Immigration, intégration et asile (Urgence  -  Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maitrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Je suis saisi de deux rappels au Règlement.

Mme Michèle André. - Je souhaite tout d'abord savoir comment vous comptez organiser nos travaux ce soir.

En second lieu, vous savez sans doute que le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été saisi par un sénateur le 3 octobre dans le cadre d'une procédure d'urgence afin qu'il se prononce sur les tests ADN. Voici quelle a été sa réponse : « Le CCNE regrette que des questions aussi importantes concernant l'accueil des étrangers et le droit de la filiation fassent l'objet de procédures en urgence qui entraînent une constante évolution des textes. Le CCNE ne veut donc pas s'enfermer dans le jugement de tel ou tel article ou amendement d'une version d'un projet législatif. Il se réserve la possibilité d'une réflexion de fond sur des textes concernant l'accueil des étrangers qui soulèvent d'autres questions que celles du regroupement familial.

« Le CCNE prend acte que progressivement les amendements successifs prennent de plus en plus en compte la notion de famille telle que définie dans le droit français, notamment en reconnaissant la filiation sociale comme prioritaire.

« Malgré toutes les modifications de rédaction, le CCNE craint que l'esprit de ce texte ne mette en cause la représentation par la société d'un certain nombre de principes fondamentaux que le CCNE entend réaffirmer avec force, déjà rappelé dans son avis n° 90 Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation du 24 novembre 2005. L'erreur est de laisser penser qu'en retrouvant le gène, la filiation serait atteinte. La filiation passe par un récit, une parole, pas par la science. L'identité d'une personne et la nature de ses liens familiaux ne peuvent se réduire à leur dimension biologique. La protection et l'intérêt de l'enfant doivent être une priorité quand il s'agit de décisions concernant la famille. Le doute devrait jouer a priori au bénéfice de l'enfant.

« Cette inscription dans la loi d'une identification biologique réservée aux seuls étrangers, quelles qu'en soient les modalités, introduit de fait une dimension symbolique dans la représentation d'une hiérarchie entre diverses filiations, faisant primer en dernier lieu la filiation génétique vis-à-vis du père ou vis-à-vis de la mère comme étant un facteur prédominant, ce qui est en contradiction avec l'esprit de la loi française. De nombreuses familles françaises témoignent de la relativité de ce critère : familles recomposées après divorce, enfant adopté, enfant né d'accouchement dans le secret, sans parler de toutes les dissociations que peuvent créer les techniques actuelles d'assistance médicale à la procréation.

« Outre la question de la validité des marqueurs biologiques pour mettre en évidence des liens de filiation, d'un point de vue symbolique, le relief donné à ces critères tend à accréditer dans leur recours une présomption de fraude. Le CCNE est préoccupé par la charge anormale de preuves qui pèsent sur le demandeur.

« D'une manière générale, le CCNE attire l'attention sur la dimension profondément symbolique dans la société de toute mesure qui demande à la vérité biologique d'être l'ultime arbitre dans des questions qui touchent à l'identité sociale et culturelle. Elle conduirait furtivement à généraliser de telles identifications génétiques, qui pourraient se révéler à terme attentatoires aux libertés individuelles. Elle risquerait d'inscrire dans l'univers culturel et social la banalisation de l'identification génétique avec ses risques afférents de discrimination.

« Le CCNE redoute les modalités concrètes d'application dans des réalités culturelles très différentes des nôtres. Nos concitoyens comprendraient peut-être mieux l'exacte réalité de tels enjeux s'ils étaient confrontés à des exigences analogues lors de leur propre demande de visa. »

Au nom du groupe socialiste et en application de l'article 43 alinéa 4 de notre Règlement, je demande donc au Sénat qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 5 bis relatif aux tests ADN applicables aux étrangers qui veulent venir sur notre sol.

Lorsque nous avons discuté hier soir de l'amendement de M. Hyest, nous n'avions pas connaissance de l'avis du CCNE qui est susceptible de contribuer à notre réflexion. Nous souhaitons donc que le Sénat puisse délibérer à nouveau sur une disposition qui pose des problèmes graves, à la fois de principe et d'ordre pratique. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Je vous donne acte de votre communication, mais je vous rappelle que le quatrième alinéa de l'article 43 stipule qu' « Avant le vote sur l'ensemble d'un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé à la commission pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement ».

J'interroge donc le Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Comme vous le savez, la seule obligation qui s'impose au Gouvernement est de faire passer ses projets devant le Conseil d'État. Cette formalité ayant été remplie, je ne suis pas favorable à une deuxième délibération.

Mme Éliane Assassi. - Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce texte mais il ne se limite pas aux seuls tests ADN. Un certain nombre d'autres mesures méritent que l'on prenne le temps d'un débat serein, à la hauteur de celui que nous avons eu jusqu'à présent. Qu'envisagez-vous de faire alors qu'il reste plus de 110 amendements ?

Je suis d'accord avec Mme André : la lettre du CCNE est d'autant plus importante que l'article 5 bis prévoit qu'un décret sera pris après avis du CCNE. La lecture qui vient d'être faite est édifiante : comment pourrait-on encore maintenir l'article 5 bis dans le projet ? Je demande donc à mon tour une deuxième délibération.

M. le président. - La réponse vient de vous être donnée à l'instant par le Gouvernement.

Sur le fond, il reste 117 amendements à examiner. C'est peut-être beaucoup mais si les interventions sont ramassées et les réponses brèves, nous pourrions envisager de lever la séance vers trois heures du matin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Les questions les plus compliquées ont déjà été examinées. Si les interventions qui refont la discussion générale ne se multiplient pas, nous pourrions raisonnablement achever l'examen de ce projet dans les délais que vous envisagez.

M. le président. - Nous reprenons donc l'examen des articles de ce projet de loi.

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 5 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la dernière phrase de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « à l'initiative de l'étranger » sont supprimés.

L'amendement rédactionnel n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 5 quinquies

La section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III du même code est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« La carte de résident permanent

« Art. L. 314-14. - À l'expiration de sa carte de résident délivrée sur le fondement de l'article L. 314-8, L. 314-9, L. 314-11 ou L. 314-12, une carte de résident permanent, à durée indéterminée, peut être délivrée à l'étranger qui en fait la demande, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public et à condition qu'il satisfasse aux conditions prévues à l'article L. 314-2.

« Les articles L. 314-4 à L. 314-7 sont applicables à la carte de résident permanent.

« Lorsque la carte de résident permanent est retirée à un ressortissant étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3, une carte de séjour temporaire lui est délivrée de plein droit. »

M. le président. - Amendement n°53, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La carte de résident permanent sera délivrée aux étrangers titulaires d'une carte de résident de dix ans qui en font la demande, sous réserve que l'étranger satisfasse aux conditions prévues à l'article L. 314-2. Il n'est pas normal qu'elle ne soit pas attribuée de plein droit, de façon quasi-automatique.

M. le président. - Amendement n°55, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

qui en fait la demande

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans la rédaction actuelle, la carte de résident permanant ne peut être obtenue que si l'étranger en fait la demande. Cela signifie-t-il que l'étranger qui ne la demande pas n'y a pas droit ? N'est pas discriminant ? Pourquoi ne pas prévoir qu'on lui délivre une carte de résident permanent lorsqu'il demande le renouvellement de sa carte de résident de dix ans ?

M. le président. - Amendement n°54, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lors du dépôt de sa demande de renouvellement de carte de résident, l'étranger est dûment informé de la possibilité de bénéficier de la carte de résident permanent mentionnée à l'alinéa précédent.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La création d'une carte de résident permanent est une bonne chose.

Pour qu'un étranger possesseur d'une carte de résident de dix ans fasse la demande d'une carte de résident permanent, il faut qu'il soit informé de cette possibilité. L'amendement prévoit donc qu'une information sera délivrée systématiquement lors du dépôt de la demande de renouvellement de titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission sollicite l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°53. Avis défavorable à l'amendement n°55, car nous considérons que l'étranger doit accomplir une démarche positive pour obtenir une carte de résident permanent. Avis favorable à l'amendement n°54.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements n°53 et 55. Avis favorable à l'amendement n°54 à condition que vous acceptiez le sous-amendement suivant : remplacer les mots « de la possibilité de bénéficier de la carte de résident permanent mentionnée à l'alinéa précédent » par les mots « des conditions dans lesquelles il pourra se voir accorder une carte de résident permanent. »

M. le président. - Ce sera le sous-amendement n°214 du Gouvernement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Sous-amendement accepté !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable au sous-amendement n°214.

L'amendement n°53 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°55.

Le sous-amendement n°214 est adopté.

L'amendement n°54, modifié, est adopté ainsi que l'article 5 quinquies, modifié.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°197, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase de l'article L. 314-4 du même code est supprimée.

M. Christian Demuynck. - Amendement de coordination avec les dispositions introduites à l'article L. 122-1.

M. le président. - Amendement n°200, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 314-8 du même code, les mots : « sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1º, 2º et 3º de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1 et L. 314-9, aux 2º, 3º, 4º, 5º, 6º, 7º et 9º de l'article L. 314-11 et à l'article L. 315-1 » sont remplacés par les mots : « sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1º, 2º et 3º de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2º, 3º, 4º, 5º, 6º, 7º et 9º de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 ».

M. Christian Demuynck. - Les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire délivrée à titre humanitaire ou exceptionnel ou d'une carte de résident accordée lorsque les conditions d'acquisition de la nationalité française de l'article 21-7 du code civil sont satisfaites doivent pouvoir accéder au statut de résident de longue durée de la Communauté européenne. Nous proposons donc d'intégrer ces deux catégories de titres de séjour à la liste de catégories de titres énumérées à l'article L. 314-8.

M. le président. - Amendement n°201, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention « carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ». Sauf application des mesures transitoires, elle donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. »

M. Christian Demuynck. - Cet amendement propose, pour les parents de ressortissants européens, de limiter la durée de validité du premier titre de séjour à cinq ans afin que ceux-ci puissent obtenir, dès ce moment, le droit de séjour permanent, conformément à la directive du 29 avril 2004, et le droit de travailler, conformément aux traités d'adhésion.

M. le président. - Amendement n°202, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Art. L. 312-1. - Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour composée :

« a) D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ;

« b) De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, le préfet de police ;

« Le Président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, le préfet de police.

« Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements. »

M. Christian Demuynck. - Il est proposé d'alléger la composition de la commission départementale du titre de séjour afin que n'y figurent plus des personnes, tels les magistrats, qui pourraient intervenir ensuite dans la procédure de recours.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable aux amendements de précision n°197, 200 et 201, comme à l'amendement n°202, car il vise essentiellement les magistrats.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°197, adopté, devient article additionnel, ainsi que les amendements n°200, 201 et 202.

M. le président. - Amendement n°192, présenté par Mme Hermange et MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 225-4-1 du code pénal, après les mots : « pour la mettre » sont insérés les mots : « à sa disposition ou ».

M. Christian Demuynck. - Cet amendement renforce la lutte contre l'esclavage moderne, dont sont d'abord victimes les étrangers en situation irrégulière, en élargissant la définition du délit de traite des êtres humains au cas où l'auteur de la traite a pour objectif de mettre les victimes à sa disposition, et non nécessairement à celle d'un tiers. La France sera ainsi en conformité avec le Protocole à la convention de Palerme du 15 novembre 2000.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Très favorable !

L'amendement n°192, adopté, devient article additionnel.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l'asile

Article 6 A

Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En cas de demande d'asile, la décision mentionne également son droit d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9. »

M. le président. - Amendement n°100, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :

En cas de demande d'asile,

Mme Éliane Assassi. - Avec cet article, les demandeurs d'asile, auxquels l'administration refuse l'entrée sur le territoire français, seront systématiquement informés de la possibilité d'un recours suspensif. Nous nous félicitons de la création de ce recours, bien que nous regrettions que la majorité ait attendu que la France soit épinglée par la Cour européenne des droits de l'homme pour satisfaire cette obligation.

Par ailleurs, le Gouvernement limite le droit à un recours suspensif aux seules demandes d'asile à la frontière. En pratique, analyse l'organisation Human Rights Watch, cela pourrait faire courir aux personnes exposées à des risques de torture ou de mauvais traitements, en cas de refus, de grands dangers. Au reste, la France a été condamnée par le comité de l'ONU contre la torture pour avoir expulsé deux personnes en dépit d'indices probants de torture. L'Anafe, la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le syndicat de la juridiction administrative sont unanimes pour demander qu'un recours suspensif soit ouvert à tous les étrangers faisant l'objet d'un refus d'entrée, conformément à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. D'où cet amendement qui ne fait pas de surenchère, mais vise à faire respecter des libertés fondamentales.

M. le président. - Amendement n°143, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa de cet article supprimer les mots :

En cas de demande d'asile,

et, après les mots :

la décision mentionne également

insérer les mots :

, dans une langue qu'il comprend,

Mme Michèle André. - Notre amendement a le même objet que le n°100, mais prévoit également, par coordination avec l'amendement déposé à l'article 6, que le demandeur soit informé dans une langue qu'il comprend.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°100 et 143. Ceux-ci n'ont pas leur place à l'article 6 A qui concerne l'information des migrants.

M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le second alinéa de cet article par les mots :

, et précise les voies et délais de ce recours

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il s'agit de compléter l'information des demandeurs d'asile auxquels l'administration a opposé un refus d'entrée en précisant devant quelle juridiction ils peuvent exercer leur recours et dans quel délai.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis que le rapporteur sur les amendements n°100 et n°143. L'extension du recours suspensif ne va pas dans le sens de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Favorable à l'amendement n°14.

Les amendements identiques n°100 et n°143 ne sont pas adoptés.

L'article 6A, modifié, est adopté.

Article 6

Le chapitre III du titre Ier du livre II du même code est complété par un article L. 213-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-9. - L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les vingt-quatre heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Par dérogation au précédent alinéa, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance, ou manifestement mal fondés.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. Toutefois, sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose, celle-ci peut se tenir dans la salle d'audience de la zone d'attente et le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin siéger au tribunal dont il est membre, relié à la salle d'audience, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission. La salle d'audience de la zone d'attente et celle du tribunal administratif sont ouvertes au public. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un.

« La décision de refus d'entrée au titre de l'asile ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Les dispositions du titre II du présent livre sont applicables.

« Si le refus d'entrée au titre de l'asile est annulé, il est immédiatement mis fin au maintien en zone d'attente de l'étranger, qui est autorisé à entrer en France muni d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

« La décision de refus d'entrée au titre de l'asile qui n'a pas été contestée dans le délai prévu au premier alinéa, ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation dans les conditions prévues au présent article peut être exécutée d'office par l'administration. »

M. Louis Mermaz. - Les personnes qui se présentent à la frontière dépourvues de passeport ou de visa sont considérées comme étant en situation irrégulière, même si elles viennent au titre de l'asile. La possibilité de recours qui leur est donnée, en cas de refus d'admission sur le territoire, n'a pas caractère suspensif, ce qui signifie qu'elles peuvent être réacheminées vers leur pays d'origine avant que le juge ait eu à connaître de leur cas, avec les conséquences dramatiques que cela peut avoir.

La Cour européenne des droits de l'Homme, dans son arrêt Gebremedhin rendu le 26 avril 2007, a jugé que l'absence d'un recours juridictionnel de plein droit suspensif ouvert aux étrangers dont la demande d'asile à la frontière a été refusée méconnaît les articles 3 et 13 relatifs respectivement à l'interdiction des traitements inhumains et dégradants et au droit à un recours effectif de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt oblige le gouvernement à légiférer, mais il le fait a minima, en prévoyant une procédure aussi expéditive que possible. L'Assemblée nationale a heureusement substitué au référé liberté un recours en annulation de plein droit suspensif. Mais pour le rendre effectif, il faut modifier le texte sur bien des points. Nous ferons la démonstration que le recours suspensif de 24 heures est dans 90 % des cas inopérant et partant, ne satisfait pas au jugement de la Cour. Qui plus est, le Gouvernement en a profité pour introduire d'autres dispositions inquiétantes. Ainsi, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné garde la possibilité d'effectuer un tri. Il pourra notamment écarter par ordonnance un recours « ne relevant manifestement pas de la compétence du tribunal administratif », « entaché d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance » ou « manifestement infondé ». Voilà qui veut dire tout et son contraire. Les magistrats des tribunaux administratifs sont très inquiets.

Une sombre innovation, enfin : si l'étranger ne s'y oppose pas, le procès peut avoir lieu dans une salle aménagée de la zone d'attente. S'il a lieu à Roissy, le président du tribunal sera à Bobigny et le représentant de l'État à son côté. Où sera l'avocat ? Face au tribunal ou auprès de son client ? Peut-on encore parler d'un jugement équitable ? Si ce dispositif est retenu, nul doute qu'il sera très vite mis en cause devant la Cour européenne des droits de l'homme, car il contourne de bout en bout sa décision.

M. le président. - Amendement n°101, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet article dit assez quelle conception a minima du droit d'asile ont le Gouvernement et sa majorité. Vous avez affirmé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que vous ne confondez pas immigration et droit d'asile. Mais vous les traitez toujours dans les mêmes textes, qui vont toujours dans le même sens. Vous nous dites que la France est exemplaire en matière de droit d'asile, mais nous ne sommes plus le premier pays d'accueil en Europe, ni celui vers lequel se tournent les demandeurs. Et le nombre de réponses favorables ne fait que diminuer.

Nous nous faisons réprimander par les instances internationales et des organismes aussi reconnus que la Cimade estiment que le droit d'asile est devenu la variable d'ajustement de notre politique de l'immigration.

Le droit d'asile est pourtant le fruit d'un long cheminement et porte des valeurs universelles intégrées dans le préambule de notre Constitution. Inscrit dans la Convention de Genève, il est un acquis de la communauté internationale que les États doivent défendre et faire reconnaître partout comme un socle essentiel.

Hélas, la France, comme l'Europe, ne cesse de mettre en cause le droit personnel à l'asile. Et quand l'arrêt de la Cour européenne de justice du printemps dernier le contraint à légiférer sur le recours suspensif, le Gouvernement propose un texte vidé de toute garantie : délai suspensif, brièveté de l'audience, obligation d'une requête motivée, absence de garantie d'audience auprès du juge. Pourtant la décision du 26 avril concernait un Érythréen dont le référé avait été rejeté sans audience par le tribunal administratif. A quoi s'ajoute la possibilité d'un procès par vidéoconférence, sauf opposition du demandeur. Où est la garantie d'un procès équitable ? Et croyez-vous qu'une zone d'attente soit propice à susciter la confiance nécessaire à un demandeur pour parler librement ? Nulle mention n'est faite de l'avocat. Comment aura-t-il accès à son client ? Au juge ? Le Comité national consultatif des droits de l'homme estime que le droit à un procès équitable est en jeu. Comment, dans ces conditions, penser que ce recours sera effectif ? C'est pourtant ce qu'exige l'article 39 de la directive « Procédures » que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007 : les États membres doivent faire en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours « effectif » devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d'asile.

M. le président. - Amendement n°144, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

au titre de l'asile

Mme Bariza Khiari. - Cet amendement tend à ouvrir le recours à tous les étrangers maintenus en zone d'attente, qu'ils soient mineurs, malades ou victimes de violence. Il pourra y avoir d'autres censures de la Cour européenne sur des cas d'étrangers autres que les demandeurs d'asile. De surcroît, limiter le droit de recours aux seuls demandeurs d'asile risque d'inciter certains étrangers en difficulté à demander l'asile dans le seul but de bénéficier du recours.

Refouler un étranger dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne pourrait pas effectivement bénéficier dans le pays où il est refoulé contrevient aussi aux articles 2 et 3 de la Convention. Le refoulement peut également porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garantie par l'article 8. Ainsi d'un étranger en situation irrégulière vivant habituellement en France avec sa famille et bloqué à la suite d'un voyage en dehors du territoire.

M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

I. - Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt-quatre heures 

par les mots :

quarante-huit heures 

II. - En conséquence, procéder à la même substitution au septième alinéa du même texte.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement fait passer de 24 à 48 heures le délai de recours contre une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, ce qui laisse au magistrat 72 heures pour répondre.

M. le président. - Amendement identique n°59, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

vingt-quatre

par le mot :

quarante-huit

II. Dans le texte proposé par le septième alinéa de cet article pour le même article, procéder à la même modification.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°102, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt quatre heures

par les mots :

deux jours ouvrés

II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le septième alinéa du même texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous approuvons la décision de la commission, mais en rester là serait ignorer la complexité de la procédure. Nous proposons donc de porter le délai à deux jours ouvrés. N'oublions pas qu'il n'y a pas de permanences d'avocats dans les zones d'attente mais seulement l'assistance, ô combien essentielle, des bénévoles de l'Anafe (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers).

M. le président. - Amendement identique n°145, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

vingt-quatre heures

par les mots :

deux jours ouvrés

Mme Michèle André. - Pour qu'une demande soit recevable, il ne suffit pas de démontrer l'illégalité de la décision attaquée ou la gravité de ses conséquences au regard des impératifs de l'administration mais une atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale.

La requête doit être très argumentée, ce qui suppose un entretien préalable, parfois dans une langue rare afin de mettre en oeuvre le récit et de démontrer le risque d'atteinte aux libertés fondamentales. Tout cela nécessite l'intervention d'un avocat. La commission le sait, d'où l'amendement qu'elle propose et que je salue. Toutefois, étendre le délai à deux jours ouvrés apporterait un petit confort.

M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

, en demander l'annulation

supprimer les mots :

, par requête motivée

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Qu'est-ce qu'une requête motivée ? Toute requête l'est, la motivation désignant la présentation des moyens de droit et de fait. Mais le Gouvernement souhaite maintenir cette mention pour que le juge puisse écarter une requête insuffisamment motivée. L'alinéa 6 de l'article énonce les cas où la requête peut être repoussée par simple ordonnance nonobstant l'article R.222 du code de la justice administrative.

En effet, le septième alinéa de l'article R. 222 autorise le juge à repousser une requête dont les moyens de légalité externe sont manifestement irrecevables, dont les moyens sont inopérants ou assortis de faits dont il est manifestement impossible de vérifier le bien-fondé. Cet article réglementaire sera sans doute modifié pour rejeter la requête non motivée.

M. le président. - Amendement n°63, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le délai visé à l'alinéa précédent expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu d'admettre la recevabilité d'un recours présenté le premier jour ouvrable suivant.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le délai de vingt-quatre heures ne permet pas un recours, pourtant garanti par l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme : en aussi peu de temps, on ne peut pas recueillir de preuves. Il n'y a pas de permanence d'avocats en zones d'attente, si bien que la rédaction actuelle rend purement théorique l'exercice des droits de la défense : si un refus est notifié le samedi, l'étranger pourra être refoulé le dimanche, sans avoir pu se défendre.

M. le président. - Amendement n°146, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office.

M. David Assouline. - Les associations qui aident les étrangers à rédiger leur recours ne sont pas toujours présentes dans toutes les zones d'attente.

Les étrangers concernés doivent donc bénéficier d'un avocat commis d'office. C'est le bon sens même.

M. le président. - Amendement n°147, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

de la juridiction administrative

supprimer la fin de l'alinéa.

M. Richard Yung. - L'alinéa 9 autorise le président du tribunal administratif a constater qu'il n'y a pas lieu à statuer dans un certain nombre de cas : la procédure s'arrête sans même que les moyens aient été examinés. Plus de la moitié des référés rejetés par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'ont été dans ces conditions.

La personne à l'origine de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 26 avril 2007 avait subi un rejet de sa requête sans audience. Depuis, la Cour européenne l'a réinstallée dans ses droits.

M. le Président. - Amendement n°60, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Supprimer les deuxième à dernière phrases du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La délocalisation des audiences est une atteinte aux droits de la défense, sous le prétexte de ne pas mobiliser inutilement la police de l'air et des frontières pour escorter les étrangers au tribunal administratif. En clair, vous voulez faire des économies sur le dos des demandeurs d'asile !

Mais pourquoi délocaliser des audiences vers des endroits où les juges refusent de siéger ? C'est contraire à la LOLF, puisque l'argent public est alors dépensé sans utilité préalablement établie.

M. le président. - Amendement identique n°148, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - On comprend que les juges refusent de siéger dans une salle d'audience contiguë à un stand de tir et à un chenil. Maintenant que M. le ministre a été informé, je pense qu'il fera très rapidement le nécessaire...

Toutefois, le projet de loi autorise à organiser des audiences à distance, l'étranger se trouvant dans une salle de la zone d'attente. Or, l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que tout le monde a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme comporte une disposition quasiment identique. La publicité des débats est garantie par la Cour européenne des droits de l'homme ; la Cour de Cassation et le Conseil d'État ont rappelé que la publicité des débats était un principe général assorti de très rares exceptions. Les audiences délocalisées violent ces principes. L'avocat sera-t-il présent auprès de son client ou ira-t-il au tribunal ? L'accusé ne rencontrera pas son juge : il le verra par vidéo-conférence. Les débats ne seront donc pas publics, mais le représentant de l'État accèdera au tribunal pendant que l'étranger restera confiné en zone d'attente.

M. le président. - Amendement n°56, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Rédiger ainsi le début de la deuxième phrase du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Avec l'accord exprimé par l'étranger, dûment informé de cette possibilité dans une langue qu'il comprend, celle-ci peut se tenir...

Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'accord de l'étranger en faveur de l'audience délocalisée est présumé par le texte, alors qu'il faudrait recueillir son consentement exprès.

La justice d'exception s'appliquera, sauf si l'étranger s'y oppose, mais il n'aura pas le choix. Il faut redonner toute sa place au consentement.

M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 

Avant la dernière phrase du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer une phrase ainsi rédigée : 

Il est dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès verbal des opérations effectuées.

 

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La publicité des débats, proclamée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, est une garantie essentielle d'un procès équitable. Or, il est difficile d'accéder à des salles situées dans des lieux clos, sous haute surveillance policière. Par suite, nous demandons que les audiences fassent l'objet d'un procès-verbal.

M. le président. - Amendement n°57, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

 

Dans la seconde phrase du neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

, à sa demande,

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Qui ferait annuler un arrêté de reconduite à la frontière sans avoir l'intention de rester en France ? Il est inutile d'exiger que l'intéressé demande formellement à recevoir un titre de séjour après une décision du tribunal annulant le refus initial.

Elle crée un obstacle dangereux car, si l'étranger ne demande pas d'autorisation de séjour, il se trouve dans une situation de non-droit. Il faut mettre un terme à cette absurdité et rendre obligatoire la délivrance de cette autorisation dès que la décision est annulée.

M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :

« Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par lui. Cet appel n'est pas suspensif. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement précise les procédures d'appel et de recours devant la cour administrative d'appel.

M. le président. - Sous-amendement n°73 à l'amendement n°16 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 16, remplacer les mots :

quinze jours

par les mots :

un mois

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La création d'une possibilité d'appel est louable, mais trop restrictive. La France n'y est pas tenue par ses engagements internationaux, mais quand une possibilité existe, elle doit être effective. Dans la proposition de la commission, elle demeure théorique.

Le délai pour faire appel du jugement d'un tribunal administratif est de deux mois, et d'un mois pour une décision de reconduite à la frontière. Pourquoi ne serait-il que de quinze jours dans le cas d'une demande d'asile à la frontière ? L'étranger ne connaît alors pas toujours notre langue ou notre procédure. Alignons le délai d'appel sur la procédure de reconduite à la frontière. Le délai de quinze jours, dans le code de justice administrative, ne s'applique qu'aux jugements accordant un sursis à exécution. Ce n'est pas le cas ici, puisqu'il s'agit de l'annulation d'une décision.

M. le président. - Sous-amendement n°103 à l'amendement n°16 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I. Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 16, remplacer les mots :

de quinze jours

par les mots :

d'un mois

II. Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous avons souligné les restrictions apportées par l'article 6 aux droits des demandeurs d'asile. Ce sous-amendement vise à leur apporter des garanties.

En 2005, la Commission des recours des réfugiés a annulé 15 % des décisions de rejet prises par l'Ofpra. Le nombre de demandeurs d'asile baisse, car la France est de moins en moins considérée comme une terre d'asile, tout comme celui des obtentions du statut de réfugié, conséquence de votre politique. Les décisions de rejet annulées le sont parce qu'elles ont été prises à la va-vite.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°101. Nous ne pouvons étendre le recours suspensif à tout le dispositif. Pour les mêmes raisons, avis défavorable à l'amendement n°144.

L'amendement n°59 est identique à l'amendement n°15 de la commission.

Avis défavorable aux amendements identiques nos102 et 145.

Avis défavorable à l'amendement n°62 : la motivation de la requête est utile, dans l'intérêt de l'étranger.

Avis défavorable à l'amendement n°63, qui est contraire à l'unité de la procédure et du délai.

L'amendement n°146 permet à l'étranger d'être assisté d'un conseil. Avis favorable.

Avis défavorable à l'amendement n°147, car le dispositif proposé renforce le droit des étrangers, et à l'amendement n°60, car nous souhaitons maintenir la visioconférence. Pour la même raison, avis défavorable à l'amendement n°148 ainsi qu'à l'amendement n°56. L'étranger peut refuser la visioconférence.

Nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s61 et 57. Avis défavorable aux sous-amendements n°s73 et 103.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Cet article organise les recours en annulation pour les demandes d'asile à la frontière ainsi que le caractère suspensif des mesures d'exécution des décisions. Nous avons recherché un équilibre, pesé en quelque sorte « au trébuchet ». Les droits de l'étranger sont pleinement respectés et je serai favorable à ce que le délai de recours, fixé à vingt-quatre heures par l'Assemblée nationale, soit porté à quarante-huit heures, ce qui m'amènera à accepter plusieurs amendements.

Avis défavorable aux amendements n°s101 et 144.

Avis favorable aux amendements identiques n°s15 et 59.

Avis défavorable aux amendements identiques n°s102 et 145, ainsi qu'aux amendements n°s62 et 63.

Avis favorable à l'amendement n°146.

Avis défavorable à l'amendement n°147, ainsi qu'aux amendements identiques n°s60 et 148, et aux amendements n°s56 et 61.

Sagesse pour l'amendement n°57.

Avis favorable à l'amendement n°16.

Avis défavorable aux sous-amendements n°s73 et 103.

M. David Assouline. - Je me suis rendu il y a quelques jours à la zone d'attente Zapi 3 de Roissy, et j'ai été bien reçu par la directrice de la police de l'air et des frontières. Toutefois, je conteste ce que dit la majorité et ce qu'elle diffuse dans l'opinion : nous ne sommes pas assaillis d'étrangers arrêtés à la frontière et en attente d'expulsion. La zone d'attente était vide. Vous communiquez une vision différente de la réalité pour alimenter la peur.

J'ai visité la salle d'audience aménagée récemment, qui n'a jamais fonctionné car les avocats et les magistrats ne veulent pas y aller. Pour contourner le fait que l'on ne peut rendre la justice dans la zone d'attente, comme dans une prison, une séparation plus ou moins formelle a été créée pour l'accès des avocats et des magistrats. J'ai eu connaissance du coût et de la date d'engagement des travaux pour des locaux qui ne pourront servir qu'après le vote de la loi que nous examinons ! L'administration précède le politique et ce qui est annoncé est considéré comme quasiment accompli...

Pour reprendre la question de Mme André, tout réside dans la façon de présenter les choses. On peut expliquer à l'étranger retenu en zone d'attente qu'il sera emmené à 8 heures du matin à Bobigny, où il attendra, avec d'autres personnes, une audience qui n'aura pas lieu avant 16 heures. Ou on lui propose de le juger immédiatement, à Roissy, près de sa chambre. La façon de lui présenter les choses sera déterminante pour qu'il ait vraiment le choix -et j'avoue que, présenté ainsi, j'ai moi-même failli être convaincu par le nouveau dispositif.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je connais cette situation, je suis allé à Roissy, ainsi qu'à Toulouse. A Roissy, la salle d'audience a été construite il y a deux ans et demi.

Les magistrats ont exigé une deuxième salle, qui sera livrée d'ici un an et demi. En attendant, ils refusent de siéger dans la première. Voilà les faits. Pour le reste, à chacun son opinion.

M. Philippe Dallier. - Je m'étonne d'entendre autant parler de la juridiction de Bobigny. On ne s'en était pourtant guère préoccupé sous le dernier gouvernement socialiste ! Il a fallu attendre 2002 pour que des postes de magistrats et de greffiers soient enfin créés en nombre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est pas la question !

M. Philippe Dallier. - La gauche de cet hémicycle pourrait se montrer un peu plus raisonnable... Je regrette que les magistrats n'aient pas voulu de cette salle d'audience. Ce sont des locaux de qualité. Des aménagements sont en cours. Si la visio-conférence peut améliorer le fonctionnement de la justice dans l'intervalle, tant mieux !

Mme Éliane Assassi. - (Marques d'impatience à droite) La question n'est pas celle des moyens en personnel. Les magistrats refusent simplement une justice à deux vitesses, différente pour les étrangers.

L'amendement n°101 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°144

L'amendement n°15, identique à l'amendement n°59, est adopté.

L'amendement n°102, identique à l'amendement n°145, devient sans objet.

L'amendement n°62 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°63.

L'amendement n°146 est adopté.

L'amendement n°147 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60, identique à l'amendement n°148, et que les amendements n°56 et 61.

L'amendement n°57 est adopté.

Le sous-amendement n°73 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°103.

L'amendement n°16 est adopté.

M. Louis Mermaz. - Nous donnons acte à la commission d'avoir porté le délai de recours devant le tribunal administratif de vingt-quatre à quarante-huit heures, même si nous aurions préféré deux jours ouvrés. Les amendements de l'opposition qui auraient mis le texte en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme n'ayant pas été retenus, nous sommes au regret de voter contre l'article.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°58, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, s'il formule un recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le délai mentionné à l'article L. 751-2, jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile » ;

2° La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, avant la décision de la Cour ».

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Pour certains demandeurs d'asile, aucun recours suspensif n'est prévu. Pourtant, selon le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, relatif aux conditions du droit d'asile en France, « tout refus d'entrée sur le territoire entraînant une mesure de refoulement du demandeur d'asile doit être susceptible de recours suspensif devant la juridiction administrative dans un délai raisonnable ». Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe déclare également, dans une recommandation du 18 septembre 1998, que « tout demandeur d'asile s'étant vu refuser le statut de réfugié et faisant l'objet d'une expulsion vers un pays contre lequel il fait valoir un grief défendable, prétendant qu'il serait soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, doit pouvoir exercer un recours effectif devant une instance nationale ». Cet amendement vise donc à mettre en place un droit de recours effectif contre toutes les décisions concernant les demandes d'asile.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable. La Convention européenne des droits de l'homme ne prévoit pas de recours suspensif quand il s'agit de pays d'origine sûrs.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis. Un tel amendement risquerait d'engorger l'Ofpra et la Commission des recours.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

Article 6 bis

L'article L. 221-3 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa est supprimée. 

M. le président. - Amendement n°104, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet article porte à quatre jours la durée de maintien en zone d'attente, qui était auparavant de quarante-huit heures, reconductible une fois. Au fil du texte, les garanties dont pouvaient bénéficier les demandeurs d'asile disparaissent les unes après les autres.

En théorie, la zone d'attente offre aux personnes maintenues des prestations de type hôtelier. Le demandeur d'asile peut communiquer avec toute personne de son choix, être assisté d'un interprète et d'un médecin, faire appel à un avocat, recevoir des visites. La délégation en France du HCR et sept associations peuvent s'entretenir avec les personnes maintenues. En réalité, les conditions de rétention sont innommables, bien éloignées de ce qu'on veut bien nous montrer : surpopulation, conditions d'hygiène déplorables, mineurs laissés seuls, brimades, etc.

Au prétexte de simplifier la procédure, vous réduisez toujours plus les droits des demandeurs d'asile, considérés comme des indésirables. Nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. - Amendement n°194, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans la dernière phrase du second alinéa, les mots : « ou de son renouvellement » sont supprimés.

M. Christian Demuynck. - Coordination : il faut supprimer les mentions relatives au renouvellement de la période de quarante-huit heures.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°104 : fixer le délai à quatre jours n'ôte aucun droit à l'étranger. Favorable à l'amendement de coordination n°194.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°104 n'est pas adopté.

L'amendement n°194 est adopté.

L'article 6 bis, modifié, est adopté.

Article 7

L'article L. 222-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « À titre exceptionnel », sont insérés les mots : « ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ » ;

2° Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « non admis à pénétrer sur le territoire français » sont remplacés par les mots : « dont l'entrée sur le territoire français a été refusée » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un étranger, dont l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile a été refusée, dépose un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9, dans les quatre derniers jours de la période de maintien en zone d'attente fixée par la dernière décision de maintien, celle-ci est prorogée d'office de quatre jours à compter du dépôt du recours. Cette décision est mentionnée sur le registre prévu à l'article L. 221-3 et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues au même article. »

M. le président. - Amendement n°105, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade. - Cet article, qui proroge d'office le maintien en zone d'attente en cas de recours en annulation, est symptomatique de l'acharnement du gouvernement et de sa majorité -qui fait de la surenchère- à restreindre les droits des migrants et des demandeurs d'asile, considérés comme des fraudeurs. Le projet de loi initial prévoyait une prorogation automatique de trois jours ; l'Assemblée a proposé quatre jours ; notre commission des lois, six. Qui dit mieux ? Notre commission proroge également de six jours le maintien en zone d'attente en cas de demande d'asile déposée tardivement. Là encore, le demandeur d'asile est soupçonné de démarches dilatoires. La logique sécuritaire teintée de suspicion prévaut. L'Assemblée nationale a surenchéri en ajoutant la possibilité de proroger le maintien en zone d'attente de huit jours en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ. Décidément, quel acharnement !

En réalité, vous voulez punir les étrangers qui refusent de s'embarquer vers des pays dangereux ou qu'ils ne connaissent pas et vous voulez tuer les mobilisations citoyennes qui se font jour. Vous utilisez déjà des vols groupés et avez institué un délit de solidarité et un délit d'entrave à l'utilisation d'aéronefs. Jusqu'où n'irez-vous pas ? Nous ne vous suivrons pas sur cette pente dangereuse.

M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après le 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Dans la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quatre » est remplacé (deux fois) par le mot : « six ».

 

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le recours suspensif et la prolongation des délais modifient l'équilibre actuel en cas de dépôt d'une demande tardive.

M. le président. - Amendement n°149, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 3° de cet article.

Mme Bariza Khiari. - Nous nous opposons à cette prorogation d'office du maintien en zone d'attente.

M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter le second alinéa du 3° de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation. Il peut y mettre un terme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Un dispositif similaire avait été mis en place en 2003.

Avis défavorable aux amendements n°105 et 149.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis sur ces deux amendements. Le dernier ôterait toute efficacité à la décision du juge en cas de rejet de la requête car l'étranger aurait été libéré entretemps, ce qui n'apparaît guère cohérent. Avis favorable aux amendements de la commission.

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

L'amendement n°149 n'est pas adopté.

L'amendement n°18 est adopté ainsi que l'article 7, modifié.

Article 8

Après le chapitre VI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Le contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile

« Art. L. 777-1. - Les modalités selon lesquelles les recours en annulation formés contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile sont examinés obéissent aux règles fixées par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. le président. - Amendement n°106, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade. - Nous avons déjà dit nos réserves sur cette procédure frileuse.

M. le président. - Amendement identique n°150, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Bariza Khiari. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

Après le chapitre 6 du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre 7 ainsi rédigé :

« Chapitre 7

« Le contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile

« Art. L. 777-1.- Les modalités selon lesquelles le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il a désigné examine les recours en annulation formés contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile obéissent aux règles fixées par l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Amendement rédactionnel. Avis défavorable aux deux amendements de suppression.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable aux amendements n°s106 et 150 et favorable à l'amendement n°19.

L'amendement 106, identique à l'amendement n°150, n'est pas adopté.

L'amendement n°19, adopté, devient l'article 8.

Article 9

Le titre II du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 721-1, les mots : « des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « chargé de l'asile » ;

1° bis  L'article L. 722-1 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, après le mot : « Sénat, », sont insérés les mots : « un représentant de la France au Parlement européen désigné par décret, » ;

b) Dans le troisième alinéa, les mots : « des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « chargé de l'asile » ;

2° Dans l'article L. 722-2, les mots : « nommé sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur » sont remplacés par les mots : « sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'asile » ;

3° Dans le deuxième alinéa de l'article L. 722-4, les mots : « du ministère des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « des services du ministre chargé de l'asile ».

M. David Assouline. - On peut lire sur le site de l'Ofpra que ses textes fondateurs n'ont été modifiés que sur des points de détail jusqu'à la loi de 2003. Vous poursuivez l'entreprise de destruction d'une tradition séculaire qui avait alors été amorcée. La Constitution de 1793 ne refusait le droit d'asile qu'aux tyrans. Ce droit a été réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Il a ensuite été reconnu par la convention de Genève de 1951, signée par la France en 1952. C'est dans ce cadre que la France offre le droit d'asile aux réfugiés et c'est pourquoi l'Ofpra est rattaché au ministère des affaires étrangères. Il est de bonne administration que l'Office reste organiquement lié au réseau diplomatique de la France, le deuxième au monde. Son rattachement à un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement n'est pas acceptable et suscite notre opposition résolue.

Je ne reviens pas sur les objectifs chiffrés d'expulsion ni sur la chasse systématique aux sans-papiers. Il suffit que les missions de ce ministère aient peu à voir avec le droit d'asile. La Commission consultative des droits de l'homme estime que cette confusion n'est pas acceptable, compte tenu de la qualité de droit fondamental du droit d'asile. Le gouvernement a le devoir de respecter nos engagements internationaux. Pourtant, le récent discours de M. Hortefeux aux directeurs départementaux de l'emploi était surtout consacré à l'immigration utile à notre économie. A cette politique restrictive...

M. le président. - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. David Assouline. - ...nous nous opposons farouchement.

M. Louis Mermaz. - L'article 9 transfère l'Ofpra au ministère de l'immigration etc., comme on disait d'Olivier Guichard, aux attributions multiples, qu'il était le ministre de l'équipement etc. (M. le ministre proteste) Alors je dépasserai mon temps de parole : au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement. (Sourires sur les bancs socialistes) Les compétences liées à la procédure d'asile me semblent clairement devoir rester au ministère des affaires étrangères, même si la loi de décembre 2003 avait de manière inquiétante prévu que le ministre de l'intérieur participerait à la nomination du directeur de l'Ofpra et que celui-ci aurait, au ministère de l'intérieur, un correspondant ayant accès aux dossiers.

J'espère que vous respecterez scrupuleusement la confidentialité. La tutelle de votre ministère risque de faire perdre à l'asile sa spécificité : le rôle international de la France est en jeu ! C'est pourquoi nous proposerons le maintien de la tutelle du ministère des affaires étrangères.

M. Richard Yung. - L'inconvénient de l'ordre alphabétique, c'est que je parle quand, souvent, beaucoup a déjà été dit... Monsieur le ministre, les officiers placés sous votre autorité disposeront de tous les éléments des dossiers : on peut craindre que des informations confidentielles ne soient détournées de leur usage.

Le transfert de tutelle, ensuite, va amputer de 50 millions le programme budgétaire des Français à l'étrangers et étrangers en France, nous ne le voyons pas d'un bon oeil. Il aurait été plus judicieux de mettre en oeuvre la recommandation de M. Gouteyron d'un contrat entre l'Ofpra et le ministère des affaires étrangères, en faisant disposer l'Office du télégramme diplomatique et en détachant des officiers de liaison dans les pays sensibles.

Demain, votre ministère n'existera peut-être plus, et l'Ofpra relèvera alors du ministère de l'intérieur : nous ne le souhaitons pas, tout comme nous ne voulons pas voir les consuls devenir des commissaires de police 

M. le président. - Amendement n°107, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article parachève la remise en cause du droit d'asile, placé par la loi de 2003 dans un même code que l'entrée et le séjour des étrangers. Vos services conserveront les dossiers rejetés, il y a un risque pour la confidentialité de certaines informations. Vous prétendez que le droit d'asile n'est pas remis en cause, ce n'est pas l'avis de nombreuses organisations d'élus ou d'aide aux réfugiés : la modification est plus que de forme ! L'Ofpra doit demeurer un organisme indépendant et disposer des moyens nécessaires à son action, sans lien de tutelle avec votre ministère !

M. le président. - Amendement n°151, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 1° de cet article.

Amendement n°152, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le b) du 1°bis de cet article.

Amendement n°153, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 2° de cet article.

Amendement n°154, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le 3° de cet article.

M. Richard Yung. - Je les ai déjà défendus.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°107, ainsi qu'aux amendements n°s151, 152, 153 et 154.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Mêmes avis. L'Ofpra comptait 493 agents en 2001, pour un budget de 21 millions ; 752 agents pour un budget de 45 millions cette année : l'évolution est inverse de celle que vous dites !

L'amendement n°107 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s151, 152, 153 et 154.

L'article 9 est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°108, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Les 2° et 4° sont abrogés.

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « aux 1° à 4° » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas ».

Mme Éliane Assassi. - Nous voulons rendre le recours devant la commission de recours des réfugiés (CRR) suspensif de toute mesure d'éloignement, le temps que cette commission examine la situation de l'intéressé au regard des risques qu'il encourt en cas de reconduite à la frontière. Nous supprimons en conséquence les hypothèses dans lesquelles l'admission au séjour d'un demandeur d'asile peut être refusée. Seule serait conservée l'hypothèse où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État membre de l'Union européenne.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cela remettrait en cause la politique suivie depuis 2003 : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°155, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 731-1. - La Commission des recours des réfugiés est une juridiction administrative placée sous l'autorité du Conseil d'État. »

Mme Michèle André. - Nous plaçons la CRR sous l'autorité du Conseil d'Etat, pour qu'elle soit pleinement indépendante, conformément à la décision du conseil constitutionnel du 4 décembre 2003.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est déjà le cas puisque le président de cette commission est nommé par le vice-président du Conseil d'Etat et que ses décisions sont examinées en appel par le Conseil : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je comprends l'intention mais le statut de cette commission fait déjà l'objet d'une réflexion : avis défavorable.

Mme Michèle André. - La CRR gagnerait pourtant à être pleinement indépendante et à disposer de l'autonomie budgétaire, ce n'est pas si difficile : la confusion de ses moyens avec ceux de l'Ofpra pose des problèmes.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Effectivement. Je comptais effectuer l'autonomie budgétaire l'an prochain, cela ne sera possible qu'en 2009, une difficulté liée au statut du personnel a retardé le changement.

Mme Michèle André. - L'espoir fait vivre !

L'amendement n°155 n'est pas adopté.

Article 9 bis

I. - A. - Dans l'intitulé du titre III du livre VII du même code, les mots : « Commission des recours des réfugiés » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile ».

B. - Il est procédé au même remplacement :

1° Dans le 1° de l'article L. 513-2 du même code ;

2° Dans l'article L. 731-1 du même code ;

3° Dans la première phrase de l'article L. 731-2 du même code ;

4° Dans la première phrase de l'article L. 731-3 du même code ;

5° Dans l'article L. 742-4 du même code ;

6° Dans le 5° de l'article L. 751-2 du même code ;

7° Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles ;

8° Dans le quatrième alinéa de l'article 16 et la première phrase du premier alinéa de l'article 23 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mot : « commission » est remplacé par le mot : « Cour nationale du droit d'asile ».

III. - A. - Dans l'article L. 733-1 du même code, les mots : « commission des recours » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile ».

B. - Il est procédé au même remplacement :

1° Dans la première phrase de l'article L. 742-3 du même code ;

2° Dans les 6° et 10° de l'article L. 751-2 du même code.

IV. - Dans la dernière phrase de l'article L. 742-1 du même code, les mots : « commission des recours, jusqu'à ce que la commission » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour ».

M. le président. - Amendement n°156, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le A du I de cet article, remplacer les mots :

Cour nationale du droit d'asile

par les mots :

Cour administrative du droit d'asile

M. Louis Mermaz. - La « Commission des recours de réfugiés » deviendrait la « Cour nationale du droit d'asile ». Le mot national nous semble bien trop beau pour être ainsi galvaudé. C'est pourquoi nous préfèrerions comme dénomination : « Cour administrative du droit d'asile ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'Assemblée nationale a proposé cette nouvelle dénomination. Nous aurions préféré cour administrative car aucune juridiction n'a, en France, de caractère national. Nous nous en remettons donc à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je ne trouve pas choquant de qualifier de nationale une cour dont les compétences sont nationales. Nous avons d'ailleurs consulté le président de la C2R qui préfère cette nouvelle dénomination. Avis défavorable.

L'amendement n°156 n'est pas adopté.

L'article 9 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°109, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L.732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 732-1. - La Cour nationale du droit d'asile comporte des sections comprenant chacune :

« 1º Un président nommé :

« a) Soit par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en activité ou honoraires ;

« b) Soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ;

« 2° un magistrat nommé par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire ;

« 3º Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés. »

Mme Éliane Assassi. - J'ai la désagréable impression que l'on est en train de confondre demande d'asile et immigration, ce qui a pour effet de tirer les critères des demandeurs d'asile vers ceux, plus restrictifs, de la police administrative de reconduite à la frontière, ce qui est inadmissible. Alors que 9,1 % des demandeurs d'asile étaient acceptés en 2004, ils n'étaient plus que moins de 8 % en 2006. La procédure accélérée, considérée à l'origine comme exceptionnelle, concerne désormais un tiers des demandeurs d'asile. Or la commission de recours des réfugiés (C2R) est sous l'étroite dépendance de l'Ofpra. Les rapporteurs en séance publique de la C2R sont ainsi des personnels de l'Ofpra. La façon d'agir de la commission risque bien d'être un jour jugée contraire à la notion de procès équitable par la Cour européenne des droits de l'homme. Pour parvenir à une réelle indépendance de la C2R, nous proposons donc d'en modifier la composition.

Enfin, M. Anicet Le Pors s'était vu confier en mars 2006 une mission de réflexion sur la situation statutaire des personnels de la C2R : jusqu'à présent, ses propositions sont restées lettre morte.

L'amendement n°109, repoussé par la commission et par le gouvernement, n'est pas adopté.

Article 9 ter

Dans la dernière phrase de l'article L. 731-2 du même code, les mots : « d'un mois » sont remplacés par les mots : « de quinze jours ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'Assemblée nationale a décidé de réduire d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la commission des recours des réfugiés.

Lors du débat sur la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, le Sénat avait décidé, à l'unanimité, de fixer le délai de recours contre les décisions de l'OFPRA devant la C2R à un mois. Le fait que ce délai de recours soit d'un mois n'empêche pas la commission de recours d'apprécier les dossiers comme bon lui semble.

Nous pensons donc qu'il convient de supprimer cet article.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Ce sujet a déjà été évoqué. Ayant entendu les arguments développés par le rapporteur et par d'autres orateurs, le gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Louis Mermaz. - Lors des débats de 2006, notre assemblée avait tenu à préciser le délai dans lequel le demandeur d'asile pouvait contester, devant la Commission des recours des réfugiés, la décision de l'Ofpra, en le fixant à un mois à compter de la décision de l'Office. La détermination de ce délai était auparavant confiée à un décret qui l'avait également fixé à un mois.

Or, le comité interministériel de contrôle de l'immigration avait adopté en juillet 2005 le principe d'une réduction des délais de recours à quinze jours. De crainte que ce délai soit modifié par voie réglementaire, M. Buffet avait à juste titre tenu à le fixer dans la loi.

L'article 9 ter, introduit par l'Assemblée nationale, tend à réduire ce délai d'un mois à quinze jours. Le droit au recours serait ainsi vidé de tout sens. Cette disposition démontre en outre la méconnaissance de la réalité de la procédure d'asile en France, où les demandeurs sont le plus souvent livrés à eux-mêmes, sans assistance juridique ni linguistique.

De plus, ce délai augmenterait de manière exponentielle le nombre de recours rejetés par ordonnances soit pour forclusion, soit pour insuffisance des moyens soulevés. En conséquence, cette mesure multiplierait le nombre de réexamens devant l'Ofpra, conduisant l'Office à travailler dans l'urgence, plus encore qu'il ne le fait déjà.

Dans de telles conditions, ni la C2R, ni l'Ofpra ne pourraient remplir de façon satisfaisante la mission de service public qui leur est assignée.

Cette évolution législative, si elle venait à être confirmée, ne ferait que traduire la contradiction entre un discours officiel sur le respect du droit d'asile et une stratégie tendant, sous prétexte de raccourcir les délais, à décourager les demandeurs d'asile en multipliant les obstacles administratifs et procéduraux.

Mme Bariza Khiari. - Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit.

M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement identique n°110, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Odile Terrade. - La commission des lois propose à juste titre de supprimer cet article, ajouté par l'Assemblée nationale et destiné à réduire de moitié le délai d'appel contre une décision de l'Ofpra devant la C2R. Notre assemblée s'était déjà prononcée en ce sens en 2005, quand le gouvernement avait tenté de réduire le délai. Nous nous étions alors fondés sur les conclusions de notre commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

L'argument utilisé par l'Assemblée est inacceptable : le délai d'un mois allongerait les procédures et nuirait au bon accueil des demandeurs d'asile. Le réduire de moitié permettrait d'économiser 10 millions par an ! Comme le dit l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) : « s'il ne s'agit que de considérations financières, elles sont misérables et indignes de la France. Quant à la longueur des procédures, il faut y remédier en renforçant les effectifs de l'Ofpra et de la Commission des recours et non en faisant payer aux réfugiés l'incurie de l'Etat ».

Les personnels de l'Ofpra .se sont mis hier en grève contre la réduction de ce délai d'appel car ils savent que la constitution d'un dossier prend du temps. Un délai de quinze jours ne permet en effet pas à un demandeur d'asile de prendre connaissance de la décision de rejet le concernant, de trouver un avocat, de motiver son recours, de le rédiger en langue française sous peine d'irrecevabilité et de l'acheminer. Combinée avec la possibilité prévue à l'article 6 de rejeter par simple ordonnance, sans audience, les recours insuffisamment motivés, cette disposition priverait un grand nombre de réfugiés potentiels d'un examen au fond de leur demande.

En outre, un mois, c'est déjà la moitié du délai de droit commun en matière de recours administratif. La Convention européenne des droits de l'homme exige que le droit au recours soit effectif. Le Haut Commissariat aux Réfugiés a fait part de sa stupeur devant l'atteinte au droit d'asile que constituerait la réduction du délai d'appel.

M. le président. - Amendement identique n°157, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement identique n°182, présenté par Mme Dini et les membres du groupe UC-UDF.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Cet article a été adopté de façon un peu contestable à l'Assemblée nationale. A plusieurs reprises, le Sénat a décidé qu'il ne fallait pas faire peser sur les demandeurs d'asile une réduction du délai de recours contre les décisions de l'Ofpra. Il convient de leur laisser le temps de remplir toutes les formalités inhérentes à un recours.

L'amendement n°20, identique aux amendements n°s 110, 157 et 182,est adopté et l'article 9 ter est supprimé

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°208, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L.711-2 ainsi rédigé :

« Art. L.711-2. - L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code et a signé le contrat d'accueil et d'intégration prévu par l'article L. 311-9 bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour l'accès aux droits, à l'emploi et au logement.

« A cet effet, l'autorité administrative conclut avec les collectivités territoriales, les autres personnes morales concernées et celles qui adhèrent volontairement au dispositif, une convention par laquelle sont prévus les moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'organisation de cet accompagnement.

« Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avec cet amendement, le Gouvernement reprend une proposition du président Mercier pour faciliter l'intégration des réfugiés. Ceux-ci, douloureusement marqués par l'existence, ont en effet droit à une considération particulière.

Il s'agit de généraliser une expérience réussie, mise en place dans le Rhône par l'association « forum réfugiés », le conseil général et les bailleurs sociaux, afin d'accompagner le réfugié dans ses démarches pour trouver un logement et un travail. En bref, un interlocuteur est désigné pour chaque réfugié.

Le dispositif serait financé par le Fonds européen pour les réfugiés et des conventions adaptées pourraient être conclues sous l'égide des préfets.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable d'autant qu'il s'inspire d'un dispositif expérimenté dans le Rhône...

M. Yves Pozzo di Borgo. - Au nom de Mme Dini et de M. Mercier, je remercie le Gouvernement d'avoir repris cet amendement que la commission des finances avait déclaré irrecevable au titre de l'article 40.

L'amendement n°208 est adopté et devient article additionnel.

M. le président. - Amendement n°212, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 723-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 723-3-1. - L'office communique sa décision par écrit. Cette décision est explicite. Lorsque la demande est rejetée, la décision est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.

« Aucune décision ne peut naître du silence gardé par l'autorité administrative ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il s'agit d'une mesure technique de transposition de la directive du 1er décembre 2005.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable. Toutefois, celui-ci a pour effet de ne plus imposer le délai de deux mois à l'Ofpra, et donc de priver le demandeur d'une possibilité de recours. Le Gouvernement peut-il nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, je propose que l'on supprime la phrase « cette décision est explicite » qui apparaît redondante.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  -  Rectification acceptée !

L'amendement n°212 rectifié, adopté, devient article additionnel.

M. le président. - Amendement n°112, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Avant que l'office se prononce, il donne au demandeur d'asile la possibilité d'avoir un entretien personnel avec une personne compétente pour mener cet entretien ainsi que la possibilité de s'y faire assister d'un conseil.

« Chaque entretien personnel fera l'objet d'un procès-verbal dont le contenu sera soumis à l'accord de l'intéressé, voire à rectification lorsque cela est nécessaire.

« La notification de la décision prise par l'office et des voies de recours se fera en français ainsi que dans une langue compréhensible au demandeur d'asile s'il ne comprend pas le français. »

Mme Odette Terrade. - Il s'agit de rendre systématique l'audition du demandeur, audition prévue par la loi de 2003, mais exclue dans le cas où les éléments fournis par le demandeur sont manifestement infondés. Par ailleurs, conformément à la directive européenne sur les procédures, le demandeur doit avoir le droit de corriger et de signer le compte rendu d'entretien et d'être assisté par une personne. D'où cet amendement qui définit également les conditions de l'entretien dans la loi, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à présent. Demander l'asile est toujours une décision douloureuse. L'examen du dossier doit donc être assorti de garanties fortes.

L'amendement n°112, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.

Article 10

La dernière phrase de l'article L. 742-3 du même code est ainsi rédigée :

« Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable. »

M. le président. - Amendement n°113, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article 10 bis a pour seul objectif de faciliter le refoulement des demandeurs d'asile, suspectés d'être des fraudeurs, en assortissant le refus de séjour d'une obligation immédiate de quitter le territoire alors que les demandeurs disposaient auparavant d'un mois pour ce faire. D'où cet amendement de suppression.

L'amendement n°113, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 10 bis

Le premier alinéa de l'article L. 121-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les ressortissants qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. »

M. le président. - Amendement n°159, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung. - Nous proposons de supprimer cet article, introduit à l'Assemblée nationale, aux termes duquel les ressortissants communautaires qui ne se sont pas fait immatriculer auprès du maire sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. Cette mesure vexatoire est de surcroît choquante : le principe d'égalité entre citoyens de l'Union est strictement respecté dans d'autres pays européens tels que l'Allemagne.

L'amendement n°159, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 bis est adopté.

Article 10 ter

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 551-2 du même code, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Il est placé en état de faire valoir ces droits et informé de la suspension de leur exercice pendant le transfert vers le lieu de rétention. La durée du transfert fait l'objet d'une mention justificative au registre prévu à l'article L. 553-1. »

M. Louis Mermaz. - L'article 10 ter, introduit par les députés, a pour objet de suspendre les droits du demandeur d'asile -celui d'être assisté par un interprète, d'être conseillé, d'être examiné par un médecin ou encore de communiquer avec un avocat ou la personne de son choix- durant le transfert de l'étranger vers le lieu de rétention. Cette disposition est d'autant plus inquiétante que la durée du transfert va s'allongeant. A cause du manque de place dans les centres de rétention les plus proches du fait de la politique répressive de ce Gouvernement et de la volonté d'éviter des manifestations de soutien en faveur des demandeurs, les étrangers sont transférés dans des centres de plus en plus lointains, ce qui nécessite des voyages de plusieurs heures. Cet article aggravant les conditions de détention des étrangers, il faut le supprimer.

M. le président. - Amendement n°114, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, a été introduit par un amendement de notre ancien collègue, M. Goujon, amendement adopté sans avoir été défendu et débattu. Pourtant, il est loin d'être anodin. Il vise à éviter que le juge des libertés et de la détention, lorsqu'il est saisi d'une demande de prolongation de rétention, annule des procédures frappant un étranger constatant que la durée du transfert est anormalement longue. Le demandeur a la possibilité de contester une mesure d'éloignement dans un délai de 48 heures. Le moment du transfert est particulièrement important puisqu'il correspond aux premières heures de la rétention.

Chaque minute compte.

M. le président. - Amendement identique n°160, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André. - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Sagesse.

Les amendements identiques n°114 et n°160 ne sont pas adoptés.

L'article 10 ter est adopté.

Articles Additionnels

M. le président. - Amendement n°161, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-5. - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »

M. David Assouline. - Cet amendement interdit le placement de mineurs de moins de 18 ans en centre de rétention administrative. Il n'est pas tolérable que la situation actuelle perdure. Qui, dans cet hémicycle, pourrait se déclarer satisfait de voir de jeunes mineurs, quand ce ne sont pas des bébés, placés en centre de rétention administrative ? Les justifications avancées sont légères. Théoriquement, un matériel spécifique et des espaces spécifiques sont prévus. La réalité est tout autre. Ceux qui font usage du droit de visite, parlementaires ou associations, savent bien ce qu'il en est. Dans son rapport de 2005, la Commission nationale de déontologie de la sécurité cite le cas d'un nourrisson d'un mois, né en France en 2005 de mère somalienne et placé dans un centre de rétention de Seine-Maritime dénué de tout équipement. L'enfant n'a pu être présenté à un service médical et les services sociaux qui demandaient à le voir ont été éconduits. La mère et l'enfant sont restés sans eau et sans nourriture durant huit heures.

Les associations font état de la présence, dans les centres, de très jeunes enfants en situation de précarité. La violence intolérable qui leur est faite s'ajoute au choc inévitable du voyage. Ils ne méritent pas, au seul motif qu'ils n'ont pas de papiers, un traitement contraire aux valeurs de la République et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, en particulier dans ses articles 2 et 3.

M. François-Noël Buffet, rapporteur - Votre amendement revient à empêcher d'opposer un refus d'entrée sur le territoire à tout mineur, ce qui risquerait de renforcer les filières utilisant des enfants. Le texte de 2006 a prévu la présence d'administrateurs ad hoc lorsqu'un mineur arrive sur notre territoire. Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Je précise que le gouvernement porte une attention particulière au problème et vient de conclure avec la Croix rouge une convention d'assistance humanitaire dans la zone d'attente de Roissy.

M. David Assouline. - La zone d'attente de Roissy n'est pas représentative de l'état des centres de rétention sur notre territoire. Continuer sans rien faire, c'est accepter de nouveaux drames. Les enfants méritent une protection particulière. Ils n'ont pas choisi. Je comprends mal, monsieur le rapporteur, à quelles filières vous faites allusion. Il y aurait donc des filières trafiquant des enfants pour entrer sur le territoire ? A moins que ce ne soit qu'argutie pour contourner un problème qui vous dérange.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - J'ai toujours tenu, monsieur Assouline, des propos mesurés à l'égard de tous, dans cet hémicycle. Je vous invite à lire le rapport sur la loi de 2006, qui vous aidera à comprendre le problème.

M. Dominique Braye. - Très bien !

L'amendement n°161 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°162, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire ne peut donner lieu, pour les mineurs, à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. »

M. David Assouline. - Nous revenons à la charge sur un amendement proposé en 2006. En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc, afin de lui permettre de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci.

La loi du 26 novembre 2003 a modifié la donne. Le bénéfice du jour franc n'est plus accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée. Mais on sait que l'absence d'interprète entraîne souvent une méconnaissance de ce droit. De fait, les étrangers y recourent rarement.

Toutes les personnes exerçant des responsabilités dans des associations ayant pour objet de fournir une aide aux étrangers reclus en Zapi 3 ont constaté que la plupart d'entre eux ignorait ce droit fondamental. Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

Les mineurs sont plus durement touchés encore. L'amendement que nous vous proposons vise à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue certes un progrès, mais qui reste insuffisant. Le bilan de leur intervention est de fait mitigé. Ils ne disposent que de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, quand ils parviennent à trouver le temps de le voir, puisqu'il peut être refoulé avant même qu'un administrateur ait été désigné, comme le dénoncent les associations. Nous proposons donc de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Ce n'est pas là, monsieur le ministre, un sacrifice hors de votre portée. Il ne peut être fait application du droit commun à des mineurs placés dans cette situation.

Vous ne pouvez avoir oublié, monsieur le rapporteur, que l'une des propositions de la commission d'enquête préalable à l'adoption de la loi de 2006 concernait ce jour franc.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il est vrai que le débat a eu lieu en 2006. Le jour franc a aujourd'hui un caractère facultatif, étant entendu qu'un administrateur ad hoc est désigné dès la notification du refus d'entrée. Le dispositif demande à être évalué avant que l'on ne songe à le modifier. Défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.

M. le président. - Amendement n°163, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 7° Le mineur ou le jeune majeur inscrit dans un établissement scolaire y compris pendant la période des vacances scolaires. »

M. David Assouline. - La recrudescence, ces derniers mois, des situations dramatiques auxquelles il tente d'apporter une solution rend l'adoption de cet amendement, que nous avions déjà présenté en 2006, plus urgente que jamais.

Nous souhaitons que les mineurs ou les jeunes majeurs inscrits dans un établissement scolaire cessent d'être placés, y compris pendant la période des vacances scolaires, sous la menace d'une expulsion.

L'opinion, dans notre pays, est traversée par des tentations diverses sur la question des étrangers. Pourtant, le refus de nos concitoyens, ces derniers mois, a été net. Ils ne veulent pas voir des enfants saisis à la porte de l'école, où ils sont scolarisés parfois depuis de nombreuses années, à la veille des vacances, pour être expulsés.

Certes, une circulaire récente a adouci le sort réservé à certains élèves enfants de sans-papiers mais elle pose de graves problèmes d'application. Les conditions imposées en atténuent considérablement la portée : les enfants doivent être parfaitement intégrés, n'avoir plus aucune attache avec leur pays d'origine, avoir suivi toute leur scolarité en France et, cerise sur le gâteau, ne parler que le Français ! Cette dernière condition a quelque chose de non seulement scandaleux, mais d'absurde, à l'heure du pluriliguisme. Conserver ses attaches avec sa langue d'origine ne devrait pas être un péché !

Nous devrions être fiers de l'effort que font des familles étrangères pour que leurs enfants accèdent à l'éducation. Donnons à notre pays un visage plus ouvert que celui que vous proposez.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Effectivement, la situation des enfants scolarisés pose problème, mais l'amendement aboutirait à une régularisation d'office et rendrait impossible toute mesure d'éloignement de la famille. De plus, leurs familles sont très rarement expulsées.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Il y a certes des situations difficiles, parfois dramatiques, mais le droit à l'instruction de tous les enfants ne peut être synonyme de droit à régularisation, sinon on aboutirait à des situations encore plus dramatiques.

M. David Assouline. - Puisque vous n'expulsez pas, régularisez ! Pourquoi maintenir une situation intolérable ? Pourquoi interdire une réelle intégration ? La régularisation, c'est bien mieux pour les enfants, le lien républicain et l'ensemble de la société.

L'amendement n°163 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°115, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à entamer le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2007.

Mme Gélita Hoarau. - Le 8 décembre 1990, l'Assemblée générale des Nations-Unies adoptait la « Convention internationale des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille », fondée sur la non-discrimination, particulièrement importante pour les migrants en « considérant la situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent fréquemment ». Elle figure parmi les grands instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Entrée en vigueur en juillet 2003, mais ratifiée par seulement trente-six Etats, essentiellement pays de départ de migrants, elle reste lettre morte, et le restera tant que la France, ses partenaires de l'Union européenne et la plupart des pays industrialisés persisteront à éluder sa ratification.

Pourtant, les droits des travailleurs migrants subissent une précarisation grandissante partout dans le monde. La France n'est pas en reste : loi après loi, le Gouvernement et la majorité s'éloignent des engagements pris. L'Europe se présente comme un continent agressé qui devrait défendre ses frontières puisque la politique commune organise le contrôle des flux migratoires vers une Europe forteresse, incapable de relever les grands défis, notamment celui du codéveloppement.

A ce jour, 229 organisations et près de 13 000 citoyens ont signé la pétition du Collectif d'associations « migrants, pas esclaves » pour demander la ratification par la France de la Convention. En juillet, de grandes organisations françaises ont écrit au Président de la République pour demander cette ratification. Prenez toute disposition à cette fin !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement non normatif.

L'amendement n°115, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 11

L'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et d'intégration » ;

2° Le i est remplacé par un i et un j ainsi rédigés :

« i) Le nombre de contrats souscrits en application des articles L. 311-9 et L. 311-9-1 ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l'emploi, au logement et à la culture ;

« j) Le nombre des acquisitions de la nationalité française. »

M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au début du premier alinéa, les mots : « dépose devant le Parlement » sont remplacés par les mots : « transmet au Parlement ainsi qu'au Président de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations ».

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Comme ce texte supprime la transmission des actions relative à la lutte contre les discriminations, il convient au moins que la Halde connaisse les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière. Elle doit pouvoir apprécier comment l'accès à l'emploi, au logement et à la culture est facilité pour ces étrangers.

En réécrivant l'article 111-10 du Cesda, l'article 11 a supprimé la transmission au Parlement du rapport décrivant les actions entreprises au niveau national pour combattre les discriminations. Doit-on faire fi des discriminations subies par les étrangers en situation régulière ? Est-ce une mesure de coordination avec l'article 20 de ce projet, qui met en place un traitement informatisé des données permettant de conduire des études sur la diversité des origines, la discrimination et l'intégration ? Mais lutter contre les discriminations et connaître le nombre et l'origine des étrangers sont des sujets sans rapport !

En supprimant cette référence aux actions de l'Etat contre les discriminations, vous supprimez l'obligation pour lui de se justifier des actions menées. Voilà donc le but de ce projet de loi enfin dévoilé : mépriser les étrangers, fussent-ils établis légalement sur le territoire !

M. le président. - Amendement n°65, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un k ainsi rédigé :

« k) Les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations subies par les étrangers en situation régulière. »

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article, en réécrivant le i de l'article 111-10 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, supprime la transmission au Parlement des informations relatives aux « actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations ». Il convient de rétablir cette obligation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°64, car le rapport remis au Parlement est public. L'amendement n°65 est inutile, puisque le rapport annuel de la Halde est précis sur ce point.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis.

L'amendement n°64 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°65.

L'article 11 est adopté.

L'amendement n°43 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

Articles additionnels

M. le Président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

 

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi  rédigé :

« Lorsque l'étranger mentionné à l'alinéa précédent poursuit les mêmes travaux au-delà de trois mois, la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Les scientifiques étrangers n'auront plus à solliciter un visa de long séjour. Le président Cantegrit devrait être sensible à cet amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Cette disposition facilite une mobilité vers la France que le Gouvernement encourage.

L'amendement n°43 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°164, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont éligibles aux chambres de métiers les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales dressées par les chambres de métiers, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.

Amendement n°165, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont éligibles aux chambres de commerce les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales, dressées par les chambre de commerce, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.

Amendement n°166, présenté par Mme Khiari.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les listes électorales dressées par les chambres de commerce comprennent l'ensemble des personnes physiques et morales inscrites au répertoire des métiers et à jour de leurs cotisations sociales et fiscales, sans condition de nationalité.

Mme Bariza Khiari. - La dernière fois que j'ai présenté ces amendements, M. Gérard Larcher m'a promis qu'un décret rétablirait le droit de vote des étrangers aux chambres des métiers, ce qui a été fait.

Aujourd'hui, je demande que les étrangers aient le droit de vote aux élections des chambres de commerce et qu'ils soient éligibles aux chambres des métiers et aux chambres de commerce. Je rappelle qu'ils travaillent, payent la taxe professionnelle et embauchent, mais ne peuvent représenter leur métier pour des raisons de nationalité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. Le vote des étrangers est un sujet de nature constitutionnelle.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis défavorable à une mesure qui suppose une large concertation avec les partenaires sociaux.

L'amendement n°164 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°165 et 166.

L'amendement n°36 rectifié n'est pas soutenu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°216, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 3111-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3111-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-3-1. - Les vaccinations antidiphtérique et antitétanique par l'anatoxine et la vaccination antipoliomyélitique sont obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, pour les étrangers admis pour la première fois au séjour en France.

« En outre, pour les ressortissants des pays dont la liste est fixée par arrêté, la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG est obligatoire dans les mêmes conditions.

« Les personnes titulaires de l'autorité parentale ou qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues personnellement à l'exécution de ces obligations. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Haut Conseil de la santé publique. »

M. Jean-Jacques Hyest. - Cet amendement a pour objet de rendre certaines vaccinations obligatoires pour les migrants en provenance de certains pays. M. About, qui est à l'initiative de cet amendement, souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cette question complexe.

M. Brice Hortefeux, ministre. - J'ai consulté le ministère de la santé, qui a estimé inutile de rendre obligatoires certaines vaccinations pour des étrangers entrant pour la première fois en France. Avis défavorable.

L'amendement n°216 est retiré.

Article 12

I. - Dans le premier alinéa du 5° de l'article L. 313-10 du même code, après les mots : « à la condition que », sont insérés les mots : « l'étranger justifie d'un contrat de travail datant d'au moins trois mois, que ». 

II. - Les premier et quatrième alinéas du 5° du même article L. 313-10 sont complétés par les mots : « et sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 ».

M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Au troisième alinéa du 5° du même article, les mots: « Cette carte de séjour a une durée de validité de trois ans renouvelable » sont remplacés par les mots : « Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, cette carte de séjour a une durée de validité maximale de trois ans renouvelable ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il s'agit de permettre l'ajustement de la durée du titre de séjour du salarié en mission à la durée de la mission en France.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis tout à fait favorable puisque nous souhaitons encourager le dispositif du titre de séjour du salarié en mission.

L'amendement n°21 est adopté ainsi que l'article 12, modifié.

Articles additionnels

L'amendement n°37 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°37 rectifié présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 185 du code civil est abrogé.

M. Jean-Jacques Hyest. - Il faut lever un obstacle juridique à la lutte contre les mariages forcés.

M. le président. - Amendement n°167, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 185 du code civil est abrogé.

M. Richard Yung. - Cet amendement abroge un article du code civil qui interdit la contestation de la validité du mariage d'une mineure enceinte. Il est inspiré des travaux de la mission d'information menée avec MM. Cointat et Détraigne, et des entretiens que nous avons eus à Nantes avec le procureur de la République compétent en matière d'état civil.

De jeunes Françaises sont parfois mariées de force dans des pays où l'âge nubile est inférieur à 18 ans. Elles sont abusées, et leur grossesse empêche l'annulation du mariage en France. L'époux obtient alors un titre de séjour. Nous souhaitons mettre fin à ce genre de pratique. Le mariage d'une mineure enceinte restera possible s'il est autorisé par le procureur de la République.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis favorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Très favorable car cet amendement permet de lutter contre les mariages forcés à seule fin d'obtenir un titre de séjour.

L'amendement n°37 rectifié, identique à l'amendement n°167, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'amendement n°39 n'est pas soutenu.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°39 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « de la France et » sont insérés les mots : « , directement ou indirectement ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il s'agit de corriger une imprécision de la loi du 24 juillet 2006. Pour la délivrance de la carte de séjour « compétences et talents », la participation de l'étranger au développement économique ou au rayonnement de son pays d'origine peut être directe ou indirecte.

L'amendement n°39 rectifié, accepté par la commission, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'amendement n°40 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je le reprends.

M. le président. - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Hyest au nom de la commission.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « au développement économique » sont insérés les mots : « ou au développement de l'aménagement du territoire ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La contribution du titulaire de la carte « compétences et talents » au développement de la France pourra porter sur le développement de ses territoires, ce qui permettra, le cas échéant, d'encourager l'installation de médecins en zone rurale.

L'amendement n°40 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Hyest.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1. Dans le troisième alinéa de l'article 17-3, les mots : « le mineur de seize à dix-huit ans » sont remplacés par les mots : « tout mineur » ;

2. Le second alinéa de l'article 21-11 est ainsi rédigé :

«  Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de huit ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 17-3. »

M. Jean-Jacques Hyest. - La législation actuelle introduit une différence de traitement injustifiable entre les mineurs empêchés d'exprimer leur volonté par une altération de leurs facultés mentales ou corporelles selon qu'ils ont entre seize et dix-huit ans ou entre treize et seize ans. Les représentants légaux des premiers peuvent souscrire une déclaration de nationalité en leur nom, pas ceux des seconds. Nous mettons fin à cette incohérence.

L'amendement n°45, accepté par le Gouvernement et par la commission, est adopté ; l'article additionnel est inséré.

Article 12 bis

I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 222-6 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « le ministère public » sont remplacés par les mots : « le ministère public ou le préfet » ;

2° Dans la deuxième phrase, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou au préfet » ;

3° Dans la dernière phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou du préfet ».

II. - L'article L. 552-10 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la deuxième phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou le préfet » ;

2° Dans la troisième phrase, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou au préfet » ;

3° Dans la dernière phrase, après les mots : « ministère public », sont insérés les mots : « ou du préfet ».

M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les articles L. 222-6 et L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposent que l'appel formulé contre la libération d'un étranger maintenu en zone d'attente ou en rétention par le juge des libertés et de la détention n'est pas suspensif. Toutefois, si cet appel émane du ministère public et que celui-ci demande au président du tribunal de déclarer son recours suspensif, l'étranger est maintenu à disposition de la justice jusqu'à ce que le président du tribunal ait statué. L'étranger est ainsi maintenu quatre heures, le temps que le procureur fasse appel, le cas échéant.

Cet article vise à permettre au préfet de demander également au président du tribunal, juge du siège, de déclarer son appel suspensif. S'il est possible de donner ce pouvoir au procureur de la République, il semble plus délicat de le confier à une autorité administrative. Je vous propose donc de supprimer cet article.

M. le président. - Amendement identique n°168, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz. - Ce soir, je suis souvent d'accord avec M. Buffet ! Un jugement du tribunal pourrait faire l'objet d'un appel de la part du préfet ? Nous sommes unanimes à vouloir supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari. - Je partage cette opinion.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Les préfets ont besoin de réagir vite face à des décisions de justice prises pour des questions de procédure car elles peuvent remettre en cause des journées de travail de la police, de l'administration ou des préfectures. Toutefois, ces dispositions ne sont peut-être pas conformes à l'exigence constitutionnelle. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest. - Devant la multiplication des procédures, il faudra se poser un jour la question des recours juridiques et administratifs -voire fondre les deux juridictions en une.

Il existe aujourd'hui un tel maquis que les personnes de bonne foi s'y perdent alors que celles de mauvaise foi, avec un bon conseil, parviennent à se maintenir illégalement sur notre territoire. C'est kafkaïen. Nous sommes impuissants à faire respecter la loi. Nous devons mener une réflexion commune dans le cadre d'un chantier de simplification du droit.

M. le président. - Amendement identique n°116, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Gélita Hoarau. - Il a été défendu.

L'amendement n°22, identique aux amendements n°s116 et 168, est adopté ; l'article 12 bis est supprimé.

L'article 12 ter est adopté.

Article 12 quater

Le premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'obligation de quitter le territoire français est une modalité d'exécution de la décision de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait du titre de séjour et ne fait pas l'objet d'une motivation particulière. »

M. le président. - Amendement n°117, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Gélita Hoarau. - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mariani, qui ne rate jamais une occasion de réduire encore les droits des étrangers, exonère d'une motivation distincte l'obligation de quitter le territoire français conjointe à un refus de délivrance ou de renouvellement ou à un retrait de titre de séjour.

Or l'obligation de quitter le territoire n'est pas une simple modalité d'exécution de la décision de refus ou de retrait de titre, c'est une mesure distincte. Et joindre les deux décisions, comme c'est le cas depuis la loi de 2006, ne doit pas priver l'étranger de son droit de connaître la motivation de la décision, nécessaire pour exercer le droit au recours. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 12 quater.

M. le président. - Amendement identique n°169, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline. - Si la loi du 24 juillet 2006 a permis l'édiction simultanée des décisions de refus de séjour et d'éloignement, dans un souci de simplification administrative et contentieuse, elle ne peut organiser leur fusion, notamment tant que des étrangers peuvent se voir refuser une carte de séjour alors qu'ils sont protégés contre l'éloignement. C'est le cas, par exemple, de l'étranger qui est en France depuis l'âge de 13 ans mais ne peut justifier y avoir résidé habituellement avec un de ses parents.

La décision obligeant à quitter le territoire français constituant une décision distincte du refus de séjour, elle doit relever d'une appréciation distincte par le juge et être motivée en droit et en fait. Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le président. - Amendement n°193, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

 « L'obligation de quitter le territoire français  n'a pas à faire l'objet d'une motivation. »

M. Christian Demuynck. - Amendement rédactionnel : l'obligation de quitter le territoire français est une simple modalité d'exécution de la décision de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait de titre de séjour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Défavorable aux amendements de suppression : favorable à l'amendement n°193.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Défavorable aux amendements de suppression : motiver les deux décisions de la même façon n'apporte aucune garantie supplémentaire pour l'intéressé. Favorable à l'amendement n°193

M. Louis Mermaz. - On risque là une grande confusion. La loi ne peut organiser la fusion, quand étranger peut se voir refuser un titre de séjour alors qu'il est protégé contre l'éloignement ! Nous voterons l'amendement de suppression.

M. David Assouline. - Le rapporteur ne m'a pas répondu sur l'exemple concret que j'ai donné. Le ministre peut-il clarifier les choses pour permettre à l'administration d'agir ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le préfet n'est jamais obligé d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire.

M. David Assouline. - Merci de l'avoir précisé.

L'amendement n°117, identique à l'amendement n°169, n'est pas adopté.

L'amendement n°193 est adopté, ainsi que l'article 12 quater, modifié.

Article 12 quinquies

Le 3° du II de l'article L. 511-1 du même code est ainsi rétabli :

« 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; ».

M. le président. - Amendement n°118, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Mariani, décidément récidiviste, traduit, une fois de plus, votre politique du chiffre. Rien n'est laissé au hasard dans ce projet de loi... Cet article traduit-il l'agacement des députés de la majorité devant le très faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français ? Les tribunaux administratifs sont engorgés et pourtant on leur demande de se prononcer une deuxième fois sur la légalité des mesures d'éloignement. Nous restons perplexes devant une telle disposition, dont nous demandons la suppression.

M. le président. - Amendement identique n°170, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Cet article, qui semble avoir pour objet de répondre au très faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire, va aggraver considérablement la situation des tribunaux administratifs, qui appellent au secours.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C'est pas mal, ça !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable. L'article 12 quinquies permet de prendre un arrêté de reconduite quand l'obligation de quitter le territoire n'a pas été exécutée au bout d'un an.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

L'amendement n°118, identique à l'amendement n°170, n'est pas adopté.

L'article 12 quinquies est adopté, ainsi que l'article 12 sexies.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le troisième alinéa du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « son renouvellement » sont remplacés par les mots : « le renouvellement de la carte portant la mention "salarié" ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Le texte actuel prévoit le renouvellement de la carte de séjour d'un salarié pour une durée d'un an en cas de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte : le travailleur temporaire qui bénéficie d'une carte d'une durée inférieure à un an peut ainsi se voir attribuer un droit au séjour et au travail d'une durée supérieure à la durée initiale. Il suffirait alors de se faire licencier par connivence avec l'employeur pour pouvoir automatiquement se maintenir sur le territoire.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable. Cet amendement met fin à une incohérence.

L'amendement n°23 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 322-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces dispositions n'ont plus vocation à figurer dans le Ceseda.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable. Je remercie le rapporteur pour ces deux amendements qui rendent le droit plus clair et plus lisible.

L'amendement n°24 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°195, présenté par MM. del Picchia, Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 12 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le quatrième alinéa (c) de l'article L. 341-9 du code du travail, après les mots : « regroupement familial » sont insérés les mots : « , du mariage avec un Français ».

L'amendement de conséquence n° 195, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 13

Dans l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « sur proposition de l'autorité administrative, et avec le consentement de l'étranger, » sont remplacés par les mots : «, prise sur une proposition de l'autorité administrative à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé, ».

M. Louis Mermaz. - Mon intervention vaudra défense de l'amendement de suppression. L'utilisation de la visioconférence est aujourd'hui subordonnée à l'accord de l'étranger, il suffirait désormais qu'il ne s'y oppose pas. Cette évolution sémantique traduit une atteinte aux droits de la défense car la publicité des débats et leur caractère contradictoire en seront affectés. La participation au débat est particulièrement importante en la matière car l'étranger a peu de temps pour se préparer, et la présence de la famille permet souvent de produire des documents utiles. Comment, avec la visioconférence, l'avocat pourra-t-il s'entretenir avec l'étranger ? J'ai vu, lors d'une audience à Bobigny, combien il est important que l'étranger puisse user de sa liberté de parole pour répondre au juge. J'ai vu un magistrat libérer une vingtaine de personnes parce que la procédure avait été faussée. L'aurait-il fait si les étrangers avaient été absents ?

Mme Éliane Assassi. - L'article 13 assouplit la condition de l'accord de l'étranger. La visioconférence permet des audiences délocalisées qui ne favorisent pas la publicité des débats. Rien ne garantira l'absence de pression sur l'étranger, lequel pourrait ne pas communiquer librement avec le juge : les droits de la défense seront remis en cause, au détriment du droit à un procès équitable. L'étranger peut comprendre le français mais ne pas avoir compris qu'il avait la possibilité de refuser la visioconférence. Il y aura en pratique peu de refus : cet article n'apporte pas les garanties suffisantes.

M. le président. - Amendement n°171, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Louis Mermaz. - Il a été défendu.

M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Au début de cet article, remplacer les mots :

Dans l'article L. 552-12 

par les mots :

Dans les articles L. 222-4, L. 222-6 et L. 552-12

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Ces modalités seront applicables à la prolongation de la rétention.

M. le président. - Amendement n°66, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

A la fin de cet article, remplacer les mots :

à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé

par les mots :

avec l'accord de l'étranger dûment informé de cette possibilité dans une langue qu'il comprend

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il a été également défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements 171 et 66.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis sur ces deux amendements mais avis favorable à l'amendement 25.

L'amendement n°171 n'est pas adopté.

L'amendement n°25 est adopté.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°189, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° A la fin de la deuxième phrase, les mots : « en présence de son conseil » sont remplacés par les mots : « ou de son conseil ».

2° Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« L'étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu'il lui soit désigné un conseil d'office ».

M. Christian Demuynck. - L'étranger en rétention ne pourra plus organiser son indisponibilité.

L'amendement n°189, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°190, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :Dans le deuxième alinéa de l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « , en présence de son conseil s'il en a un, ou » sont remplacés par les mots : « ou de son conseil, s'il en a un, ».

M. Christian Demuynck. - Disposition analogue pour les zones d'attente.

L'amendement n°190, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 14

Le même code est ainsi modifié :

1° Dans le dernier alinéa de l'article L. 313-14, les mots : « le ministre de l'intérieur, saisi » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative, saisie » ;

2° La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 315-3 est supprimée ;

3° Dans la première phrase de l'article L. 624-4, les mots : « du ministre de l'intérieur ou du représentant de l'État dans le département, ou, à Paris, du préfet de police » sont remplacés par les mots : « de l'autorité administrative » ;

4° Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 62-4, les mots : « le ministre de l'intérieur » sont remplacés par les mots : « l'autorité administrative ».

M. le président. - Amendement n°172, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté ; l'article 14 est adopté.

L'article 14 bis est adopté.

Article 14 ter

Le dernier alinéa de l'article L. 111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Il comprend les parlementaires, le représentant de l'État dans la région d'outre-mer, un représentant de celle-ci, un représentant du département d'outre-mer, le président de l'association des maires du département d'outre-mer, ainsi qu'un représentant de chaque chambre consulaire du département d'outre-mer concerné. »

M. le président. - Amendement n°215, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Quand l'Assemblée nationale avait voté cet article, le décret d'application de la loi de 2006 relatif à un observatoire de l'immigration en Guadeloupe et à la Martinique n'était pas encore paru. Cette disposition n'a donc plus d'objet.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission n'a pas examiné cet amendement mais je constate que l'article est devenu sans objet et, à titre personnel, je donne un avis favorable à l'amendement.

L'amendement n°215 est adopté ; l'article 14 ter est supprimé.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°119, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmettra au Parlement, avant le 31 décembre 2007, un rapport relatif au codéveloppement et à l'aide publique en faveur des pays en développement.

Mme Odette Terrade. - La contribution au codéveloppement, trop faible, n'efface pas les mesures injustes de ce texte. Le Gouvernement en reste aux grandes déclarations alors que les clivages nord-sud s'accentuent.

Un véritable codéveloppement exige de nouveaux rapports, avec un FMI émancipé du dollar. Nous sommes favorables à l'adoption d'une monnaie mondiale, qui mettrait fin à l'hégémonie du dollar, et à l'annulation de la dette du Tiers monde : l'organisation mondiale du commerce, l'organisation mondiale de la santé et l'organisation internationale du travail, doivent être réformées en ce sens.

Monsieur le ministre, le codéveloppement ne saurait se limiter à des propos de campagne électorale ! Quand atteindrons-nous le seuil de 1 % du PIB pour l'aide publique au développement ? Ce texte confirme ses affinités avec les sentiments les plus xénophobes !

Nous souhaitons que le gouvernement rende compte annuellement au Parlement de son action pour le codéveloppement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'est déjà le cas dans la loi de finances, le co-développement constitue même un programme budgétaire : avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis. Je m'engage à vous transmettre personnellement ces éléments.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

Article 14 quater

I. - L'intitulé de la section 7 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi rédigé : « L'épargne codéveloppement ».

II. - Avant l'article L. 221-33 du même code, sont insérés une division et un intitulé ainsi rédigés : « Sous-section 1. - Le compte épargne codéveloppement ».

III. - Après l'article L. 221-33 du même code, il est inséré une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Le livret d'épargne pour le codéveloppement

« Art. L. 221-34. - I. - Un livret d'épargne pour le codéveloppement peut être proposé par tout établissement de crédit et par tout établissement autorisé à recevoir des dépôts qui s'engage par convention avec l'État à respecter les règles fixées pour le fonctionnement de ce livret.

« II. - Le livret d'épargne pour le codéveloppement est destiné à recevoir l'épargne d'étrangers majeurs ayant la nationalité d'un pays en voie de développement, figurant sur la liste de pays fixée par l'arrêté prévu au II de l'article L. 221-33, titulaires d'un titre de séjour d'une durée supérieure ou égale à un an et fiscalement domiciliés en France, aux fins de financer des opérations d'investissement dans les pays signataires d'un accord avec la France prévoyant la distribution du livret d'épargne pour le codéveloppement.

« III. - À l'issue d'une phase d'épargne au cours de laquelle les sommes placées sur le livret d'épargne pour le codéveloppement sont bloquées pour une durée au moins égale à trois années consécutives et régulièrement alimentées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les titulaires d'un livret d'épargne pour le codéveloppement qui contractent un prêt aux fins d'investissement dans un pays signataire avec la France d'un accord prévoyant la distribution du livret d'épargne pour le codéveloppement bénéficient d'une prime d'épargne plafonnée dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d'épargne. Les investissements ouvrant droit à la prime sont définis dans les accords signés entre les pays en développement et la France.

« IV. - Les conditions de transfert dans un autre établissement de crédit et de plafonnement des sommes versées sur le livret d'épargne pour le codéveloppement sont fixées par décret en Conseil d'État.

« V. - Les opérations relatives aux livrets d'épargne pour le codéveloppement sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances.

« VI. - Le comité prévu au V de l'article L. 221-33 examine périodiquement la cohérence des projets financés au travers du livret d'épargne pour le codéveloppement avec les différentes actions de financement du développement et formule des recommandations aux ministres concernés.

« VII. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Bariza Khiari. - La conception du codéveloppement qui préside à cet article me semble erronée, enfermant le migrant dans une fausse idée du retour, lui assignant une place au village d'origine plutôt que de citoyen dans la société tout entière. Il est malheureusement trop tard pour en parler plus longuement, la question mérite tout un débat : je vous écrirai à ce propos, Monsieur le ministre !

Mme Gélita Hoarau. - Rarement un texte de loi m'a autant interpellée, voire déstabilisée, et nos débats montrent combien nous sommes partagés : c'est que ces dispositions touchent à notre identité même. Monsieur le ministre, je ne suspecte personne de desseins irrecevables dans cet hémicycle, mais je veux vous dire comment j'ai reçu votre texte, ce que j'ai ressenti depuis La Réunion, pour vous faire concevoir comment il sera compris par nos voisins malgaches, comoriens, et plus largement dans cette région du monde.

La Réunion a doublé sa population lorsque l'ont rejointe des esclaves enchaînés et d'autres malheureux chassés par la misère. Le servage a été suivi du salariat contraint. Je suis de la troisième génération d'une famille de ces travailleurs venus d'Inde, d'Afrique et de Madagascar, dont on ne connaît le patronyme qu'en consultant les registres de travail, ces registres qui attestent la dispersion des familles dans toute la région de l'océan indien.

Après la disparition du statut colonial, ces territoires ont connu des évolutions très différenciées, entre ceux qui devenaient des départements français de plein exercice, et ceux dont la situation économique, sociale et sanitaire se dégradait. Songez que plus de 5 000 personnes sont mortes entre 1995 et 2000 pour rejoindre Mayotte, restée française !

Notre situation, à près de 10 000 kilomètres de la métropole, sera un atout si l'on sait prendre en compte les attentes de nos voisins. A moins de 2 000 kilomètres, l'Afrique du sud est en plein développement, forte de 50 millions d'habitants, l'Inde est déjà une grande puissance, forte de plus d'un milliard d'habitants et dont la population dépassera celle de la Chine en 2050 ! Madagascar compte 28 millions d'habitants, elle en aura 48 millions en 2050...

M. le président. - Veuillez conclure !

Mme Gélita Hoarau. - Un Réunionnais, parce qu'il est citoyen français, peut se déplacer sans entrave dans la région, pourquoi n'en va-t-il pas de même pour nos voisins, au milieu desquels nous vivons ? Gardons-nous de prendre des mesures qui semblent dresser des murs toujours plus hauts, renforçons plutôt le codéveloppement dans la région. C'est dans cet esprit que les présidents Sarkozy et Sambi ont évoqué un groupe de travail de haut niveau, pour un accord bilatéral entre Mayotte et les Comores. (Marques d'exaspération à droite)

Je continuerais volontiers, monsieur le ministre, mais le temps me manque. Entendez au moins ceci : la France a tout à gagner à développer ses relations dans la région de l'océan indien, ou bien sa présence en sera pénalisée ! (Applaudissements à gauche)

L'article 14 quater est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°44, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 14 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le Livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un Livre IX ainsi rédigé :

« LIVRE IX 

« Le codéveloppement 

« Art. L. 911-1.- Le financement des projets de codéveloppement des migrants peut être assuré par la mise en oeuvre des dispositifs prévus par les articles L. 221-33 et L.221-34 du code monétaire et financier, ci-après reproduits :

« Art. L. 221-33. - [...]

« Art. L. 221-34. - [...] »

M. Brice Hortefeux, ministre. - Nous regroupons sous ce titre les mesures concernant le livret d'épargne pour le codéveloppement.

L'amendement n°44, accepté par la commission, est adopté, et devient article additionnel.

L'article 14 quinquies est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°120, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase de l'article L. 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « une mesure d'expulsion prononcée en application de l'article L. 521-2 » sont remplacés par les mots : « un arrêté d'expulsion et qui justifie qu'il appartient aux catégories définies par les articles L. 521-2 ou L. 521-3 ».

Mme Odette Terrade. - Il faut que toutes les catégories protégées contre un arrêté d'expulsion puissent bénéficier de l'assignation à résidence dans les conditions de l'article L 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit à titre exceptionnel et probatoire. Nous proposons que cette possibilité soit étendue aux personnes étrangères ayant des liens personnels et familiaux très forts en France. Certaines ont un conjoint ou des enfants français, d'autres résident en France depuis de très longues années.

Dans ces conditions, il est difficilement concevable que ces personnes soient en situation de retourner dans leur pays d'origine et il est même difficilement concevable de le leur demander, sauf à leur appliquer une double peine.

M. le président. - Amendement n°121, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Après l'article 14 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout étranger qui justifie qu'il appartenait à la date du prononcé de l'arrêté d'expulsion aux catégories 1 à 5 de l'article L. 521-2, obtient l'abrogation de cette décision, sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. »

Mme Odette Terrade. - Il est défendu

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission souhaite entendre le Gouvernement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - L'abrogation des doubles peines a eu lieu en 2003 et elle a permis de mettre fin à des situations douloureuses. Le Gouvernement ne souhaite pas rouvrir ce débat. Avis défavorable.

L'amendement n°120 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°121.

Article 15

I. - L'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « dans la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par les mots : « à Saint-Martin » ;

2° Dans le dernier alinéa, la référence : « L. 512-2 » est remplacée par la référence : « L. 512-1 », et les mots : « dans la commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par les mots : « à Saint-Martin ».

II. - Dans l'article L. 514-2 du même code, les mots : « les communes du département de la Guadeloupe autres que celles de Saint-Martin » sont remplacés par les mots : « le département de la Guadeloupe et à Saint-Barthélemy ». 

M. le président. - Amendement n°173, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Louis Mermaz. - Depuis la loi du 24 août 1993, les recours en annulation contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière n'ont pas d'effet suspensif en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en Guadeloupe. Toutefois, les étrangers peuvent assortir leur recours d'une demande de suspension de son exécution ou d'une demande de référé-liberté.

L'article 15 est censé rectifier, pour la Guyane et Saint-Martin, une simple omission de la loi de 2006 : le caractère non suspensif du recours normal de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière devant aussi être étendu à l'obligation de quitter le territoire français. Or, cet article va au-delà puisqu'en raison d'une modification par la loi de 2006 de la numérotation des articles L. 512-1 et L. 512-1-1, le remplacement proposé par ce projet de loi ne permet pas à l'étranger d'informer ses proches ou son consulat de la mesure d'éloignement qui le frappe. On voit mal, dans ces conditions, comment le consulat, seul habilité à demander ce sursis à exécution de cette mesure d'éloignement, pourra la demander !

En outre, nous sommes opposés à cette procédure dérogatoire au droit commun.

Enfin, je vous remercie, monsieur le président, d'avoir laissé à notre collègue Hoarau un temps assez long pour s'exprimer.... J'ai écouté avec passion son intervention.

M. le président. - Amendement n°196, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck.

Dans le 2° du I de cet article, remplacer les mots :

la référence : « L. 512-2 » est remplacée par la référence : « L. 512-1 »

par les mots :

après les mots : « les dispositions » sont insérés les mots : « de l'article L. 512-1 et »

M. Christian Demuynck. - Il convient de préciser que les dispositions de l'article L. 512-1-1 demeurent applicables en Guyane et à Saint-Martin.

L'amendement n°173, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n°196, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

L'article 16 est adopté ainsi que l'article 16 bis.

Article 17

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et pour en tirer les conséquences sur l'ensemble du territoire de la République.

L'ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans les douze mois suivant la publication de la présente loi.

M. le président. - Amendement n°174, présenté par Mme  M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André. - Le Gouvernement demande l'autorisation au Parlement de légiférer par ordonnance pour rendre la loi applicable dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Cette procédure doit rester exceptionnelle, d'autant que les délais ne sont souvent pas tenus.

Le Président de la République vient de lancer une réflexion sur les institutions qui devrait déboucher sur une prochaine révision de la Constitution. Or, de tous côtés, des voix s'élèvent pour que les droits du Parlement soient renforcés et pour que le recours aux ordonnances soit limité et mieux encadré.

Par cohérence, le Parlement ne peut donc pas accorder une habilitation qui touche aux droits de la personne, sans qu'aucune information ne lui ait été donnée sur le contenu de l'ordonnance et sans avoir l'assurance que le Parlement pourra procéder à sa ratification.

Il est vrai que l'usage de l'habilitation est fréquent pour étendre les dispositions de droit commun à l'outre-mer. Mais ici, il ne s'agit pas de questions techniques.

Enfin, pourquoi ne pas avoir recours à l'article 74 de la Constitution ? Nous nous opposons donc à cet article.

L'amendement n°41 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.

L'amendement n°174, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 17 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°209, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer.

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer regroupe et organise les dispositions législatives relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit.

L'ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement vous demande de l'habiliter à codifier, au sein d'un code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer, les textes spécifiques adaptant le droit commun aux particularités de chaque collectivité.

L'amendement n°209, accepté par la commission, est adopté et il devient un article additionnel.

L'article 18 est adopté.

Article additionnel

L'amendement n°42 n'est pas défendu.

M. le président. - Amendement n°210, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le septième alinéa (4°) du I de l'article 19 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer est complété par les mots : « et adoption de dispositions relevant du droit civil et du droit de l'action sociale et des familles, destinées à lutter contre l'immigration irrégulière à Saint-Martin ».

M. Brice Hortefeux, ministre. - Il convient de permettre au Gouvernement de prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour adapter le droit civil et le droit de l'action sociale et des familles aux contraintes particulières que connaît Saint-Martin -notamment l'afflux d'immigrés- afin de lutter contre les fraudes et les détournements de procédures

L'amendement n°210, accepté par la commission, est adopté et il devient un article additionnel.

Article 19

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même des bénéficiaires de l'aide au retour mentionnée au dernier alinéa du I de l'article L. 511-1. »

M. le président. - Amendement n°122, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - Cet article, modifié par M. Mariani, permet de relever les empreintes digitales et la photographie des étrangers ayant bénéficié de l'aide au retour, afin d'éviter la fraude. Une fois de plus, vous assimilez les étrangers à des fraudeurs !

Mme Isabelle Debré. - Ça recommence !

Mme Éliane Assassi. - Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre la parole ! Nous discutons depuis trois jours : il sera bientôt trop tard !

Avec ces nouvelles dispositions, vous allez pouvoir ficher beaucoup de monde, sans compter le fichier du ministère de l'éducation nationale « Base élèves » qui permet depuis 2005 de récolter des données sur chaque écolier comme la nationalité des enfants, leur date d'entrée sur le territoire français, leur culture et langue d'origine. Sous la pression de parents et d'enseignants, le ministère aurait décidé de ne plus recenser de telles données. Dont acte.

Avec les relevés d'empreintes digitales et génétiques, les statistiques ethniques, vous allez pouvoir mettre en place des fichiers pour contrôler la population, qu'elle soit étrangère ou française.

La chasse à l'étranger est ouverte que ce soit à l'école, dans les centres d'hébergement, dans les préfectures ou dans les hôpitaux. Ce n'est pas un hasard si les fichiers se multiplient depuis la modification de la loi informatique et liberté en 2004 qui a réduit les pouvoirs de contrôle de la CNIL. Ce n'est pas un hasard non plus si dernièrement des courriels émanant de certaines inspections académiques ont été adressés -par erreur ?- dans des écoles primaires ou des lycées pour recenser ici les élèves majeurs sans papiers, là les élèves dont les parents sont sans papiers. Et que penser des récentes notes adressées par la Chancellerie aux chefs de cour et de juridiction leur demandant de recenser les décisions civiles en matière de contentieux des étrangers et d'adoption ?

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous demandions la suppression de cette disposition dangereuse pour les libertés individuelles et publiques.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Même avis.

Mme Bariza Khiari. - Cet article témoigne de votre volonté de stigmatiser les étrangers et, même lorsqu'ils souhaitent rentrer dans leur pays d'origine, vous voulez les ficher afin d'éviter une fraude à l'aide au retour. Vous voulez être sûrs qu'une fois rentrés chez eux, ils ne reviendront pas sur notre sol. Mais que se passera-t-il s'ils demandent un visa de courte durée pour se rendre en France ?

Nous sommes contre cet article 19 qui relève d'une logique de soupçon généralisé.

L'amendement n°122, n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Article 20

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° Le II de l'article 8 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration selon les modalités prévues au 9° de l'article 25. Les dispositions relatives au consentement exprès de la personne prévues au 1° ne sont pas applicables. » ;

2° Le I de l'article 25 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration au sens du 9° du II de l'article 8. Lorsque la complexité de l'étude le justifie, la commission peut saisir pour avis un comité désigné par décret. Le comité dispose d'un mois pour transmettre son avis. À défaut, l'avis est réputé favorable. »

M. David Assouline. - Au terme d'un travail approfondi sur la mesure des discriminations fondé sur une soixantaine d'auditions, la Cnil a formulé des recommandations. Certaines d'entre elles ont été reprises dans cet article 20, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, sans que l'établissement d'un référentiel ethno-racial, sur lequel la Cnil avait émis des doutes, soit expressément interdit. Par ailleurs, la Cnil avait insisté sur la nécessité de modifier la loi informatique et libertés pour garantir la protection des données personnelles contre tout détournement, ce à quoi ce seul article ne peut suffire.

Dans un texte plus que contestable limitant le regroupement familial et le droit d'asile, on nous propose de faciliter la collecte de données faisant apparaître l'origine raciale ou ethnique. La lutte contre les discriminations mérite assurément mieux que ce cavalier législatif. Elle nécessite la tenue d'un débat parlementaire à l'occasion d'une révision de la loi du 6 janvier 1978. En effet, l'établissement de statistiques ethniques interroge certains de nos principes républicains, dont celui de l'égalité des citoyens devant la loi établi par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. De plus, ces données pourraient être utilisées pour ethniciser les statistiques de la délinquance et servir de fondement à une scandaleuse politique des quotas, fixant chaque année le nombre d'immigrés que la France accueille selon leur nationalité et leur qualification en fonction de ses qualités d'absorption.

M. Louis Mermaz. - Le gouvernement s'honorerait en supprimant cet article 20 auquel le caractère contraignant de ce texte donne un tour particulièrement sinistre. Le sujet est trop sérieux pour être ainsi traité à la va-vite dans un contexte passionnel. Par ailleurs, la notion de race a extrêmement évolué depuis deux siècles... Bref, cet article est dangereux.

Mme Bariza Khiari. Cet article 20 doit permettre de mesurer la diversité pour mieux combattre les discriminations. Comment l'affirmer sans rougir quand ce texte alimente le rejet de l'autre ?

Il est déplacé d'invoquer une cécité statistique quand il existe déjà de nombreuses études permettant de mesurer les discriminations. Je pense à celle du Pr. Amadieu sur les CV qui avait été reprise par la commission des lois à l'occasion de la loi créant la Halde ou encore aux grandes études de la statistique publique permettant de retracer les trajectoires de vie de familles immigrées. Bref, ce n'est pas de chiffres, dont nous manquons, mais de volonté politique. Les décrets d'application concernant le CV anonyme n'ont toujours pas été publiés...

Par ailleurs, les bases statistiques publiques permettent déjà de mener des études à partir du lieu de naissance, de la nationalité, du lieu de naissance des parents et du patronyme. Pourquoi ne pas commencer par élargir leur accès ? Qu'apporte par conséquent cette modification ? Elle supprime le consentement exprès des personnes interrogées pour favoriser des études privilégiant une approche communautariste de la société. Elle prépare, comme l'a montré M. Assouline, la prochaine politique des quotas avec la création d'un référentiel ethno-racial.

Nous n'accepterons pas que l'on ethnicise ainsi la question sociale ! (Applaudissements à gauche).

M. le président. - Amendement n°176, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°123, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Dans un texte stigmatisant les étrangers, cet article prend une tournure singulière. Le président de la Cnil lui-même s'est montré réservé sur le bien-fondé de telles statistiques. Les fichiers ethniques ou raciaux peuvent faire l'objet de détournements tragiques, nous ne le savons que trop... D'ailleurs, le terme de « race » devrait être banni de notre vocabulaire et du code civil. Bref, il vaut mieux ne pas mettre le doigt dans l'engrenage. Pour lutter contre les discriminations, il faut privilégier les leviers juridiques, inciter à porter plainte.

Monsieur le ministre, je profite de l'occasion pour vous interroger sur votre projet d'institut d'études sur l'immigration, contre lequel de nombreux universitaires se sont élevés considérant que la recherche ne devait pas être placée sous tutelle du ministère. Vous avez repoussé son inauguration. Est-ce à dire que vous avez enfin compris qu'il fallait faire marche arrière ?

M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :

« 9° Les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration selon les modalités prévues au 9° du I de l'article 25. La présentation des résultats du traitement de données ne peut en aucun cas permettre l'identification directe ou indirecte des personnes concernées. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission a souhaité apporter des précisions au texte adopté par l'Assemblée nationale, pour que l'identification directe des personnes faisant l'objet d'un échantillonnage ne soit pas possible. Nous supprimons également l'obligation de rechercher le consentement des personnes avant enquête, puisque l'autorisation donnée par la Cnil apporte les garanties suffisantes : lorsqu'il y a enquête, les personnes en sont informées et peuvent refuser de faire partie de l'échantillon.

M. le président. - Sous-amendement n°74 à l'amendement n° 26 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 26 par une phrase ainsi rédigée : 

Les dispositions relatives au consentement exprès de la personne prévues au 1° sont applicables.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'amendement de la commission ignore l'article 25, dans son premier alinéa, de la loi informatique et libertés. Il est nécessaire, monsieur le rapporteur, de rechercher le consentement des personnes.

M. le président. - Amendement n°177, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Dans le second alinéa du 1°de cet article, supprimer les mots :

et de l'intégration

II. Procéder à la même suppression dans le second alinéa du 2° de cet article.

Mme Bariza Khiari. - Amendement de repli. Les statistiques sur l'emploi n'ont jamais permis de réduire le chômage. Comment les statistiques ethniques et raciales permettraient-elles de réduire les discriminations ? En revanche, elles peuvent fort bien être utilisées pour simplifier la réalité. Certains, et pas des moindres, n'ont pas hésité, lors des émeutes de 2005, à expliquer les violences par la polygamie. A l'équation noir = polygame = émeutier répondrait cette autre : maghrébin = islamiste = terroriste.

Une étude menée à Clichy-sous-Bois, l'un des centres d'où sont parties les violences, montre que 50 % de la population a moins de 25 ans, qu'un tiers des jeunes entre 15 et 25 ans ne sont pas diplômés, que 75 % des collégiens sont issus de familles défavorisées. Et surtout que 100 % des émeutiers avaient moins de 25 ans, et que 100 % étaient des garçons. Comme le répète Alain Bauer, « le jeune mâle est plus remuant que la vieille dame... »

Ce sont les conditions socioéconomiques qui expliquent la détresse d'une population. Mais la tentation est forte d'évacuer la question sociale au profit d'une prétendue question immigrée. Et l'on aura tôt fait d'utiliser les statistiques ethniques pour rendre compte de l'échec scolaire ou de la délinquance.

M. le président. - Amendement n°27, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

3° Le 7° du II de l'article 8 est ainsi rédigé :

« 7° Les traitements statistiques réalisés par les services producteurs d'informations statistiques définis par un décret en Conseil d'Etat dans le respect de la loi n°51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique et dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Cet amendement propose d'élargir le champ des traitements statistiques sur la mesure de la diversité soumis à l'autorisation de la Cnil en ouvrant le régime d'autorisation à toutes les enquêtes réalisées par l'ensemble des « services producteurs d'informations statistiques », tels que définis par un décret en Conseil d'État.

Défavorable à l'amendement n°123, ainsi qu'à l'amendement n°176. Défavorable au sous-amendement n°74, ainsi qu'à l'amendement n°177.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale est le résultat des travaux engagés par la Cnil. Il a été présenté par deux députés membres de cette instance. Je réaffirme clairement mon attachement à la lutte contre les discriminations, en particulier en matière d'emploi, de logement, à l'encontre des immigrés ou des Français issus de l'immigration.

Pourquoi s'opposer à la création d'un nouvel instrument de lutte contre les discriminations ? D'autres pays mènent ce type d'études statistiques. Patrick Lozès, président du Cran comme l'association Afrique Agora pour l'insertion professionnelle des minorités s'y sont déclarés favorables.

M. David Assouline. - Vous êtes d'accord avec eux ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement s'est rallié à ce texte qui répond à l'objectif sans remettre en cause les principes. Il ne soutiendrait évidemment pas un texte qui pourrait entraîner un fichage à raison de caractères ethniques.

Il existe trois façons d'établir des statistiques : en fonction de la nationalité, et du lieu de naissance des parents et des grands parents, en fonction de l'origine géographique déclarée ou sur la base d'un référentiel ethnique établi par l'institution publique retenue. Le gouvernement, comme la Cnil et la Halde, ne retiennent que les deux premières méthodes. Les garanties qui encadrent le dispositif, et celles que vous pourrez lui ajouter, l'insèrent dans un cadre respectueux de nos principes.

Mme MC Dougall, émissaire de l'ONU sur les minorités, venue en France pour une mission d'information, a déclaré qu'un « pas en avant très important » allait être franchi avec l'autorisation d'établir des statistiques par origine.

Il n'est pas question d'instituer des minorités dans la République mais de mieux lutter contre les discriminations qui détruisent le lien social.

Je puis vous rassurer, madame Borvo Cohen-Seat : le mot race ne figure pas dans l'article.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°26. Défavorable, en revanche, au sous-amendement n°74. Les consultations que j'ai menées, madame Khiari, m'ont convaincues que l'intérêt de telles études réside dans le fait qu'elles permettent d'étudier de larges échantillons. J'ajoute que l'autorisation préalable de la Cnil, qui pourra s'entourer d'un comité d'experts préviendra les difficultés de fond et que le dispositif intègre tous les droits de la loi informatique et libertés de 1978.

L'amendement n°177 soulève une question de fond. Mesurer l'intégration ne signifie pas classer définitivement les immigrés dans un rapport croisé entre leur origine et leur niveau d'intégration. Il s'agit, à l'inverse, de détecter les raisons pour lesquelles un immigré peut être freiné dans son intégration. Les études sur la diversité doivent contribuer à renforcer la cohésion nationale. Défavorable.

Favorable à l'amendement n°27 du rapporteur qui donne la possibilité de mener des études à des organismes autres que l'Insee.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - La commission, lors de la création de la Halde, avait proposé la création d'un instrument de mesure de la diversité. Car comment savoir, sinon, qu'il existe des discriminations ?

Nous avons entendu, cette semaine, le président Alex Türk et Mme Delhay, qui estiment que le texte proposé est bien dans la ligne de la Cnil. Je rappelle aussi que la Halde avait souhaité une législation autorisant de telles enquêtes.

M. David Assouline. - Monsieur le ministre, vous argumentez enfin !

Nous avons déjà débattu de ce sujet lorsque nous avons créé la Halde. Et si vous nous proposiez une loi pour combattre les discriminations au lieu de surveiller les immigrés ?

Pourquoi introduire une telle disposition dans cette loi discutée en urgence ? Nous observons votre empressement à nous présenter des instruments cohérents avec votre future politique de quotas.

Si vous engagiez un débat de fond, nous pourrions rechercher un consensus mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Bariza Khiari. - Je veux vous mettre en garde : il y a des statistiques ethno-raciales en Angleterre. Qu'observe-t-on ? Les Irlandais et les Gallois veulent être traités à part des autres « blancs » ; les « noirs » se demandent pourquoi ils ne remonteraient pas ; les asiatiques forment un groupe d'intouchables : on a reconstitué les castes !

De telles statistiques exacerbent le communautarisme : nous représentons 8 % de la population, il nous faut 8 % des postes, c'est la logique dans laquelle s'inscrit le Cran.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Ce n'est pas ce qui est proposé.

Mme Bariza Khiari. - La France en est à l'an I de la lutte contre les discriminations, et vous voulez déjà mesurer ce que nous n'avons pas fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Justement, la comparaison avec des pays étrangers nous incite à refuser l'engrenage. A cette heure tardive, le mieux est de s'abstenir. Et votre réponse sur l'Institut de l'immigration ?

L'amendement n° 123, identique au 176, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°74.

L'amendement n°26 est adopté. Par conséquent, l'amendement n°177 devient sans objet.

L'amendement n°27 est adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

Article 21

Dans la première phrase de l'article 4 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, après les mots : « qu'elle le souhaite », sont insérés les mots : « et qu'elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - La commission a délibéré par deux fois de cet article. Après l'avoir accepté, elle a constaté la totale incompréhension des plus grandes associations qui s'occupent du logement.

M. David Assouline. - Comme pour les tests ADN.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - La loi du 7 mars 2007 a institué un droit opposable au logement et à l'hébergement d'urgence. Pour les étrangers, l'opposabilité du droit au logement est subordonnée au caractère régulier et stable du séjour, mais aucune condition particulière ne restreint le droit à l'hébergement d'urgence.

Il reste que, même s'il est préférable qu'un étranger clandestin ne reste pas dans la rue, on ne saurait lui accorder un droit susceptible de justifier un recours juridictionnel.

En définitive, la commission a donc voté contre l'article 21, introduit par l'Assemblée nationale, mais je tiens à redire aux associations qui s'en sont ému qu'il n'a jamais été question de refuser l'hébergement d'urgence des étrangers en situation irrégulière !

Au nom de la commission, je propose de régler le problème en CMP.

M. Bernard Seillier. - Le droit opposable au logement marque une grande étape de notre législation, puisqu'il commence à rendre objectifs les droits de l'homme, jusque-là exclusivement subjectifs : il garantit à toute personne résidant régulièrement en France le droit d'être logée. Un comité de suivi, présidé par M. Xavier Emmanuelli, a été créé ; il va bientôt rendre son rapport.

Des difficultés d'application sont apparues, faute de logements en nombre suffisant et parce qu'il faut du temps pour réadapter une personne ayant vécu longtemps dans la rue.

Il faut faire attention aux cas d'échec dans le parcours de réinsertion. La loi sur le droit au logement opposable a donné un rôle central aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale, et plus particulièrement aux centres d'hébergement d'urgence. Ils ont une vocation de transition et d'orientation, comme l'a indiqué M. Hyest.

L'article 4 de la loi sur le droit au logement est issu d'un amendement introduit par l'Assemblée nationale et a donné lieu à des déclarations importantes, notamment de la part du rapporteur, Mme Boutin, en faveur de l'engagement indispensable pour éviter de remettre à la rue les personnes accueillies, les soutenir et à les accompagner dans leur parcours de réinsertion. Il a été adopté à l'unanimité. Cette loi fait partie des dispositions votées dans notre pays qui justifient notre fierté d'être français.

On n'a pas pris toute la mesure du glissement opéré par l'article 4 d'une obligation humanitaire d'accueil dans l'urgence à un droit à l'hébergement durable. Les difficultés étaient inéluctables et prévisibles, telle celles que présente l'article 21, qui introduit la référence à la régularité du séjour. L'hébergement d'urgence sans remise à la rue s'inscrit dans le droit au logement à part entière. L'article 21 pose un principe mais sa mise en oeuvre est problématique. Sa suppression créerait également des difficultés car depuis l'Antiquité le rapport de forces ne joue pas en faveur des pauvres.

Voter cet article serait gênant, mais le supprimer donnerait à une partie de la population une image de laxisme. Il nous faut trouver une solution qui relève du même état d'esprit qui nous a animés lors du vote de la loi sur le droit au logement opposable.

M. le président. - Amendement n°30 rectifié sexies, présenté par MM. Seillier et Laffitte, Mme Desmarescaux, M. Portelli et Mmes Bout et Procaccia.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les structures d'hébergement ne sont pas contraintes d'apprécier ou de contrôler la régularité de la situation des personnes qu'elles accueillent. »

M. Bernard Seillier. - Il est défendu.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. Louis Mermaz. - L'amendement de M. Seillier vise à éviter que les centres d'hébergement d'urgence ne puissent accueillir les sans-papiers. Cette disposition devient cependant très confuse et il vaudrait mieux supprimer l'article 21. Il n'y a rien de pire qu'un cavalier introduit au dernier moment, cela crée des monstres juridiques. D'autant plus que cet article a suscité une grande émotion chez ceux qui s'occupent des sans-papiers et du droit au logement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous atteignons ici le summum de la suspicion instituée : les étrangers viendraient en France pour bénéficier de nos prestations familiales et des centres d'hébergement d'urgence ? Cet article vise l'immigration clandestine, mais le sujet est trop grave pour être abordé ce soir. Au lieu d'étudier les situations au cas par cas, on stigmatise l'étranger.

On porte atteinte à l'accès inconditionnel à l'hébergement d'urgence et à la dignité des personnes. M. Hyest nous a rappelé que des associations d'aide comme Emmaüs se sont soulevées contre cet article. Non seulement on piège les sans-papiers dans les Restos du coeur, mais on veut les laisser mourir de froid dehors! Il faut supprimer cet article.

M. Dominique Braye. - Le problème est délicat, et il faut éviter d'être excessif et de prendre des raccourcis. Supprimer cet article risque de donner un mauvais signe aux associations d'aide, le conserver est également problématique car il est mal écrit et mal expliqué.

Je suis le seul parlementaire membre du Comité national de suivi de la loi sur le droit au logement opposable. Chaque département est doté d'un centre d'hébergement d'urgence où les sans-abris sont hébergés avec ou sans papiers. Si ne sont amenés à rester sur notre territoire que les étrangers en situation régulière, on ne va pas mettre les gens à la rue. J'ai entendu des images excessives tout au long du débat, en contradiction avec la réalité.

Nous devons aller de l'avant avec un article 21 modifié qui permette à la discussion de continuer. Il vaut mieux aller en CMP avec un texte modifié plutôt que sans rien. Je voterai l'amendement de M. Seillier.

M. Philippe Dallier. - Je me serais bien rangé à l'argumentation de M. Hyest selon lequel l'article 21 est en contradiction avec l'article 4 de la loi sur le droit opposable au logement. Je suis favorable à sa suppression. Si nous nous accordons sur l'objectif, on peut réécrire cette disposition en CMP.

Or, à entendre Mme Boumediene-Thiery, nous ne sommes manifestement pas d'accord sur les objectifs. On devine l'utilisation politique qui serait faite de la suppression de cet article : demain, vous crierez victoire... Au cours de ce débat, on nous a tout jeté à la figure, jusqu'à l'Affiche rouge de Manouchian -à quatre heures du matin, nous avons du mal à encaisser ! Si j'avais le sentiment que vous étiez de bonne foi, j'aurais peut-être voté la suppression...

Mme Bariza Khiari. - C'est vous qui êtes de mauvaise foi ! (M. Braye s'exclame)

M. Philippe Dallier. - Vu la situation, je voterai l'amendement Seillier.

M. David Assouline. - A cette heure, on devient paranoïaque...

M. Philippe Dallier. - Cessez vos insultes et vos insinuations !

M. David Assouline. - Une chose nous a émus, qui a ému les associations, tous les humanistes, tous les membres de cette assemblée : c'est qu'en France, même pour les sans-papiers, la soupe populaire reste ouverte...

M. Dominique Braye. - Elle le reste aussi avec l'article 21 !

M. David Assouline. - ...l'hébergement d'urgence reste ouvert. C'est le principe d'assistance à personne en danger.

M. Philippe Dallier. - On est d'accord !

M. David Assouline. - Les élus comprennent mal qu'on leur demande de ne pas accorder de prestations sociales d'urgence à des sans-papiers. Nous savons bien qu'il n'y a pas de droit opposable au logement pour les sans-papiers, ils le savent aussi ! La presse ne parlera pas demain de recul, de défaite, monsieur Dallier : elle dira simplement que le Sénat, contrairement à l'Assemblée nationale, a réfléchi, écouté, et ne veut pas qu'on croie que les sans-papiers peuvent être laissés à la rue l'hiver. Nous nous honorerions en émettant un vote unanime sur cette question.

M. le président. - Amendement n°124, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - On imagine bien le sens que M. Mariani entendait donner à son amendement, vu ses antécédents... Cet article peut changer en profondeur la nature même de l'hébergement d'urgence, dont le propre est d'accueillir toute personne, sans aucune condition. J'en appelle à la sagesse du Sénat pour supprimer ce soir cet article et prendre le temps de revenir sur cette question de fond.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'hébergement d'urgence n'a rien à voir avec le regroupement familial !

M. le président. - Amendement identique n°178, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Cet amendement a été longuement étudié par la commission des lois, qui a décidé de supprimer l'article 21. Nous sommes au début de l'hiver : ce serait envoyer un très mauvais signe à nos grandes associations, qui sont l'honneur de notre pays, que de dire que nous laissons mourir les sans-papiers dehors ! Une association comme Emmaüs permet aussi à ceux qu'elle aide de retrouver l'espérance.

M. Dominique Braye, - Ca n'a rien à voir.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission des lois a émis très majoritairement un avis favorable aux amendements de suppression n°124 et 178. S'ils n'étaient pas adoptés, avis favorable à l'amendement n°30 rectifié sexies.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je propose de modifier l'article 4 de la loi sur le droit au logement opposable afin de prévoir que toute personne doit être hébergée dès lors qu'elle peut justifier d'un séjour continu sur le territoire. Il y aura un débat en CMP.

Mme Isabelle Debré. - Très bien !

Mme Bariza Khiari. - Vous excluez les sans-papiers de l'hébergement d'urgence !

M. Dominique Braye. - Mais non !

M. Philippe Dallier. - Relisez l'article !

M. le président. - Personne n'y comprend plus rien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Le texte de l'Assemblée nationale peut être interprété comme une remise en cause de l'accueil en hébergement d'urgence.

M. Dominique Braye. - Pas du tout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je n'ai peut-être pas votre expérience en matière de logement, mais je sais lire, et j'ai présidé un office de logement HLM pendant cinq ans !

Je me suis engagé à ce qu'on règle ce problème en CMP. La suggestion du ministre durcit les choses.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Elle crée les conditions du débat en CMP.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je propose que l'on réfléchisse ensemble à un autre amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je demande une brève suspension de séance pour étudier cette suggestion.

La séance est suspendue à 4h 30.

La séance reprend à 4 h 35.

M. le président. - Amendement n°218, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Rédigez comme suit cet article :

A la fin de la première phrase de l'article 4 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale sont insérés les mots :

« si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'État  :

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - J'ai bien entendu les objectifs des uns et des autres et il me semble qu'il convient de déplacer la condition de régularité au niveau de l'orientation. Cela correspond à ce que j'ai compris du remarquable rapport de M. Buffet.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Avis favorable du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je demande la priorité pour cet amendement.

M. Louis Mermaz. - Nous voulons voter sur les amendements de suppression car nous ne voulons rien avoir avec cette rédaction entortillée qu'on peut comprendre dans tous les sens. Tout cela parce que vous aviez accepté que votre majorité à l'Assemblée vote cet article. Nous nous y opposons.

M. Dominique Braye. - Tant mieux !

Acceptée par le gouvernement, la priorité est de droit.

M. David Assouline. - Les sans-papiers ne seront plus accueillis dans les centres d'urgence.

M. Louis Mermaz. - C'est monstrueux !

M. Philippe Dallier. - Votre mauvaise foi est évidente.

L'amendement n°218, adopté, devient l'article 2.

Les amendements n°s124, 178 et 30 rectifié sexies deviennent sans objet.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°38 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, M. Cambon, Mmes Papon, Bout, Debré, B. Dupont, Mélot, Brisepierre, Sittler, Hummel, Rozier et Troendle et MM. Cornu et Pointereau.

Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I - La section 2 du chapitre II du titre IV du livre I de la troisième partie du code du travail telle qu'elle résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail est complétée par une sous-section ainsi rédigée :

« Sous-section 12

«  Congé pour acquisition de la nationalité

 « Article L. 3142-116. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. »

II - Le chapitre V du titre II du livre II du code du travail est complété par une section ainsi rédigée :

« Section 8

« Congé pour acquisition de la nationalité

 « Article L. 225-28. - Tout salarié a le droit de bénéficier, sur justification, d'un congé non rémunéré d'une demi-journée pour assister à sa cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. » 

Mme Catherine Procaccia. - Rien n'avait été prévu pour la cérémonie d'accueil dans la nationalité française. Ceux qui voudront y assister pourront bénéficier d'une demi-journée de congé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Non rémunérée !

M. Louis Mermaz. - Mascarade !

Accepté par la commission et le Gouvernement, l'amendement 38 rectifié ter est adopté, les groupes socialiste et CRC votant contre. L'article additionnel est inséré.

M. le président. - Amendement n°217, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 21, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article 9 quinquies de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

II. L'article 20 de la présente loi est applicable à Mayotte, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je n'entrerai pas dans le détail de cet amendement très technique qui tire pour certaines collectivités territoriales les conséquences du vote de l'amendement n°212.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - A titre personnel, avis favorable.

L'amendement n°217 est adopté et devient article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Michèle André. - Il est bien tard et les derniers moments ont été un peu déroutants. Le débat a été long et émaillé de moments intenses : le vote ne sera pas banal.

Le groupe socialiste a apprécié la qualité du travail de la commission, confrontée à une mission impossible. Malgré quelques avancées, ou plutôt quelques absences de recul, il ne pourra vous suivre : durcissement des conditions de séjour, tests génétiques, tout cela inquiète des personnes de tous horizons, laïcs et hommes d'église ou simples citoyens ; des chefs d'États étrangers s'interrogent sur cette peur devant la mondialisation dès qu'il s'agit de la circulation des personnes.

Monsieur le ministre, relisez l'avis du Conseil national consultatif d'éthique et, de grâce, ne réduisez pas le sens de la famille ! La concentration des moyens publics sur les opérations de police pour rechercher les étrangers en situation irrégulière nous inquiète. Le groupe socialiste votera contre ce texte ! (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi. - Nous nous sommes opposés à l'ensemble de ce texte, et pas seulement aux tests ADN, parce qu'il attaque frontalement la dignité humaine, parce que vous opposez les étrangers et les Français. Notre véhémence contre ce texte, est à la mesure de cette attaque ! C'est une stratégie évidente conforme au projet du président de la République. Nous voterons contre !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les mesures vexatoires et discriminatoires que ce texte introduit dans notre droit n'ont d'autre objectif que de caresser l'électorat d'une certaine droite. Le Gouvernement attise les peurs et la suspicion envers les étrangers, au risque d'un revirement de notre politique traditionnelle d'accueil. Ce texte porte les germes d'une défiance agressive envers l'étranger, qui, réduit à n'être plus qu'un numéro, est contingenté : il n'est qu'une marchandise, que la France fait entrer sur son territoire en fonction de ses propres besoins de main-d'oeuvre.

Les étrangers sont traqués, c'est une réalité. Le 14 septembre, la Chancellerie a demandé un recueil du contentieux des étrangers, pour faciliter la tâche de l'administration dans cette traque. La séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice sont pourtant un principe même de la République ! Dans quel désastre humain et social nous précipitez-vous, avec ce statut de l'immigré ? Jusqu'où ira l'arithmétique du Gouvernement, pressé par les objectifs chiffrés du président de la République ? Au nom de la dignité humaine, du droit de vivre en famille, les Verts voteront contre ce texte !

M. Dominique Braye. - Au nom du groupe UMP, je tiens à vous rendre hommage, Monsieur le ministre, pour votre détermination à conforter la politique d'immigration choisie que les Français ont appelé de leurs voeux lors de l'élection présidentielle ! Votre politique est équilibrée : elle est ferme envers tous ceux qui ne respectent pas nos règles, elle est juste et humaine avec les immigrés réguliers. Votre texte est bon, puisqu'il renforce les outils d'une politique volontariste de l'immigration, tout en offrant de nouvelles garanties aux demandeurs d'asile et une véritable stratégie au codéveloppement. Le groupe UMP votera pour !

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 188
Contre 135

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance mardi 9 octobre 2007 à 10 heures.

La séance est levée vendredi 5 octobre 2007 à 4 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 9 octobre 2007

Séance publique

A DIX HEURES

1. Dix-huit questions orales.

À 16 heures 30 et éventuellement le soir

2. Éloge funèbre de Jacques BAUDOT.

3. Projet de loi (n° 474, 2006-2007) autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Rapport (n° 4, 2007-2008) de M. Hubert Haenel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

4. Projet de loi (n° 473, 2006-2007) autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Rapport (n° 3, 2007-2008) de M. Hubert Haenel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.