Mercredi 10 décembre 2025

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Avenir pour le commerce de proximité en milieu rural - Audition de M. Frédéric Gibert, responsable du programme Action coeur de ville et du plan commerce de la Banque des territoires, Mme Céline Massal, professeure agrégée de géographie, enseignante en classe préparatoire au lycée militaire de Saint-Cyr, M. Louis Pautrel, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), chargé du commerce, et un représentant de l'Association des maires de France (AMF)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons choisi de consacrer nos échanges de ce matin à un sujet fondamental, au coeur de la compétence de notre commission en matière d'aménagement du territoire : le commerce de proximité en milieu rural.

Il y a quatre ans, nous avions adopté à l'unanimité, avec nos collègues de la commission des affaires économiques, un rapport d'information formulant de nombreuses propositions afin de favoriser le maintien du commerce de proximité en milieu rural et de soutenir son développement. Comme l'avaient démontré nos rapporteurs de l'époque, M. Belin pour notre commission et M. Babary pour la commission des affaires économiques, il n'existe que des avantages à préserver et développer le commerce de proximité en zones rurales. Cela permet à la fois de renforcer le lien social et de préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens qui utilisent leur voiture pour accéder à des services de la vie courante, tout en maîtrisant l'empreinte carbone liée à ces déplacements.

Quatre ans après notre mission conjointe, il nous a paru opportun d'effectuer un nouveau tour d'horizon des tendances à l'oeuvre, de dresser un premier bilan des actions nationales et locales entreprises, mais aussi d'envisager les nouvelles perspectives et les nouveaux leviers qui s'offrent aux acteurs dans les territoires ruraux.

Nous avons convié trois interlocuteurs afin qu'ils puissent éclairer notre commission sur ces points de manière précise et complémentaire. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Céline Massal, professeure agrégée de géographie, autrice de travaux de recherche sur le commerce de proximité en milieu rural au sein du Laboratoire d'études rurales (LER) de l'université Lumière-Lyon-II, M. Louis Pautrel, maire de la commune de Le Ferré, vice-président chargé du commerce au sein de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), et M. Frédéric Gibert, responsable du plan Commerce de la Banque des territoires.

Je cède la parole à notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la cohésion des territoires qui a opportunément suggéré l'organisation de cette séquence et je l'en remercie.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la cohésion des territoires. - Je remercie nos trois intervenants d'avoir répondu favorablement à notre invitation sur ce sujet d'une importance vitale pour nos territoires ruraux.

Comme souvent en matière d'aménagement du territoire, nous sommes face à un paradoxe : d'un côté, le nombre global de commerces en France n'a cessé d'augmenter depuis vingt ans en termes de surfaces, de nombre de magasins et de salariés ; de l'autre, leur répartition territoriale s'est déséquilibrée au détriment des zones rurales.

J'ai souhaité que nous puissions bénéficier de cet échange à la suite des six déplacements que nous avons effectués, avec ma collègue Nicole Bonnefoy, dans le cadre de notre contrôle de proximité portant sur le programme national Petites villes de demain (PVD). Notre rapport d'information a été adopté à l'unanimité en octobre dernier et je m'en réjouis.

Il est ressorti des nombreux témoignages recueillis toute l'importance que revêt le commerce de proximité dans la reconquête de nos centres-bourgs en milieu rural, d'un point de vue socio-économique, mais également en termes de sociabilité et de représentations. Le commerce de proximité demeure au XXIe siècle un symbole fort de dynamisme et de lien social. Comme je le dis souvent, j'estime que pour les communes rurales, quatre investissements sont indispensables : la salle polyvalente, l'école, la mairie et le commerce de proximité.

Le soutien au commerce de proximité en milieu rural s'avère une vaste et urgente question qui a fait l'objet, cet automne, d'un rapport conjoint auquel a notamment pris part M. Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des territoires. En milieu rural, les dynamiques à l'oeuvre et les leviers à mobiliser constituent une véritable problématique au sein de la problématique plus générale du commerce de proximité. Au regard du contexte institutionnel et économique dans les territoires ruraux, l'élu local est en première ligne sur ce sujet.

Nous souhaitons entendre nos trois intervenants sur la dimension spécifique du commerce de proximité dans les centres-bourgs.

Madame Massal, vous avez consacré à la question du commerce de proximité en milieu rural des travaux de recherche au sein du LER de l'université Lumière-Lyon-II. À ce titre, nous souhaitons bénéficier de votre regard de chercheuse et aussi de votre retour de terrain, car votre étude s'appuie sur de nombreux témoignages recueillis sur le territoire de la Bresse. À votre sens, peut-on parler de disparition du commerce rural de proximité ? Ou s'agit-il plutôt d'une mutation ? Par ailleurs, quels sont les enjeux prioritaires pour les pouvoirs publics dans ce domaine ?

Mme Céline Massal, professeure agrégée de géographie, enseignante en classe préparatoire au lycée militaire de Saint-Cyr. - Votre invitation me permet de présenter une recherche menée au sein du LER et en partenariat avec l'École normale supérieure de Lyon, sous la direction de Mme Claire Delfosse et Mme Julie Le Gall, portant sur le thème du commerce de proximité en milieu rural.

Dans le territoire de la Bresse, se posait la question de la réalité de la disparition des commerces de proximité en milieu rural et de leur éventuelle mutation. L'objectif était de préciser la dynamique à l'oeuvre dans ces territoires et les formes que pouvait prendre le commerce de proximité dans les territoires ruraux.

Dans un premier temps, il s'agissait de constater la disparition des anciens commerces de proximité. La fermeture de ces commerces remonte aux années 1980-1990. Environ un tiers des commerces, notamment alimentaires - boulangeries, boucheries, épiceries, primeurs -, ont disparu du milieu rural. Concernant le territoire de la Bresse, les communes les plus rurales ont souvent perdu leur dernier commerce alimentaire dans la décennie 1990, alors que la ville de Bourg-en-Bresse, à la même époque, en gagnait de nombreux.

À l'échelle du territoire français, selon l'Insee, en 2021, plus de 20 000 communes ne disposaient d'aucun commerce alimentaire. Cela représente 62 % des communes françaises, alors que ces communes privées de commerces alimentaires ne représentaient que 25 % des communes en 1980. Ces fermetures ont d'abord des conséquences sur le paysage ; je pense à toutes ces devantures d'anciens commerces dans les villages, qui accroissent parfois le sentiment d'abandon des habitants.

Aujourd'hui, on observe une concentration de l'offre marchande. En réalité, il ne s'agit pas tant d'une disparition des commerces que de leur agglomération. À ce titre, nous parlerons plutôt d'une mutation de la proximité commerciale. Dès les années 1980, les grandes enseignes ont investi dans les zones rurales, avec l'arrivée des supermarchés et hypermarchés, et aussi des petits commerces franchisés.

À titre d'exemple, dans la commune de Beaupont, qui comptait 600 habitants en 2018, une supérette a ouvert en 2011 sous la franchise Proxi. Il ne s'agit pas du même modèle que l'épicerie classique. Premièrement, le commerce est franchisé, et non indépendant ; deuxièmement, celui-ci, le plus souvent situé au milieu d'un vaste parking, est accessible en voiture, et favorise la mobilité automobile.

Ces éléments nous permettent d'interroger et d'illustrer la mutation dont fait l'objet le commerce de proximité en milieu rural. Ainsi, un responsable de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Ain m'avait ainsi affirmé lorsque je l'avais interrogé : « La notion de commerce de proximité ? cela ne veut plus rien dire. J'habite à un kilomètre d'un hypermarché Carrefour, c'est ça, mon commerce de proximité. » La citation me paraît intéressante, car elle interroge cette notion de proximité et montre que celle-ci n'est pas seulement une affaire de distance, mais aussi de représentations. Or, les commerces jouent aujourd'hui sur cette idée de proximité pour attirer des clients ; je m'appuie sur ce point sur les travaux de M. Nicolas Lebrun. Dans l'exemple que je citais, cela s'illustre dès le nom du commerce - Proxi - qui cherche à créer ce sentiment de proximité.

Pour les pouvoirs publics, qui sont face à ces mutations, pourquoi ne pas encourager cette agglomération des commerces ? Car celle-ci exclut à la fois une partie de la population et une partie des territoires.

L'augmentation de la distance à parcourir entre le lieu d'habitation et celui du commerce est indolore pour des personnes mobiles. En revanche, elle peut s'avérer dramatique pour des personnes peu mobiles ; je pense à l'isolement des personnes âgées dans les territoires les plus ruraux. À cela s'ajoute une problématique de genre, dans la mesure où il s'agit le plus souvent de femmes âgées dont le mari était l'unique détenteur du permis de conduire. La difficulté de la conduite, notamment pour les personnes âgées ayant des problèmes de vision, pose également question. J'ai ainsi recueilli le témoignage d'une femme de quatre-vingt-dix ans à la vue très défaillante mais qui conduisait tout de même, à grand peine, jusqu'à l'hypermarché, car, me disait-elle, en dépit du danger, « il faut bien que je mange ».

Certains territoires subissent ces fermetures de commerce avec, comme l'ont montré les travaux de sociologie de M. Vincent Chabault, un lien systémique entre la rue et le commerce. Sans commerces, les piétons désertent les rues ; et sans piétons, aucun commerce viable ne peut se développer.

Face à l'isolement de certaines populations et certains territoires, des réponses spontanées, souvent informelles, s'organisent. Des formes anciennes se maintiennent ; je pense aux dépôts de pain qui permettent aux personnes âgées de s'approvisionner ; nous voyons également se développer des commerces multiservices. Dans la commune de Beaupont, j'ai ainsi relevé la présence d'une boulangerie-pâtisserie-bar-restaurant, avec également un rayon épicerie : cet exemple illustre cette idée qu'au-delà d'un commerce, il s'agit d'offrir un service à la population

Lors des entretiens menés auprès des commerçants, le terme de « dépannage » fut systématiquement prononcé. Cela interroge sur le fait que, pour un commerçant, la logique de service prime désormais celle de rentabilité.

À côté de ces formes classiques de commerce rural, on observe une variété d'innovations commerciales pour répondre aux spécificités du milieu rural ; je pense aux distributeurs - de pain, d'oeufs, de lait - qui se multiplient, ainsi qu'aux tournées. Celles-ci reposent sur l'idée que, si le client ne peut se déplacer jusqu'au commerce, ce dernier peut se déplacer jusqu'à lui. Ces tournées ne constituent pas des innovations dans le milieu rural, elles existent au moins depuis le XIVe siècle, mais l'on observe aujourd'hui une augmentation de ces offres itinérantes, avec des investisseurs qui créent de nouvelles tournées commerciales ; je pense, par exemple, à un épicier qui approvisionnait 200 clients dans sa tournée, notamment dans des hameaux isolés.

Ces réponses informelles sont le résultat d'initiatives privées. De 2003 à 2007, les commerçants itinérants étaient éligibles à une aide de l'État sur le carburant. Sur les dix commerçants itinérants que j'ai interrogés sur ce point, seuls deux avaient eu connaissance de cette aide. Alors que je l'interrogeais sur l'aide éventuelle dont il pourrait bénéficier, l'un de ces commerçants m'a répondu : « L'aide de qui ? » Cela illustre bien l'idée d'un service rendu, qui émane, le plus souvent, d'initiatives privées.

Cela conduit à s'interroger sur l'existence et les perspectives de l'action publique dans ce domaine. L'idée même d'une action publique pour le commerce de proximité pourrait paraître paradoxale ; il s'agit presque d'un oxymore. Le commerce est un domaine par définition libéral, qui obéit à la loi de l'offre et de la demande, et l'on ne peut pas créer artificiellement de la demande.

Toutefois, cette action publique existe. De nombreuses actions ont été menées ; je pense au programme PVD, au fonds de soutien au commerce rural, aux zones de revitalisation rurale (ZRR), ou encore au programme de reconquête des centres-bourgs et des centres-villes (RCVCB). Toutefois,

Dans ces programmes, se pose la question de la place, dans cette répartition commerciale, pour les petites communes - moins de 2 000 habitants -, qui représentent 84 % des communes françaises. Il n'est pas possible d'avoir des commerces dans toutes ces communes, ce qui implique de réfléchir à une échelle plus large.

À titre d'exemple, dans une commune de 200 habitants, la mairie a réussi à attirer un boulanger en obtenant une aide pour acheter le local. Le boulanger d'une commune voisine trouvait cette décision « criminelle », car le maire en question ne pouvait ignorer que le boulanger aurait des difficultés à obtenir un revenu décent de son activité. Certes, la remarque n'était pas désintéressée venant de la part d'un boulanger concurrent, mais elle invite à considérer le point de vue des pouvoirs publics, des clients, ainsi que des commerçants sur ce sujet.

La question du commerce en milieu rural implique de considérer la concurrence commerciale et la notion de bassin de chalandise. Si l'on implante deux boulangeries très proches en milieu rural, la concurrence entre elles risque d'entraîner des effets contre-productifs.

En conclusion, parmi les enjeux prioritaires à prendre en compte pour les pouvoirs publics, il convient d'assurer l'approvisionnement alimentaire des personnes les plus isolées sur le plan de la mobilité, et de favoriser l'attractivité des petits bourgs ruraux en soutenant l'installation de commerçants. Il ne s'agit pas de retourner à une logique ancienne de maillage du territoire, mais de s'adapter à un contexte inédit, d'encourager et de soutenir la créativité des commerces de proximité pour accompagner leur mutation. L'objectif est que celle-ci ne soit pas trop excluante pour les communes les plus rurales et certaines populations telles que les personnes les plus âgées.

M. Louis Pautrel, vice-président de l'Association des maires ruraux de France, chargé du commerce. - Dans nos communes, le commerce de proximité n'a jamais été aussi fragile, avec des risques de disparition d'un certain nombre d'établissements. Aujourd'hui, de nombreuses communes se retrouvent sans commerce. Le cas des communes labellisées PVD, d'une taille plus importante, diffère de celui de nombreuses communes rurales d'un échelon démographique inférieur, ce qui rend la situation complexe.

Le commerce en milieu rural est un vecteur de lien social et d'animation dans le centre-bourg. C'est un repère pour la population, un lieu d'échanges et d'intégration. Quand je parle de commerce en milieu rural, je pense aux bistrots, cafés, bars, restaurants, épiceries, boulangeries, auxquels s'ajoutent les commerces multiservices. La semaine dernière encore, j'assistais au colloque organisé par l'association des bistrots et cafés de France : celle-ci poursuit l'objectif que ces commerces puissent être inscrits au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, au vu des inquiétudes liées à leur pérennité.

On dit toujours qu'il faut sauver le dernier commerce ; à mes yeux, c'est l'avant-dernier qui est plus important encore. Lorsqu'on ne dispose plus que d'un seul commerce, c'est déjà fini ; alors que deux commerces entraînent des synergies et de nouveaux flux de consommation.

Dans le cadre de nos réflexions avec la direction générale des entreprises (DGE), nous travaillons sur l'objectif de pérenniser et de préserver les commerces de proximité en milieu rural. Dans nos communes, les commerces sont liés, le plus souvent, à un portage privé. Quand il s'agit d'un portage public, c'est la mairie qui est en première ligne ; elle a souvent racheté le fonds de commerce pour une bouchée de pain, réalisé des travaux de réhabilitation, d'adaptation et de mise aux normes. Les aides permettent à la commune de porter le projet d'investissement.

Le fonctionnement, en revanche, est plus complexe. Comment fait-on pour se dégager un salaire à la fin du mois ? Les premiers temps, les commerçants s'en sortent avec l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (Acre), le complément de France Travail. On pourrait imaginer que cela laisse le temps aux commerçants de s'organiser afin d'atteindre le chiffre d'affaires nécessaire pour se dégager un salaire ; la réalité n'est pas aussi simple. On constate souvent la fermeture d'un commerce six mois ou un an après son ouverture.

Il y a une réelle question d'expérience et de compétence en matière de commerce : on parle parfois de crise de la quarantaine, ce moment où l'on quitte son travail pour faire autre chose et réaliser le rêve de sa vie. Certains se disent qu'ils vont reprendre un commerce ; mais cela implique un certain nombre de compétences qui ne sont pas anodines. Je prends l'exemple du bar-restaurant. La première chose qui compte, lorsqu'on est client, c'est l'accueil que nous réserve le patron ou la patronne. Ensuite, vient le reste : la qualité du service au comptoir et de la restauration, le coût de l'addition.

Se pose également le problème de la marge que les petits commerces sont en mesure de dégager. Nos commerçants ruraux ne sont pas en capacité de négocier des achats de masse. Ils s'accommodent de tarifs d'achat de gros élevés, ce qui entraîne un certain niveau de prix de vente et rend moins attractif le commerce local. Dans la mesure où ils sont contraints de faire attention à leurs prix de vente, les commerçants rognent sur les marges.

Avec la DGE, nous avons créé une structure - France commerce rural - dont l'objectif est de travailler sur le recrutement des commerçants, afin de lutter contre le nombre important d'échecs lors des douze premiers mois.

Dans ma commune, il y a deux commerces : une boulangerie-pâtisserie, dont le fonds appartient au boulanger et les murs à la famille de l'ancien boulanger ; et un bar-restaurant, acheté par mon prédécesseur en 1995-1996, que nous louons 380 euros par mois, sachant que 320 euros sont versés par La Poste pour la gestion du point de vente. Le loyer net mensuel s'élève donc à 60 euros. Pour ce fonds de commerce, en tant que maire, depuis 2001, j'ai eu affaire à quatorze ou quinze gérants. Au début, ils sont sérieux et présentent bien ; au bout de quelques semaines, cela commence à déraper.

Concernant la boulangerie, j'ai appris récemment que le boulanger arrivait en fin de bail et qu'il ne souhaitait pas poursuivre son activité. La boulangerie va fermer le 31 mars prochain. Il y aurait des travaux à réaliser, mais la propriétaire s'y oppose et ne veut pas vendre. Mes administrés me sollicitent afin que la boulangerie puisse être maintenue, mais je ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour agir.

Il s'agit de créer des passerelles avec des acteurs plus importants du commerce. Au niveau de France commerce rural, nous avons pris contact avec la grande distribution afin que nos commerçants ruraux puissent obtenir des prix qui correspondent à ceux de leurs centrales d'achat. Un prix d'achat moins élevé doit permettre d'augmenter la marge de nos commerçants.

Dans le cadre du programme PVD, sera lancé dans les prochaines semaines un dispositif consacré aux commerces éphémères, appelé « Made in local ». Dans les communes de moins de 2 000 habitants qui disposent de locaux vacants, l'idée est de mettre ceux-ci à disposition d'un porteur de projet pendant un certain nombre de semaines ou de mois, afin qu'il puisse tester son activité. Par expérience, je ne refuse jamais aucune solution. Nous allons essayer ce dispositif, et nous verrons bien le résultat.

Parmi les autres solutions qui peuvent être mentionnées, je pense également aux distributeurs - de pain, de pizzas, de fruits et légumes - qui permettent de répondre à une demande, même si le lien social est moindre.

Un autre sujet qui peut être relevé lorsque l'on parle de commerce local : le paiement en espèces, qui reste apprécié dans nos territoires, notamment pour les courses. Se pose la question du retrait des billets. J'ai travaillé avec des prestataires de distributeurs automatiques de billets ; les coûts de fonctionnement s'élèvent, après négociation, à 700 ou 800 euros par mois. Pour ma commune, le montant est trop élevé, et il est difficile, même en faisant preuve de pédagogie, de faire accepter cette dépense par le conseil municipal. Toutefois, il convient de ne pas écarter ce service d'approvisionnement en espèces.

M. Jean-François Longeot, président. - Le distributeur de produits alimentaires, comme vous l'avez souligné, peut rendre service. Mais cela ne règle pas le problème, notamment pour les personnes âgées, du manque de rencontres et d'échanges. La dimension du lien social est fondamentale.

L'accompagnement du porteur de projet est un autre sujet essentiel. Dans mon département, avant que la compétence économique ne soit réservée aux régions, nous disposions d'une agence de développement économique. Autrefois, l'accompagnement était assuré par cette agence, et cela fonctionnait bien. Car le souci du commerçant ne doit pas être de s'occuper de toutes ces procédures administratives qui lui prennent du temps.

M. Frédéric Gibert, responsable du programme Action coeur de ville et du plan Commerce de la Banque des territoires. - J'ai l'honneur de représenter M. Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des territoires, l'un des trois auteurs du rapport rendu en novembre dernier au ministre sur le commerce de proximité dans les centres-villes et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV).

Le commerce s'adresse avant tout à des consommateurs, et j'insiste sur ce terme. Aujourd'hui, les consommateurs réalisent 70 % de leurs achats alimentaires dans les supermarchés. Ainsi, les enseignes du groupe Intermarché sont présentes environ tous les 10 kilomètres.

Les consommateurs sont polyvalents ; ils effectuent 70 % de leurs achats alimentaires dans les supermarchés, et réalisent 10 % à 15 % de leurs achats de façon numérique. Ces deux chiffres donnent une idée de la mutation du commerce en cours, du fait des consommateurs en premier lieu.

Le commerce de proximité représente environ 15 % des achats en France. Quand on parle de commerce, on imagine des achats de biens ; or, dans plus de la moitié des cas, ce sont des achats de services. Désormais, lorsqu'on entre dans une boulangerie, on n'achète plus seulement sa baguette de pain, mais aussi un café ou un sandwich, c'est-à-dire des services.

Les personnes âgées sont les plus grandes consommatrices de services, et ce mouvement va s'amplifier au regard de notre démographie.

Dans les centres-villes, les achats sont liés à trois domaines : la restauration, le « wellness » - activités de bien-être, santé et beauté - et les loisirs, avec le développement de lieux dédiés comme les escape game ou les karaokés. Dans les zones rurales, se développent parfois également ces activités de loisirs.

Il s'agit de distinguer la situation des centres-bourgs - qui concernent les communes entre 2 000 et 20 000 habitants - et celle des communes de moins de 2 000 habitants. Pour ces dernières, la notion de commerces de « dépannage » me semble appropriée. L'accent est mis sur le lien social, et les activités multiservices permettent d'assurer un revenu au commerçant.

Le rapport sur le commerce de proximité dans les centres-villes et les QPPV propose à la puissance publique d'intervenir dans trois domaines complémentaires.

Un premier domaine d'action concerne l'intervention immobilière, afin de redynamiser l'appareil commercial, c'est-à-dire élargir et agrandir les surfaces des commerces. Il y a une cinquantaine d'années, une boulangerie trouvait sa place dans 50 mètres carrés ; aujourd'hui, quand un boulanger souhaite s'installer, il est à la recherche d'environ 120 mètres carrés, de manière à pouvoir disposer d'une vitrine plus importante et proposer un espace de convivialité.

La gouvernance est un autre domaine d'intervention possible. Par cela, j'entends l'action de la puissance publique, des collectivités locales et des chambres consulaires, ainsi que l'interaction avec les commerçants. Il y a une vingtaine d'années, les maires ne s'intéressaient pas ou peu aux questions du commerce ; aujourd'hui, tous souhaitent intervenir pour redynamiser le commerce sur leur territoire, et restaurer ainsi le lien entre la puissance publique et les acteurs économiques.

Enfin, un troisième domaine d'action possible concerne le soutien aux entrepreneurs. Les créateurs d'entreprises doivent être accompagnés. On parle souvent du cap des trois ans pour le maintien de l'activité. Nous connaissons aussi la fragilité des néo-commerçants, avec parfois un manque de professionnalisme et de compréhension des attentes des consommateurs ; je pense notamment aux horaires d'ouverture des commerces. Lorsque vous quittez le travail à 19 heures et que vous souhaitez effectuer vos courses, le supermarché est ouvert, alors que le commerce de proximité, le plus souvent, a baissé son rideau.

Un certain nombre de mesures ont été proposées dans le rapport pour accompagner ces trois domaines d'intervention. Ainsi, la Banque des territoires investit auprès d'acteurs privés dans des foncières de redynamisation, dont un certain nombre contribuent à l'installation d'un nouveau commerce ou au maintien d'un dernier en zone rurale. Nous investissons également aux côtés d'agents économiques ; je pense à la société de supermarchés libre-service de proximité Api, qui a développé une centaine de magasins en trois ans, avec un concept spécifique en phase avec la ruralité.

Sur le sujet de la gouvernance, la Banque des territoires relance, à partir du mois de janvier prochain, le cofinancement des postes de managers de commerce. Nous allons de nouveau financer des créations de postes, mais aussi des pérennisations, car nous avons constaté qu'un certain nombre de postes de managers de commerce ne sont pas reconduits à l'issue de contrats courts.

À partir de septembre 2026, la Banque des territoires va également développer une formation à destination des élus, afin de favoriser une meilleure compréhension des enjeux liés à la mutation du commerce et à ses effets sur l'appareil commercial. Il existe un ensemble d'outils techniques à disposition des élus, avec les foncières, les managers, les dispositifs juridiques et réglementaires, mais qui demandent aux collectivités une expertise certaine.

Enfin, nous arrivons au terme du premier volet du programme « Entreprendre au coeur des territoires », qui vise à soutenir l'entrepreneuriat et cible les communes éligibles aux programmes Action coeur de ville (AVC) et PVD. D'ici à la fin de l'année, nous allons lancer le deuxième volet de ce programme, qui va s'élargir à la ruralité et aux zones de montagne pour accompagner les programmes France ruralités et Avenir montagnes.

M. Éric Gold. - À quelques mois des élections municipales, les futurs candidats s'attellent à l'élaboration de leur programme électoral. Le maintien des commerces dans les centres-bourgs demeure un enjeu important, alors même que le secteur connaît une profonde mutation avec la montée en puissance du commerce en ligne et la transformation des habitudes de consommation. Les maires doivent également composer avec l'implantation de commerces de même type, notamment dans la restauration rapide, sans toujours disposer des leviers nécessaires pour préserver la diversité de l'offre locale.

Comment le plan Commerce de la Banque des territoires prend-il en compte l'explosion du commerce en ligne ? Quelles solutions peut-on proposer aux commerces de proximité afin de les aider dans la transition numérique, tout en conservant leur place dans les centres-bourgs ?

Comment envisager une articulation entre le plan Commerce et le programme PVD ? Comment ces deux dispositifs peuvent-ils se renforcer mutuellement pour donner aux élus des outils cohérents et efficaces ?

Comment soutenir les maires qui souhaiter préserver la diversité commerciale et éviter la mono-activité ?

Pour les communes encore plus rurales, quel est le bilan des opérations récentes comme « 1 000 cafés » ou France ruralités ? Quelles leçons peut-on en tirer pour renforcer la vitalité économique et sociale des territoires les plus fragiles ?

M. Stéphane Demilly. - En tant que sénateur de la Somme, département qui compte 771 communes rurales, je ne peux m'empêcher de rappeler que, chez nous, quand un commerce de proximité ferme, ce n'est pas seulement une vitrine qui s'éteint, c'est un morceau de vie qui disparaît et parfois même le dernier lieu où l'on échange autre chose que des SMS.

Nous devons soutenir le commerce de proximité, non pas comme un vestige du passé, mais comme une infrastructure essentielle de demain. Il crée un lien social qui n'est pas délocalisable, participe à la transition écologique en limitant les déplacements et en favorisant les circuits courts, et donne une identité au territoire.

L'histoire des commerces locaux est un sujet ancien. La solution réside dans l'ambition des mesures qu'il s'agit de mettre en place ; je pense au développement des tiers-lieux, à l'accompagnement des commerces multiservices, à la modernisation des points de vente, au soutien des commerces. Il convient également d'insister sur un certain nombre de critères auprès des commerçants. Vous avez évoqué l'accueil réservé au client, la question du prix et de la qualité, les plages d'ouverture du commerce.

Vous n'avez pas abordé un sujet qui me paraît essentiel : la responsabilisation des citoyens consommateurs. Ces derniers reprochent souvent aux élus la disparition d'un commerce, d'un café ou d'une boulangerie, mais ils préfèrent souvent effectuer leurs courses dans la ville où ils travaillent ou dans la zone commerciale sur le trajet. Comment peut-on responsabiliser le citoyen qui a droit de vie ou de mort sur le commerce local ? Je me souviens d'une publicité de la CCI qui disait ceci : « Vos emplettes font nos emplois. »

Mme Nicole Bonnefoy. - Avec mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, nous avons, ainsi qu'il l'a rappelé, dressé un bilan plutôt positif du programme PVD, concernant le volet relatif à la vacance commerciale.

Je souhaite évoquer le rôle des épiceries sociales et solidaires qui, à mon sens, ont une fonction à jouer pour répondre à la précarité alimentaire. En lien avec les intercommunalités et les départements, il y a quelque chose à créer pour répondre à la fois aux attentes de la population et aux besoins de débouchés de nos éleveurs et agriculteurs.

L'alimentation représente une porte d'entrée privilégiée pour l'insertion sociale. J'aimerais connaître les expérimentations qui mobilisent des épiceries sociales et solidaires. Dans mon département de Charente, la commune de Confolens dispose d'une épicerie sociale et solidaire qui a réussi à mobiliser 52 familles ; celle-ci bénéficie des ressources de la banque alimentaire d'Angoulême.

Au-delà des bénéficiaires de l'aide alimentaire, il s'agit de créer un écosystème entre nos producteurs agricoles, qui sont mal rémunérés par la grande distribution, et les commerces locaux. Avez-vous étudié, dans le cadre de vos recherches, la possibilité de mobiliser les plans alimentaires territoriaux (PAT) pour recréer des commerces dans les centres-villes et les centres-bourgs ?

En vous écoutant, je songeais à la période de la crise sanitaire liée à la covid. Lorsque nous étions confinés, nous étions heureux d'aller chercher des paniers à proximité chez les producteurs locaux. Ces derniers se disaient que le modèle de consommation allait peut-être changer, sur le plan alimentaire en particulier ; or, une fois la crise terminée, tout le monde est retourné à son chariot.

Des départements innovants, comme celui de la Dordogne, ont développé des foncières pour soutenir l'installation de commerces. Celles-ci interviennent dans un contexte de carence de l'initiative privée, et visent à acquérir des locaux vacants. Que pensez-vous de ces initiatives volontaristes, aujourd'hui recommandées dans le plan de redynamisation porté par le Gouvernement ?

Je ne peux me résoudre à voir se multiplier des supérettes autonomes comme Api - sorte de Carrefour ou Auchan à la campagne -, soutenues par des subventions publiques. À quand Temu et Shein sur les places publiques ? Quelle est votre appréciation concernant le développement de ces supérettes en libre-service ?

Enfin, ne pourrait-on pas mobiliser l'épargne locale pour investir dans l'implantation de commerces ou d'activités commerciales en milieu rural ? Ce serait une façon pour le citoyen de voir comment son argent est utilisé, et de participer à l'aménagement du territoire.

M. Hervé Gillé. - Le sujet renvoie à une question d'organisation territoriale. Certaines communes peuvent se retrouver en concurrence. Les projets d'implantation et de consolidation des services doivent s'étudier à l'échelle d'une communauté de communes, voire d'un territoire plus vaste encore. Avez-vous des réflexions à partager sur le sujet ?

Il est nécessaire de développer des activités multiservices. On voit mal comment des activités centrées sur une seule production, comme une boulangerie par exemple, peuvent s'en sortir. Ces activités multiservices sont-elles bien structurées et bien accompagnées aujourd'hui ?

Un autre point concerne le financement de la masse salariale. Api, c'est un bungalow avec un accès autonome, sans coût de masse salariale ; le modèle semble prospérer dans certaines communes, avec les défauts précédemment évoqués.

La solvabilisation de la masse salariale est une question fondamentale. Pour trouver les modalités d'un maintien de l'activité humaine, ne peut-on pas envisager un statut atypique qui permette d'accompagner et de compléter le financement de la main-d'oeuvre ? Sur ce point, la boîte à outils s'avère incomplète. L'Acre est un bon dispositif pour le démarrage ; mais que se passe-t-il ensuite ?

M. Cédric Chevalier. - Un commerce se doit d'être rentable. Pour fonctionner, la démographie et les habitudes de consommation constituent des éléments importants. Un autre élément concerne l'engagement des collectivités dans l'acquisition des murs. Sur ce point, il existe un certain nombre de dispositifs d'accompagnement qui permettent aux municipalités d'acheter les murs et de louer ensuite à bas prix pour favoriser l'installation des commerces. Cela étant, à un moment donné, le coût salarial vient entamer la rentabilité.

Je m'interroge sur l'approche à privilégier en matière d'accompagnement fiscal pour redynamiser nos territoires. La création d'une zone de chalandise renvoie aux questions de mobilité et d'aménagement du territoire.

De plus en plus de grandes enseignes installent des drive piétons dans les communes. Cela soulève le sujet des équipements en matière de réseaux et de fibre pour permettre à une population qui ne peut plus se déplacer de continuer à consommer. Plus nous avancerons dans le temps, plus les nouvelles générations connaîtront ces dispositifs.

Il arrive que la collectivité elle-même prenne le commerce en main. Dans mon département, les habitants de la commune de Germaine ont créé leur propre commerce, qu'ils tiennent chacun à tour de rôle.

M. Rémy Pointereau. - Au Sénat, nous avons beaucoup travaillé sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Je rejoins mon collègue sur la responsabilité des citoyens et aussi des élus. Dans les périphéries de ville, on a vu s'installer des pharmacies, des boulangers, des bouchers. Tous ceux qui travaillent dans ces villes et habitent dans nos campagnes allaient auparavant acheter leur baguette dans leur commune ; désormais, ils l'achètent en revenant du travail. Cela pénalise nos commerces locaux. Nous aurions dû travailler en collaboration avec les élus de nos grandes villes, car cela a entraîné la fermeture de nombreux commerces dans les petites communes.

Lorsque j'étais président d'une communauté de communes, nous avions racheté une épicerie-boucherie, un restaurant et une boulangerie. Chaque fois, nous avons effectué des travaux de rénovation et mis en location. Nous nous sommes aperçus que la location simple ne fonctionnait pas, car les commerçants ne s'attachaient pas à leur commerce. De plus en plus, nous sommes confrontés à une sorte de tourisme commercial ; les commerçants ne paient qu'un loyer, cela ne les dérange pas de partir du jour au lendemain s'installer dans une autre commune.

Nous avons mené une expérience en proposant au commerçant non pas une location-gérance, mais une location-vente. Celui-ci payait un loyer correspondant à un remboursement d'emprunt, au terme duquel il devenait propriétaire. Cela a fonctionné, car il s'est approprié le commerce. Avez-vous déjà réfléchi à ce genre de démarche ?

M. Jean-Claude Anglars. - Mon propos concerne les distributeurs automatiques de billets (DAB). Avec la Banque postale et la commission départementale de présence postale territoriale (CDPPT), nous avons réinstallé des DAB à un certain nombre d'endroits, et nous avons convaincu une grande banque de ne pas fermer.

Je m'interroge sur la répartition des compétences. La compétence économique, par exemple, relève aujourd'hui des régions et des communautés de communes. Ne faudrait-il pas qu'une part de celle-ci revienne au département et à la commune ?

Concernant l'accompagnement des porteurs de projets, nous avons le modèle de l'agriculture : aucun agriculteur ne s'installe s'il ne bénéficie pas d'un accompagnement. Considérez-vous que les CCI et les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) remplissent leur rôle ? Ou faudrait-il revoir un certain nombre de choses ?

Ma collègue Nicole Bonnefoy a évoqué les PAT. Ces projets sont tournés vers les collectivités et les maisons de retraite notamment. Cela me fait songer à l'expérience du « marché des producteurs de pays », mise en place par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture ; le label est devenu national. Avez-vous réfléchi à une semblable évolution pour les PAT ?

M. Jean-Marc Delia. - Au-delà de sa fonction première, un commerce propose des services et favorise le lien social. De lui dépend beaucoup l'attractivité du village. Et lorsqu'il ferme, tout le monde se retrouve en difficulté, les habitants en premier lieu.

Autrefois, le commerce était synonyme de rentabilité et de concurrence ; les pouvoirs publics ne s'en occupaient pas. Aujourd'hui, si les pouvoirs publics n'interviennent pas, les difficultés s'enchaînent.

Le commerce dont nous parlons en milieu rural, qui propose des services aux habitants, est en train de disparaître. Quel modèle vous paraît le plus innovant pour rétablir ces services en milieu rural ? Une épicerie bio s'est installée dans mon village. Elle a également installé des casiers, afin que les personnes arrivant tard le soir puissent récupérer des repas.

Dans les petites communes, nous ne sommes pas tous dotés de managers de commerce. Est-il possible de mettre en place une équipe, à l'échelle intercommunale, pour faire des achats groupés et maintenir ainsi ces points de service ?

M. Sébastien Fagnen. - Plus qu'une disparition, nous assistons à une mutation du commerce rural. Après le mouvement d'implantations périphériques des années 1980-1990, les distributeurs de produits divers se multiplient partout sur le territoire. Si ces derniers viennent compléter une offre commerciale, ils occultent une dimension fondamentale du commerce de proximité : le lien social. Dans de nombreux villages, l'isolement des personnes s'accroît, les interactions sociales se raréfient.

Les différentes approches évoquées sont intéressantes, notamment les actions qui jouent simultanément sur plusieurs facteurs. Dans le département de la Manche, des boulangeries ont pu renaître, avec l'aide de la foncière régionale, car l'opération s'accompagnait d'une rénovation du logement communal situé au-dessus du local ; cela permettait de faire converger lieu de travail et lieu de résidence. L'échelle intercommunale permet d'agir sur un bassin de vie, et de combiner les actions sur le commerce et l'habitat.

Nous avons évoqué les politiques incitatives. Celles-ci sont vertueuses, et les effets sont visibles dans de nombreux départements. Toutefois, cela peut s'apparenter à un véritable tonneau des Danaïdes si, en parallèle, on ne met pas en place un volet de régulation, voire de coercition.

Ma question concerne le rôle des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC). Aujourd'hui, seuls les commerces de plus de 1 000 mètres carrés sont concernés. Ces commissions peuvent être saisies par les élus lorsqu'ils souhaitent soumettre un projet commercial. Faut-il selon vous renforcer le rôle régulateur des CDAC dans le cadre de grandes orientations d'aménagement commercial du territoire national ?

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite évoquer un sujet important : l'apprentissage. Récemment, j'ai échangé avec le centre de formation de la boulangerie qui m'a fait part d'une baisse du nombre de candidats. Par conséquent, si moins de professionnels se forment, moins de personnes s'installent dans nos territoires.

Mme Céline Massal. - Sur les épiceries sociales et solidaires, Mme Anne Lascaux a mené des recherches dans le cadre du LER, concernant la région du Bordelais. Ses travaux établissent que la réussite de l'initiative dépend de la mobilisation des citoyens et de la visibilité du commerce.

Cette question de la visibilité se pose également pour les actions de la CCI et de la chambre d'agriculture. Certains commerçants n'ont pas connaissance des programmes existants. Les maires, à l'initiative de nombreux projets, sont logés à la même enseigne. Peut-être faut-il imaginer une feuille de route ou un guide des dispositifs existants pour aider ces maires qui se retrouvent souvent démunis ?

Il faudrait clarifier ce jeu d'acteurs et les actions déjà en place pour favoriser le maintien et l'implantation de nouveaux commerces. Cela m'amène à distinguer les deux sujets. Le terme d'entrepreneur est revenu souvent dans vos propos. Certes, il est nécessaire que des personnes compétentes s'installent en milieu rural, mais il convient aussi de s'interroger sur la manière d'aider ceux qui sont déjà en place.

Parmi les exemples de réussite que j'ai pu relever au cours de mes travaux de recherche, je pense à l'idée d'un centre commerçant pensé à l'échelle d'une commune. Un espace a été reconfiguré en parking pour favoriser la mobilité automobile. En parallèle, un projet de restructuration visait une boucherie ; la mairie a rénové les locaux pour installer un nouveau boucher, qui a bénéficié d'un soutien à la formation.

Cela rejoint les questions de visibilité et de représentation de la proximité. À cela s'ajoute l'idée de synergie précédemment évoquée ; le maintien de la boucherie va contribuer à la survie de la boulangerie à côté. Cela implique aussi que les communes voisines renoncent elles-mêmes à cette centralité. Mais à l'échelle du bassin de vie, cela crée un petit centre commerçant rural.

M. Louis Pautrel. - Les usages ont évolué au sein de nos centres-bourgs. Autrefois, certains événements entraînaient une hausse de fréquentation des commerces ; je pense notamment à la pratique religieuse. Après la messe, on faisait la tournée des cafés, et l'épicerie était prise d'assaut. Aujourd'hui, c'est devenu très rare.

Vous avez évoqué la gouvernance de la compétence commerce du développement économique. Avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), nous sommes passés d'une communauté de communes rurales de 8 500 habitants à une communauté d'agglomération de 55 000 habitants. L'objectif d'un service de développement économique qui est lié à l'agglomération consiste à satisfaire les deux ou trois grandes zones d'activité économique proches de la ville-centre. Les chargés de mission compétents sur ce sujet au sein de la communauté d'agglomération ont parfois du mal à localiser ma commune sur une carte ; je tiens à le dire, car ce n'est pas anodin.

Le dispositif des managers de commerce ne concerne que la ville-centre et les communes qui bénéficient du programme PVD. Si je demande à l'agglomération de pouvoir bénéficier d'un manager de commerce, celle-ci m'opposera un refus sous peine de devoir s'engager de la même façon pour toutes les communes, ce qui, d'un point de vue budgétaire, serait impossible à assumer.

On a supprimé les CCI locales ; désormais, on n'en dénombre plus qu'une seule par département. Il est aujourd'hui difficile d'obtenir un rendez-vous. Avec les restrictions budgétaires, les effectifs ont diminué, et les personnels en place ont sans doute d'autres priorités que de s'occuper du dernier ou de l'avant-dernier commerce dans les communes rurales.

Vous avez évoqué la CDAC. Messieurs, n'infligez pas un nouveau parcours du combattant aux maires. Nous n'en pouvons plus de passer devant des commissions compétentes, de devoir nous justifier sans cesse, de réaliser une étude qui sera considérée comme incomplète et qui nous obligera à en réaliser une deuxième. Le résultat est le suivant : on finit par démoraliser les gens de bonne volonté. On dit toujours que l'on va simplifier les normes ; en réalité, elles sont plus complexes à chaque nouvelle loi.

Vous avez évoqué la participation des habitants au maintien des commerces de proximité. Dans nos communes rurales, je tiens à souligner que le revenu médian est plus faible.

Un autre point concerne l'urbanisme et le « zéro artificialisation nette » (ZAN). Il est demandé aux maires de densifier les centres-bourgs et les centres-villes. À ce titre, il peut être tentant de transformer un commerce fermé en logement. Vous avez évoqué les foncières immobilières pour créer des commerces multiservices répondant à de nouveaux besoins, mais disposerons-nous encore des mètres carrés disponibles pour les construire ?

En matière d'urbanisme, certaines communes ont besoin de plusieurs années pour développer une zone d'habitat. En Bretagne, avec les règles du mode d'occupation du sol (MOS), les territoires les plus consommateurs, donc les plus attractifs, ont déjà dépassé leur quota, et puisent dans le quota des autres.

Je partage le propos sur la règle domicile-travail. Vous avez évoqué également l'installation de boulangeries, commerces et restaurants en première couronne urbaine ; il s'agit d'un sujet important. La restauration rapide a fait beaucoup de mal aux restaurants.

Les conséquences du trajet domicile-travail sont visibles dans plusieurs domaines ; je pense notamment à ce qui sera, dans les prochaines années, l'une des principales préoccupations des maires : la scolarisation des enfants. Lorsque la commune ne dispose plus d'école, les parents ont la liberté d'inscrire leurs enfants dans l'école qu'ils souhaitent. Cela signifie que nous ne pouvons pas orienter les enfants de nos communes vers la commune voisine.

Une commune rurale ne peut pas compter sur une union de commerçants, comme on en trouve dans les villes ou les communes avec un certain nombre d'habitants. Nous ne disposons pas des outils nécessaires pour l'animation commerciale. Il s'agit d'un point important, car l'animation, à condition d'être structurée et financée, permet le soutien aux commerces. Avec un ou deux commerces, celle-ci est difficile.

M. Frédéric Gibert. - La Banque des territoires est la direction territoriale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), un établissement public administratif à caractère spécial qui accompagne les politiques publiques, mais ne les élabore pas. Nous n'intervenons pas sur la politique numérique ou sur celle de la consommation locale. Le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat, M. Serge Papin, a pris des initiatives sur le sujet ; je pense au dispositif « Made in local », ou encore aux mesures de formation des consommateurs aux questions du numérique.

Un des objectifs des foncières est que le commerçant, à terme, une fois son affaire développée, puisse acquérir les murs pour se constituer son capital. Cela permet aux foncières de récupérer leur mise et d'investir ensuite dans un autre local. Les foncières ont commencé à se développer dans les années 2018-2020. Très peu de locaux ont été vendus, car nous sommes encore loin de la période de maturité immobilière. Je peux donner l'exemple d'une boucherie à Benet, en Vendée, où l'acquisition du local et l'installation du commerçant ont été conçues dans le cadre d'un plan d'affaires, avec une perspective de vente à terme.

La Banque des territoires développe une certification « Développement territorial option commerce » destinée aux managers de commerce. Le jury se réunissait la semaine dernière et, à cette occasion, j'ai rencontré la manageuse de commerce d'Argenton-sur-Creuse. Employée par la communauté de communes, elle intervient sur Argenton-sur-Creuse, commune bénéficiant du programme PVD, ainsi que sur les communes d'Éguzon et de Saint-Gaultier.

Au moment du plan de relance, les CCI de l'Indre-et-Loire et de la Sarthe avaient organisé, en coopération avec les communautés de communes du territoire, des groupements pour embaucher des managers de commerce. Ainsi, l'ensemble du département était couvert par quatre ou cinq managers de commerce qui pouvaient intervenir en zone rurale. Cela démontre la capacité d'initiative des territoires, sachant que l'on n'emploie pas un manager de commerce dans une seule commune rurale.

La plupart des communes ont conservé la compétence du commerce de proximité, alors que le développement économique relève de l'intercommunalité. Cela suppose que les différents échelons territoriaux puissent travailler ensemble.

Dans le cadre des travaux d'élaboration du rapport précédemment cité, la quasi-totalité des associations d'élus ont demandé l'abaissement du seuil d'autorisation d'exploitation commerciale et, surtout, le transfert de la compétence d'autorisation - à un seuil qui pourrait être fixé à 400 ou 600 mètres carrés - au maire ou au président d'intercommunalité. Cela fait partie des préconisations formulées par les rapporteurs ; au Gouvernement et au législateur de s'en saisir.

Sur les expérimentations que nous accompagnons, la Banque des territoires a signé une convention avec l'association « 1 000 Cafés ». Nous la soutenons pour tout ce qui concerne l'ingénierie, par des subventions et un accompagnement à la réalisation. Nous restons sur des échelles modestes, de l'ordre d'une trentaine de structures au niveau national.

Vous avez évoqué les épiceries sociales et solidaires. On peut également mentionner les magasins de producteurs, que l'on voit émerger dans les centres-bourgs. Nous en accompagnons une dizaine par an ; cela relève du sur-mesure et de l'expérimental.

M. Jean-François Longeot, président. - Le commerce en milieu rural est un sujet essentiel. Les habitudes d'achat évoluent, mais il faut se rappeler que, durant la période du covid, tout le monde était ravi d'avoir son petit commerce. Ensuite, nous avons repris nos mauvaises habitudes.

Je remercie les trois intervenants pour la qualité des échanges.

Ce compte rendu a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.

Projet de loi de finances pour 2026 - Bilan

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons achevé les examens en commission de nos huit rapports budgétaires pour avis. Sur les 22 amendements de la commission examinés sur la première partie du projet de loi de finances (PLF), sept ont été adoptés, dont quatre contre l'avis du Gouvernement. Ce bilan satisfaisant témoigne de la qualité du travail réalisé et de la cohérence de nos propositions. Ces amendements sont le fruit de l'engagement de nos trois collègues rapporteurs pour avis sur les crédits relatifs aux transports : Jean-Marc Delia pour les transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ; Stéphane Demilly pour les transports aériens ; et Hervé Gillé pour les transports routiers.

Ces amendements, s'ils prospèrent dans la navette parlementaire, permettront de prolonger d'un an le dispositif incitant les employeurs à prendre en charge les frais de transport de leurs employés jusqu'à 75 %, de déplafonner la redevance hydraulique au profit de Voies navigables de France (VNF) et de flécher une fraction du produit du marché carbone vers la décarbonation du transport maritime ; sur ce dernier point, l'amendement a été l'objet d'un large soutien des membres du groupe d'études Mer et littoral du Sénat, à l'initiative de notre collègue  Didier Mandelli que je remercie.

Un amendement permettra également d'allouer une ressource pérenne au programme national Ponts via l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), à hauteur de 50 millions d'euros. Je déplore que nous n'ayons pas voté les 50 millions supplémentaires envisagées pour les ponts ; je crains, en effet, que la minceur de l'enveloppe n'oblige à faire un tri entre les projets pour tenir jusqu'à la fin de l'année.

D'autres amendements prévoient de relever de 40 à 50 millions d'euros le plafond d'affectation aux aéroports du produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) afin de garantir que son produit soit utilisé pour insonoriser les locaux des riverains, de réduire le prélèvement effectué sur la trésorerie du groupe Aéroports de Paris (ADP) destinée à insonoriser les logements situés à proximité des aéroports franciliens, et enfin de ne pas assujettir les plus petits aéroports au tarif de péréquation aéroportuaire, dont le produit leur est destiné - la collecte de la taxe aurait eu un coût supérieur à son produit.

Plusieurs de ces amendements ont fait l'objet d'un avis favorable ou de sagesse de la commission des finances, ce qui témoigne de notre capacité à dépasser les clivages institutionnels sur des sujets d'intérêt commun.

S'agissant du sort des autres amendements sur la première partie du PLF pour 2026, dix ont été rejetés, un a été retiré avant la séance publique et quatre retirés en séance ; quant au dernier, il est devenu sans objet. Sur les dix-huit amendements proposés par les rapporteurs pour avis sur la seconde partie du PLF, dix-sept ont été déposés par notre commission.

À ce stade, six amendements ont été adoptés concernant la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : deux amendements de notre collègue Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, pour allouer 20 millions d'euros à la lutte contre l'érosion côtière et 10 millions d'euros supplémentaires à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) ; un amendement de Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition écologique, pour rétablir le fonds territorial climat ; deux amendements de Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, pour allouer 100 millions d'euros supplémentaires à la régénération du réseau ferroviaire et 20 millions d'euros supplémentaires au soutien aux opérations de dragage de sédiments dans les grands ports maritimes ; enfin, un amendement de Hervé Gillé allouant 50 millions d'euros supplémentaires au plan Vélo et marche 2023-2027.

Plusieurs amendements de notre commission doivent encore être examinés dans les prochains jours ; ce bilan déjà positif pourrait être revu à la hausse. Nous pouvons être fiers de notre travail collégial, qui démontre la valeur ajoutée de l'expertise portée par notre commission dans le processus budgétaire.

Je souhaite également revenir sur l'examen par le Sénat, le 1er décembre dernier, des articles 21 et 22 du PLF pour 2026, consacrés à l'économie circulaire et à la taxation des petits colis.

À cette occasion, notre collègue Marta de Cidrac, au nom du groupe d'études Économie circulaire, a présenté quatre amendements transpartisans qui ont permis de faire entendre la voix de notre commission et de structurer le débat parlementaire. Je veux la remercier pour cette initiative et saluer la constance de son engagement sur ces sujets déterminants pour la transition écologique.

L'un de ces amendements a d'ailleurs été adopté, celui visant à créer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) amont, applicable à l'ensemble des produits ne relevant d'aucune filière de responsabilité élargie du producteur (REP). Cette avancée majeure donne corps à une recommandation clé du rapport d'information que Marta de Cidrac a conduit en 2025 avec notre collègue Jacques Fernique. Elle permet de réaffirmer le principe essentiel de l'universalité du pollueur-payeur. Dans un pays où seulement 22 % du gisement de déchets relève aujourd'hui d'une filière à REP, il était indispensable de combler cette lacune qui faisait peser sur les collectivités - et donc les contribuables - le coût de la gestion des déchets.

Les trois autres amendements n'ont pas été adoptés. Cependant, ils ont joué un rôle déterminant dans la discussion. Ils avaient notamment pour objet d'augmenter de 2 à 3 euros la taxe sur les envois de faible valeur pour lutter plus résolument contre la fast fashion, de supprimer la trajectoire d'augmentation de la TGAP, et enfin d'affecter 60 % des recettes de cette taxe aux intercommunalités chargées du service public de gestion des déchets.

Ces amendements ont contribué à faire évoluer le débat dans la bonne direction. Sur la TGAP, un amendement de notre collègue Christine Lavarde, infléchissant la trajectoire de hausse pour les déchets mis en décharge, a été adopté. Celui-ci prévoit toutefois une hausse pour les déchets incinérés ; le rapporteur général a exprimé son intention de revenir sur cette trajectoire de hausse en commission mixte paritaire (CMP), et je m'en réjouis. Concernant les petits colis, le Sénat est allé plus loin que la proposition initiale du groupe d'études, la taxe passant de 2 à 5 euros.

Ces résultats témoignent de l'utilité de notre commission lorsqu'elle s'appuie sur le travail d'expertise de ses rapporteurs et de ses groupes d'études. Je tiens à redire mon estime à Mme Marta de Cidrac pour cette contribution précieuse.

M. Hervé Gillé. - Il a manqué une voix pour adopter un amendement visant à affecter des moyens supplémentaires aux infrastructures d'État. Nous avons toujours fait preuve de solidarité concernant les amendements votés en commission ; or, il s'avère que, sur cet amendement, il a manqué une voix de notre commission. J'attire votre attention sur ce sujet.

Mme Marta de Cidrac. - Je n'ai pas voté cet amendement, car les arguments avancés en séance par le ministre m'ont paru convaincants. Sans faire offense à notre commission, la séance publique apporte des éclairages sur certains sujets, et cela peut faire évoluer nos réflexions.

Pour être tout à fait transparente, je ne regarde pas toujours s'il s'agit d'un amendement déposé par notre commission. Cependant, l'alerte de notre collègue Hervé Gillé est légitime. Peut-être faut-il, lorsque nous sommes en commission, avant même d'examiner les amendements, insister sur ce qui peut être important.

M. Jean-François Longeot, président. - Il est opportun que ce débat ait lieu.

M. Jacques Fernique. - Vous avez insisté sur l'amendement relatif à la TGAP amont ; c'est un premier pas d'avoir réussi à le faire adopter. Maintenant, sera-t-il porté et défendu en CMP ? Il soulève certaines difficultés et ouvre également des possibilités. Des arguments, notamment sur la faisabilité de la mesure, seront opposés. Le Sénat doit porter cette avancée qui, si elle aboutit, lui permettra d'imprimer sa marque.

Mme Marta de Cidrac. - En effet, il est important de relayer le message auprès de nos collègues de la commission des finances avant la CMP.

Par ailleurs, la TGAP sur l'incinération soulève de nombreuses questions dans nos territoires. Cette mesure déplaît à nos élus, et nous devons, en CMP, rétablir l'équilibre sur ce sujet.

M. Jacques Fernique. - Rétablir l'équilibre ne consiste pas à revenir à la version initiale du PLF.

M. Jean-François Longeot, président. - Sur ce point, il s'agit de convaincre les membres de la commission des finances qui siègent en CMP.

Mission d'information sur les conséquences de l'extinction programmée des fréquences mobile 2G et 3G - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Le mercredi 12 novembre dernier, le Bureau de la commission a validé le principe de la création de quatre missions d'information. L'une d'elles a trait aux conséquences de l'extinction programmée des fréquences mobiles 2G et 3G. Nous avions pris l'initiative d'organiser une table ronde sur le sujet en mai dernier. Celle-ci n'avait pas permis de dresser un constat clair de la situation, à quelques mois seulement de la bascule technologique prévue pour mars 2026.

Il s'agira donc pour notre commission de lever les incertitudes et inquiétudes qui demeurent sur les conséquences de l'extinction, et, le cas échéant, de formuler des propositions, y compris dans la perspective d'autres bascules technologiques, telles que la fin du réseau cuivre ou, à plus long terme, la mise en extinction de fréquences mobiles plus récentes.

Pour conduire ces travaux, j'ai reçu la candidature de notre collègue Sébastien Fagnen qui, en sa qualité de rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, semble désigné.

Il en est ainsi décidé.

Mission d'information sur l'empreinte environnementale de l'intelligence artificielle - Désignation des rapporteurs

M. Jean-François Longeot, président. - La deuxième mission d'information validée par le Bureau de la commission concerne l'empreinte environnementale de l'intelligence artificielle (IA). L'essor de celle-ci redessine en profondeur notre économie, et s'accompagne de défis environnementaux majeurs : centres de données toujours plus énergivores, tension sur les ressources nécessaires aux technologies numériques, augmentation des déchets électroniques.

La mission d'information aura pour objectif d'apprécier les conséquences entraînées par l'IA, de repérer les moyens d'en limiter les effets négatifs et, le cas échéant, de favoriser l'émergence d'une IA durable, capable d'allier progrès technologique et respect de l'environnement.

Pour conduire ces travaux, j'ai reçu les candidatures de nnos collègues Damien Michallet, Guillaume Chevrollier et Simon Uzenat.

Il en est ainsi décidé.

Mission d'information sur la billettique dans le domaine des transports - Désignation des rapporteurs

M. Jean-François Longeot, président. - La troisième mission d'information validée par le Bureau de la commission concerne la billettique dans le domaine des transports. Dans un contexte d'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs et, plus globalement, de développement des transports collectifs et de l'intermodalité, il est nécessaire de s'interroger sur les risques de complexification éventuelle de l'expérience voyageur, et d'identifier des voies d'amélioration.

La mission d'information aura pour but de conduire à une réflexion sur les conséquences pour les usagers et les autorités organisatrices de la mobilité de cette démultiplication de l'offre de transport, et d'identifier des pistes pour développer une billettique multimodale, dans l'objectif de renforcer l'attractivité des transports collectifs ou alternatifs à la voiture. Elle pourrait déboucher sur des propositions législatives susceptibles d'être intégrées, le cas échéant, par amendement au texte du projet de loi-cadre sur les transports.

Pour conduire ces travaux, j'ai reçu les candidatures de nos collègues Franck Dhersin, Pierre-Jean Rochette, Jacques Fernique et Olivier Jacquin.

Il en est ainsi décidé.

Mission d'information sur l'ingénierie territoriale - Désignation des rapporteurs

M. Jean-François Longeot, président. - Le Bureau de la commission a décidé d'une quatrième mission d'information relative à l'ingénierie territoriale. Elle fait suite au souhait de M. Louis-Jean de Nicolaÿ, en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits dédiés à la cohésion des territoires, d'approfondir l'exploration des différentes formes de soutien en ingénierie dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales, et des modalités dans lesquelles s'inscrit ce soutien, dans la continuité des travaux de contrôle conduits avec Mme Nicole Bonnefoy sur le programme Petites villes de demain (PVD).

Il s'agira de formuler des propositions opérationnelles en mobilisant la même méthodologie du contrôle de proximité, avec la collecte de retours d'expérience détaillés et six déplacements de terrain. Cette mission d'information investit le domaine de compétence relatif à l'aménagement du territoire de la commission, et vise à le valoriser.

Pour conduire ces travaux, j'ai reçu la candidature de nos collègues Louis-Jean de Nicolaÿ et de Mme Nicole Bonnefoy.

Il en est ainsi décidé.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, d'information, de transport, de santé, d'agriculture et de pêche - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Nous procédons à la désignation du rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (UE) dans les domaines économique, financier, environnemental, énergétique, de l'information, des transports, de la santé, de la pêche et de l'agriculture.

Il s'agit d'un texte particulièrement technique, rassemblant des mesures variées. Il relève en partie de la compétence de notre commission, mais également de celle des commissions des finances, des lois, des affaires économiques et des affaires sociales. Un accord s'est dégagé pour ne pas recourir à une commission spéciale, afin de préserver l'expertise sectorielle de chacune de nos commissions. La répartition des articles n'a soulevé aucune difficulté.

Déposé le 10 novembre 2025, le projet de loi a été renvoyé à la commission des affaires économiques, qui délèguera au fond les articles relevant de notre commission et des autres commissions. Notre commission examinera au fond 21 des 70 articles. Ces derniers concernent notamment les allégations environnementales des produits, le soutien aux énergies renouvelables, l'économie circulaire, les émissions industrielles de gaz à effet de serre, la protection du milieu marin, le transport routier, maritime et aérien, et la biodiversité.

Par ailleurs, nous sommes saisis pour avis sur huit articles, notamment les articles 40, 45, 65 et 66 qui portent sur l'énergie, le stockage du dioxyde de carbone, la performance énergétique des bâtiments et le droit applicable aux gens de mer. Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, l'examen du texte devrait intervenir, sous réserve des décisions de la Conférence des présidents, en commission le mardi 3 février 2026, puis en séance publique les 16 et 17 février 2026.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de notre collègue Mme Marta de Cidrac.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 118 (2025-2026) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, d'information, de transport, de santé, d'agriculture et de pêche, et désigne Mme Marta de Cidrac rapporteure pour avis.

La réunion est close à 11 h 35.