Mardi 23 décembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi spéciale - Audition de M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, et Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 30.

La réunion est ouverte à 18 heures.

Projet de loi spéciale - Examen du rapport

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce soir le rapport du rapporteur général sur le projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je serai bref par nécessité, car nous sommes dans l'obligation d'examiner à marche forcée un projet de loi de finances spéciale adopté hier soir en conseil des ministres, examiné cet après-midi par l'Assemblée nationale et qui vient à peine de nous être transmis, pour un examen en séance publique dans quelques dizaines de minutes !

Je regrette que le Gouvernement ait autant tardé alors que, dès vendredi matin, il avait tous les éléments en main pour présenter ce projet de loi et qu'au Sénat, de notre côté, nous n'avons pas ménagé nos soirées et nos week-ends depuis des semaines pour tenter de faire aboutir le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Heureusement, ce texte n'a rien pour nous surprendre. Comme l'an dernier, il apparaît que le projet de loi de finances n'achèvera pas son parcours avant la fin de l'année, même si les raisons en sont différentes.

Cette année, ce n'est pas une censure du gouvernement intervenue pendant la discussion budgétaire qui en est la cause, mais l'échec de notre commission mixte paritaire (CMP). Vous savez ce que j'en pense : le refus quelque peu obstiné du Gouvernement d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, pourtant conçu pour faire face à l'absence de majorité claire à l'Assemblée nationale, fausse tout le processus.

En janvier dernier, lors de la CMP sur le PLF 2025, nous avions un cap clair : celui d'un 49.3 sur un texte porté par une majorité de centre droit, avec une non-censure négociée par le Gouvernement avec une partie de la gauche - et cela avait parfaitement fonctionné.

Pour le PLF pour 2026, nous n'avions rien ou si peu : un engagement minimum, un cap mal défini et une volonté hésitante. Il en est résulté sans surprise que le PLF 2026 a lamentablement échoué. Je le déplore, et je le redis, je ne me résous pas à accepter cet échec, moins encore quand certains pointent les seules turbulences du Sénat ou un prétendu « décalage horaire » des sénateurs ...

Toujours est-il que, comme l'an dernier, nous n'avons d'autre choix que « de prendre toutes les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale », pour reprendre les mots du Conseil constitutionnel sur la loi de finances spéciale qui avait été prise, fin 1979, à la suite de la censure de la loi de finances.

Ce texte est donc presque identique à celui que nous avons adopté l'an dernier.

L'article 1er autorise la perception des impôts.

L'article 2 inscrit dans la loi le montant des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, ce qui, à vrai dire, n'est, selon moi, pas indispensable, car, selon le Conseil d'État, c'est une conséquence de l'article 1er. L'Assemblée nationale a apporté une correction rédactionnelle à cet article.

Enfin, l'article 3 autorise le Gouvernement à emprunter.

L'an dernier, un article supplémentaire autorisait l'Acoss (l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale) et d'autres organismes de sécurité sociale à emprunter : ce n'est pas nécessaire cette année, car le Parlement, et plus précisément l'Assemblée nationale en lecture définitive, a adopté un projet de loi de financement de la sécurité sociale, actuellement en cours d'examen par le Conseil constitutionnel.

Les trois articles du présent projet de loi spéciale ne posent pas de difficulté, et je vous proposerai d'approuver leur adoption sans modification. Ainsi, le parcours législatif de ce texte aura duré moins de vingt-quatre heures.

Il s'agit toutefois bien d'un texte provisoire, qui vise uniquement et strictement à permettre le fonctionnement de l'État au début de l'année 2026. Il donnera à l'État les ressources nécessaires pour que le Gouvernement puisse, par décret, ouvrir les crédits correspondants aux « services votés ».

Ainsi, tant qu'une loi de finances n'est pas adoptée, l'impôt sur le revenu se verra appliquer le barème 2025, les autres impôts, ainsi que les crédits d'impôt, ne persisteront que si le droit existant le prévoit : la loi spéciale ne peut rien prévoir à ce sujet. Elle doit se contenter de ce qui est strictement nécessaire, car elle ne peut suppléer au fait que la représentation nationale ne s'est pas prononcée.

De même, s'agissant des dépenses, elles seront encadrées par la nécessité de ne pas préempter les choix budgétaires qui seront faits dans la future loi de finances. Tant que le Parlement n'a rien décidé, il serait contraire aux principes mêmes de la démocratie que le Gouvernement préempte ses futurs choix.

Il sera donc indispensable de parvenir dès que possible à l'adoption d'une loi de finances pour 2026. Dans cette attente, je vous propose d'adopter ce projet de loi spéciale, sans modification.

M. Vincent Delahaye. - Pour ma part, je préfère une loi spéciale à un mauvais budget.

Nous sommes contraints à voter ce projet de loi spéciale pour permettre à l'État de continuer à fonctionner. Mais quel est le coût de cette loi spéciale ? Le Gouvernement l'a évalué à un moment donné à 10 milliards d'euros, puis à 11, voire 12 milliards, pour en venir à dire simplement aujourd'hui que cette loi spéciale coûte cher. J'estime, pour ma part, que ce n'est pas le cas. Le Gouvernement inclut-il le fait que l'on ne puisse pas augmenter les impôts ? J'aimerais avoir votre éclairage, monsieur le rapporteur général.

Plus largement, il n'y a pas de raison d'adopter rapidement, comme le souhaite le Gouvernement, une loi de finances. Je ne sais pas quels sont les projets du Gouvernement pour l'année 2026 - en a-t-il d'ailleurs ? -, mais il importe que le Sénat prenne le temps de discuter du projet de loi de finances pour que notre pays ait un bon budget.

M. Michel Canévet. - Vous avez indiqué qu'un article a été modifié par l'Assemblée nationale. Ces modifications sont-elles significatives ?

Mme Sophie Primas. - J'ai été surprise d'apprendre que le Premier ministre allait s'exprimer sur le projet de loi spéciale à 19 h 30 alors même que le Sénat n'aura même pas commencé son examen. J'avoue que cela me gêne quelque peu.

M. Vincent Capo-Canellas. - Quelles sont les modalités de suivi de la mise en oeuvre de la loi spéciale ? Aucune évaluation n'a été faite l'an dernier. Or M. Lescure et Mme de Montchalin, que nous avons auditionnés ce matin, ont parlé de marges d'interprétation pour proroger telle ou telle mesure dans certaines conditions. On peine à s'y retrouver. Existe-t-il un moyen d'avoir un suivi ?

M. Marc Laménie. - Merci pour ce travail de synthèse utile. Je m'interroge sur les conséquences du délai contraint entre cette loi spéciale et l'adoption d'un budget pour ce qui concerne le versement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) aux collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Monsieur Delahaye, les conséquences financières de la loi spéciale dépendront largement de la durée de son application. Dans l'hypothèse où aucune loi de finances ne serait votée en 2026, entre 40 milliards d'euros et 50 milliards d'euros ne seraient pas exécutés en dépenses.

Lors d'une réunion tenue hier avec les groupes politiques, la ministre a indiqué qu'elle avait déjà procédé à des calculs pour estimer les impacts de l'application de la loi spéciale, mission par mission. Je propose que le président et moi-même lui adressions un courrier pour lui demander formellement de nous fournir un maximum d'éléments à ce sujet. Je rappelle que nous avons demandé à deux reprises l'évaluation de la loi spéciale précédente, mais que nous n'avons jamais obtenu de réponses.

Monsieur Canévet, l'article 2 a été modifié, mais uniquement à la marge, une erreur rédactionnelle étant en cause.

Madame Primas, il relève du choix du Premier ministre de s'exprimer quand il le souhaite.

S'agissant des modalités particulières de suivi de la loi spéciale, nous demanderons aux ministres, dans le courrier que je mentionnais, de quelle manière ils envisagent de nous associer. Si j'en crois leurs déclarations du jour, les choses pourraient avancer rapidement avec un accord pendant la période des fêtes et l'adoption d'un budget d'ici au 15 janvier. Nous verrons bien ce qu'il en sera.

Enfin, concernant les dotations aux collectivités territoriales, il est préférable que le budget soit voté d'ici à la fin février ou début mars pour éviter d'éventuels problèmes. Veillons d'ailleurs à rétablir la réalité des faits : il a souvent été dit, ce matin, que le Sénat et l'Assemblée nationale avaient tous deux voté un certain nombre de dispositions, mais il existe une différence non négligeable, car ce qui a été voté par notre chambre a été adopté, ce qui n'est pas le cas de l'autre chambre. Est-ce que ce qui a été finalement rejeté a le même poids que ce qui a été adopté ? Il me semble que non.

M. Vincent Delahaye. - Admettons que le Gouvernement parvienne à bâtir un consensus - principalement avec les députés socialistes, si j'ai bien compris - entre Noël et le jour de l'An, et que l'Assemblée nationale ne vote pas la nouvelle première partie du texte : examinerions-nous alors le texte du Sénat tel que nous l'avons adopté ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous reprendrions effectivement notre texte à la suite de ce nouveau rejet.

M. Claude Raynal, président. - En l'absence de commission mixte paritaire conclusive, l'Assemblée nationale a tout pouvoir pour voter un texte. Nous verrons si elle n'utilise pas cette faculté.

Par ailleurs, monsieur Delahaye, vous avez affirmé que nous avions du temps, mais il me semble que nous étions tous d'accord, en amont de la CMP, pour dire que clôturer la phase budgétaire avant les élections municipales ne serait sans doute pas une mauvaise chose, afin d'éviter de mélanger les différentes séquences. Certes, il ne s'agira sans doute pas d'un bon budget, mais s'atteler de nouveau à un texte budgétaire après ces élections ne serait pas de bon aloi, selon moi.

Vous avez également estimé qu'il valait mieux une loi spéciale plutôt qu'un mauvais budget, une opinion que je ne partage pas : d'une part, les deux textes ne se situent pas sur le même plan, la loi spéciale étant uniquement un texte transitoire permettant de dépasser le 31 décembre ; d'autre part, je crois qu'il vaut mieux un budget assez rapidement adopté qu'une situation dans laquelle nous nous retrouverions encalminés.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Imaginons que l'Assemblée nationale vote de nombreuses dépenses nouvelles : une limite en pourcentage est-elle prévue pour les décrets d'annulation de crédits ?

M. Claude Raynal, président. - Nous étudierons ce type de scénario à la rentrée.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, le projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

La réunion est close à 18 h 25.