Le mode de recrutement des sénateurs, établi par la constitution de l'an VIII, laissa pratiquement à Sieyès la possibilité de composer l'assemblée, et, avec elle, l'ensemble du pouvoir législatif, selon ses conceptions personnelles. En l'an III, Sieyès avait proposé de choisir pour son "jury constitutionnel" un tiers d'anciens constituants, un tiers de membres de la Législative et un tiers de conventionnels. En l'an VIII, le recrutement des premiers sénateurs reflète la même volonté de prendre pour gardiens de la constitution des "hommes de la Révolution", c'est-à-dire essentiellement d'anciens membres des assemblées révolutionnaires. Sur les soixante-trois membres du Sénat désignés en l'an VIII, on compte en effet douze membres de la Constituante, onze de la Législative, onze de la Convention, vingt du Conseil des Anciens et onze du Conseil des Cinq-Cents (dont respectivement seize et cinq membres des deux assemblées dissoutes en brumaire an VIII). En tout, trente-huit sénateurs avaient siégé dans au moins une assemblée révolutionnaire.
Socialement, les sénateurs de l'an VIII étaient en grande majorité d'origine bourgeoise : l'assemblée ne comptait à l'origine que neuf membres de la noblesse d'Ancien Régime. Professionnellement, il y avait dans le Sénat treize avocats, douze militaires et trois marins, sept négociants et deux banquiers (dont Perregaux, qui avait financé le coup d'Etat du 18 brumaire). Le fait le plus marquant était sans doute la présence d'une quinzaine de savants ou de professeurs, la plupart membres de l'Institut, les plus célèbres étant Monge, Laplace (tous deux professeurs de Bonaparte), Berthollet, Lacépède, Daubenton, Cabanis, Volney, Garat et Destutt de Tracy (ces quatre derniers représentant le courant des Idéologues). Le Sénat avait donc vocation à accueillir les grandes gloires nationales, tant intellectuelles (le peintre Vien, membre de l’Institut) que militaires (Kellerman, Sérurier et Lefebvre).
De l'an IX à 1813, cent vingt et un nouveaux membres entrèrent au Sénat qui comportait, du fait des décès, cent quarante et un membres effectifs en 1813. Au cours du Consulat et surtout de l'Empire, la physionomie de l'assemblée avait considérablement évolué. Tout d'abord, il faut noter qu'en vertu des annexions au Grand Empire, trente et un nouveaux sénateurs furent d'origine étrangère : dix-huit Italiens, quatre Belges, trois Allemands et six Hollandais. Par ailleurs, le nombre de sénateurs appartenant à la noblesse connut une sensible augmentation : parmi eux, quarante-deux français entrèrent au Sénat pendant cette période, dont de grands noms (Cossé-Brissac, Latour-Maubourg, Luynes, Montesquiou, Ségur) et quelques émigrés. Si l'on y ajoute vingt et un sénateurs aristocrates d'origine étrangère, on voit que la moitié des nouveaux membres du Sénat appartenaient à la noblesse d'Ancien Régime.
Particulièrement remarquable également est la place tenue par les militaires dans l'assemblée : de 1801 à 1813, quarante et un militaires, dont trente-quatre de carrière, entrèrent au Sénat. Parallèlement, l'accès au Sénat devient la récompense suprême pour les bons serviteurs de l'Etat : on y compte huit préfets, six ministres du Consulat et de l'Empire (Abrial, Chaptal, Fouché, Barbé-Marbois, Champagny et Dejean), treize anciens membres du Conseil d'Etat, quinze du Corps législatif, sept du Tribunat et même dix ecclésiastiques ! En revanche, beaucoup moins de juristes, un seul négociant et un seul banquier deviennent sénateurs au cours de cette période.
Le Sénat de la fin de l'Empire apparaît donc comme plus aristocratique et plus militaire, moins révolutionnaire et moins intellectuel que le Sénat de l'an VIII : il porte la marque de la volonté de Napoléon de rallier à lui les élites de l'Ancien régime, tout en s'appuyant sur les fonctionnaires, les militaires et les notables du nouveau régime.
Le sénatus-consulte du 14 nivôse an XI attribua au Sénat une dotation annuelle de 5 millions de francs sur les revenus de biens nationaux pour le traitement des sénateurs, les dépenses de l'assemblée et l'entretien de ses palais.
Ce sénatus-consulte ajouta à la fortune d'un certain nombre de sénateurs en créant les sénatoreries. Dans chaque ressort de cour d'appel, un sénateur devait se voir doté, sa vie durant, d'un immeuble (château ou ancien évêché en général) et de revenus de domaines nationaux compris entre 20 000 et 25 000 francs par an. Les bénéficiaires de ces sénatoreries étaient choisis par le Premier consul (puis par l'Empereur) sur présentation de trois candidats par le Sénat : ils étaient au nombre de trente-six à la fin de l'Empire. Les sénatoreries furent surtout une récompense supplémentaire pour les sénateurs les plus dévoués à Napoléon.