Contrôleur général (suite)

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur. - Je souhaite faire un rappel au Règlement.

M. Paul Girod. - Sur quel article ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Il y a eu une certaine confusion dans les ultimes minutes de l'après-midi...

M. Paul Girod. - Ce n'est pas possible !

M. Jean-Pierre Sueur. - ... confusion qui peut avoir des conséquences fâcheuses.

Mme la Ministre a fait des déclarations sur le Protocole de l'Organisation des Nations unies, déclarations qui rejoignent celles du rapporteur et qui sont erronées : les restrictions qui nous ont été présentées comme touchant le Contrôleur général concernaient en réalité le sous-comité de prévention de la torture. Les articles 19 et 20 du Protocole ne comportent, eux, aucune restriction. Nous n'avons pas vérifié sur-le-champ l'exactitude de ces déclarations, qui ont eu un effet sur notre vote. Or nous avons adopté l'amendement n°36 de Mme Boumediene-Thiery, lequel a un effet très bénéfique mais aussi l'inconvénient de faire tomber tous les amendements portant sur le III

M. Paul Girod. - Cela n'a rien d'un rappel au Règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. - Des informations erronées ont été données, ce qui a conduit à cette situation paradoxale que sont tombés des amendements contrairement à la volonté d'un grand nombre d'entre nous. Je souhaite donc que l'on revienne sur ce vote.

M. le Président. - Je ne puis que constater que le Règlement a été scrupuleusement respecté. Le vote est donc acquis.

M. Jean-Pierre Sueur. - Une solution consisterait à procéder à une seconde délibération sur cet amendement, grâce à laquelle des sous-amendements pourraient être adoptés.

M. Laurent Béteille. - Il fallait vous en apercevoir avant !

M. le Président. - Le Règlement a été respecté, le débat continue.

M. Jean-Pierre Sueur. - Pour la suite de nos débats, cet incident est fâcheux.

M. le Président - Amendement n°33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

demande et obtient

Mme Alima Boumediene-Thiery. - D'un point de vue lexical, cet amendement situe mieux l'obligation faire aux autorités responsables.

M. le Président. - Amendement n°33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

demande et obtient

M. Jean-René Lecerf. - Même si nous sommes éloignés sur le fond, nous nous retrouvons sur cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission préfère la proposition de M. Lecerf ; Mme Boumediene-Thiery doit pouvoir s'y rallier.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Soit.

L'amendement n°33 est retiré.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement n°45.

L'amendement n°45 est adopté.

M. le Président. - Amendement n°69, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, après les mots :

autorités responsables du lieu de privation de liberté

insérer les mots :

et de toute personne qu'il juge utile d'entendre et qui ne fait pas partie de ces autorités,

M. Robert Badinter. - Il n'y a pas que les autorités responsables à détenir des informations. C'est aussi le cas des associations, des visiteurs des prisons, des assistantes sociales, des éducateurs -toutes personnes qui ne relèvent pas du pouvoir hiérarchique mais savent. La formulation retenue par le projet de loi est donc restrictive.

De plus, la formulation retenue dans le texte suggère que le Contrôleur général peut s'entretenir avec les seules personnes présentes lors de sa visite, donc à demeure, ce qui n'est pas le cas des éducateurs ou encore des visiteurs de prison. Par conséquent, nous proposons -ni plus, ni moins, mais c'est important- de revenir au texte du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU, qui prévoit le libre accès à l'information, le libre accès aux locaux et la liberté d'audition de l'autorité chargée de contrôler les lieux de détention.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision n'est pas utile puisque le texte stipule à l'article 5 que toute personne physique ou morale peut saisir le Contrôleur général.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°34, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots :

, en particulier avec les personnes privées de liberté

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les personnes dont le Contrôleur général juge le concours nécessaire visées à cet article 6 comprennent-elles les personnes privées de liberté ? (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le confirme.) Il faut le préciser dans la loi, car cela ne va pas de soi. En tant que parlementaire, on m'a déjà refusée de rencontrer un détenu dans une maison d'arrêt... De plus, les personnes privées de liberté sont les mieux placées pour juger de leurs conditions de détention. Leur concours est fondamental, c'est un rempart contre l'arbitraire. Le corporatisme des personnels pénitentiaires, sans vouloir les blâmer tous, est fort et on dénonce rarement les agissements de ses collègues, comme l'actualité récente l'a encore prouvé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le quatrième alinéa de l'article 6 prévoit explicitement que le Contrôleur général peut rencontrer « toute personne », donc des détenus. Avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi ne pas l'écrire dans la loi puisque cela va de soi ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je confirme que l'expression « toute personne » comprend les personnes privées de liberté. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons ajouté « dans des conditions assurant la confidentialité » comme cela est prévu pour les rencontres durant la garde à vue entre la personne et son avocat.

M. Louis Mermaz. - Malgré les paroles rassurantes de M. Hyest et de Mme le garde des sceaux, je suis troublé par les propos de Mme Alima Boumediene-Thiery. On ne m'a jamais empêché de m'entretenir avec une personne incarcérée, sauf au commissariat central de Marseille à cause de l'arrivée pour le moins inopinée du substitut du procureur. Si la situation varie selon les personnes, l'amendement n'est pas superfétatoire.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°68, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa de cet article par les mots :

éventuellement à sa demande

M. Charles Gautier. - Nous proposons de retenir la formulation plus large de la commission Canivet.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La précision est inutile, avis défavorable.

Monsieur Mermaz, il est arrivé une seule fois qu'on empêche un parlementaire de rencontrer un détenu parce qu'il venait le voir à titre privé, et non pour contrôler les conditions de détention. Par ailleurs, le Contrôleur général n'est pas un parlementaire...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - L'article 4 répond à votre préoccupation. Avis défavorable.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°70, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

ne peut lui être opposé

supprimer la fin du dernier alinéa de cet article.

M. Robert Badinter. - Les exceptions énumérées au dernier alinéa de cet article limitent les pouvoirs d'investigation du Contrôleur général. Il faut les supprimer pour mettre le texte en conformité avec le protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU.

Parlons sérieusement : quelle sorte d'information pourrait nuire à la défense nationale ? Qui jugera s'il y a atteinte à la sûreté de l'Etat et comment ? La référence au secret de l'enquête et de l'instruction est curieuse. Quant au secret médical, s'il peut être opposé au Contrôleur général, comment celui-ci pourra-t-il établir avec certitude que des blessures ont éventuellement pour origine des violences infligées par des codétenus ou le personnel pénitentiaire ?

M. le président. - Amendement n°93, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Remplacer le dernier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret médical.

Néanmoins, le contrôleur général peut avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Si certaines incompatibilités sont légitimes, le législateur doit les définir très précisément. L'inventaire auquel procède le projet aboutit à mettre sur le même pied des exceptions de nature très différente. Le secret médical bénéficiant aux individus, il ne saurait être opposé aux institutions qui les prennent en charge. Il faut que le Contrôleur général, autorisé par l'intéressé, puisse vérifie la conformité de ses dires avec les constatations médicales.

M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

M. Yves Détraigne. - Comme les précédents, cet amendement cherche à rééquilibrer le dernier alinéa : il repend la rédaction de la proposition de loi de 2001.

M. le président. - Amendement n°22, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé. Si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'Etat, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, le contrôleur général sera lié par l'obligation de secret.

M. Jean-René Lecerf. - Je fais le pari de la confiance pour entrer dans le secret partagé. Il faudra néanmoins réfléchir au secret médical, par exemple à l'occasion de la prochaine loi pénitentiaire car il y a des victimes du secret médical, comme l'a montré le cas de cannibalisme à Rouen.

M. Henri de Richemont. - Très bien.

M. le président. - Amendement n°55, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut pas lui être opposé. Le contrôleur général est tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction, le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et un client. 

M. Yves Détraigne. - Voici un amendement plus rassurant que le n°78.

M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

à la sécurité des lieux de privation de liberté,

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission a été plus modeste : pourquoi cette restriction sur les lieux de privation de la liberté, que ne prévoient pas la Convention ni le protocole facultatif ?

M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, au secret médical

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La notion de secret médical mérite en effet une nouvelle réflexion. Que protège-t-il ? L'intimité et la santé du détenu ou les agissements d'autres personnes qui peuvent lui infliger des mauvais traitements ? Trop restrictif, ce critère serait opposé trop souvent au Contrôleur général. Ce serait inacceptable.

M. Jean-Jacques Hyest. - Les secrets de l'enquête, de l'instruction, des relations entre avocat et client sont justifiés. Le secret médical soulève d'autres questions car il peut constituer une garantie. Nous avions déjà rencontré ce problème en 2001 et il nous faut progresser encore car, bien que j'aie auditionné l'IGASS et le ministère de la Santé, je ne suis pas en mesure de présenter la bonne formule.

Le dispositif présenté pour le Contrôleur général est identique à celui qui a été retenu pour la CNDS. Je m'en tiendrai là. Je m'interroge sur le secret défense mais si cela peut rassurer de grands services publics... Je serai donc défavorable à tous les amendements en discussion commune avec le nôtre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Les personnes ont droit à la confidentialité de leur pathologie. Si on remet en cause le secret médical, même avec l'autorisation de l'intéressé, celui-ci peut se sentir obligé de fournir les informations que lui demande le Contrôleur général. Mieux vaut lui laisser la possibilité de donner librement les informations qu'il juge utiles.

Le secret des relations entre l'avocat et son client est normal. Quant au secret de l'instruction...

M. Henri de Richemont. - Il n'existe plus : il est mort !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... il peut y avoir d'autres personnes parties à l'affaire. Les affaires de terrorisme et la sécurité de l'Etat ? Le Contrôleur général ne saurait se faire communiquer des informations, parce qu'il n'est pas habilité secret défense.

Je suis d'accord sur l'amendement relatif à la sécurité des lieux privatifs de liberté. Le Contrôleur général peut en effet avoir besoin de savoir où sont les cellules d'isolement et de connaître tous les locaux psychiatriques : avis favorable à l'amendement 11.

Le tiers des 344 détenus sous surveillance particulière est atteint de troubles psychiatriques : ils peuvent rarement être mis en cellule avec d'autres. L'affaire de Rouen tient aussi à ce que l'information a manqué. Je suis disposée à revoir la question du secret médical à l'occasion de la loi pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Sueur. - Notre amendement 70 vise à supprimer toute entrave à l'action du Contrôleur général. Le n°22 est, à cet égard tout à fait intéressant : dès lors que certaines informations sont couvertes par le secret, au Contrôleur de le respecter. Mais il est inutile de mettre toutes ces restrictions à son action. L'amendement n°11 est judicieux mais en contradiction avec l'alinéa 3 dont on ne veut pas parler. Si le Contrôleur général peut recevoir des informations relatives à la sécurité des lieux de privation de liberté, comment lui refuser de visiter ces lieux au motif que des troubles sérieux s'y déroulent ? La sécurité de l'État permettra de justifier toutes les restrictions. Et en cas de tsunami, il est peu probable que ledit contrôleur vienne visiter une prison....Toutes ces restrictions n'ont d'autre but que de l'empêcher de faire son travail.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous revenez toujours sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n°36 ...

M. Jean-Pierre Sueur. - Cela m'est en effet resté en travers de la gorge.

M. Jean-Jacques Hyest. - Il est vrai, je ne l'avais pas vu, que les restrictions du protocole de l'ONU visent le sous-comité, mais rien n'empêche de les appliquer, au plan national, au contrôle. Et si vous permettez au Contrôleur de visiter une prison en cas de troubles, vous faites de lui un médiateur, ce qui n'est pas son rôle. Il doit, en revanche, avoir des informations sur la sécurité des locaux et même en connaître les plans, de peur qu'on lui cache quelque chose.

M. Robert Badinter. - Tout est fait pour réduire la capacité d'investigation du Contrôleur général. On sait combien le secret Défense nationale ou la protection de la sûreté de l'Etat ont été utilisés pour arrêter une enquête gênante. Ou bien on veut un Contrôleur général, lié par l'obligation de confidentialité et qui a accès à toutes les informations, ou bien on tente de limiter au maximum son action.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission - On a enfin un contrôle des prisons ! Il faut permettre à cette institution de démarrer avant, peut-être, de l'améliorer, mais ne passons pas brutalement de rien à tout ! Et pourquoi n'avez-vous pas créé vous-mêmes ce contrôle ? Le créer, c'est déjà bien.

M. Henri de Richemont. - Mais s'il ne sert à rien ?

M. Jacques Blanc. - Madame la ministre, vous proposez de créer ce que personne n'avait fait avant.

M. Robert Badinter. - Nous y sommes internationalement tenus !

M. Jacques Blanc. - Mais je suis choqué d'entendre dire que le secret médical ne correspond à rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Personne n'a dit ça !

M. Jacques Blanc. - Si on remet en cause ce secret, la qualité des soins ne sera plus assurée. Il faut avoir été médecin pour savoir que, sans secret médical, le malade ne dira pas tout et, dès lors, vous ne le soignerez pas bien. C'est là un enjeu de santé publique. De grâce, laissons le secret médical dans le texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Il n'y a jamais eu de fausses informations. A l'alinéa 3 nous instituons des restrictions, non pour annuler une visite mais pour en décider le report. A l'alinéa 6 l'information n'est pas interdite : si le prisonnier souhaite la communiquer spontanément, il est libre de le faire et de livrer tous les certificats médicaux qu'il veut. Mais nous ne souhaitons pas inscrire dans la loi que le Contrôleur peut les lui demander car, dès lors, le prisonnier se sentira obligé de les lui donner. (M. Bruno Sido,M. Robert del Picchia et M. Jacques Blanc applaudissent.)

M. Richard Yung. - J'ai apprécié, dans le texte sur la récidive, la distinction faite entre malades mentaux et prisonniers. Mais ici, c'est dans l'intérêt de la personne que serait levé le secret médical. Le protocole, dans son article 20, ne prévoit aucune limitation ; il y a même une obligation de communication des informations.

Le rapport Canivet allait dans le même sens. Et le Contrôleur général est lui-même astreint au respect du secret professionnel comme ses collaborateurs. Toutes les garanties sont là.

L'amendement n°70 n'est pas adopté, non plus que les amendements 93 et 78.

M. Henri de Richemont. - Je voterai l'amendement 22 de M. Lecerf, qui me paraît tout à fait équilibré. Il ne peut être question que le Contrôleur général puisse prendre connaissance d'un dossier médical sans l'accord de la personne intéressée, mais le problème du respect du secret de l'instruction doit être posé. Ce secret est bafoué tous les jours, des procès-verbaux d'audition sont publiés dans la presse sans que cela soit suivi de la moindre sanction. Il paraît absurde de l'opposer au Contrôleur général, d'autant que celui-ci est lui-même lié par le secret professionnel. Quant au secret défense ou à la sûreté de l'État, on ne voit pas en l'espèce les cas concrets qui en imposeraient le respect. Il est vrai que le rapporteur a estimé qu'on se contentait de faire plaisir à certaines administrations ...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Si des procès-verbaux d'instruction sont publiés dans la presse, c'est qu'une des parties les a divulgués... La personne privée de liberté pourra, dans le cas qui nous occupe, livrer au Contrôleur général toutes les informations qu'elle juge utiles.

En réalité, nous allons plus loin que le rapport Canivet, qui suggérait que le Contrôleur général pouvait se faire remettre tous documents « sous la seule réserve du respect du secret professionnel et médical ».

M. Robert Badinter. - Et le secret défense ? Et la sûreté de l'État ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le rapport Canivet ne concernait que les prisons.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il arrive que les plaidoiries déforment les propos de la partie adverse. J'ai dit, monsieur de Richemont, que les dispositions relatives à la défense nationale ou à la sûreté de l'État s'appliqueraient rarement. J'ajoute que l'amendement 22, s'il est bien rédigé, n'apporte rien dès lors que le Contrôleur général est lié par le secret professionnel. Je maintiens l'avis défavorable de la commission.

M. Laurent Béteille. - Je ne veux pas qu'on enterre ainsi, un 31 juillet à 22h30, le secret de l'instruction. Il y va tout de même de la protection de la présomption d'innocence ! Il est inadmissible que des informations couvertes par le secret paraissent dans la presse ! Ne nous précipitons pas ! La création du Contrôleur général est déjà une avancée remarquable ; donnons-nous le temps de la réflexion avant de casser tout ce qui a été construit pendant des décennies. (Applaudissements)

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne comprends pas de quoi nous débattons. Le Contrôleur général n'est-il pas lui-même lié par le secret ?

L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que l'amendement 55.

L'amendement n°11 est adopté.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à cet article aux contrôleurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement s'explique par son texte même.

M. le président. - Amendement identique n°71, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Charles Gautier. - Il est soutenu.

L'amendement n°12, identique à l'amendement n°71, accepté par le gouvernement, est adopté.

M. le président. - Amendement n°31, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les contrôleurs exercent leur mission dans les mêmes conditions que celles fixées par cet article pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut garantir un contrôle effectif des 5 500 lieux de privation de liberté. Le texte est muet sur le rôle et l'indépendance des délégués du Contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par ceux que nous venons d'adopter.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°31 est retiré.

L'article 6, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°72, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu privatif de liberté. A sa demande, le contrôleur général des lieux de privation de liberté est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

M. Robert Badinter. - Le Contrôleur général et ses délégués doivent porter à la connaissance du procureur de la République les infractions qu'ils auront constatées.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission préfère l'amendement qu'elle présentera à l'article 7 ; le troisième alinéa de l'amendement n'est en outre pas nécessaire.

L'amendement n°72 est retiré.

M. le président. - Amendement n°53, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et recommandations aux responsables des lieux visités. Ceux-ci ont un mois pour adresser leur réponse au contrôleur et, le cas échéant, l'informer des mesures qu'ils envisagent de prendre. A défaut de réponse dans le délai imparti, le contrôleur peut rendre publiques ses recommandations et observations.

M. Yves Détraigne. - Cet amendement s'explique par son texte même. Les recommandations du Contrôleur général ne doivent pas rester lettre morte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il n'est guère cohérent de restreindre ainsi les pouvoirs du Contrôleur général.

L'article 8 prévoit que le Contrôleur général peut rendre publiques ses observations sans autre condition que d'en informer au préalable les autorités concernées. C'est plus coercitif. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Mêmes observations.

M. Yves Détraigne. - Mon amendement n'est pas restrictif, au contraire : il prévoit des réponses obligatoires aux observations !

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

Article 7

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Le ministre peut formuler des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

M. Charles Gautier. - Le Contrôleur général se borne à informer le ministre ; c'est à ce dernier de prendre toutes mesures utiles. Encore faut-il qu'il ait l'obligation de répondre à ces observations, dans un délai déterminé. Le pouvoir du Contrôleur général sera décuplé s'il peut informer le grand public. Les articles 8 et 9 prévoient la publication des informations et des rapports, mais l'article 7 ne précise pas si les observations faites au ministre et les réponses de celui-ci peuvent être rendues publiques. Or, c'est la publication du rapport de l'OIP sur les événements de Beauvais qui a fait prendre conscience à l'opinion publique de la condition carcérale, et qui a été à la source de toutes les initiatives prises depuis 1999.

M. le président. - Amendement n°94, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

A l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ou à l'administration concernée ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Il peut formuler des recommandations afin d'améliorer le traitement des personnes privées de liberté. Le ministre et l'administration compétente sont tenus, dans un délai fixé par le contrôleur général, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces observations et ces recommandations. Ces réponses sont annexées au rapport de visite, qui est ensuite rendu public.

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il porte à la connaissance du garde des Sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les lieux de privation de liberté.

Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu de privation de liberté. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

Mme Éliane Assassi. - L'efficacité du contrôle serait accrue si le Contrôleur général pouvait s'adresser directement aux administrations concernées, comme le prévoit le protocole facultatif.

Le Contrôleur général doit avoir un réel pouvoir d'injonction. Le dispositif actuel, purement formel, est insuffisant : s'il suffisait que le ministre soit au courant du problème, il n'y aurait plus de surpopulation carcérale depuis longtemps ! Il faut assortir les contrôles de contraintes, avec obligation de réponse. Nous proposons ainsi que les rapports de contrôle soient publiés avec les observations du Garde des sceaux. Enfin, nous reprenons une disposition votée en 2001 qui prévoit la possibilité pour le Contrôleur général de saisir l'autorité hiérarchique, voire la justice, de toute infraction susceptible de poursuites.

M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur

par les mots :

concernant en particulier

 

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Simplification rédactionnelle.

M. le président. - Amendement n°73, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la première phrase de cet article par les mots :

ainsi que la condition des personnes privées de liberté 

M. Richard Yung. - Il est certes important que le Contrôleur général fasse état de ses observations sur l'agencement des locaux ou l'organisation des travaux, mais ce qui compte avant tout, ce sont les hommes, qu'il s'agisse des personnes privées de liberté ou des personnels des établissements.

M. le président. - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Remplacer la seconde phrase de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Le ministre formule des observations en réponse chaque fois qu'il le juge utile et lorsque le contrôleur général l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le Contrôleur Général.

M. Jean-René Lecerf. - Nous prévoyons une réponse obligatoire du ministre si le Contrôleur en fait la demande.

M. le président. - Amendement n°58, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

Dans un délai d'un mois, le ministre formule des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

M. Yves Détraigne. - Nous imposons au ministre de répondre aux observations du Contrôleur dans un délai déterminé.

M. le président. - Amendement n°74, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la seconde phrase de cet article, remplacer les mots :

peut formuler

par les mots :

formule

M. Charles Gautier. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :Si le Contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.Le Contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Comme la majorité des autorités administratives, le Contrôleur général doit pouvoir saisir le procureur de la République ou l'autorité disciplinaire. C'était l'article 7 de la proposition de loi adoptée par le Sénat et cela est conforme aux statuts de nombreuses autorités administratives indépendantes.

M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

M. Yves Détraigne. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°24, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général face à une situation d'extrême gravité peut adresser des injonctions aux autorités pénitentiaires.

M. Jean-René Lecerf. - Cet amendement visait à répondre à des situations très particulières où une information en possession du Contrôleur général lui aurait permis de savoir que la santé ou la vie d'un détenu était en danger. Je le retire : nous en reparlerons dans le cadre de la loi pénitentiaire.

L'amendement n°24 est retiré.

M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Yung.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le rapport de visite établi par le contrôleur général est transmis aux autorités responsables du lieu de privation de liberté, qui doivent mettre en oeuvre un plan d'action dans un délai de deux mois, sur la base des recommandations formulées par le contrôleur.

M. Richard Yung. - On va me répondre que nous sommes maximalistes... Cet amendement s'inspire pourtant de l'article 22 du protocole facultatif ; il est calqué sur le mécanisme de contrôle en vigueur en Angleterre et au Pays de Galles, où les autorités des établissements concernées s'engagent à répondre dans les deux mois à 95 % des rapports.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°94 est très complet : nous sommes d'accord sur beaucoup de choses mais pas sur tout. Retrait, au profit des autres amendements. Favorable à l'amendement n°73, qui apporte une précision utile, ainsi qu'à l'amendement n°23 rectifié bis, qui prévoit une réponse systématique du ministre. Retrait des amendements n°58 et 74 au profit de celui de M. Lecerf. L'amendement n°54 est identique à celui de la commission. Enfin, avis défavorable à l'amendement n°48. Nous n'avons pas la même lecture de l'article 22... Le dispositif actuel me semble préférable, car je privilégie le dialogue et la persuasion.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable aux amendements n°s13, 73, 23 rect. bis et 14 ; défavorable aux n°s94, 58, 74, 54 et 48.

L'amendement n°94 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté, ainsi que les n°73 et 23 rect.bis.

Les amendements n°58 et 74 deviennent sans objet.

Les amendements identiques n°14 et 54 sont adoptés.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis et formule des recommandations aux autorités publiques. Il propose également au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.

Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

M. Louis Mermaz. - Le contrôleur rend des avis et des recommandations, propose des modifications législatives et réglementaires. Il peut rendre publics ces travaux. Mais pourquoi cette réserve sur les observations des autorités ? Enfin, le dernier paragraphe est superfétatoire, il n'a jamais été question que le Contrôleur empiète sur la procédure judiciaire. En revanche, s'il a connaissance d'une situation grave, où la vie d'un détenu serait en danger, pourquoi ne saisirait-il pas les autorités judiciaires ? Si le juge d'application des peines n'a rien vu, c'est au contrôleur de déclencher l'alerte.

M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Yung.

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et établit des rapports sur toute question qu'il juge utile à une meilleure connaissance du fonctionnement des lieux de privation de liberté.

M. Richard Yung. - Je reprends une proposition de M. Canivet. La pratique sera riche d'enseignements pour les administrations et le ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n'apporte rien à la rédaction ; défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°76, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

En cas d'atteinte flagrante  aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a le pouvoir d'enjoindre aux autorités responsables, de prendre toute mesure qui lui parait nécessaire au respect de ces droits.

M. Jean-Pierre Sueur. - L'amendement tend à conférer un pouvoir d'injonction au Contrôleur général. En cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux, celui-ci doit pouvoir enjoindre les autorités de prendre toutes mesures pour la faire cesser. La question est ici de savoir si l'on veut donner au Contrôleur la plénitude de ses compétences.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je me suis déjà exprimé sur cette fausse bonne idée. Le Contrôleur doit entretenir un dialogue avec les administrations, il n'est pas chargé de les surveiller ni de prendre les décisions à leur place. La constitutionnalité d'une telle injonction serait de surcroît douteuse. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Vous entendez donner au Contrôleur général un pouvoir d'injonction qui appartient pour l'essentiel au juge...Il pourrait ainsi décider demain de la sortie d'un détenu, ou de lever une garde à vue. Son rôle est plutôt de discuter de ses recommandations avec les administrations concernées, il y a échange et non rapport de forces -car c'est ainsi que seraient perçues ses injonctions. Le protocole facultatif ne prévoit au demeurant rien de tel.

M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai cité le cas d'atteinte flagrante aux droits de l'homme !

M. Louis Mermaz. - Deux visions s'opposent : vous rêvez d'une personnalité nommée à la discrétion du gouvernement et sans réelle autorité, et nous, d'une personnalité morale et d'une procédure de désignation incontestables, avec un avis des commissions parlementaires liant le Président de la République.

Par sa réponse, Mme la garde des sceaux nous embrouille : ce personnage pourrait décider de libérer un détenu, nous inquiète-t-elle. Non, nous parlons de vie en danger et d'injonction de prendre des mesures pour faire cesser les traitements dégradants ou l'atteinte aux droits de l'homme. Le Contrôleur n'interfère pas dans les procédures judiciaires !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je n'embrouille personne et le texte est clairement rédigé. Mais le pouvoir d'injonction est quasi-juridictionnel et il ne serait donc pas conforme à la Constitution de l'attribuer au Contrôleur. Dans les cas d'atteintes graves, celui-ci peut saisir les autorités judiciaires. (Applaudissements à droite).

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Le pouvoir d'injonction est hiérarchique ou juridictionnel. Le Contrôleur général, comme les autres autorités administratives indépendantes, est un démembrement de l'action gouvernementale. S'il exerçait des pouvoirs régaliens, que resterait-il de la démocratie ? Il imposerait sa volonté aux administrations qu'il contrôle. On ne peut donner à une autorité administrative, quelle qu'elle soit, le pouvoir d'injonction. (Applaudissements à droite.)

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

au Gouvernement

insérer les mots :

ainsi qu'aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Ce sont les parlementaires qui les premiers ont demandé la création d'un Contrôleur des prisons -aujourd'hui, le gouvernement le fait parce qu'il y est contraint. Nous sommes un peu des contrôleurs depuis la loi sur la présomption d'innocence de juin 2000 et le Contrôleur général peut proposer des modifications législatives. Il revient aux présidents de nos deux assemblées de nous informer en associant l'opposition.

Ce n'est qu'à ce prix que l'on placera les parlementaires au coeur de la prise en compte des problèmes soulevés par le contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Traditionnellement, le statut des autorités administratives indépendantes prévoit qu'elles transmettent leurs suggestions de modifications réglementaires au gouvernement. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une transmission spécifique. Il n'y a pas lieu non plus de transmettre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat des propositions de modifications législatives, puisque le rapport annuel prévu à l'article 9 est remis au Parlement. Nous aurons donc connaissance des propositions qu'il contient. Un certain nombre de présidents d'autorités administratives indépendantes ont fait usage de cette faculté et leurs propositions ont été suivies d'effet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

M. le président. - Les cinq amendements suivants sont en discussion commune.

M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Après en avoir informé les autorités responsables, il rend publics ces avis, recommandations ou propositions. Les observations des autorités responsables sont recueillies et publiées dans les mêmes conditions.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet amendement réécrit le deuxième alinéa, afin de rendre obligatoire la publication des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général. Les réponses des autorités doivent également être publiées. La transparence du travail du Contrôleur général est fondamentale pour son indépendance.

Il est inacceptable que les autorités responsables puissent décider, à la place du Contrôleur général, que leurs observations peuvent ou non être publiées. Leur donner une telle liberté vide complètement de son contenu le pouvoir du Contrôleur général. Refuser le pouvoir d'injonction, ainsi que le suivi de ses avis et recommandations, ne pas lui donner le droit de les publier, revient à accepter que ceux-ci ne soient jamais suivis d'effet.

M. le président. - Amendement n°75, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Il peut rendre public ces avis, recommandations, injonctions ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

M. Charles Gautier. - Notre amendement a pour objet de supprimer les deux réserves mises à la publication et de prévoir que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publiques des injonctions.

M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. Au début du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

Après en avoir informé les autorités responsables,

II. Après le mot :

observations

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

des autorités responsables si elles en font la demande.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La publication des avis, recommandations ou propositions du Contrôleur général ne peut être soumise au bon vouloir des autorités responsables. Le Contrôleur doit pouvoir, sans restriction ni limitation, publier les conclusions de ses visites.

Cette exigence garantit la transparence du contrôle et permet une large diffusion des avis, recommandations, ou propositions du Contrôleur général, qui ne doit pas disposer d'une compétence liée dans ce domaine : il doit être libre de publier ses conclusions, sans en aviser les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Limiter son pouvoir de publication, c'est limiter son pouvoir et son indépendance.

M. le président. - Amendement n°95, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

M. Robert Bret. - Par cet amendement, nous voulons rendre obligatoire la publication des avis, recommandations et propositions du Contrôleur, conformément aux préconisations européennes, dont l'article 93 dispose : « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un/ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques ». La commission Canivet soulignait l'importance de cette transparence et la nécessité de l'information de l'opinion publique, ainsi que de l'information du personnel pénitentiaire et des détenus. Du point de vue des membres de la commission, cette publicité devait inciter les organes de contrôle à rendre compte de l'exécution de leur mission.

Il est évident que le débat public ne peut que renforcer l'efficacité des contrôles, en contraignant l'administration, placée sous le regard de l'opinion, à prendre les mesures nécessaires, mais aussi les poursuites disciplinaires ou pénales requises lorsque des fautes sont constatées.

L'article 8 du projet de loi, tout comme l'article 7 s'il n'est pas modifié, n'auront pas de tels effets. La France est, hélas, montrée du doigt pour l'état désastreux de ses prisons et de ses centres de rétention. Elle a fait preuve de trop longues hésitations à mettre en oeuvre le protocole et à créer un Contrôleur général. Des situations inacceptables doivent trouver une solution. Il ne serait pas très glorieux pour la France de continuer de faire preuve de frilosité.

M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après les mots :

ces autorités

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

 

 M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La rédaction du projet de loi pourrait laisser entendre que la possibilité de publier les observations du Contrôleur général serait laissée au soin des responsables des lieux de privation de liberté. Dès lors que le rapport est public, il est souhaitable que les observations le soient également. Notre amendement satisfait partiellement ou totalement les amendements n°s42 et n° 75.

Quant à l'amendement n°38, il supprime l'information préalable, qui n'est pas une autorisation préalable, le Contrôleur général étant entièrement libre de ses choix : j'en demande le retrait, à défaut la commission lui sera défavorable. Avis défavorable également sur l'amendement n°95, parce qu'il est préférable de laisser au contrôleur le choix de rendre publics ses avis ou ses observations.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement de la commission, qui améliore la rédaction de l'article 8. Les amendements n°42 et n°75 sont satisfaits par cet amendement. Défavorable aux amendements n°38 et n°95.

L'amendement n°42 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s75, 38 et 95.

L'amendement n°15 est adopté.

M. le président. - Amendement n°77, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

M. Charles Gautier. - La disposition de cet article selon laquelle le Contrôleur général des lieux de privation de liberté « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle » est inutile au regard des règles de la procédure pénale. C'est pourquoi nous proposons sa suppression.

M. le président. - Amendement n°39, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut formuler des observations écrites jointes à toute procédure, quelle qu'en soit la nature, consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté et peut présenter des observations orales devant la juridiction pénale éventuellement saisie. Il ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Que le Contrôleur ne puisse remettre en cause le bien-fondé d'une décision se comprend, mais que signifie au juste qu'il ne peut commenter une décision de justice ? Ne peut-il publier un avis qui viendrait contredire une telle décision ? Nous souhaitons des éclaircissements.

Au regard des pouvoirs assez larges dévolus au Contrôleur général, l'interdiction de toute intervention de sa part, ne serait-ce que par écrit, dans le cadre d'une procédure, nous semble faire peu de cas de son travail.

Le Contrôleur sera au premier plan dans la recherche d'une amélioration des conditions de privation de liberté. En tant qu'amicus Curiae, il est le seul susceptible de produire, dans des affaires pendantes, des éléments importants. Sinon, qui jugera des conditions d'une personne privée de liberté ? Cette personne ou le personnel ? Ce sera la vérité de l'un contre celle des autres.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°77 propose de supprimer une disposition traditionnelle dans les statuts des autorités administratives indépendantes, que l'on trouve, par exemple, à l'article 8 de la loi relative à la CNDS et à l'article 10 de la loi relative au défenseur des enfants, selon laquelle une autorité administrative indépendante ne peut s'immiscer dans une procédure judiciaire. Mais je souhaiterais entendre l'avis du gouvernement.

En ce qui concerne l'amendement n°39, les organes juridictionnels comme les organismes disciplinaires peuvent, s'ils le souhaitent, avoir communication des avis d'une autorité administrative indépendante. De même, le juge pénal peut l'entendre comme témoin. Il est vrai que cette possibilité est laissée à l'initiative des organes juridictionnels. Mais faut-il, pour autant, en donner l'initiative au Contrôleur général ? Là-dessus aussi, je voudrais entendre l'avis du gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Sur l'amendement n°39, l'autorité judiciaire peut entendre qui elle veut, à tout moment, comme elle veut. Il est donc inutile. J'y suis défavorable.

Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, il est inscrit dans le statut de cette autorité qu'elle ne peut pas commenter les décisions de justice. S'il s'agit d'une décision de première instance, cette dernière n'est pas définitive, et il ne convient donc pas de la commenter. Si une enquête est en cours, l'autorité n'est pas partie à l'affaire et elle ne peut pas s'immiscer dans une procédure civile. Rien n'empêche, au demeurant, dans le cas d'une procédure pénale, le Contrôleur général d'informer l'autorité judiciaire. Cet amendement n°77 est donc inutile. Il est normal de ne pas commenter une décision de justice et de ne pas s'immiscer dans une procédure judiciaire, comme le relevait déjà le rapport Canivet, page 179 ...

M. Jean-Jacques Hyest. - Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission suit le gouvernement.

L'amendement n°77 n'est pas adopté, non plus que le n°39.

M. le Président. - Amendement n°40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est habilité à saisir de tout manquement aux prescriptions déontologiques la Commission nationale de déontologie de la sécurité instituée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La CNDS peut, elle, saisir le procureur de la République ! Sans notre amendement le Contrôleur général ne serait qu'une coquille vide.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°8, que le Sénat a adopté, va plus loin. Celui-ci est donc inutile, tout comme le n°41.

L'amendement n°40 est retiré, ainsi que le n°41.

M. le Président. - Amendement n°96, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque le contrôleur général est saisi de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 6 relatives à la communication de pièces.

Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'autorité mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'article 9 et publié au Journal officiel.

M. Robert Bret. - Le Contrôleur général ne manquera pas d'être saisi de faits donnant lieu à enquête, information ou poursuites judiciaires ; cela ne doit pas pour autant paralyser son action. Il doit donc, comme la CNDS, avoir communication des pièces du dossier, sous réserve de l'accord préalable des juridictions saisies ou du Procureur.

Nous souhaitons également donner au Contrôleur général un réel pouvoir d'injonction en cas de décisions de justice non exécutées : nous reprenons les compétences d'ores et déjà accordées au Médiateur de la République. Et les observations doivent avoir une suite.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.

M. Robert Bret. - Écoutez au moins nos arguments, au lieu de répondre de façon mécanique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je résume pour faire gagner du temps au Sénat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le Contrôleur général ne peut avoir accès au dossier instruit puisqu'il n'est pas partie à l'affaire. Il appartient aux juridictions administratives d'intervenir en cas de décisions de justice non exécutées.

Le Médiateur, lui, intervient dans des cas individuels ; ce n'est pas comparable.

M. Patrice Gélard. vice-président de la commission - Il ne faut pas confondre médiation et contrôle !

L'amendement n°96 n'est pas adopté

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

M. le président. - Amendement n°97, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter la deuxième phrase de cet article par les mots :

et fait l'objet d'une communication devant chacune des assemblées

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Ce qui fonctionne déjà pour le Médiateur de la République doit pouvoir s'appliquer au Contrôleur général. Avec notre rédaction, tous les parlementaires seraient informés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vais vous réponde de manière ni mécanique ni répétitive.

M. Gérard Longuet. - Avec chaleur et humanité. (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous savons tous ce qu'il en est des communications au Parlement, ennuyeuses et vaines. Combien préférable serait une convocation régulière devant la commission compétente ! Nous pourrions ainsi dialoguer sérieusement, éventuellement en commission élargie. Telle est la proposition du doyen Gélard, que nous faisons nôtre.

Voici un avis défavorable bien justifié ! (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Défavorable.

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Articles additionnels

M. le Président. - Amendement n°16, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision doit figurer dans la loi.

M. le Président. - Amendement n°81, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a la possibilité d'avoir des contacts avec le Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture, de lui communiquer des renseignements et de le rencontrer.

Mme Éliane Assassi. - Il importe d'insister sur la dimension internationale de l'action du Contrôleur général. Nous rejoignons la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par le nôtre, dont la rédaction, plus générale, ménage l'avenir.

Mme Éliane Assassi. - En effet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement n°16, défavorable au n°81.

L'amendement n°16 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°81 devient sans objet.

Article 10

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

M. le président. - Amendement n°98, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé "Coordination du travail gouvernemental".

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

 

M. Robert Bret. - Votre texte n'apporte aucune garantie sur le budget dont va disposer le Contrôleur général pour l'exercice de ses missions alors que le bon fonctionnement d'une autorité indépendante de contrôle dépend largement des crédits qui lui sont alloués.

Vous avez annoncé, madame la garde des sceaux, 2,5 millions et 18 personnes pour visiter quelques 5 500 lieux de détention. Cela reste trop modeste. D'autant que, comme l'a souligné le rapporteur, la montée en puissance du dispositif imposera bientôt une augmentation des moyens du Contrôleur général.

M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par deux phrases et un alinéa ainsi rédigés :

Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement précise que les crédits du Contrôleur général seront rattachés au programme coordination du travail gouvernemental -façon de souligner le caractère interministériel de sa mission- que ses comptes ne seront pas soumis, par dérogation à la loi du 10 août 1922, au contrôle financier a priori du ministère des finances -mais feront l'objet d'un contrôle a posteriori de la Cour des comptes. Ces dispositions sont prévues pour le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants.

M. le président. - Amendement n°44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente chaque année ses comptes à la Cour des comptes.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Indépendance ne signifie pas opacité : la Cour des comptes doit contrôler les comptes du Contrôleur général et formuler des recommandations.

M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'Etat.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les crédits du Contrôleur général ne doivent pas relever du budget de la justice. Ces prochaines années, celui-ci devra consacrer tous ses moyens à construire des prisons pour accueillir les détenus dont le nombre va augmenter avec l'adoption de la loi sur la récidive... Surtout, inscrire ces crédits au budget général de l'Etat (M. le Rapporteur s'exclame.) permettra de garantir l'indépendance financière du Contrôleur général vis-à-vis du gouvernement, ce que ne permet pas l'amendement n°17 de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Écrire que des crédits relèvent du budget général de l'Etat est un truisme ! Nous sommes d'accord sur le fond, mais les amendements n°s98, 44 et 43 sont moins complets que notre n°17. J'invite donc leurs auteurs à s'y rallier.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Avis de sagesse sur l'amendement n°17 car il relève peut-être davantage de la loi de finances ; avis défavorable aux amendements n°s98, 44 et 43. S'agissant des inspecteurs de prison en Angleterre, je veux préciser qu'ils sont passés de six lors de la création du dispositif à une quarantaine aujourd'hui, mais à temps partiel et pour une population carcérale bien plus importante que celle de la France : 80 000 à 90 000 personnes.

Les amendements n°s98, 44 et 43 sont retirés.

L'amendement n°17 est adopté ainsi que l'article 10, modifié, les articles 11 et 12.

Interventions sur l'ensemble

M. Charles Gautier. - Les travaux en commission des lois nous avaient laissé espérer que nous pourrions renforcer les pouvoirs du Contrôleur général. Hélas, nous avons passé le plus clair de notre temps à les restreindre. (M. le Rapporteur le conteste.) Nous n'avons pas réussi à modifier le dispositif sur deux points qui nous paraissent cruciaux : la nomination du Contrôleur général et l'étendue de ses moyens. Ce texte est en-deçà des exigences internationales (M. le Rapporteur le nie.) et de la proposition de loi de M. Hyest adoptée à l'unanimité en 2001. Par conséquent, nous nous abstiendrons (Applaudissements sur les bancs socialistes).

Mme Éliane Assassi. - L'état des établissements pénitentiaires et les engagements internationaux de la France imposaient que l'on crée d'urgence un Contrôleur général. Mais ce texte est-il à la hauteur des exigences du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU ?

Plusieurs voix à droite. - Oui !

Mme Éliane Assassi. - Non, ce texte a minima est en-deçà des recommandations de la commission Canivet et de la proposition de loi de M. Hyest. Malgré quelques améliorations, les pouvoirs du Contrôleur général restent très limités, ce dont témoignent nos débats sur les articles 6 et 8. L'efficacité, la crédibilité et la légitimité du Contrôleur général en seront affectées d'autant que les moyens humains et matériels qui lui sont attribués ne permettront pas de garantir son indépendance. Les chiffres annoncés par Mme le garde des Sceaux sont insuffisants. Parce que ce texte est trop frileux, le groupe CRC s'abstiendra. (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Béteille. - Alors que l'Angleterre créait un inspecteur des prisons en 1981, il aura fallu laisser passer plus de vingt-cinq ans et dix gardes des sceaux, toutes tendances politiques confondues -n'en déplaise aux donneurs de leçons-, pour que l'on institue enfin un Contrôleur général. Mme le garde des Sceaux, tout le mérite vous en revient. Ce Contrôleur général est même investi de pouvoirs plus étendus que ne le prévoyait l'excellente proposition de loi de M. Hyest : il pourra être saisi directement par toute personne physique ou morale et il est chargé de contrôler tous les lieux de privation de liberté, et non les seuls établissements pénitentiaires. Les exceptions que l'on peut opposer à son droit de visite et à ses autres compétences sont extrêmement limitées et justifiées.

Certains auraient souhaité aller plus loin mais la question sera reprise lorsque l'on pourra évaluer les premiers résultats, comme cela s'est produit pour l'ensemble des autorités indépendantes. J'approuve également votre prudent souci d'une bonne insertion de celle-ci dans un paysage sensible et chargé d'histoire.

Avec un certain nombre de mes collègues, je vais voter cet excellent texte (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Yves Détraigne. - Ce texte n'est pas parfait mais il a le mérite d'exister et d'avoir évolué dans le bon sens même s'il n'est pas allé aussi loin que le réclamaient certains de nos amendements. Lors de son rapport annuel, le Contrôleur général pourra faire des suggestions. Faisons confiance à la personne qui sera nommée pour formuler des propositions pour conforter encore l'institution. On a fait un grand pas en avant avec ce texte que l'UC-UDF votera.

Reste la question des moyens matériels. La ministre a parlé de 2,5 millions et de 18 collaborateurs. C'est peu en regard des 5 500 lieux à contrôler mais c'est un début. Il faudra se battre pour améliorer le budget et nous serons à vos côtés pour cela. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président. - Vingt-six amendements ont été adoptés.

M. Paul Girod. - Je veux associer l'ensemble du groupe UMP aux félicitations que vous a adressées M. Béteille. La France va respecter ses obligations grâce à ce texte politiquement fort. Vous avez voulu que le débat soit large et franc. Chacun a pu s'exprimer et nous avons maintenant la satisfaction de vous apporter notre soutien. Certains se dérobent, nous le regrettons d'autant plus que la commission des lois, et c'est tout à l'honneur de son président, est allée aussi loin que la Constitution le permettait en prévoyant la consultation des commissions du Parlement sur la nomination du Contrôleur général.

En respectant les règles européennes, la France tiendra ou reprendra sa place en Europe. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certains de nos collègues semblent bouder leur plaisir alors que nous instituons ce Contrôleur général que nous avions voulu à l'unanimité en 2001. Il faut pourtant se réjouir que le texte aille d'autant plus loin que nous l'avons amélioré par nos amendements. La navette pourra encore le faire évoluer : l'urgence n'a pas été déclarée.

Certains amendements ont été votés à l'unanimité, ainsi pour la participation du Parlement à la nomination du Contrôleur général, ce que nous n'avions pu faire en 2001. Si le premier titulaire est choisi judicieusement, il saura donner à la nouvelle institution toute l'envergure que nous souhaitons.

Si la commission a contribué à améliorer le texte, il importe surtout d'insister sur la conception générale de l'institution pour que, comme en Grande-Bretagne, le Contrôleur général ne soit pas tatillon ni suspicieux à l'endroit de l'administration pénitentiaire mais cherche à améliorer la situation des détenus. Il faut, en tout cas, rappeler la qualité du personnel de l'administration pénitentiaire, les progrès qu'il a réalisés et le respect qu'il porte aux droits des détenus. (Applaudissements à droite et au centre)

A la demande des groupes socialiste et UMP, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin:

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue des suffrages exprimés 100
Pour l'adoption 199
Contre zéro

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Au nom du Gouvernement, je vous remercie d'avoir adopté, en première lecture, ce projet de loi. Par votre vote, vous avez montré que la France veut s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif des lieux de privation de liberté. Par votre vote, vous permettez à notre pays de répondre à la résolution du Conseil de l'Europe, et de respecter le Protocole facultatif à la convention des Nations Unies. Vous témoignez ainsi, une nouvelle fois, de votre attachement à la protection des droits fondamentaux. Je vous en remercie et salue la qualité du travail du Sénat.

L'adoption de ce texte doit beaucoup à l'implication personnelle du président de votre commission des lois, Jean-Jacques Hyest qui était à l'origine du premier texte voté par la Haute Assemblée. Conforté par sa grande maîtrise du sujet, il a conduit avec talent les auditions en commission et l'examen en séance plénière. La participation de tous les groupes a permis au projet de s'enrichir. Vingt-six amendements ont été adoptés, fort utiles. Malgré l'ordre du jour chargé et les contraintes de cette session extraordinaire, vous avez montré beaucoup d'exigence et de célérité.

L'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle avancée du droit en France. Ce texte qui dépasse le jeu des oppositions simplistes démontre que la politique de fermeté du gouvernement trouve sa légitimité dans un principe fondateur : le respect de l'humanité que nous devons à chacun. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 1er août 2007, à 15 heures.

La séance est levée à minuit vingt.

Le Directeur du service du compte rendu analytique

René-André Fabre