Si l’on débute la visite du palais du Luxembourg en entrant par la Cour d’Honneur, on peut suivre la chronologie de la relation entre NAPOLÉON et l’édifice. Il convient de faire un petit retour en arrière, en 1797.

C’est en effet dans cette cour d’Honneur que survient la première visite officielle de NAPOLÉON au palais du Luxembourg.

Première visite officielle de NAPOLÉON au palais du Luxembourg

Le 10 décembre 1797, à l’occasion de son retour victorieux de la première campagne d’Italie, BONAPARTE est reçu en grande pompe dans la cour d’honneur qui a été pour l’occasion magistralement pavoisée et réorganisée. « Les murs de la cour [sont] ornés de tentures tricolores et de trophées militaires40 . » Une vaste estrade est adossée à l’entrée du vestibule actuel, au pied de ce monument typiquement révolutionnaire qu’on nomme autel de la patrie et qui, sous la forme d’une colonne antique, constitue le symbole de la nation française révolutionnaire et célèbre les cultes nouveaux. La colonne, surmontée « des statues de la Liberté, de l’Égalité et de la Paix », est décorée de drapeaux conquis par l’armée d’Italie41 .
L’estrade à plusieurs niveaux, pompeusement appelée autel, accueille dans sa partie inférieure les membres du corps diplomatique qui sont surplombés, à l’étage supérieur, par les ministres. Au sommet de cette étonnante pyramide trônent les cinq directeurs. Ceux-ci sont drapés « dans le grand costume dessiné par DAVID : habit bleu couvert de broderies, ceinture tricolore, manteau nacarat [rouge orangé], col de dentelle, culotte blanche, glaive à la romaine, souliers à bouffettes et, couvrant le tout, énorme chapeau surmonté de plumes aux couleurs nationales42 . » Sont présents sur les côtés les membres des conseils des Cinq-Cents et des Anciens ainsi que l’Institut, le Conseil de Paris et une multitude de généraux, de diplomates et de personnalités.
Suivant un cérémonial qui est un supplice pour BONAPARTE, en simple habit de campagne, TALLEYRAND s’avance au-devant de lui et prononce un discours pompeux. Après une concise réponse du général, BARRAS prend la parole pour une péroraison qui emplit plusieurs colonnes du Moniteur43 . La remise, par BONAPARTE, du traité de Campoformio aux directeurs constitue le clou du spectacle, suivie d’une canonnade qui peine à surmonter les acclamations frénétiques de la foule et la symphonie jouée par le conservatoire de musique44  Un banquet est ensuite donné devant l’église Saint-Sulpice (temple de la Victoire) durant lequel Bonaparte, par crainte d’être empoisonné, se fait apporter son propre pain et sa bouteille de vin.

Pour Jacques PATUREAU, la réception de BONAPARTE est déterminante pour la rénovation du palais du Luxembourg45 . En effet, entre 1795 et décembre 1797, malgré l’état lamentable du palais, les plans de travaux proposés par l’architecte Jean-François CHALGRIN avaient été systématiquement repoussés. Cette réception grandiose ouvre les yeux des directeurs sur la nécessité de donner au palais de l’Exécutif un lustre propre à sa destination.

Figure 8 : GYSIN et GIRARDET, Fête donnée en l’honneur du général Bonaparte dans le palais du Luxembourg, 1817, Bibliothèques du Sénat, GR118. (JPG - 328 Ko)

Figure 8 :   GYSIN et GIRARDET, Fête donnée en l’honneur du général Bonaparte dans le palais du Luxembourg, 1817,
 Bibliothèques du Sénat, GR118.


Plusieurs erreurs figurent sur la gravure ci-dessus, il est vrai exécutée en 1817, soit vingt ans après l’évènement. Elle omet de représenter, outre la vaste tente qui s’étend sur l’ensemble, la terrasse que CHALGRIN n’enlèvera qu’au changement de destination du palais lorsqu’il construira l’escalier d’honneur en 1803 et 180446 . L’architecte ayant fait de la galerie ouest l’entrée principale du bâtiment, la suppression de la terrasse est rendue nécessaire par la modification de l’équilibre de la Cour. Désormais, les voitures de sénateurs peuvent déposer ceux-ci au pied même du bâtiment dont les perrons ont été agrandis de quelques marches. Pour faciliter la communication entre l’intérieur et l’extérieur du palais, CHALGRIN fait ouvrir des avant-corps à colonnes dans les ailes est et ouest (l’une donnant sur le grand-escalier, l’autre sur le jardin). Hormis ces quelques changements, l’aspect extérieur de la cour est demeuré peu ou prou inchangé.

Figure 9 : Statues du fronton de la Cour d’Honneur ; Service de l’Architecture, des bâtiments et des jardins du Sénat, Les sculptures du palais du Luxembourg, 1996. (JPG - 56 Ko)

Figure 9 : Statues du fronton de la Cour d’Honneur ;
Service de l’Architecture, des bâtiments et des jardins du Sénat, Les sculptures du palais du Luxembourg, 1996.

Les quatre statues de muses, l’Histoire, l’Éloquence, l’Astronomie et la Poésie lyrique (Clio, Terpsichore, Uranie et Polymnie) qui ornent la façade intérieure de la Cour d’Honneur, tout comme les huit allégories du pourtour du dôme de Tournon, sont attribuées à Guillaume BERTELOT47  (1580-1648), sculpteur favori de Marie de MÉDICIS. Très dégradées au XIXe siècle (des morceaux de pierre se détachaient, rendant dangereuse l’entrée dans le bâtiment), elles sont descendues en 1899 et restituées par les sculpteurs GRANET et FILLEUL, en 1907 pour la cour d’Honneur, en 1910 pour le dôme48 .
Les bustes dans les niches, installés en 1809 par CHALGRIN figurent, à gauche, Marc Aurèle et, à droite, Septime Sévère (sculpteurs inconnus).