Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Modification à l'ordre du jour

Dépôt de rapport

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Discussion générale

Conseil de l'Europe et UEO

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Suite)

Renvoi en commission

Allocution de M. le Président du Sénat

Conseil de l'Europe et UEO (Ouverture du scrutin)

Dialogue social et continuité du service public (Candidatures à la CMP)

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (suite)

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article additionnel

Article 3

Conseil de l'Europe et UEO (Résultat du scrutin)

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 4

Article 5

Articles additionnels

Article 6

Saisine du Conseil constitutionnel

Dialogue social (CMP - Nominations)

Contrôleur général (suite)

Rappel au Règlement

Articles additionnels

Article 7

Article 8

Article 9

Articles additionnels

Article 10

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du mardi 31 juillet 2007

14e séance de la session extraordinaire 2006-2007

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Modification à l'ordre du jour

M. le président. - J'ai reçu de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement une lettre par laquelle le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire de la présente semaine. Compte tenu du nombre d'amendements déposés sur le projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Gouvernement nous demande de poursuivre l'examen de ce texte ce soir et, si nécessaire, mercredi après-midi et éventuellement le soir. Nous siègerons jeudi après-midi, voire le soir, pour la lecture des conclusions de la CMP sur le service minimum dans l'espoir de ne pas avoir à siéger vendredi.

L'ordre du jour est ainsi modifié.

Dépôt de rapport

M. le président. - J'ai reçu de M. Fragonard, Président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, le rapport pour 2007 de cet organisme.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je félicite Mme la Garde des sceaux et ministre de la justice d'avoir pris l'initiative de ce projet de loi. Il concerne les libertés publiques et il est important qu'il ait été déposé en premier au Sénat.

D'autant que ce projet de loi fait suite à une proposition de loi adoptée par notre assemblée en 2001 et relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons. Elle était le fruit des travaux d'une commission d'enquête dont le rapporteur était notre ancien collègue, M. Cabanel et le président, M. Hyest, qui est aujourd'hui notre rapporteur.

Discussion générale

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. - C'est un honneur pour moi de me présenter devant vous pour la seconde fois au cours de cette session extraordinaire avec ce projet de loi qui s'inscrit dans notre volonté de rénover en profondeur notre système pénitentiaire. C'est une première étape. A l'automne, nous examinerons une nouvelle loi pénitentiaire.

Vous attachez une grande importance au contrôle extérieur des lieux de privation de liberté : le Sénat a toujours veillé à protéger la dignité de la personne humaine dans notre législation. La République doit pouvoir s'assurer du respect des droits fondamentaux de ceux qu'elle a décidé d'isoler, et leur garantir des conditions de vie dignes.

L'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle et grande idée née de vos réflexions et de vos travaux. Ce projet de loi est d'abord le vôtre. A la suite de votre commission d'enquête de 2000, une proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel avait été adoptée le 26 avril 2001. Votre réflexion s'appuyait alors sur les conclusions de la commission Canivet, qui recommandait la mise en place d'un contrôle extérieur des prisons. Le texte que je vous présente aujourd'hui, s'il a une portée plus large, reprend la substance des dispositions que vous aviez retenues.

Notre ambition est grande ; nous voulons la modernité, l'humanité et le respect de nos engagements européens et internationaux. Le Contrôleur général aura le statut d'autorité indépendante, comme le Médiateur de la République, la CNIL, la HALDE etc., qui ont acquis leur légitimité et prouvé leur efficacité. Surtout, ces autorités ont démontré qu'un Etat de droit n'a pas à craindre d'une autorité indépendante du pouvoir exécutif. Je le dis aux fonctionnaires des ministères concernés, aux agents de l'administration pénitentiaire. Ce sont eux qui m'ont confortée dans ce projet car ils sont les premiers à déplorer les conditions réservées aux détenus, à souffrir d'une image de leur métier parfois dévalorisée. Ce regard extérieur sur un monde intérieur leur est indispensable ; il l'est tout autant pour eux que pour les personnes qu'ils ont la charge de surveiller.

Ce contrôle n'est pas une marque de défiance. Il est la contrepartie de missions et de responsabilités très étendues. La décision de priver quelqu'un de sa liberté n'en sera que plus légitime, mieux comprise. Déjà, les parlementaires exercent un droit de visite dans les prisons, le Médiateur de la République instruit les réclamations individuelles et ses travaux mettent en évidence la nécessité d'un contrôleur indépendant.

Le Contrôleur aura pour mission de garantir le respect de la dignité humaine. La privation de liberté, quelle que soit sa forme et sa durée, n'autorise pas l'humiliation, ni les atteintes à l'intégrité physique : elle oblige au respect de la personne et de ses droits fondamentaux : elle est, pour reprendre la formule du sénateur Pelletier, « indissociable du droit légal à la rédemption et à la réhabilitation. » La détention doit préparer à la réinsertion alors que, trop souvent, elle conduit à l'exclusion, au désarroi, au ressentiment. Les conditions de vie et d'hygiène sont trop inégales. L'accès à l'éducation n'est pas généralisé. La sortie est insuffisamment préparée. La promiscuité ajoute à la détresse et favorise la récidive.

Les étrangers en centre de rétention, les personnes gardées à vue ont également des droits fondamentaux ; les malades dans les hôpitaux psychiatriques doivent être pris en charge avec dignité. Pour notre Nation qui a écrit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il serait indigne de ne pas veiller au respect de ces droits jusque dans les lieux où les personnes sont privées de liberté. Ce sera la mission du Contrôleur général.

Enfin, le projet de loi tend à respecter nos engagements européens et internationaux. Le 11 janvier 2006, le Conseil de l'Europe a réaffirmé sa volonté de replacer les détenus au coeur des missions de l'administration pénitentiaire. Les règles pénitentiaires européennes prévoient le contrôle par un organe indépendant, rendant publiquement compte de ses conclusions. En outre, la France va ratifier le protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU, signé le 16 septembre 2005. Ce protocole recommande l'instauration d'un mécanisme national de visites régulières dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté sur décision de l'autorité publique. Trente-cinq pays l'on ratifié.

Certains pays répartissent les missions de contrôle entre plusieurs organismes existants. La France a fait le choix d'un contrôle unique, inspiré du modèle que la Grande-Bretagne a mis en place en 1981 : celui de l'Inspecteur en chef des prisons. J'ai rencontré vendredi à Londres, en compagnie du président Hyest, Mme Owers qui exerce cette fonction depuis 2001. Elle m'a dit combien le regard porté sur les lieux d'enfermement par l'Inspecteur en chef des prisons est fondamental, pour les détenus comme pour le personnel des prisons qui attend son intervention comme une bouffée d'air venu de l'extérieur. Mme Owers fait état des améliorations considérables, accomplies depuis 1981 : progrès en faveur de la santé, de l'humanisation des lieux d'enfermement, et de la prévention des suicides. Nous connaissons tous l'attachement historique de la Grande-Bretagne aux droits de la personne humaine. La France peut s'enrichir de l'expérience de son voisin européen : elle doit en faire bénéficier ses citoyens.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sera nommé par décret pour un mandat de six ans, non renouvelable. Il exercera sa mission pour l'ensemble des lieux de privation de liberté. La notion de lieu de privation de liberté est très large. C'est l'originalité de notre projet par rapport aux propositions antérieures qui ont été faites en France et par rapport au contrôle britannique.

Les lieux de privation de liberté englobent bien évidemment les établissements du ministère de la justice : les maisons d'arrêt, les centres de détention, les maisons centrales, les centres pénitentiaires, les centres de semi-liberté, les établissements pénitentiaires pour mineurs, les centres éducatifs fermés. Le contrôle s'appliquera également aux locaux de garde-à-vue de la police et de la gendarmerie, aux dépôts des tribunaux, aux centres et aux locaux de rétention administrative, aux zones d'attente des aéroports, des ports et des gares, aux quartiers d'arrêt des armées, aux lieux de privation de liberté gérés par les douanes. Enfin, ce contrôle s'appliquera aux secteurs psychiatriques des hôpitaux. Au total, le projet de loi vise 6 072 lieux de privation de liberté, dont 219 relèvent du ministre de la justice. Les autres dépendent des ministres de l'intérieur, de l'immigration et de l'intégration, ainsi que de la défense, de la santé et du budget.

L'indépendance que nous garantissons au Contrôleur général sera la condition de son succès. Il ne recevra aucune instruction de la part des autorités ministérielles, ni de leurs administrations. Les modalités de saisine du Contrôleur seront très larges. Toute personne physique ou morale qui aura connaissance d'atteintes aux droits de la personne dans un lieu de privation de liberté pourra s'adresser au Contrôleur. Par exemple, un détenu pourra lui écrire directement, et sous pli fermé. Le recours au Contrôleur général doit être simple. Il est important que cette institution soit connue de tous, puisque tous pourront le saisir. C'est pourquoi il faudra qu'elle s'incarne en une personnalité éminente, qui saura faire entendre sa voix. Le Contrôleur général ne se substituera pas à toutes les instances qui interviennent déjà dans les lieux de privation de liberté, comme la commission nationale de déontologie de la sécurité. Le Contrôleur général travaillera en coordination avec elles. Il donnera un nom et un visage à leur cause commune. Il permettra d'attirer l'attention de nos concitoyens sur les enjeux du respect des droits fondamentaux dans les lieux de privation de liberté.

Enfin, le Contrôleur général sera doté de pouvoirs étendus. Son contrôle prendra la forme de visites dans les lieux de privation de liberté, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent. Le Contrôleur général aura une seule mission : s'assurer par lui-même des conditions de prise en charge des personnes privées de liberté. Bien entendu, il disposera pour cela d'une équipe de contrôleurs qu'il recrutera lui-même. Les visites pourront intervenir à tout moment. Le Contrôleur général pourra s'entretenir avec toutes celles et ceux qu'il jugera utile de rencontrer, dans le cadre de son investigation : les personnes privées de liberté, mais aussi l'ensemble du personnel, des médecins et des auxiliaires de justice. Au terme de sa visite, le Contrôleur général fera connaître ses observations. L'administration pourra y répondre. En Angleterre, chaque visite de l'Inspecteur en chef donne lieu à un rapport, accompagné de recommandations aux autorités, dont 95 % sont admises par l'administration et 75 % en moyenne suivies d'effet dans les deux ans. L'Inspecteur en chef le vérifie à l'occasion d'une visite inopinée. Je crois que c'est la bonne méthode. Le président Hyest le souligne dans son remarquable rapport : le dialogue est complémentaire de la démarche d'investigation. Le dialogue est la meilleure promesse de résultats concrets.

Le projet de loi prévoit enfin que le Contrôleur général fera part de ses observations dans un rapport annuel au Président de la République et au Parlement, qui sera rendu public. Le Contrôleur pourra proposer les modifications des lois et des règlements qu'il jugera nécessaires à la protection du droit des personnes privées de liberté. J'ai conscience des efforts que la mise en place de ce contrôle demandera aux différents ministères concernés, mais le respect des libertés et des droits fondamentaux est à ce prix. La République fera la preuve qu'elle ne s'arrête pas aux portes de ses institutions fermées ; elle veillera à l'égalité humaine de traitement dans tous les lieux où elle prive des personnes de leur liberté ; elle renforcera la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions, ainsi que l'a souhaité le Président de la République. Vous le voyez, ce projet de loi représente bien plus qu'une réforme technique. Il est porteur d'un message politique fort. Je ne doute pas que le Sénat, qui en a été l'instigateur, lui apportera très largement son soutien. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. - C'est peu dire que ce projet de loi fut longtemps attendu ! Qu'il soit d'abord présenté au Sénat, comme l'a rappelé M. le président, est pour nous le signe d'une juste reconnaissance de la part prise par notre Assemblée dans un processus qui touche maintenant à son terme.

Le Sénat a en effet largement ouvert la voie au projet de loi, d'abord par les recommandations de la commission d'enquête sénatoriale de 2000 dont le rapport Les prisons : une humiliation pour la République a contribué à réveiller les consciences. Ensuite, par la proposition de loi sénatoriale adoptée ici, à l'unanimité, en 2001, sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et le contrôle général des prisons.

Bien entendu, le Sénat n'a pas plaidé seul dans ce sens. Il faut saluer ici la contribution majeure de la mission conduite pas M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, ainsi que les travaux de l'Assemblée nationale, sous l'égide de notre collègue, Louis Mermaz. Le projet de loi s'inscrit ainsi dans un climat très consensuel. Pourquoi en effet ne pas parler de consensus dans cette Assemblée, même si, bien sûr, nous continuons à travailler sur certains points ?

L'instauration d'un contrôle extérieur répond à quatre exigences. D'abord, la privation de la liberté d'aller et de venir ne doit jamais porter atteinte au respect de la dignité de la personne qui est l'une des valeurs essentielles de nos sociétés démocratiques. Le Contrôleur extérieur apparaît à cet égard comme une garantie pour prévenir les abus éventuels que peut favoriser un milieu clos.

Ensuite, le contrôle extérieur est aussi une nécessité pour les administrations chargées des lieux de privation de liberté. Ces administrations et leur personnel, comme m'en ont convaincu nos nombreuses auditions, attendent d'un contrôle extérieur qu'il dissipe les suspicions qui s'attachent, par principe, aux yeux de l'opinion publique, aux lieux d'enfermement. Doutes injustes, le plus souvent. Un contrôle extérieur permettra aussi de prendre la mesure des efforts et du dévouement du personnel auquel je souhaite rendre ici un hommage mérité.

Le contrôle extérieur est aussi une exigence, non pas parce que les lieux d'enfermement seraient soustraits à tout contrôle, mais parce qu'au contraire, ils sont soumis à des contrôles dont la multiplicité conduit à une certaine déresponsabilisation.

La dernière exigence est internationale. Le protocole facultatif à la convention des Nations Unies contre la torture, que le France a signé le 16 septembre 2005 et qu'elle devrait ratifier avant la fin du premier semestre 2008, prévoit la mise en place d'un mécanisme national de prévention indépendant, chargé d'examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté. Plusieurs de nos voisins ont déjà mis en place le dispositif de contrôle prescrit par le protocole facultatif ou sont en voie de l'instituer. Notre pays ne saurait rester à l'écart de ce mouvement.

Vous avez, madame la Ministre, présenté l'économie générale du dispositif qui nous est proposé. Notre commission a approuvé le choix d'instituer une fonction de contrôle spécifique, unifiée et indépendante. Aurait-il fallu rattacher cette fonction au Médiateur de la République, comme l'avait d'abord envisagé le précédent gouvernement ? Nous avons discuté longuement de cette option et nous en débattrons de nouveau à l'occasion de l'examen des amendements. Nous pensons qu'il est préférable de confier la fonction de contrôle à une autorité spécifique.

Ce choix ne procède évidemment pas d'une quelconque défiance à l'égard du Médiateur. Bien au contraire, son actuel titulaire, M. Jean-Paul Delevoye, a accompli un travail exemplaire dans les prisons en développant, en accord avec l'administration pénitentiaire, l'action des délégués du Médiateur dans les prisons. Mais le travail de médiation est différent de celui du contrôle : le Médiateur de la République lui-même évoque l'« obligation de séparation stricte des deux missions ». Et une grande majorité des personnalités que nous avons entendues, en particulier le représentant du Conseil de l'Europe, ont plaidé pour la mise en place d'une fonction de contrôle spécifique et autonome. Tel était d'ailleurs l'esprit des recommandations de la mission présidée par M. Guy Canivet et le principe retenu par la proposition de loi sénatoriale sur le contrôle extérieur. Sans doute, notre position aurait-elle été différente si la France disposait, sur le modèle de certains pays scandinaves, d'un véritable « ombudsman » ...

M. Robert Badinter. - Eh oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - ...sous l'autorité duquel les deux fonctions de contrôle et de médiation auraient pu être réunies. Mais, en l'état du droit, le rattachement de la fonction de contrôle au Médiateur serait, pour votre commission, source de confusion.

Votre commission s'est efforcée par les amendements qu'elle vous proposera de conforter l'indépendance et l'autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle s'est inspirée en particulier des recommandations formulées par le rapport de notre collègue Patrice Gélard, au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes.

Avant de conclure, je formulerai trois observations. D'abord, votre commission s'est montrée très attentive à l'indispensable cohérence des contrôles. L'institution du Contrôleur général ne met nullement en cause les prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, dont on doit espérer qu'elle puisse assurer de manière plus effective sa mission de contrôle.

Lors de la commission d'enquête, il nous a été dit que les contrôles aboutissaient à des rapports qui ne redescendaient jamais et restaient dans les placards. Je peine à le croire : des rapports qui restent dans les placards, cela n'existe pas ! (Sourires). C'est bien pourquoi on en demande tant.

Le Contrôleur général doit pouvoir être saisi par les autres autorités indépendantes afin d'harmoniser leurs actions. La question se pose cependant du maintien des organismes dont le rôle doublonnera celui du Contrôleur général. Quel sera le sort de la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente (CRAZA), qui accomplit un travail considérable malgré la modestie de ses moyens ? Les dispositions constitutives de cette commission présentant un caractère réglementaire, il appartient au Gouvernement de prendre une décision ; quelles sont vos intentions ? En tout état de cause, il sera utile d'évaluer les divers dispositifs de contrôle.

Nous souhaitons également attirer votre attention sur les moyens dévolus au Contrôleur général, dont la mission portera sur 5 500 locaux. A titre indicatif, l'inspecteur en chef des prisons d'Angleterre -il y en a un autre en Écosse- dispose d'une équipe de quarante personnes pour visiter cent trente-neuf établissements.

Le Contrôleur général doit-il disposer d'un pouvoir d'injonction ? Ce n'est pas toujours synonyme d'efficacité, cela peut susciter un repli corporatiste, alors que dialogue et persuasion peuvent aboutir à de bons résultats. L'autorité du Contrôleur général ne se bâtira pas contre les administrations mais avec elles. D'où l'importance que revêtira le choix de la personnalité appelée à assurer ces fonctions.

La Représentation nationale est appelée à se prononcer sur un projet qui répond à un voeu largement partagé. Je ne doute pas que cet esprit de consensus nous animera pour parfaire un projet de loi destiné à nous réunir et non à nous diviser. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yves Détraigne. - Ce projet de loi nous est soumis alors que l'examen de textes à caractère répressif replace la question des conditions de détention au coeur des débats. L'absence de grâce collective du 14 juillet s'inscrit également dans ce contexte, sachant que, pour 50 888 places opérationnelles, on compte plus de 60 000 personnes écrouées dans des prisons dont beaucoup sont vétustes et insalubres. De nombreux rapports ont décrit cette situation ; je mentionnerai ceux du Premier président Canivet, en mars 2000, et du président Hyest, en juin 2000.

L'urgence a conduit à installer, le 11 juillet dernier, un Comité d'orientation restreint en vue de l'élaboration d'un projet de loi pénitentiaire. Mais avant d'attaquer ce vaste et indispensable travail législatif, vous nous proposez de créer un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous souscrivons pleinement à cette initiative qui met la France en conformité avec les textes européens et internationaux et, plus particulièrement, avec le Protocole facultatif additionnel à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé le 16 septembre 2005 mais toujours pas ratifié par la France, ce que je regrette.

Je me réjouis, de plus, que ce projet de loi reprenne les conclusions du rapport Canivet -comme le Sénat l'avait souhaité en avril 2001, sur proposition du président Hyest- et les élargisse à l'ensemble des lieux de privation de liberté. Ainsi ose-t-on enfin ouvrir les portes des prisons et regarder cette « humiliation pour la République » !

Ce texte appelle cependant quelques réserves. La procédure de nomination ne respecte pas l'exigence de nommer dans cette éminente fonction une personnalité dont l'autorité morale et l'indépendance ne soient pas contestées. Nous proposerons donc que le décret nommant le Contrôleur général soit pris en Conseil des ministres et que les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat donnent un avis. Cet amendement s'inscrit d'ailleurs dans la droite ligne de ce que souhaite le Président de la République dans le cadre de la réforme des institutions.

Le dispositif encadre trop les interventions du Contrôleur, par exemple en lui imposant de prévenir les responsables des lieux visités avant son intervention : la visite inopinée doit être la règle, même si l'on peut penser que, par correction, le Contrôleur annoncera sa visite dans la plupart des cas.

Autre point d'inquiétude, les règles relatives au secret. Là aussi, nous voulons inverser la logique du dispositif, afin ce ne soit plus les responsables des établissements qui puissent opposer le secret au Contrôleur mais lui-même qui soit tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction ou le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

Si le Contrôleur peut communiquer aux chefs d'établissements ses observations et ses recommandations, ceux-ci doivent lui indiquer les mesures qu'ils entendent prendre au regard de ses observations. Le Contrôleur doit également pouvoir informer d'autres autorités telles que la Halde, le Défenseur des enfants ou la CNRS s'il l'estime nécessaire.

Enfin, nous proposerons de reprendre une disposition votée en 2001, afin que le Contrôleur porte sans délai à la connaissance du procureur de la République les faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. Pouvez-vous préciser ce qu'on entend par personnes morales dont « l'objet est la défense des droits fondamentaux » ? J'ai cru comprendre que toutes les personnes physiques pourraient saisir le Contrôleur...

De nombreux textes prévoient déjà des contrôles et des inspections sur les conditions de détention : services d'inspection de l'hygiène et de la sécurité, commission de surveillance, visite des établissements pénitentiaires de leur ressort par les magistrats. Il faudra imposer un toilettage et une mise en cohérence.

Déjà, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention, dressait un constat accablant : « les contrôles prévus sont nombreux, variés, mais ils sont à peu près dépourvus d'effets, soit parce qu'ils ne sont pas exercés, soit parce qu'ils sont exercés de manière trop formelle, soit encore parce que l'habitude a été prise de faire preuve de peu de rigueur en ce qui concerne l'hygiène et la sécurité. » Le moment est donc venu de mettre fin à cette situation.

Par ailleurs, comme l'avait fait observer M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, « l'instauration d'un contrôle dans les prisons implique [...] un inventaire du droit applicable dans ces lieux. Le droit de la prison [...] comprend essentiellement des règlements et un droit subordonné [...] alors que la reconnaissance au détenu d'un statut de citoyen aurait commandé une intervention législative pour régir ses rapports à l'administration. [...] En prison comme ailleurs, les droits doivent être concrets et effectifs. »

Enfin, la question budgétaire est cruciale si nous ne voulons pas simplement nous donner bonne conscience. Car, faute de moyens, l'institution d'un contrôle extérieur et indépendant n'aura pas une réelle efficacité. Par parenthèse, le Contrôleur général devra veiller à recruter des contrôleurs aux compétences diversifiées pour avoir une vision très large des lieux de privation de liberté.

Il y aurait eu bien d'autres choses à dire sur l'état des prisons, la formation des personnels ou encore l'accès des détenus à la formation et aux soins. L'examen d'une loi pénitentiaire sera l'occasion de revenir sur ces sujets majeurs. En attendant, madame le Garde des sceaux, nous saluons la création d'un Contrôleur général que nous attendions depuis longtemps. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Très bien !

M. Laurent Béteille. - Madame le Garde des sceaux, le projet de loi instaurant des peines minimales pour les récidivistes ainsi que ce texte instituant un Contrôleur indépendant des lieux privatifs de détentions constituent le fondement d'une justice que vous voulez à la fois plus ferme et plus humaine. En effet, il n'est pas question d'améliorer l'efficacité de notre justice au détriment du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Le Sénat se réjouit que la justice soit l'un des grands chantiers de cette législature, lui qui il y a sept ans déjà créait une commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires avec M. Hyest pour président et M. Cabanel pour rapporteur. Dans son rapport, la commission d'enquête appelait à améliorer sans délai les conditions des détenus - « il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans » rappelait-elle en conclusion -et à créer un organe de contrôle externe des prisons. Soucieux de répondre aux critiques adressées à la France, le Sénat adoptait une proposition de loi en avril 2001 qui reprenait ces propositions.

Venons-en au sujet de ce texte. Les prisons font aujourd'hui l'objet de multiples contrôles : celui des magistrats chargés de veiller aux conditions de détentions des personnes dont ils ont la charge ; celui de la commission de surveillance, présidée par le préfet du département, qui peut communiquer ses observations au ministre de la justice ; celui de l'inspection des services pénitentiaires et des services judiciaires ; et enfin, depuis la loi du 15 juin 2000, celui des députés et sénateurs qui peuvent saisir la commission nationale de déontologie de la sécurité, laquelle peut ensuite formuler des recommandations. En pratique, ces contrôles sont trop souvent ponctuels, dépourvus d'efficacité et les garanties d'indépendance font défaut. C'est pourquoi le gouvernement précédent avait franchi un premier pas en signant en mars 2005 une convention permettant l'intervention des délégués du Médiateur de la République dans dix établissements. En janvier 2007, ce dispositif a été étendu aux établissements de plus de 300 détenus, dont Fleury-Mérogis dans mon département, avec la création de vingt-cinq nouvelles permanences. Le bilan de cette expérience est très encourageant : 700 saisines par an en moyenne ; les délégués ont traité des litiges qui ne pouvaient être résolus par une autre voie -un tiers des réclamations concernent les litiges opposant détenus et administration pénitentiaire tels que demande de transfert ou perte d'effets personnels ; l'administration pénitentiaire a joué le jeu et constaté que ces permanences avaient permis de réduire les tensions et de prévenir les conflits.

Madame le Garde des sceaux, je me réjouis de la création d'une autorité indépendante, car la solution proposée par le gouvernement précédent aurait pu relever du mélange des genres, la médiation et le contrôle. Le Médiateur de la République l'avait d'ailleurs reconnu en distinguant les deux fonctions. De plus, ce texte montre la volonté de la France de s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif de tous les lieux de privation de liberté, des établissements pénitentiaires aux centres hospitaliers spécialisés, en passant par les dépôts des palais de justice et les centres de rétention administrative, jusqu'aux cellules des commissariats et des gendarmeries. Le Contrôleur pourra faire des contrôles inopinés, si les circonstances l'imposent. Le Contrôleur général ne recevra d'instructions d'aucune autorité, il sera donc libre de ses décisions.

Ce projet de loi permettra à la France de respecter les standards européens et le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 16 septembre 2005 : il serait anormal qu'un grand pays démocratique comme le nôtre ne soit pas en conformité avec les normes européennes.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer la surpopulation carcérale que la Commission d'enquête du Sénat avait dénoncée comme « la honte de la République ». Ce problème perdure malgré les efforts réalisés ces dernières années, par la Chancellerie. Ce sont, en effet, près de 61 000 détenus qui peuplent les cent quatre-vingt-huit établissements français dont la capacité totale est de 51 000 places. 10 000 détenus supplémentaires sont venus grossir la population carcérale ces cinq dernières années. Toujours selon l'administration pénitentiaire, 80 000 personnes pourraient être détenues en 2017 dans des prisons qui, à cet horizon, ne devraient disposer que de 64 000 places.

La situation des prisons françaises a, en outre, donné lieu à une appréciation sévère de M. Alvaro Gil-Robles, ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans le rapport sur le respect effectif des droits de l'homme en France, présenté en février 2006. Mais ce bilan ne tient pas suffisamment compte des améliorations apportées ces dernières années dans la modernisation des infrastructures pénitentiaires ou dans la prise en charge médicale. Ainsi, à Fleury-Mérogis, plus grande prison d'Europe, un programme immobilier de 340 millions, lancé en 2004, est en cours. Aujourd'hui, sont en voie de réalisation, la remise en état de trois cent cinquante cellules qui étaient insalubres et donc inoccupées de ce fait, la construction de trois bâtiments d'accueil des familles, la réhabilitation des réseaux électriques et du mess du personnel. Sont encore à rénover l'ensemble des autres hébergements et à construire un nouveau quartier de cent vingt places, dédié aux courtes peines, qui favorisera la réinsertion.

Il convient de poursuivre l'amélioration du parc pénitentiaire mais aussi d'aller plus loin. Parce qu'il est temps de porter un regard nouveau sur la prison, parce qu'iI convient de transcrire dans notre ordre juridique interne les règles pénitentiaires européennes, parce qu'il est temps d'accorder toute sa place à la réinsertion, parce qu'il faut mieux respecter les droits fondamentaux des détenus.

Une réforme profonde du système carcéral est donc nécessaire et urgente et c'est pourquoi nous nous félicitons de la discussion prochaine d'une grande loi pénitentiaire. Pour reprendre vos propos, madame la Ministre, « Ce qui est en jeu, ce sont, d'une part, la sécurité des Français et, d'autre part, la réinsertion des détenus. C'est l'affaire de tous, la fermeté n'exclut pas l'humanité ». Sachons protéger la société en ne laissant pas s'installer le sentiment d'impunité. Sachons prévenir, éduquer, sanctionner mais sachons aussi favoriser la réinsertion des plus vulnérables.

Au vu de ces quelques observations, mon groupe soutiendra ce texte qui garantit le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. (Applaudissements à droite et au centre).

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

M. Georges Othily. - Le 10 février 2000 était constituée la Commission d'enquête sénatoriale sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, je dois dire ma fierté d'avoir été l'un de ses membres tant les travaux de cette commission seront remarquables et remarqués par tous, tant pour la clarté du diagnostic sans concessions que pour l'audace des propositions. Le 29 juin 2000, son excellent rapporteur, le Président Guy-Pierre Cabanel faisait connaître son rapport, au titre on ne peut plus explicite : « Prisons : une humiliation pour la République » !

L'alarmant état des lieux dressé dans ce rapport, demeure d'actualité et permet de connaître le dramatique univers carcéral du pays des droits de l'Homme. Ce rapport Cabanel, qui fait honneur à notre Haute assemblée et fut un best-seller de notre littérature parlementaire, demeure encore sept ans plus tard une lecture obligée avant toute réforme sérieuse de notre système pénitentiaire. A la page 203 de son tome premier, j'ai pu lire ceci : « Le constat accablant dressé par votre commission d'enquête sur la situation des contrôles exercés sur l'administration pénitentiaire exige une réponse énergique et rapide » ; puis, « Il apparaît indispensable que la France se dote d'un organe de contrôle externe des établissements pénitentiaires, doté de très larges prérogatives et pouvant effectuer des visites très complètes des établissements Cet organe pourrait également servir de relais aux recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, dont les visites ne sont pas assez régulières pour qu'un véritable suivi puisse avoir lieu. Les rapports de cet organe de contrôle seraient soumis au Parlement ».

C'était la première fois qu'on évoquait dans notre pays la création d'un Contrôleur général. Démentant une fois de plus des préjugés qui ont la vie très dure, les sénateurs ont fait preuve « d'énergie et de rapidité » puisque le 26 avril 2001 ils adoptaient une proposition de loi déposée le 30 novembre 2000 par leurs collègues Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel et dont j'eus l'honneur d'être le rapporteur. Ce texte était relatif aux « conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons ». Mais, six ans après son adoption par notre Haute assemblée, ce texte est hélas toujours en attente d'examen sur le bureau de l'Assemblée nationale. On ne saurait imaginer un seul instant que cela s'explique par un manque d'énergie de nos collègues députés ...

La proposition de loi sénatoriale instituait un Contrôleur général des prisons « chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires », et qui disposerait de pouvoirs très étendus : droit de visite à tout moment dans les établissements pénitentiaires, droit d'accès à tous les locaux de ces établissements, droit de s'entretenir avec toute personne et d'obtenir toutes les informations nécessaires. En outre, le Contrôleur général pourrait proposer au Gouvernement toute modification législative ou réglementaire et établirait chaque année un rapport qui serait rendu public. Ce texte était donc très proche de votre projet de loi, madame le Garde des Sceaux, à ceci près que ce dernier étend opportunément ce contrôle à tous les lieux de privation de liberté.

A l'occasion de la Commission d'enquête 2000, j'ai pris la mesure des conditions de détention alarmante dans nos établissements pénitentiaires et, depuis, je n'ai cessé d'utiliser le droit, dont disposent désormais les parlementaires, de visiter à tout moment les prisons. Si l'on ajoute à cela que j'ai été rapporteur du budget de l'Administration pénitentiaire pendant six ans, mes nombreuses visites dans les lieux de détention m'ont permis de mesurer combien les choses ont trop peu évolué pendant toutes ces années. Pire! Mon expérience semble très proche de celle vécue entre 1974 et 1976 par la Secrétaire d'État à la condition pénitentiaire, Hélène Dorlhac et racontée dans son ouvrage d'une grande actualité Changer la prison, dans lequel elle évoquait son « voyage au bout de l'enfer ». Par exemple, je pourrais faire miennes ces lignes sur la surpopulation carcérale, génératrice de bien des risques pour le détenu comme pour la société : « Dans certaines cellules, écrivait Hélène Dorlhac, on trouve quatre ou cinq prisonniers au lieu d'un seul ; de cette promiscuité naît trop souvent la contagion de perversion. Surtout lorsque de nouveaux arrivants, souvent jeunes et délinquants primaires côtoient les vieux habitués des prisons. La prison reste encore une véritable « école du vice ». Une hiérarchie se crée, avec ses « caïds ». C'est l'exploitation des plus faibles par les plus rusés (...). La prison est un microcosme de notre société dont les tares sont exacerbées ». Et elle constatait que « l'on ne refait pas un être social dans un cadre asocial » avant de plaider en faveur d'une « humanisation de la prison qui ne saurait pour autant être synonyme de laxisme ».

Trente ans après, le 15 février 2006, était rendu public le rapport du Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe. C'est d'ailleurs sur la base de ce rapport et à l'initiative du président Jacques Pelletier que nous avions engagé ici, le 11 mai 2006, un excellent débat sur le sujet. D'après ce rapport, la plus grande atteinte aux Droits de l'Homme dans la République française reste, et de très loin, l'intolérable situation de nos prisons. Le constat du rapport Gil-Roblès de 2006 rejoint malheureusement les conclusions de celui de MM. Hyest et Cabanel en 2000.

A la lecture de ces rapports, il apparaît que l'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une excellente initiative et les amendements proposés par la commission des lois permettront de renforcer le statut, l'autorité et l'indépendance du Contrôleur. Je pense par exemple à la nomination par le Président de la République après consultation du Parlement ou encore à l'élargissement de la saisine aux autorités administratives indépendantes.

Reste que nous ne pourrons faire l'économie d'une grande loi pénitentiaire, si souvent repoussée faute de moyens et surtout faute de volonté politique. Il y va de la place des prisons dans notre société, comme jadis de celle de l'abolition de la peine de mort.

L'augmentation constante de la population carcérale n'a été compensée ni par la création d'établissements modernes dignes d'un État de droit, ni par le redéploiement des différentes catégories de détenus, ni par le développement des alternatives à l'emprisonnement. Comme le souligne l'Observatoire international des prisons (OIP), l'indignité des prisons françaises est essentiellement due au fait que les détenus sont privés de l'exercice de leurs droits les plus élémentaires : quid de I'arbitraire des commissions de discipline, de l'isolement de longue durée, de l'insuffisance drastique de l'offre de soins psychiatriques, de la quasi absence de dispositifs de réinsertion pour les détenus libérés ?

La construction de nouvelles prisons ne peut être qu'un préalable à une refonte totale de notre politique pénitentiaire et de notre dispositif judiciaire. Un détenu est volontairement retiré de la place publique pour protéger la société, mais cela ne lui ôte pas sa qualité de personne humaine, ni sa dignité. La préparation à la réinsertion rejoint le droit légal à la rédemption et à la réhabilitation de ceux qui ont enfreint les règles de la collectivité.

La France ne peut continuer à entretenir des établissements où se fabrique légalement la désocialisation des individus, où se renforce leur propension au crime. Les dispositifs alternatifs à la privation de liberté doivent être développés : bracelet électronique, mais aussi travaux d'intérêt général et aménagement des peines.

Le président Hyest évoquait déjà il y a six ans la transformation des prisons en asile. Les taux de pathologies psychiatriques en prison sont jusqu'à vingt fois supérieurs à ce qu'ils sont dans la population générale. Or, il n'existe que quelques centaines de places en Unités pour malades difficiles. L'amendement du rapporteur, qui prévoit d'étendre le champ du contrôle à l'ensemble des établissements psychiatriques, y compris ceux sous statut privé, est donc particulièrement bienvenu.

L'intervention du Médiateur de la République a été renforcée le 25 janvier dernier par la signature d'une convention avec le Garde des Sceaux pour généraliser l'intervention de ses délégués dans les établissements pénitentiaires, garantissant un meilleur accès au droit pour l'ensemble des détenus. En plaçant ainsi le Médiateur à l'écoute des personnes détenues, on facilite aussi leur réinsertion. Ce dispositif ne devrait-il pas être renforcé dans le projet de loi en gestation à la Chancellerie ?

Le grand chantier pénitentiaire s'ouvre à nouveau avec ce texte. Sous le contrôle du président de la commission des lois, je me permets de suggérer le nom du président Cabanel pour occuper le premier poste de Contrôleur général.

Ce texte est une première étape qui marque la volonté politique du gouvernement d'en finir avec une très grave humiliation pour notre République. Parce qu'« une société se juge à l'état de ses prisons », disait Camus, préparons au plus vite et tous ensemble, une grande loi pénitentiaire qui mette enfin nos actes en accord avec nos principes philosophiques et juridiques.

La grande majorité du groupe RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite et sur les bancs du RDSE)

Mme Éliane Assassi. - Il aura donc fallu attendre sept ans pour voir apparaître ce Contrôleur général des lieux de privation de liberté que nous appelons de nos voeux depuis longtemps. L'idée est née en 2000, après la publication de plusieurs rapports sur les conditions de détention, dont ceux des deux assemblées et celui de M. Canivet ; MM. Hyest et Cabanel ont déposé une proposition de loi, qui n'a malheureusement jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les sénateurs du groupe CRC n'ont jamais manqué une occasion de la reprendre sous forme d'amendement, mais sans succès.

Nous sommes donc favorables à instauration d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, conformément aux engagements pris par la France auprès de l'ONU en 2005 ; mais ce texte a minima ne saurait nous convenir, qui est en-deçà des propositions du rapport Canivet, de la proposition de loi de 2001, du protocole de 2002 signé par la France en 2005, de ce qui se fait chez nos voisins ou encore des attributions du Médiateur de la République.

Pour être efficace, le contrôle doit répondre à des critères aujourd'hui absents du texte. La nouvelle autorité doit être indépendante du pouvoir politique, incontestable et impartiale ; de cela elle tirera sa crédibilité et sa légitimité. Il importe que le contrôleur soit nommé, non par décret simple, mais par décret du Président de la République pris après avis des commissions compétentes du Parlement. C'est d'autant plus nécessaire qu'aucun critère de compétence, de qualification ou d'expérience ne figure dans le texte -alors que le protocole y fait expressément référence. La première personnalité qui sera nommée sera regardée avec beaucoup d'intérêt en France comme au-delà de nos frontières ; elle donnera incontestablement le ton.

La nouvelle autorité devra en outre être dotée des moyens humains, financiers et matériels à la hauteur de ses missions ; le projet n'apporte sur ce point aucune garantie. Elle doit avoir un budget propre, inscrit au programme « Coordination de l'action gouvernementale ». Elle doit pouvoir recruter des contrôleurs en nombre, spécialisés. Son champ de compétence doit être précisément défini et concerner tous les lieux de détention, y compris les centres de semi-liberté, les centres éducatifs fermés, les secteurs psychiatriques des établissements hospitaliers, les locaux de garde à vue, les centres de rétention administrative, les zones d'attente. La rédaction de l'article 6 exclut les cas de privation de liberté par les forces militaires ou de police françaises à l'étranger. Le contrôleur doit également pouvoir s'intéresser à l'État, à l'organisation et au fonctionnement de ces lieux, aux conditions de vie et de travail des détenus ; ses pouvoirs doivent être clairs en matière de visite, d'audition et d'investigation, d'accès aux dossiers, aux lieux, aux équipements. Il doit pouvoir procéder à des visites régulières, mais surtout inopinées ; les visites sans préavis ne peuvent être limitées aux seuls cas où des circonstances particulières l'exigent. Pour toutes ces raisons, nous proposerons de réécrire l'article 6.

Il doit également disposer de pouvoirs d'injonction à l'encontre des autorités publiques. L'administration compétente doit être tenue, dans un délai fixé par le Contrôleur général, de lui rendre compte de la suite donnée à ses observations et à ses recommandations. Celles-ci doivent être rendues publiques, tout comme ses avis, propositions ou rapports de visite. En cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, le Contrôleur doit pouvoir enjoindre à l'autorité mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Enfin, nous regrettons l'absence d'articulation prévue entre le Contrôleur et les instances internationales, comme le sous-comité de la prévention. Nous avons déposé un amendement en ce sens.

Du sort réservé à nos propositions dépendra notre vote final. Si le texte n'était modifié qu'à la marge, nous nous abstiendrions.

Ce texte, qui ne sera adopté définitivement qu'à l'automne, intervient alors que la situation des prisons françaises est catastrophique : surpopulation carcérale, allongement de la durée des peines, absence de grâce présidentielle, multiplication des gardes à vue... Sans parler de la situation dans le secteur de la psychiatrie ou dans les centres de rétention administrative. Je crains qu'il ne serve d'alibi au gouvernement pour poursuivre, voire amplifier sa politique sécuritaire tout en se donnant bonne conscience. C'est votre côté charitable : on multiplie les contrôles extérieurs, cela évite de poser les questions de fond. Et ce n'est pas la future loi pénitentiaire qui inversera cette tendance. Le Contrôleur général des prisons est une belle idée, mais si ce texte reste en l'état, je crains qu'il ne se révèle fort décevant. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Badinter. - En matière carcérale, je suis un pessimiste actif. Il y a cinquante-cinq ans que je me suis pour la première fois rendu à la maison d'arrêt de Fresnes, à mobylette. Cela fait trente-cinq ans que je n'ai pas cessé de lutter pour l'amélioration des conditions dans les prisons. Je n'ai pas le sentiment que ces efforts aient abouti. Il y a eu trop de rapports, internationaux et parlementaires, pour ne pas s'interroger sur la condition singulière du monde carcéral en France, en dépit des efforts des personnels pénitentiaires qui assument des fonctions très difficiles dans des conditions souvent pénibles, parfois dangereuses, dont la communauté nationale ne leur sait pas suffisamment gré.

Pourquoi ce pessimisme ? En 1998, l'Observatoire international des prisons demandait déjà la création d'un Contrôleur général des prisons, suivi de nombreux rapports parlementaires : celui de la commission Hyest, Une humiliation pour la République, puis celui de la commission Mermaz, à l'Assemblée nationale. À la demande de Mme Guigou, alors garde des Sceaux, le Premier président Canivet a déjà défini les conditions d'instauration d'une telle instance. Est-ce pour autant que les propositions de loi -celle de M. Hyest, votée à l'unanimité par le Sénat en 2001, ou celle de Mme Lebranchu, déposée en 2004- ont prospéré ? On trouve toujours du temps pour multiplier les lois sur la récidive, qui aggravent la surpopulation pénale, mais jamais pour la grande loi pénitentiaire que nous réclamons, et qui réglerait notamment la question du contrôle extérieur des lieux de détention.

Voilà que nous somme saisis, enfin ! au terme d'une longue attente et à la suite de rapports internationaux extrêmement critiques. Il existe depuis 1998 une déclaration du Parlement européen demandant à tous les États membres d'instaurer un tel contrôle. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a formulé la même demande en 2004. Si nous sommes saisis aujourd'hui, c'est que nous sommes tenus par nos obligations internationales : en 2004, nous avons enfin signé le protocole additionnel à la convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que nous devrons ratifier au cours du premier semestre 2008.

Enfin, après tant de demandes des magistrats, des avocats, de l'administration pénitentiaire elle-même, voilà que l'on crée un Contrôleur général, aux compétences étendues. Mais ce texte avance frileusement, trop frileusement. Quelles conditions pour qu'un tel contrôle soit efficace ? Indépendance de l'autorité administrative indépendante, pouvoir et saisine larges -nous y reviendrons. C'est à la mesure de ces exigences que nous saurons s'il s'agit là de la simple satisfaction formelle d'une exigence internationale, d'un trompe l'oeil, ou d'une réelle volonté politique d'instaurer un contrôle des lieux de détention.

Parmi ces conditions, il y a l'autorité de la personne qui assumera cette haute fonction. Le texte actuel ne formule pas d'exigence sur ce point. On pense que cela ira de soi, que le célèbre vers, « L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux », est dépassé. Je préfère pour ma part préciser, comme le fait la convention internationale, que le Contrôleur général sera choisi parmi des « personnalités de haute moralité, ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice ». Dès lors, cette personnalité étant nommée par décret du Président de la République - faute de quoi, nous aurions des problèmes de loi organique - ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Absolument.

M. Robert Badinter. - ...il est normal que soit recueilli l'avis des commissions des deux assemblées, afin que le Parlement participe à cette nomination, ce qui ne fait qu'anticiper la volonté proclamée du Président de la République. Nous souhaitons en outre que cette décision soit prise à la majorité des trois cinquièmes de la commission.

Il faut reconnaître au Contrôleur général des pouvoirs qui lui permettent d'assurer effectivement sa mission : c'est la mesure de la volonté politique.

Ensuite, le Contrôleur doit pouvoir se rendre à son gré dans les établissements, sans bien sûr adresser de préavis solennel digne du Revizor de Gogol ; il doit pouvoir s'entretenir librement avec qui il veut et avoir accès à tous les documents, sans jamais que le secret, de quelque nature que ce soit, puisse lui être opposé. Même le secret médical ne saurait être invoqué, y compris dans les établissements psychiatriques, car seul le dossier médical recueille les éléments propres à établir, donc à faire cesser, les violences envers les personnes. Le contrôle ne saurait être partiel ni contraint, car le Contrôleur doit garantir que les droits fondamentaux sont effectivement respectés.

Le Contrôleur, enfin, doit disposer des moyens d'effectuer son contrôle. Il n'y rien de plus hypocrite que d'installer des institutions sans leur donner les moyens de fonctionner, comme la CNIL. Il y a en France quelque 5 500 lieux à contrôler, si nous voulions confier au Contrôleur général des moyens équivalents à ceux de son confrère anglais, ce serait 60 à 80 contrôleurs qu'il faudrait lui associer. Madame le Garde des Sceaux, quel budget, dans ses grandes lignes, prévoyez-vous pour le Contrôleur général ?

Cette réforme ne suffirait pas à transformer la situation des établissements si on n'y ajoutait la grande loi pénitentiaire que nous espérons et que nous attendons. Et les conditions de détention ne seront pas dignes de notre pays aussi longtemps que trois impératifs ne seront pas respectés. Premièrement, la prison doit être l'ultime recours, plutôt que la première défense pénale, car nous savons tous qu'elle est, dans les conditions de surpeuplement qui sont les siennes, le foyer de la récidive, l'école du crime. Méfions-nous du tout carcéral, espérons que les magistrats résistent à la pression de l'opinion publique ! Deuxièmement, n'oublions jamais que le détenu demeure, même au fond de sa cellule, un être humain et un citoyen, qu'on a privé de sa liberté, voire de ses droits civiques, mais pas de tous ses autres droits fondamentaux. Ce sera précisément la tâche du Contrôleur que d'y veiller. Troisièmement, ne perdons jamais de vue, comme trop souvent, qu'on sort toujours de prison et le premier devoir de l'administration pénitentiaire est de préparer la réinsertion du prisonnier, qui regagnera un jour la société des hommes libres. Je souhaite de tout coeur que la loi pénitentiaire respecte ces trois impératifs : elle sera alors un grand progrès, après deux siècles où notre communauté nationale a entretenu avec la prison des relations singulières qui ne l'honorent guère ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-René Lecerf. - (Applaudissements à droite) Ce texte pas comme les autres s'insère dans une vaste ambition consistant à vouloir transformer les conditions de détention dans notre pays. Elle est ni de droite ni de gauche, nous l'approuvons tous : il y a urgence depuis 200 ans, selon la formule de notre rapport « Prison : une humiliation pour la République ». Nos concitoyens, déjà choqués par les livres comme celui de Véronique Vasseur, médecin chef à la prison de la Santé, ou encore celui du groupe de Mialet intitulé « Tous coupables », ont été bouleversés par les révélations de l'affaire d'Outreau, au point que la réforme de la justice soit devenue une ardente obligation. Cependant, elle n'a pas eu dans la dernière campagne présidentielle, la place qu'on aurait pu lui donner.

M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !

M. Jean-René Lecerf. - Déjà en 2001, M. Badinter, dans le débat sur la proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel, appelait à profiter de notre unanimité pour agir. La remarque vaut six ans après, mais nous remarquons cependant que l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous, comme si l'administration s'employait à retenir ses prérogatives, sans en confier aucune au Contrôleur.

M. Henri de Richemont. - Bravo !

M. Jean-René Lecerf. - La nomination en Conseil des ministres n'est peut-être pas compatible avec la loi organique, mais il paraîtra difficile d'expliquer que la nomination d'un Préfet ou d'un Recteur a plus de solennité que celle du Contrôleur. M. Sarkozy, dans sa campagne, déclarait que les nominations aux plus hautes fonctions devraient se faire sur des critères de compétences plutôt que de proximité avec les sphères du pouvoir, et que le Parlement pourrait y avoir un pouvoir de véto.

M. Henri de Richemont. - Très bien !

M. Jean-René Lecerf. - Pourquoi ne pas associer davantage le Parlement à la nomination du Contrôleur ? Ce serait renforcer son autorité morale. J'ai déposé un amendement dans ce sens, mais je me rallierai volontiers à celui de la commission, qui va dans le même sens. L'administration déploie un luxe de précautions pour entourer les pouvoirs confiés au Contrôleur, comme pour limiter son pouvoir. Mais quelle sera son utilité si son pouvoir d'information et d'accès aux prisonniers est limité ?

M. Henri de Richemont. - Exactement !

M. Jean-René Lecerf. - Nous ne légiférons pas pour satisfaire formellement au protocole de juillet 2005 contre la torture, ni pour nous donner bonne conscience, mais bien pour transformer les conditions de détention dans notre pays, pour que ce qui était hier une humiliation pour la République devienne digne de la patrie des Droits de l'Homme! (Applaudissements à droite)

Un pouvoir d'injonction, lorsque l'urgence se mêle à la gravité, lorsque la vie d'une personne est en jeu, ne serait pas naturel ? (« Absolument ! » sur les bancs socialistes). Il n'y a aucune défiance envers l'administration qui ne peut intervenir si elle n'a pas les informations ! Or on déplore un manque de communication entre les services médico-psychiatriques et le personnel pénitentiaire. Va-t-on priver le contrôleur de pouvoir demander un encellulement individuel immédiat, au risque d'un drame dont l'actualité des prisons n'est pas avare ?

Faut-il attribuer au Médiateur un contrôle extérieur et indépendant ? J'y étais favorable lorsque le précédent gouvernement l'annonçait, je n'ai pas changé d'avis. Cette institution a acquis une légitimité et une connaissance de l'univers carcéral, et dispose déjà de pouvoirs importants. Il serait bon également d'éviter la dispersion des crédits publics : 5 788 lieux à visiter, a dit Mme la ministre ; cela exige des moyens ! Je déplore aussi la multiplication des autorités administratives indépendantes, « objet juridique non identifié » selon notre collègue Gélard, qui recommande de faire précéder toute nouvelle création par une évaluation...

M. Louis de Broissia. - Bravo !

M. Jean-René Lecerf. - Il y a cependant des objections, comme la nécessité de séparer fonctions de médiation et de contrôle, ou le statut même du Médiateur. Si sa mission portait aussi sur le respect des droits de l'homme, s'il accédait aux compétences pleines et entières d'un Ombudsman, alors le débat serait différent. On pourrait envisager un regroupement des autorités telles que le Défenseur des enfants, la HALDE, la commission nationale de déontologie de la sécurité, ce qui éviterait les risques de téléscopage et de confusion induits par des compétences enchevêtrées.

Notre sujet d'aujourd'hui est particulièrement sensible. La loi pénitentiaire, à l'automne prochain, devra selon moi procéder à une rupture qualitative avec le passé en redéfinissant le sens de la peine et les missions du personnel carcéral. Comme le disait le président Larché lors des débats d'avril 2001, chaque fois que l'on donne de l'espoir aux détenus, on facilite le travail des surveillants.

En 2001, il y eut un large consensus ; j'espère qu'aujourd'hui nous pourrons faire aussi bien et je me réjouis de travailler avec vous, madame le garde des Sceaux, à améliorer ce texte qui procède à une réforme essentielle. (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Charles Gautier. - Un consensus se dégage sur la nécessité de créer une autorité indépendante pour contrôler les lieux de détention. Je me félicite que Mme la ministre ait réussi à inscrire ce texte attendu à l'ordre du jour de nos travaux. Mais il est dommage que ce soit sous la poussée des organismes internationaux que la France concrétise ce projet : la patrie des droits de l'homme apparaît à la traîne de ses partenaires et de l'histoire...Elle a découvert récemment les conditions déplorables de détention dans ses prisons et je salue le patient et remarquable travail de l'Observatoire international des prisons. Mais pourquoi séparer cette question de l'ensemble du futur texte pénitentiaire ?

Les initiatives parlementaires ont été nombreuses depuis 2001 ; aucune n'a abouti ; des personnalités devenues ministres avaient dénoncé les conditions de vie en prison et vous ne pouviez plus demeurer insensible à cette question. En revanche les solutions que vous proposez ne font pas consensus.

Aujourd'hui, de nombreux organismes comptent parmi leurs prérogatives la visite et le contrôle des lieux de privation de liberté. Mais leur action est souvent inefficace et l'administration, muette. Les autorités judiciaires et les parlementaires peuvent faire des visites inopinées ; mais pour quels résultats ? Je l'ai constaté dans mon département, nous avons là une possibilité de nous informer, guère d'agir !

Vous créez une autorité indépendante qui pourra être saisie par les parlementaires, les particuliers, les associations. Quid des détenus qui voudront faire cette démarche ? Il n'est pas facile de critiquer une administration dont on dépend à ce point dans sa vie quotidienne. Je reprends aussi une critique que l'on a pu adresser à votre texte sur la récidive : où sont les moyens ? Les assistants ont des pouvoirs mal définis ; seul le Contrôleur général pourra visiter des lieux...qui ne sont pas énumérés ; des quelque six mille qu'il aura sous son contrôle, certains ne seront jamais visités.

Surtout, l'administration devra être avisée avant la visite. Pourquoi ?

Mme Bariza Khiari. - Le temps de faire le ménage !

M. Charles Gautier. - Les pouvoirs du Contrôleur général sont finalement limités. J'insiste sur l'importance des assistants, dont il faudra bien préciser fonctions et attributions. Vous n'avez hélas pas repris la recommandation de M. Canivet, un système dans lequel le premier niveau est constitué de citoyens bénévoles, intermédiaires locaux entre détenus et administration. Mme la ministre vante le modèle britannique. Que ne s'en est-elle inspirée, il compte quarante contrôleurs pour les seules prisons !

Ce texte a le mérite d'exister mais il est bien en retrait par rapport aux attentes. Nombre d'articles se bornent à énoncer tout ce qui peut limiter ou entraver l'action du contrôleur général.

M. Robert Bret. - Exactement !

M. Charles Gautier. - La nomination par simple décret crée une dépendance possible à l'égard du pouvoir en place, et contredit les positions du candidat à l'élection présidentielle, qui insistait sur la validation par le Parlement.

Le titulaire de ces nouvelles fonctions devra être une personnalité reconnue pour son action en faveur des droits de l'homme et le combat pour la dignité des détenus. La première désignation sera un test de votre volonté à donner tout son poids à la nouvelle institution. La crédibilité de votre démarche en dépend.

Ce texte omet tout ce qui figurait dans les propositions de loi. Je songe notamment aux rapports avec le procureur de la République.

Le Contrôleur général n'a de liens qu'avec les ministres et ne leur formule que des avis. Tout dépend donc du ministre concerné et de son attention au sort des détenus.

J'insiste enfin sur l'impérieuse nécessité de voir les moyens suivre, et nous attendons que vous nous rassuriez sur ce point, madame la ministre, car sans moyens, le Contrôleur général ne sera pas capable de changer un tant soit peu les conditions de vie déplorables dans les lieux de privation de liberté. Sans moyens, ce projet de loi restera un acte quelconque de plus, sans conséquence réelle. Notre groupe restera donc attentif aux réponses que vous apporterez à l'ensemble des questions que nous avons soulevées, ainsi qu'au sort qui sera réservé aux amendements que nous proposons. Nous attendons donc une très nette clarification. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous accueillons avec satisfaction les efforts affichés par le gouvernement pour permettre à la France de mettre son système juridique en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection des droits humains.

Si la session extraordinaire s'est ouverte sur la ratification de nombreux textes d'une très grande importance en la matière, iI faut cependant noter que la France n'a pas encore ratifié le protocole facultatif à la Convention des Nations-Unies contre la torture.

Pourquoi une telle réticence ? Le système juridique français est-il à ce point incompatible avec les engagements internationaux de la France ?

Ce protocole oblige la France à créer une autorité indépendante de contrôle des lieux de privation de liberté. Tel est, justement, l'objet de ce projet de loi...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Eh oui !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - C'est donc qu'il n'existe pas d'obstacle juridique à la ratification de ce protocole ! Pourtant, il ne figure pas à l'ordre du jour... Il me semble que le gouvernement n'entend pas se conformer exactement au protocole. Le Contrôleur qu'il crée n'est qu'une pâle représentation de ce que la communauté internationale attend de lui en la matière. Ne faisons donc pas preuve d'angélisme ni d'une satisfaction exagérée !

La véritable question est de savoir si un Contrôleur d'apparat est mis en place en France, ou si un véritable contrôle des lieux de privation de liberté, efficace, indépendant, est exercé.

Le projet de loi que vous nous proposez est minimaliste : il reprend le principe d'un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté, mais rien de plus.

Instituer un contrôleur ne sert à rien, si vous ne lui donnez pas les moyens juridiques, matériels et humains de mener à bien sa mission de contrôle et de surveillance, si ses pouvoirs n'excèdent pas ceux des parlementaires ou ceux de la commission nationale de déontologie de la sécurité.

On n'envoie pas un pompier éteindre un incendie avec un seau d'eau !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Dans certains cas, si !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Un véritable contrôle des lieux de privation de liberté doit s'étendre aux conditions de vie, au respect de la dignité des personnes privées de liberté, à leurs perspectives d'emploi et de réinsertion. Il ne s'agit pas de créer une énième autorité, venant ajouter son nom à la longue liste de celles déjà nombreuses compétentes en la matière.

Un seul contrôleur doté de larges pouvoirs d'injonction vaut mieux qu'une juxtaposition de contrôleurs dont les pouvoirs sont limités. Votre texte ne crée pas les conditions nécessaires à la mise en oeuvre d'un contrôle efficace et effectif des lieux de privation de liberté. II suffit de le comparer avec les règles internationales en la matière.

Le contrôle, pour être efficace et probant, doit pouvoir se faire de manière spontanée et impromptue.

En vertu du protocole facultatif, les États autorisent des visites régulières et sans accord préalable des autorités responsables. Cette possibilité de visiter les lieux sans préavis est la garantie fondamentale que les autorités ne pourront se soustraire à leurs responsabilités et se défendre de leurs carences.

Sur place et sur pièce, le Contrôleur pourra témoigner des dysfonctionnements d'un établissement.

Avertir les autorités, c'est leur donner la possibilité de camoufler leurs propres carences et leurs propres négligences.

Évitons au Contrôleur général de subir les odeurs de peintures fraîchement refaites pour les soins de sa visite !

Donnons-lui la possibilité de connaître la réalité des conditions de privation de liberté, pas un simulacre arrangé par les autorités avisées au préalable !

Pourquoi nous, parlementaires, disposons-nous du droit de visiter sans préavis les lieux de privation de liberté et le refusez-vous au Contrôleur général ?

Si vous souhaitez mettre un terme, comme le souligne M. le président Hyest dans son rapport, à un « contrôlé dispersé et insuffisant », il faut que le Contrôleur général dispose de compétences supplémentaires à celles des parlementaires, de la commission nationale de déontologie de la sécurité, et de tant d'autres autorités.

Votre projet de loi n'unifie pas les contrôles existants : ils tirent leur efficacité vers le bas. La force d'un Contrôleur général, c'est son indépendance. Ses compétences sont liées, dans tous les champs de son action : il ne peut pas librement visiter les lieux de manière inopinée et sans déposer de préavis ; il ne peut librement visiter ces lieux sans se voir opposer un refus fondé sur des considérations absurdes telles que « les troubles sérieux dans l'établissement », alors que c'est à ce moment précis que sa visite serait particulièrement utile ; il ne peut pas librement publier ses avis ni les réponses des autorités ; il ne peut pas alerter le procureur de la République des faits dont il pourrait prendre connaissance ; il ne pourra même pas présenter ses conclusions au cours d'une procédure judiciaire ayant un rapport avec les faits qu'il aura pu constater.

Ainsi muselé, le Contrôleur général ne sera plus qu'une chambre d'enregistrement des doléances, et ses conclusions ne seront qu'une compilation d'avis et de propositions sans effet obligatoire.

Votre projet de loi institue une autorité consultative, pas une autorité indépendante ayant des pouvoirs d'injonction.

Avec ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, nous avons saisi en juin 2006 la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) pour cinq affaires concernant les conditions de détention dans le centre pénitentiaire de Liancourt.

La commission a décidé, le 16 janvier 2007, de saisir le procureur de la République de ces faits.

Les droits des parlementaires, combinés avec ceux de la CNDS, sont bien plus efficaces que le système que vous souhaitez mettre en place.

De deux choses l'une : soit le contrôle indépendant que vous souhaitez mettre en place est supérieur en qualité et en effectivité à ceux déjà existants, soit cette institution est un leurre, une mesure d'affichage politique, incomplète et biaisée par rapport aux engagements internationaux de la France.

Nous avons déposé plusieurs amendements qui visent à donner au Contrôleur général la place qu'il mérite : un droit de visite large, sans restrictions absurdes ; un droit de publication de ses avis et des réponses des autorités sans autorisation préalable ; un droit de saisine du procureur de la République ; un droit d'intervention dans une procédure judiciaire, en qualité d'amicus curiae, afin d'éclairer les juges.

C'est à ce prix, que le Contrôleur général pourra exercer un contrôle indépendant et conforme au principe du respect de la dignité des personnes privées de liberté, au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

La privation de liberté ne prive que de liberté. L'égalité des droits doit toujours prévaloir. (Applaudissements à gauche)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Comme l'ont justement souligné le président Hyest et M. Béteille, le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, a accompli un travail remarquable de médiation dans les prisons, qui permet d'enrichir nos propres travaux sur la nécessaire création d'un contrôleur indépendant. Rattacher la fonction de médiation à l'institution de contrôle introduirait une confusion des missions.

J'ai bien noté votre souhait, monsieur le président Hyest, d'un contrôle judiciaire plus efficace sur les activités des prisons : je le rappellerai aux chefs de cour, en précisant que ce n'est pas seulement mon souhait, mais aussi celui de votre Haute assemblée.

Le dispositif que je vous soumets reprend celui de la proposition de loi du 26 avril 2001, que vous avez adoptée à l'unanimité, en instituant une mission de contrôle indépendante et spécifique.

Sur la question des moyens, vous serez amenés à examiner le budget de cette institution, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008. Nous prévoyons de la doter de 18 emplois et de 2,5 millions d'euros de crédits. Ceux-ci pourront bien sûr augmenter au cours des années suivantes en fonction de la charge de travail effectif du contrôleur. Je rappelle que le Contrôleur anglais, que nous avons évoqué, a commencé avec six personnes, pour une population carcérale bien supérieure à la nôtre, de l'ordre de 90 000 détenus à l'époque. Le budget du Contrôleur sera supérieur à celui du défenseur des enfants, qui s'élève à 1,8 millions d'euros, et supérieur de plus d'un quart à celui du Médiateur, qui s'élève à 1,5 millions d'euros, cette dernière institution instruisant, je le rappelle, plusieurs millions de demandes individuelles.

Vous m'avez interrogée sur l'avenir de la commission nationale de contrôle des centres de rétention administrative et des zones d'attente, présidée par un magistrat de la Cour de Cassation, et qui exerce un contrôle d'une grande efficacité. Ce projet de loi ne prévoit ni n'implique sa suppression. Mais le gouvernement ne trouve ni utile ni souhaitable que coexistent plusieurs instances de contrôle jouant le même rôle. À terme, elle devrait donc être supprimée.

M. Detraigne a exprimé des craintes sur les pouvoirs du contrôleur et sur la possibilité de visites inopinées. Il est vrai que le texte prévoit des visites programmées, qui présentent l'avantage d'être plus approfondies. Ainsi, le contrôleur anglais a mis en place ce type de visite, pour permettre d'améliorer et d'approfondir le travail de rédaction des recommandations.

Mais le texte prévoit des visites inopinées dans des circonstances particulières, en cas de plaintes ou de dénonciations par exemple. Ainsi, le champ de ces visites inopinées sera très large.

Vous m'interrogez sur les « personnes morales dont l'objet est la défense des droits fondamentaux ». Il me paraît normal que les associations de défense des droits de l'Homme puissent saisir le Contrôleur.

Monsieur Othily, la discussion de la loi pénitentiaire donnera l'occasion d'aborder tous les problèmes : aménagement des peines, régime de la détention etc., et d'évoquer le rôle des délégués du Médiateur.

Mme Assassi souhaite que le Contrôleur dispose d'un pouvoir d'injonction. Il exercera une magistrature morale et sera un aiguillon pour les administrations concernées. Mais lui donner un pouvoir d'injonction, ce serait empiéter sur les prérogatives de l'autorité judiciaire et aller contre la séparation des pouvoirs

Il est vrai, monsieur Badinter, que le processus de nomination n'intègre pas encore le Parlement. C'est que la commission Balladur y réfléchit et que nous ne voulons pas préjuger ses conclusions.

M. Jean-Pierre Sueur. - C'est dommage. Le pouvoir du Parlement n'a pas à dépendre d'une telle commission.

M. Patrice Gélard. - Qui n'est d'ailleurs qu'un « comité » !

M. le Président. - Où M. Sueur compte beaucoup d'amis. (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La règle du secret doit s'appliquer dans de nombreux cas, monsieur Lecerf, mais certes pas tous, loin de là : dans la grande majorité des contrôles, elle ne sera pas opposable.

M. Charles Gautier s'est inquiété des pouvoirs des contrôleurs. Toutes garanties seront apportées dans le décret.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez appelé à une ratification du protocole facultatif : c'est l'objet de ce projet de loi d'offrir un cadre juridique adapté à sa ratification. (Applaudissements à droite et au centre)

Conseil de l'Europe et UEO

M. le Président. - M. Jean-Léonce Dupont supervisera le vote pour l'élection de deux membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale ; les scrutateurs titulaires seront MM. Robert Bret et Jacques Gautier ; le scrutateur suppléant M. Pierre Bordier.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Suite)

Renvoi en commission

M. le Président. - Motion n°59, présentée par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a  lieu de renvoyer à la Commissions des lois le projet de  loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 371, 2006-2007).

M. Louis Mermaz. - La mise en place d'un contrôle indépendant des lieux de privation de liberté répond à une exigence internationale prévue par le protocole facultatif à la Convention des Nations unies du 18 décembre 2002, signé par la France le 16 septembre 2005, qu'elle s'est engagée à ratifier avant la fin du premier semestre 2008, alors que le protocole est en vigueur depuis juin 2006. Cette mesure avait été annoncée dès 1999, à la suite du rapport de la commission Canivet de juillet 1999 et des rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, portant sur la situation dans les prisons. Le Sénat avait ouvert la voie en adoptant en 2001 une proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel. Puis plus rien, jusqu'à la fin de la législature qui s'est achevée au printemps 2002 ni tout au long de celle qui s'est étendue de 2002 à 2007.

A l'examen du présent projet de loi et des amendements votés par la commission des lois une question se pose : la création, telle que prévue, d'un contrôle général des prisons permettra-t-elle vraiment d'alerter l'opinion, les pouvoir publics, le gouvernement ? Aura-t-elle des conséquences sur l'évolution de la politique pénale en France, sur les moyens mis à la disposition des ministères de la Justice et de l'Intérieur ? Encore faut-il que le contrôleur général, tel qu'il nous est proposé, dispose de moyens réels. Voyons de quoi il retourne.

Notre commission, se souvenant de la proposition de loi adoptée en 2001, s'est sentie obligée de remédier -en partie seulement, hélas !- aux carences, aux insuffisances et aux ambiguïtés du projet gouvernemental. Elle n'a cependant accompli qu'une partie du chemin indispensable pour assurer l'indépendance et l'efficacité de ce contrôle général.

L'examen des amendements de l'opposition n'ouvrant la plupart du temps aucun espace, ni à la confrontation des points de vue, ni au dialogue, se concluant par des réponses mécaniques, trop souvent du rapporteur et toujours du gouvernement, il nous semblerait judicieux de voter la présente motion de renvoi en commission. Cela aurait l'avantage de permettre dans un climat, souhaitons-le apaisé, de doter la France d'un véritable contrôle général conforme à ses engagements internationaux. Le Sénat s'honorerait en ouvrant ainsi la voie à un autre regard des pouvoirs publics et de l'opinion sur les libertés, trop souvent bafouées hypocritement, malgré d'innombrables professions de foi non suivies d'effet.

Si ce projet de loi a été amendé par la commission des lois, il l'a été trop timidement, même si c'est dans le bon sens. Nous apprécions ainsi le voeu, même s'il ne s'agit que d'un voeu, que le choix de la première personnalité appelée à exercer de telles fonctions asseye le magistère moral de cette autorité. Attendons pour voir.

Nous déplorons que le projet de loi, tel qu'il nous arrive de la commission des lois, ne soit pas accompagné d'une étude d'impact. Est-ce parce que le gouvernement et sa majorité répugnent à voir dresser le tableau de la situation provoquée par les lois répressives Perben et Sarkozy ? D'aucuns prévoient 80 000 emprisonnements dans dix ans...

Une étude d'impact aurait également permis d'apprécier la situation faite aux immigrés dits en situation irrégulière dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative, situation qui s'est aggravée avec le démantèlement du droit d'asile à la suite du vote de la loi du 10 décembre 2003.

Pourquoi ne pas reprendre les dispositions de la proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel, adoptée ici même en 2001, et les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions pénitentiaires ? Nous ne pouvons nous satisfaire de la procédure de nomination du Contrôleur général. Le gouvernement aurait-il déjà oublié l'engagement du Président de la République d'associer pleinement le Parlement à la nomination des membres des autorités indépendantes ? On nous objecte qu'un comité Théodule est chargé d'y réfléchir mais il est temps de rompre avec le type de nomination de tant d'organismes et de conseils dont les prétendues prérogatives empiètent sur les droits de la représentation nationale. Nous avons aujourd'hui l'occasion de mettre un terme à cet abaissement du Parlement en faisant preuve d'un minimum de responsabilité et d'audace.

Puisque le Contrôleur général devra s'occuper de 5 500 lieux privatifs de liberté, nous ne pouvons nous satisfaire du flou qui entoure la nomination et les pouvoirs de ses assistants. Pourquoi pas une spécialisation des contrôleurs et un rôle de coordination dévolu au Contrôleur général?

Vous passez sous silence la question du contrôle des lieux de détention français situés à l'étranger.

Et surtout, vous dotez le Contrôleur général de pouvoirs réduits quand il faudrait lui accorder un droit de visite illimité comme celui dont jouissent les parlementaires, lui permettre d'entendre toute personne intervenant dans un centre privatif de liberté et de rencontrer tout détenu en faisant la demande et ne pas restreindre ses pouvoirs d'investigation. Sur ce dernier point, la commission s'est bornée à supprimer la référence à la sécurité des lieux. Or toutes les restrictions prévues par le texte, du secret de la défense nationale à la sûreté de l'État, entraveront de manière arbitraire et insupportable un Contrôleur général qui est déjà tenu au secret professionnel.

Enfin, pour éviter que les rapports de cette autorité indépendante garnissent les rayonnages des ministères sans entraîner de suite, le ministre de la justice, une fois informé, doit être tenu d'y répondre et le Contrôleur général doit rendre publiques, au-delà de recommandations et de propositions, des injonctions lorsqu'il y a atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Bref, si nous voulons conférer au contrôleur général le statut et les moyens qui lui permettront d'agir, et non faire semblant, la commission doit se remettre immédiatement au travail en s'inspirant de la proposition de loi de MM. Hyest et Cabanel et en tenant compte des engagements pris par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. De toute façon, pour que ce texte soit mis en oeuvre, nous devrons adopter une loi pénitentiaire, sans quoi les ministères de la justice et de l'intérieur n'auront pas les moyens de faire face à leurs obligations. Ce devrait être l'objet de nos travaux cet automne. En attendant, créer un véritable contrôleur général des lieux privatifs de liberté, ce sera déjà s'engager sur la voie de la réforme ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Monsieur Mermaz, je vais tenter de ne pas répondre de manière trop mécanique (Sourires) ...à cette critique quelque peu systématique. Pourquoi renvoyer le texte en commission quand le Sénat a l'expérience de la commission d'enquête ? Nous avons déjà attendu trop longtemps, notamment parce que votre majorité s'est montrée très prudente... Qui a adopté la loi d'orientation et de programmation pour la justice et a amélioré les conditions de détention et construit des établissements pénitentiaires pour les mineurs ? C'est nous ! (M. Gournac approuve.) Certes, c'est insuffisant. D'où le texte pénitentiaire que nous examinerons cet automne qui, madame le Garde des sceaux, devra être une nouvelle loi de programmation. Les nombreux travaux que le Sénat a consacrés à la question, la trentaine d'auditions organisées par la commission des lois, le niveau de connaissance de chacun des intervenants prouvent que le renvoi en commission n'est pas utile. D'autant que le Sénat a adopté une proposition de loi qui allait dans le même sens en 2001...

M. Alain Gournac. - Nous sommes cohérents !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Compte tenu de l'urgence, l'heure n'est plus à la délibération. Avis défavorable. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, la motion n°59 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 119
Contre 198

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 heures.

Allocution de M. le Président du Sénat

M. le président. - Nous voici arrivés dans la dernière ligne droite de la soixante-huitième session extraordinaire, la première de cette treizième législature. Au terme de cette période riche et enlevée, nous pouvons être légitimement fiers de la manière dont notre Assemblée a réagi aux événements avec les vertus qu'elle puise dans sa continuité et dans son travail (Très bien ! à droite). Qu'on en juge : pour la troisième fois depuis 1958, le Premier ministre est issu de nos rangs. Trois de nos collègues ont également été appelés à siéger au banc du gouvernement, M. Karoutchi, (Vifs applaudissements sur les bancs de l'UMP) Mme Létard (nouveaux applaudissements à droite et au centre) et M. Bockel...

M. Éric Doligé. - La gauche n'applaudit pas ? (M. de Broissia le confirme)

M. le président. - Je ne résiste pas au plaisir de rappeler que le Gouvernement compte également parmi ses secrétaires d'Etat une de nos jeunes administratrices, Mme Rama Yade, que nous avions eu raison de choisir en son temps ! (Applaudissements à droite et au centre) Deux anciens sénateurs, MM. Darcos et Barnier siègent aussi au gouvernement..

Malgré les consultations électorales du printemps, le Sénat a pleinement joué son rôle particulier au sein du Parlement : entre la fin de nos travaux en séance publique en février et le 19 juin, dernier jour de la précédente législature, tous les projets de loi, soit au total trente-sept textes, ont été déposés chez nous.

Dès l'élection de la nouvelle Assemblée nationale, j'ai rappelé au président Accoyer que trente-trois propositions de loi adoptées par le Sénat restaient à examiner par les députés.

Voix à droite - Au boulot ! (Sourires)

M. le président. - En se réunissant dès le premier jour de la nouvelle législature, la Conférence des Présidents nous a permis de siéger pendant que l'Assemblée nationale élisait son bureau et constituait ses commissions. Et le tout premier projet de loi de cette treizième législature, déposé au Sénat et examiné le 27 juin, visait précisément à accroître les pouvoirs du Parlement en créant une délégation parlementaire au renseignement.

Nous nous sommes prononcés, en vertu de l'article 49 alinéa 4 de la Constitution, pour la quinzième fois depuis le début de la Ve République, sur une déclaration de politique générale du Gouvernement spécifique au Sénat suivie d'un vote. Puis nous avons eu deux débats déterminants pour le suivi de l'action du Gouvernement : le 4 juillet sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin, et le 24 juillet dernier, le débat d'orientation budgétaire.

Sur les sept projets de loi hors conventions internationales inscrits à l'ordre du jour de nos travaux pour cette session extraordinaire, cinq ont d'abord été déposés sur le bureau du Sénat.

M. Jacques Valade. - Très bien !

M. le président. - Mais cette session extraordinaire n'aura pas seulement été consacrée à la traduction législative des réformes annoncées par le chef de l'Etat : notre programme de travail porte la marque de notre action tenace, patiente et continue en matière de contrôle.

L'interruption de la session, de février à juin, nous avait rappelé que les commissions, délégations et offices sont le lieu naturel de cet aspect essentiel du travail parlementaire, où s'exprime dans toute sa plénitude le nécessaire dialogue entre majorité et opposition qui constitue en quelque sorte la spécificité de notre Assemblée. Le contrôle de l'action du gouvernement est bien la seconde nature de notre Sénat.

Nos commissions, délégations et offices ont alors tenu quelque soixante dix-sept réunions, pour une durée globale d'environ 180 heures, et elles ont procédé à plus de cent auditions. Qui dit mieux ?

Sur plusieurs bancs - Personne !

M. le président. - Ces travaux alimentent aussi nos discussions législatives. Les récents débats européens confirment la nécessaire complémentarité entre la séance plénière et les travaux des commissions.

Le 6 mars et le 20 juin, la Délégation pour l'Union européenne a organisé deux réunions qui, dans l'esprit de la séance publique, ont permis que se tiennent deux débats préalables aux Conseils européens de mars et de juin. Sans cette initiative, aucun débat de ce type n'aurait eu lieu pendant la présidence allemande. Le Sénat a pu ainsi marquer sa présence dans le concert européen, avant le débat qui s'est tenu, en séance publique, le 4 juillet, pour tirer les conséquences du Conseil européen.

Autre illustration, elle aussi très éclairante, de cette complémentarité entre le « petit hémicycle » des salles Clemenceau ou Médicis et cette salle des séances publiques : l'examen du projet de loi de règlement a donné lieu à neuf auditions ministérielles organisées par la commission des finances élargie, et deux débats organisés en séance publique.

Fort de ces précédents réussis, il nous appartient de trouver, de manière pragmatique, le meilleur équilibre possible entre la spontanéité des travaux en commission et la solennité de la séance publique.

En cette fin de session extraordinaire, je crois que nous avons tous exercé la plénitude de notre mandat dans un esprit de compréhension mutuelle face à un Gouvernement qui nous a imposé des délais sans doute trop brefs. Mais, dans les circonstances politiques d'un début de législature, pouvait-il en être autrement ?

M. Bernard Frimat. - Oui !

M. le président. - Se retrouver en première ligne de l'élaboration de réformes qui engagent l'avenir de la France impose aussi au Sénat des devoirs supplémentaires. Etre saisis en premiers de réformes essentielles nous place au coeur de l'actualité, sous les feux des médias.

M. Charles Pasqua. - Absolument !

M. le président. - Raison de plus de veiller à une présence soutenue dans l'hémicycle (Mouvements divers) car, si les heures que nous y passons représentent qu'une petite partie de notre travail collectif, elles en sont la partie la plus visible et comme la vitrine. N'oublions pas que chacun d'entre nous est comptable de l'image que nous donnons de notre institution. (Applaudissement sur les bancs de l'UMP)

A l'heure où s'engage une nouvelle réflexion sur la modernisation de la vie publique, nous avons démontré le rôle essentiel du Sénat dans l'équilibre de nos institutions, pour peu que nous restions fidèles à cette identité sénatoriale qui est le meilleur gage de la qualité de nos travaux. Le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite, comme le recommandait Jules Ferry...

M. Henri de Raincourt. - Il était des Vosges. (Sourires)

M. le président. - Le bicamérisme à la française a fait ses preuves. C'est dans la rénovation du travail parlementaire et dans l'amélioration du fonctionnement interne des assemblées que nous trouverons les meilleures bases du rééquilibrage souhaité de nos institutions.

Assemblée parlementaire à part entière...

Voix à droite- Jusques à quand ?

M. le président. - Le Sénat a déjà démontré sa capacité à s'auto-réformer - une qualité qui n'est pas si fréquente...

La réduction de la durée du mandat des sénateurs ou la large place faite au de scrutin proportionnel ont déjà illustré notre souci permanent d'adaptation aux préoccupations de nos concitoyens. Nous avons aussi, je crois, été les premiers à réfléchir sur la modernisation du travail parlementaire. Notre Conférence des Présidents s'est ainsi régulièrement réunie à mon initiative, depuis le début de l'année 2006, pour faire évoluer les conditions du travail sénatorial, dans le dialogue et le respect des sensibilités de chacun. Ainsi, une nouvelle fois, nous serons prêts.

En attendant, une session extraordinaire peut en cacher une autre ! Il semble que nous soyons appelés à nous retrouver dès la mi-septembre, pour aborder l'examen de nouvelles réformes. Pour l'heure, je vous invite à prendre, ainsi que nos personnels -auxquels je tiens à rendre hommage pour leurs compétences et leur disponibilité (applaudissements)- un repos bien mérité, après tant d'évènements politiques et une session extraordinaire bien remplie. Mes chers collègues, bon mois d'août ! (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs à gauche).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Au nom du gouvernement, je veux remercier le Sénat pour la qualité du travail accompli depuis un peu plus d'un mois. Ici, dans un débat démocratique, un grand nombre de textes ont été adoptés. Il est vrai que -session extraordinaire oblige- les délais ont parfois été un peu courts et je remercie les présidents de commission et les rapporteurs de les avoir acceptés. Quel travail considérable accompli en cinq semaines ! Délégation au renseignement, débat sur l'Europe, loi de règlement, débat d'orientation budgétaire, textes sur la récidive, sur les universités, sur le service minimum, sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat ....

M. Jean-Pierre Sueur. - Et sur l'injustice sociale !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - ...texte, enfin, sur le Contrôleur général des prisons. Sur tous ces sujets, nous avons eu des débats de fond où majorité et opposition ont pu s'exprimer, dans le respect des uns et des autres, avant que le vote ne tranche. C'est la démocratie et c'est très bien ainsi.

Nous allons effectivement avoir une autre session extraordinaire à partir du 18 septembre : textes relatifs à l'immigration, à la contrefaçon, à la Convention de Londres sur les brevets, retour du projet de loi sur la Délégation aux renseignements et, peut-être, deuxième lecture du texte sur le Contrôleur général des prisons.

Le gouvernement remercie le Sénat dans toutes ses composantes pour la qualité et l'ampleur du travail qu'il a accompli et qui donne une très bonne image du Parlement. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur plusieurs bancs socialistes).

M. le président. - Merci de ces compliments auxquels nous sommes très sensibles.

Conseil de l'Europe et UEO (Ouverture du scrutin)

M. le président. - L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection de deux membres suppléants représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

Je déclare le scrutin ouvert pendant une heure dans la salle des Conférences.

Dialogue social et continuité du service public (Candidatures à la CMP)

M. le président. - Pour le cas où M. le Premier Ministre demanderait la constitution d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, la commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera. Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (suite)

Discussion des articles

M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Est autorisée la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants signée à New York le 16 septembre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La France, signataire de la Convention contre la torture de l'ONU ainsi que de son Protocole facultatif, s'engage, par ce projet de loi, à se conformer aux prescriptions internationales en matière de contrôle extérieur des prisons. Cette session extraordinaire a permis la ratification de nombreuses conventions internationales. Il semble donc que le gouvernement soit enclin à ratifier tous les accords signés et non encore ratifiés. Pourquoi la France s'affranchirait-elle de ses obligations internationales, alors qu'elle adopte des dispositions internes reprenant le contenu d'instruments dont elle est signataire ? Pouvez-vous nous dire ce qui empêche la ratification du Protocole facultatif puisque la seule barrière qui existait -la mise en place d'un contrôleur extérieur des lieux de privation de liberté- tombera avec l'adoption de ce projet de loi. Faisons donc d'une pierre, deux coups !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La France s'est engagée à le faire au premier semestre 2008. Pour l'heure, il serait difficile de ratifier un accord non présenté sous forme de projet de loi. Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même argumentation.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je persiste à penser qu'il est possible de le ratifier aujourd'hui.

M. Charles Pasqua. - Mais non puisqu'il n'y a pas de projet de loi !

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Article 1er

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante, est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires.

Il exerce principalement ce contrôle par des visites sur place.

Dans la limite de ses attributions, il ne reçoit d'instruction d'aucune autorité.

M. Louis Mermaz. - Afin de rendre effective cette nouvelle autorité, il est essentiel d'en déterminer les contours avec une extrême précision. Le projet de loi définit la mission confiée au contrôleur général de manière très générale. Selon le rapporteur, le contrôle devrait porter sur les conditions matérielles susceptibles de mettre en cause la dignité de la personne privée de liberté, sur le respect de ses droits inaliénables et sur ses rapports avec les personnels pénitentiaires.

Tel qu'il est défini, le champ de compétence du Contrôleur général est en retrait par rapport à celui qui figure dans la proposition de loi Hyest-Cabanel. Nous défendrons un amendement n°60 pour reprendre les termes de celle-ci.

M. le président. - Plusieurs amendements sont en discussion commune.

Amendement n°18, présenté par MM. Lecerf et Portelli, Mme Bout et Henneron et M. de Richemont.

 

Rédiger comme suit le début du premier alinéa de cet article :

Le contrôle extérieur et indépendant des lieux de privation de liberté est confié au Médiateur de la République qui est chargé, à ce titre, sans préjudice des prérogatives...

M. Jean-René Lecerf. - Le débat a eu lieu ce matin. Je retirerai l'amendement, non sans avoir souligné l'attachement d'un certain nombre d'entre nous à ce que les fonctions de contrôle soient exercées par le Médiateur ; affirmé l'opportunité d'une évolution du statut de celui-ci vers celui d'un véritable ombudsman ; enfin manifesté notre inquiétude face à une multiplication sans fin des autorités indépendantes.

M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

est chargé

Rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des lieux privatifs de liberté, ainsi que les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels de ces établissements.

M. Charles Gautier. - Nous souhaitons que la définition des missions du Contrôleur général satisfasse pleinement aux obligations établies par le protocole ; nous avons repris celle de la proposition de loi Hyest-Cabanel.

M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après les mots :

aux autorités juridictionnelles

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

de contrôler les conditions générales de prise en charge des personnes privées de liberté, telles que l'état des lieux de privation de liberté, notamment en ce qui concerne les conditions d'hygiène de santé, l'application des statuts, lois et règlements attachés la nature de la privation de liberté, les relations entre la personne privée de liberté et le personnel en charge de celle-ci, les pratiques professionnelles et le respect de la déontologie par les personnes en charge de la privation de liberté, leur formation, ainsi que leur organisation et leurs conditions de travail. Il s'assure également du respect des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté sont titulaires.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous détaillons les compétences du Contrôleur général. Celui-ci devra en particulier contrôler la capacité des personnels et de l'institution à préserver la dignité des personnes privées de liberté.

M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après les mots :

Aux autorités juridictionnelles

rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :

de contrôler l'état, l'organisation, le fonctionnement de ces lieux ainsi que les conditions de vie des personnes privées de liberté et les conditions de travail des personnels afin de s'assurer du respect de la dignité et des droits fondamentaux dont les personnes privées de liberté sont titulaires.

Mme Éliane Assassi. - L'article premier définit le champ de compétence du Contrôleur général de façon trop large ; seuls les aspects matériels de la privation de liberté sont pris en compte, alors qu'il faudrait s'attacher aussi à ses conséquences psychologiques. Pourquoi n'avoir pas repris la formulation retenue par la proposition de loi Hyest-Cabanel, qui évoquait notamment les conditions de travail des personnels ? Notre amendement ne traduit pas une défiance vis-à-vis de ces derniers, mais notre volonté de voir leurs conditions de travail améliorées. Comme nous l'entendons, le champ de compétence du Contrôleur général forme un tout indivisible, gage de l'efficacité du contrôle.

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après les mots :

du respect

rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article :

de leurs droits fondamentaux.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Notre rédaction répond au même souci que celle du gouvernement, en plus concis. Les lois doivent être claires et lisibles par tous.

M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

A la fin du premier alinéa, remplacer le mot :

demeurent

par le mot :

sont

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les droits visés par le texte sont ceux que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme considère comme appartenant au noyau dur des droits humains. Ces droits sont imprescriptibles. Le mot « demeurent » laisse penser que les personnes privées de liberté auraient pu en perdre la jouissance. Or la déchéance de ces droits n'est pas possible.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons largement débattu en commission de l'amendement 18. Le Médiateur lui-même insiste sur la nécessité de distinguer les fonctions de contrôle et de médiation, qui font appel à des compétences différentes. Imaginer des économies d'échelle n'est guère convaincant. Les personnes auditionnées ont, dans leur grande majorité, souhaité que les fonctions de contrôle soient exercées par une autorité spécifique. Notre position aurait été différente s'il avait existé en France un véritable ombudsman ; en l'état, l'amendement 18 serait source de confusion. Défavorable.

Le contrôle des conditions de travail du personnel pénitentiaire n'est pas prévu par le protocole. J'ai d'autre part explicité dans mon rapport écrit, en m'appuyant sur le rapport Canivet, les raisons qui plaident pour une formulation générale des missions du Contrôleur général. Retrait, sinon rejet de l'amendement 60.

Les amendements 26 et 79 appellent les mêmes observations. Une formulation générale sied mieux à la loi qu'une énumération, dans laquelle un oubli est toujours possible. Nos débats éclaireront le contenu que nous entendons donner au contrôle, soit les conditions de la privation de liberté susceptibles de mettre en cause la dignité des personnes. Retrait, sinon rejet.

L'amendement 27 est satisfait par celui de la commission.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Les excellents travaux du Médiateur sur les conditions de détention ont été fort utiles lors de l'élaboration du présent projet de loi et mis en lumière la nécessité de créer un Contrôleur général. Je remercie M. Lecerf de son esprit d'ouverture et de la qualité des échanges que nous avons eus, étant entendu que je ne suis pas opposée à une évolution des missions du Médiateur. Je confirme ma demande de retrait de l'amendement 18.

L'amendement n°18 est retiré.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Nous avons souhaité donner la définition la plus large aux missions du Contrôleur général, afin qu'il puisse les exercer sans contrainte. Procéder à une énumération serait prendre le risque d'oublier certaines situations. L'Inspecteur en chef des prisons, en Angleterre, peut par exemple travailler sur la prévention des suicides.

Défavorable à l'amendement n°60. Mêmes arguments et même avis pour les amendements n°26 et 79. Favorable à l'amendement n°1, qui améliore la rédaction. L'amendement n°27 est satisfait par celui de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je ne comprends pas la position du rapporteur sur l'amendement n°60, qui reprend exactement les termes de la proposition de loi Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'était en 2001 !

M. Jean-Pierre Sueur. - Pourquoi êtes-vous aujourd'hui hostile à une rédaction qui avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat ? Nous proposons que le Sénat, dans sa sagesse, confirme aujourd'hui sa position.

M. Paul Girod. - C'est du passé...

L'amendement n°60 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°26 et que l'amendement n°79

L'amendement n°1 est adopté.

L'amendement n°27 devient sans objet.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

M. le président. - Amendement n°80, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I. Après le premier alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Est considérée comme une privation de liberté toute forme de détention ou d'emprisonnement ou le placement dans un établissement public ou privé de surveillance dont la personne n'est pas autorisée à sortir de son gré, ordonné par une autorité judiciaire ou administrative ou toute autre autorité publique.

Toute privation de liberté est considérée comme illégale si le lieu dans lequel elle se déroule n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable auprès du contrôleur général.

 

II. En conséquence, rédiger ainsi le début du deuxième alinéa de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce...

Mme Éliane Assassi. - Je me réjouis que le contrôle ne porte plus uniquement sur les prisons, mais il faut s'assurer que tous les lieux de privation de liberté seront bien concernés. Plutôt que d'en dresser une liste, qui est susceptible d'évoluer, nous préférons définir la privation de liberté en reprenant la définition du protocole de l'ONU : tout nouveau type de lieu entrera ainsi automatiquement dans le champ du contrôle.

Par ailleurs, nous souhaitons que le Contrôleur général soit informé de la création ou de la suppression des locaux de rétention administrative, qui fluctuent en fonction des besoins du moment.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La sanction de l'absence de déclaration préalable est inadaptée. En revanche, il est souhaitable que le Contrôleur général soit informé du nombre de lieux de privation de liberté : le gouvernement devra fournir tout complément d'information. Retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - D'accord pour informer le Contrôleur général de tous les lieux de privation de liberté, mais rendre la décision illégale en l'absence de déclaration préalable pose un problème de sécurité et de légalité de la décision : en effet, l'interpellation peut se faire dans la rue, le lieu de détention être inconnu au moment où la mesure est décidée. Avis défavorable.

L'amendement n°80 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé par décret pour une durée de six ans. Son mandat n'est pas renouvelable.

Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de son mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement.

Les fonctions de contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec toute autre activité professionnelle ou tout mandat électif.

M. Louis Mermaz. - Avec cet article, nous entrons dans le vif du sujet. Chacun souhaite que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit vraiment une autorité indépendante, à l'image du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants ou du CSA. Mais les moyens ne sont pas au rendez-vous. Le texte du gouvernement prévoit que le Contrôleur général est nommé par simple décret, ce qui banalise la fonction. En 2001, la commission des lois était allée beaucoup plus loin. Elle propose aujourd'hui une nomination par décret du Président de la République, après avis consultatif -quelle frilosité- des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Être ainsi transformé en assemblée consultative, ce n'est pas très glorieux !

La commission Canivet avait opté pour une nomination par décret du Président de la République sur proposition de la Commission nationale consultative des droits de l'homme -illustrant une fois de plus cette tendance de la Vème République, y compris sous la gauche, à se méfier du Parlement et à se défausser sur d'autres institutions. La proposition de loi Hyest-Cabanel proposait au moins une nomination en Conseil des ministres. Le candidat Nicolas Sarkozy souhaitait faire avaliser par le Parlement les nominations des autorités administratives indépendantes : nous y sommes ! Or le garde des Sceaux nous dit qu'il faut laisser la commission Balladur y réfléchir... Mais les parlementaires, eux, sont élus ! C'est pourquoi nous souhaitons que le Contrôleur général soit nommé par décret du Président de la République, après avis des commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat, pris à la majorité des trois cinquièmes et liant le Chef de l'Etat. Ce n'est qu'alors que le Contrôleur général sera une autorité véritablement indépendante, digne des fonctions que nous voulons lui confier. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Badinter. - J'insiste sur l'importance de la procédure de nomination et du choix du Contrôleur général, tant vaudra cette institution que vaudra le choix du premier contrôleur. Le protocole additionnel à la convention de l'ONU définit ainsi les qualités requises : il doit s'agir d'une « personnalité de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice, en particulier dans le domaine du droit pénal, de l'administration pénitentiaire ou policière ou dans divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté ».

Ce choix est donc essentiel. Je ne m'attarderai pas sur le problème de constitutionnalité qu'il y aurait à prévoir un décret en conseil des ministres, au regard de la loi organique. Mais l'avis favorable des commissions compétentes du Parlement conférerait une plus grande autorité au Contrôleur général, dont les fonctions exigeront le concours du Parlement aux côtés du gouvernement. Un avis donné de la majorité à la majorité ne suffira pas ; il faut associer l'opposition et rechercher un consensus.

Tant vaudra le Contrôleur que vaudront sa personnalité et les conditions de sa nomination. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président. - Amendement n°61, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :

par décret

insérer les mots :

du Président de la République, après avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat pris à la majorité des 3/5 de leurs membres,

M. Charles Gautier. -   Le Contrôleur général doit constituer une autorité indépendante et incontestable. La procédure que nous proposons avait la préférence du candidat Sarkozy.

M. le président. - Amendement n°82, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :

par décret

insérer les mots :

du Président de la République, après avis des commissions compétentes du Parlement,

Mme Josiane Mathon-Poinat. - La personnalité choisie doit être indépendante mais aussi incontestable. C'est pourquoi le Sénat avait retenu en 2001 une nomination par décret du Président de la République. Nous aurions pu suivre l'exemple d'autres pays où le parlement est associé à la procédure, ou proposer le choix sur une liste établie par la commission nationale consultative des droits de l'homme. Le décret du président après avis des commissions parlementaires nous semble un compromis satisfaisant.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

décret

insérer les mots :

du Président de la République

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Précision... liée à l'importance des fonctions considérées et conformes aux statuts de plusieurs autorités indépendantes comme la Halde ou le CSA.

Il n'est pas possible dans une loi simple d'imposer un décret en conseil des ministres. Mais nous savons que le décret signé par le Président de la République sera contresigné par au moins cinq ministres et que la désignation interviendra de facto en conseil des ministres.

M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

 

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

décret

insérer les mots :

en Conseil des ministres

M. Yves Détraigne. - Il y va de l'autorité morale du Contrôleur ! Néanmoins après avoir entendu M. le rapporteur, je me rallierai à sa proposition.

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, avant les mots :

pour une durée 

insérer les mots :

, après avis de la commission compétente de chaque assemblée,

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement est conforme à la Constitution actuelle, ainsi qu'aux positions défendues par le Président de la République. Le président de la commission de régulation de l'énergie est nommé selon cette procédure : elle existe déjà ! Et si notre Constitution évolue dans un sens encore plus favorable, nous nous alignerons ! N'attendons pas et donnons sans tarder notre avis sur ce magistère.

M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien ! Mais au trois cinquièmes !

M. le président. - Amendement identique n°51 rectifié, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, avant les mots :

pour une durée

insérer les mots :

après avis des commissions compétentes de chaque assemblée,

M. Yves Détraigne. - Il va dans le sens des réflexions engagées par la commission Balladur.

M. le président. - Amendement n°19, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article avant les mots :

pour une durée

insérer les mots :

parmi quatre candidats proposés pour deux d'entre eux par la commission des lois de l'Assemblée nationale et pour les deux autres par la commission des lois du Sénat

M. Jean-René Lecerf. - Même but que celui poursuivi par nos collègues communistes, socialistes, centristes et par la commission !

Il est parfois plus facile de présenter deux candidats plutôt qu'un seul ; et le Président de la République choisira. Pour montrer à Mme la garde des Sceaux ma bonne volonté, je retirerai le n°19 et voterai contre les autres si la solution de la commission est acceptée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - A l'amendement n°61, je préfère la position de la commission...

M. Jean-Pierre Sueur. - Pourquoi ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je n'ai pas à me justifier, monsieur Sueur ! Vous demandez toujours « pourquoi » ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur. - C'est que je veux comprendre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il y a des précédents sur lesquels nous pouvons nous appuyer ; et je puis vous garantir que l'avis sera forcément consensuel, sinon, nous retomberions dans les travers que nous dénonçons.

M. Jean-Pierre Sueur. - Raison de plus pour voter nos amendements !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le n°82 est satisfait par les n°s2 et 3.

Les amendements 50 et 51 rectifiés sont retirés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le n°19 ouvre une piste de réflexion intéressante mais notre solution a l'avantage de s'inscrire dans le cadre constitutionnel actuel. Ne préjugeons pas des évolutions que recommandera la commission Balladur ; et n'oublions pas que la Constitution sera révisée...par le Parlement !

M. Alain Gournac. - Aux trois cinquièmes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Si un système de nomination plus favorable était alors voté, il s'appliquerait au Contrôleur général. Retrait au profit des amendements de la commission. Et pour simplifier le débat, je demande la priorité de vote sur les amendements n°s 2 et 3.

M. Jean-Pierre Sueur. - D'aucuns diraient « fastoche !»

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La commission Balladur ...

M. Robert Bret. - Où ne figure aucun sénateur ...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... a été installée et, lorsqu'elle rendra ses conclusions, nous aviserons. (Protestations à gauche) Les conditions de nomination qui seront retenues alors s'appliqueront au Contrôleur général. Avis défavorable par conséquent à l'amendement n°61, comme au n°82. Favorable au n°2, qui aligne sur le mode de nomination de nombreuses personnalités.

Avis défavorable à l'amendement n°3 pour les mêmes raisons...

M. Simon Sutour. - Cette commission nous empêche de légiférer !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Avis défavorable à l'amendement n°19, mais il vient après les amendements appelés en priorité.

M. Simon Sutour. - C'est Balladur qui est prioritaire !

M. Louis Mermaz. - Notre débat voit se frotter deux personnages : M. Hyest version 2001 et M. Balladur qui, depuis qu'il ne s'est pas présenté aux dernières élections, prend une importance qui doit l'étonner lui-même... (Rires) Si je ne lui vouais pas le très grand respect que je lui porte, je dirais qu'on nous balade avec M. Balladur ! (« Oh ! » à droite) Il n'est pas nécessaire de savoir ce que pense M. Balladur pour faire notre travail !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Chacun n'a que l'importance qu'il se donne !

M. Louis Mermaz. - Gardez votre bonne humeur !

M. Jean-Jacques Hyest. - Vous avez été extrêmement désagréable envers M. Balladur ! (« Oh ! » à gauche) Nous devons nous prononcer dans le cadre constitutionnel actuel, car le texte instituant le contrôleur général des prisons sera bouclé avant la révision constitutionnelle éventuelle. Il est important que nous puissions donner notre avis sur la nomination de cette personnalité et je rappelle que la commission des lois a voté cet amendement à l'unanimité la semaine dernière. Personne ne s'y était opposé. Depuis, nos collègues socialistes ont décidé de proposer un autre amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. - (« Ah ! » à droite) Les amendements n°s2 et n°3 de la commission des lois constituent un pas en avant qui est loin d'être négligeable, (on se félicite du propos de l'orateur à droite) puisque l'on passe d'un décret simple à un décret du Président de la République et que l'on prévoit la consultation des commissions des lois des deux assemblées. C'est important. Nous regrettons de ne pouvoir nous exprimer sur nos amendements, en raison de la priorité que vous avez invoquée, ce dont vous auriez pu peut-être vous dispenser... Nous regrettons que vous ne preniez pas en compte la règle des trois cinquièmes défendue par MM. Badinter et Mermaz. De deux choses l'une : ou bien il ne faut pas légiférer maintenant, en raison de l'existence de la commission qui vient d'être évoquée ; ou bien, nonobstant cette commission, nous avançons, et c'est, au fond, ce que propose notre commission des lois, mais je ne comprends pas, madame le garde des sceaux, qu'en tant que gardienne du droit, vous puissiez arguer que le Parlement ne pourrait pas légiférer, à cause d'une telle commission...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je n'ai pas dit ça !

M. Jean-Pierre Sueur. - ... Nous regrettons que vous ne fassiez pas dès maintenant l'avancée que nous proposons, et qui fut d'ailleurs, comme l'a dit excellemment M. Badinter, proposée par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle : nous faisons entrer dans notre droit une autorité très importante, qui devra être de très grande qualité, reconnue de tous. Il serait essentiel qu'un accord entre la majorité et l'opposition pût intervenir là-dessus.

Si nous prenions l'initiative, nous-mêmes, en tant que sénateurs, de faire cette avancée, voulue, je le rappelle par le Président de la République...

M. Simon Sutour. - Lors de la campagne !

M. Jean-Pierre Sueur. - ... ce serait un gage de consensus, et d'adhésion dans le pays tout entier. Nous voterons l'amendement de la commission, mais nous regrettons qu'il n'y ait pas d'avancée complémentaire. (Applaudissements à gauche)

M. Henri de Richemont. - Je voterai les amendements n°2 et n°3. Mais à quoi sert notre vote, puisque que vous avez dit que la révision de la Constitution intervenant après la commission Balladur s'appliquerait aux nominations ? Et si M. Balladur propose de nommer toute autorité selon la règle des trois cinquièmes et si la révision de la Constitution doit elle-même être adoptée à la majorité des trois cinquièmes, quelle sera l'utilité du vote que nous allons émettre maintenant ?

M. Simon Sutour. - Bravo !

L'amendement n°2 est adopté par priorité ainsi que l'amendement n°3.

L'amendement n°51 rectifié et l'amendement n°19 deviennent sans objet.

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous proposons de renforcer la protection juridique du contrôleur général par une disposition qui figure dans les statuts de plusieurs autorités administratives indépendantes.

M. le président. - Amendement identique n°83 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je crains que notre amendement devienne inutile, puisque la commission l'a anticipé, mais il est plus que jamais nécessaire de renforcer l'immunité du contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest. - Avis évidemment favorable !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je suis également favorable au renforcement de la protection juridique du contrôleur général.

Les amendements identiques n°s4 et 83 rectifié sont adoptés.

M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. Yung.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il est choisi parmi des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l'administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d'administration pénitentiaire ou policière, ou dans les divers domaines ayant un rapport avec le traitement des personnes privées de liberté. 

M. Richard Yung. - Nous avons tous souligné l'importance de la personnalité qui occupera les fonctions de contrôleur général. Il me paraît essentiel qu'il ait une expérience reconnue dans le domaine du droit et de l'administration pénitentiaire en particulier. Cette personnalité doit aussi être une véritable référence morale. Cela va de soi, me direz-vous ! Je n'en doute pas, mais il me paraît important de le graver dans le marbre de la loi, surtout pour les premières nominations. Ainsi le contrôleur des prisons britanniques est-il une haute autorité morale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Des critères précis et qualitatifs doivent présider au choix d'une telle personnalité. Mais faut-il les inscrire dans la loi ? Nous constatons que cela n'a pas été prévu pour les autres autorités administratives indépendantes, comme le Médiateur, le président de la CNDS ou de la Halde...

Il serait singulier de faire une exception pour le seul cas du contrôleur général. Les commissions des lois veilleront à ce que le Parlement s'assure que ces critères soient réunis.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En effet, la haute moralité est implicite pour ce type de poste, comme pour d'autres nominations à la discrétion du gouvernement ou à des missions régaliennes. Limiter l'expérience requise au seul domaine pénitentiaire ou policier n'est pas nécessaire. Ainsi, le titulaire du poste en Grande-Bretagne était une militante associative dans le domaine des droits de l'homme et ne vient pas du secteur pénitentiaire.

Elle est médecin et, depuis 2001, elle accomplit un travail considérable. Défavorable à cet amendement.

M. Richard Yung. - Je maintiens mon amendement. Vos arguments ne sont pas convaincants. Ce serait singulier, semblez-vous dire. Et alors ? Pourquoi ne pas innover ? La République s'honorerait en adoptant cet alinéa.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après le mot :

incompatibles

rédiger ainsi la fin du troisième alinéa de cet article :

avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous élargissons la liste des incompatibilités.

Accepté par la commission et le gouvernement, l'amendement n°5 est adopté.

L'article 2 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

 

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Aux articles L. 194-1, L. 230-1 et au cinquième alinéa de l'article L. 340 du code électoral, les mots : « et le Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : « , le Défenseur des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il ne faudrait pas que le Contrôleur général puisse se prévaloir de ses fonctions à des fins électorales.

Accepté par le gouvernement, l'amendement n°6 est adopté et l'article additionnel inséré.

Article 3

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est assisté de contrôleurs qu'il recrute en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant à sa mission.

Les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés.

M. Charles Gautier. - Ce texte apporte une avancée, puisque le Contrôleur a aussi dans son champ de compétences non seulement les prisons, mais tous les autres lieux de privation de liberté. Cette extension n'est toutefois pas sans conséquences : dès lors qu'il devra visiter 5 500 lieux, le Contrôleur général sera de nulle utilité s'il n'a pas la possibilité de déléguer certaines compétences.

Le texte prévoit bien qu'il pourra se faire assister de contrôleurs, mais ni le projet de loi, ni même l'exposé des motifs, ne détaille le nombre, les fonctions et les missions des contrôleurs. Il nous paraît tout à fait important que ceux-ci soient en nombre. Quarante personnes assistent le contrôleur anglais ; ce chiffre nous paraît un minimum pour les seules prisons.

Il faut en outre que ces contrôleurs soient recrutés en fonction de leurs connaissances dans tel ou tel domaine, entrant dans le champ de compétences du contrôleur général.

Enfin, il est essentiel que le Contrôleur général ait tous les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de sa tâche. Madame la ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous donner quelques informations et surtout quelques chiffres ?

M. le président. - Amendement n°62, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

est assisté de contrôleurs

Rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

dont le nombre, le statut et les conditions de nomination sont définies par décret en Conseil d'État.

M. Charles Gautier. - La mission du Contrôleur va couvrir 5 500 locaux qui relèvent de la compétence des ministres de la justice, de l'intérieur et de la santé : 188 établissements pénitentiaires, plus de 200 zones d'attente, locaux de rétention administrative, 4 000 locaux de garde à vue, 1 000 secteurs psychiatriques hospitaliers et 138 locaux d'arrêt des armées. Compte tenu de la multiplicité des lieux concernés, de leur diversité et de leur spécificité, le Contrôleur aura besoin d'un grand nombre de collaborateurs pour assurer pleinement sa mission. En Grande-Bretagne, où vous vous êtes rendue, madame la ministre, la semaine dernière, l'inspecteur en chef, qui assure les visites pour le seul domaine pénitentiaire, bénéficie d'une équipe de quarante et une personnes.

Nous considérons que l'évaluation des besoins en personnel, son statut, ses conditions de nomination doivent être définis par décret en Conseil d'État.

M. le président. - Amendement n°84, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après le mot :

contrôleurs

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'État.

M. Robert Bret. - Les contrôleurs doivent aussi être nommés de la façon la plus transparente possible, en fonction de leur compétence dans les domaines d'intervention du Contrôleur général, mais également de leur expérience professionnelle. Nous voulons éviter toute nomination de complaisance. C'est pourquoi nous tenons à ce que le statut et les conditions de nomination des contrôleurs soient strictement définis par un décret en Conseil d'État, comme le prévoyait la proposition de loi que le Sénat a adoptée en 2001.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous décrire l'organisation interne de cette nouvelle autorité administrative indépendante ?

Nous retirerons notre amendement au profit du n°62, plus précis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vous renvoie à l'article 11 qui prévoit un tel décret. Retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même observation.

Pour le nombre, je souhaite qu'on puisse s'adapter aux besoins et l'augmenter. Il ne doit donc pas être inscrit dans la loi.

L'amendement n°84 est retiré.

M. Louis Mermaz. - Nous ne parlons pas de la même chose que l'article 11. Ce qui nous préoccupe ici, c'est la nomination de ces contrôleurs. Avec 5 500 lieux à visiter, la question du nombre est essentielle. Il faut en outre préciser qu'ils auront les mêmes prérogatives que le Contrôleur général -droit de visite inopinée, communication des documents, entretiens-, faute de quoi cette institution serait sans prise sur la réalité. Enfin, ces contrôleurs devront être spécialisés : les exigences ne sont pas les mêmes pour une prison centrale, un centre de rétention des étrangers ou une salle de garde à vue.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La notion de compétence figure bien dans l'article 3. Encore une fois, je ne souhaite pas fixer dans la loi le nombre des contrôleurs, qui doit pouvoir être accru si nécessaire. Quant à leurs prérogatives, elles découlent du fait que leurs missions se feront par délégation du Contrôleur général.

De plus, l'article 11 répond bien à votre préoccupation.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les contrôleurs sont placés sous la seule autorité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet amendement, rectifié pour tenir compte des observations de la commission des lois ce matin, peut sembler superfétatoire mais il est nécessaire pour garantir la totale indépendance des contrôleurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis favorable à cette utile précision.

Pour répondre aux observations de M. Mermaz, l'amendement n°12 précisera que le Contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à l'article 6 aux contrôleurs. Ceux-ci jouissent donc des mêmes droits que le Contrôleur général. En revanche, leur nombre ne peut pas être fixé car il est, par nature, évolutif.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Avis très favorable à cette importante précision.

M. Robert Badinter. - Le nombre de contrôleurs est une donnée essentielle. Combien seront-ils pour visiter les quelque 5 500 établissements ? Trente ? Cinquante ? En Angleterre, on compte une quarantaine de contrôleurs. Nous aimerions avoir au moins une estimation. Car, faute de moyens, le Contrôleur général ne sera qu'un faux-semblant.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tout cela a été dit et répété !

L'amendement n°28 rectifié est adopté.

M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les contrôleurs sont indépendants et exercent leur mission dans les conditions fixées par le troisième alinéa de l'article 2.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le texte, tel que rédigé, reste flou sur le cadre dans lequel les contrôleurs exercent leurs missions. Pourront-ils exercer un autre emploi ? Seront-ils fonctionnaires ou contractuels ? Seront-ils missionnés à titre ponctuel ou permanent ? L'article 3 précise seulement que « les fonctions de contrôleur sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés ». Nous proposons, par cet amendement compatible avec l'amendement n°5 de la commission, qu'ils soient soumis aux mêmes obligations que le Contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il est évident que les contrôleurs doivent bénéficier des mêmes garanties d'indépendance que le Contrôleur général. En revanche, pourquoi les soumettre à des conditions d'exercice aussi rigoureuses que le Contrôleur général ? Cela tarirait le vivier de contrôleurs. On peut très bien imaginer qu'un médecin exerce cette fonction de manière ponctuelle. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Conseil de l'Europe et UEO (Résultat du scrutin)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin pour l'élection de deux délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

Nombre de votants : 133

Majorité absolue des votants : 67

Bulletins blancs ou nuls : 0

Suffrages exprimés : 133

Nombre de voix en faveur de M. Laurent Béteille : 133 (Applaudissements)

Nombre de voix en faveur de M. Roland Ries : 132 (Même mouvement)

MM. Béteille et Ries, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués suppléants du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté (suite)

M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté à l'article 4.

Discussion des articles (Suite)

Article 4

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis prévus aux articles 8 et 9.

M. le président. - Amendement n°86, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi le début de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ses collaborateurs et les contrôleurs sont astreints....

Mme Éliane Assassi. - Nous précisons que les contrôleurs sont astreints au secret professionnel de la même façon que le Contrôleur général et ses collaborateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il va de soi que les contrôleurs sont des collaborateurs du Contrôleur général. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°86 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En vue d'assurer le respect des dispositions relatives au secret professionnel, il veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Afin de garantir le respect du secret professionnel, nous proposons d'ajouter une disposition, figurant dans plusieurs statuts d'autorités administratives indépendantes, selon laquelle le Contrôleur général ne peut pas mentionner des informations permettant d'identifier des personnes rencontrées dans le cadre de ses pouvoirs d'investigation.

M. le président. - Amendement identique n°87, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Éliane Assassi. - De plus, la confidentialité est une exigence internationale posée à l'article 21 du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU.

M. Jean-Jacques Hyest. - Avis favorable à l'amendement n°87 qui est identique au nôtre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable également.

M. Michel Charasse. - Cela pose problème ! Que se passera-t-il si le Contrôleur général décide de dénoncer des faits au procureur de la République conformément aux dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Monsieur Charasse, si vous patientez jusqu'à l'article 7, vous constaterez que nous avons répondu à la question par un amendement n°14.

L'amendement n°7, identique à l'amendement n°87, est adopté.

Article 5

Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être saisi par le Premier ministre et les membres du gouvernement et du Parlement. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.

M. Richard Yung. - Nous nous réjouissons de cet article 5, dont la rédaction très large, notamment celle de son premier alinéa, prévoit que le Contrôleur général pourra être saisi par toute personne, physique ou morale, contrairement aux autorités de contrôle antérieures qui étaient saisies par l'intermédiaire de la Halde ou encore de la commission nationale de déontologie de la sécurité (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le nie). Une saisine directe et confidentielle est la bonne solution car on craint souvent de parler en prison, par peur des sanctions.

Il doit être informé, à son arrivée, de son droit de saisir le contrôleur général, ce qu'une boîte aux lettres confidentielle permettrait de faire.

Nous saluons enfin l'élargissement de la saisie à d'autres autres autorités administratives.

M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux

par les mots :

ou morale

M. Robert Bret. - Nous soutenons l'amendement n°8 de la commission qui rendra la collaboration des autorités administratives plus fructueuse mais nous souhaitons que la rédaction du premier alinéa soit aussi large que possible car, si l'expression « respect des droits fondamentaux » inclut les barreaux et les associations de défense des droits de l'homme, qu'en sera-t-il des syndicats ? La CNCDH craint du reste une maladresse de rédaction. Aussi notre amendement reprend-il ce qui est prévu pour la CNDS.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les syndicats défendent aussi des droits fondamentaux. Cette formulation est assez large. Retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Mêmes observations et avis défavorable.

M. Robert Bret. - J'aurais souhaité que la ministre s'engage comme l'a fait M. Hyest : les syndicats sont-ils bien concernés ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La rédaction est très large pour les personnes physiques et restreinte pour les personnes morales mais la notion de droits fondamentaux reste inchangée. Et les syndicats sont bien concernés. De plus le président d'une association peut saisir le contrôleur général en tant que personne physique.

L'amendement n°88 est retiré.

M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Aucun contrôle ni aucune restriction ne peut être exercé par les autorités responsables des lieux de privation de liberté sur les correspondances que les personnes privées de liberté adressent au contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Comment la plupart des détenus pourront-ils saisir le contrôleur général, sinon par écrit ? Ce serait conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, comme à la faculté, déjà accordée aux détenus, de saisir les parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela relève d'un simple arrêté.

M. René Garrec. - Voire d'une circulaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - C'est en effet l'article A 40 du Code de procédure pénale. Nous ferons pour le Contrôleur général comme pour la Halde.

L'amendement n°30 rectifié est retiré.

M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Il peut en outre être saisi par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est heureuse de répondre ainsi aux souhaits qui ont déjà été exprimés sur tous les bancs.

L'amendement n°8, accepté par le gouvernement, est adopté, ainsi que l'article 5, modifié.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité, après les mots : « président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » sont insérés les mots : « , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Amendement de cohérence.

Accepté par le gouvernement, l'amendement n°9, adopté, devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°56, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut saisir le Défenseur des enfants si, au cours de ses visites, il a constaté des faits qu'il estime contraires aux droits de l'enfant. »

 

M. Yves Détraigne. - Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Toute personne physique peut saisir directement le contrôleur général.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En effet.

M. Yves Détraigne. - Dans ce cas, il sera considéré comme une personne physique.

L'amendement n°56 est retiré, ainsi que l'amendement n°57.

Article 6

Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique.

Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent.

Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. Elles proposent alors son report.

Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

M. Louis Mermaz. - Cet article, plein de restrictions mentales, prépare un éventuel emmaillotage et, comme l'écrivait hier Le Monde, le contrôle du Contrôleur général. Le premier alinéa ne prévoit pas le contrôle des lieux de privation de liberté placés sous une autorité civile ou militaire française à l'étranger. Quant au deuxième, c'est une petit chef d'oeuvre de linguistique et de sémantique, mais aussi sur le fond. « Avant toute visite, le Contrôleur général informe... » ! « Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis », pourquoi pas ?, « lorsque les circonstances l'exigent. »

Lorsque avec des parlementaires nous visitons un établissement pénitentiaire, nous ne prévenons parfois de notre arrivée qu'à quelques kilomètres et les autorités responsables le comprennent fort bien. Je me rappelle d'une visite quelque temps après celle d'une commission parlementaire qui avait prévenu une semaine à l'avance ; les détenus nous avaient dit qu'ils avaient fourbi et récuré pendant huit jours.

Si l'on veut voir la réalité, il faut venir inopinément. Si le contrôleur veut traiter au fond d'une question, il peut prévenir. S'il veut vérifier que ses recommandations sont appliquées, il peut prévenir qu'il reviendra. Mais dans les autres cas, il ne doit pas le faire.

Le troisième alinéa qui permet le report de la visite pour motifs graves est contraire au protocole facultatif. Quant au cinquième alinéa, il permet de s'opposer à toute communication de pièces car aucune n'échappe à la longue énumération des exceptions à cette communication. D'où la série d'amendements que nous présenterons afin de permettre au contrôleur de contrôler (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. Richard Yung. - Au premier alinéa, les termes « sur le territoire de la République » signifient-ils que les lieux de privation de liberté placés sous le contrôle des autorités françaises à l'étranger échapperont au contrôle extérieur ? Ce serait contraire au Protocole facultatif pour lequel le mécanisme national de prévention est autorisé à effectuer des visites « dans tout lieu placé sous juridiction ou sous contrôle de I' État. » Au nom de quel principe les locaux d'arrêt des armées situés à l'étranger, resteraient-ils hors de la portée du contrôleur ?

Le premier alinéa est aussi restrictif car il ne vise que les personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique. Or, certains malades psychiatriques sont hospitalisés à la demande d'un tiers et l'article 4 du Protocole facultatif vise les personnes privées de liberté « sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite ». L'hospitalisation sur demande d'un tiers correspond précisément à ce cas. C'est également ce qu'affirmait l'ancien Commissaire européen aux droits de l'homme, Alvaro Gil-Robles qui, dans son rapport sur le respect effectif des droits de l'homme, indiquait que l'« hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers s'apparente à une privation de liberté ». Par amendement, nous demanderons que ces malades soient considérés comme privés de liberté.

Le deuxième alinéa paraît timoré. A l'instar des parlementaires qui « sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires », le contrôleur général et ses collaborateurs devraient pouvoir effectuer toutes leurs visites de manière inopinée. Cela ne signifie pas que toutes les visites devront être inopinées : pour traiter d'un sujet précis, le contrôleur devrait-il s'annoncer ? Pour quelles raisons de défense nationale devrait-il s'annoncer ? S'il y a des problèmes de sécurité publique à l'intérieur de la prison, le contrôleur doit être le premier à s'y intéresser. Mais s'il y a une mutinerie, on n'imagine pas qu'il vienne s'interposer. C'est une question de bon sens qui doit être laissée à son appréciation, mais il n'est pas bon qu'il demande une sorte d'autorisation de visite.

Sur les informations à lui livrer, je partage aussi l'analyse de M. Mermaz. Comment le Contrôleur général pourra-t-il, par exemple, fonder son jugement si on lui oppose le secret médical lors de la visite d'un établissement psychiatrique ? En outre, comment le Contrôleur pourrait-il vérifier les allégations d'une personne qui se plaint d'avoir été soumise à un traitement cruel, inhumain ou dégradant s'il n'a pas accès à son dossier médical ? Une telle restriction empêchera tout contrôle réel et effectif. Le Contrôleur doit pouvoir obtenir toutes données médicales nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Nous déposerons des amendements contre toutes ces restrictions qui risquent d'être avancées de manière arbitraire par les autorités des établissements visités. Elles doivent être levées car elles vident le contrôle extérieur de sa substance et diminuent la portée d'un texte qui va dans le bon sens.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je me vois dans l'obligation d'intervenir sur l'article 6 pour parler de la compétence territoriale du Contrôleur général, étant donné que l'article 40 de la Constitution a fait tomber notre amendement sur ce point. Le texte ne retient que les lieux de privation de liberté situés sur « le territoire de la République ». Seront donc exclus du contrôle les lieux situés à l'étranger, alors même qu'ils sont sous la responsabilité de l'État. Prenons le cas de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne. La France a mis à disposition du FRONTEX des moyens humains et matériels pour mener des opérations hors du territoire, aux frontières de l'Europe. Ces zones font-elles partie du territoire de la République ? Au vu des conditions de rétention, parfois véritablement inhumaines, dans ces lieux, il serait bon qu'ils fassent partie intégrante du périmètre du nouveau Contrôleur. Et quid des locaux d'arrêt des armées de nos bases à l'étranger ?

Cette définition territorialisée du périmètre d'action du contrôleur est à la fois floue et restrictive. C'est pourquoi, à la notion de « territoire de la République », nous demandions de substituer l'expression : « tout lieu relevant de la juridiction ou du contrôle de l'État ». L'article 40 ne l'a pas permis. Nous espérons, madame la ministre, que vous nous apporterez une réponse satisfaisante.

M. Jacques Blanc.- Aux lieux de privation de liberté peut-on assimiler prisons et hôpitaux psychiatriques ? Un prisonnier est victime de lui-même, un malade psychiatrique est victime d'une maladie qui, comme toutes les autres maladies, se soigne. Son seul tort est de refuser de se soigner ; d'où l'hospitalisation d'office. Lors de l'examen du texte sur la délinquance, je m'étais réjoui que la partie concernant l'hospitalisation psychiatrique soit déconnectée de celle portant sur la délinquance. De grâce, on a trop longtemps, dans ce pays, nié la réalité de la maladie mentale : ne retombons pas à nouveau dans cette confusion

Quant au secret médical, il doit être ô combien affirmé ; à la moindre entorse, on ne peut plus assurer le meilleur soin.

Je ne vois dans ce texte aucun risque de dérive, mais il serait important que Mme la garde des Sceaux confirmât que dans son esprit il ne peut y avoir de confusion.

M. Robert Badinter. - L'article 4 de la Convention stipule que « chaque partie autorise les mécanismes visés (...) à effectuer des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sous l'ordre de l'autorité publique, à son instigation ou avec son consentement ». Le cas des opérations extérieures est symptomatique : il se trouve constamment des lieux de détention où sont retenues, détenues ou cantonnées, parfois par centaines, des personnes sous le contrôle des forces françaises. Il ne serait pas admissible qu'on donne le sentiment qu'il existe des espaces réservés où le contrôle ne pourrait pas s'exercer, comme si on avait des doutes sur les actes qui pourraient s'y commettre. Il faut que le Contrôleur général puisse s'y rendre -je pense à la Côte-d'Ivoire ou à l'Afghanistan- et y procéder à des contrôles, parce que la Convention le prescrit, parce qu'il s'agit de droits fondamentaux, parce que c'est dans l'intérêt des personnes détenues comme dans celui de ceux qui les détiennent.

On nous a opposé des questions de financement ; mais en matière de droits fondamentaux, de libertés publiques, cela ne peut se faire. Il n'est pas concevable qu'hors du territoire de la République les autorités publiques échappent à l'action du Contrôleur général !

M. Michel Charasse. - Il faut clarifier les choses. Si nos armées interviennent en Opex avec l'accord du pays dans lequel elles le font, les personnes détenues sont placées sous la responsabilité des autorités civiles de celui-ci, et le contrôle dépend des accords bilatéraux qui ont pu être conclus. La plupart du temps, elles interviennent avec l'accord ou à la demande de l'ONU ; ce sont alors les personnes responsables du détachement militaire qui assurent le contrôle pour le compte de l'ONU et en rendent compte. Les dispositifs nécessaires doivent être mis en place. Le Contrôleur général des armées ou les tribunaux aux armées sont compétents s'agissant des personnels militaires ; les autres sont placés sous la responsabilité de l'ONU. Étant entendu que des contrôles extérieurs ne sont pas de tradition, depuis Daladier, au cours d'opérations militaires.

Il en va autrement pour nos implantations militaires à l'étranger dans le cadre d'accords de coopération, par exemple en Afrique. La situation de la base d'Abidjan n'est alors guère différente de celle de la caserne de Bourges. L'extraterritorialité joue comme pour une ambassade, et on peut considérer qu'on est sur le territoire de la République. Le Contrôleur général y aurait alors compétence. Tout cela mérite d'être explicité.

L'article 40 a été évoqué. Je ne sais comment a procédé la commission des finances ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Fort bien !

M. Michel Charasse. - ... mais depuis 1958, on n'oppose jamais cette disposition constitutionnelle quand on débat de droit pénal ou de procédure pénale ; Michel Debré l'a dit et écrit et le Conseil constitutionnel s'est bien gardé d'intervenir en la matière. Sinon nous ne pourrions jamais décider de baisser le montant d'une amende ... La question ne peut être évoquée à la légère.

On ne saurait au total accepter l'existence de démembrements extérieurs de la République, fictifs ou non, qui permettrait d'échapper aux conventions de l'ONU et aux règles générales de la législation française en matière de protection des libertés. Il ne faut certes pas perturber le métier difficile qu'exercent nos armées ; mais un Contrôleur qui a un haut sens des responsabilités et de l'État saura faire preuve du discernement nécessaire.

M. le président. - Amendement n°90, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

ainsi que tous les équipements et installations les composant. Il peut être accompagné de ses collaborateurs.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Ce texte, et singulièrement son article 6, est marqué par l'imprécision et le flou. Une interprétation a minima pourrait limiter la définition des lieux privatifs de liberté aux simples cellules ou chambres des malades. La Chancellerie s'était scandalisée, en décembre 2003, de l'accouchement d'une détenue menottée à Évry ; il y eut beaucoup moins d'émoi quand, un an plus tard, elle ordonna qu'on menottât et entravât les détenus. Pour le moindre examen, des prisonniers peuvent passer plusieurs heures menottés. De plus en plus de détenus refusent les extractions médicales. Or le texte ne précise pas si les équipements hospitaliers recevant des personnes privées de liberté sont de la compétence du Contrôleur général.

De la même manière, qu'en est-il des conditions de travail en prison ? Certains détenus travaillent à l'extérieur des établissements pénitentiaires en semi-liberté, pour le compte de collectivités publiques, d'associations ou d'entreprises. Le « Smic détenu » s'élève à 45 % du Smic extérieur, le droit du travail est inexistant, aucune disposition relative à la durée de l'emploi ou de la période d'essai, ni au contenu du poste, ni au licenciement ne s'applique. Les détenus n'ont pas droit à des compensations financières en cas de maladie ou d'accident du travail, ils n'ont aucune possibilité d'expression collective. Le travail est considéré comme un outil de gestion de la détention plutôt qu'une façon de favoriser la réinsertion. Certaines entreprises considèrent le travail pénitentiaire comme une variable d'ajustement à la conjoncture économique, les ateliers de détenus agissant alors comme un sous-traitant idéal.

Le Contrôleur général aura-t-il accès aux locaux où travaillent les détenus, pourra-t-il être accompagné de collaborateurs ? Le périmètre doit être précisé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision est inutile : le Contrôleur général pourra aller partout. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même observation. Le Contrôleur pourra bien sûr visiter le lieu où les détenues accouchent.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Il peut aussi visiter, dans les mêmes conditions, tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique.

 

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il faut préciser que les établissements de santé, publics ou privés, recevant des patients en hospitalisation sans consentement relèvent du champ d'intervention du Contrôleur général, que l'hospitalisation soit prononcée d'office ou à la demande d'un tiers.

Monsieur Jacques Blanc, il n'est pas question de la qualité des personnes mais de la protection des libertés fondamentales, qu'il s'agisse de personnes détenues ou simplement retenues, qui n'ont pas pour autant commis de crime. Selon le protocole facultatif, ces lieux doivent être expressément visés.

M. Jacques Blanc. - La question de l'hospitalisation d'office devait être traitée dans un texte spécifique sur la santé mentale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est autre chose !

M. Jacques Blanc. - Ce texte viendra-t-il bientôt en discussion, madame la ministre ?

Vous évoquez la différence entre établissements publics et privés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les droits sont les mêmes !

M. Jacques Blanc. - Mais ce qui compte, c'est l'objet de l'hospitalisation, pas la nature de l'établissement ! Pour soigner un malade, nous pouvons être obligés de violer sa liberté. Il existe déjà des règles très strictes pour éviter toute hospitalisation inutile.

M. Michel Charasse. - Ou arbitraire.

M. Jacques Blanc. - Je ne vois pas l'intérêt pour le malade des visites du contrôleur, qui n'est pas médecin.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ah bon !

M. Jacques Blanc. - Cela risque d'entraîner la confusion. Notre mission est de garantir que les malades recevront les meilleurs soins, même imposés.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement de la commission.

Les quatre articles relatifs à l'hospitalisation sous contrainte du texte Prévention de la délinquance visaient la sécurité publique : ils seront repris dans le cadre d'une réforme plus large de la loi de 1990 sur la santé mentale, qui viendra en discussion dès que possible, comme s'y était engagé le précédent ministre de la santé.

Le Contrôleur général vérifiera les conditions de prise en charge de toute personne privée de liberté : c'est le cas d'une personne hospitalisée sous contrainte sur décision judiciaire ou administrative. Il s'assurera que les droits fondamentaux sont respectés, et ne s'immiscera en aucun cas dans le protocole de soins.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Supprimer les deuxième et troisième alinéas de cet article.

 

M. Yves Détraigne. Les conditions d'accès du Contrôleur général aux lieux de privation de liberté ont autant d'importance, pour asseoir sa crédibilité, que les conditions de sa nomination. Dans le texte du gouvernement, le Contrôleur général doit obligatoirement informer l'autorité responsable de sa prochaine venue, sauf circonstances exceptionnelles. Mais les nombreux motifs d'opposition à la visite, répertoriés dans le troisième alinéa, risquent de réduire considérablement l'accès aux lieux, et l'existence d'un délai entre l'annonce de la visite du Contrôleur et sa venue laisse planer le doute.

La quasi-totalité des personnes auditionnées par le rapporteur, quelle que soit leur fonction, ont souligné ce problème. Notre amendement inverse la logique : le Contrôleur général doit pouvoir intervenir inopinément.

M. le président. - Amendement n°20, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

M. Jean-René Lecerf. - La plupart du temps le Contrôleur général informera de sa visite. Mais il doit pouvoir procéder à des visites inopinées. Faire de l'avertissement la règle et des visites inopinées l'exception est maladroit. Et ce n'était sans doute pas dans les intentions réelles du gouvernement. Je retirerai l'amendement au profit du n°36 de Mme Boumediene-Thiery.

M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

II. Au début du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

Ces autorités

par les mots :

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le contrôle inopiné découle de nos engagements internationaux. Il est prévu dans le protocole de l'ONU sur la torture. Et ce sont bien le caractère impromptu, l'absence d'avertissement, qui donnent leur sens au pouvoir de contrôle. Les parlementaires, qui ont la possibilité d'effectuer eux-mêmes des visites sans préavis ni autorisation, accorderaient moins au Contrôleur général, alors que ces inspections sont au coeur de sa mission ?

M. le président. - Amendement n°64, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et les contrôleurs peuvent visiter à tout moment les lieux de privation de liberté. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant le lieu privatif de liberté.

 

II. - En conséquence, rédiger ainsi le début de la première phrase du troisième alinéa de cet article :

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent...

M. Jean-Pierre Sueur. - Nous nous inspirons là encore de la proposition de loi de M. Hyest. Il serait absurde d'interdire au Contrôleur des visites inopinées que la loi permet aux parlementaires... Elles sont une condition d'efficacité de la nouvelle institution.

M. le président. - Amendement n°91, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :

Les autorités responsables du lieu de privation de liberté doivent prendre toutes les mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le 11 juillet dernier, les associations concernées par le texte ont protesté contre cette limitation des pouvoirs du Contrôleur : elles demandent qu'aucune restriction ne soit mise à l'accès aux locaux, aux pièces des dossiers, aux informations. Dans votre rédaction, les visites sans préavis sont soumises à des règles non précisées.

M. le président. - Amendement n°66, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :

le contrôleur général informe

insérer les mots :

par tout moyen

M. Jean-Pierre Sueur. - Précision !

M. le président. - Amendement n°65, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

sans préavis

Supprimer la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article

M. Jean-Pierre Sueur. - Les termes « circonstances particulières » devraient être bannis de nos textes de loi, ils ne signifient rien. Rien n'existe que de particulier ou de spécifique !

Sur le fond, nous allons dans le sens de la proposition de loi de M. Hyest.

M. le président. - Amendement n°21, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Supprimer le troisième alinéa de cet article.

M. Jean-René Lecerf. - Quelles raisons liées à la défense ou à la sécurité publique pourraient s'opposer à la simple visite du Contrôleur général ? Et n'est-ce pas précisément lors de troubles sérieux que cette visite s'impose ? La catastrophe naturelle en revanche est un cas de force majeure, suffisant pour justifier un report...

M. le président. - Amendement identique n°67, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Robert Badinter. - Pourquoi opposer le secret défense à une simple visite dans un lieu de privation de liberté ? En cas de catastrophe naturelle, elle n'aura bien sûr pas lieu... Mais je ne comprends pas la frilosité de la rédaction. Ces restrictions sont contraires au texte des conventions internationales que nous avons signées. Le protocole facultatif prévoit en son article 20 l'accès à tous les renseignements, à tous les lieux de détention.

M. le président. - Amendement identique n°92, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer le troisième alinéa de cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Défendu !

M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les termes « graves dysfonctionnements », « troubles sérieux » me posent problème : c'est alors qu'il faut intervenir. Repousser la date de la visite, c'est interdire au Contrôleur de s'en occuper...Cette limitation n'est pas acceptable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le projet du gouvernement n'était sûrement pas d'empêcher les visites. Il s'est inspiré un peu maladroitement du système anglais mais celui-ci combine visites inopinées et programmées.

Les membres de la commission d'enquête du Sénat avaient choisi de se rendre dans les prisons à quelques-uns, en prévenant la veille...

M. Louis Mermaz. - Huit jours avant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Non, vingt-quatre heures ! (M. Mermaz en doute) Je le sais puisque je présidais cette commission !

M. Louis Mermaz. - Je ne citerai pas mes sources mais...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Une fois seulement, nous avons prévenu huit jours avant, et nous n'avons pas recommencé !

Avis défavorable à l'amendement n°52 qui supprime les alinéas II et III alors que le III traite des seules restrictions temporaires, possibles dans le protocole facultatif.

Je m'apprêtais à donner un avis favorable à l'amendement n°20 mais il a été retiré au profit du n°36 de Mme Boumediene-Thiery, dont la commission approuvera la rédaction, qui est meilleure.

Il supprime l'obligation d'information préalable de l'autorité responsable du lieu de privation de liberté. Sans doute le projet de loi ne fixe-t-il aucun délai particulier pour cette information, qui pourrait donc être faite dans un temps très court précédant la visite, mais enfin cela est un peu superficiel, d'autant que le principe de l'information préalable n'est nullement prévu par le protocole facultatif, ni d'ailleurs par l'article du code de procédure pénale relatif au droit de visite des parlementaires. Donc, en accord avec M. Lecerf, avis favorable à l'amendement n°36. (On s'en félicite sur les bancs socialistes)

L'auteur de l'amendement n°64 se ralliera certainement volontiers à l'amendement de Mme Boumediene-Thiery, qui a le même objet.

L'amendement n°91 est lui aussi satisfait par l'amendement n°36. Je recommande donc à Mme Assassi de le retirer. Il en est de même de l'amendement n°66 et de l'amendement n°65.

En revanche, l'amendement n°21 supprime le troisième alinéa et donc toute restriction au droit de visite. La commission était partagée sur cet amendement. Elle a rendu un avis de sagesse. En tant que rapporteur, je dois rappeler que les restrictions peuvent être justifiées, dans les cas strictement énumérés à l'article 6. Cet amendement reprend en effet strictement les termes de l'article 14.2 du protocole facultatif. Même avis sur les amendements n°67 et n°92, qui sont identiques.

Quant à l'amendement n°32, je tiens à préciser que le contrôleur n'est pas un médiateur. Il n'a donc pas à exercer un rôle de médiation en cas de troubles. Il est souhaitable, en revanche, qu'il puisse se rendre sur les lieux sitôt le calme revenu. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Tous ces amendements visent à enlever les restrictions au droit de visite du Contrôleur général, prévues par cet article. Or il peut y avoir des objections à des visites inopinées, pour des raisons impérieuses, ou de nécessité. Ainsi, l'article 14.2 du protocole facultatif des Nations Unies cite-t-il « des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu. » Ainsi, en 2003, des inondations ont touché la maison d'arrêt d'Arles. En de pareilles circonstances, il vaut mieux éviter la visite du Contrôleur général.

M. Charles Gautier. - Il n'est pas sot !

M. Jean-Pierre Sueur. - Et en cas de tremblement de terre ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En cas de mutinerie, également, ou lorsque des détenus ne veulent pas rentrer de promenade, il est évidemment souhaitable de mobiliser le personnel pénitentiaire pour les faire remonter, plutôt que pour accueillir le Contrôleur général. Ces restrictions sont temporaires. Je pense également à l'exemple récent de l'évasion de la prison de Grasse. Il est impératif en ce cas de veiller à la sécurité du personnel et des détenus en priorité, plutôt qu'à l'accueil du Contrôleur général...

M. Jean-Pierre Sueur. - C'est évident !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... Pour toutes ces raisons, avis défavorable à l'amendement n°52. Avis favorable à l'amendement n°36. Avis défavorable, pour les raisons que j'ai exposées, aux amendements n°64, n°91, n°66, n°65, n°21, n°67, n°92 et n°32.

M. Yves Détraigne. - Je suis prêt à retirer mon amendement, mais je ne comprends pas pourquoi M. Hyest y a donné un avis défavorable, alors qu'il a donné un avis de sagesse sur l'amendement de suppression du troisième alinéa du groupe socialiste.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il y a eu vote de la commission, qui s'est ralliée à l'amendement n°36. Or la rédaction de votre amendement, qui visait, très habilement, à supprimer les deuxième et troisième alinéas, n'étant pas compatible avec celui-ci, je ne pouvais pas lui donner un avis favorable.

L'amendement n°52 est retiré.

L'amendement n°20 est retiré.

L'amendement n°36 est adopté.

Les amendements n°64, n°91, n°66, n°65, n°21, n°67 et n°92 deviennent sans objet.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19h 25.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance reprend à 21h 30.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. - M. le Président du Conseil constitutionnel informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, le 31 juillet 2007 par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

Dialogue social (CMP - Nominations)

M. le président. - Pour le cas où le gouvernement provoquerait la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : M. Charles Revet, Mme Catherine Procaccia, MM. Paul Blanc, Alain Gournac, Claude Biwer, Mmes Christiane Demontès et Annie David.

Suppléants : MM. Gilbert Barbier, René Beaumont, Christian Cambon, Mme Adeline Gousseau, MM. Yves Krattinger, André Lardeux, Mme Gisèle Printz.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

Contrôleur général (suite)

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur. - Je souhaite faire un rappel au Règlement.

M. Paul Girod. - Sur quel article ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Il y a eu une certaine confusion dans les ultimes minutes de l'après-midi...

M. Paul Girod. - Ce n'est pas possible !

M. Jean-Pierre Sueur. - ... confusion qui peut avoir des conséquences fâcheuses.

Mme la Ministre a fait des déclarations sur le Protocole de l'Organisation des Nations unies, déclarations qui rejoignent celles du rapporteur et qui sont erronées : les restrictions qui nous ont été présentées comme touchant le Contrôleur général concernaient en réalité le sous-comité de prévention de la torture. Les articles 19 et 20 du Protocole ne comportent, eux, aucune restriction. Nous n'avons pas vérifié sur-le-champ l'exactitude de ces déclarations, qui ont eu un effet sur notre vote. Or nous avons adopté l'amendement n°36 de Mme Boumediene-Thiery, lequel a un effet très bénéfique mais aussi l'inconvénient de faire tomber tous les amendements portant sur le III

M. Paul Girod. - Cela n'a rien d'un rappel au Règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. - Des informations erronées ont été données, ce qui a conduit à cette situation paradoxale que sont tombés des amendements contrairement à la volonté d'un grand nombre d'entre nous. Je souhaite donc que l'on revienne sur ce vote.

M. le Président. - Je ne puis que constater que le Règlement a été scrupuleusement respecté. Le vote est donc acquis.

M. Jean-Pierre Sueur. - Une solution consisterait à procéder à une seconde délibération sur cet amendement, grâce à laquelle des sous-amendements pourraient être adoptés.

M. Laurent Béteille. - Il fallait vous en apercevoir avant !

M. le Président. - Le Règlement a été respecté, le débat continue.

M. Jean-Pierre Sueur. - Pour la suite de nos débats, cet incident est fâcheux.

M. le Président - Amendement n°33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

demande et obtient

Mme Alima Boumediene-Thiery. - D'un point de vue lexical, cet amendement situe mieux l'obligation faire aux autorités responsables.

M. le Président. - Amendement n°33, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

demande et obtient

M. Jean-René Lecerf. - Même si nous sommes éloignés sur le fond, nous nous retrouvons sur cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission préfère la proposition de M. Lecerf ; Mme Boumediene-Thiery doit pouvoir s'y rallier.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Soit.

L'amendement n°33 est retiré.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement n°45.

L'amendement n°45 est adopté.

M. le Président. - Amendement n°69, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, après les mots :

autorités responsables du lieu de privation de liberté

insérer les mots :

et de toute personne qu'il juge utile d'entendre et qui ne fait pas partie de ces autorités,

M. Robert Badinter. - Il n'y a pas que les autorités responsables à détenir des informations. C'est aussi le cas des associations, des visiteurs des prisons, des assistantes sociales, des éducateurs -toutes personnes qui ne relèvent pas du pouvoir hiérarchique mais savent. La formulation retenue par le projet de loi est donc restrictive.

De plus, la formulation retenue dans le texte suggère que le Contrôleur général peut s'entretenir avec les seules personnes présentes lors de sa visite, donc à demeure, ce qui n'est pas le cas des éducateurs ou encore des visiteurs de prison. Par conséquent, nous proposons -ni plus, ni moins, mais c'est important- de revenir au texte du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU, qui prévoit le libre accès à l'information, le libre accès aux locaux et la liberté d'audition de l'autorité chargée de contrôler les lieux de détention.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision n'est pas utile puisque le texte stipule à l'article 5 que toute personne physique ou morale peut saisir le Contrôleur général.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°34, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots :

, en particulier avec les personnes privées de liberté

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les personnes dont le Contrôleur général juge le concours nécessaire visées à cet article 6 comprennent-elles les personnes privées de liberté ? (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le confirme.) Il faut le préciser dans la loi, car cela ne va pas de soi. En tant que parlementaire, on m'a déjà refusée de rencontrer un détenu dans une maison d'arrêt... De plus, les personnes privées de liberté sont les mieux placées pour juger de leurs conditions de détention. Leur concours est fondamental, c'est un rempart contre l'arbitraire. Le corporatisme des personnels pénitentiaires, sans vouloir les blâmer tous, est fort et on dénonce rarement les agissements de ses collègues, comme l'actualité récente l'a encore prouvé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le quatrième alinéa de l'article 6 prévoit explicitement que le Contrôleur général peut rencontrer « toute personne », donc des détenus. Avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pourquoi ne pas l'écrire dans la loi puisque cela va de soi ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je confirme que l'expression « toute personne » comprend les personnes privées de liberté. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons ajouté « dans des conditions assurant la confidentialité » comme cela est prévu pour les rencontres durant la garde à vue entre la personne et son avocat.

M. Louis Mermaz. - Malgré les paroles rassurantes de M. Hyest et de Mme le garde des sceaux, je suis troublé par les propos de Mme Alima Boumediene-Thiery. On ne m'a jamais empêché de m'entretenir avec une personne incarcérée, sauf au commissariat central de Marseille à cause de l'arrivée pour le moins inopinée du substitut du procureur. Si la situation varie selon les personnes, l'amendement n'est pas superfétatoire.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°68, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa de cet article par les mots :

éventuellement à sa demande

M. Charles Gautier. - Nous proposons de retenir la formulation plus large de la commission Canivet.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La précision est inutile, avis défavorable.

Monsieur Mermaz, il est arrivé une seule fois qu'on empêche un parlementaire de rencontrer un détenu parce qu'il venait le voir à titre privé, et non pour contrôler les conditions de détention. Par ailleurs, le Contrôleur général n'est pas un parlementaire...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - L'article 4 répond à votre préoccupation. Avis défavorable.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°70, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

ne peut lui être opposé

supprimer la fin du dernier alinéa de cet article.

M. Robert Badinter. - Les exceptions énumérées au dernier alinéa de cet article limitent les pouvoirs d'investigation du Contrôleur général. Il faut les supprimer pour mettre le texte en conformité avec le protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU.

Parlons sérieusement : quelle sorte d'information pourrait nuire à la défense nationale ? Qui jugera s'il y a atteinte à la sûreté de l'Etat et comment ? La référence au secret de l'enquête et de l'instruction est curieuse. Quant au secret médical, s'il peut être opposé au Contrôleur général, comment celui-ci pourra-t-il établir avec certitude que des blessures ont éventuellement pour origine des violences infligées par des codétenus ou le personnel pénitentiaire ?

M. le président. - Amendement n°93, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Remplacer le dernier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret médical.

Néanmoins, le contrôleur général peut avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée.

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Si certaines incompatibilités sont légitimes, le législateur doit les définir très précisément. L'inventaire auquel procède le projet aboutit à mettre sur le même pied des exceptions de nature très différente. Le secret médical bénéficiant aux individus, il ne saurait être opposé aux institutions qui les prennent en charge. Il faut que le Contrôleur général, autorisé par l'intéressé, puisse vérifie la conformité de ses dires avec les constatations médicales.

M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

M. Yves Détraigne. - Comme les précédents, cet amendement cherche à rééquilibrer le dernier alinéa : il repend la rédaction de la proposition de loi de 2001.

M. le président. - Amendement n°22, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé. Si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'Etat, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, le contrôleur général sera lié par l'obligation de secret.

M. Jean-René Lecerf. - Je fais le pari de la confiance pour entrer dans le secret partagé. Il faudra néanmoins réfléchir au secret médical, par exemple à l'occasion de la prochaine loi pénitentiaire car il y a des victimes du secret médical, comme l'a montré le cas de cannibalisme à Rouen.

M. Henri de Richemont. - Très bien.

M. le président. - Amendement n°55, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut pas lui être opposé. Le contrôleur général est tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction, le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et un client. 

M. Yves Détraigne. - Voici un amendement plus rassurant que le n°78.

M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

à la sécurité des lieux de privation de liberté,

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission a été plus modeste : pourquoi cette restriction sur les lieux de privation de la liberté, que ne prévoient pas la Convention ni le protocole facultatif ?

M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, au secret médical

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La notion de secret médical mérite en effet une nouvelle réflexion. Que protège-t-il ? L'intimité et la santé du détenu ou les agissements d'autres personnes qui peuvent lui infliger des mauvais traitements ? Trop restrictif, ce critère serait opposé trop souvent au Contrôleur général. Ce serait inacceptable.

M. Jean-Jacques Hyest. - Les secrets de l'enquête, de l'instruction, des relations entre avocat et client sont justifiés. Le secret médical soulève d'autres questions car il peut constituer une garantie. Nous avions déjà rencontré ce problème en 2001 et il nous faut progresser encore car, bien que j'aie auditionné l'IGASS et le ministère de la Santé, je ne suis pas en mesure de présenter la bonne formule.

Le dispositif présenté pour le Contrôleur général est identique à celui qui a été retenu pour la CNDS. Je m'en tiendrai là. Je m'interroge sur le secret défense mais si cela peut rassurer de grands services publics... Je serai donc défavorable à tous les amendements en discussion commune avec le nôtre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Les personnes ont droit à la confidentialité de leur pathologie. Si on remet en cause le secret médical, même avec l'autorisation de l'intéressé, celui-ci peut se sentir obligé de fournir les informations que lui demande le Contrôleur général. Mieux vaut lui laisser la possibilité de donner librement les informations qu'il juge utiles.

Le secret des relations entre l'avocat et son client est normal. Quant au secret de l'instruction...

M. Henri de Richemont. - Il n'existe plus : il est mort !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... il peut y avoir d'autres personnes parties à l'affaire. Les affaires de terrorisme et la sécurité de l'Etat ? Le Contrôleur général ne saurait se faire communiquer des informations, parce qu'il n'est pas habilité secret défense.

Je suis d'accord sur l'amendement relatif à la sécurité des lieux privatifs de liberté. Le Contrôleur général peut en effet avoir besoin de savoir où sont les cellules d'isolement et de connaître tous les locaux psychiatriques : avis favorable à l'amendement 11.

Le tiers des 344 détenus sous surveillance particulière est atteint de troubles psychiatriques : ils peuvent rarement être mis en cellule avec d'autres. L'affaire de Rouen tient aussi à ce que l'information a manqué. Je suis disposée à revoir la question du secret médical à l'occasion de la loi pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Sueur. - Notre amendement 70 vise à supprimer toute entrave à l'action du Contrôleur général. Le n°22 est, à cet égard tout à fait intéressant : dès lors que certaines informations sont couvertes par le secret, au Contrôleur de le respecter. Mais il est inutile de mettre toutes ces restrictions à son action. L'amendement n°11 est judicieux mais en contradiction avec l'alinéa 3 dont on ne veut pas parler. Si le Contrôleur général peut recevoir des informations relatives à la sécurité des lieux de privation de liberté, comment lui refuser de visiter ces lieux au motif que des troubles sérieux s'y déroulent ? La sécurité de l'État permettra de justifier toutes les restrictions. Et en cas de tsunami, il est peu probable que ledit contrôleur vienne visiter une prison....Toutes ces restrictions n'ont d'autre but que de l'empêcher de faire son travail.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Vous revenez toujours sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n°36 ...

M. Jean-Pierre Sueur. - Cela m'est en effet resté en travers de la gorge.

M. Jean-Jacques Hyest. - Il est vrai, je ne l'avais pas vu, que les restrictions du protocole de l'ONU visent le sous-comité, mais rien n'empêche de les appliquer, au plan national, au contrôle. Et si vous permettez au Contrôleur de visiter une prison en cas de troubles, vous faites de lui un médiateur, ce qui n'est pas son rôle. Il doit, en revanche, avoir des informations sur la sécurité des locaux et même en connaître les plans, de peur qu'on lui cache quelque chose.

M. Robert Badinter. - Tout est fait pour réduire la capacité d'investigation du Contrôleur général. On sait combien le secret Défense nationale ou la protection de la sûreté de l'Etat ont été utilisés pour arrêter une enquête gênante. Ou bien on veut un Contrôleur général, lié par l'obligation de confidentialité et qui a accès à toutes les informations, ou bien on tente de limiter au maximum son action.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission - On a enfin un contrôle des prisons ! Il faut permettre à cette institution de démarrer avant, peut-être, de l'améliorer, mais ne passons pas brutalement de rien à tout ! Et pourquoi n'avez-vous pas créé vous-mêmes ce contrôle ? Le créer, c'est déjà bien.

M. Henri de Richemont. - Mais s'il ne sert à rien ?

M. Jacques Blanc. - Madame la ministre, vous proposez de créer ce que personne n'avait fait avant.

M. Robert Badinter. - Nous y sommes internationalement tenus !

M. Jacques Blanc. - Mais je suis choqué d'entendre dire que le secret médical ne correspond à rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Personne n'a dit ça !

M. Jacques Blanc. - Si on remet en cause ce secret, la qualité des soins ne sera plus assurée. Il faut avoir été médecin pour savoir que, sans secret médical, le malade ne dira pas tout et, dès lors, vous ne le soignerez pas bien. C'est là un enjeu de santé publique. De grâce, laissons le secret médical dans le texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Il n'y a jamais eu de fausses informations. A l'alinéa 3 nous instituons des restrictions, non pour annuler une visite mais pour en décider le report. A l'alinéa 6 l'information n'est pas interdite : si le prisonnier souhaite la communiquer spontanément, il est libre de le faire et de livrer tous les certificats médicaux qu'il veut. Mais nous ne souhaitons pas inscrire dans la loi que le Contrôleur peut les lui demander car, dès lors, le prisonnier se sentira obligé de les lui donner. (M. Bruno Sido,M. Robert del Picchia et M. Jacques Blanc applaudissent.)

M. Richard Yung. - J'ai apprécié, dans le texte sur la récidive, la distinction faite entre malades mentaux et prisonniers. Mais ici, c'est dans l'intérêt de la personne que serait levé le secret médical. Le protocole, dans son article 20, ne prévoit aucune limitation ; il y a même une obligation de communication des informations.

Le rapport Canivet allait dans le même sens. Et le Contrôleur général est lui-même astreint au respect du secret professionnel comme ses collaborateurs. Toutes les garanties sont là.

L'amendement n°70 n'est pas adopté, non plus que les amendements 93 et 78.

M. Henri de Richemont. - Je voterai l'amendement 22 de M. Lecerf, qui me paraît tout à fait équilibré. Il ne peut être question que le Contrôleur général puisse prendre connaissance d'un dossier médical sans l'accord de la personne intéressée, mais le problème du respect du secret de l'instruction doit être posé. Ce secret est bafoué tous les jours, des procès-verbaux d'audition sont publiés dans la presse sans que cela soit suivi de la moindre sanction. Il paraît absurde de l'opposer au Contrôleur général, d'autant que celui-ci est lui-même lié par le secret professionnel. Quant au secret défense ou à la sûreté de l'État, on ne voit pas en l'espèce les cas concrets qui en imposeraient le respect. Il est vrai que le rapporteur a estimé qu'on se contentait de faire plaisir à certaines administrations ...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Si des procès-verbaux d'instruction sont publiés dans la presse, c'est qu'une des parties les a divulgués... La personne privée de liberté pourra, dans le cas qui nous occupe, livrer au Contrôleur général toutes les informations qu'elle juge utiles.

En réalité, nous allons plus loin que le rapport Canivet, qui suggérait que le Contrôleur général pouvait se faire remettre tous documents « sous la seule réserve du respect du secret professionnel et médical ».

M. Robert Badinter. - Et le secret défense ? Et la sûreté de l'État ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le rapport Canivet ne concernait que les prisons.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il arrive que les plaidoiries déforment les propos de la partie adverse. J'ai dit, monsieur de Richemont, que les dispositions relatives à la défense nationale ou à la sûreté de l'État s'appliqueraient rarement. J'ajoute que l'amendement 22, s'il est bien rédigé, n'apporte rien dès lors que le Contrôleur général est lié par le secret professionnel. Je maintiens l'avis défavorable de la commission.

M. Laurent Béteille. - Je ne veux pas qu'on enterre ainsi, un 31 juillet à 22h30, le secret de l'instruction. Il y va tout de même de la protection de la présomption d'innocence ! Il est inadmissible que des informations couvertes par le secret paraissent dans la presse ! Ne nous précipitons pas ! La création du Contrôleur général est déjà une avancée remarquable ; donnons-nous le temps de la réflexion avant de casser tout ce qui a été construit pendant des décennies. (Applaudissements)

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne comprends pas de quoi nous débattons. Le Contrôleur général n'est-il pas lui-même lié par le secret ?

L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que l'amendement 55.

L'amendement n°11 est adopté.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à cet article aux contrôleurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement s'explique par son texte même.

M. le président. - Amendement identique n°71, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Charles Gautier. - Il est soutenu.

L'amendement n°12, identique à l'amendement n°71, accepté par le gouvernement, est adopté.

M. le président. - Amendement n°31, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les contrôleurs exercent leur mission dans les mêmes conditions que celles fixées par cet article pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut garantir un contrôle effectif des 5 500 lieux de privation de liberté. Le texte est muet sur le rôle et l'indépendance des délégués du Contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement est satisfait par ceux que nous venons d'adopter.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°31 est retiré.

L'article 6, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°72, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu privatif de liberté. A sa demande, le contrôleur général des lieux de privation de liberté est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

M. Robert Badinter. - Le Contrôleur général et ses délégués doivent porter à la connaissance du procureur de la République les infractions qu'ils auront constatées.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission préfère l'amendement qu'elle présentera à l'article 7 ; le troisième alinéa de l'amendement n'est en outre pas nécessaire.

L'amendement n°72 est retiré.

M. le président. - Amendement n°53, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et recommandations aux responsables des lieux visités. Ceux-ci ont un mois pour adresser leur réponse au contrôleur et, le cas échéant, l'informer des mesures qu'ils envisagent de prendre. A défaut de réponse dans le délai imparti, le contrôleur peut rendre publiques ses recommandations et observations.

M. Yves Détraigne. - Cet amendement s'explique par son texte même. Les recommandations du Contrôleur général ne doivent pas rester lettre morte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il n'est guère cohérent de restreindre ainsi les pouvoirs du Contrôleur général.

L'article 8 prévoit que le Contrôleur général peut rendre publiques ses observations sans autre condition que d'en informer au préalable les autorités concernées. C'est plus coercitif. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Mêmes observations.

M. Yves Détraigne. - Mon amendement n'est pas restrictif, au contraire : il prévoit des réponses obligatoires aux observations !

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

Article 7

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Le ministre peut formuler des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

M. Charles Gautier. - Le Contrôleur général se borne à informer le ministre ; c'est à ce dernier de prendre toutes mesures utiles. Encore faut-il qu'il ait l'obligation de répondre à ces observations, dans un délai déterminé. Le pouvoir du Contrôleur général sera décuplé s'il peut informer le grand public. Les articles 8 et 9 prévoient la publication des informations et des rapports, mais l'article 7 ne précise pas si les observations faites au ministre et les réponses de celui-ci peuvent être rendues publiques. Or, c'est la publication du rapport de l'OIP sur les événements de Beauvais qui a fait prendre conscience à l'opinion publique de la condition carcérale, et qui a été à la source de toutes les initiatives prises depuis 1999.

M. le président. - Amendement n°94, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

A l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ou à l'administration concernée ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Il peut formuler des recommandations afin d'améliorer le traitement des personnes privées de liberté. Le ministre et l'administration compétente sont tenus, dans un délai fixé par le contrôleur général, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces observations et ces recommandations. Ces réponses sont annexées au rapport de visite, qui est ensuite rendu public.

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il porte à la connaissance du garde des Sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les lieux de privation de liberté.

Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu de privation de liberté. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

Mme Éliane Assassi. - L'efficacité du contrôle serait accrue si le Contrôleur général pouvait s'adresser directement aux administrations concernées, comme le prévoit le protocole facultatif.

Le Contrôleur général doit avoir un réel pouvoir d'injonction. Le dispositif actuel, purement formel, est insuffisant : s'il suffisait que le ministre soit au courant du problème, il n'y aurait plus de surpopulation carcérale depuis longtemps ! Il faut assortir les contrôles de contraintes, avec obligation de réponse. Nous proposons ainsi que les rapports de contrôle soient publiés avec les observations du Garde des sceaux. Enfin, nous reprenons une disposition votée en 2001 qui prévoit la possibilité pour le Contrôleur général de saisir l'autorité hiérarchique, voire la justice, de toute infraction susceptible de poursuites.

M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur

par les mots :

concernant en particulier

 

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Simplification rédactionnelle.

M. le président. - Amendement n°73, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la première phrase de cet article par les mots :

ainsi que la condition des personnes privées de liberté 

M. Richard Yung. - Il est certes important que le Contrôleur général fasse état de ses observations sur l'agencement des locaux ou l'organisation des travaux, mais ce qui compte avant tout, ce sont les hommes, qu'il s'agisse des personnes privées de liberté ou des personnels des établissements.

M. le président. - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Remplacer la seconde phrase de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Le ministre formule des observations en réponse chaque fois qu'il le juge utile et lorsque le contrôleur général l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le Contrôleur Général.

M. Jean-René Lecerf. - Nous prévoyons une réponse obligatoire du ministre si le Contrôleur en fait la demande.

M. le président. - Amendement n°58, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

Dans un délai d'un mois, le ministre formule des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

M. Yves Détraigne. - Nous imposons au ministre de répondre aux observations du Contrôleur dans un délai déterminé.

M. le président. - Amendement n°74, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la seconde phrase de cet article, remplacer les mots :

peut formuler

par les mots :

formule

M. Charles Gautier. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :Si le Contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.Le Contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Comme la majorité des autorités administratives, le Contrôleur général doit pouvoir saisir le procureur de la République ou l'autorité disciplinaire. C'était l'article 7 de la proposition de loi adoptée par le Sénat et cela est conforme aux statuts de nombreuses autorités administratives indépendantes.

M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.

M. Yves Détraigne. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°24, présenté par MM. Lecerf et Portelli.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général face à une situation d'extrême gravité peut adresser des injonctions aux autorités pénitentiaires.

M. Jean-René Lecerf. - Cet amendement visait à répondre à des situations très particulières où une information en possession du Contrôleur général lui aurait permis de savoir que la santé ou la vie d'un détenu était en danger. Je le retire : nous en reparlerons dans le cadre de la loi pénitentiaire.

L'amendement n°24 est retiré.

M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Yung.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le rapport de visite établi par le contrôleur général est transmis aux autorités responsables du lieu de privation de liberté, qui doivent mettre en oeuvre un plan d'action dans un délai de deux mois, sur la base des recommandations formulées par le contrôleur.

M. Richard Yung. - On va me répondre que nous sommes maximalistes... Cet amendement s'inspire pourtant de l'article 22 du protocole facultatif ; il est calqué sur le mécanisme de contrôle en vigueur en Angleterre et au Pays de Galles, où les autorités des établissements concernées s'engagent à répondre dans les deux mois à 95 % des rapports.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°94 est très complet : nous sommes d'accord sur beaucoup de choses mais pas sur tout. Retrait, au profit des autres amendements. Favorable à l'amendement n°73, qui apporte une précision utile, ainsi qu'à l'amendement n°23 rectifié bis, qui prévoit une réponse systématique du ministre. Retrait des amendements n°58 et 74 au profit de celui de M. Lecerf. L'amendement n°54 est identique à celui de la commission. Enfin, avis défavorable à l'amendement n°48. Nous n'avons pas la même lecture de l'article 22... Le dispositif actuel me semble préférable, car je privilégie le dialogue et la persuasion.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable aux amendements n°s13, 73, 23 rect. bis et 14 ; défavorable aux n°s94, 58, 74, 54 et 48.

L'amendement n°94 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté, ainsi que les n°73 et 23 rect.bis.

Les amendements n°58 et 74 deviennent sans objet.

Les amendements identiques n°14 et 54 sont adoptés.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis et formule des recommandations aux autorités publiques. Il propose également au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.

Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

M. Louis Mermaz. - Le contrôleur rend des avis et des recommandations, propose des modifications législatives et réglementaires. Il peut rendre publics ces travaux. Mais pourquoi cette réserve sur les observations des autorités ? Enfin, le dernier paragraphe est superfétatoire, il n'a jamais été question que le Contrôleur empiète sur la procédure judiciaire. En revanche, s'il a connaissance d'une situation grave, où la vie d'un détenu serait en danger, pourquoi ne saisirait-il pas les autorités judiciaires ? Si le juge d'application des peines n'a rien vu, c'est au contrôleur de déclencher l'alerte.

M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Yung.

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et établit des rapports sur toute question qu'il juge utile à une meilleure connaissance du fonctionnement des lieux de privation de liberté.

M. Richard Yung. - Je reprends une proposition de M. Canivet. La pratique sera riche d'enseignements pour les administrations et le ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n'apporte rien à la rédaction ; défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°76, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

En cas d'atteinte flagrante  aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a le pouvoir d'enjoindre aux autorités responsables, de prendre toute mesure qui lui parait nécessaire au respect de ces droits.

M. Jean-Pierre Sueur. - L'amendement tend à conférer un pouvoir d'injonction au Contrôleur général. En cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux, celui-ci doit pouvoir enjoindre les autorités de prendre toutes mesures pour la faire cesser. La question est ici de savoir si l'on veut donner au Contrôleur la plénitude de ses compétences.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je me suis déjà exprimé sur cette fausse bonne idée. Le Contrôleur doit entretenir un dialogue avec les administrations, il n'est pas chargé de les surveiller ni de prendre les décisions à leur place. La constitutionnalité d'une telle injonction serait de surcroît douteuse. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Vous entendez donner au Contrôleur général un pouvoir d'injonction qui appartient pour l'essentiel au juge...Il pourrait ainsi décider demain de la sortie d'un détenu, ou de lever une garde à vue. Son rôle est plutôt de discuter de ses recommandations avec les administrations concernées, il y a échange et non rapport de forces -car c'est ainsi que seraient perçues ses injonctions. Le protocole facultatif ne prévoit au demeurant rien de tel.

M. Jean-Pierre Sueur. - J'ai cité le cas d'atteinte flagrante aux droits de l'homme !

M. Louis Mermaz. - Deux visions s'opposent : vous rêvez d'une personnalité nommée à la discrétion du gouvernement et sans réelle autorité, et nous, d'une personnalité morale et d'une procédure de désignation incontestables, avec un avis des commissions parlementaires liant le Président de la République.

Par sa réponse, Mme la garde des sceaux nous embrouille : ce personnage pourrait décider de libérer un détenu, nous inquiète-t-elle. Non, nous parlons de vie en danger et d'injonction de prendre des mesures pour faire cesser les traitements dégradants ou l'atteinte aux droits de l'homme. Le Contrôleur n'interfère pas dans les procédures judiciaires !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je n'embrouille personne et le texte est clairement rédigé. Mais le pouvoir d'injonction est quasi-juridictionnel et il ne serait donc pas conforme à la Constitution de l'attribuer au Contrôleur. Dans les cas d'atteintes graves, celui-ci peut saisir les autorités judiciaires. (Applaudissements à droite).

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - Le pouvoir d'injonction est hiérarchique ou juridictionnel. Le Contrôleur général, comme les autres autorités administratives indépendantes, est un démembrement de l'action gouvernementale. S'il exerçait des pouvoirs régaliens, que resterait-il de la démocratie ? Il imposerait sa volonté aux administrations qu'il contrôle. On ne peut donner à une autorité administrative, quelle qu'elle soit, le pouvoir d'injonction. (Applaudissements à droite.)

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

au Gouvernement

insérer les mots :

ainsi qu'aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Ce sont les parlementaires qui les premiers ont demandé la création d'un Contrôleur des prisons -aujourd'hui, le gouvernement le fait parce qu'il y est contraint. Nous sommes un peu des contrôleurs depuis la loi sur la présomption d'innocence de juin 2000 et le Contrôleur général peut proposer des modifications législatives. Il revient aux présidents de nos deux assemblées de nous informer en associant l'opposition.

Ce n'est qu'à ce prix que l'on placera les parlementaires au coeur de la prise en compte des problèmes soulevés par le contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Traditionnellement, le statut des autorités administratives indépendantes prévoit qu'elles transmettent leurs suggestions de modifications réglementaires au gouvernement. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une transmission spécifique. Il n'y a pas lieu non plus de transmettre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat des propositions de modifications législatives, puisque le rapport annuel prévu à l'article 9 est remis au Parlement. Nous aurons donc connaissance des propositions qu'il contient. Un certain nombre de présidents d'autorités administratives indépendantes ont fait usage de cette faculté et leurs propositions ont été suivies d'effet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

M. le président. - Les cinq amendements suivants sont en discussion commune.

M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Après en avoir informé les autorités responsables, il rend publics ces avis, recommandations ou propositions. Les observations des autorités responsables sont recueillies et publiées dans les mêmes conditions.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet amendement réécrit le deuxième alinéa, afin de rendre obligatoire la publication des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général. Les réponses des autorités doivent également être publiées. La transparence du travail du Contrôleur général est fondamentale pour son indépendance.

Il est inacceptable que les autorités responsables puissent décider, à la place du Contrôleur général, que leurs observations peuvent ou non être publiées. Leur donner une telle liberté vide complètement de son contenu le pouvoir du Contrôleur général. Refuser le pouvoir d'injonction, ainsi que le suivi de ses avis et recommandations, ne pas lui donner le droit de les publier, revient à accepter que ceux-ci ne soient jamais suivis d'effet.

M. le président. - Amendement n°75, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Il peut rendre public ces avis, recommandations, injonctions ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

M. Charles Gautier. - Notre amendement a pour objet de supprimer les deux réserves mises à la publication et de prévoir que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publiques des injonctions.

M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. Au début du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

Après en avoir informé les autorités responsables,

II. Après le mot :

observations

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

des autorités responsables si elles en font la demande.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La publication des avis, recommandations ou propositions du Contrôleur général ne peut être soumise au bon vouloir des autorités responsables. Le Contrôleur doit pouvoir, sans restriction ni limitation, publier les conclusions de ses visites.

Cette exigence garantit la transparence du contrôle et permet une large diffusion des avis, recommandations, ou propositions du Contrôleur général, qui ne doit pas disposer d'une compétence liée dans ce domaine : il doit être libre de publier ses conclusions, sans en aviser les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Limiter son pouvoir de publication, c'est limiter son pouvoir et son indépendance.

M. le président. - Amendement n°95, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

M. Robert Bret. - Par cet amendement, nous voulons rendre obligatoire la publication des avis, recommandations et propositions du Contrôleur, conformément aux préconisations européennes, dont l'article 93 dispose : « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un/ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques ». La commission Canivet soulignait l'importance de cette transparence et la nécessité de l'information de l'opinion publique, ainsi que de l'information du personnel pénitentiaire et des détenus. Du point de vue des membres de la commission, cette publicité devait inciter les organes de contrôle à rendre compte de l'exécution de leur mission.

Il est évident que le débat public ne peut que renforcer l'efficacité des contrôles, en contraignant l'administration, placée sous le regard de l'opinion, à prendre les mesures nécessaires, mais aussi les poursuites disciplinaires ou pénales requises lorsque des fautes sont constatées.

L'article 8 du projet de loi, tout comme l'article 7 s'il n'est pas modifié, n'auront pas de tels effets. La France est, hélas, montrée du doigt pour l'état désastreux de ses prisons et de ses centres de rétention. Elle a fait preuve de trop longues hésitations à mettre en oeuvre le protocole et à créer un Contrôleur général. Des situations inacceptables doivent trouver une solution. Il ne serait pas très glorieux pour la France de continuer de faire preuve de frilosité.

M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après les mots :

ces autorités

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

 

 M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La rédaction du projet de loi pourrait laisser entendre que la possibilité de publier les observations du Contrôleur général serait laissée au soin des responsables des lieux de privation de liberté. Dès lors que le rapport est public, il est souhaitable que les observations le soient également. Notre amendement satisfait partiellement ou totalement les amendements n°s42 et n° 75.

Quant à l'amendement n°38, il supprime l'information préalable, qui n'est pas une autorisation préalable, le Contrôleur général étant entièrement libre de ses choix : j'en demande le retrait, à défaut la commission lui sera défavorable. Avis défavorable également sur l'amendement n°95, parce qu'il est préférable de laisser au contrôleur le choix de rendre publics ses avis ou ses observations.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement de la commission, qui améliore la rédaction de l'article 8. Les amendements n°42 et n°75 sont satisfaits par cet amendement. Défavorable aux amendements n°38 et n°95.

L'amendement n°42 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s75, 38 et 95.

L'amendement n°15 est adopté.

M. le président. - Amendement n°77, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

M. Charles Gautier. - La disposition de cet article selon laquelle le Contrôleur général des lieux de privation de liberté « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle » est inutile au regard des règles de la procédure pénale. C'est pourquoi nous proposons sa suppression.

M. le président. - Amendement n°39, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut formuler des observations écrites jointes à toute procédure, quelle qu'en soit la nature, consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté et peut présenter des observations orales devant la juridiction pénale éventuellement saisie. Il ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Que le Contrôleur ne puisse remettre en cause le bien-fondé d'une décision se comprend, mais que signifie au juste qu'il ne peut commenter une décision de justice ? Ne peut-il publier un avis qui viendrait contredire une telle décision ? Nous souhaitons des éclaircissements.

Au regard des pouvoirs assez larges dévolus au Contrôleur général, l'interdiction de toute intervention de sa part, ne serait-ce que par écrit, dans le cadre d'une procédure, nous semble faire peu de cas de son travail.

Le Contrôleur sera au premier plan dans la recherche d'une amélioration des conditions de privation de liberté. En tant qu'amicus Curiae, il est le seul susceptible de produire, dans des affaires pendantes, des éléments importants. Sinon, qui jugera des conditions d'une personne privée de liberté ? Cette personne ou le personnel ? Ce sera la vérité de l'un contre celle des autres.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°77 propose de supprimer une disposition traditionnelle dans les statuts des autorités administratives indépendantes, que l'on trouve, par exemple, à l'article 8 de la loi relative à la CNDS et à l'article 10 de la loi relative au défenseur des enfants, selon laquelle une autorité administrative indépendante ne peut s'immiscer dans une procédure judiciaire. Mais je souhaiterais entendre l'avis du gouvernement.

En ce qui concerne l'amendement n°39, les organes juridictionnels comme les organismes disciplinaires peuvent, s'ils le souhaitent, avoir communication des avis d'une autorité administrative indépendante. De même, le juge pénal peut l'entendre comme témoin. Il est vrai que cette possibilité est laissée à l'initiative des organes juridictionnels. Mais faut-il, pour autant, en donner l'initiative au Contrôleur général ? Là-dessus aussi, je voudrais entendre l'avis du gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Sur l'amendement n°39, l'autorité judiciaire peut entendre qui elle veut, à tout moment, comme elle veut. Il est donc inutile. J'y suis défavorable.

Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, il est inscrit dans le statut de cette autorité qu'elle ne peut pas commenter les décisions de justice. S'il s'agit d'une décision de première instance, cette dernière n'est pas définitive, et il ne convient donc pas de la commenter. Si une enquête est en cours, l'autorité n'est pas partie à l'affaire et elle ne peut pas s'immiscer dans une procédure civile. Rien n'empêche, au demeurant, dans le cas d'une procédure pénale, le Contrôleur général d'informer l'autorité judiciaire. Cet amendement n°77 est donc inutile. Il est normal de ne pas commenter une décision de justice et de ne pas s'immiscer dans une procédure judiciaire, comme le relevait déjà le rapport Canivet, page 179 ...

M. Jean-Jacques Hyest. - Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission suit le gouvernement.

L'amendement n°77 n'est pas adopté, non plus que le n°39.

M. le Président. - Amendement n°40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est habilité à saisir de tout manquement aux prescriptions déontologiques la Commission nationale de déontologie de la sécurité instituée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La CNDS peut, elle, saisir le procureur de la République ! Sans notre amendement le Contrôleur général ne serait qu'une coquille vide.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'amendement n°8, que le Sénat a adopté, va plus loin. Celui-ci est donc inutile, tout comme le n°41.

L'amendement n°40 est retiré, ainsi que le n°41.

M. le Président. - Amendement n°96, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque le contrôleur général est saisi de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 6 relatives à la communication de pièces.

Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'autorité mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'article 9 et publié au Journal officiel.

M. Robert Bret. - Le Contrôleur général ne manquera pas d'être saisi de faits donnant lieu à enquête, information ou poursuites judiciaires ; cela ne doit pas pour autant paralyser son action. Il doit donc, comme la CNDS, avoir communication des pièces du dossier, sous réserve de l'accord préalable des juridictions saisies ou du Procureur.

Nous souhaitons également donner au Contrôleur général un réel pouvoir d'injonction en cas de décisions de justice non exécutées : nous reprenons les compétences d'ores et déjà accordées au Médiateur de la République. Et les observations doivent avoir une suite.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Défavorable.

M. Robert Bret. - Écoutez au moins nos arguments, au lieu de répondre de façon mécanique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je résume pour faire gagner du temps au Sénat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le Contrôleur général ne peut avoir accès au dossier instruit puisqu'il n'est pas partie à l'affaire. Il appartient aux juridictions administratives d'intervenir en cas de décisions de justice non exécutées.

Le Médiateur, lui, intervient dans des cas individuels ; ce n'est pas comparable.

M. Patrice Gélard. vice-président de la commission - Il ne faut pas confondre médiation et contrôle !

L'amendement n°96 n'est pas adopté

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.

M. le président. - Amendement n°97, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter la deuxième phrase de cet article par les mots :

et fait l'objet d'une communication devant chacune des assemblées

Mme Josiane Mathon-Poinat. - Ce qui fonctionne déjà pour le Médiateur de la République doit pouvoir s'appliquer au Contrôleur général. Avec notre rédaction, tous les parlementaires seraient informés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je vais vous réponde de manière ni mécanique ni répétitive.

M. Gérard Longuet. - Avec chaleur et humanité. (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous savons tous ce qu'il en est des communications au Parlement, ennuyeuses et vaines. Combien préférable serait une convocation régulière devant la commission compétente ! Nous pourrions ainsi dialoguer sérieusement, éventuellement en commission élargie. Telle est la proposition du doyen Gélard, que nous faisons nôtre.

Voici un avis défavorable bien justifié ! (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Défavorable.

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Articles additionnels

M. le Président. - Amendement n°16, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision doit figurer dans la loi.

M. le Président. - Amendement n°81, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a la possibilité d'avoir des contacts avec le Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture, de lui communiquer des renseignements et de le rencontrer.

Mme Éliane Assassi. - Il importe d'insister sur la dimension internationale de l'action du Contrôleur général. Nous rejoignons la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre amendement est satisfait par le nôtre, dont la rédaction, plus générale, ménage l'avenir.

Mme Éliane Assassi. - En effet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement n°16, défavorable au n°81.

L'amendement n°16 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°81 devient sans objet.

Article 10

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

M. le président. - Amendement n°98, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Rédiger ainsi cet article :

Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé "Coordination du travail gouvernemental".

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

 

M. Robert Bret. - Votre texte n'apporte aucune garantie sur le budget dont va disposer le Contrôleur général pour l'exercice de ses missions alors que le bon fonctionnement d'une autorité indépendante de contrôle dépend largement des crédits qui lui sont alloués.

Vous avez annoncé, madame la garde des sceaux, 2,5 millions et 18 personnes pour visiter quelques 5 500 lieux de détention. Cela reste trop modeste. D'autant que, comme l'a souligné le rapporteur, la montée en puissance du dispositif imposera bientôt une augmentation des moyens du Contrôleur général.

M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Compléter cet article par deux phrases et un alinéa ainsi rédigés :

Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement précise que les crédits du Contrôleur général seront rattachés au programme coordination du travail gouvernemental -façon de souligner le caractère interministériel de sa mission- que ses comptes ne seront pas soumis, par dérogation à la loi du 10 août 1922, au contrôle financier a priori du ministère des finances -mais feront l'objet d'un contrôle a posteriori de la Cour des comptes. Ces dispositions sont prévues pour le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants.

M. le président. - Amendement n°44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente chaque année ses comptes à la Cour des comptes.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Indépendance ne signifie pas opacité : la Cour des comptes doit contrôler les comptes du Contrôleur général et formuler des recommandations.

M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'Etat.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les crédits du Contrôleur général ne doivent pas relever du budget de la justice. Ces prochaines années, celui-ci devra consacrer tous ses moyens à construire des prisons pour accueillir les détenus dont le nombre va augmenter avec l'adoption de la loi sur la récidive... Surtout, inscrire ces crédits au budget général de l'Etat (M. le Rapporteur s'exclame.) permettra de garantir l'indépendance financière du Contrôleur général vis-à-vis du gouvernement, ce que ne permet pas l'amendement n°17 de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Écrire que des crédits relèvent du budget général de l'Etat est un truisme ! Nous sommes d'accord sur le fond, mais les amendements n°s98, 44 et 43 sont moins complets que notre n°17. J'invite donc leurs auteurs à s'y rallier.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Avis de sagesse sur l'amendement n°17 car il relève peut-être davantage de la loi de finances ; avis défavorable aux amendements n°s98, 44 et 43. S'agissant des inspecteurs de prison en Angleterre, je veux préciser qu'ils sont passés de six lors de la création du dispositif à une quarantaine aujourd'hui, mais à temps partiel et pour une population carcérale bien plus importante que celle de la France : 80 000 à 90 000 personnes.

Les amendements n°s98, 44 et 43 sont retirés.

L'amendement n°17 est adopté ainsi que l'article 10, modifié, les articles 11 et 12.

Interventions sur l'ensemble

M. Charles Gautier. - Les travaux en commission des lois nous avaient laissé espérer que nous pourrions renforcer les pouvoirs du Contrôleur général. Hélas, nous avons passé le plus clair de notre temps à les restreindre. (M. le Rapporteur le conteste.) Nous n'avons pas réussi à modifier le dispositif sur deux points qui nous paraissent cruciaux : la nomination du Contrôleur général et l'étendue de ses moyens. Ce texte est en-deçà des exigences internationales (M. le Rapporteur le nie.) et de la proposition de loi de M. Hyest adoptée à l'unanimité en 2001. Par conséquent, nous nous abstiendrons (Applaudissements sur les bancs socialistes).

Mme Éliane Assassi. - L'état des établissements pénitentiaires et les engagements internationaux de la France imposaient que l'on crée d'urgence un Contrôleur général. Mais ce texte est-il à la hauteur des exigences du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU ?

Plusieurs voix à droite. - Oui !

Mme Éliane Assassi. - Non, ce texte a minima est en-deçà des recommandations de la commission Canivet et de la proposition de loi de M. Hyest. Malgré quelques améliorations, les pouvoirs du Contrôleur général restent très limités, ce dont témoignent nos débats sur les articles 6 et 8. L'efficacité, la crédibilité et la légitimité du Contrôleur général en seront affectées d'autant que les moyens humains et matériels qui lui sont attribués ne permettront pas de garantir son indépendance. Les chiffres annoncés par Mme le garde des Sceaux sont insuffisants. Parce que ce texte est trop frileux, le groupe CRC s'abstiendra. (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Béteille. - Alors que l'Angleterre créait un inspecteur des prisons en 1981, il aura fallu laisser passer plus de vingt-cinq ans et dix gardes des sceaux, toutes tendances politiques confondues -n'en déplaise aux donneurs de leçons-, pour que l'on institue enfin un Contrôleur général. Mme le garde des Sceaux, tout le mérite vous en revient. Ce Contrôleur général est même investi de pouvoirs plus étendus que ne le prévoyait l'excellente proposition de loi de M. Hyest : il pourra être saisi directement par toute personne physique ou morale et il est chargé de contrôler tous les lieux de privation de liberté, et non les seuls établissements pénitentiaires. Les exceptions que l'on peut opposer à son droit de visite et à ses autres compétences sont extrêmement limitées et justifiées.

Certains auraient souhaité aller plus loin mais la question sera reprise lorsque l'on pourra évaluer les premiers résultats, comme cela s'est produit pour l'ensemble des autorités indépendantes. J'approuve également votre prudent souci d'une bonne insertion de celle-ci dans un paysage sensible et chargé d'histoire.

Avec un certain nombre de mes collègues, je vais voter cet excellent texte (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Yves Détraigne. - Ce texte n'est pas parfait mais il a le mérite d'exister et d'avoir évolué dans le bon sens même s'il n'est pas allé aussi loin que le réclamaient certains de nos amendements. Lors de son rapport annuel, le Contrôleur général pourra faire des suggestions. Faisons confiance à la personne qui sera nommée pour formuler des propositions pour conforter encore l'institution. On a fait un grand pas en avant avec ce texte que l'UC-UDF votera.

Reste la question des moyens matériels. La ministre a parlé de 2,5 millions et de 18 collaborateurs. C'est peu en regard des 5 500 lieux à contrôler mais c'est un début. Il faudra se battre pour améliorer le budget et nous serons à vos côtés pour cela. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président. - Vingt-six amendements ont été adoptés.

M. Paul Girod. - Je veux associer l'ensemble du groupe UMP aux félicitations que vous a adressées M. Béteille. La France va respecter ses obligations grâce à ce texte politiquement fort. Vous avez voulu que le débat soit large et franc. Chacun a pu s'exprimer et nous avons maintenant la satisfaction de vous apporter notre soutien. Certains se dérobent, nous le regrettons d'autant plus que la commission des lois, et c'est tout à l'honneur de son président, est allée aussi loin que la Constitution le permettait en prévoyant la consultation des commissions du Parlement sur la nomination du Contrôleur général.

En respectant les règles européennes, la France tiendra ou reprendra sa place en Europe. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certains de nos collègues semblent bouder leur plaisir alors que nous instituons ce Contrôleur général que nous avions voulu à l'unanimité en 2001. Il faut pourtant se réjouir que le texte aille d'autant plus loin que nous l'avons amélioré par nos amendements. La navette pourra encore le faire évoluer : l'urgence n'a pas été déclarée.

Certains amendements ont été votés à l'unanimité, ainsi pour la participation du Parlement à la nomination du Contrôleur général, ce que nous n'avions pu faire en 2001. Si le premier titulaire est choisi judicieusement, il saura donner à la nouvelle institution toute l'envergure que nous souhaitons.

Si la commission a contribué à améliorer le texte, il importe surtout d'insister sur la conception générale de l'institution pour que, comme en Grande-Bretagne, le Contrôleur général ne soit pas tatillon ni suspicieux à l'endroit de l'administration pénitentiaire mais cherche à améliorer la situation des détenus. Il faut, en tout cas, rappeler la qualité du personnel de l'administration pénitentiaire, les progrès qu'il a réalisés et le respect qu'il porte aux droits des détenus. (Applaudissements à droite et au centre)

A la demande des groupes socialiste et UMP, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin:

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue des suffrages exprimés 100
Pour l'adoption 199
Contre zéro

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Au nom du Gouvernement, je vous remercie d'avoir adopté, en première lecture, ce projet de loi. Par votre vote, vous avez montré que la France veut s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif des lieux de privation de liberté. Par votre vote, vous permettez à notre pays de répondre à la résolution du Conseil de l'Europe, et de respecter le Protocole facultatif à la convention des Nations Unies. Vous témoignez ainsi, une nouvelle fois, de votre attachement à la protection des droits fondamentaux. Je vous en remercie et salue la qualité du travail du Sénat.

L'adoption de ce texte doit beaucoup à l'implication personnelle du président de votre commission des lois, Jean-Jacques Hyest qui était à l'origine du premier texte voté par la Haute Assemblée. Conforté par sa grande maîtrise du sujet, il a conduit avec talent les auditions en commission et l'examen en séance plénière. La participation de tous les groupes a permis au projet de s'enrichir. Vingt-six amendements ont été adoptés, fort utiles. Malgré l'ordre du jour chargé et les contraintes de cette session extraordinaire, vous avez montré beaucoup d'exigence et de célérité.

L'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle avancée du droit en France. Ce texte qui dépasse le jeu des oppositions simplistes démontre que la politique de fermeté du gouvernement trouve sa légitimité dans un principe fondateur : le respect de l'humanité que nous devons à chacun. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 1er août 2007, à 15 heures.

La séance est levée à minuit vingt.

Le Directeur du service du compte rendu analytique

René-André Fabre