Mardi 2 décembre 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 00.

Proposition de loi visant à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Marie-Pierre MONIER rapporteur sur la proposition de loi n° 872 (2024-2025) visant à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers, présentée Mmes Marie-Pierre MONIER, Colombe BROSSEL et plusieurs de leurs collègues.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de M. Stéphane Piednoir consacrés à l'enseignement supérieur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement supérieur. - Avec une très légère augmentation de 0,7 % par rapport à l'année dernière, l'enseignement supérieur fait partie des budgets relativement préservés dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. 18,8 milliards d'euros lui sont alloués, répartis entre le programme 150 dédié aux formations supérieures et à la recherche universitaire, et le programme 231 relatif à la vie étudiante.

Dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques, cette préservation se fait cependant au prix de plusieurs renoncements à des évolutions programmées, parfois de longue date, notamment en ce qui concerne la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) ou la réforme des bourses étudiantes.

D'une manière générale, ce budget constitue un budget d'attente, qui s'inscrit dans la ligne des arbitrages budgétaires rendus l'an passé, et qui appelle notre vigilance sur plusieurs points.

Sur le programme 150 tout d'abord, qui porte, avec 15,5 milliards d'euros, l'essentiel des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, trois points doivent retenir notre attention.

En premier lieu, les crédits prévus au titre de la sixième marche de la LPR, soit 87 millions d'euros, sont inférieurs de 20 millions d'euros à l'annuité programmée. Pour la deuxième année consécutive, la trajectoire prévue par la LPR n'est donc pas respectée. Au total, 55 millions d'euros de crédits manqueront entre 2025 et 2026, conduisant à la remise en cause de la création de 440 contrats doctoraux, ainsi qu'à l'annulation de plusieurs mesures de revalorisation de la rémunération des différentes catégories de personnels de l'enseignement supérieur.

Cette sous-exécution de la LPR est aggravée par le fait que cette enveloppe de crédits intègre, de manière à mon avis discutable, 44,5 millions d'euros de moyens nouveaux destinés au déploiement des nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp), ou Comp à 100 %.

Au total, les crédits de la LPR se limiteront au financement de mesures statutaires en faveur des personnels non enseignants et des jeunes chercheurs, notamment via la création de chaires de professeur junior et la revalorisation des contrats doctoraux. Cette situation pose la question de la pertinence des lois de programmation en matière d'enseignement supérieur.

Le programme 150 est marqué, en deuxième lieu, par une nouvelle mise à contribution des établissements, selon l'habitude désormais bien ancrée de ne pas compenser entièrement les mesures salariales ou sociales décidées par l'État.

Les établissements devront ainsi absorber une hausse de 200 millions de leur contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », dont 80,9 millions d'euros seulement sont financés par le programme. S'y ajouteront 60 millions d'euros de dépenses nouvelles au titre de la protection sociale complémentaire (PSC), que les établissements devront mettre en oeuvre entre le 1er mai et le mois de décembre. Au total, ce sont ainsi 180 millions d'euros qui seront mis à la charge des établissements, et qui ne pourront être absorbés qu'au prix d'un recul de leur investissement ou d'un ajustement de leur offre de formation.

Ces dépenses sociales nouvelles viendront s'ajouter aux dépenses salariales non compensées au cours des dernières années, notamment les mesures dites Guerini, qui ont créé un reste à charge pérenne de 145 millions d'euros annuels.

Tandis que le ministère continue de justifier ces transferts non compensés par les marges de manoeuvre confortables dont disposeraient les établissements, pointant les 5,6 milliards d'euros de trésorerie agrégée des opérateurs du programme, notre commission a récemment démontré qu'il n'en était rien. Les travaux de nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi sur la stratégie universitaire de l'État ont en effet souligné que la situation financière des établissements, conjuguée au manque de fiabilité de leur suivi comptable et à la dégradation de leur relation avec l'État, devait conduire à la suspension des mesures de mobilisation de leur trésorerie.

J'ajouterai, quant à moi, que, quand bien même le chiffre de 1 milliard d'euros de trésorerie immédiatement mobilisable avancé par le ministre serait exact et pertinent, ce qui n'est pas démontré, il ne représenterait que 7 à 8 millions d'euros par opérateur.

Je vous proposerai donc, conformément aux préconisations que nous avons adoptées dans notre rapport du 22 octobre dernier, un amendement de crédits visant à réduire de moitié le montant restant à la charge des établissements au titre du CAS « Pensions », soit 60 millions d'euros.

En troisième lieu, l'année 2026 sera marquée par la première mise en oeuvre des Comp à 100 % dans les dix établissements préfigurateurs des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine, avant leur généralisation dans le courant de l'année.

Ces instruments pourraient constituer un outil intéressant en vue de la refondation du modèle d'allocation des moyens aux établissements, dont notre récent rapport a pointé les insuffisances. Malgré les demandes de précision adressées au ministère, les contours de ces contrats demeurent cependant très flous, l'objectif affiché oscillant entre une contractualisation « au premier euro » et une prise en compte de l'entièreté de la « stratégie » des établissements. Il semble en tout état de cause acquis qu'ils ne conduiront pas dans l'immédiat à une remise à plat des modalités de détermination de la subvention pour charges de service public (SCSP) des établissements.

Un point positif réside cependant dans le fait que le ministère semble s'être saisi des critiques formulées par le Sénat comme par la Cour des comptes sur le format actuel des Comp, marqué par un nombre insoutenable d'indicateurs. La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) m'indique avoir lancé un travail visant à rationaliser leur nombre, avec une cible d'une dizaine d'indicateurs partagés.

J'en terminerai, sur le programme 150, en soulignant que la dégradation de nos finances publiques, conjuguée à celle de la situation financière de la plupart des universités, appellera la mobilisation de ressources nouvelles à court ou moyen terme.

La commission des finances a ainsi adopté un amendement inscrivant dans la loi de finances le principe de la progressivité des droits d'inscription, qui devrait, selon elle, permettre de dégager à terme 500 millions d'euros de ressources nouvelles pour les universités. Il est assorti d'un second amendement tendant à réduire en conséquence le soutien budgétaire de l'État aux établissements, à hauteur de 75 millions d'euros pour 2026.

Si je ne suis pas opposé, sur le principe, à l'augmentation des droits d'inscription universitaires selon le principe de la progressivité, cette proposition me paraît prématurée. Notre commission, au travers du rapport d'information de Laurence Garnier et de Pierre-Antoine Levi, a estimé qu'une telle évolution requerrait la réunion de plusieurs paramètres, parmi lesquels la réforme des bourses et le maintien du soutien budgétaire de l'État. La proposition de la commission des finances ne suit aucunement cette logique et, pour ma part, je ne la soutiendrai pas en l'état.

J'estime par ailleurs que les établissements disposent en attendant d'autres marges de manoeuvre pour augmenter leurs ressources tirées des droits d'inscription, à commencer par l'application de la majoration des droits pour les étudiants extracommunautaires, alors que 92 % d'entre eux en sont aujourd'hui exonérés, de manière totale ou partielle, sur décision des établissements. Lorsque l'on offre aux universités un levier pour obtenir des ressources nouvelles, il convient que celles-ci les utilisent.

J'en viens à présent aux crédits du programme 231 relatif à la vie étudiante, doté de 3,2 milliards d'euros, en baisse de 26 millions par rapport à l'année dernière.

Cette baisse résulte principalement du statu quo sur les bourses sur critères sociaux.

On observe, depuis plusieurs années, une tendance à la diminution du nombre de boursiers, sous l'effet de la progression des formations privées et en apprentissage, qui ne sont pas éligibles aux bourses, mais surtout de l'absence d'indexation des barèmes sur l'inflation. Chaque année, la hausse des salaires nominaux conduit ainsi à la sortie de nombreux étudiants du système. Une première réforme engagée en 2023 par Sylvie Retailleau avait permis d'améliorer la situation, en étendant le bénéfice des bourses à 13 000 étudiants supplémentaires et en augmentant sensiblement leur montant.

Une seconde phase de la réforme, annoncée pour la rentrée 2025, devait permettre d'indexer enfin ces prestations sur l'inflation et de corriger les effets de seuil du système actuel par une linéarisation des échelons, pour un coût total estimé par le ministère entre 350 et 400 millions d'euros. Du fait de la situation budgétaire et politique, cette seconde phase a été reportée sine die, en conséquence de quoi le nombre de boursiers est revenu en 2024-2025 à son niveau d'avant la réforme de 2023.

Les crédits destinés aux aides indirectes aux étudiants, c'est-à-dire principalement à la restauration et au logement, sont en revanche en légère hausse, du fait de l'augmentation de 14 millions d'euros de la subvention versée au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous).

Cette hausse vise principalement à couvrir la progression rapide de son activité de restauration, soumise à une forte tension depuis les mesures de modération tarifaire mises en place lors de la crise sanitaire. La présidente du Cnous estime que, alors que le coût réel d'un repas est estimé à 8 euros, que le plafond d'emploi du réseau n'évolue pas, et qu'il rencontre par ailleurs des difficultés de recrutement, l'augmentation du nombre de repas à un euro conduit à une « fragilisation déraisonnable » de son activité de restauration.

Il faut, par ailleurs, observer que les mesures d'économies opérées sur les aides directes, c'est-à-dire les bourses ou les aides personnalisées au logement (APL), tendent à augmenter le recours aux aides indirectes, selon un effet report principalement supporté par le réseau des oeuvres. Dans ce contexte, l'augmentation de sa dotation budgétaire ne peut être que saluée ; le Cnous demeure cependant contraint de réfléchir à des mesures d'économies, de resserrement de son activité et de péréquation entre ses structures.

J'en termine, sur les aides indirectes, avec la loi du 13 avril 2023, dite loi Levi, dont la montée en charge est poursuivie et dont l'enveloppe budgétaire est préservée à la hauteur des besoins constatés sur le terrain. Ainsi, 211 conventions de partenariat avec des structures de restauration collective sont à présent en vigueur, et 35 millions d'euros sont prévus pour 2026.

Enfin, dans la perspective de l'examen à venir par le Parlement du projet de loi relatif à la régulation de l'enseignement supérieur privé, je me suis penché sur les conditions de l'octroi de financements publics aux formations supérieures privées, notamment via les crédits de l'apprentissage.

Alors que les formations privées accueillent désormais plus du quart des étudiants, je constate que le système actuel est marqué par une surrégulation des établissements privés de qualité, qui s'oppose à l'absence globale de contrôle dont bénéficient les structures que nous pourrions qualifier d'« officines commerciales ».

Les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (Eespig) et, plus généralement, les établissements privés de qualité sont en effet soumis à de fortes contraintes pour des contreparties de plus en plus limitées. En témoigne la baisse de la dotation par étudiant allouée aux Eespig, qui a diminué de 28 % lors de la dernière décennie.

Face à la concurrence débridée du secteur privé lucratif, certaines écoles rencontrent par ailleurs des difficultés nouvelles de recrutement. Dans ce contexte, certains établissements envisagent de quitter le statut d'Eespig ou l'univers régulé de la délivrance de titres et de diplômes nationaux pour bénéficier de la même souplesse que leurs concurrents. Cette évolution ne peut que nous inquiéter au regard non seulement des perspectives ouvertes aux étudiants, mais aussi de la nécessité pour notre pays de conserver une offre de formation technique afin de relever le défi de la souveraineté de notre industrie, qui en a bien besoin.

À rebours de ces inquiétudes nouvelles, ces dernières années ont vu un développement rapide - que personne n'avait anticipé - de formations privées à but très lucratif, dont le modèle de formation repose sur la délivrance de certifications professionnelles plutôt que de diplômes nationaux, et le modèle économique sur la captation des financements publics de l'apprentissage. Depuis la réforme de 2018, le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a parallèlement connu une croissance spectaculaire de 253 %, principalement portée par les écoles de commerce et les autres formations privées. Cette évolution a donné lieu à 6,5 milliards d'euros de dépenses publiques, entre 2020 et 2023, au titre de la prise en charge des contrats d'apprentissage par l'État.

Les fonds publics de l'apprentissage sont ainsi dévoyés au profit d'établissements à l'environnement pédagogique très insuffisant, associant un faible taux d'enseignants permanents à une proportion importante de cours à distance, et aux pratiques commerciales trompeuses.

Face à cette situation, les mesures mises en oeuvre, très timides, sont centrées sur la lutte contre la fraude et sur un objectif global d'économies, plutôt que sur la promotion de la qualité pédagogique des organismes bénéficiaires.

Il me semble au contraire que, pour véritablement réguler les dépenses de l'apprentissage tout en protégeant les étudiants, le levier le plus efficace consisterait à flécher les financements associés vers les établissements dont la qualité aura pu être reconnue.

Cette ambition suppose une évolution du système d'évaluation des établissements du supérieur, qui doit être étendu à tous les établissements bénéficiant de financements publics.

Alors que l'existence du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) est menacée par plusieurs amendements déposés sur le projet de loi de simplification de la vie économique- l'examen en commission mixte paritaire ne cesse d'être repoussé et devrait a priori avoir lieu en janvier prochain -, il me semble au contraire que cette instance doit occuper une place centrale dans le dispositif. Son statut d'autorité publique indépendante ainsi que son savoir-faire en font en effet l'acteur le plus légitime.

J'ai par ailleurs pu constater que sa nouvelle présidente a engagé un grand chantier de simplification des modalités de contrôle et d'évaluation, qui est largement salué par les acteurs. L'objectif en est notamment de limiter la durée de l'évaluation à un an, de faire passer sa périodicité de cinq à six ans, et de rationaliser les critères utilisés. L'institution travaille par ailleurs à développer son acculturation aux spécificités des établissements privés, par un travail en commun avec la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), et qui devra également associer la commission des titres d'ingénieur (CTI).

Dans le contexte du nécessaire redressement de nos comptes publics, et en gardant ces quelques points de vigilance à l'esprit, je vous propose de donner un avis favorable à ce budget d'attente, corrigé à la marge par la limitation du montant restant à la charge des établissements au titre du CAS « Pensions », selon l'amendement que je vous propose d'adopter.

M. Yan Chantrel. - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport, qui est très complet. Le budget que vous nous avez présenté aujourd'hui affiche, en apparence, une hausse très modeste de 175 millions d'euros, soit une évolution de 0,64 %. En réalité, cette hausse ne compense pas l'inflation attendue, de 1,3 % pour 2026. En euros constants, le budget décroît.

Les finances des universités restent largement grevées par les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie ; par la non-compensation intégrale par l'État des mesures dites Guerini, dont le reste à charge est évalué à 150 millions d'euros pour 2026 ; par les nouvelles obligations réglementaires concernant la PSC, dont le coût est estimé à 62 millions d'euros ; et par le relèvement de 4 points du CAS « Pensions », qui n'est compensé qu'à hauteur de 81 millions d'euros, sur un coût total de 200 millions d'euros.

L'État décideur refuse d'être payeur : nous déposerons des amendements afin de compenser ces coûts, qui font peser sur nos universités un poids démesuré. Les conséquences sur leurs capacités d'accueil - près de 30 000 places ont été supprimées en master et en licence à la rentrée 2025 - et sur les conditions de cet accueil sont lourdes.

Le programme 231 relatif à la vie étudiante enregistre également une baisse de 3,22 millions d'euros, mais la baisse la plus significative concerne les bourses sur critères sociaux, justifiée par le ministère au titre d'une baisse du nombre de boursiers en lien avec l'apprentissage. Cet argument est particulièrement inaudible alors que la précarité des étudiants augmente. Par ailleurs, les besoins en aide alimentaire se multiplient pour répondre à l'urgence sociale qu'entraîne, d'une part, la non-indexation des bourses sur l'inflation et, d'autre part, l'effet de seuil du système actuel d'éligibilité aux bourses.

Ainsi, le nombre de boursiers diminue annuellement, tandis que la précarité augmente. J'y vois la démonstration de l'inadéquation du système aux besoins de la jeunesse. Il est plus que jamais urgent de mettre en place cette réforme structurelle des bourses, qui nous est promise depuis deux ans.

Considérant votre intervention, monsieur le rapporteur, je suis étonné de votre avis favorable sur les crédits de l'enseignement supérieur. En 2026, la somme globale consacrée à chaque étudiant est de 13 060 euros par an, soit 1 000 euros de moins qu'il y a dix ans ; signe que l'État n'a pas accompagné l'augmentation massive des effectifs étudiants, soumettant ainsi l'université à une pression qui continue d'augmenter.

Vous l'avez dit, l'enseignement privé lucratif connaît un essor considérable, exploitant le désespoir des jeunes à coups de frais de scolarité exorbitants, alors même qu'ils délivrent des diplômes en carton, si je puis dire, sans valeur sur le marché du travail. Ces établissements, qu'il faut à tout prix réguler, font même une concurrence déloyale à l'enseignement privé de qualité, notamment aux Eespig.

Nous proposerons prochainement une proposition de loi sur ce sujet, qui vous tient également à coeur, monsieur le rapporteur.

Pour toutes ces raisons, nous donnerons un avis défavorable à ces crédits sur l'enseignement supérieur.

M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la franchise de vos propos et pour les constats que malheureusement nous partageons, notamment s'agissant de la fin de la LPR. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette loi de programmation qui n'a finalement que fort peu contraint le budget de l'État, ce qui pose problème pour un éventuel renouvellement d'un exercice de ce type.

Plus profondément, je m'interroge : pourquoi tant de lois de programmation sont-elles appliquées, mais pas celle qui concerne la recherche et l'enseignement supérieur ? Force est de constater qu'une loi de ce type ne suffit pas en l'absence de prise de conscience politique de l'intérêt de faire progresser son budget au sein d'une loi-cadre.

Nous devrions nous interroger sur ce point, alors que tous nos voisins - je pense notamment au Royaume-Uni et à l'Allemagne -, qui se trouvent parfois dans des situations budgétaires plus complexes que la nôtre, considèrent que la seule façon de sortir de la crise que nous traversons consiste à engager des moyens considérables pour la recherche. Nous faisons l'inverse.

Vous avez évoqué un budget d'attente, mais j'estime qu'il s'agit plutôt d'un budget d'accompagnement du déclin, voire d'un budget de soins palliatifs : nous sommes en train de mettre sous perfusion des universités dont toutes nous disent que leur budget sera totalement déficitaire dans très peu de temps, les contraignant à passer sous la tutelle du recteur. En clair, cela signifie la fin de l'autonomie des universités.

L'élément le plus triste de votre rapport réside dans la perte de 440 contrats doctoraux, ce qui est d'une extrême gravité. La France est en effet le seul pays de l'OCDE à perdre entre 5 % et 10 % de docteurs chaque année, et ce budget s'inscrit dans la même tendance, alors que nous avons besoin d'eux dans des domaines tels que l'intelligence artificielle (IA). De surcroît, nous sommes complètement dépendants des doctorants étrangers : si ceux-ci ne viennent plus étudier en France, la moitié des formations risque de fermer.

Enfin, concernant les tarifs différenciés, il me paraît politiquement impossible de faire accepter une hausse des droits d'inscription si l'État consacre par ailleurs des sommes folles à des établissements privés lucratifs, sans aucun contrôle.

Nous voterons bien évidemment contre ce budget.

Mme Laurence Garnier. - Deux tiers des universités se trouvent dans une situation financière difficile, notamment en raison de la non-compensation de mesures décidées unilatéralement par l'État, telles que les mesures Guerini ou la hausse de la contribution au CAS « Pensions », qui devra être absorbée par les établissements à hauteur de 200 millions d'euros dans ce budget. Vous avez, monsieur le rapporteur, déposé un amendement visant à compenser partiellement cette dernière mesure, tandis que le rapport d'information rédigé par Pierre-Antoine Levi et moi-même préconisait une compensation complète.

Pour autant, vous avez rappelé les contraintes pesant sur nos finances publiques et nous considérons donc que l'amendement représente un premier pas qui a le mérite d'envoyer un signal à nos universités, qui se retrouvent dans une position difficile de manière récurrente, à la suite de ces décisions de l'État.

Vous avez rappelé, en outre, que Bercy lorgne la trésorerie de nos universités. Or si celle-ci peut paraître imposante facialement - 5,5 milliards d'euros -, elle comporte, comme nous l'ont rappelé de nombreux présidents d'université, une grande part de trésorerie « fléchée », c'est-à-dire d'ores et déjà destinée à financer des appels à projets pluriannuels.

Sur un autre point, vous avez évoqué les Comp, qui ont vocation à devenir des contrats d'objectifs et de moyens (COM) à part entière, mais dont les contours restent très flous. Il est en tout cas certain que la SCSP telle qu'elle existe actuellement est pour le moins illisible et suscite de nombreuses incompréhensions de la part des présidents d'université.

J'en viens aux potentielles recettes supplémentaires et donc aux droits d'inscription, en rappelant que l'écrasante majorité des étudiants extracommunautaires est exonérée, totalement ou partiellement, de la majoration desdits frais. Cela mérite débat : je rappelle qu'un étudiant français qui s'inscrit en licence doit s'acquitter de 178 euros, là où les frais devraient s'élever à 2 770 euros pour un étudiant extracommunautaire.

Si ne suis pas opposée à ce que les étudiants extracommunautaires aient à payer des droits d'inscription plus élevés, n'oublions pas que nombre d'entre eux arrivent en France avec peu de ressources : plus de la moitié des étudiants étrangers accueillis dans nos universités viennent du Moyen-Orient, du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, et on peut raisonnablement penser qu'une partie d'entre eux ne serait pas en mesure de s'acquitter du montant majoré des droits d'inscription.

L'ouverture d'une réflexion sur l'augmentation des droits d'inscription pour les étudiants français fait quant à elle partie des recommandations de notre rapport, en précisant que cette réflexion devrait être menée parallèlement à une réforme des bourses et sans diminuer, par ailleurs, le montant alloué aux établissements universitaires par l'État, ce qui n'est pas le sens de l'amendement déposé par notre collègue de la commission des finances.

Enfin, il importe de garder à l'esprit que toutes les réflexions sur la hausse des droits d'inscription ne seront pas de nature à régler la question du financement de nos universités, car ils ne représentent que 2,7 % de leur budget.

J'en termine avec le coût de l'échec étudiant : seuls 36 % de nos étudiants obtiennent leur licence en trois ans et la moitié l'obtiennent en cinq ans - c'est-à-dire après deux redoublements - malgré les efforts et les dispositifs déployés par de nombreuses universités. Cet échec étudiant, majeur, a un coût pour nos finances publiques estimé à 554 millions d'euros par cohorte d'étudiants, et je pense qu'il faut mettre ce sujet sur la table.

Mme Laure Darcos. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour son travail, bien qu'il dépeigne un tableau affligeant de la situation : nous avons tous le moral en berne, et moi en particulier.

Je tiens en préalable à excuser Mme Paoli-Gagin, qui n'a pu se joindre à nous. Elle ne m'avait pas consultée au sujet de l'amendement qu'elle a déposé et je lui ai indiqué qu'il serait difficile de le faire adopter en l'état par notre commission.

Je souhaite vous lire le mail que m'a adressé un président d'université, qui montre à quel point l'opacité absolue entretenue par l'État concernant les financements des universités est grave : « Les données financières des universités sont publiées sur data.enseignementsup-recherche.gouv.fr. Les derniers éléments publiés sont le compte financier de 2023 et le budget initial de 2024. Depuis, les universités ont voté un compte financier pour 2024, mais aussi le budget initial 2025, et éventuellement des rectificatifs. Lors de l'élaboration du budget initial, l'ensemble des crédits notifiés aux établissements figurent dans un document dit “notification préliminaire”. Ce document n'a pas été reçu en 2024 ni en 2025. » En clair, l'État cache aux universités l'ensemble du compte financier.

Il poursuit : « Pour cette année, nous avons reçu le vade-mecum en pièce jointe et des orientations par mail. Dans le budget d'établissement, le rectorat nous demande d'afficher strictement le montant notifié, qui est systématiquement inférieur au montant notifié au cours de l'année, notamment en juillet dans la notification intermédiaire et en fin d'année dans la notification finale.

« Cela oblige les établissements à établir un budget négatif, car l'ensemble des recettes de la part de l'État ne sont pas inscrites. Au surplus, l'université est dans l'obligation de trouver des financements externes qui ne sont pas connus au moment de l'élaboration du budget initial. Il ne s'agit ainsi pas d'une mauvaise gestion ou d'un manque de compétences.

« Sur la trésorerie, nous avons l'obligation d'avoir quinze jours de fonds de roulement et trente jours de trésorerie au regard du décret financier. Par effet multiplicateur, les 864 millions d'euros de 2024 - moindres aujourd'hui sur les fonds non fléchés - ne couvrent sans doute pas plus les besoins attendus pour les universités et les organismes nationaux de recherche.

« Il serait pertinent que le ministre présente le montant que représentent ces deux obligations pour l'université et le compare au montant disponible réel à partir des comptes financiers de 2024 votés en 2025.

« Le plus grave concerne les actions spécifiques qui sont demandées sur les budgets, notamment le soutien handicap calculé a priori sur le nombre d'étudiants en situation de handicap. Il leur est en effet notifié que les actions spécifiques non pérennes ne doivent pas être intégrées en tant que recettes pouvant ainsi remettre en cause l'inscription de ces politiques, puisque cela creuse le déficit. »

Mme Mathilde Ollivier. - Je tiens à exprimer mon indignation en réaction à la fin de votre rapport : près de 6,5 milliards d'euros sont consacrés à l'apprentissage, soit un montant bien supérieur aux impacts des mesures Guerini et de la PSC, estimés à 400 millions d'euros ou à 500 millions d'euros par an. Une enveloppe de 6,5 milliards d'euros est donc allouée aux établissements privés à but lucratif pour qu'ils se développent...

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - L'enveloppe ne concerne pas que les établissements privés et porte sur trois années, de 2020 à 2023.

Mme Mathilde Ollivier. - Il serait intéressant d'avoir le détail de la répartition entre les différentes catégories d'établissements. En tout état de cause, au lieu de débattre de la PSC et du CAS « Pensions », au sujet desquels nous déposerons tous des amendements, nous devrions discuter de la LPR et des moyens permettant de rendre la recherche et l'enseignement supérieur français compétitifs à l'international, la plupart des acteurs ayant compris que l'avenir de nos pays et de nos économies se joue dans ce domaine. Je m'attriste donc que nous discutions de la compensation des mesures précédemment adoptées au lieu de nous atteler à un travail de prospective pour notre enseignement supérieur.

Par ailleurs, les frais différenciés sont, selon nous, une mesure dangereuse en ce qu'ils remettent en cause les principes mêmes sur lesquels se fonde l'enseignement supérieur. Si une discussion doit avoir lieu sur ce sujet, je pense qu'elle mérite un débat bien plus large qu'un amendement au PLF.

Pour ce qui est du programme 231 « Vie étudiante », l'absence d'indexation des bourses sur l'inflation conduit à ce que le nombre de boursiers soit le plus faible depuis dix ans, alors que l'accès à l'enseignement supérieur est déjà très inégalitaire et que la pauvreté augmente, notamment chez les jeunes.

La classe d'âge la plus pauvre est ainsi celle des moins de 18 ans, avec un taux de pauvreté de 11,4 % ; la deuxième classe d'âge la plus pauvre étant celle des 18-29 ans, avec un taux de pauvreté s'élevant à 10 %. Or réduire l'enveloppe des bourses ou l'accès aux différentes catégories de bourses touche au premier chef les plus pauvres, ainsi empêchés d'accéder à l'enseignement supérieur.

Nous voterons donc contre ce budget.

M. Jean Hingray. - Le moins que l'on puisse dire, c'est que la présentation du PLF pour 2026 a contribué à faire naître un débat musclé - et sans doute indispensable - au sein des universités françaises. Le sniper est le ministre lui-même qui, au cours d'une audition récente au Sénat, a osé prononcer les propos suivants : « La situation budgétaire des établissements, ce n'est pas Zola non plus ! » Cette phrase a déclenché une vive polémique, ce qui n'a pas empêché le ministre de souligner, par ailleurs, l'excellence des universités de notre pays.

Le montant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » marque une hausse de presque 2 % par rapport à 2025. Pour autant, nous sommes atterrés par la trajectoire de la LPR, qui n'est pas respectée depuis 2025 : les crédits de la LPR sont ainsi inférieurs de 55 millions d'euros au montant qui aurait dû être atteint pour l'année 2026.

Que faut-il en conclure ? Que la parole de l'État n'est pas tenue, ce qui contribue évidemment à déstabiliser l'ensemble de l'écosystème, privé de cap et en panne de confiance, comme l'avaient souligné nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi dans leur récent rapport d'information intitulé Relations stratégiques entre l'État et les universités.

Une autre conclusion possible est que notre système de recherche a atteint une limite, du fait d'une démographie négative des chercheurs ou de la montée en puissance généralisée de l'IA.

En réalité, l'ensemble de l'écosystème est en mutation rapide : par exemple, la hausse spectaculaire de l'apprentissage - 665 000 jeunes en 2024, contre environ 327 000 jeunes en 2020 - a nécessairement un impact sur le nombre de bénéficiaires de bourses sur critères sociaux dans la mesure où les apprentis n'y ont pas accès. Rappelons également que 50 % des étudiants franchissent le stade de la licence en trois à cinq années et que le coût d'une année de formation étudiante est d'environ un peu plus de 12 000 euros, comme le soulignait Laurence Garnier.

Le ministre a donc raison : le budget des universités augmente, mais leurs dépenses suivent une trajectoire analogue. Il est vrai qu'elles doivent faire face à une hausse mécanique des flux, le baccalauréat ne jouant toujours pas son rôle de filtre.

La situation financière de l'enseignement supérieur est donc difficile. En attendant la réforme des bourses et des droits d'inscription, et si quelques lueurs d'espoir existent - avec les 35 millions d'euros déployés pour la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi -, le tableau d'ensemble est sombre.

Nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur.

M. François Patriat. - Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits alloués à l'enseignement supérieur sont préservés et les opérateurs se voient stabilisés. Avec une hausse à hauteur de 260 millions d'euros en 2026, ce budget parvient en effet à trouver un certain équilibre.

Ce budget devrait notamment permettre l'application de la réforme de la formation initiale des enseignants, qui est l'une des conditions nécessaires pour mieux recruter et mieux former dans l'intérêt des élèves et de leur réussite.

Nous saluons la volonté de territorialiser le pilotage de l'enseignement supérieur, ambition qui s'accompagne de l'inscription dans le PLF d'une enveloppe de 44,5 millions d'euros.

Toutefois, la hausse de quatre points du taux de contribution des employeurs au CAS « Pensions », qui ne devrait être compensée qu'à moitié - à hauteur de 81 millions d'euros - devrait avoir un impact sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », à savoir une augmentation des charges de personnel des organismes de recherche. Le risque pèse en particulier sur des universités déjà en difficulté, nombre d'entre elles étant confrontées à une hausse de leur coût de fonctionnement.

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », l'un des principaux enjeux est celui de la lutte contre la précarité, qui reste une réalité préoccupante dans la mesure où la moitié des étudiants vit avec moins de 100 euros par mois. Elle touche les étudiants dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de l'alimentation, de l'accès à la santé ou au logement.

Le fait de pouvoir vivre et de travailler dans des conditions décentes est l'une des conditions de réussite pour nos étudiants. Dans ce contexte, les mesures de soutien au pouvoir d'achat des étudiants prévues sont donc à saluer : parmi elles figurent la pérennisation des repas à 1 euro et du tarif social à 3,30 euros, l'accès à une offre de restauration pour les étudiants des zones blanches ou encore le renforcement des moyens pour les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).

Cependant, la non-indexation du barème des bourses sur l'inflation est dommageable, car elle risque d'avoir des effets sur la précarité des étudiants et d'entraîner une diminution du nouveau de bourses.

Par conséquent, monsieur le rapporteur, nous soutiendrons votre amendement et nous suivrons vos préconisations.

M. Max Brisson. - Nous soutenons la volonté du rapporteur de réduire l'impact de la hausse de la contribution des établissements au CAS « Pensions ». Le dialogue restant difficile entre la commission des finances et la nôtre, je l'invite à se rapprocher à nouveau du rapporteur général et du rapporteur spécial de ladite commission afin de tâcher de trouver un compromis, le prélèvement prévu étant disproportionné dans la situation actuelle.

Je suis gêné par la méthode et le dis d'autant plus aisément que les rapporteurs pour avis et les rapporteurs spéciaux appartiennent à tous les groupes de notre assemblée : nous travaillons sur le fond des sujets toute l'année, puis nous voyons arriver des préconisations de la commission des finances au moment du budget. Tout en veillant à prendre des décisions parfaitement raisonnables et responsables, il me semble qu'il serait bienvenu de consulter celles et ceux, qui, dans chacun de nos groupes, travaillent sur le fond des sujets.

Ces remarques n'enlèvent rien à la nécessité de réduire le déficit, et je comprends nos collègues de la commission des finances - en particulier son rapporteur général -, confrontés à des commissions qui considèrent que les politiques dont elles traitent sont essentielles et que les économies doivent être réalisées chez les voisins : partant de ce constat, il est logique de souhaiter mettre tout le monde à contribution, mais un peu de dialogue permettrait sans doute de trouver des solutions.

Quant à la méthode du Gouvernement, qui est liée à un contexte politique particulier et à des délais budgétaires contraints, comme l'a rappelé le président Patriat, nous restons dans le cadre d'une politique du rabot, qui ne pourra créer que des crispations. Alors que l'excellent rapport d'information de Pierre-Antoine Levi et de Laurence Garnier pose des pistes de réorganisation, je peine à identifier celles-ci dans ce projet de budget.

Des questionnements sur l'autonomie, la progressivité des droits d'inscription, la prévisibilité des moyens et la diversification des ressources mériteraient ainsi d'être abordés, mais nous nous trouvons face à la seule logique du rabot qui ne permet pas de définir une politique. Le même constat peut malheureusement être dressé, politique après politique et commission après commission.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je remercie notre rapporteur, Stéphane Piednoir, pour la qualité de ses travaux. Je tiens à formuler une série d'observations concernant la non-compensation de nombreuses mesures de ce budget et ses conséquences pour le fonctionnement, la formation et la recherche de nombreuses universités, dont celle de mon département, à Tours.

Je pense notamment au relèvement de quatre points du taux du CAS « Pensions », passant de 78 % à 82 %. Alors que son coût est estimé à 200 millions d'euros à l'échelle nationale, il n'est compensé par l'État qu'à hauteur de 80 millions d'euros : à Tours, cette absence de compensation aura un impact de 1,7 million d'euros sur l'année 2026.

Je songe, ensuite, à la mise en oeuvre sans compensation de la part employeur de la PSC des agents du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui entraînera une dépense supplémentaire d'environ 60 millions d'euros à l'échelle nationale en 2026. Pour Tours, cela équivaut à une dépense supplémentaire de l'ordre de 670 000 euros en 2026 et d'environ 1 million d'euros à partir de 2027.

En outre, la non-compensation intégrale des mesures Guerini de revalorisation salariale dans la fonction publique, qui a déjà eu un impact de 2,2 millions d'euros entre 2023 et 2025 pour une université telle que celle de Tours, entraînera un surcoût du même montant en 2026.

Enfin, la non-compensation depuis une dizaine d'années de la variation de la masse salariale - appelée en l'état à se poursuivre l'année prochaine - aboutit à ce que le phénomène glissement vieillesse technicité (GVT) représente pour l'université de Tours un coût d'environ 1,2 million d'euros.

Force est de constater que ces mesures contredisent le principe de décideur-payeur et risquent de placer de nombreuses universités dans une situation financière plus que délicate. En l'état, les mesures de ce budget occasionneront un coût de plus de 5,8 millions d'euros pour l'université de Tours, soit l'équivalent de 65 emplois d'enseignants-chercheurs. Cette situation n'étant pas une exception, il me semblait indispensable de relayer ces fortes inquiétudes.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Je partage un certain nombre de vos constats - des constats plutôt désagréables -, et il n'est pas évident d'émettre un avis sur un tel budget qui, s'il affiche, facialement, une hausse, ne respecte pas la LPR et contient des mesures que l'État ne compense pas.

Pour faire écho aux propos de Max Brisson, je dirai que nous sommes dans un contexte politique qui ne permet pas le Grand Soir avec le budget de l'enseignement supérieur, comme du reste avec n'importe quel autre budget. Nous savons à quel niveau d'endettement notre pays se trouve : il n'a aucune marge de manoeuvre pour envisager une politique d'envergure dans un domaine où pourtant - Pierre Ouzoulias l'a relevé - se prépare l'avenir de notre pays.

On bricole... Le budget pour 2026 contient des mesures mises bout à bout pour permettre à nos universités, ainsi que nos organismes de recherche, de continuer à fonctionner, tant bien que mal.

On ne fera vraisemblablement pas l'économie de remettre tôt ou tard sur la table la question d'un mode de calcul transparent de la subvention pour charges de service public ni celle - Laurence Garnier l'a souligné - des conditions d'accueil à l'université. Nous avons eu ce débat au sein de la commission il y a quelques semaines : sans doute demande-t-on trop à l'université, sans lui accorder les contreparties nécessaires.

Madame Ollivier, le montant de dépenses de 6,5 milliards d'euros consacrées à l'apprentissage concerne l'ensemble de l'enseignement supérieur, qu'il soit public ou privé, sur une durée de trois ans. Il ne s'agit cependant, en l'absence de tout contrôle annuel des dépenses liées à l'apprentissage dans notre pays, que d'une estimation fondée sur une revue de dépenses de l'inspection générale des finances (IGF).

En ce qui concerne les droits d'inscription universitaires, je suis favorable à la poursuite de la réflexion, que le rapport d'information sénatorial déposé le 22 octobre dernier a déjà engagée, sur leur possible augmentation. Pour autant, une telle décision ne saurait relever d'un décret, comme cela est envisagé dans l'amendement que la commission des finances a adopté. J'en ai fait part à notre collègue rapporteure spéciale de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au sein de cette commission à l'occasion d'une réunion et j'espère que mon point de vue sera pris en compte.

L'avis favorable que je vous propose d'émettre s'accompagne de grandes réserves sur notre modèle d'enseignement supérieur, tant privé que public. Plutôt libéral, je suis aussi très attaché à la régulation, que Yan Chantrel a évoquée. Ainsi, si je suis enclin à accepter le développement de l'offre privée dans l'enseignement supérieur, c'est à la double condition qu'elle soit de qualité et qu'elle réponde à certains standards ; et il est impératif que ces deux critères fassent l'objet d'une vérification, dès lors que des crédits publics destinés l'apprentissage se dirigent pour une large part vers ces établissements privés.

Article 49 (état B)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. L'amendement que je vous propose vise à réduire de 60 millions d'euros la dépense nouvelle mise à la charge des établissements publics d'enseignement supérieur au titre de la hausse de la contribution au CAS « Pensions », soit 200 millions d'euros dont 80 millions d'euros seulement compensés par le projet de loi de finances. L'amendement est gagé sur le programme 193 « Recherche spatiale ». Nous verrons quelle sera la position du Premier ministre sur ce choix...

L'amendement CULT.1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Recherche » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous passons à l'examen des crédits relatifs à la recherche.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la recherche. - Avant de vous présenter le budget pour 2026 de la recherche, je souhaite revenir sur l'année 2025, qui a été marquée par la revoyure, au printemps dernier, de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR).

Prévue à l'article 3 de la loi, cette revoyure, qui doit intervenir au moins tous les trois ans, consiste en une actualisation permettant de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés par la LPR, ses réalisations et les moyens consacrés.

Alors qu'elle aurait dû avoir lieu en 2023, elle a été sans cesse reportée par les ministres successifs, malgré les appels réguliers de notre commission à respecter l'échéance des trois ans. Le premier de ces appels a été lancé dès juillet 2022 par Laure Darcos et Stéphane Piednoir, dans leur rapport d'information sur la mise en oeuvre de la LPR. Plusieurs ont suivi, à l'occasion de chaque exercice budgétaire.

C'est finalement le ministre Philippe Baptiste qui a décidé d'activer la revoyure au début de cette année, initiative qui doit être mise à son crédit. Cependant, la méthode choisie, celle d'un « événement interne » selon l'expression du ministère, réunissant les acteurs de l'enseignement supérieur de la recherche autour de débats thématiques, n'est pas satisfaisante.

Ne pas associer le Parlement au bilan d'étape d'une loi de programmation relève presque de la faute politique ! Certes, le ministre nous a dit, il y a quelques semaines lors de son audition, sa disponibilité pour nous rendre compte de cet événement interne, mais cela arrive trop tard puisque nous examinons aujourd'hui un budget censé concrétiser la sixième « marche » de la LPR.

Une revoyure en bonne et due forme, associant le Parlement, le ministère et les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR) nous aurait permis de réfléchir collectivement aux moyens que l'État, contraint à des arbitrages pour redresser ses comptes, est prêt à consacrer à un secteur crucial pour l'avenir du pays et qui nécessite un investissement sur le temps long.

Nous voici donc devant un projet de budget pour 2026 de la recherche qui enregistre une très légère augmentation - cela doit être souligné alors que d'autres budgets sont en baisse -, mais dans une proportion bien inférieure à l'annuité programmée.

Stéphane Piednoir nous a expliqué le montant et l'affectation des crédits ouverts sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » au titre de la LPR.

Sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui est le principal support de financement de la recherche publique, l'apport de moyens nouveaux est de 44,3 millions d'euros, soit une différence de près de 317 millions d'euros par rapport à la programmation.

Cet apport est principalement consacré à la poursuite de la revalorisation des métiers de la recherche, mais sur un périmètre de mesures très restreint. Seront ainsi financés l'année prochaine le repyramidage des emplois de la filière des ingénieurs et techniciens de recherche et la revalorisation de la rémunération des contrats doctoraux. En revanche, d'autres mesures de ressources humaines, comme la poursuite de la revalorisation du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, sont mises à l'arrêt.

Le ministère m'a par ailleurs confirmé qu'une enveloppe de 11,9 millions d'euros était bien prévue pour le déploiement des chaires de professeur junior, dispositif apprécié des opérateurs de recherche pour recruter des profils scientifiques spécifiques.

Au total, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ne concrétise donc, sur les programmes 150 et 172, qu'un quart, voire un cinquième de la sixième « marche », selon que l'on y intègre ou non le montant consacré aux nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) des établissements d'enseignement supérieur.

Ce non-respect de la trajectoire budgétaire, pour la deuxième année consécutive et dans une proportion plus marquée, constitue, à mes yeux, une dangereuse remise en cause de la dynamique de réinvestissement que la LPR avait réussi à enclencher durant les premières années de la programmation.

Même si le nécessaire redressement de nos comptes publics impose de faire des choix et de partager les efforts, la recherche ne doit pas servir de variable d'ajustement, à l'heure où la France doit plus que jamais assurer sa souveraineté dans ce domaine.

Cette sous-exécution de la LPR est aggravée par le fait que l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont notre commission avait veillé à accroître sensiblement les moyens d'intervention pendant les premières années de la programmation, est aujourd'hui financièrement fragilisée.

Sa situation mérite quelques explications qui sont nécessaires à la bonne compréhension du problème.

La gestion des appels à projets de recherche entraîne mécaniquement un écart entre les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) : les premières servent à lancer l'appel à projets et à lui donner une visibilité pluriannuelle, tandis que les seconds permettent de financer les porteurs de projets au fur et à mesure de leur avancement.

Avec le déploiement de la trajectoire prévue par la LPR, les AE de l'ANR ont été substantiellement supérieures à ses CP de 2021 à 2024, de l'ordre de 280 millions d'euros par an en moyenne. L'Agence se retrouve aujourd'hui avec un niveau de CP insuffisant pour couvrir les décaissements liés aux projets qu'elle s'est déjà engagée à financer.

Face à cette difficulté, sur laquelle la présidente de l'ANR m'avait déjà alertée l'année dernière, des mesures de lissage, consistant en des décalages de versement aux porteurs de projets, ont été mises en place.

Avec le PLF 2026, l'ANR se retrouve confrontée au même problème : l'enveloppe de CP prévue, en augmentation de 20 millions d'euros par rapport à 2025, ne permet toujours pas de couvrir ses engagements passés. L'Agence chiffre en effet son besoin en ressources à 70 millions d'euros, soit une différence de 50 millions d'euros.

L'ANR semble exclure de nouvelles mesures de lissage, estimant être allée au maximum de ce qu'elle pouvait faire, sans porter préjudice aux porteurs de projets. Elle indique également que, dès 2027, le niveau de sa trésorerie ne sera plus suffisant. En conséquence, la seule solution viable consiste à augmenter le niveau de ses CP, scénario qui se heurte toutefois aux contraintes budgétaires.

Ce sujet de la mise à niveau des CP, qui concerne les appels à projets passés, pose également la question de la poursuite de la dynamique des AE, dont dépendent les futurs appels à projets. Faut-il freiner cette dynamique afin de limiter, à l'avenir, le besoin de CP, mais au risque de porter atteinte aux résultats obtenus grâce à la LPR quant au taux de succès des appels à projets ? Ce taux, qui était de 19,2 % avant la LPR, a connu une progression significative jusqu'en 2023, année où il a atteint 25,2 %.

Le niveau du taux de succès a aussi des répercussions sur celui du préciput, cet abondement financier versé par l'ANR en complément du financement des projets de recherche.

L'évolution du taux de succès dépend mécaniquement du niveau des AE : leur diminution entraîne de facto un recul du taux de succès, sans baisse simultanée du nombre de projets déposés ou du coût moyen des projets, qui sont des variables dites « libres » sur lesquelles l'ANR n'a pas ou peu prise. Celle-ci indique qu'une baisse de 40 millions d'euros de ses AE se traduit par une baisse de l'ordre de 1 % du taux de succès.

En loi de finances pour 2025, le volume des AE de l'ANR a été réduit de 90 millions d'euros. Une nouvelle diminution, à hauteur 70 millions d'euros, est prévue dans le PLF 2026.

Ces baisses vont inévitablement entraîner un recul du taux de succès, déjà perceptible cette année puisqu'il atteindrait moins de 23 %, contre 24,2 % en 2024. Ce repli est néanmoins jugé « acceptable » par l'ANR, car il permettra à la France de rester dans les standards internationaux.

En revanche, une baisse plus significative pourrait faire repasser le taux de succès sous la barre des 20 %, soit le taux d'avant la LPR, et provoquer un nouveau décrochage de la recherche française.

J'évoque ce scénario plus maximaliste, car c'est celui qui est proposé dans l'amendement adopté par nos collègues de la commission des finances et visant à annuler 150 millions d'euros d'AE et 30 millions de CP sur le budget de l'ANR. Notre commission ne peut raisonnablement pas soutenir une telle initiative, qui nous éloignerait encore plus de l'objectif, toujours loin d'être atteint, d'un effort national de recherche au moins égal à 3 % du PIB.

Ce projet de budget est aussi marqué par une nouvelle mise à contribution des opérateurs de recherche pour le financement de mesures salariales ou sociales décidées par l'État.

Les opérateurs devront ainsi prendre en charge une hausse de 68 millions d'euros de leur contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », dont seulement 16 millions d'euros leur seront compensés. S'y ajoutera un surcoût de 62,5 millions d'euros au titre de la protection sociale complémentaire (PSC), pour laquelle aucune compensation n'est prévue.

Ces dépenses nouvelles viennent en plus des mesures dites « Guerini » de 2023 et 2024, compensées à hauteur de 45 millions d'euros pour un surcoût de 100 millions, et d'une première mesure CAS « Pensions », non compensée pour les organismes de recherche - à l'inverse des universités.

Pour absorber ces charges nouvelles qui s'accumulent au fil des ans, les opérateurs de recherche procèdent à des prélèvements sur leur trésorerie libre d'emploi qui, à force, s'assèche. Dès 2026, certains pourraient être contraints de recourir à des mesures d'économies affectant directement leurs activités de recherche : baisse des dotations de base des laboratoires, réduction des campagnes d'emploi et des campagnes d'équipement. Ce scénario a notamment été évoqué par le président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) lors de sa récente audition.

Si l'ensemble des opérateurs de recherche n'est sans doute pas dans une situation financière aussi critique que celle que connaissent les universités, j'alerte tout de même sur le fait que le caractère répété et cumulatif de ces transferts de charges pourrait, à plus ou moins brève échéance selon les organismes, altérer leur capacité à exercer leurs missions.

Dans le contexte du nécessaire redressement de nos comptes publics, je vous propose de donner un avis favorable à ce projet de budget, assorti des points de vigilance que j'ai mentionnés.

Je précise que, dans mon rapport écrit, j'ai aussi souhaité aborder deux thématiques, non strictement budgétaires, mais sur lesquelles il me paraissait important de faire un point d'étape : d'une part, les deux chantiers structurels en cours dans le secteur de la recherche - le déploiement des agences de programmes et la démarche de simplification -, d'autre part, les effets directs et indirects sur notre recherche des menaces qui pèsent sur la science américaine, avec notamment l'enjeu autour de l'hébergement des données scientifiques.

M. David Ros. - Merci de la précision de votre rapport et de celui de Stéphane Piednoir, étant observé que vos travaux sont étroitement liés dans leur objet.

L'état difficile de l'université emporte assurément des conséquences sur la recherche, l'université ayant pour double mission l'enseignement supérieur et la recherche. S'y ajoutent la non-compensation de la contribution des organismes de recherche au CAS « Pensions » - ces organismes sont du reste souvent les partenaires des universités pour le fonctionnement des unités mixtes de recherche (UMR) -, la situation complexe de l'ANR et une sixième « marche » ratée de la LPR, qui évoque davantage une descente qu'une ascension.

Certes, la revalorisation du doctorat est mise en avant, mais elle reste très inférieure à ce que prévoyait la LPR et à ce qui se fait ailleurs en Europe ou aux États-Unis. L'enjeu est celui de la reconnaissance du diplôme national de doctorat non seulement par les décideurs publics, ainsi que le mettait en avant le rapport d'information sur les relations stratégiques entre l'État et les universités de nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi, mais également dans le monde privé. Le dispositif « jeunes docteurs » du crédit d'impôt recherche (CIR), favorisant la reconnaissance des docteurs en entreprise, a par exemple été supprimé par la loi de finances de 2025. Autant d'éléments qui mettent à mal la recherche, en dépit de l'importance qu'elle revêt pour notre pays, sa souveraineté et son avenir.

Le budget pour 2026 a été qualifié de budget d'attente ; cependant, les moments de vérité sont nécessaires et il faut réagir. Si je partage les constats de nos deux rapporteurs pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », j'en arrive à une conclusion diamétralement opposée à la leur : ce budget ne correspond pas aux ambitions affichées pour notre pays et l'avis du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) sera donc défavorable.

M. Pierre Ouzoulias. - Je partage l'expression de mon collègue sur la qualité de ce rapport : vous avez, en très peu de temps, acquis une connaissance fine du budget, pourtant extrêmement complexe, de la recherche.

Max Brisson, à la suite de la présentation du rapport pour avis de Stéphane Piednoir, faisait état d'une dissension gauche-droite sur le rôle de la recherche. Elle n'a pas toujours existé et il fut une période où nous partagions les mêmes objectifs dans ce domaine. Permettez-moi de citer le général de Gaulle : « Sans la science et les savants, un pays comme la France ne serait plus qu'un paysage et des souvenirs », « La France ne peut être la France sans la grandeur ; or celle-ci, au XXe siècle, se fonde d'abord sur la science et sur la technique ». N'avons-nous pas aujourd'hui abandonné cette vue très progressiste d'une science au service tant de la souveraineté que du développement humain ? Et n'est-ce pas sous cet angle que quelque chose s'est cassé ?

On finit par considérer que la science et la connaissance ne servent pas à l'évolution de notre société. C'est un mal typiquement français : quand on franchit le Rhin, un fonds spécial de 500 milliards d'euros, qualifié de « bazooka budgétaire », doit permettre de porter la part du budget de la recherche et de la connaissance de 3,07 % à 3,5 % du PIB de l'Allemagne. Dans le même temps, en France, nous acceptons une baisse continue de cette part, ramenée aujourd'hui à quelque 2,14 % de notre PIB.

L'Allemagne consacre notamment des crédits très importants à l'accueil des chercheurs étrangers, dans un contexte, semblable au nôtre, de crise démographique majeure. D'autres pays font le même constat de la nécessité d'attirer des chercheurs étrangers : l'Arabie saoudite, par exemple, offre aux chercheurs un salaire moyen mensuel équivalent à 6 000 euros. L'université du Roi-Saoud (King Saud University, KSU), qu'une délégation de notre commission a visitée, bénéficie, du reste, d'équipements sans commune mesure avec ceux dont nous disposons en France.

Cette forme de précarisation de l'ESR que nous subissons me devient insupportable.

Le constat est également accablant au sujet de l'ANR. Notre collègue rapporteur spécial de la commission des finances Jean-François Rapin considère qu'il faut en diminuer le budget, afin de contraindre les chercheurs à solliciter les crédits européens. Or ils ne pourront le faire, tant la bureaucratie européenne excède leur capacité administrative, tandis que l'ANR a énormément progressé dans ce domaine.

Les universités connaissent aujourd'hui des difficultés telles pour gérer les crédits de la recherche qu'elles demandent de plus en plus à leurs chercheurs fonctionnaires de se constituer en autoentrepreneurs, afin de les rémunérer de leurs travaux sur factures. Nous en arrivons à des situations totalement ubuesques !

M. Max Brisson. - Les conclusions des deux rapports sur les crédits de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche pour 2026 ont pu sembler contradictoires avec les exposés qui les ont précédées, mais les rapporteurs s'en sont expliqués.

Cependant, n'est-il tout de même pas choquant d'abandonner la LPR en catimini ? Notre pays connaît certes une situation financière difficile, mais, en consacrant 2,3 % de son PIB à la recherche, contre 3,5 % en Allemagne ou en Suède, j'ai l'impression que la sixième « marche » y est prise en descendant. Et, plutôt que de dire le contraire de ce que l'on est train de faire, cela mériterait au moins un débat.

Enfin, l'amendement de la commission des finances relatif à l'ANR et à sa mécanique spécifique des AE et des CP, inscrite dans le temps - celui des programmes de recherche -, ne nous ramène-t-il pas, pour sa part, tout simplement à zéro, c'est-à-dire à la situation qui prévalait avant la LPR ?

Mme Laure Darcos. - Je suis dépitée : cette LPR, nous ne l'avions acceptée pour une période de dix ans, quand nous la voulions pour sept ans, qu'afin de concentrer les efforts sur l'ANR, avec le doublement de ses moyens dès les deux premières années. En 2017, le taux de succès des appels à projets de l'ANR n'excédait pas 12 % à 13 %. On donne un coup d'arrêt brutal à la progression rassurante, en comparaison de nos voisins européens ou d'États d'autres continents, de notre recherche au cours des dernières années.

J'ai eu l'occasion de le dire à Claire Giry, la présidente-directrice générale de l'ANR : il est sans doute reproché à l'Agence de n'avoir pas pu, deux années de suite, décaisser davantage de CP, et notre commission des finances, toujours à la recherche d'économies, en a retenu l'existence d'une trésorerie d'un niveau exceptionnellement élevé. Dans le champ qui est le sien, l'ANR porte quatre projets sur cinq : il lui faut par conséquent, à l'instar du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou, dans un autre domaine, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), disposer d'une trésorerie importante.

Nous allons nous battre pour essayer de défendre ses crédits, mais je suis inquiète et quelque peu pessimiste quant à l'issue. Il nous faudra de nouveau nous mobiliser. Le seul point positif consiste actuellement dans le dispositif des chaires de professeur junior.

Mme Mathilde Ollivier. - La rapporteure a fait une analyse critique de l'absence de suivi des engagements pris dans le cadre de la LPR. En 2025, pour les programmes 150 et 172, seul un tiers de l'effort prévu par la LPR a été financé. En 2026, seul un quart du montant supplémentaire programmé serait atteint. Ainsi, année après année, les financements dédiés aux engagements pris sont de plus en plus insuffisants.

La France a du retard en matière de recherche et de développement. La part de la recherche dans le PIB stagne à 2,19 %, en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE. En février 2025, le Collège des sociétés savantes académiques de France a mené une étude. Dans ce cadre, plus de 2 200 scientifiques ont été interrogés sur la recherche française et leur diagnostic est sévère : seuls 15 % d'entre eux estiment que le système actuel de financement de la recherche publique est satisfaisant. Il s'agit d'un signal d'alarme important. En effet, les chercheurs sont mobiles, explorent la possibilité de travailler dans des centres de recherche qui leur offrent des conditions matérielles intéressantes et leur permettent de développer des projets. Si nous décrochons sur ce point, nous pourrions perdre une partie de l'excellence construite en France.

J'en viens à l'idée que les centres de recherche et les universités devraient davantage se tourner vers les financements européens. Des présidents d'université nous ont confié que certaines équipes de recherche demandent à leurs chercheurs de ne plus tenter d'obtenir ces crédits parce qu'ils n'ont plus le personnel nécessaire pour encadrer ces projets. Il y a donc une dissonance entre ce qu'on demande aux chercheurs et la réalité qui est la leur.

Enfin, en la matière, il faudrait clarifier certaines choses. En effet, nous reprochons à certaines universités de ne pas suffisamment tenter d'obtenir des crédits européens, mais, dans certains cas, des projets sont attribués à des chercheurs du CNRS hébergés par des universités.

Nous donnerons un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean Hingray. - La dynamique de la recherche semble toujours effective puisque les crédits qui lui sont dédiés atteignent 12,6 milliards d'euros en CP.

Toutefois, certains secteurs stratégiques sont étonnamment sous-dotés, notamment ceux de l'aéronautique civile et de l'énergie nucléaire. L'amendement de Stéphane Piednoir ne devrait pas améliorer cette situation.

Par ailleurs, les partenariats entre les entreprises et les partenaires institutionnels européens connaissent un net recul, ce qui est inquiétant. Il faudrait obtenir davantage de crédits européens, notamment du programme Horizon Europe.

L'amendement de M. Rapin pose question. Comme nous l'enseignait Maurice Thorez : « S'il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer ».

Mme Laurence Garnier. - Le taux de succès des appels à projets de l'ANR s'élève à 23 %, ce qui reste acceptable selon Claire Giry, présidente-directrice générale de l'Agence. Il est important que ce curseur soit fixé au plus juste. Le taux doit rester attractif pour les chercheurs, afin de permettre d'attirer les meilleurs, tout en n'étant pas trop élevé, ce qui pourrait conduire à sélectionner des projets qui ne seraient pas suffisamment qualitatifs.

Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte la pluriannualité de ces appels à projets, qui a un effet miroir sur la trésorerie de nos universités. Selon ces dernières, le coût réel des projets accueillis est supérieur aux crédits octroyés par l'ANR, en raison de charges diverses. Selon l'ANR, ce problème serait réglé grâce au préciput. Il serait intéressant de dénouer cette dissension entre les acteurs. Nous devons y voir clair afin d'utiliser au plus juste les crédits publics affectés à la recherche.

Enfin, le financement de la recherche correspond à 2,2 % du PIB, ce qui est mieux qu'en Espagne et en Italie, qui connaissent des taux d'environ 1,5 %, mais ce qui est moins bien qu'au Royaume-Uni et en Allemagne, où ce pourcentage s'élève respectivement à 3 % et à 3,5 %. Cependant, dans ces pays qui font mieux que nous, la recherche privée est dynamique et les crédits publics sont comparables. La recherche de crédits privés constitue un enjeu sur lequel il faut nous pencher, pour que les entreprises françaises alimentent la dynamique de la recherche, en complément de la recherche publique.

Mme Karine Daniel. - Je voudrais préciser que d'autres lignes budgétaires affectent aussi le fonctionnement des universités en la matière ; je songe notamment aux crédits du plan France 2030, mais aussi à ceux qui font fonctionner les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts hospitalo-universitaires (IHU). Il faudra aussi nous mobiliser quand ils seront examinés en séance.

M. Laurent Lafon, président. - Effectivement, ces crédits n'appartenant pas au périmètre couvert par notre commission, nous n'avons pas à nous prononcer dessus. Il faudra être vigilants en séance.

M. Stéphane Piednoir. - Comme l'a dit Laure Darcos, nous nous sommes un peu fait berner en cédant sur la durée prise en compte par la LPR. Si nous nous en étions tenus à une durée de sept ans, l'application toucherait à son terme et l'impact des réductions budgétaires serait sans doute moins important. Pour l'enseignement supérieur et la recherche, il manque 370 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi.

La création de l'ANR avait vocation à augmenter le taux de succès des appels à projets et à accompagner l'augmentation du préciput. Ces deux objectifs ont globalement été atteints. Cependant, il nous faut interroger notre modèle de recherche.

D'abord, le professeur de mathématiques que je suis ne parvient pas à comprendre le décalage entre les CP et les AE. On vote des AE élevées et puis, à un moment, le couperet tombe : les CP ne sont pas disponibles et les projets ne sont pas financés. C'est ce que pointe Jean-François Rapin dans l'objet de son amendement.

Ensuite, malgré les efforts fournis, la France connaît un net recul en ce qui concerne sa contribution aux publications mondiales. À cet égard, un besoin de simplification se fait entendre. Depuis l'étranger, notre système est incompréhensible. Il y a eu des tentatives de clarification, mais les tutelles restent trop nombreuses sur de trop nombreux projets. Il faut simplifier et donner de la lisibilité au système.

Enfin, un effort doit être fourni, au sein des organismes de recherche et des universités publiques, pour engager des partenariats avec le secteur privé. En la matière, nous avons affaire à des blocages idéologiques, qui doivent être dépassés pour que nous enclenchions une dynamique et puissions atteindre peu à peu les objectifs définis par la stratégie de Lisbonne.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis. - Laure Darcos et David Ros, d'abord, je vous remercie pour l'engagement et la fidélité dont vous avez fait preuve lors des auditions que nous avons menées. Ensuite, je partage votre position, notamment sur le CAS « Pensions ».

Concernant le manque d'attractivité évoqué par Pierre Ouzoulias et Mathilde Ollivier, une conférence s'est tenue au printemps dernier, Choose Europe for Science, financée par France 2030. Nous ne pourrons jamais offrir les mêmes conditions matérielles en France que dans certains pays. Cependant, nous comptons des organismes de recherche et des établissements de grande qualité, qui sont reconnus. J'espère que le programme Choose France for Science portera ses fruits et que nous pourrons accueillir, dans les meilleures conditions possibles, les chercheurs qui ne s'épanouiraient plus dans leur pays.

Je ne peux que m'associer aux propos de Max Brisson sur l'amendement portant sur l'ANR, qui constitue un abandon de la LPR et un retour en arrière.

En ce qui concerne le taux de succès de l'ANR, je partage la vision de Laurence Garnier : il faut trouver un juste milieu. Le bon curseur représente la clé de l'équilibre, de la raison et de la responsabilité.

Enfin, j'avais déjà évoqué le rapprochement du public et du privé l'an dernier, lors de la présentation de mon rapport. Il faut nous inspirer des modèles des pays voisins. Le ministre a évoqué des mesures à prendre, mais nous sommes toujours dans l'attente de leur concrétisation.

Nous avons entamé des négociations avec l'auteur de l'amendement que nous avons évoqué.

J'essaierai de rendre compte de chacune de vos interventions en séance, afin de pouvoir peser au nom de notre commission.

M. Laurent Lafon, président. - En séance, nos votes seront importants puisqu'ils pourront peser en faveur ou en défaveur de tel ou tel amendement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La réunion est close à 18 h 00.

Mercredi 3 décembre 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de Cédric Vial sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public.

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public. - L'audiovisuel public contribue à construire un référentiel commun dans une société de plus en plus fragmentée. Son existence est d'autant plus légitime que la culture et l'information constituent des vecteurs d'influence déterminants au niveau mondial. Néanmoins, alors que la maîtrise des dépenses publiques est une nécessité, un effort de rationalisation de l'audiovisuel public apparaît nécessaire. Il l'est d'autant plus que la concurrence des acteurs du numérique s'intensifie. Pour y faire face, l'audiovisuel public ne peut demeurer immobile.

Je commencerai par vous livrer quelques chiffres incontournables de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Les crédits de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,878 milliards d'euros, en baisse de 71 millions d'euros, après avoir déjà diminué de 78 millions d'euros l'an dernier.

Les médias internationaux, c'est-à-dire Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde, ne sont pas impactés, bénéficiant de dotations stables, et même en hausse pour France Médias Monde, grâce à un apport du budget de l'aide au développement à hauteur de 10 millions d'euros.

En revanche, les trois autres sociétés de l'audiovisuel public contribuent à l'effort de réduction des dépenses publiques avec des dotations en baisse. Cette baisse est de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions (- 2,6 %) ; de 4,1 millions d'euros pour Radio France (- 0,6 %) ; et de 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA) (- 1,4 %).

L'essentiel de cette diminution des crédits porte donc sur le principal opérateur, France Télévisions, auquel le Gouvernement demande de réaliser un effort de 146 millions d'euros. Ce chiffre prend en compte, non seulement la baisse de la dotation, mais aussi une évolution tendancielle des charges, estimée par le Gouvernement à 37 millions d'euros, mais dont le mode de calcul n'est pas précisé. Il est également tenu compte de la nécessité de résorber le déficit enregistré en 2025, à savoir 44 millions d'euros.

Dans le rapport qu'elle a publié en septembre dernier, la Cour des comptes a souligné la lenteur du processus de transformation de France Télévisions et la difficulté à aller plus loin dans l'approfondissement des synergies au sein de l'audiovisuel public. La Cour alerte sur la fragilité du modèle économique du groupe, qu'elle qualifie d'impasse et juge non soutenable dans la durée, dans la mesure où les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social.

Dans un rapport de 2024, l'inspection générale des finances (IGF) soulignait, elle aussi, la situation critique de France Télévisions, indiquant : « La culture de l'efficience doit devenir centrale chez France Télévisions. Une absence d'économies substantielles serait d'autant plus dommageable que les coupes budgétaires pour équilibrer les comptes porteront alors sur les coûts les plus variables, dont le programme national et le numérique font partie. » Ce constat est plus que jamais d'actualité.

S'agissant des autres acteurs de l'audiovisuel public, du côté de Radio France, étant donné les mesures déjà prises au cours de la dernière décennie, l'entreprise estime que la réduction des crédits ne peut conduire qu'à une aggravation du déficit ou à une réduction du périmètre de l'offre. De fait, Radio France a supprimé la fréquence de sa chaîne Mouv' pour transformer celle-ci en une radio de flux musical sur support numérique, avec un gain estimé en année pleine à 900 000 euros.

Radio France procède également à une permutation des fréquences de France Musique et de Franceinfo, qui s'accompagnera d'économies sur la diffusion de France Musique estimées à 3 millions d'euros en année pleine, c'est-à-dire à compter de 2027.

L'effort demandé à l'INA est significatif, d'autant que cet établissement estime son effort réel à environ 10 millions d'euros, compte tenu de la hausse tendancielle de ses charges. Une subvention accordée en fin de gestion 2023 a permis de rehausser la trésorerie de l'INA de manière durable. Néanmoins, l'établissement est confronté au défi de concilier le maintien d'une trésorerie positive et le haut niveau d'investissement nécessaire à l'achèvement des projets en cours, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). Ces investissements doivent servir à l'identification de relais de croissance à l'international.

S'agissant d'Arte, sa dotation est stable, et sa situation financière est équilibrée. La dérive des prix freine toutefois l'accélération du développement européen d'Arte ainsi que la mise en oeuvre de son plan d'innovation technologique. La mutation d'Arte, d'une chaîne franco-allemande vers une chaîne de dimension européenne, est une évolution intéressante, mais qui mériterait d'être l'objet d'un débat.

Pour France Médias Monde (FMM), la dotation issue du compte de concours financier est stable, mais celle qui est apportée au titre de l'aide au développement augmente de 10,6 millions d'euros. Le financement complémentaire du ministère des affaires étrangères est dédié à la mise en oeuvre de projets spécifiques au plus près des zones de tensions, avec des rédactions placées respectivement à Bucarest, Beyrouth et Dakar. Il s'agit notamment de maintenir la position de FMM en Afrique, où la censure s'étend et où la concurrence est exacerbée par le désengagement des États-Unis, dans un contexte de coûts de diffusion croissants.

FMM reste confrontée à la nécessité de financer, parallèlement, un accroissement significatif de sa présence numérique, notamment grâce à l'IA, qui doit permettre d'améliorer la production de contenus et leur référencement.

Enfin, FMM et son concurrent et partenaire allemand Deutsche Welle portent ensemble un projet de « bouclier informationnel », qui s'inscrit dans les objectifs du « bouclier démocratique européen » annoncé récemment par la Commission européenne.

TV5 Monde est confronté à la nécessité de conduire les investissements nécessaires pour réussir sa transformation numérique, dans un contexte de choc inflationniste, et alors que son marché publicitaire africain francophone est de taille très limitée. La chaîne envisage toujours un élargissement de sa gouvernance. En avril 2025, un courriel officiel a été adressé aux chefs d'État de sept pays d'Afrique en ce sens. À ce jour, les discussions les plus avancées concernent le Maroc, la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo.

J'évoquerai maintenant le pilotage stratégique, que je juge insuffisant.

Tout d'abord, pour Radio France, comme pour France Télévisions, la mise en oeuvre des réformes structurelles est lente. Alors que l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes avaient déjà souligné, dans leurs rapports respectifs, la nécessité de faire évoluer le cadre social de France Télévisions, la dénonciation de l'accord collectif n'a eu lieu qu'en juillet 2025.

L'accord de 2013 est en effet très contraignant, et inadapté à l'évolution des technologies, qui a profondément transformé le métier de journaliste. Sa dénonciation récente ne fait toutefois qu'ouvrir un délai de négociation de plus de deux ans. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu souffre de la même inertie.

Faute d'avoir suffisamment anticipé les réformes structurelles, France Télévisions met aujourd'hui en place, en lien avec le Gouvernement, un plan d'économies, qui risque d'avoir une répercussion immédiate sur le secteur de la création.

En 2024, France Télévisions est en effet le premier contributeur à la production d'oeuvres audiovisuelles. Le groupe public représente 35 % des dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles en France. Une économie de 50 millions d'euros est aujourd'hui envisagée sur ce poste, ce qui impliquerait une modification par l'État du cahier des charges de France Télévisions, qui prévoit un plancher de 420 millions d'euros. S'agissant du cinéma, secteur dans lequel France Télévisions représente 15 % des investissements, une baisse de 10 millions d'euros est évoquée. Enfin, dans le domaine des programmes de flux, c'est une économie de 15 millions d'euros supplémentaire qui serait réalisée. Ces chiffres sont des estimations, sujettes à caution.

Faute d'avoir anticipé les réformes qui s'imposaient, les économies à réaliser sont donc reportées sur tout un tissu économique, qui risque ainsi de dépendre de plus en plus des dépenses des plateformes américaines.

Cette situation résulte aussi d'une absence de lignes directrices claires de la part de l'État.

D'abord, la réforme de la gouvernance est attendue depuis plus de cinq ans. Depuis 2019, cette réforme est continuellement annoncée sans jamais aboutir, ce qui crée un climat d'incertitude, tant dans le cadre des négociations sociales que pour l'élaboration d'une trajectoire financière ou la définition d'orientations stratégiques, qui ne peuvent être arrêtées tant que la question de la gouvernance n'est pas traitée. L'audiovisuel public se trouve contraint d'avancer sans visibilité claire sur son organisation future.

Ensuite, la question des contrats d'objectifs et de moyens (COM) continue à se poser. Suite aux avis défavorables de l'Assemblée nationale et du Sénat, les projets de COM présentés en 2024 ont été abandonnés, sans qu'aucun cadre pluriannuel ne soit clairement défini.

Le PLF comprend des prévisions pour 2027 et 2028 qui ne sont étayées par aucun sous-jacent. Ceux du projet de budget pour 2026 ne sont d'ailleurs guère mieux connus : ces orientations figurent dans la lettre plafond adressée par le Premier ministre à la ministre de la culture. Elles n'ont été communiquées qu'oralement aux entreprises. Or il revient à l'État de fixer des orientations et de prendre les mesures réglementaires éventuellement nécessaires à leur mise en oeuvre, sous le contrôle du Parlement.

En conclusion, une accélération des réformes structurelles me paraît aujourd'hui nécessaire afin d'éviter, autant que possible, que l'effort demandé ne se répercute sur le plan économique avec des effets multiplicateurs.

Ces réformes structurelles sont indispensables. Il serait anormal que l'audiovisuel public ne contribue pas à l'effort de réduction de la dépense publique. Cet effort doit l'inciter à une gestion plus rigoureuse, selon les orientations données tant par la Cour des comptes que par l'Inspection générale des finances.

C'est pourquoi je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2026.

Mme Sylvie Robert. - Je veux tout d'abord remercier le rapporteur. J'ai particulièrement apprécié le temps que nous avons consacré à certaines auditions au regard notamment de la gravité de la situation de l'audiovisuel public, une question sur laquelle je reviendrai, mais aussi de la nécessité de mieux comprendre à la fois l'organisation interne et les choix de ces acteurs. À cet égard, ces auditions ont été, pour moi, très éclairantes.

Je partage le constat du rapporteur sur l'audiovisuel : la situation est alarmante. Or je suis étonnée par l'avis favorable qu'il émet sur les crédits prévus dans le PLF. Est-ce à dire qu'il considérerait - peut-être nous le dira-t-il ?... - qu'il faut « punir » en quelque sorte France Télévisions au motif qu'elle n'aurait pas suffisamment anticipé la situation ? Mais ce n'est pas la bonne solution.

En effet, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cela fait plusieurs années que l'audiovisuel public, singulièrement France Télévisions et Radio France, connaît une diminution de ses moyens. Si nous ne sommes pas arrivés à un point de rupture, la situation de ces grandes maisons de l'audiovisuel public est pour le moins singulière.

S'agissant de France Télévisions, vous l'avez d'ailleurs explicité, l'État ne fait pas preuve de responsabilité. Aujourd'hui, ils ont dénoncé l'accord ; ils n'ont pas de COM et subissent une diminution de leurs moyens. Ils naviguent donc complètement à vue. Ils n'ont aucun outil à leur disposition pour préparer stratégiquement l'avenir.

Comme vous, et je l'ai toujours dit, j'estime qu'il est fondamental d'engager une réforme. Je ne suis pas d'accord, vous le savez bien, sur la réforme de la gouvernance telle qu'elle a été présentée par la ministre de la culture en juillet dernier. Mais cette réforme peut être l'une des voies de passage pour améliorer la situation de l'audiovisuel public, singulièrement sur la question de la polyvalence. L'audiovisuel public se trouve dans une situation budgétaire et sociale difficile, et se retrouve seul face à l'inertie de l'État. Cette situation est absolument inadmissible. J'en déduis qu'il n'est absolument pas considéré comme un secteur stratégique, alors qu'il s'agit, sur le plan international d'un soft power extrêmement puissant, surtout considérant les asymétries réglementaires existant en faveur des plateformes. Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps.

À force de leur demander de faire des économies, c'est la création audiovisuelle qui sera impactée, et l'ensemble de l'écosystème sera touché, ce qui est aussi extrêmement préoccupant.

Avec la suppression de la fréquence de sa chaîne Mouv', Radio France a redéployé l'ensemble de ses compétences : trois personnes, au lieu de trente auparavant ; une personne au service technique, contre sept auparavant. Ils essaient donc de faire des économies.

L'État fait preuve d'une irresponsabilité telle que notre groupe ne peut que donner un avis défavorable sur ces crédits.

Mme Monique de Marco. - Je vous remercie également, monsieur le rapporteur ; le constat que vous dressez est très clair. Cependant, à la fin de votre propos, vous pointez la gestion de l'audiovisuel public. Mais c'est oublier la suppression de la redevance audiovisuelle ! Le Président de la République est donc quelque peu responsable de cette situation. N'oublions pas non plus que, l'an dernier, grâce à votre initiative, nous avons dû trouver une solution de financement via la TVA, afin d'éviter le pire. Nous estimions, pour notre part, qu'il s'agissait d'une solution injuste sur le plan fiscal, qui, de plus, n'assurait pas une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nous avions proposé une contribution progressive, une forme de financement autonome, prévisible et juste, qui nous semble à la hauteur des besoins et de nature à préserver l'indépendance de l'audiovisuel public.

Concernant la réforme de la gouvernance, même si nous estimons, à l'instar de Sylvie Robert, nécessaire d'engager une réforme, nous ne partageons pas l'esprit de la proposition de loi de Laurent Lafon ni celui de la réforme proposée par la ministre Rachida Dati, qui est toujours en suspens.

Les entreprises de l'audiovisuel public sont privées de visibilité budgétaire en raison de la suspension des COM, ce qui pose de graves problèmes. Cette situation rend particulièrement difficile le pilotage des différentes entités et la poursuite des projets de transformation qui s'étendent sur plusieurs années.

Ce projet de loi de finances prévoit une diminution de 1,79 % des crédits affectés à l'audiovisuel public. Trois entreprises sont affectées par ces coupes ; même si les dotations de France Médias Monde et de TV5 Monde sont reconduites, les budgets de ces deux sociétés sont en réalité en baisse, compte tenu de l'inflation estimée à 1,3 %. Vous l'avez dit, France Télévisions est l'opérateur le plus affecté par les coupes budgétaires, avec une diminution de ses crédits de plus de 65 millions d'euros par rapport à 2025. Ces cures d'austérité à répétition ont contraint France Télévisions à présenter un budget 2025 en déficit de 40 millions d'euros.

Cette nouvelle coupe brutale, couplée à un manque de prévisibilité pluriannuelle, aura des conséquences lourdes sur l'attractivité de France Télévisions, notamment pour ce qui concerne le financement de la création et la production audiovisuelle indépendante.

Alors que France Télévisions finance à elle seule un tiers des programmes de fiction, un certain nombre de sociétés de production pourraient disparaître, avec des conséquences pour les auteurs, les scénaristes, les réalisateurs de cinéma, de fiction ou de documentaire, dont certains connaissent déjà une situation de précarité.

La Cour des comptes a qualifié, dans son rapport publié fin septembre, la situation financière de France Télévisions de « critique ». Mais quelles solutions celle-ci peut-elle trouver, si ce n'est de réduire les financements de la création ?

Radio France subit également une coupe de ses crédits à hauteur de 4,1 millions d'euros dans un contexte déjà difficile, tandis que l'INA voit ses crédits diminuer de 1,5 million d'euros. La poursuite des chantiers entamés en matière d'intelligence artificielle va s'en trouver affectée.

En conclusion, notre groupe dénonce fortement cette nouvelle cure d'austérité qui frappe l'audiovisuel public dans un contexte où son indépendance fait déjà l'objet d'attaques de toutes parts. Tout ce qui peut affaiblir ce secteur représente une menace pour notre démocratie, particulièrement au moment où les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle produisent des contenus de désinformation. Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas l'avis du rapporteur.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je voudrais tout d'abord féliciter notre rapporteur pour la qualité et la précision de son rapport.

Les chiffres de l'audiovisuel public traduisent une réalité budgétaire : une baisse de 71 millions d'euros, après une baisse de 78 millions d'euros en 2025. Dans un contexte où l'audiovisuel public joue un rôle fondamental pour notre démocratie, cette trajectoire doit s'accompagner d'une transformation profonde de nos opérateurs. Il importe que cette contraction budgétaire soit l'occasion d'une modernisation structurelle et non d'un affaiblissement progressif.

L'analyse de la ministre, confirmée par la Cour des comptes, indique qu'il faudrait procéder à des économies structurelles à hauteur de 140 millions d'euros pour rendre le modèle de France Télévisions viable sur le long terme. Ce constat n'est pas nouveau, mais il prend aujourd'hui une acuité particulière.

Nos opérateurs publics doivent faire face à une double contrainte : d'une part, l'évolution rapide des usages, avec une audience jeune qui se détourne massivement de la télévision linéaire au profit des plateformes numériques ; d'autre part, une concurrence accrue des acteurs privés et des géants du numérique, qui disposent de moyens financiers et technologiques considérables.

Dans ce contexte, maintenir un modèle économique inchangé conduirait à une impasse. Nous partageons donc le constat de la nécessité d'engager une adaptation profonde, une modernisation résolue, un recentrage sur le numérique et le service au territoire.

L'audiovisuel public doit se transformer pour rester pertinent, pour reconquérir les jeunes générations, pour maintenir son ancrage local, qui fait sa force et sa légitimité. Les économies demandées peuvent être l'opportunité de cette transformation, à condition qu'elle soit véritablement structurelle : réorganisation des services, optimisation des moyens, mutualisation des fonctions support, adaptation de l'offre aux nouveaux usages. C'est cette approche que nous appelons de nos voeux.

Toutefois, pour que cette trajectoire budgétaire soit soutenable et efficace, elle doit s'accompagner d'un cadre solide, clair et contrôlable, un cadre dans lequel le Parlement retrouve toute sa capacité d'examen et de pilotage. Nous ne pouvons accepter une gestion des incertitudes où les économies seraient réalisées de façon opaque, sans vision stratégique claire, sans que nous puissions vérifier que les choix opérés préservent l'essentiel, à savoir la qualité des programmes, la diversité de l'offre, l'indépendance éditoriale, la couverture territoriale. C'est pourquoi le contrôle parlementaire doit être renforcé, et non affaibli, dans cette période de transformation.

Tel est précisément l'objet de la proposition de loi portée par le président de notre commission, Laurent Lafon, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Adoptée par le Sénat, cette proposition de loi constitue une réforme institutionnelle majeure destinée à donner une gouvernance rénovée à l'audiovisuel public. Elle vise à clarifier les missions de chaque opérateur, à renforcer le contrôle parlementaire et à garantir l'indépendance éditoriale dans un contexte où celle-ci est régulièrement mise en cause. Il revient maintenant à l'Assemblée nationale de l'examiner, en seconde lecture, pour qu'elle prospère. Nous espérons qu'elle sera rapidement inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale afin que cette réforme structurante soit mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Sans cette réforme de gouvernance, les efforts budgétaires demandés risquent de ne pas produire les effets attendus.

Par ailleurs, je souligne l'urgence de disposer de contrats d'objectifs et de moyens actualisés pour France Télévisions, Radio France et l'INA. Ces documents contractuels sont essentiels : ils fixent les engagements réciproques entre l'État actionnaire et les opérateurs ; ils définissent les priorités stratégiques ; ils établissent les trajectoires financières et programmatiques. Sans COM, sans indicateurs de performance précis portant sur la qualité des programmes, la diversité de l'offre, la modernisation numérique ou la couverture territoriale, nous ne pouvons pas vérifier que les économies réalisées sont bien structurelles et qu'elles permettent effectivement de construire un audiovisuel public plus efficace, plus moderne, plus en phase avec les attentes de nos concitoyens. Le Parlement a besoin de ces outils pour accompagner la transformation en cours et s'assurer qu'elle produit les résultats escomptés.

Dans ce contexte budgétaire exigeant, je relève une note positive : la préservation des crédits d'Arte France et de France Médias Monde. Il est essentiel que l'État continue à soutenir ces entités afin de préserver notre souveraineté audiovisuelle et notre influence sur la scène mondiale. Ces choix de préservation témoignent d'une hiérarchisation des priorités, que nous jugeons pertinente.

Le groupe Union Centriste votera ces crédits, considérant que la trajectoire proposée, si elle est accompagnée des réformes structurelles nécessaires, permettra de construire un audiovisuel public plus fort, plus moderne et plus efficace, tout en restant fidèle à sa mission fondamentale : garantir l'accès de tous à une information libre, diversifiée et de qualité.

Notre vote sera assorti de quatre exigences claires : l'inscription rapide de la proposition de loi Lafon à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale et son adoption définitive ; des COM actualisés et publics pour chaque opérateur concerné ; des indicateurs clairs permettant de mesurer l'impact réel des réformes sur la qualité du service public et l'efficacité de la gestion ; un véritable calendrier de mise en oeuvre des transformations annoncées.

M. Pierre Ouzoulias. - Je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur, car il importe que nous partagions les bilans et les constats. Or, depuis que nous avons commencé à examiner les budgets de la culture, nous nous accordons - malheureusement - sur le constat et sur le bilan. Même si nous divergeons quant aux avis à rendre sur les crédits qui nous sont proposés, le petit-fils de résistant que je suis considère que, en période de crise, il est important de se retrouver sur l'essentiel.

Vous connaissez l'adage : « si l'on n'a pas les moyens de sa politique, on doit élaborer la politique de ses moyens. » En l'occurrence, il n'y a pas de moyens et il n'y a pas de politique. Depuis quelques jours, qu'il s'agisse du budget de la culture ou de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, on constate que la réflexion politique fait défaut. Cela fait une dizaine d'années que le gouvernement est dans l'incapacité de dire clairement - même si la position politique défendue n'est pas la mienne -, ce qu'il attend de l'audiovisuel public.

J'en suis intimement persuadé, en période de crise comme celle que nous vivons actuellement, où tous les fondements de la République sont attaqués, l'audiovisuel public doit servir une cause essentielle, la formation de l'esprit critique du citoyen. Face à l'augmentation des informations non vérifiées, cela doit être le coeur de métier de l'audiovisuel public.

Par ailleurs, je constate que le ministère de la culture se décharge d'un certain nombre de missions qui devraient être les siennes ; je pense à l'aide à la production. Les entreprises de l'audiovisuel public se retrouvent face à des injonctions contradictoires : la direction, les personnels sont perdus, et nous aussi.

Enfin, je suis certain que l'on peut trouver des ressources propres, mais on ne le fait pas pour des raisons politiques. Les opérateurs de l'intelligence artificielle pillent l'audiovisuel public, comme tout le reste d'ailleurs, pour vendre des informations financées au travers de nos impôts. Il faudrait donc à un moment donné que l'État demande une contribution à ces grandes plateformes !

Cessons cette forme d'irénisme considérant que tout ce qu'elles font contribue à développer l'innovation, car c'est faux. À un moment donné, l'État - et l'Europe - doivent leur demander de payer ce qu'elles pillent.

Mme Catherine Belrhiti. - Je remercie le rapporteur de son travail. L'évolution des crédits alloués à l'audiovisuel public dans le cadre du PLF pour 2026 est réellement préoccupante. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » voit ses crédits baisser de 71 millions d'euros ; la dotation à France Télévisions chute de 65,3 millions d'euros.

Ce repli s'inscrit dans une dynamique de baisse continue. Rappelons que les lois de finances initiales de 2024 et 2025 avaient déjà entamé des corrections budgétaires tardives, parfois en cours d'année, ce qui fragilise la visibilité à moyen terme des opérateurs. Ces arbitrages sont lourds de conséquences. France Médias Monde, dont je suis membre du conseil d'administration, joue un rôle essentiel dans notre rayonnement international, avec la diffusion d'informations en plusieurs langues, la couverture des zones de crise et le service d'un journalisme indépendant. Or l'enveloppe de l'audiovisuel public constitue près de 85 % de ses ressources totales. Une contraction budgétaire imposera des choix difficiles : réduction des effectifs, recul du nombre de correspondants à l'étranger, ralentissement du développement numérique ou repli sur des contenus moins coûteux. Autant de menaces réelles pesant sur la qualité et l'indépendance de l'information.

Or l'heure n'est pas à l'austérité, mais à la consolidation. La concurrence des plateformes mondiales, l'accélération des crises internationales et la désinformation renforcent le besoin d'un service public audiovisuel fort, capable de produire des contenus rigoureux, pluriels et accessibles. Réduire les moyens, c'est risquer d'affaiblir durablement notre capacité à remplir ces missions.

Par conséquent, il convient de s'interroger sur le modèle d'information que nous souhaitons. Si l'on veut préserver notre souveraineté culturelle, notre influence diplomatique et la diversité du paysage médiatique français, il faut donner des garanties claires et une visibilité pluriannuelle, prévoir un financement stable à la hauteur des enjeux internationaux.

L'audiovisuel ne doit pas être considéré comme une variable d'ajustement, car, derrière chaque euro retiré, se joue l'avenir de notre influence culturelle, de notre information et de notre voix à l'étranger. Cependant, nous suivrons l'avis du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail et la qualité des auditions, auxquelles j'ai pu en partie assister.

Concernant France Médias Monde, l'audition de sa présidente Marie-Christine Saragosse m'a permis de comprendre les raisons pour lesquelles ils ont exigé de ne pas être concernés par la réforme, notamment au regard des ingérences étrangères. Aujourd'hui, ils consacrent 5 millions d'euros supplémentaires au numérique, pour répondre' aux attaques des Russes et des Chinois, voire des Américains. Dans le cadre du bouclier pour l'information, les sociétés de l'audiovisuel coopèrent pour alerter sur les infox, afin d'essayer de les corriger. FMM ouvre des antennes dans des pays stratégiques, tels que la Moldavie. Ce groupe joue donc un rôle contribuant au soft power de la France.

S'agissant de France Télévisions, je dresse le même constat que mes collègues : le groupe souffre cruellement de ne pas disposer de contrat d'objectifs et de moyens ; c'est d'ailleurs ce que demandait le rapport de la Cour des comptes. Le groupe public ne peut donc pas faire de projections. Delphine Ernotte Cunci l'a souligné, la masse salariale a été réduite de façon drastique : plus de 900 personnes en quatre ans, soit une baisse de 10 % des effectifs.

Or la coupe drastique supplémentaire qui leur est demandée aura bien évidemment une incidence sur la grille des programmes. La diffusion de l'émission « Questions pour un champion » uniquement le week-end, qui avait fait grand bruit à l'époque, a permis de faire 3 millions d'euros d'économies. Il va sans dire que d'autres programmes populaires subiront le même sort.

Enfin, ce qui m'inquiète le plus, ce sont les crédits alloués au cinéma. France Télévisions va devoir faire 10 millions d'euros d'économies au titre des achats et des coproductions.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur ce budget.

M. Max Brisson. - L'État consacre près de 4 milliards d'euros à l'audiovisuel public en l'absence même de contrat d'objectifs et de moyens, ce qui peut paraître surprenant, voire gênant. Face à la réduction des crédits, les responsables des deux grandes entreprises de l'audiovisuel public envisagent-ils un allégement de leurs coûts de fonctionnement et de leurs frais généraux ? Quelles réflexions ont-ils lancées sur le recentrage de leurs missions essentielles ? Il n'y a aucune raison que l'audiovisuel public ne participe pas à l'effort de la Nation pour contribuer au désendettement et à la réduction des déficits. Une véritable réflexion est-elle menée sur les missions de l'audiovisuel public dans le domaine de l'information, de la culture, de l'éducation, du lien social, en termes d'expression des territoires, d'accès à l'information ?

Les crédits ne seront plus abondants. Ce travail de réorganisation ambitieuse est-il lancé de la même manière à France Télévisions et à Radio France ? L'audiovisuel public se prépare-t-il à plus de souplesse, plus d'agilité, plus d'efficacité, pour plus de compétitivité ?

Mme Sonia de La Provôté. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son rapport de qualité. Je souhaite réagir sur les effets de bord de la baisse des crédits, singulièrement sur le cinéma, la création audiovisuelle et l'animation.

La diminution des budgets, qui pèsera en grande partie sur la création, aura un impact économique important sur le secteur de la culture dans son ensemble. En effet, France Télévisions est le premier partenaire des producteurs indépendants, ce qui est un gage de la diversité des films proposés. Ces producteurs travaillent dans tous les territoires, notamment les territoires ultramarins. Tout est lié dans la politique culturelle, l'impact ne sera pas neutre sur le cinéma - sans oublier que les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont également malmenés en ce moment. A-t-on estimé le coût économique de cette décision budgétaire ?

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis. - M. Ouzoulias, vous dites qu'il n'y a ni moyens ni politique, mais ce n'est pas tout à fait exact puisque les moyens, bien qu'en baisse, s'élèvent à près de 4 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.

Certes, la situation est préoccupante, mais un certain nombre de responsables de l'audiovisuel public ont fait preuve d'un manque d'anticipation. Gérer, c'est choisir. Or nous subissons la baisse de moyens sans avoir la possibilité de faire des choix, ce qui rend la situation difficile.

À court terme, cette diminution fera mal. À moyen terme, elle aura des conséquences compliquées. Cependant, à long terme, elle est nécessaire et même existentielle pour l'audiovisuel public.

Mme de Marco affirme qu'affaiblir l'audiovisuel public, c'est affaiblir la démocratie. Je dirais plutôt que ne pas changer l'audiovisuel public, c'est l'affaiblir. Il ne s'agit pas de punir parce que nous considérons que les efforts nécessaires n'ont pas été fournis, mais de contraindre à procéder aux changements nécessaires. Jusqu'à maintenant, les responsables de l'audiovisuel public se demandaient pourquoi ils devaient évoluer alors qu'ils bénéficiaient toujours des mêmes moyens. L'écosystème de l'audiovisuel privé a changé, comme les audiovisuels publics européens. Pourquoi échapperions-nous à la règle ? Le décalage avec le reste de l'écosystème est de plus en plus important.

L'accord collectif de France Télévisions a été dénoncé l'été dernier après la publication d'un rapport de la Cour des comptes, car il contraignait à un cloisonnement des métiers générant des charges considérables, qui empêchent la transformation du secteur.

Les évolutions que nous connaissons auraient dû être anticipées. Les responsables de chaînes nous disent qu'ils ne l'ont pas fait parce qu'ils étaient dans l'incertitude. Certes, il faut reconnaître une responsabilité de l'État, qui n'a pas été clair. Il y a eu une absence de prévision et, pire encore, des signaux contradictoires ont été envoyés, ce qui est catastrophique quand il s'agit de piloter une politique. Néanmoins, les responsables auraient dû prévoir ce qui allait se passer. Ce n'est pas parce qu'on leur promettait des moyens supplémentaires qu'il ne fallait pas faire d'économies. Au contraire, il fallait en faire pour engager une transformation. Tout le monde le paie aujourd'hui.

Je crains que ces responsables ne prennent encore le chemin de la facilité en faisant peser les économies sur les programmes plutôt que sur le structurel. L'État investit environ 2,5 milliards d'euros dans France Télévisions - complétés par des revenus publicitaires s'élevant à 500 millions d'euros -, dans l'objectif de diffuser des programmes. C'est le rôle de la télévision. Or les économies vont être réalisées essentiellement sur les programmes. Ainsi, France Télévisions prévoit une réduction du financement de 50 millions d'euros pour la création audiovisuelle, de 10 millions d'euros pour le cinéma, de 15 millions d'euros pour les émissions de flux et de 7 millions d'euros pour le sport. La baisse atteint 82 millions d'euros alors que la coupe budgétaire prévue par le PLF s'élève à 65 millions d'euros, car il s'agit aussi de combler un déficit auquel les patrons de chaînes se sont habitués, dans la mesure où il était jusqu'à présent compensé par des recapitalisations. Nous les avons prévenus que ce ne serait plus le cas ; il s'agit de bonne gestion. Il ne serait ni moral, ni souhaitable, ni juste que toutes les économies portent sur les programmes. Si les responsables de chaînes ne procèdent pas à des économies structurelles, ils passeront une nouvelle fois à côté des défis qui sont les leurs.

Les projets annuels de performance (PAP) pour les années à venir prévoient une diminution continue des crédits de l'audiovisuel public : de 71 millions d'euros en 2026, de 65 millions d'euros en 2027 et de 44 millions d'euros en 2028. La baisse va se poursuivre, nous sommes dans une logique de diminution, qui nécessitera une réflexion sur les missions essentielles de l'audiovisuel public, laquelle doit être menée par les responsables de chaînes et l'État. On ne pourra pas continuer en rabotant les coûts ; nous avons atteint les limites du système. Il faudra peut-être revoir nos ambitions à la baisse pour pouvoir continuer à 'remplir de façon satisfaisante les missions que l'on décidera de conserver.

La réflexion devra aussi inclure le rôle de l'audiovisuel public à l'international, parfois négligé. Il importe de prendre en compte des enjeux majeurs et croissants, notamment en termes de guerre informationnelle. Il nous faut soutenir France Médias Monde, qui lutte sur ce champ de bataille. Il nous faut aussi répondre aux enjeux en matière de francophonie et de soft power. À cet égard, nous avons besoin d'Arte, de TV5 Monde et de France Médias Monde, mais aussi d'arbitrages forts.

Enfin, à titre personnel, je pense que Radio France a un peu mieux anticipé les enjeux que ne l'a fait France Télévisions, en engageant des réformes et en réalisant des économies. Les coupes budgétaires devraient être un peu moins lourdes à supporter et porter un peu moins sur les programmes. Ils ont fait des choix, comme la transformation de la radio Mouv' en chaîne numérique, qui génère des économies et permet d'éviter de faire peser l'effort sur tout le reste.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel public.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs au Livre et aux industries culturelles - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous passons à l'examen du rapport pour avis de notre collègue François Patriat sur les crédits relatifs au Livre et aux industries culturelles.

M. François Patriat, rapporteur pour avis sur les crédits du Livre et des industries culturelles. - Quelques années après la crise sanitaire, les industries culturelles ont globalement rattrapé et même légèrement dépassé leur chiffre d'affaires d'avant la crise. Il reste que leur modèle économique a été sérieusement bousculé par une offensive sans précédent des plateformes numériques, sur laquelle je reviendrai.

Pour 2024, le chiffre d'affaires des différents secteurs culturels est stable par rapport à 2023 et progresse de 8 % par rapport à 2019, avant la crise. Toutefois, la situation est contrastée selon les secteurs.

Comme pour 2022 et 2023, trois secteurs enregistrent un recul de leur chiffre d'affaires par rapport à 2019 : de 18 % pour la presse, de 15 % pour la radio et de 3 % pour le cinéma.

En revanche, le chiffre d'affaires du secteur du livre reste stable à 10,4 milliards d'euros. Les ventes de livres numériques représentent environ 10 % de ce chiffre.

La vidéo se porte également très bien, avec un chiffre d'affaires en progression de près de 8 %, qui atteint 2,7 milliards d'euros. Les vidéos à la demande représentent désormais 93 % de ce marché dominé par les grandes plateformes américaines, notamment Netflix, suivie par Amazon Prime et Disney +.

Le chiffre d'affaires de la musique enregistrée et de l'édition musicale, porté par la musique en streaming, se porte plutôt bien et enregistre une croissance de 9 % par rapport à 2023, pour s'établir à 1,7 milliard d'euros.

En termes de chiffre d'affaires, le secteur le plus important reste celui du jeu vidéo. Toutefois, il baisse de 6 % par rapport à l'année précédente et atteint 5,7 milliards d'euros. Ce chiffre constitue tout de même la deuxième meilleure performance de son histoire et la baisse enregistrée s'explique surtout par le caractère exceptionnel du chiffre d'affaires de l'année 2023, qui avait connu une progression de 23 %.

En 2024, 38,3 millions de Français ont joué à un jeu vidéo, soit plus de 60 % de la population. Dans ce secteur, de grandes manoeuvres sont en cours à l'échelle mondiale. Les acteurs américains et chinois sont très actifs, et la France est très bien placée, grâce à quelques poids lourds, mais surtout à un écosystème très complet et à de nombreux talents.

J'en viens aux crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Participant à l'effort national de maîtrise des déficits, ces crédits sont en baisse de 2,11 %. La baisse est concentrée sur l'action n° 02 Industries culturelles, et plus précisément sur le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du livre (CNL) ; j'y reviendrai.

Concernant les interventions financées par ces crédits, j'évoquerai d'abord la Maison du dessin de presse, sur laquelle plusieurs d'entre vous avaient interrogé la ministre de la culture et dont les crédits avaient mystérieusement disparu du précédent PLF.

L'idée avait été émise en 2007 par Georges Wolinski, puis reprise par son épouse Maryse. Le 7 janvier 2020, le ministre de la culture Franck Riester avait annoncé la création d'une « maison du dessin de presse et du dessin satirique » à l'occasion des commémorations de l'attentat contre Charlie Hebdo. Le Président de la République avait annoncé une création pour 2026, mais le projet avait ensuite semblé s'enliser, peut-être pour des raisons sécuritaires. Le 28 novembre 2024, la ministre de la culture a confirmé l'ouverture en 2027 et le programme 334 comprend bien 7 millions d'euros fléchés vers ce projet, ce dont nous pouvons nous féliciter.

J'en viens aux grands enjeux budgétaires du programme et d'abord à la Bibliothèque nationale de France (BnF), dont le site François-Mitterrand a fêté cette année ses trente ans. Après des débuts difficiles, il est parvenu à assurer sa mission de démocratisation des savoirs et de la culture, avec une fréquentation toujours en hausse.

Cependant, nous revenons de loin. En 2000, nos anciens collègues Philippe Nachbar et Philippe Richert ont publié un rapport d'information qui s'ouvrait sur cette question : « Faut-il détruire les quatre tours de Tolbiac ? » En effet, les débuts de cet ensemble, qui a coûté 7,8 milliards de francs, ont été extrêmement chaotiques. Il s'agit d'un équipement hors normes dans tous les domaines.

Ainsi, son budget annuel doit s'élever à 248 millions d'euros en 2026, ce qui en fait le plus important des opérateurs du ministère. De plus, il aura accueilli 1,7 million de visiteurs en 2025, ce qui en fait l'une des bibliothèques les plus visitées au monde. Enfin, son fonds d'ouvrages compte 15 millions de livre et d'imprimés.

Or, le site François-Mitterrand est confronté à la fois à l'obsolescence de l'ensemble de ses équipements et à la dégradation de ses lots architecturaux. Une stratégie de maintenance assez élaborée a permis de reporter un grand nombre d'opérations d'entretien, mais celle-ci atteint ses limites, de l'éclairage aux ascenseurs, des toits au planchers. Le bâtiment constitue aussi un gouffre énergétique.

Le montant nécessaire pour mener à bien des travaux qui ne couvriraient que le remplacement progressif des équipements critiques a été chiffré par la BnF à 600 millions d'euros. Un plan stratégique d'investissement a donc été développé, dont la mise en oeuvre doit s'étendre sur une durée de quinze ans et qui nécessiterait, au cours des cinq prochaines années, environ 190 millions d'euros par an. Sans ces investissements, le taux de vétusté ne baissera pas de façon significative et pourrait conduire à la fermeture du site entre 2029 et 2032.

Parallèlement à ces travaux, la BnF doit mener de nombreux autres chantiers, tels que la mise en place du dépôt légal numérique prévu à l'article 5 de la loi visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs, dite Darcos, et la construction d'un nouveau centre de stockage à Amiens, pour lequel les travaux débuteront en 2026.

Or, le budget d'investissement de la BnF ne sera que de 35 millions d'euros en 2026. L'État demande donc à l'opérateur d'accroître ses recettes propres, mais celles-ci ne représentent que 6 % des recettes totales. Les leviers pour les développer ne sont pas nombreux, hormis le mécénat et la location du site Richelieu. Par ailleurs, 300 emplois ont été supprimés en dix ans, malgré une fréquentation en hausse, et les relations sociales au sein de l'institution sont assez tendues. Nous sommes donc confrontés à une situation difficile, qui impose de définir un plan de rénovation réaliste. Il s'agit d'un sujet important, à suivre avec attention au cours des prochaines années.

J'en viens au CNM, que nous voyons prendre sa place dans le monde de la musique, six ans après la promulgation de la loi d'origine parlementaire qui l'a créé.

Le CNM reçoit le produit de deux taxes affectées, qui représentent les deux tiers de ses ressources : la taxe sur les spectacles vivants et la taxe streaming. Cette dernière a été adoptée de haute lutte il y a deux ans, sur l'initiative du Sénat. Le rendement de cette taxe a d'abord été plus faible qu'attendu, en raison de la réticence de certains redevables à s'en acquitter. Toutefois, le CNM a prévu un rendement de 13 millions d'euros en 2025 qui devrait être dépassé, grâce à un travail conjoint mené avec Bercy, pour identifier les redevables qui ne s'acquittent toujours pas de leurs obligations.

Vous le savez, ces deux taxes sont plafonnées. Le plafond de la taxe sur les spectacles était de 50 millions d'euros et a été rehaussé l'année dernière à 53 millions d'euros. La taxe streaming est plafonnée à 18 millions d'euros.

Le PLF vise à opérer une sorte de bascule entre la dotation et les taxes. Ainsi, la dotation passera de 26,9 à 20 millions d'euros, ce qui représente une diminution de près de 7 millions d'euros, tandis que les plafonds des taxes passeraient respectivement à 58 et 21 millions d'euros, entraînant une augmentation de leur rendement de 8 millions d'euros au total. Cette opération permet un moindre écrêtement des recettes par l'État et donc un meilleur retour pour les secteurs soumis à ces taxes.

Certes, les deux sources de financement, taxes et subventions, ne constituent pas des vases communicants parfaits. Néanmoins, l'opération permettra de maintenir le volume global du budget du CNM, ce qui semble être l'essentiel.

Enfin, je voudrais évoquer le monde de l'édition et la problématique omniprésente de l'intelligence artificielle (IA).

Comme dans d'autres secteurs de la culture, les éditeurs sont très inquiets de l'usage qui est fait de l'IA générative. Ainsi, le Syndicat national de l'édition, la Société des gens de lettres et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs ont saisi le tribunal judiciaire de Paris en mars 2025 contre Meta. Ils estiment que, pour améliorer son modèle d'IA générative Llama, l'entreprise de Mark Zuckerberg a utilisé une base de données contenant les textes de près de 200 000 livres, constituée au mépris du droit d'auteur.

Autre pratique douteuse : des plateformes mettent en vente des milliers de livres écrits par des IA, vendus très peu cher, en général accompagnés de milliers de bons commentaires sur lesquels on peut avoir des doutes. À titre d'exemple, 80 % des livres d'herboristerie seraient des faux livres. Le pire, c'est que ces livres atteignent des niveaux de vente respectables.

Troisième type de concurrence déloyale : internet regorge de contenus générés par des IA nourries d'ouvrages réels sur des sujets comme la cuisine ou le tourisme, qui dispensent les utilisateurs d'acheter des livres traitant de ces questions.

Pour mieux faire valoir leurs droits, les éditeurs et les auteurs auraient avant tout besoin que les plateformes soient plus transparentes sur les opérations menées par leurs IA.

Ce défi de l'IA générative ne concerne pas seulement l'édition. Dans le domaine de la musique enregistrée par exemple, Paul McCartney a annoncé il y a quinze jours la sortie d'un morceau silencieux sur un album muet, auquel participent de nombreux artistes célèbres pour dénoncer un projet portant sur l'IA, qui doit assouplir le droit d'auteur au Royaume-Uni.

Au niveau européen, la situation est évolutive. Ainsi, la semaine dernière, l'entrée en vigueur de certaines obligations du règlement (UE) 2024/1689 établissant des règles harmonisées concernant l'IA a été reportée à 2027. Par ailleurs, une révision de la directive sur le droit d'auteur et les droits voisins a été annoncée. Dans ce contexte, la démarche engagée par Laure Darcos, Agnès Evren, Pierre Ouzoulias et notre président pour rééquilibrer le rapport de force entre créateurs de contenus et acteurs de l'IA trouve toute sa pertinence.

En conclusion, les crédits budgétaires du programme 334 prévus pour 2026 me paraissent satisfaisants. En effet, un nécessaire effort de modération contribuera au rétablissement des finances publiques. De plus, il s'agit de prendre en compte les principaux défis du monde de la culture.

Les grands opérateurs du ministère seront en mesure de poursuivre leur rôle d'animation et de soutien de différents secteurs, pour lesquels le dynamisme des acteurs reste une clef en matière de pertinence et d'originalité de la création.

Parallèlement, le ministère de la culture continuera de mettre en oeuvre plusieurs initiatives pertinentes. Je pense notamment aux contrats départementaux de lecture, mis en oeuvre dans la ruralité, ou encore aux actions menées pour développer la lecture des plus jeunes, comme l'opération Ma première carte de bibliothèque et les États généraux de la lecture pour la jeunesse, organisés en lien avec le ministère de l'éducation nationale, dont les conclusions sont attendues prochainement.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je propose de donner un avis favorable aux crédits du programme « Livres et industries culturelles » pour 2026.

Mme Sylvie Robert. - Je partage la quasi-totalité du constat du rapporteur, mais je n'ai pas la même interprétation quant aux impacts qu'auront les baisses de crédits, singulièrement sur le CNM. 

Les crédits alloués au CNL vont diminuer, ce que je trouve dommage. Opérer une baisse sur un petit budget aura de plus forts retentissements que pour de grands opérateurs.

En ce qui concerne le CNM, il s'agit de mettre en place un système de vases communicants entre le rendement de la taxe, que certains amendements visent à rehausser, et la baisse du budget de fonctionnement de 7 millions d'euros. Pourtant, ces deux éléments ne sont pas du tout équivalents. Nous avons créé le CNM sur l'initiative de notre collègue Jean-Raymond Hugonet, en mettant en place une part de soutien de l'État pour le fonctionnement. Du côté des taxes, nous avons ajouté la taxe streaming il y a deux ans, pour qu'un certain nombre d'aides sélectives et automatiques puissent être distribuées à l'ensemble de l'écosystème musical, par l'intermédiaire des commissions. Dans les deux cas, les fléchages sont différents. L'idée que la baisse de crédits pourra être compensée par la hausse du rendement des taxes est dangereuse, pourrait créer des tensions au sein du CNM et modifier la nature de son fonctionnement. Ainsi, la taxe streaming n'est pas payée pour la musique classique et les acteurs des musiques actuelles n'accepteront pas de compenser la baisse de budget.

Enfin, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) subira une nouvelle ponction de 50 millions d'euros sur sa trésorerie, après avoir subi une ponction de 500 millions d'euros cette année. Il absorbera, mais faisons attention.

Le CNC fait l'objet de fantasmes et est considéré par certains de nos collègues comme un opérateur disposant d'énormément d'argent. Ce n'est pas vrai. D'abord, le CNC est exclusivement financé par des ressources issues des taxes affectées et ne bénéficie d'aucune contribution de l'État.

En tant qu'administratrice de cet opérateur, je voudrais vous alerter : à un moment, celui-ci ne pourra plus remplir ses missions.

M. Jean-Gérard Paumier. - Représentant le Sénat au CNL, je voudrais évoquer le livre et la lecture.

Le budget de cet opérateur connaît une baisse de 4,3 millions d'euros, qui touche son fonds de roulement. Si cette diminution peut s'entendre, car il s'agit de concourir au nécessaire effort de redressement budgétaire, la méthode ne peut pas devenir une habitude, au risque de déséquilibrer gravement le CNL.

À l'heure où le rapport des Français à la lecture ne cesse de se dégrader, cette baisse pose question, d'autant plus que l'IA bouleverse les métiers de l'édition.

Au cours des douze derniers mois, la part occupée par la lecture quotidienne a atteint son niveau le plus bas depuis dix ans. Pire encore, 30 % des 16-19 ans déclarent ne pas lire et ne pas vouloir lire. De plus, 92 % des Français déclarent privilégier les activités en ligne plutôt que la lecture pendant leur temps libre.

L'augmentation exponentielle du temps passé derrière les écrans constitue l'une des raisons majeures de cet effondrement. Comme le souligne une étude du CNL, ce déséquilibre est encore plus prononcé chez les moins de 25 ans, qui passent en moyenne 35 heures par semaine sur leurs écrans. Les réseaux sociaux dévorent leur temps libre et empiètent sur la pratique de la lecture et du sport, donnant corps à l'expression « obésité mentale et physique », développée aux États-Unis.

Nous devons réfléchir à des solutions concrètes pour lutter contre ce désamour. Afin de relancer la lecture en France, je suggère de mener une mission de terrain dans quelques départements. Il s'agirait de dresser un inventaire précis de la situation et de la promotion de la lecture dans les collectivités et les établissements publics. Cette mission pourrait s'accompagner d'une campagne de promotion mobilisant les familles, les structures de la petite enfance et de la parentalité. Elle pourrait aussi mettre l'école au centre, de manière à dépasser le clivage entre lecture éducative et lecture récréative.

Permettez-moi une digression rapide sur le digital et le livre à l'école.

En 2017, la Suède a été pionnière en matière de digitalisation à l'école, au nom de l'égalité. La chute des résultats observée par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) a conduit le gouvernement à revenir à un enseignement plus traditionnel. En 2024, la Suède a largement subventionné le retour des livres dans l'enseignement.

Pour résister face aux réseaux sociaux et analyser les mutations générées par l'IA, il faut envisager une évolution du cadre juridique. La technique suivra la loi, à condition que celle-ci soit claire. Il y va de la santé de nos enfants et de la langue française, tant la lecture contribue au développement de l'orthographe, du vocabulaire et de l'esprit critique.

Notre groupe votera en faveur de l'adoption de ces crédits.

M. Pierre Ouzoulias. - Je consacrerai l'essentiel de mon propos à la BnF. Le ministère de la culture est confronté à de lourds problèmes de gestion pour les très grands équipements tels que le Louvre, la BnF ou le Grand Palais. Aujourd'hui, nous sommes obligés de remédier aux conséquences d'une époque où le geste architectural a été favorisé au détriment de l'efficience des équipements. Parce qu'on ne le leur a pas demandé, les architectes n'ont pas pensé le fonctionnement de ces grands établissements.

La consommation d'énergie de la BnF correspond à celle d'une ville de 30 000 habitants. Une part énorme de son budget de fonctionnement est donc consacrée au chauffage, à la climatisation ou au fonctionnement des ascenseurs. Si on n'aide pas la BnF à sortir de cette dépendance énergétique, ses volontés de développement resteront bloquées.

Or, il s'agit d'une institution qui déjà a mené d'énormes efforts de conversion. En effet, il y a dix ans, on pouvait estimer que les lecteurs ne viendraient plus sur place, en raison de la numérisation des fonds. Pourtant, la fréquentation reste forte, ce qui montre bien qu'on vient chercher autre chose dans une bibliothèque que la consultation du document : une atmosphère de travail et le contact d'ouvrages que l'on n'aurait pas nécessairement cherchés sur internet. Il faut remercier les deux présidents successifs, Mme Laurence Engel et M. Gilles Pécout, pour cette conversion réussie, qui a montré quelque chose de tout à fait novateur dans ce domaine.

M. Pécout indique qu'il peut voir sur la facture d'électricité de la BnF les conséquences du pillage de toutes ses bases de données par les grandes plateformes de l'IA. En effet, la demande de moissonnage est telle qu'il a fallu renforcer l'alimentation électrique des serveurs. C'est tout de même terrible et insupportable : le pillage de ces données, très souvent protégées, oblige la BnF à augmenter encore sa dépendance à l'énergie. Nous pourrions demander aux opérateurs d'aider à prendre en charge le surcoût induit par leurs activités, qui ne sont pas légales.

M. Pierre-Antoine Levi. - Dans un contexte de redressement des finances publiques, la question est simple : ce budget permet-il encore un accès effectif aux livres, à la lecture et à la création musicale sur l'ensemble du territoire ?

Les crédits du programme 334 s'établissent à 360 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 343 millions d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une baisse d'environ 2 %. Nous prenons acte de cet effort de maîtrise des dépenses publiques. De plus, cette baisse ne se fait pas au détriment des grands projets structurants, ce qui constitue un motif de satisfaction.

Je voudrais évoquer les 15 500 bibliothèques qui maillent notre territoire et composent le premier réseau culturel de France. Elles comptent près de 7 millions d'inscrits - chiffre record - et constituent un irremplaçable service public culturel de proximité.

En la matière, notre groupe salue trois priorités financées par ce programme. Premièrement, les contrats départementaux de lecture sont essentiels pour irriguer nos territoires ruraux et périurbains, là où l'offre culturelle est la plus fragile. D'ici à la fin 2025, 83 contrats auront été signés.

Deuxièmement, les crédits financent plus de 250 projets d'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques, qui permettent un gain moyen de 9 heures et 30 minutes par semaine, bénéficiant à 15 millions de personnes. C'est exactement le type de politique publique que nous défendons : concrète, lisible et tournée vers l'usager.

Troisièmement, il s'agit de soutenir les programmes nationaux Premières pages et Des livres à soi, qui s'adressent aux enfants et aux familles éloignés du livre. La lutte contre l'illettrisme et la promotion de la lecture dès le plus jeune âge sont des investissements d'avenir dont l'utilité sociale n'est plus à démontrer.

Les crédits du programme permettent également de financer quatre grands projets d'investissement que nous soutenons avec conviction.

En premier lieu, la création d'un pôle de conservation de la BnF à Amiens constitue un projet structurant pour les Hauts-de-France. Il s'agit de transférer 150 kilomètres linéaires des magasins de collections, pour une mise en service prévue, avant la fin 2029, d'un équipement du XXIe siècle qui allie conservation et dynamique territoriale. Nous serons attentifs au respect du calendrier, notamment au lancement des travaux annoncé pour le printemps 2026.

En second lieu, le relogement temporaire de la Bibliothèque publique d'information (Bpi) pendant la fermeture du Centre Pompidou mobilise 4,3 millions d'euros supplémentaires en CP, afin de maintenir un service public de lecture et d'information au coeur de la capitale.

En troisième lieu, la Maison du dessin de presse, dont les travaux démarreront fin 2026 et qui doit ouvrir en 2027, constitue un projet politique fort. À l'heure où la liberté d'expression et la liberté de la presse sont régulièrement questionnées, ce lieu aura une dimension symbolique autant que culturelle.

Enfin, la création du portail national de l'édition accessible et adapté, prévue pour 2027, répond à une exigence simple : permettre à tous les citoyens d'accéder à la lecture, quelle que soit leur situation de handicap. C'est une question d'égalité républicaine.

J'en viens aux crédits de l'action n° 02 Industries culturelles, au sujet desquels notre groupe exprime une satisfaction mêlée de vigilance. Nous prenons acte de la réduction de 7 millions d'euros de la subvention de l'État au CNM, compensée par une hausse des plafonds des taxes affectées.

Toutefois, cette substitution de ressources budgétaires par des ressources fiscales affectées pose trois questions. D'abord, ces taxes bénéficient aujourd'hui d'un marché dynamique ; leur rendement sera-t-il suffisamment stable en cas de retournement de conjoncture ? Ensuite, cette substitution réduit mécaniquement notre capacité de contrôle annuel et pose question en matière de visibilité parlementaire ; nous y serons attentifs. Enfin, si le financement par la filière se comprend, il ne doit pas devenir prétexte à un désengagement progressif de l'État.

Notre groupe a pris connaissance des critiques exprimées en 2024 par la Cour des comptes quant à l'absence de stratégie claire du CNM. Nous saluons l'adoption en 2025 d'un nouveau règlement général des aides financières, qui intègre les critères de transition écologique, d'égalité et d'inclusion. Nous saluons également la signature d'un premier contrat d'objectifs et de performance pour 2024-2028 ; nous serons attentifs au bilan qui devra être présenté à partir de 2026.

Je ne peux conclure sans évoquer les 612 millions d'euros de dépenses fiscales rattachées au programme 334, qui représentent près du double des crédits budgétaires. Je songe notamment aux crédits d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques et pour dépenses d'édition d'oeuvres musicales. Ce sont des outils utiles, mais il faut les évaluer régulièrement. Dans un contexte de ressources rares, nous ne pouvons conserver des dispositifs fiscaux qui ne produisent pas les effets attendus.

Malgré les contraintes, ce budget préserve les priorités que nous jugeons justes. Notre groupe suivra donc l'avis favorable du rapporteur.

Mme Monique de Marco. - Je commencerai par l'action n° 01 Livres et lecture, pour laquelle les dotations aux opérateurs augmentent de 16 millions d'euros. Cette hausse s'explique par le financement du nouveau site de la BnF à Amiens. Cependant, elle cache une baisse des subventions pour charges de service public pour deux des trois opérateurs, dont le CNL, qui voit sa subvention diminuer de 16 %.

La BnF François-Mitterrand a été inaugurée en 1995 et ouverte au public en 1996. En 1989, Dominique Perrault avait remporté le concours avec un geste architectural alors qualifié d'audacieux. Aujourd'hui, nous sommes dans une impasse, car le geste audacieux de l'époque n'est pas adapté à la réalité du changement climatique et de la hausse des coûts de l'énergie. Si l'on peut parfois saluer l'audace, il faut rester prudent.

J'en viens à l'action n° 02, dont les crédits baissent de 9 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 28 %. Le PLF prévoit notamment une coupe de 7 millions d'euros pour le CNM, qui doit être compensée, selon le ministère, par le rehaussement du plafond des deux taxes affectées. Je voudrais vous alerter sur ce sujet. En effet, plusieurs organisations de professionnels de la musique ont dénoncé ce « jeu à somme quasi nulle », estimant que la baisse est trop brutale et qu'il serait nécessaire d'envisager un déplafonnement de ces deux taxes, à l'instar de la taxe finançant le CNC.

Notre avis est réservé quant à la proposition du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - La loi que j'ai portée a permis à beaucoup de librairies de se lancer dans le commerce en ligne. À ce sujet, un juge européen doit rendre sa décision sur Amazon le 18 décembre. Comme vous le savez, cette entreprise contourne la loi que j'ai défendue en utilisant des casiers pour ses livraisons. Le service du livre et de la lecture du ministère me demande, monsieur le président, pourquoi ni le Sénat ni l'Assemblée nationale n'ont publié de bilan de l'application de cette loi, alors que ce dernier pourrait peser dans la décision du juge. Nous devons essayer d'être forts et unis contre Amazon. De plus, cette publication mettrait encore un peu la pression sur la BnF et l'Institut national de l'audiovisuel (INA), qui n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord quant à l'application des dispositions de l'article 5, relatives au dépôt légal numérique.

Concernant le CNC, nous avons pu obtenir le retrait de l'amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Husson, qui portait sur l'article 36. Cependant, il reste des amendements du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), qui visent à plafonner des taxes affectées au CNC. Il serait bon que le CNC puisse être épargné, d'autant que nous avons allégé la taxe sur les recettes publicitaires pour aider les chaînes privées et publiques.

Mme Samantha Cazebonne. - Les industries culturelles constituent une composante majeure de notre économie, mais aussi de l'attractivité et du rayonnement international de la France. Avec 360 millions d'euros en AE et 343 millions d'euros en CP inscrits dans ce PLF, le programme « Livre et industries culturelles » voit ses crédits diminuer de plus de 2 %. Il s'agit de participer à l'effort national de maîtrise des déficits.

Ces dernières années, la place du livre et de la musique a été renforcée dans la vie des Français grâce à plusieurs initiatives, dont le plan Lecture, l'élévation de la lecture comme grande cause nationale ou encore la création du CNM. Par ailleurs, la création de la Maison du dessin de presse, annoncée en 2020, est finalement confirmée pour 2027, ce que vient concrétiser ce budget.

Le CNM a conforté sa place dans le monde de la musique et s'est imposé comme une institution essentielle à la vitalité culturelle du pays. Cependant, la question de son financement demeure au coeur de nos débats. Le produit des taxes affectées va augmenter de 8 millions d'euros, ce que nous saluons.

Pour ces raisons, notre groupe suivra l'avis favorable du rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur pour avis. - Le CNL a un fonds de roulement suffisant pour assurer l'année 2026, mais il ne faudra pas que de nouvelles baisses aient lieu.

Concernant le champ de compétence du CNM et l'absence de taxe sur la musique classique, des réflexions peuvent être menées.

Les ressources du CNC augmentent, avec un bon rendement global des taxes affectées. Le président de l'opérateur lui-même nous a dit que le prélèvement de 50 millions d'euros serait indolore.

Concernant la BnF, je me demande encore comment un bâtiment qui n'a que trente ans peut connaître de telles difficultés. Les erreurs de conception commises me paraissent surprenantes, notamment en matière d'énergie, alors que nous connaissions déjà les prémices de la crise climatique.

Quant au pillage que vous avez évoqué, M. Ouzoulias, il oblige à augmenter les ressources de la BnF. Il nous faut travailler sur certaines pistes et je compte sur vous en la matière.

Le pôle d'Amiens ne sera pas seulement un centre de stockage ; les documents y seront aussi consultables sur rendez-vous, notamment par les chercheurs. C'est un point positif.

Il y a une hausse du plafond des taxes affectées au CNM, ce qui crée des recettes supplémentaires. J'entends que les organismes estiment que les taxes qui devraient leur être affectées sont détournées au profit d'autres missions. Cependant, garder une petite réserve pour le budget de l'État ne me paraît pas choquant.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au Livre et aux industries culturelles au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux patrimoines - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Avant de laisser parole à Sabine Drexler, je vous informe que nous allons procéder à de nouvelles auditions concernant le cambriolage du Louvre. Le rapport de l'enquête administrative effectuée par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac), qui m'a été transmis par le ministère, suscite en effet certaines questions. Ce rapport étant confidentiel, il sera consultable, mais ne sera pas mis en circulation.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux patrimoines. - L'année 2026 marquera une rupture pour le financement des patrimoines, porté par le programme 175 de la mission « Culture ».

Après une progression de 38 % entre 2017 et 2025, ces crédits vont baisser en 2026, dans le cadre des efforts d'économies visant au redressement des comptes publics. La baisse proposée est très importante, avec un recul de 106 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 8 %, et de 232 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui correspond à un cinquième des crédits ouverts en 2025.

Les actions du programme sont diversement touchées. La baisse la plus importante porte sur les monuments historiques et les musées. Les crédits alloués aux actions relatives aux archives et à l'architecture en espaces protégés seront au contraire en augmentation. Enfin, le statu quo prévaudra pour l'archéologie préventive et les acquisitions muséales.

Dans l'ensemble, ces arbitrages conduiront à différer toute nouvelle opération d'investissement. À l'exception du schéma directeur du Louvre, seuls des projets déjà engagés seront financés.

Les dix-huit opérateurs du programme seront fortement touchés, et connaîtront une diminution de moitié de leurs crédits d'investissement. Les plus concernés seront le Centre des monuments nationaux (CMN), le château de Versailles et le musée du Louvre.

Je souhaite à présent vous faire part de quelques observations plus précises ainsi que des alertes qui sont remontées lors de mes auditions.

D'abord, pour les monuments historiques, un véritable effondrement des crédits est proposé, avec un recul de 209 millions d'euros en AE et de 114 millions d'euros en CP. Ainsi, ce sont les monuments historiques qui absorbent la quasi-totalité du recul des moyens dédiés aux patrimoines.

Cette baisse se traduira de deux manières. Elle conduira d'abord à un lissage des grands projets, qui touchera principalement les travaux de reconversion du palais de la Cité, le schéma directeur du château de Fontainebleau et celui du domaine de Chambord.

Le schéma directeur du Centre Pompidou sera relativement préservé, ce qui permettra de poursuivre le chantier engagé, pour une réouverture prévue en 2030.

La baisse des crédits conduira aussi au report de nombreux chantiers dans les territoires, conséquence directe de la diminution de l'enveloppe d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac), à hauteur de 38 % en AE et de 29 % en CP. En outre, les crédits du fonds incitatif et partenarial (FIP) seront divisés par deux.

Alors que leur poids dans le tour de table organisé pour financer les projets de restauration est le plus souvent déterminant, les Drac n'auront d'autre choix que de prioriser davantage encore leurs interventions. Cette réalité pèsera surtout sur les petites communes, qui concentrent la majorité des monuments sans disposer des moyens nécessaires à leur conservation.

Dans ce contexte, je regrette que le budget des patrimoines comporte deux impensés majeurs. En premier lieu, les effets du ralentissement des chantiers sur les métiers du patrimoine sont ignorés. Je souhaite ici alerter sur le coût humain de ces choix budgétaires. Les crédits du patrimoine ne sont pas seulement destinés à la préservation des édifices ; ils permettent aussi de faire vivre tout un tissu de PME dont les emplois, non délocalisables, contribuent à la vie économique des territoires et à leur attractivité.

En deuxième lieu, les exercices 2025 et 2026 constitueront des années blanches pour l'adaptation de la transition énergétique aux spécificités du bâti patrimonial. Faute de convergence au niveau interministériel et de moyens suffisants, l'évolution du diagnostic de performance énergétique (DPE) et celle des aides publiques à la rénovation énergétique sont encore une fois reportées. Il nous revient de continuer à oeuvrer pour qu'elles ne soient pas oubliées.

Le coup porté aux monuments historiques est donc rude. Alors que leur conservation requiert une visibilité pluriannuelle et des engagements financiers de long terme, ce freinage brutal sera évidemment très préjudiciable. Cependant, je vous propose d'élargir la focale en rappelant quelques éléments de contexte.

D'abord, n'oublions pas que nous partons de haut, puisque les moyens dévolus aux monuments historiques avaient atteint leur plus haut niveau en 2025, après avoir été constamment préservés les années précédentes.

Ensuite, il faut reconnaître qu'en matière patrimoniale, l'effort budgétaire ne pourra jamais être à la hauteur des besoins, tant le mur d'investissements qui se profile est important. Il faudra en effet financer, au cours des prochaines années, plusieurs grands projets en même temps que de multiples interventions autour des « petits » monuments qui maillent le territoire.

L'actualité récente nous offre des exemples frappants. Le cambriolage du 19 octobre a mis au jour l'obsolescence des équipements techniques du palais du Louvre ; l'aile François Ier du château de Chambord est en état de péril ; la nouvelle édition du bilan sur l'état sanitaire des immeubles inscrits et classés au titre des monuments historiques nous apprend qu'un quart des monuments de notre pays sont en mauvais état.

Face à ces enjeux, il nous faut désormais « changer de paradigme », pour reprendre l'expression utilisée par la présidente du CMN. Un tel changement passe d'abord par la mobilisation de nouvelles sources de financement.

Je salue donc la mise en place, dès 2026, d'une tarification différenciée pour les visiteurs extracommunautaires de plusieurs monuments et musées : le Louvre, les domaines de Versailles et de Chambord, la Sainte-Chapelle et la Conciergerie du Palais de justice de Paris, ainsi que le Palais Garnier.

Cependant, la tarification différenciée ne répond pas à toutes les difficultés, puisqu'elle n'est pertinente que pour les établissements fréquentés par un public largement international. Ce n'est évidemment pas le cas de la majorité des monuments et musées de notre territoire. Nous devrons donc être attentifs à ce que cette solution, qui entraîne des coûts de gestion importants, ne justifie pas à l'avenir une baisse des crédits du programme.

Je regrette par ailleurs qu'un terrain d'entente n'ait pas pu être trouvé avec le clergé pour mettre en place un droit de visite pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Il est également crucial que soient maintenus les crédits d'impôt bénéficiant aux patrimoines, que ce soit grâce aux appels publics à la générosité ou au mécénat.

Au-delà du financement, il sera également nécessaire d'engager un grand chantier de réflexion sur les modalités de la gestion du patrimoine bâti.

Plusieurs pistes de réflexion ont récemment émergé dans le débat public, qui s'intéressent à l'usage partagé des édifices religieux, au cadre de gestion du CMN ou encore à la mise en place d'un National Trust, qui s'inspirerait du modèle britannique et que défend la ministre de la culture. Deux cas ont retenu mon attention au cours des auditions.

Le premier est celui du domaine national de Chambord, qui a quitté le giron du CMN en 2005, pour devenir un établissement public autonome. Ce cas offre l'exemple d'une transformation réussie, puisque le domaine a développé un modèle économique lui permettant de dégager des recettes importantes, qui couvrent la totalité de ses coûts de fonctionnement.

Cependant, ce succès n'exclut pas de fortes difficultés en matière d'investissement. Le domaine souhaite mettre en place un schéma directeur, sur le modèle de Versailles ou de Fontainebleau, pour un coût évalué à 100 millions d'euros. Ce schéma directeur couvre notamment le sauvetage de l'aile François Ier, menacée d'effondrement, qui appelle un programme de travaux d'un coût de 37 millions d'euros. Or l'État s'est désengagé de l'investissement pour le domaine, qui bénéficie de l'une des plus faibles subventions du programme 175, et qui sera fortement réduite en 2026.

Le deuxième cas est celui du Mont-Saint-Michel, aujourd'hui géré de manière duale. D'un côté, la gestion du site et de sa baie est assurée par un établissement public associant l'État et les collectivités locales, qui a su dégager d'importantes ressources propres en plus de mettre en place une programmation culturelle. De l'autre, la gestion de l'abbaye est assurée par le CMN, auquel reviennent les recettes de billetterie. Le modèle du CMN étant fondé sur la péréquation entre les monuments, ces recettes reviennent en partie seulement au Mont-Saint-Michel. Le solde bénéficie aux autres monuments du territoire, dont la moitié sont situés en zone rurale. Cette répartition est remise en question à l'heure où des travaux sont indispensables pour la préservation et le fonctionnement du site. Leur coût s'élève à 38 millions d'euros, que l'établissement public n'est pas en mesure de financer.

Sans me prononcer sur le fond de ces dossiers, j'observe que le cadre de gestion du patrimoine monumental est questionné de toutes parts. Il nous faudra suivre attentivement ces débats et y prendre notre part, pour définir un nouveau paradigme de gestion du patrimoine bâti.

Un mot à présent sur les crédits de l'ingénierie patrimoniale, qui sont préservés et connaissent même une légère augmentation, ce que je salue. L'ingénierie est cruciale pour protéger le patrimoine architectural, au même titre que le financement.

Ces crédits permettent de financer des études nécessaires à la mise en place des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et des périmètres délimités des abords (PDA).

Ils contribuent également au financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Nous l'avons constaté lors de la table ronde que nous avons consacrée au sujet le 18 octobre : les CAUE, cruciaux pour l'ingénierie patrimoniale des collectivités à faibles ressources, connaissent une crise profonde de financement, en raison de dysfonctionnements techniques dans la collecte de la taxe d'aménagement, qui constitue 80 % de leurs ressources.

Les mesures correctives proposées par l'administration d'État ne permettront pas de rétablir le rendement de la taxe avant plusieurs années. Les CAUE ne pourront pas attendre aussi longtemps. Dans l'urgence, je propose donc de soutenir dans l'hémicycle les amendements déposés par Mme Briquet et par M. Sautarel, qui traduisent les deux premières recommandations du contrôle budgétaire flash de la commission des finances, relatif aux dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement et à leurs conséquences financières pour les collectivités territoriales et les CAUE.

J'en viens aux crédits des musées, qui connaissent une forte actualité du fait de la série de cambriolages survenus ces dernières semaines.

Je relève que leurs CP seront stables et même en légère augmentation. Les AE seront en revanche en recul de 26 millions d'euros, ce qui ne me paraît pas tenable.

En effet, nos travaux des dernières semaines ainsi que mes auditions du musée national de Limoges et du Muséum national d'histoire naturelle ont mis en évidence la vulnérabilité des institutions muséales face aux nouvelles menaces pesant sur leur sûreté, ainsi le besoin de mise à niveau de leurs infrastructures et de leurs équipements techniques.

Je vous proposerai donc un amendement visant à abonder, à hauteur de 30 millions d'euros, le fonds dédié à la sûreté des musées dont la création a été annoncée par la ministre, mais qui n'est pas financé en l'état du programme 175. Ce montant a été déterminé en lien avec la direction générale du patrimoine et de l'architecture du ministère de la culture, de manière à ce qu'il corresponde au plus juste aux besoins et aux capacités de consommation des établissements.

Le programme comporte également une ligne dédiée à l'enrichissement des collections des musées, qui contribue marginalement à leurs acquisitions.

Le rapport de la Cour des comptes sur le musée du Louvre a remis en question la politique d'acquisition ambitieuse du musée. Selon la Cour, cette politique a été menée au détriment de l'investissement dans la rénovation des infrastructures. À ce titre, je salue la décision de faire évoluer la disposition statutaire qui prévoit l'affectation de 20 % des recettes de billetterie aux acquisitions des musées. Pour autant, je souligne que l'enrichissement des collections fait partie des missions des musées et que nombre des acquisitions réalisées bénéficient aux musées des territoires par le biais de prêts et de dépôts.

J'en viens enfin aux crédits de l'archéologie préventive, alors que l'année 2025 a été marquée par plusieurs mouvements sociaux de la profession, d'ordinaire très rares.

Si ces crédits restent stables, deux points réclament notre vigilance. Tout d'abord, les moyens alloués permettent difficilement aux opérateurs de faire face aux besoins d'intervention sur le terrain. La situation financière de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) se dégrade, même si le ministère y reste attentif et a pu lui allouer cette année 3 millions d'euros supplémentaires en cours de gestion. Quant aux services des collectivités territoriales, leur barème n'est sans doute pas adapté à des interventions qui se déroulent de plus en plus souvent en milieu urbain et sur des sols pollués. Je regrette donc que la concertation qui devait être menée par le ministère sur ce point en cours d'année n'ait pas pu prospérer ; nous devrons veiller à ce qu'elle se déroule bien en 2026.

Ensuite, cette insuffisance de moyens conduit à dégrader les délais et les conditions d'intervention, et donc le dialogue avec les aménageurs. Cette dégradation est dangereuse alors que l'archéologie préventive est remise en cause dans son principe, comme en témoignent plusieurs amendements au projet de loi de simplification de la vie économique. Nous devrons veiller à ce que ces tensions budgétaires ne débouchent pas sur une diminution des prescriptions, au risque de voir des sites historiques définitivement détruits, mais aussi la mise en oeuvre de projets d'aménagement fortement ralentie dans nos territoires, en cas de découvertes inopinées.

Sur le fondement de ces observations, le budget des patrimoines ne me semble pas acceptable en l'état. Il me paraît néanmoins crucial, compte tenu de nos travaux sur la sûreté du musée du Louvre, que l'amendement sur le fonds pour la sûreté des musées puisse être intégré au projet de loi de finances (PLF).

C'est donc avec de fortes réserves et en tenant compte des alertes dont je vous ai fait part que je vous propose de donner un avis favorable très mesuré aux crédits des patrimoines, augmentés de 30 millions d'euros au titre du fonds pour la sûreté des musées.

Mme Marie-Pierre Monier. - Les crédits du programme 175 baissent de 106 millions d'euros en CP. Lors du dernier exercice budgétaire, le Gouvernement avait déposé un amendement visant à augmenter les moyens dédiés à la rénovation et à la réhabilitation des monuments et bâtiments existants, à hauteur de 149 millions d'euros en CP. Cette bouffée d'air était bienvenue et répondait à une urgence quant à l'état préoccupant de notre patrimoine. Elle rend d'autant plus incompréhensible le choix de faire reposer l'intégralité de la baisse de cette année sur l'action n° 01 Monuments historiques et patrimoine monumental, qui perd brutalement 20,79 % de ses moyens.

À titre d'exemple, la restauration du patrimoine des régions avait bénéficié de 58 millions d'euros supplémentaires lors de l'examen du PLF 2025. C'est deux fois cette somme qui est retirée en 2026. Ce désengagement majeur de l'État conduit également à réduire les crédits attribués aux Drac, qui permettent de financer l'entretien et la restauration du patrimoine inscrit et classé dans nos territoires.

Le reste du tableau offre peu de perspectives réjouissantes. L'action n° 04 Patrimoine archivistique est la seule à connaître une hausse, de 13 %, qui s'explique principalement par l'extension du site de Pierrefitte-sur-Seine et les travaux du quadrilatère des Archives nationales à Paris. Les crédits des autres actions sont quasiment en stagnation, avec des hausses inférieures à 1 %. Compte tenu de l'inflation, il s'agit en fait de baisses.

Cette austérité pose de nombreuses difficultés. La hausse des CP de l'action n° 02 Architecture et sites patrimoniaux se limite à 0,7 %, ce qui freine la montée en puissance du dispositif des SPR, qui fait pourtant ses preuves de manière croissante dans les territoires. Au sein de l'action n° 03 Patrimoine des musées de France, des coupes budgétaires sont prévues pour la grande majorité des musées. Ainsi, le CMN voit ses crédits baisser de 6,4 millions d'euros, le Grand Palais de 42 millions d'euros et le château de Versailles de 6 millions d'euros.

Les crédits de l'action n° 08 Acquisition et enrichissement des collections publiques sont encore reconduits quasiment à l'identique. Cette stagnation est inquiétante dans un contexte d'inflation du marché de l'art et de forte concurrence internationale.

Concernant le patrimoine archéologique, je constate, de nouveau et à regret, l'insuffisance du niveau des subventions pour charges de service public devant permettre de réaliser les diagnostics archéologiques préventifs. Selon l'Inrap, le niveau prévu ne permettra de financer que 55 000 jours de diagnostic, alors qu'il en faudrait 70 000. Cette insuffisance aura pour conséquence un allongement potentiellement conflictuel des durées d'aménagement, qui pénalisera nos élus locaux. Ce constat doit nous conduire à nous interroger sur les modalités d'affectation des recettes de la taxe d'archéologie préventive.

Enfin, les CAUE sont indispensables et jouent un rôle important, sensible et précieux en matière d'accompagnement des projets architecturaux et paysagers, en particulier dans les territoires ruraux qui manquent de l'ingénierie nécessaire.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de l'adoption des crédits de ce programme.

M. Pierre Ouzoulias. - Je partage votre analyse, madame la rapporteure, et je retiens le mot « effondrement », que vous avez prononcé pour décrire les moyens alloués aux monuments historiques.

La France est la première destination touristique mondiale et accueille chaque année 100 millions de visiteurs, ce qui génère 71 milliards d'euros de recettes. Le tourisme représente 3,6 % de notre PIB. Si l'offre culturelle de la France baisse, notamment en matière de monuments historiques, nos recettes diminueront. Nous sommes donc en train d'affaiblir la place de la France dans le marché du tourisme international. J'aurais pu utiliser des arguments d'un autre ordre, mais ils ne sont plus entendus ; j'en reviens donc aux arguments commerciaux.

La baisse des crédits touchera surtout les collectivités, de façon directe ou indirecte. Nous ne récupérerons jamais le 1,5 milliard d'euros que les CAUE auraient dû toucher, ce qui entraînera un manque en matière d'ingénierie pour les collectivités. De la même manière, les collectivités seront les premières à pâtir de l'incapacité de l'Inrap à faire face à ses engagements.

Enfin, je voudrais revenir sur un dossier très important, sur lequel nous avons commencé à travailler avec Rima Abdul-Malak et qui est à l'arrêt. Il s'agit de celui du patrimoine religieux, notamment juif. L'ancienne ministre de la culture nous avait promis de lancer une grande campagne de classement pour des monuments, afin de permettre leur sauvetage. Il ne s'est rien passé depuis.

À cet égard, il y a en Haute-Alsace, à Rouffach, la plus ancienne synagogue d'Europe à tenir encore debout. Cette synagogue du XIIIe siècle est aujourd'hui propriété privée et passe de main en main. Je crains qu'un jour ou l'autre elle ne disparaisse complètement. Je suis en faveur d'un rachat par l'État ou par une collectivité, qui permette à ce bâtiment exceptionnel d'entrer dans le domaine public. Je sais que vous avez déposé un amendement en ce sens. Le patrimoine juif est constitutif de l'identité culturelle de la France.

Mme Béatrice Gosselin. - L'année 2026 marquera une rupture nette, compte tenu du freinage brutal des crédits et de la disparition de toute visibilité pluriannuelle à partir de 2027. Cette incertitude fragilise directement les collectivités, les opérateurs et l'ensemble des acteurs du patrimoine.

Derrière ces lignes budgétaires se trouve une réalité dont chacun de nous peut faire le constat dans les départements : un patrimoine qui se dégrade et des communes souvent seules face à des charges d'entretien et de restauration qu'elles ne peuvent plus assumer.

Les dernières années avaient apporté une bouffée d'air, nous laissant espérer que nous allions pouvoir rénover ce patrimoine petit à petit. Or la baisse drastique de 2026, conjuguée à l'effet ciseaux dû à l'inflation du coût des travaux et à l'accélération du vieillissement des édifices, pose réellement question. L'entretien courant, qui devrait pourtant être la première manière de procéder pour éviter de réaliser des travaux d'urgence souvent plus coûteux, demeure largement insuffisant.

Les crédits déconcentrés des Drac baissent fortement, de près de 40 % en AE. Ces crédits financent l'entretien et la restauration des monuments inscrits et classés. La diminution de ces aides entraînera le report d'un très grand nombre de chantiers dans les territoires. Les petites communes sont en première ligne, alors qu'elles n'ont ni l'ingénierie ni les marges d'autofinancement nécessaires pour absorber un tel recul. À cet égard, les amendements visant à soutenir les CAUE sont les bienvenus.

Le nombre de monuments non protégés se trouvant dans un état critique est estimé à 67 000. Il faut savoir qu'un euro investi dans un chantier de restauration peut générer 21 euros de retombées économiques.

Pour l'action n° 01 Monuments historiques et patrimoine monumental, les crédits reculent de manière spectaculaire et angoissante, la baisse étant de 34 % en AE et de 21 % en CP. Alors que les chantiers déjà engagés vont pouvoir se poursuivre, d'autres projets structurants risquent de ne jamais aboutir, ce qui aura des conséquences sur la vie locale et l'attractivité des territoires. Ce manque de moyens touche directement un tissu de PME et de très petites entreprises (TPE) hautement spécialisées, qui maillent nos territoires. Ces entreprises sont irremplaçables et leurs perspectives seront fragilisées, alors qu'elles sont essentielles à la restauration du patrimoine.

Certes, des pistes de financement complémentaires existent : la générosité privée, le mécénat, le loto du patrimoine ou la réduction d'impôt de 75 % pour les dons en faveur du patrimoine religieux des communes de moins de 10 000 habitants. Ces leviers sont utiles, mais ils mettent en lumière le retrait progressif de l'État en tant qu'acteur structurant dans le financement du patrimoine. Ces dispositifs complémentaires ne peuvent compenser ce retrait.

La situation du Mont-Saint-Michel me préoccupe particulièrement. Il s'agit du deuxième site le plus visité en France, après la tour Eiffel. Le cadre de direction est dual, partagé entre l'établissement public industriel et commercial (Épic) du Mont-Saint-Michel et le CMN. Ce dernier génère 16,5 millions d'euros de billetterie, auxquels s'ajoutent 5,7 millions d'euros supplémentaires dus à une hausse des tarifs. Pour autant, l'Épic, qui a besoin de financer 38 millions d'euros de travaux, ne reçoit que 1,675 million d'euros du CMN, sachant que 1 million d'euros provient du ministère de la culture. Nous sommes confrontés à un problème de distorsion entre les montants générés par les billetteries et le retour de financement pour l'Épic. De plus, le Mont-Saint-Michel étant une commune, on ne peut mettre en place un droit d'entrée pour y accéder. Cette difficulté, qui concerne toute une région et les collectivités environnantes, méritera un travail approfondi.

J'en viens au DPE. Un travail avait été amorcé sur l'adaptation du dispositif aux édifices patrimoniaux, mais il semble à l'arrêt, ce qui est bien dommage. Cette situation crée le risque de rendre inéligibles, inaccessibles et irréalisables les travaux pourtant indispensables à la conservation de notre patrimoine.

Notre groupe suivra la décision de la rapporteure, prise afin de pouvoir assurer la sécurité des monuments nationaux. Cependant, les fragilités de notre politique patrimoniale rappellent l'urgence d'un engagement clair, lisible et durable de l'État aux côtés des territoires. Un patrimoine préservé constitue une chance pour l'avenir de nos communes, pour l'attractivité de nos régions, pour la transmission que nous devons à la Nation et pour l'avenir de la France et de son rayonnement à travers le monde.

Mme Monique de Marco. - Des coupes considérables sont réalisées dans les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration du patrimoine historique et monumental. Cette saignée va toucher la majeure partie du patrimoine français. Les monuments historiques inscrits ou classés sont détenus par les collectivités territoriales à 45 % et par les propriétaires privés à 37 %. Alors que les dépenses pour le patrimoine détenu par l'État sont préservées, celles qui doivent bénéficier au patrimoine détenu par les collectivités et les particuliers sont sacrifiées. Nous observons une perte de 3 millions d'euros pour l'entretien et de 50 millions d'euros pour la restauration, ainsi que la division par deux du montant du FIP, qui passe de 20 millions à 10 millions d'euros. Ces baisses ne peuvent conduire qu'à un affaiblissement général de la qualité de la conservation des monuments présents sur l'ensemble du territoire.

Nous observons également des coupes importantes des subventions allouées aux musées de France, nationaux et territoriaux. Ces musées subissent un budget d'austérité et 11 des 13 musées nationaux voient leurs subventions pour charges de service public diminuer, tandis que les subventions d'investissement stagnent. Bien sûr, au vu des difficultés en matière de sécurité, il est nécessaire de créer un fonds pour la sûreté des musées.

Ce budget n'est pas acceptable. Compte tenu de votre analyse de la situation, madame la rapporteure, je ne comprends pas que vous finissiez par donner un avis favorable sur ces crédits.

Mme Sonia de La Provôté. - Je rebondis sur le constat d'un effondrement du budget du patrimoine, malgré l'embellie budgétaire des années précédentes. À cet égard, je souscris au souci de pondération de l'avis de notre rapporteure.

Nous sommes confrontés à un effet ciseaux puisque les coûts augmentent et que la baisse de la contribution des collectivités territoriales semble quasiment certaine. Je songe singulièrement aux communes, mais aussi aux conseils départementaux, qui sont parfois de très grands contributeurs à l'accompagnement du patrimoine. Le mécénat, pour sa part, ne connaît pas encore de situation d'effondrement.

Les choix réalisés semblent plus ou moins stratégiques. À titre d'exemple, baisser le FIP en période de disette budgétaire, alors que l'on tient tout un discours autour du patrimoine vernaculaire des petites communes, constitue une contradiction.

Nous avons découvert avec joie que les schémas directeurs constituaient le sujet à la mode au ministère de la culture. Cependant, alors qu'on nous parle des schémas directeurs des musées, de l'état du patrimoine, de l'entretien ou de la sûreté, nous découvrons qu'il n'y en a pas.

L'entretien est l'alpha et l'oméga en matière de prévention des grosses dépenses. Si nous voulons préserver un patrimoine dont l'état sanitaire est assez dramatique, l'entretien est indispensable. Cette question doit être abordée comme elle le mérite.

Par ailleurs, nous n'avons toujours pas d'inventaire complet et bien construit du patrimoine. De même, en ce qui concerne les collections des musées, il reste difficile d'avoir une vision proche de la réalité.

Dans le même temps, une réflexion est lancée sur le cadre de gestion, sur la manière dont il doit allier le public et le privé, les différents ministères concernés ou encore le mécénat. Tout est possible et cette question est importante.

Quand nous parlons de stratégie patrimoniale, abandonnons les catégories - classé, inscrit, public ou privé -, pour faire valoir une vision d'un patrimoine qui serait un grand tout, devant trouver sa traduction budgétaire.

La question du « comment » se pose, alors que les Drac sont de plus en plus déstabilisées financièrement. L'assistance en matière de maîtrise d'ouvrage devient un sujet de plus en plus crucial dans les territoires. La disparition ou la fragilisation des CAUE aggravera cette situation. Il faut tirer la sonnette d'alarme et se mettre en situation de régler les problèmes.

Face à cette situation, on nous parle de National Trust, ce qui ressemble fort à de la méthode Coué. On nous parle du loto et de faire payer l'entrée à Notre-Dame de Paris. Au bout du compte, nous avons besoin d'un premier acte, qui serait le développement d'une stratégie et d'une feuille de route du ministère en matière de patrimoine. Cette politique nationale, qui sera ensuite déclinée dans tous les territoires, aura un impact national.

Aucun financement de la sûreté n'étant prévu dans le PLF, nous suivrons l'avis de la rapporteure.

M. François Patriat. - La baisse drastique des crédits alloués au patrimoine interroge. Il reste que les efforts fournis en la matière ont été très importants au cours des huit dernières années.

J'entends dire que de petites communes se retrouvent souvent démunies. Samedi soir, dans une commune de 130 habitants, j'ai participé au lancement de travaux dont le coût s'élève à 350 000 euros et sera couvert à 70 % par des subventions. En dehors des crédits que nous examinons, l'État est souvent le premier financeur de la réhabilitation du patrimoine.

Je voudrais revenir au domaine de Chambord qui, parce qu'il est devenu un Épic, se retrouve pratiquement à l'équilibre, avec 28 millions d'euros de recettes pour 28 millions d'euros de fonctionnement. Depuis qu'il est devenu un Épic et grâce aux efforts en matière d'attractivité, le nombre de visiteurs accueillis est passé de 500 000 à 1 200 000, ce qui constitue une limite pour des raisons de sécurité. Aujourd'hui, le domaine participe à hauteur de 50 % pour financer les travaux d'investissement annuels.

L'effort consenti par l'État est différencié. Ainsi, alors qu'il s'agit du deuxième château le plus visité de France après celui de Versailles, le domaine de Chambord ne bénéficie que de 2,5 millions d'euros par an pour sa restauration. En comparaison, le château de Fontainebleau reçoit chaque année 12 millions d'euros, depuis cinq ans. L'aile droite du château de Chambord est très menacée pour des raisons climatiques, d'assèchement et d'inondation. Les travaux prévus auront un coût de 38 millions d'euros ; l'État pourrait fournir un effort supplémentaire.

Mme Else Joseph. - Je voudrais revenir à la répartition de la baisse des crédits et aux préoccupations des collectivités, notamment pour les centres anciens, dont la mise en valeur est nécessaire, que ce soit au moyen de plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou du dispositif SPR.

Ce budget n'est pas en phase avec les besoins, ce qui pose des difficultés, notamment au niveau local, où des craintes émergent au sujet de certains projets engagés, qui risquent de mettre en difficulté les communes.

Dans le cadre du projet Quartiers de demain, dix villes lauréates bénéficieront de 10 millions de crédits. On a beaucoup communiqué sur le sujet, mais les crédits ne semblent pas garantis dans le temps alors que les collectivités, notamment les communautés de communes, les villes et les départements, s'engagent dans ces projets.

J'en viens aux crédits des Drac. Outre leur baisse, qui affecte certains patrimoines comme les monuments historiques, des consignes auraient été données officieusement, indiquant que moins de 15 % de ces crédits devraient financer l'entretien, ce qui envoie un mauvais signal. De plus, la dotation du FIP est divisée par deux.

J'évoquerai une autre inquiétude, concernant le plan Culture et ruralité, qui fait partie des sujets défendus par la ministre. Apparemment, le plan fait l'objet de beaucoup de communication, mais les communes et les porteurs de projets manquent d'informations.

De plus, les mesures pour le logement en ruralité ne touchent que des propriétaires-bailleurs dans les zones peu denses. Il est question de les étendre aux centres-bourgs ruraux.

Je partage ce qui a été dit par Mme la rapporteure, ainsi que les craintes et les inquiétudes exprimées par nos collègues.

M. Adel Ziane. - Un effondrement, un mur d'investissements et un nécessaire changement de paradigme ont été évoqués. Le patrimoine connaît une phase d'abandon.

La baisse des crédits est d'autant plus incompréhensible que la Cour des comptes a estimé à 5 milliards d'euros les besoins en matière de rénovation de notre patrimoine national dans les dix prochaines années. À cet égard, il faudra compter 450 millions d'euros pour le Centre Pompidou, 450 millions d'euros pour les deux sites de l'Opéra de Paris, 1 milliard d'euros pour le Louvre, 1,4 milliard d'euros pour la Cité des sciences et de l'industrie ou encore un minimum de 100 millions d'euros pour la restauration urgente des Beaux-Arts de Paris.

Nous sommes donc confrontés à une contradiction majeure : le budget baisse, mais jamais les besoins n'ont été aussi élevés. Les données techniques sont à notre disposition : 4 000 édifices protégés doivent être restaurés de manière urgente.

Je voudrais aussi mettre en exergue la fracture qui est en train de se renforcer entre la région parisienne et les territoires. La moitié des dépenses du ministère de la culture bénéficient aujourd'hui à l'Île-de-France, ce qui pose beaucoup de questions pour le reste du pays. Dans le même temps, dans les régions, les bourgs et les petites villes, les Drac nous signalent des situations critiques. Des flèches sont fragilisées, des toitures sont en train de s'effondrer et des bâtiments sont fermés, faute de moyens d'entretien. Si nous ne faisons rien, cette dichotomie territoriale deviendra de plus en plus intenable.

De plus, on ne perçoit pas les apports du plan Culture et ruralité, qui semble plutôt relever de l'annonce symbolique et ne répond pas aux réalités du terrain.

Par ailleurs, la baisse des dotations aux collectivités territoriales enclenchera une dynamique plus négative encore. À l'échelle de mon département, un certain nombre de villes sont déjà en train de lisser sur les prochaines années des investissements pourtant urgents en matière de patrimoine.

Notre groupe émet un avis défavorable sur les crédits du programme. Soit nous choisissons de nous projeter dès à présent dans une véritable réflexion sur un plan national, soit nous continuons de poser des sparadraps sur une jambe de bois et notre patrimoine connaîtra un destin funeste.

Mme Agnès Evren. - Il y a consensus : ces coupes budgétaires sont d'autant plus inquiétantes que le patrimoine est un puissant moteur de cohésion, particulièrement en cette période de fracturation de la société.

Le PLF ne comprend pas de ligne budgétaire spécifique pour la sécurisation de notre patrimoine culturel et cultuel. Après le cambriolage du Louvre, commis en plein jour et en quelques minutes, qui a sidéré le monde entier et qui a succédé à une multitude de vols perpétrés dans nos musées régionaux et au sein d'églises rurales, la ministre a annoncé la création d'un fonds pour la sûreté des musées. Je proposerai un amendement visant à l'abonder de 12 millions d'euros, par un transfert de crédits. Ce montant constituera une sorte d'amorce, qui permettra de réaliser les audits nécessaires aux premiers arbitrages et aux travaux de sécurisation.

Concernant le Louvre, nous avons tous découvert dans la presse l'audit de sécurité datant de 2019, qui n'a même pas été mentionné par Laurence des Cars lors de son audition, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, ce qui est assez consternant.

Je proposerai que ce fonds permette également de financer l'expérimentation d'un dispositif de sécurisation des grands musées nationaux avec des caméras augmentées, sur le modèle de ce qui a été fait pendant les jeux Olympiques.

Qu'est-il envisagé en matière de sécurisation ?

Mme Catherine Belrhiti. - Le nombre de monuments nécessitant des travaux dépasse largement les moyens disponibles. Les projets de restauration de longue durée pourraient être différés, ce qui créera un risque de détérioration progressive des sites patrimoniaux et de perte d'attractivité touristique.

Une pression s'exerce sur le patrimoine des collectivités locales. Le niveau des subventions pourrait ne pas suffire à couvrir les besoins croissants, notamment pour les églises, les châteaux et les sites inscrits ou classés.

Les crédits destinés aux acquisitions, à la conservation et à la restauration des collections restent stables, mais ne compensent pas l'inflation des coûts de conservation et de transport, ce qui peut limiter la capacité des musées à enrichir leurs collections. Cette semaine encore, nous avons eu l'occasion de constater que nous ne sommes pas capables de conserver certains tableaux importants. La numérisation des collections, qui nécessite des investissements technologiques importants, pourrait être retardée.

Certains monuments historiques et sites touristiques nécessitent des travaux de mise aux normes. Le budget doit concilier restauration et sécurité, sous peine de fermeture partielle de certains sites. Vous insistez sur la nécessité d'assurer la sécurité et l'accessibilité des sites patrimoniaux ; quelles sont vos recommandations pour concilier travaux de restauration, mise aux normes et accueil du public, sans compromettre la qualité des interventions ?

Enfin, il faudra s'assurer que les crédits du plan Sécurité cathédrales sont bien dépensés et à la hauteur des besoins.

M. Jean-Gérard Paumier. - En examinant ces crédits, je me demande si nous allons voir refleurir l'émission Chefs-d'oeuvre en péril du regretté Pierre de Lagarde. La richesse de notre patrimoine est immense. Il constitue un atout culturel et touristique majeur et reste un fleuron du rayonnement de la France, auquel nos concitoyens sont très attachés.

De grands projets absorbent l'essentiel des crédits et de la lumière. Ils sont mis en oeuvre à Villers-Cotterêts, au musée des sacres à Reims, au Louvre, à Versailles et bientôt à Chambord et à Fontainebleau. D'autres sites nationaux d'intérêt majeur attendent de gros travaux non financés à ce jour, comme le Mont-Saint-Michel, les tours de La Rochelle, les remparts de Carcassonne, le château d'If, le Panthéon ou la Sainte-Chapelle.

Enfin, et peut-être surtout, il faut évoquer le vaste patrimoine, notamment rural et essentiellement religieux, qui se trouve dans tous nos territoires et a besoin lui aussi, de façon urgente, de travaux d'entretien et de sécurité. Certes, l'État ne peut pas tout faire. La contribution du loto du patrimoine a eu un effet, mais nous restons loin du compte. Si la poursuite de la baisse des crédits se confirme, les conséquences seront funestes. Le patrimoine doit devenir une grande cause nationale.

Pour cela, j'entrevois trois pistes. D'abord, dans les années à venir, l'État doit reprendre le chemin de l'entretien du patrimoine, aux côtés des collectivités qui, malgré leurs difficultés, font le maximum. Le CMN dispose d'un budget annuel d'entretien qui ne s'élève qu'à 25 millions d'euros pour 110 monuments historiques.

Ensuite, l'État doit apprendre à faire moins cher en matière de rénovation du patrimoine, avec les architectes en chef des monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France (ABF).

Enfin, n'oublions pas que le patrimoine représente un investissement économique. En effet, il repose sur des métiers hautement qualifiés dans tous nos territoires, qui ne sont pas délocalisables.

M. Laurent Lafon, président. - Compte tenu de la convergence des interventions, nous aurions intérêt à travailler l'année prochaine sur la question du patrimoine. Nous y reviendrons dans quelques jours, lorsque le Bureau évoquera les prochaines missions d'information à mener.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. - L'unanimité de notre commission fait du bien, tant le patrimoine a tendance à être oublié. Aujourd'hui les yeux s'ouvrent, peut-être en raison du cambriolage du Louvre, et nous réalisons que notre patrimoine connaît une phase d'abandon. Le ministère semble ne pas posséder les leviers nécessaires pour prendre soin du patrimoine. Il nous appartient donc de prendre les choses en main, pour que le patrimoine devienne un vrai sujet en 2026.

M. Ziane, certes, la fracture existe entre la région parisienne et les régions. Cependant, pour la première fois cette année, la région parisienne est également touchée par les restrictions budgétaires.

M. Patriat, vous avez noté que des efforts importants ont été fournis ces huit dernières années, ce que nous saluons. Vous avez aussi évoqué le cas d'une commune ayant réussi à trouver des subventions ; cela est possible quand les moyens sont suffisants en matière d'ingénierie. Cependant, je connais beaucoup de petites communes qui renoncent à leur projet de restauration parce qu'elles ne savent pas comment s'y prendre pour déposer des demandes de subventions. De plus, il sera de plus en plus difficile d'obtenir des subventions qui seront de moins en moins nombreuses.

Vous avez également évoqué le domaine de Chambord et son besoin d'être davantage soutenu par l'État en matière d'investissement ; nous sommes d'accord sur ce point.

Mme Joseph, j'ai bien noté vos inquiétudes concernant les centres anciens et je rejoins vos alertes sur le sujet. J'ai interrogé le ministère de la culture sur l'avenir du groupement d'intérêt public (GIP) Europe des projets architecturaux et urbains (Epau) : on nous a assuré qu'il n'y avait pas de volonté de remettre ce groupement en cause. Il s'agit peut-être d'une bonne nouvelle à transmettre.

Concernant le plan Culture et ruralité, toutes les personnes entendues lors de nos auditions ont relevé qu'il n'avait aucun impact sur le terrain. Le ministère nous indique qu'il a principalement permis le financement de projets pour les musées ruraux.

Mme de Marco, effectivement, le patrimoine des particuliers et des collectivités sera en première ligne dans la dégradation du soutien financier des patrimoines. Mon avis favorable sur les crédits du programme est purement technique, puisqu'il s'agit de faire adopter mon amendement. La question s'est posée jusqu'à hier soir tard : compte tenu du contenu de mon rapport, est-il raisonnable de donner un avis favorable ? Oui, pour permettre l'intégration dans les dispositions du projet de loi de l'amendement relatif au fonds de sûreté.

Mme de La Provôté, vous avez bien décrit l'effet ciseaux, qui allie l'augmentation des coûts et la baisse des moyens des collectivités territoriales. Certaines n'auront plus les moyens d'accompagner les communes. L'ingénierie est au moins aussi importante que les financements. Certaines collectivités, notamment départementales, essaient de maintenir leur aide en matière d'ingénierie.

Le sujet des schémas directeurs nous a laissés dubitatifs à l'issue des auditions. L'entretien constitue aussi un impensé qui doit faire l'objet d'une réflexion plus approfondie, laquelle était d'ailleurs intégrée aux premiers travaux menés autour du National Trust.

Concernant l'inventaire, le troisième récolement décennal des musées de France sera entamé en 2026.

Mme Gosselin, les financements reculent, mais nous restons au-dessus des moyens accordés en 2022. Cependant, nous en convenons : nous ne sommes plus en mesure de réaliser les travaux d'entretien du patrimoine. Or, quand on n'entretient pas le patrimoine, il faut réaliser des travaux dans l'urgence, qui deviennent bien plus coûteux. Les dispositifs financiers complémentaires ne suffisent pas.

Merci de nous avoir sensibilisés au dossier du Mont-Saint-Michel, qui doit intégrer notre réflexion quant aux nouveaux modes de gestion du patrimoine monumental.

Nous ne lâcherons rien sur le sujet fondamental du DPE. J'ai rendez-vous début janvier avec le ministre du logement pour y travailler.

Mme Monier, certes, l'année dernière, des crédits supplémentaires avaient été votés lors de l'examen du PLF, mais une partie a été annulée en cours d'année. Quant à la réduction des crédits alloués au Grand Palais, elle correspond à la fin des travaux.

M. Ouzoulias, effectivement, pour faire comprendre que le patrimoine est important, parler de culture ne suffit plus, et il faut parler finances.

Concernant le patrimoine juif, je vous remercie pour l'alerte concernant la synagogue de Rouffach. À cet égard, nous avons déposé, avec vous et Mme Ventalon, un amendement que M. Brisson a également cosigné. Je vous invite tous à le cosigner.

Je vous invite également à cosigner mon amendement concernant le fonds pour la sûreté des musées plutôt que celui de Mme Evren, qui est très pertinent, mais ne vise à abonder le fonds qu'à hauteur de 12 millions d'euros. Nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministère de la culture et on nous a dit qu'il serait plus importun de demander 30 millions d'euros.

Mme Belrhiti, vous avez bien analysé les différents budgets et insisté sur le fait que même les budgets stables sont en baisse, compte tenu de l'inflation.

Concernant les travaux de sécurisation, la mission sécurité, sûreté et d'audit (Missa) du ministère de la culture s'occupe d'accompagner les musées et de les conseiller.

M. Paumier, merci de parler si bien du patrimoine et de la lumière qu'il dégage, mais aussi des conséquences funestes qui surviennent lorsqu'on le néglige.

Article 49 (état B)

L'amendement CULT.1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux patrimoines de la mission « Culture », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La réunion est close à 11 h 45.