Mercredi 17 décembre 2025
- Présidence de Mme Élisabeth Doineau, vice-présidente, puis de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 14 h 05.
Adoption du programme de travail de la session 2025-2026
Mme Élisabeth Doineau, présidente. - Mes chers collègues, le président Milon ayant indiqué qu'il serait légèrement en retard, je vous suggère de commencer notre réunion. Celle-ci porte, je vous le rappelle, sur l'adoption de notre programme de travail pour 2026.
Comme vous le savez, le règlement intérieur de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) prévoit que son programme de travail doit être « avalisé par la commission des affaires sociales », donc concrètement par son Bureau. Cela devrait être le cas en janvier, lors de l'adoption par le Bureau du programme de contrôle de la commission.
L'usage est que la Mecss confie ses rapports à un membre de la majorité et un membre de l'opposition. Cela présente l'intérêt de mettre en évidence le souci d'objectivité de la Mecss et de renforcer la légitimité de nos travaux. Comme d'habitude, nous désignerons les rapporteurs lors d'une prochaine réunion.
Je rappelle que, selon l'article L.O. 111-10 du code de la sécurité sociale, « il peut être créé au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation permanente de ces lois ». Cette disposition nous donne une grande liberté de choix des sujets.
Tout d'abord, bien que cet article ne charge explicitement la Mecss que de travaux d'évaluation, il ne faut pas perdre de vue qu'elle est, selon son intitulé, une mission d'évaluation et de contrôle.
Ensuite, pour ce qui est du lien avec les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), il n'y a pas de raison d'être plus strict que la Cour des comptes avec son rapport annuel sur l'application des LFSS, qui lui permet de traiter de tout ce que finance la sécurité sociale.
Il paraît toutefois souhaitable, comme le président Milon l'a suggéré lors de nos précédentes réunions, que nous nous efforcions désormais de faire en sorte que, chaque année, au moins un rapport relève de l'évaluation au sens large.
En effet, la Mecss, constituée de membres de la commission, qui ne peut pas se réunir en même temps que la commission, sans réelles prérogatives supplémentaires par rapport à celles de la commission, et dont les rapports sont formellement adoptés par la commission, est avant tout un « label ». Pour que ce « label » ait une utilité, nous avons intérêt à ce que ses rapports se distinguent un peu de ceux de la commission - il s'agit en quelque sorte d'une question de « ligne éditoriale ». Comme la Mecss a le mot « évaluation » dans son intitulé, il me paraît utile d'essayer de développer cet aspect dans nos rapports.
M. Alain Milon, président. - Merci, Madame la rapporteure générale. Mes chers collègues, je vous prie de m'excuser de mon retard. Pour rebondir sur cette question de « ligne éditoriale », concrètement, il s'agit simplement pour nous de prendre tout ou partie d'une politique publique - pas un organisme en tant que tel - et de chercher à déterminer dans quelle mesure les objectifs sont atteints de manière efficace et, si possible, efficiente.
Plus généralement, toujours dans cette logique de « ligne éditoriale », nous avons intérêt, me semble-t-il, à privilégier dans nos rapports une approche « technique », plutôt que « politique », comme ce fut le cas du récent rapport « boîte à outils » de la rapporteure générale et de Raymonde Poncet Monge.
Vous vous en souvenez, il y a un an, lors de l'adoption de notre programme de travail pour 2025, nous sommes convenus de faire en 2026 un rapport sur la iatrogénie médicamenteuse à l'hôpital. Nous sommes ensuite convenus, en février dernier, de confier ce rapport à Cathy Apourceau-Poly et à moi-même. Toutefois, ce sujet se heurte à diverses difficultés, notamment en matière d'accès aux données.
Je vous suggère donc de proposer au président de la commission de confier au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) la tâche de réaliser ce rapport. En effet, aux termes de l'article L. 1411-4 du code de la santé publique, le HCSP « peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé ».
Je vous indique à ce sujet que la présidente du HCSP, nouvellement élue, a pris contact en décembre avec le président de la commission en indiquant explicitement qu'elle souhaitait échanger sur les possibles modalités de travail entre le HCFP et la commission.
Avec l'accord du président de la commission, ce rapport pourrait être présenté lors d'une audition devant la Mecss et être suivi de tables rondes permettant de recueillir les réactions des acteurs concernés. Il pourrait donner lieu à une publication par le Sénat, avec un avant-propos rédigé par la Mecss.
S'agissant de notre programme de contrôle pour 2026, je voudrais faire quelques suggestions et recueillir vos propositions.
Après avoir évoqué les différents sujets, nous en choisirions deux. En effet, le service de la commission sera également fortement mis à contribution par la commission dans les mois qui viennent, et nous devons veiller à préserver la qualité des rapports de la Mecss.
Je vous propose tout d'abord de faire un rapport sur l'innovation thérapeutique. Il porterait principalement sur les produits de santé remboursés en sus des tarifs hospitaliers, et ceux bénéficiant d'accès dérogatoires comme l'accès direct ou l'accès précoce. Ce sujet, que nous avions évoqué au cours d'une table ronde en mai dernier, me semble particulièrement pertinent, car il se situe à la confluence de différents enjeux qui animent nos débats, en particulier l'accès équitable aux innovations thérapeutiques concernées pour les patients et la soutenabilité de la dépense dans un contexte notamment marqué par une progression de 14,4 % des dépenses nettes des produits de santé inscrits sur la liste en sus pour la seule année 2024, sans parler des accès dérogatoires. À l'aune de leurs effets financiers, mais aussi industriels, les mécanismes de fixation des prix de ces produits de santé feraient également l'objet d'une analyse détaillée.
La question des innovations thérapeutiques s'inscrit par ailleurs dans l'actualité politique. Le Gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), une réforme de l'accès direct et de l'accès précoce qu'il a dû abandonner faute de concertation suffisante, et souhaite également faire sortir de la liste en sus six catégories de dispositifs médicaux dès 2026.
Sur ces sujets, aussi sensibles que techniques, il apparaît utile que la Mecss conduise des travaux en profondeur pour arrêter sa propre position sur le sujet et être force de proposition.
M. Bernard Jomier. - La question du coût et celle de la constitution du prix des médicaments innovants sont absolument fondamentales pour notre système de protection sociale, notamment au regard des évolutions internationales.
Récemment, le PDG d'AstraZeneca a indiqué qu'il investirait quelque 300 millions en France, mais bien plus aux États-Unis ; et que pour réduire les prix aux Etats-Unis, il devrait les augmenter en Europe. Si je caricature un peu, la France va devoir payer plus cher les médicaments. Je déplore le défaut de transparence sur la constitution du prix des médicaments innovants, celui-ci n'étant pas forcément lié aux coûts de production, recherche incluse.
Mme Émilienne Poumirol. - J'abonde dans le même sens. Qui plus est, dans le cadre de l'examen du PLFSS, j'interviens chaque année sur la question de la transparence des prix des médicaments ; sur les difficultés que nous rencontrons pour savoir comment fonctionne le Comité économique des produits de santé (CEPS) ; et sur les prix parfois exorbitants de certaines innovations.
Les membres de la commission pourront-ils assister aux auditions ?
M. Alain Milon, président. - Les auditions seront ouvertes comme d'habitude à tous les membres de la commission.
M. Khalifé Khalifé. - Je partage les propos de mes collègues. Les dispositifs médicaux sont nettement plus chers en France que dans les autres pays européens, contrairement aux médicaments innovants, me semble-t-il. Nous devrions peut-être travailler en parallèle sur ces deux sujets.
Mme Raymonde Poncet Monge. - En espérant que nous arrivions à lever l'opacité...
M. Alain Milon, président. - Notre collègue Jocelyne Guidez, qui n'est pas membre de la Mecss, a exprimé le souhait que la Mecss travaille sur la psychanalyse. Toutefois, le sujet ne me semble pas pouvoir faire l'objet d'un rapport de la Mecss.
En effet, la Mecss doit aborder les sujets sous l'angle de la sécurité sociale. Or, la psychanalyse en tant que telle n'est pas remboursée par la sécurité sociale. Le rapport devrait donc porter, comme l'amendement de notre collègue déposé dans le cadre du PLFSS, sur le recours à la psychanalyse par des psychologues conventionnés dans le cadre du dispositif Mon soutien psy ou des psychiatres. Ce sujet me semble à la fois trop restreint et trop compliqué à traiter.
Par ailleurs, le sujet de l'efficacité thérapeutique de la psychanalyse est par nature polémique. Je vous rappelle qu'une méta-étude de 2004 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) concluant à une faible efficacité de la psychanalyse avait suscité de fortes oppositions, puis a été désavouée en 2005 par le ministre de la santé d'alors, Philippe Douste-Blazy. Et je vois mal ce que la Mecss pourrait apporter par rapport aux travaux existants. Le sujet pourrait toutefois, me semble-t-il, faire l'objet d'auditions.
Mme Émilienne Poumirol. - En tant de législateurs, nous n'avons pas la compétence pour arbitrer entre les différentes solutions présentées par la psychiatrie.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La psychanalyse, qui était plutôt rétive à l'évaluation selon les critères de la psychiatrie classique, s'est soumise depuis lors à des évaluations. Aussi, je souhaiterais avoir la possibilité de proposer des auditions. En effet, il importe que le panel des personnes auditionnées soit représentatif des différentes écoles, car, implicitement, c'est un procès qui est fait à la psychanalyse. Je suis persuadée que les psychanalystes ne s'opposeront pas à ces auditions, y compris si elles portent sur des questions d'évaluation.
Mme Annie Le Houerou. - Ces auditions auraient-elles lieu dans le cadre de la Mecss ou de la commission des affaires sociales ?
M. Alain Milon, président. - Dans le cadre de la Mecss.
Mme Annie Le Houerou. - Ce sujet ne relève-t-il pas plutôt de la commission des affaires sociales ?
M. Khalifé Khalifé. - Si le législateur doit s'intéresser à cette pratique médicale - avec une efficacité thérapeutique qui reste à prouver -, cela relève plus du travail de la commission que de celui de la Mecss ! On pourrait créer un groupe de travail au sein de notre commission.
M. Alain Milon, président. - Nous en discuterons.
En ce qui concerne les autres sujets, la rapporteure générale m'a indiqué être intéressée par un rapport sur le dispositif d'exonération de cotisations issu de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom).
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. - Il me semblerait en effet intéressant de faire un rapport sur le dispositif dit « Lodéom », éventuellement élargi aux aides sociales en outre-mer.
Lors de l'examen du PLFSS, il est apparu évident que les positions des uns et des autres étaient très tranchées, avec, d'un côté, un rapport d'inspection perçu comme « anti-Lodéom », et, de l'autre, des élus ultramarins qui avaient le sentiment qu'on cherchait à faire des économies faciles sur le dos de l'outre-mer. Résultat, rien n'a bougé.
Il me semble que nous pourrions adopter une approche analogue à celle de notre récent rapport Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, factuelle et objective, et s'appuyant notamment sur les études existantes, dont nous soulignerions les forces et les faiblesses.
Le rapport ne prendrait pas parti sur le fait de savoir s'il faut ou non réduire le coût du dispositif Lodéom. Nous pourrions proposer certains scénarios pour faire aussi bien avec moins, et d'autres pour faire mieux sans moyens supplémentaires.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit bien, dans mon esprit, d'un « rapport Mecss », c'est-à-dire d'un rapport se voulant « politiquement neutre ». Ce ne serait pas un rapport pour ou contre le dispositif Lodéom en tant que tel, mais vraiment une boîte à outils aux fins d'aider à la prise de décision, y compris pour modifier le dispositif. Cela nous permettra de recueillir les points de vue des élus ultramarins sur les dispositifs qui fonctionnent bien ou mal, ce que nous n'avons pas le temps de faire lors de l'examen des différents amendements déposés dans le cadre du PLFSS.
Mme Solanges Nadille. - Je veux vous remercier, car ce sujet est très important. L'outre-mer a besoin de ce dispositif, mais je considère que ce n'est pas un dû. Les outre-mer doivent comprendre que les crédits ne tombent pas du ciel, et qu'il faut en justifier l'utilisation. Ce rapport sera nécessaire pour l'année prochaine.
M. Alain Milon, président. - La Mecss fera donc deux rapports : l'un sur l'innovation thérapeutique et l'autre sur la Lodéom. Nous proposerons au président Mouiller de confier le rapport sur la iatrogénie médicamenteuse au HCSP, et de réaliser des auditions sur la psychanalyse.
Je vous informerai peu après la rentrée de la date de notre prochaine réunion, lors de laquelle nous désignerons les rapporteurs.
La réunion est close à 14 h 25.