma . Les industries culturelles et créatives en France représentent 5 % du PIB, avec un fort volet international. Nous sommes le sixième marché de la musique et le septième marché du jeu vidéo. Quinze mille oeuvres littéraires françaises sont en circulation dans le monde. On dénombre deux cent cinquante millions d'euros de recettes à l'international pour le cinéma français. Tout cela dépend aussi d'une politique culturelle d'influence menée à l'étranger qui doit être ambitieuse.
S'agissant de l'AEFE, la situation est déjà critique. La nouvelle coupe de 25 millions d'euros est dramatique. Nous alertons fortement sur ce point avec nos collègues représentant les Français établis hors de France depuis plusieurs années déjà, mais l'AEFE est maintenant véritablement à l'os. L'un des points majeurs est ce manque de compensation des pensions civiles depuis 2009 et le fait que ce soit désormais l'AEFE qui porte ces pensions, avec l'augmentation de leur part dans son budget. Cela aboutit à cette fragilisation année après année et, aujourd'hui, à une situation où nous sommes au pied du mur. L'Agence réfléchit à des réductions importantes du nombre de professeurs détachés, à une réforme qui va aujourd'hui être menée de force dans un contexte budgétaire contraint. Nous l'affirmons, les problématiques de l'AEFE ne relèvent pas seulement d'une question de gestion ou d'une simple réforme de son fonctionnement ; c'est son sous-financement qui mène à la crise structurelle dans laquelle le réseau s'enfonce aujourd'hui.
Compte tenu de tous ces éléments, vous aurez compris que nous ne suivrons pas l'avis favorable du rapporteur sur le programme 185.
M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite rappeler les conclusions de l'excellent rapport de Catherine Morin-Desailly et Else Joseph de 2023 relatif à l'expertise patrimoniale française. Il contenait des préconisations fortes, qui n'ont été entendues par aucun ministère, et notamment des moyens de dégager des ressources propres pour un certain nombre d'instituts qui en manquent cruellement.
Je remarque qu'aujourd'hui, la France est en train d'être distancée par d'autres pays. C'est le cas notamment en Syrie, où l'Italie reprend la totalité des positions culturelles qui étaient celles de la France. La Villa Hegra est une fondation de droit saoudien financée à 100 % par l'Arabie saoudite. Je ne suis pas certain qu'il faille demander au wahhabisme de défendre la liberté culturelle. Nous créons des institutions et nous les rendons dépendantes de politiques que nous ne partageons pas. Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne politique.
J'entends tout à fait ce que vous nous avez dit sur les bourses. Il y a là un véritable problème, et nous en reparlerons dans le cadre du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, vous le savez, la France est extrêmement dépendante des étudiants étrangers pour un certain nombre de filières, notamment en sciences humaines et sociales, où les étudiants étrangers représentent aujourd'hui 50 % des doctorants. Si nous recevons moins d'étudiants, nous fermerons des formations, des filières. Cela signifie que la France sera totalement absente d'un certain nombre de champs disciplinaires où elle était jusqu'à présent représentée.
Nous partageons tout à fait vos critiques, et c'est pour cette raison que nous ne vous suivrons pas dans votre avis.
Mme Samantha Cazebonne. - Je voudrais revenir sur le point important de l'enseignement français à l'étranger et essayer, mes chers collègues, de vous sensibiliser à une problématique dont les conséquences nous échappent peut-être parfois ; conséquences que nous allons collectivement, malheureusement, provoquer si nous ne stoppons pas ces coupes budgétaires pour les Français de l'étranger.
Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, beaucoup de familles françaises qui vivent à l'étranger n'ont pour seul repère avec la France que cet enseignement français à l'étranger. Si demain, vous les excluez par ces coupes budgétaires, alors que ce sont des Français à part entière, ce sont des projets de vie que vous stoppez. Certaines familles de ces classes moyennes sont à 50, à 100 euros près par mois. Pourtant, elles se sacrifient pour scolariser leurs enfants dans nos écoles françaises. Certaines vont rentrer en France. Or, les élèves français de l'étranger coûtent, sur un plan éducatif, dix fois moins qu'un élève en France. On a parfois l'impression de prendre de bonnes décisions en réduisant certains budgets, mais celles-ci ont des conséquences qui vont aggraver la situation.
25 millions d'euros, pour le budget de l'État, ce n'est pas grand-chose. En revanche, déduis du budget de la diplomatie culturelle et d'influence, pour les classes moyennes françaises qui vivent à l'étranger, c'est énorme. Je le redis, ces classes moyennes françaises vont sortir de nos écoles. Chez les Français de l'étranger, la colère monte.
Une partie des enseignants va également rentrer en France, mais certains resteront quand même à l'étranger. Il va falloir, à terme, embaucher ces professeurs via des contrats de droit local, qui ne leur permettront plus de cotiser à la retraite.
Je comprends la nécessité de faire des économies, mais pas deux années de suite de manière aussi massive sur le budget de l'enseignement français à l'étranger, premier sujet de préoccupation pour les Français de l'étranger. Vous leur envoyez un très mauvais signal à travers cette coupe budgétaire, qui pourrait même encore s'aggraver. En effet, comme l'a rappelé Yan Chantrel, nous ne sommes pas à l'abri de mauvaises surprises en commission mixte paritaire.
J'aimerais en revanche saluer le maintien des budgets de Campus France, mais aussi de l'Institut français.
J'inviterai en tout cas mon groupe à s'abstenir sur ce budget.
Mme Laurence Garnier. - Je souhaite évoquer les étudiants étrangers dans nos universités françaises. Les nombreux étudiants étrangers sur nos campus représentent aujourd'hui près d'un étudiant sur six, dont plus de la moitié vient du Moyen-Orient, du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne.
Campus France doit vérifier, lorsque les étudiants étrangers élaborent leur dossier d'admission après l'acceptation de leur candidature par les universités, qu'ils disposent bien sur leur compte en banque d'au moins 7 200 euros pour leur permettre de subvenir à leurs besoins, en tout cas dans les premières semaines et les premiers mois qui suivent leur arrivée dans notre pays. Nous avons terminé, avec Pierre-Antoine Levi, une mission d'information sur les universités, au cours de laquelle plusieurs présidents d'université nous ont expliqué qu'il s'agissait en réalité de réseaux mafieux, de passeurs, qui mettaient cette somme à la disposition des étudiants et s'empressaient de la retirer après leur arrivée dans nos universités françaises, précipitant ainsi ces jeunes qui viennent faire leurs études en France dans une forme de précarité qui les mène parfois à dormir sous les ponts. Campus France doit prendre la mesure de cette difficulté, car, évidemment, la présence d'étudiants étrangers dans nos universités françaises participe de la francophonie, qui a été évoquée par nos collègues socialistes, et du rayonnement culturel de notre pays. Toutefois, lorsque l'on prend la mesure des difficultés rencontrées par ces étudiants étrangers, il n'est plus question de diplomatie culturelle mais bien de précarisation de nos étudiants, et cela doit nous interpeller.
M. Adel Ziane. - Je m'inscris dans une position que je qualifierais de critique sur cette diplomatie d'influence. Sur la question de la francophonie, les projections internationales annoncent 800 millions de francophones à l'horizon 2050 et une dynamique portée principalement par le continent africain, qui pourrait représenter 85 % de la francophonie mondiale. C'est une perspective démographique qui ne doit pas masquer une réalité plus fragile. Dans l'immense majorité de ces pays, le français n'est pas une langue maternelle, mais est transmis par l'école ; il est donc vulnérable à toute crise éducative ou politique. Dans ce contexte, notre diplomatie culturelle devrait être renforcée. Je m'inscris totalement dans les propos qui ont été tenus : nous nous trouvons aujourd'hui à la croisée des chemins.
Je me suis replongé dans mes tableaux statistiques du temps où je travaillais aux affaires étrangères sur le programme 185. Le budget du programme 185 en 2008-2009 était d'environ 1 milliard d'euros. Or, ce que l'on nous propose dans ce programme 185, c'est un budget qui sera de 600 millions d'euros. Le « bleu » budgétaire qui nous a été présenté invite à investir résolument le champ de l'influence, à renforcer la diffusion du français et à faire des industries culturelles et de l'action linguistique des priorités nationales. Aujourd'hui, ce n'est pas à l'os que nous arrivons, mais à une forme d'hypocrisie globale. En effet, quand on voit que les crédits du réseau culturel reculent de 5,4 millions d'euros, que les mobilités étudiantes - dans un monde où la compétition internationale autour de l'université s'intensifie - chutent de 13,7 millions d'euros également, et que l'Institut français, qui a un budget aujourd'hui de 25 millions d'euros, connaîtra une coupe de 1 million d'euros, cela montre bien que nous reculons pendant que d'autres puissances comme la Russie, la Chine ou la Turquie renforcent massivement leur réseau culturel. La France ne respecte plus le principe d'universalité du réseau depuis de nombreuses années. Le réseau s'affaiblit, avec 96 instituts français et 800 alliances françaises qui n'ont pas les moyens de mener cette politique d'influence.
Je reviens également sur la question des étudiants étrangers. Comment prétendre renforcer concrètement l'attractivité universitaire tout en réduisant les crédits de mobilité, en envisageant de supprimer les Aide personnalisée au logement (APL) pour les étudiants extracommunautaires, après avoir augmenté leurs frais de scolarité en 2019 ? Soyons concrets : on ne peut pas décemment dire que nous allons porter la voix de la France dans cette compétition universitaire internationale sans s'en donner les moyens. À l'étranger, cette séquence est désastreuse. J'en veux pour preuve également le fait que, lorsque le Président de la République, en 2021, a demandé à Achille Mbembe, historien camerounais, de réfléchir à la refondation de la relation France-Afrique, celui-ci a mis en garde : « En Afrique, la France risque de subir un Waterloo intellectuel, militaire, politique et économique, autrement dit une défaite intégrale après laquelle personne ne voudra d'elle. » C'est malheureusement aujourd'hui, quand on voit ce qui se passe en Afrique, une forme de prophétie annoncée. En conclusion, il est nécessaire que, sur le temps long, nos travaux s'interrogent véritablement sur les moyens de notre réseau et sur son universalité, qui est clairement revendiquée mais qui n'est pas mise en oeuvre dans la pratique. Il faut une révision des moyens culturels et linguistiques, il faut s'interroger sur le soutien accru aux alliances françaises et à l'Institut français, et se poser vraiment la question d'une politique d'attractivité cohérente qui cessera de fragiliser les étudiants étrangers. Eu égard à la chute des moyens de la diplomatie d'influence, nous voterons contre ces crédits.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe Union centriste soutiendra l'avis du rapporteur, tout en soulignant, comme lui, que, depuis des années et des années, il existe une décorrélation, une déconnexion, entre les ambitions toujours affichées et les moyens qui n'ont cessé de diminuer, fragilisant ainsi le réseau. Nous nous en rendons compte lorsque nous nous déplaçons à l'étranger dans le cadre de missions parlementaires.
Je souhaite redire également que la France est toujours attendue. Nous avons pu encore nous en rendre compte lors du déplacement d'une délégation de notre commission en Égypte au mois de septembre. La politique d'influence de la France et de soutien à la francophonie - qui représente, au-delà de notre langue, des valeurs - est importante. Elle se décline à différents niveaux : le soutien aux lycées français, le soutien à l'université française d'Égypte, à l'apprentissage de la francophonie, au réseau culturel.
Un important travail est donc devant nous pour déterminer comment nous pouvons continuer à afficher des ambitions aussi fortes tout en mettant en oeuvre des moyens qui ne font que s'affaiblir.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Il est vrai que l'AEFE présente aujourd'hui un modèle un peu trop rigide. Après discussion avec la directrice générale de l'AEFE et avec les ministères, un programme est enclenché pour renouveler le fonctionnement de l'agence ; une réflexion est donc en cours.
Je voudrais préciser, à l'attention de Mme Mathilde Ollivier, que le programme 185 comprend tout de même les salaires des 5 000 personnes qui sont détachées par l'AEFE.
Pour répondre à M. Yann Chantrel, mutualiser le réseau avec d'autres pays francophones est une idée à laquelle il faut réfléchir, mais qui ne semble pas d'actualité, puisqu'aucun de nos interlocuteurs n'a évoqué cette piste.
Mme Samantha Cazebonne, je l'ai dit dans mon intervention, la question du maintien dans le réseau des élèves français doit effectivement être la priorité de l'AEFE. Je veillerai à ce que l'agence me fournisse des données chiffrées à ce sujet dans les mois à venir.
Mme Laurence Garnier, dans son rapport de mars 2025, la Cour des comptes préconise de relever le seuil minimum des ressources exigées pour les étudiants internationaux. Il est actuellement fixé à seulement 615 euros par mois.
Je partage la plupart de vos constats. Nous sommes cependant aujourd'hui dans une situation budgétaire telle que je maintiens mon avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 relatif à la Diplomatie culturelle et d'influence de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2026.
La réunion est close à 11 h 35.