Finances locales

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale présentée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste et plusieurs de leurs collègues.

Je rappelle que la Conférence des présidents du 6 décembre 2006 a décidé que, lorsque l'auteur d'une proposition de loi discutée dans le cadre du droit de tirage des groupes n'en était pas le rapporteur, il s'exprimait en premier, pendant quinze minutes.

Discussion générale

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. -  Faut-il réformer les finances locales ? Oui : depuis au moins trente ans, la nécessité d'une réforme ambitieuse est régulièrement mise en avant au sein des associations d'élus et dans les multiples colloques consacrés à ce sujet. Pourtant, rien ne bouge vraiment. Réformer les « quatre vieilles », répartir autrement les dotations de l'État, accentuer la péréquation : les axes de la réforme souhaitée font l'objet d'un consensus d'intention. Que faut-il aujourd'hui pour les concrétiser ? Une vraie volonté politique ! Produire des rapports et prononcer des discours réclamant une réforme des finances locales est une chose, la concrétiser par un travail législatif en est une autre. Cette proposition de loi vise à transformer des discours vertueux en acte courageux.

Il y a urgence, car la situation financière des collectivités locales a subi depuis 2002 les effets déstabilisateurs de la décentralisation, avec, notamment, un transfert de la fiscalité d'État vers une fiscalité locale archaïque. Les transferts de charges non compensées ont fragilisé les finances des collectivités les plus exposés. En outre, la répartition des dotations de l'État est contestée ; la péréquation est insatisfaisante.

Les disparités énormes de potentiel fiscal entre les communes posent la question de l'égalité de nos concitoyens devant les services publics de proximité, comme l'école : dans une commune pauvre, la qualité des infrastructures et des prestations sera inévitablement plus modeste.

Il est urgent d'agir avec pragmatisme et réalisme. Certes, cette proposition de loi ne prépare pas le grand soir de la fiscalité locale : c'est une loi d'orientation qui ouvre la voie à une reconstruction de notre système, en cherchant à corriger des inégalités criantes et à promouvoir une meilleure péréquation. Elle se veut annonciatrice d'évolutions complémentaires et réponse aux préoccupations des élus.

L'Association des Maires de France (AMF), l'Association des Départements de France (ADF) et l'Association des Régions de France (ARF) sont unanimes sur l'urgence de réformer la fiscalité locale.

M. Michel Moreigne. - Très bien.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi.  - Leurs priorités, exprimées dans un manifeste commun il y a un mois, sont claires : restaurer l'autonomie fiscale des collectivités ; opérer un transfert de ressources fiscales, par exemple au travers de la création d'une taxe additionnelle de type CSG affectée aux départements, et renforcer la péréquation.

Ces revendications légitimes interviennent dans un climat général d'insatisfaction des élus locaux.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi.  - Les évolutions liées à l'acte II de la décentralisation ont nourri la méfiance et la colère des collectivités locales. Les charges locales ont explosé et la promesse d'une compensation à l'euro près a fait long feu. La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) n'a été qu'allégée, augmentant encore les dégrèvements et abattements divers. La réformette de la taxe professionnelle a eu des effets redoutables : au lieu de suivre les recommandations de la commission Fouquet, le Gouvernement s'est contenté de simples retouches cosmétiques, laissant ainsi le champ libre aux optimisations fiscales et dépouillant les collectivités locales de leur capacité de décision sur leur principale ressource fiscale. On évalue les pertes annuelles de recettes à 600 millions d'euros.

Il est inacceptable que l'État dispose ainsi des ressources des collectivités locales sans les consulter. M. Mercier confirmera certainement qu'un tel comportement ne peut que nourrir l'insatisfaction des élus locaux. (Marques d'approbation à gauche)

En 2005, le rapport Pébereau recommandait déjà à l'État de ne plus imposer unilatéralement aux collectivités de nouvelles ponctions de ressources. Tous les rapports entre 2000 et 2006 ont plaidé pour l'autonomie financière des collectivités et pour une meilleure péréquation : le rapport Mauroy, qui a déjà préconisé une CSG locale, le rapport Pébereau, le rapport Valletoux, qui a prôné la péréquation et avancé l'idée d'une CSG départementale, le rapport Richard, que M. Copé, alors ministre du budget, a qualifié de « fondateur ».

Le 18 octobre dernier, le président Poncelet lui-même a plaidé devant l'ADF en faveur d'« une refondation du financement des collectivités territoriales », citant la CSG comme moyen de financer les dépenses sociales des départements et demandant de nouveaux systèmes de péréquation. (Marques d'approbation à gauche) Selon M. Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'AMF, « la crise des finances locales est désormais devant nous. Les équilibres budgétaires sont clairement menacés, à moins qu'une réforme profonde de la fiscalité locale ne vienne rendre une réelle liberté fiscale aux collectivités. » M. Mercier a proposé ici, en 2005, d'en « revenir aux vieilles recettes », en envisageant d'instaurer des centimes additionnels sur la CSG, affectés aux départements.

Le constat et les objectifs sont unanimement partagés. Le moment est venu d'entreprendre cette réforme sans plus attendre. C'est d'abord une question de légitimité républicaine. Le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose désormais que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. » Le principe de péréquation doit désormais faire l'objet d'un suivi spécifique, au même titre que le principe de l'autonomie qui a fait l'objet d'une loi d'orientation. C'est, en deuxième lieu, un besoin impératif de corriger les inégalités et de renforcer la justice fiscale. Nous savons qu'une réforme efficace et adaptée peut remédier aux écarts de ressources entre collectivités. C'est, enfin, une question d'opportunité politique. Les points de convergence sur le sujet l'emportent aujourd'hui sur les points de désaccord. Nous sommes au début d'une législature : c'est le temps de l'action. La conjoncture est aujourd'hui idéale pour lancer la réforme de notre fiscalité locale.

L'article premier de notre proposition de loi limite les écarts de ressources entre les collectivités. Selon le rapport de MM. Gilbert et Guengant, la différence de potentiel fiscal par habitant peut atteindre un rapport de 1 à 8 500 selon les communes ! Nous instaurons donc un filet de sécurité, à travers un mécanisme de seuil, garanti par la péréquation : pour les communes, le potentiel financier ne pourrait être inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de la strate démographique, ce taux étant porté à 90 % pour les départements et à 95 % pour les régions.

L'article 2 pose les jalons d'un impôt local moderne, en s'inspirant de nos voisins européens : la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède disposent tous d'un impôt local sur le revenu, particulièrement bienvenu en termes de lisibilité et de justice fiscale. La création d'une contribution additionnelle à la CSG, affectée aux départements, est une piste pertinente, d'autant que les départements assument désormais des dépenses sociales et de solidarité et que l'assiette de la CSG est large. L'article 2 propose donc qu'un rapport étudie, d'ici à la rentrée parlementaire de 2008, les conditions d'une telle réforme et les modalités de mise en oeuvre d'un fonds de solidarité départemental chargé de la péréquation horizontale de cette nouvelle ressource.

Nous sommes à la croisée des chemins face à une fiscalité locale à bout de souffle...

M. Roland du Luart. - C'est vrai.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi.  - ...et au désengagement de l'État, nous devons mettre fin au système financier archaïque et inégalitaire dans lequel se débattent les collectivités sans recourir davantage à des expédients. Il est urgent de garantir une fiscalité locale plus juste et adaptée à leur besoins. A l'heure où l'on parle de la revalorisation de l'initiative parlementaire, où le président du Sénat approuve nos propositions, je compte sur votre mobilisation pour que ce texte aboutisse, dans sa version originale, et que l'on passe enfin à l'acte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances. - Avec ce texte ressurgissent les aspects politiques des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Je note que M. Marc, lorsqu'il a énuméré les récentes difficultés dans ce domaine, n'a pas rappelé que l'allocation personnalisée d'autonomie a été la dépense imposée aux collectivités la moins bien financée par l'État. (Murmures à gauche) En témoignent les difficultés de la Creuse...

M. Jean-Pierre Sueur. - Vous avez eu six ans pour régler ce problème !

M. Michel Mercier, rapporteur. - Chacun peut venir à la tribune battre sa coulpe. (« Ah ! » à gauche) Disons simplement que le point de vue varie selon que l'on est dans la majorité ou l'opposition.

La question des relations financières entre État et collectivités se pose depuis 1982. En effet, les collectivités, avec une fiscalité héritée du XIXe siècle, ont dû faire face à des dépenses des XXe et XXIe siècles, conséquences des lois de décentralisation successives. Par conséquent, on s'est beaucoup interrogé sur les recettes, sans examiner de plus près les dépenses. Or celles-ci sont souvent imposées par l'État aux collectivités territoriales, ce qui pose le problème du rôle du Parlement.

En matière de finances locales, on pourrait résumer la situation ainsi : grandes difficultés, grandes disparités entre moyens de financement et actions à financer, fortes inégalités entre collectivités. Ce texte tente de remédier à cette situation en proposant de renforcer, à l'article premier, la péréquation. Péréquation ! Ce mot magique aurait le pouvoir de résoudre tous nos problèmes en matière de finances locales. Il s'agit de mieux répartir les dotations de l'État entre collectivités. Par parenthèse, je souligne que l'État est devenu le premier contribuable local,...

M. François Marc. - Exact !

M. Michel Mercier, rapporteur. - ...ce qui est révélateur d'un profond malaise. Nous avons déjà introduit beaucoup de péréquation en matière de finances locales, la contribution la plus efficace en la matière est la dotation forfaitaire de la DGF. En réalité, l'écart de potentiel fiscal entre collectivités diffère selon le niveau de collectivité : il est de 1 à 1,5 pour les régions, de 1 à 4 pour les départements et de 1 à l'infini pour les communes. La proposition de M. Marc, extrêmement audacieuse, est de fixer un seuil de potentiel financier pour chaque type de collectivités. Outre qu'elle suppose de redéfinir le potentiel financier, elle a un coût très élevé : 920 millions, dont 780 à la charge des seules communes. De plus, ce renforcement de la péréquation se ferait vraisemblablement à enveloppe fermée.

Voix à gauche. - La péréquation, ce n'est pas autre chose !

M. Michel Mercier, rapporteur. - Nous ne pouvons pas légiférer à la légère quand de telles sommes sont en jeu. D'autant que les collectivités vont subir les conséquences de la réforme de l'indexation des dotations de l'État.

A défaut d'accepter la proposition de M. Marc, la commission des finances suggère de faire un geste en faveur des communes, qui connaissent les inégalités les plus fortes, en réduisant la fourchette maximale d'évolution de garantie de la DGF à 15 %, et non plus de 25 %. Cette modification paraît timide -elle coûterait 10 millions, contre 720-, mais en l'absence de simulations précises, il faut prudence garder. Quant à la Creuse, la situation financière de ce département ne pourra être réglée que par des mesures spécifiques. (M. Michel Moreigne s'exclame)

A l'article 2, M. Marc propose d'étudier la possibilité d'affecter une part de CSG aux collectivités pour financer les dépenses sociales qui leur ont été confiées par les lois de décentralisation telles que le RMI, les allocations pour les personnes âgées, pour les personnes handicapées, etc. Cela semble juste, car le niveau de ces prestations sociales est fixé par l'État chaque 1er janvier. Cette proposition, qui reprend des travaux plus anciens, semble acceptable à la commission sous réserve de quelques modifications formelles.

Nous partageons l'objectif de M. Marc de renforcer la péréquation. Mais le coût du dispositif envisagé est trop élevé et n'a pu faire l'objet d'une simulation exacte ni par M. Marc, ni par la commission et ni par le Gouvernement -ce qui montre l'importance pour le Parlement d'avoir la capacité d'établir ses propres simulations.

Bref, la commission des finances accepte l'article 2 et refuse l'article premier, qui pourrait être modifié par une disposition de moindre ampleur si l'État nous fournit les précisions nécessaires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - Nous voici réunis pour examiner une proposition de loi concise mais qui pose des questions très importantes. Je vous dis d'emblée que le Gouvernement n'est pas favorable à son adoption, parce que les conditions d'un examen approfondi des questions soulevées ne sont pas réunies.

À l'article premier, votre commission souhaite modifier la fourchette maximale d'évolution de la dotation dite « de garantie », au sein de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Jusqu'à présent, cette part peut évoluer, par choix du comité des finances locales, selon un taux compris entre 0 % et 25 % du taux de croissance annuelle de la DGF. Vous proposez de réduire la marge de manoeuvre du comité des finances locales et de ramener cette fourchette entre 0 % et 15 %. Je partage l'objectif : dégager des marges de manoeuvre supplémentaires au profit des dotations de péréquation.

Compte tenu du taux de la DGF en 2008 qui sera de 2,08 %, votre proposition aurait pour effet de déplacer l'année prochaine moins de 10 millions au sein d'une DGF des communes et des intercommunalités qui pèse plus de 22 milliards. C'est un effort intéressant mais il me parait préférable de ne pas modifier la répartition de la DGF par touches successives : la DGF doit être considérée dans son ensemble, avec en perspective les futurs enjeux.

En 2009, la DGF devra absorber l'impact des augmentations de population liées à la prise en compte des résultats du recensement rénové de la population. Une réflexion est engagée sur ce sujet depuis février 2007 au sein de l'administration, comme au sein du comité des finances locales, lequel a réuni un groupe de travail chargé de cette question. C'est dans ce cadre qu'il nous faudra réfléchir ensemble. Si cela apparaît nécessaire, ces réflexions déboucheront en 2008 sur une adaptation à la procédure de recensement rénovée des modalités de répartition de plusieurs dotations.

Du reste, la réflexion ne se limitera certainement pas au complément de garantie : le recensement rendra nécessaire une réforme plus globale, qui sera présentée dans le projet de loi de finances pour 2009. L'objectif de visibilité auquel aspirent les élus locaux comme les citoyens suppose de ne pas légiférer pour une année seulement, sur un seul aspect des enjeux qui attendent la DGF.

Le Gouvernement a rappelé à plusieurs reprises sa volonté de préparer toutes les réformes les concernant en concertation avec les collectivités territoriales. Or votre proposition de loi n'a pas été soumise au comité des finances locales, qui n'a pu donner son avis sur d'éventuelles simulations. De plus, le Premier ministre a pris l'engagement devant les trois principales associations d'élus locaux de les associer dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs. Cet engagement sera tenu. Enfin, le Premier Ministre a confié au sénateur Alain Lambert une mission de réflexion générale sur la réforme des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit d'inscrire ces relations dans une vision pluriannuelle pour offrir aux collectivités territoriales un cadre clair et connu à l'avance. C'est à l'issue de ces travaux, qui doivent être présentés d'ici fin novembre au conseil de la modernisation présidé par le Président de la République et par le Premier ministre, que devront être discutées les réformes de la DGF.

Avec l'article 2, vous souhaitez que le Gouvernement dépose, avant septembre 2008, un rapport étudiant les modalités d'une substitution d'une taxe additionnelle à la CSG à la part départementale de la taxe d'habitation. Vous souhaitez en outre que soit explorée la piste consistant à moduler le taux de cette nouvelle taxe additionnelle à la CSG, et que soient simulées les conséquences financières pour l'État, les départements et les contribuables, d'une telle réforme, dont les effets pourraient être étalés dans le temps.

Sur le fond, je ne nie pas l'intérêt de la piste que vous évoquez, même si certains éléments me conduisent à la plus grande circonspection, à commencer par ses effets sur les revenus des ménages : la CSG est un impôt proportionnel alors que la taxe d'habitation est progressive puisqu'elle dépend de la valeur locative de l'habitation et qu'elle est plafonnée à 3,44 % du revenu fiscal de référence du contribuable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est un impôt sur le revenu...

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Il faudra expliquer les inévitables transferts de charge fiscale entre contribuables ! Comment mettre en oeuvre les mécanismes de lissage que vous appelez de vos voeux, pour des impositions aussi délicates que la taxe d'habitation, gérée par l'administration fiscale, et la CSG, gérée par les administrations sociales ?

Comment limiter le pouvoir de taux des collectivités ? L'un des maux dont souffre la fiscalité locale c'est la superposition sur une même assiette fiscale de plusieurs autorités politiques ayant le pouvoir de voter un taux, si bien que personne ne sait qui est responsable d'une augmentation du taux global. Vous mettez certes fin à la superposition commune-département sur l'assiette de la taxe d'habitation, mais vous en recréez une -et de taille !- sur l'assiette de la contribution sociale généralisée, qui a pour vocation de financer les dépenses de protection sociale. Je comprends votre logique, qui témoigne de l'importance des départements dans l'action sociale, mais comment réagiront nos concitoyens lorsqu'on leur dira que, pour un même salaire brut, leur salaire net est différent d'un département à un autre ?

Les départements pourraient ne pas pouvoir moduler le taux. Cela serait conforme au principe constitutionnel d'autonomie financière, mais cela ne serait-il pas perçu comme un recul pour les collectivités départementales ?

Bref, cette proposition vient un peu trop tôt. Le Gouvernement a ouvert le chantier de la réforme de la fiscalité locale, ce sera l'un des points de la revue générale des prélèvements obligatoires, menée par Christine Lagarde en liaison étroite avec Michèle Alliot-Marie et Éric Woerth. Les propositions du Gouvernement seront soumises à la consultation au cours du premier semestre 2008 et la Conférence nationale des exécutifs, installée par le Premier ministre, sera le lieu de concertation politique naturel de ces propositions. Trois sujets prioritaires ont été identifiés par le Gouvernement : la taxe professionnelle, la révision des valeurs locatives foncières et la spécialisation de la fiscalité locale avec trois impératifs : limiter le nombre de collectivités qui prélèvent de l'impôt sur une même assiette ; diversifier les ressources fiscales des collectivités ; limiter les transferts de charges entre contribuables. Laissons-nous le temps de l'expertise et de la concertation.

Je reconnais donc les mérites de votre proposition de loi mais je crois que nous devons avoir ce débat, début 2008, et qu'iI faut l'intégrer dans une réflexion d'ensemble. C'est pour ces raisons que le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Fourcade. - Cette proposition de loi a au moins le mérite de provoquer un débat, ce qui est une bonne chose pour le Parlement de la République. Le Sénat a toujours la volonté de remplir pleinement sa mission de représentant des collectivités locales : il est à l'origine de réformes majeures pour la décentralisation, pour l'autonomie des collectivités locales.

L'UMP a porté une attention particulière à cette proposition de loi dont l'article premier n'est pas équilibré : il a un côté flou et aventureux.

Il y a moins à dire sur l'article 2, puisqu'une taxe additionnelle à la CSG a souvent été envisagée.

Limiter les écarts de ressources : vieux débat, dans lequel nous ne disposons cependant pas de tous les instruments de mesure... Aujourd'hui, la DGF est fonction de la population locale. Mais l'Insee n'est pas capable de nous indiquer précisément quelle est le nombre exact d'habitants ! L'estimation reste fondée sur le recensement de 1999 ; la DGF demeure donc identique pour telle collectivité qui perd beaucoup d'habitants -comme elle demeure inchangée pour telle autre qui en gagne. Les écarts de ressources réels ne pourront être mesurés qu'en 2009 ; et encore l'Insee travaillera-t-il à partir des recensements partiels de 2006, 2007 et 2008. Aucun mécanisme de resserrement des écarts en fonction de la population ne sera exact.

J'ai apprécié le rapport de M. Mercier, très précis sur la péréquation ; il a bien évoqué la réforme de la DGF, qui avait été engagée sur proposition du comité des finances locales que j'ai présidé durant de longues années. M. Marc, en revanche, a omis de citer les grands mécanismes de péréquation qui existent déjà ; je conçois qu'il veuille les renforcer, mais nous n'avons pas les instruments de mesure fiables dont nous aurions besoin. Un astucieux amendement de la commission des finances permettrait de jouer sur une réduction du pouvoir du comité des finances locales concernant la fixation du complément de garantie. C'est un premier pas, ce n'est pas la grande réforme attendue...

Les flux et l'efficacité des dotations de péréquation ont été renforcés dans le passé récent : DSU, dotation de solidarité des départements, dotation de service minimum... (« Expliquez-le aux maires ! » sur les bancs socialistes) Mais je note que les départements et les régions, chaque fois qu'il s'est agi d'ajuster la péréquation, ont toujours bloqué au maximum ! Il est bien difficile de toucher aux équilibres entre les différentes collectivités.

La méthode de M. Marc est un peu brutale : elle peut être aisément appliquée à un certain niveau d'agrégation, entre les 22 Länder par exemple ; elle le serait plus difficilement entre 36.000 communes, 2.000 EPCI, sans oublier les départements et les régions. Comment, en outre, avoir une idée des conséquences pratiques ?

Laissons jouer la réflexion engagée ces derniers mois dans plusieurs instances. Le comité des finances locales a créé le 6 février un groupe de travail pour évaluer l'impact de la procédure de recensement rénovée sur la répartition des dotations. Le Premier ministre a confié une mission à Alain Lambert sur les relations État-collectivités locales, dans le cadre de la révision des politiques publiques. Et M. Mercier a raison, qu'il faut se pencher non seulement sur les recettes mais aussi sur les dépenses. La commission consultative des transferts de charges devrait du reste être pérennisée -et saisie chaque fois que se produit un transfert occulte. Qu'il s'agisse de la gestion des objets perdus, des passeports, des cartes d'identité, ces charges imprévues dans les budgets locaux sont bien gênantes. Troisième lieu de réflexion, la conférence nationale des exécutifs, créée pour accueillir la concertation entre le Gouvernement et les collectivités. Tout cela devrait aboutir à une nouvelle architecture de la fiscalité locale, aujourd'hui obsolète.

J'ai eu la satisfaction de vous entendre dire, monsieur le ministre -mais tiendrez-vous votre promesse ?- que vous envisagiez de mettre en oeuvre la révision des valeurs locatives. (Rires) Les bénéficiaires se tairont, ceux qui seront désavantagés crieront très fort. Ne serait-il pas sage de suivre une proposition de M. Mauroy : donner aux collectivités la faculté de rapprocher les nouvelles bases des valeurs vénales ? C'est cela, l'autonomie des collectivités !

Notre commerce extérieur est en grave déficit, les entreprises se délocalisent, est-il vraiment judicieux d'aggraver le poids de la fiscalité ? Appliquer une taxe additionnelle à la CSG exigerait à mon sens de minorer ailleurs les prélèvements, car on ne peut encore demander au contribuable de payer plus.

Le groupe UMP est favorable à la réflexion menée pour renforcer la péréquation et réformer la fiscalité locale. Nous avons remarqué les efforts de M. Mercier pour rendre le contenu de la proposition de loi plus acceptable et son texte a considérablement atténué la portée de l'article premier. Nos réserves sur le principe comme sur la méthode demeurent pourtant. Le groupe ne prendra pas part au vote d'un texte trop flou et qui ne fait pas progresser la réforme fiscale. Attendons les résultats des réflexions en cours ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-France Beaufils. - La péréquation des ressources entre collectivités territoriales imprègne les débats sur les finances locales depuis trente ans au moins, quand a été mise en place la DGF. D'autant qu'au fil des ans, l'État se défausse de nombreuses obligations sur les collectivités territoriales : politiques de formation professionnelle, du logement, infrastructures routières, politiques sociales, notamment en direction des plus vulnérables et des personnes âgées ou dépendantes et des handicapés. Il n'est pas aujourd'hui un ministre qui ne propose une nouvelle action sans considérer les collectivités territoriales comme des « partenaires privilégiés », autrement dit des payeurs quasi exclusifs... Or toutes les collectivités concernées ne disposent pas des mêmes ressources et certains écarts se sont accrus. L'exposé des motifs souligne fort justement que « l'action de l'État ne parvient pas à réduire la fracture territoriale » et que « les impôts locaux, reposant sur des bases archaïques, sont sources d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités ». Il est vrai également que « les correctifs ont conduit à plafonner plutôt qu'à réformer » les prélèvements fiscaux. Je ne peux en revanche partager l'idée que les marges de manoeuvre budgétaires de l'État sont plus que jamais limitées : les gouvernements qui viennent de se succéder ont multiplié les initiatives pour réduire les recettes fiscales.

La dernière en date est la loi TEPA, avec son bouclier fiscal ramené à 50 %, alors qu'il venait juste d'être instauré à 60 % par la loi de finances 2007. Toutes ces mesures n'ont pour objet que de répondre aux attentes d'une infime minorité de contribuables ou aux exigences d'optimisation fiscale des grands groupes, alors que la vraie question est celle de l'opportunité de confier aux collectivités territoriales la responsabilité de répondre à tout besoin social. L'autonomie des personnes âgées en est un parfait exemple : on a refusé de traiter leur situation sous l'angle de la dégradation de leur santé pour ne la considérer que comme un problème social. On constate, de surcroît, de profondes inégalités géographiques et nombre de départements ruraux comptent une proportion particulièrement élevée de plus de 60 ans et même de plus de 75 ans. En 1999, la Creuse comptait plus de 14 % de plus de 75 ans, contre 4,5 % dans le Val d'Oise qui supporte d'autres charges. La Creuse ne peut faire face aux obligations de l'APA, ce qui l'oblige à exiger davantage de l'imposition locale. Le mode de financement de l'action en faveur des personnes âgées est profondément inadapté, malgré les outils de péréquation, bien imparfaits, qui ont été mis en place.

En fait, avec le deuxième volet de la décentralisation, en faisant le choix de la responsabilité locale, on a fait le choix de décharger l'État de ses obligations alors même qu'une bonne part des compétences d'action sociale transférées aux départements relève de la Sécurité sociale collective, universelle et égalitaire. C'est bien pourquoi, depuis de longues années, le groupe CRC propose un cinquième risque de la Sécurité sociale. La proposition de verser une part de CSG aux collectivités territoriales semble reconnaître cette réalité mais, en même temps, on refuse d'aller au bout de la démarche. C'est la réduction des indemnisations Assedic qui est responsable de l'augmentation du nombre d'allocataires du RMI.

Toute évolution des mécanismes de finances locales doit poser clairement la question des contours et du contenu des responsabilités assumées par les collectivités territoriales. Nous continuons de penser que le transfert aux collectivités territoriales des routes, des bâtiments scolaires, d'une grande partie de l'action sociale, de la formation permanente et de l'apprentissage, d'une bonne part des charges d'infrastructure publique ne constitue pas la réponse la plus pertinente aux besoins collectifs. L'État enregistre depuis 2004 une compression de son déficit, l'essentiel des charges d'investissement public étant désormais assumé par les collectivités locales : un des effets de la décentralisation pratiquée durant la précédente législature est d'avoir porté sous la barre des 5 % la part du budget de l'État consacrée aux dépenses d'investissement !

Le présent texte traite un aspect relativement restreint du financement des collectivités, ce qui peut se comprendre compte tenu du peu de temps accordé au débat de nos propositions de loi. Mais concevoir la péréquation à enveloppe constante et dans le cadre d'une progression plus que limitée des concours budgétaires de l'État aux collectivités locales revient à battre en brèche les principes d'autonomie de ces collectivités. Et la péréquation horizontale qui nous est présentée revient à partager la misère. Une véritable péréquation suppose de nouveaux outils et de nouvelles recettes fiscales, elle commence par mettre en cause les actuels allégements de la fiscalité des entreprises. Elle pourrait aussi passer par une cotisation minimale de taxe professionnelle qui risque de rapporter cette année 2,5 milliards à l'État, soit deux fois et demie la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et plus que la DGF des groupements ! Notre proposition de taxer les actifs financiers des entreprises, inscrite dans une proposition de loi déposée en mars 2005, permettrait de financer une véritable péréquation au profit de l'initiative locale et de l'activité économique : l'industrie paie aujourd'hui 69 % de la taxe professionnelle alors qu'elle ne participe que pour 32 % à la valeur ajoutée ; à l'inverse, les activités financières produisent 35 % de la valeur ajoutée et s'acquittent de 2,5 % de la taxe professionnelle !

Quand la commission des finances laisse supposer que la péréquation serait améliorée par une évolution garantie de DGF selon un taux égal au plus à 15 % de la progression de la dotation, elle ne tient pas compte des conséquences des mesures déjà mises en oeuvre. Celles de la loi de finances 2007 se sont traduites, pour 3 000 communes, par un gel de leur garantie qui n'a représenté qu'un volume de 13 millions d'euros. N'oublions pas non plus les dispositions gouvernementales contenues dans la loi de finances pour 2008 : pacte de stabilité imposé à toute force, nouvelle atteinte à la DCTP et minorations de plusieurs compensations relatives à la taxe professionnelle ou au foncier non bâti. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou. - La consolidation de la décentralisation menée par Jean-Pierre Raffarin a placé les budgets des collectivités locales au coeur de profondes réformes. Avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le législateur a affirmé à deux reprises les principes constitutionnels de libre administration et d'autonomie financière des collectivités locales. Leurs finances ont ainsi subi de multiples allégements fiscaux. En 2005 et 2006 ont été votés l'exonération de 20 % des bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et le plafonnement à 3,5 % du calcul de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises.

Ces réformes ont paradoxalement renforcé le poids de l'État. La part des compensations et dégrèvements est passée de 22 % au milieu des années 90 à près de 34,6 % en 2003. L'intégration de ces compensations dans la DGF a fait artificiellement chuter ce ratio à 26,9 % en 2006. Le Conseil constitutionnel a rappelé à de nombreuses reprises que l'autonomie financière est l'indispensable corollaire de la libre administration des collectivités locales, mais le ratio d'autonomie financière pour 2005 a encore reculé pour les communes. Élu d'un département rural, je me fais, monsieur le ministre, l'écho de l'inquiétude des élus des communes rurales face à la dégradation constante de leurs ressources. La modification de la dotation Élu local, en 2005, a majoré artificiellement la richesse de nombreuses communes et privé une majorité d'entre elles d'un mécanisme financier vital en zone rurale.

La plupart des transferts de compétence intervenus depuis 2003 ont concerné les départements, les régions et les EPCI. Les dernières lois de finances en ont tiré les conséquences en octroyant à ces catégories de collectivités des compensations plus favorables. Mais les communes rurales ont été superbement ignorées. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine s'appuie sur des critères objectifs de solidarité au profit des communes à faible potentiel fiscal, mais les règles de calcul de la fraction bourg-centres de la dotation de solidarité rurale aggravent encore les disparités d'un monde rural déjà économiquement fragile.

Toujours aussi frappante est la différence de traitement entre les multiples catégories d'EPCI, sans que le seul degré d'intégration de l'établissement public justifie les écarts de niveaux de dotations. En 2006, la DGF par habitant des communautés de communes à TPU simple atteint 21,95 euros, contre 42,38 euros pour les communautés d'agglomération et même 83,60 euros pour les communautés urbaines. Monsieur le ministre, vous devez mettre fin à une situation aussi inéquitable. Parallèlement, près de 35.000 communes bénéficient du revenu de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, principale ressource fiscale des 21.000 communes de moins de 500 habitants, et pour 2.200 d'entre elles, en représentent plus de 50 %. Malheureusement, la réforme votée en 2006 prévoit d'indexer la compensation versée par l'État sur l'année 2005, ce qui réduit mécaniquement les ressources des communes rurales. Pour maintenir un niveau de ressources constant, elles seront obligées d'augmenter les autres taxes, malgré un potentiel fiscal très faible. N'est-ce pas en contradiction flagrante avec l'autonomie de décision des collectivités territoriales ? Une solution consisterait à prévoir un ratio de réévaluation annuelle de la compensation de l'État, du moins avant que la législation fiscale ne change à nouveau...

A l'heure de la grande compétition internationale, la taxe professionnelle constitue un double handicap. Handicap pour les communes qui, ayant sagement fait preuve de modération fiscale, pâtissent du plafonnement de la valeur ajoutée à 3,5 %. L'instauration d'un plafond de participation pénalise les petites communes, qui ne peuvent désormais plus moduler librement leur taux sans perdre des recettes fiscales.

Elles ne peuvent pas moduler librement leurs taux et certaines préfèrent attirer des entreprises qui ne créent pas d'emplois. Ce dispositif franco-français déroute les entreprises étrangères. Une concurrence fiscale malsaine s'installe entre les communes au détriment des plus rurales. Pourquoi ne pas retenir des bases dynamiques et ne pas faire progresser les dotations ? Les petites communes sont dépendantes de l'Etat : pourquoi brader l'autonomie fiscale ?

La proposition de loi de M. Marc pose un vrai problème. Selon un rapport de 2004, les inégalités se creusent entre communes, les mieux dotées ayant un pouvoir d'achat plus de huit mille fois supérieur à celui des plus pauvres. Les 10 % de communes les plus riches bénéficient de 28,7 % du pouvoir d'achat mais les 10 % les plus pauvres n'en ont que 1,3 %. Seule une péréquation peut réduire les inégalités mais les dotations accroissent les inégalités de plus du quart des communes.

Il n'est pas possible de réformer les péréquations sans une réflexion très approfondie et associant l'ensemble des collectivités locales. Si le Sénat, grand conseil des communes de France, a vocation à mener ce débat transpartisan, la majorité du RDSE juge qu'il est trop tôt pour légiférer. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Moreigne. - C'est bien dommage !

M. Claude Biwer. - Je suis très heureux de cette occasion d'aborder ces questions en dehors du débat budgétaire. Si la péréquation est devenue un principe constitutionnel, elle tarde à se concrétiser. L'Etat dispose d'un outil puissant avec la DGF qui mobilise 39 milliards en 2007, mais cet outil n'a pas été suffisamment utilisé.

La DGF a succédé au VRTS dont elle prolonge les inégalités : la taxe sur les salaires était abondante là où se situaient les entreprises. Lors de l'établissement de la DGF, l'Association des maires de grandes villes a réussi à persuader les députés qu'il fallait différencier les dotations selon la population, créer une dotation ville-centre et, raffinement suprême, garantir une progression minimale destinée à figer les avantages acquis mais indus dont profitent Paris et des communes de sa banlieue.

Les choses se sont à peine améliorées depuis vingt-cinq ans. Les dotations de base varient toujours selon la population. La dotation ville-centre a été intégrée à la masse de la DGF. La création de la DSU et de la DSR a marqué un progrès, mais pas autant qu'espéré.

Comment donner un nouveau souffle à la péréquation ? Il faut mettre fin à la variation de la dotation de base en fonction de la population car les charges de centralité sont supportées par les agglomérations ou communautés. Il convient de doubler les crédits de la DSR, qui progresse moins vite que la DSU. Il importe aussi de remettre un peu d'ordre dans les dotations d'intercommunalité : les communautés urbaines ont quatre fois plus que les communautés de communes, ce qui est excessif et injuste. Une proposition de loi nous permettrait d'en débattre sereinement. Avec des communautés aux compétences très élargies, les charges de centralité sont allégées. Sans remettre en cause la DGF, on peut revaloriser la DSR, moins bien traitée que la DSU. De nombreuses communes rurales meusiennes ont un très faible budget, deux fois moindre que la moyenne départementale. Trop faibles, les dotations des communes rurales ne permettent pas d'acquitter les indemnités des maires et des adjoints, qui y renoncent en tout ou partie.

Une double péréquation ? Cela reviendrait à instaurer une péréquation entre communes riches et une entre communes pauvres. Serait-il anormal de baisser la dotation de Paris pour augmenter celles des petites communes ? Ne créons surtout pas une communauté urbaine de Paris car cela coûterait des centaines de millions...

Mme Nicole Bricq. - Il faut le dire au Président de la République.

M. Claude Biwer. - Il faudrait revoir les critères de la dotation nationale de péréquation sans tenir compte de la population.

La proposition de loi suggère de remplacer la part départementale de la taxe d'habitation par une taxe additionnelle à la CSG. Il y a quelques années, nos collègues socialistes proposaient une taxe départementale sur le revenu. Ni l'une ni l'autre ne nous agréent. Nous regrettons que par manque de courage politique on n'ait pas mené à terme la révision des bases dans les années 1990, si bien qu'on conserve les bases de 1971 pour les propriétés bâties et celles de 1961 pour le foncier non bâti.

La fiscalité locale s'est réduite comme peau de chagrin. Je souhaite avec le président Poncelet que les collectivités locales disposent d'impôts modernes, justes et dynamiques.

Une remise à plat s'impose, même si je reconnais que ce n'est pas chose aisée. Nous avons tous en mémoire les tentatives de réforme de la taxe professionnelle et la « quadrature du cercle » évoquée à raison par M. Marini. Reste qu'une plus grande péréquation des ressources entre les communes et les intercommunalités est indispensable et possible, la DGF étant le meilleur levier pour la mener à bien. C'est affaire de volonté et de courage, de remise en cause d'avantages parfois indus. Je compte sur le Gouvernement pour qu'il nous fasse des propositions afin que la solidarité, inscrite en lettres d'or dans la Constitution, ne demeure pas lettre morte. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Miquel. - Quand M. Marc m'a fait part de son souhait de déposer sa proposition de loi, j'ai trouvé l'idée intéressante. Connaissant la qualité de mes collègues de la commission des finances, dont certains sont président de conseil général, je ne doutais pas qu'ils y souscriraient ...

M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'était aller un peu vite en besogne !

M. Gérard Miquel. - Et quand j'ai su que M. Mercier allait rapporter le texte, je me suis dis, connaissant sa générosité naturelle, qu'il l'approuverait.

M. Jean-Pierre Sueur. - Voilà qui commence bien !

M. Gérard Miquel. - A la lecture du tableau comparatif des potentiels fiscaux et financiers des départements, j'ai constaté que le mien, le Lot, était dans la même zone que la Mayenne, monsieur le président de la commission, c'est-à-dire en bas.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Nous sommes des départements pauvres !

M. Gérard Miquel. - J'ai constaté aussi que le Rhône, monsieur le rapporteur, était autrement classé ...Potentiel fiscal du Rhône, 647 euros par habitant -du Lot, 322 ; écart à la moyenne pour le Rhône, + 15,31 % -pour le Lot, - 25,72 %. Potentiel financier du Rhône par habitant, 641,29  euros -du Lot, 474,58 ; écart à la moyenne pour le Rhône, + 14,17 % -pour le Lot, - 15,51 %. Voilà qui démontre la nécessité d'une réforme et la mise en place de mécanismes de péréquation efficaces.

Les dépenses sociales des départements ont progressé de 37 % entre 2002 et 2006 ; leurs investissements comptent pour un tiers de l'effort national ; ils entretiennent 6 750 collèges publics, 385 000 kilomètres de routes ; leurs services sociaux suivent sept millions de personnes. En trois ans et demi, leurs compétences ont fortement augmenté, avec pour conséquences immédiates un accroissement de leurs budgets de 50 % et l'arrivée de sept cents agents supplémentaires en moyenne par collectivité. Et on nous annonce déjà le transfert des parcs de l'Équipement. Quid de la généralisation annoncée du RSA en 2008 et de la fusion des minima sociaux ? Les 25 millions prévus pour financer le surcoût du RSA sont bien insuffisants et le transfert du RMI va entraîner, fin 2007, une surcharge financière évaluée à 2,3 milliards d'euros.

Beaucoup considèrent qu'une réforme des finances locales doit précéder tout nouveau transfert de compétences. Le président Poncelet estimait récemment qu'un renforcement de l'autonomie des collectivités locales était une absolue nécessité. Les départements n'ont pas vocation à devenir les sous-traitants de l'État. Un fort décalage structurel existe entre l'importance du mouvement de décentralisation institutionnelle et les carences de la décentralisation financière qui l'accompagne. Plus de responsabilités pour les conseils généraux, cela veut dire plus d'autonomie financière. Il convient donc de doter les collectivités territoriales d'impôts locaux modernes, justes et dynamiques, de veiller aussi à ne pas creuser les inégalités territoriales, en mettant en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation. La modernisation des impôts locaux est une des conditions de la justice sociale ; leurs bases, archaïques, sont sources d'injustices, tant pour les contribuables que pour les collectivités, et les correctifs apportés jusqu'ici ont plus conduit à plafonner certains prélèvements qu'à engager une réforme structurelle.

Une récente étude a montré la forte progression des dépenses sociales des départements, 7 % en 2006, et les difficultés qu'ils éprouvent à maîtriser l'évolution de prestations dont ils ne décident ni du montant, ni des critères d'attribution. Dans le même temps, on sait que les compensations de l'État sont gelées à la date des transferts et que les dotations ne vont plus progresser qu'en fonction de l'inflation, avec l'abandon annoncé du contrat de croissance et de solidarité. Quant à la fiscalité locale, elle est obsolète et injuste ; la seule ressource dynamique, la taxe professionnelle, ne progresse pratiquement plus depuis sa récente réforme et le rythme d'augmentation des droits de mutation n'est plus ce qu'il a été.

M. Fourcade a souhaité une expérimentation : pourquoi ne pas la mener au niveau départemental ? Le ministre de l'intérieur a décidé d'affecter aux départements une part des recettes des radars installés sur les routes départementales ; c'est un début, mais il ne s'agit que de 10 % du total. Et il conviendrait de répartir la somme, non en fonction du nombre de radars mais de l'importance du réseau routier.

Comme l'a souligné l'ADF, il faut imposer à l'État de ne plus intervenir dans la fiscalité locale sous la forme de dégrèvements ; confirmer le financement de la protection de l'enfance et instaurer un financement national pour les allocations individuelles de solidarité, tout en en assurant la gestion au niveau départemental ; renforcer enfin la solidarité financière entre les territoires. Aucune réforme de la fiscalité locale ne peut aujourd'hui se concevoir sans un dispositif de péréquation horizontale, car les ressources fiscales sont par nature inégalement réparties sur le territoire.

Pour réduire ces inégalités, il serait bon de créer un fonds de solidarité départemental alimenté par deux dispositifs de péréquation, l'un vertical, l'autre horizontal.

La réforme profonde du financement des collectivités territoriales doit être engagée, répondant aux exigences de simplification et de lisibilité, accompagnée de mécanismes de solidarité. Elle est d'autant plus nécessaire que les départements, comme les autres collectivités, vont devoir faire face aux conséquences du bouclier fiscal, de la réforme de la taxe professionnelle et de la suppression du contrat de croissance et de solidarité. Les travaux du groupe de travail « finances locales et décentralisation » ont dégagé cinq axes de réforme, dont le renforcement les mécanismes de péréquation verticale et le développement de nouveaux outils de péréquation horizontale, et la création d'une CSG locale au profit des départements. Le Président du Sénat y est favorable.

La proposition de loi, en développant ces axes, se propose d'amorcer la réforme. J'invite mes collègues à la voter. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Lambert. - Si je suis favorable à l'élargissement des possibilités qu'offre l'ordre du jour réservé, je ne suis pas certain que nous nous apprêtions ce soir à être des législateurs exemplaires. Je fais miennes les réserves exprimées par M. Fourcade, sur la méthode comme sur le fond.

Il y a d'abord quelque paradoxe à, d'un côté, regretter le manque de concertation avec les élus locaux dans l'élaboration de la norme qui les concerne, et de l'autre adopter une proposition de loi d'orientation sur les finances locales sans consulter - excusez du peu- ni le comité des finances locales, ni les associations d'élus locaux et sans tenir le moindre compte des travaux en cours !

Certes, la péréquation est un sujet important, mais ses implications sont multiples. Ainsi, modifier la notion de potentiel fiscal, sans simulation ni concertation, exposerait les collectivités territoriales à de considérables risques budgétaires et irait à l'encontre de la culture de dialogue indispensable à la législation responsable, efficace et stable que nous appelons de nos voeux.

En 2003 et 2004, le Comité des finances locales a réalisé un important travail en vue de modifier la répartition des dotations de l'État. En février 2007, un nouveau groupe de travail a été créé sur le recensement, associant des parlementaires de l'opposition et de la majorité. Ne serait-il pas plus raisonnable de laisser travailler le Comité des finances locales, dont nous connaissons l'esprit de dialogue constructif ?

De surcroît, le Premier ministre a installé le 4 octobre la Conférence nationale des exécutifs, afin d'associer les collectivités territoriales à l'élaboration des normes nationales. Cette conférence devrait suivre la législation européenne et préparer la réforme des finances locales que nous appelons tous de nos voeux. Celle-ci doit être envisagée dans le cadre la revue générale des prélèvements obligatoires conduite par Mme Lagarde, ministre de l'économie et des finances, en totale concertation avec les collectivités territoriales. Modestement, je passe mes journées à auditionner des représentants des collectivités territoriales dans ce cadre. Notre rapport sera remis le 15 novembre.

Le dialogue préalable avec les élus de terrain est la clé de toute réforme des finances locales. Je fais appel à notre fierté de sénateurs, qui pensons -d'ailleurs souvent à juste titre- faire preuve de sagesse. Nous écrivons la loi, sinon d'une main tremblante, du moins dans un esprit fidèle à l'enseignement de Portalis. Certes, quand M. Mercier enseigne le droit à la faculté, il ne peut présenter chaque loi comme un modèle de méthode, mais il importe que le Sénat ait au moins la sagesse et la cohérence d'associer les élus locaux à son travail de réforme.

M. Mercier a presque tout dit à propos de la cohérence financière. À l'article premier, M. Marc utilise la notion de potentiel financier. Or, elle sert aujourd'hui à évaluer la richesse des collectivités territoriales. La modifier de façon brutale aurait des conséquences importantes et imprévisibles. Le rapporteur nous en a donné un exemple : il serait incohérent d'inclure les dotations de péréquation dans le potentiel financier, puisque ce dernier sert précisément à répartir celles-là ! Ainsi, la cohérence financière est indissociable des relations entre l'État et les collectivités territoriales, qu'il s'agisse des dépenses ou des recettes.

M. Fourcade a rappelé que la péréquation avait progressé, même si elle restait insuffisante. Ainsi, la part de la dotation de péréquation au sein de la DGF est passée de 6,66 % en 1994 à 15,05 % en 2007. La masse totale des crédits a plus que doublé depuis 2002, passant de 2,8 milliards d'euros à 5,9 milliards. Certes, les concours de l'État restent insuffisamment péréquateurs, mais il serait dangereux de traiter ce sujet à part.

J'en viens à la cohérence économique.

Les collectivités ne vivent pas en vase clos. Or, si la création d'une part additionnelle de CSG est une piste intéressante, d'ailleurs envisagée sur tous les bancs de notre assemblée, il serait improvisé, pour ne pas dire dangereux, de l'étudier dans un rapport spécifique. La CSG ayant pour finalité de financer la sécurité sociale, la création de la part additionnelle proposée aurait des implications financières qui dépassent très largement les problématiques locales.

La réforme des finances locales doit être examinée dans un cadre vaste englobant tous les prélèvements obligatoires. Lorsqu'il a mis en place la Conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre a souligné que la réforme fiscale ne devait pas accroître la pression fiscale, qu'elle devait garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales tout en évitant les transferts abrupts d'imposition et qu'elle devrait à terme limiter la part de la fiscalité locale pesant sur l'État. Tel est le sens de la révision générale engagée.

Je voterai donc contre la proposition de loi dans la rédaction proposée. Les recommandations de la commission des finances tendent à limiter les dégâts, mais si nous votons ce texte, nous n'aurons pas réalisé d'avancée législative majeure : nous aurons seulement évité le pire. À mes collègues socialistes, je dis qu'il n'est pas raisonnable de persévérer dans la rédaction initiale de leurs propositions. Si nous étions raisonnables, nous attendrions quelques semaines, ce qui nous éviterait l'aventure d'aujourd'hui, qui augure mal de l'ordre du jour réservé au Parlement : nous devrions donner l'exemple d'un travail législatif de qualité. Ce n'est pas ce que nous nous apprêtons à faire ce soir.

M. Michel Moreigne. - Il semble que le début de la péréquation remonte au versement représentatif de la taxe sur les salaires, institué en 1966. Par la suite, la création de la taxe professionnelle chère à M. Fourcade aboutit aux fonds départementaux et national de péréquation. Plus tard, se sont succédé les épisodes de la DGF, mais je rappelle à notre excellent rapporteur que c'est la loi du 29 décembre 1983 qui a créé une dotation minimale de fonctionnement en faveur des départements défavorisés. Vous n'étiez pas né, monsieur le rapporteur, (sourires) mais je tenais à ce rappel. Cette dotation minimale fait suite à l'engagement pris au Sénat par M. Defferre le 2 décembre 1982...

M. Michel Mercier, rapporteur. - Triste date pour la République !

M. Michel Moreigne. - ...à la suite d'amendements déposés par des parlementaires de l'Ariège, du territoire de Belfort, des Alpes-de-Haute-Provence et de la Creuse. Avec M. Dreyfus-Schmidt, je suis le dernier survivant parmi les signataires.

Je saute bien des épisodes pour arriver en 1990, quand le Président de la République a demandé, au cours d'un déplacement dans le Rhône, que des mécanismes retirent « à ceux qui ont beaucoup pour donner à ceux qui ont peu ». On ne saurait mieux définir la péréquation. Après les incidents de Bron, -chez vous, monsieur le rapporteur- le Fonds de solidarité de la région Île-de-France, la dotation de solidarité urbaine et la majoration de la dotation de fonctionnement minimale ont vu le jour en 1991, suivis en 1992 par le Fonds de correction des déséquilibres régionaux. J'arrête là l'historique, mais je voulais le rappeler à notre jeune rapporteur qui l'avait oublié.

M. le président. - M. Michel Mercier souhaiterait vous interrompre.

M. Michel Moreigne. - M. Mercier est un docte professeur : qu'il me laisse terminer !

Une péréquation volontaire s'est développée au sein des groupements à fiscalité propre issus de la loi d'orientation sur l'administration territoriale de 1992.

En 1995, l'article 68 de la loi d'aménagement et de développement du territoire a fixé un objectif : parvenir en 2010 à une situation dans laquelle les ressources locales par habitant se situeraient dans une fourchette de 80 % à 120 % de la moyenne nationale. Ce ratio reste cher au coeur des législateurs, puisque notre rapporteur s'y réfère pour trouver satisfaisante la situation de la région Limousin. Mais il oublie les conséquences que peut avoir un petit diviseur sur la valeur d'une fraction.

Sans revenir sur l'histoire récente, maintenant que je me suis un peu libéré, (sourires.) où en est-on ? Les sommes affectées à la péréquation restent insuffisantes ; la taxe professionnelle a subi le sort que l'on sait avec le plafonnement sans péréquation. Certains amendements présentés par le groupe socialiste à ce sujet ont succombé à l'hostilité de la majorité.

Ainsi, nous suggérions récemment de partager quelque peu la manne des droits de mutation à titre onéreux, dont quelques pourcentages péréqués auraient suffi à faire le bonheur de certaines collectivités. Nous avions également proposé une meilleure répartition des charges d'APA revenant à laisser à la charge de certains conseils généraux 21 % de leur potentiel fiscal, qui portait sur le fonds de financement de l'APA, dont 800 millions ne sont pas répartis : le président du conseil général du Rhône s'y était opposé avec une rigueur toute lyonnaise, oubliant que c'est M. Jean Puech, président de l'ADF, qui avait réclamé que les conseils généraux soient chargés de l'APA !

M. Alain Lambert. - Digne retour sur succession !

M. Michel Moreigne. - Je passe sur la dotation de fonctionnement minimale, qui oublie les départements les plus pauvres, et sur les conséquences d'une décentralisation toute particulière. La péréquation est loin d'être celle promise par le président de la République en 1990...

Je rends hommage à MM. François-Poncet et Bellot pour leur diagnostic et à M. Bourdin pour son rapport au nom de l'Observatoire des finances locales. La valeur médiane des droits de mutation par rapport aux dépenses réelles de fonctionnement est de 12,3 %, mais de 6,92 % seulement pour la Creuse, département que j'ai l'honneur de présider ; la contribution directe par habitant médiane est de 278 euros, mais de 217 seulement pour la Creuse -et pourtant le diviseur est petit ; la part médiane des dépenses d'équipement sur les dépenses totales est de 13,9 %, de 11,71 % dans la Creuse, l'épargne de gestion médiane de 148 euros, contre 135 chez nous ; l'épargne nette médiane de 92 euros, contre 72,02 -c'est à se demander comment on épargne encore dans la Creuse !

Les zones rurales aspirent à un aménagement du territoire équilibré, soucieux des particularités régionales et des écarts de richesse. La Creuse n'est pas les Hauts-de-Seine, comme l'ont récemment rappelé nos plus hautes autorités : je me réjouis de cette reconnaissance, mais les actes ne suivent pas. Les collectivités locales les plus aisées, comme le Rhône, améliorent encore leur santé financière en accroissant leurs bases fiscales et autres droits de mutation. Cela donne des idées : le pacte de croissance et de solidarité des dotations de l'État est écorné dans le budget 2008 ; on évoque aussi une remise en cause du FCTVA, ce qui pénaliserait l'investissement public local.

Depuis 2002, le département de la Creuse a dû augmenter ses impôts de plus de 50 % pour équilibrer son budget. La charge nette de l'APA est passée de quatre millions en 2004 à neuf millions en 2007 ; le déficit cumulé de la compétence RMI est aujourd'hui de cinq millions. La chambre régionale des comptes a constaté que ce département ne peut faire face à ces charges, sinon en augmentant chaque année la pression fiscale, dont le taux atteint les 10 %.

La limitation des exonérations de charges en zone de revitalisation rurale, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, coûtera environ 1,5 million, aggravant encore la situation. Bref, il manque à la Creuse environ 15 millions par an, soit un millième à peine de la dotation globale de fonctionnement de l'ensemble des départements. Le Président de la République s'est engagé à faire bouger les lignes : est-ce à ce point insurmontable de déplacer un millième d'une ligne budgétaire ? Quand on voit avec quelle facilité on a fait cadeau de quinze milliards à une minorité qui n'en demandait pas tant...

M. Jean-Pierre Sueur. - Elle a quand même accepté.

M. Michel Moreigne. - Il fallait proposer à nouveau des solutions péréquatrices pour les conseils généraux. Notre collègue rapporteur, élu de l'un des départements les plus nantis, dénature la proposition de loi. A ses yeux, il est urgent de continuer à ne rien faire, si ce n'est compatir -je l'en remercie- et continuer à pouvoir parler de péréquation. (Sourires) Ainsi faisaient ceux de Constantinople qui continuaient leur dispute sur le sexe des anges alors que leurs murailles s'effondraient ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur. - Il faut toujours en revenir au célèbre choeur du Faust de Charles Gounod, dans lequel des soldats chantent « Marchons, marchons » -sans bouger d'un pouce. Nous ne cessons de dire qu'il est urgent d'avancer, or nous ne cessons de rester sur place. Heureusement, des élus courageux comme M. François Marc nous invitent à agir. Les griefs de M. Lambert m'ont étonné. J'ai suivi les travaux qui ont abouti, après deux ans et de nombreuses auditions, au rapport Perspectives de réforme des finances locales. Ce fut un gros travail, qui a permis d'envisager des solutions pour changer les choses. Cette proposition de loi en est directement inspirée.

Bien sûr, il y a Portalis... On nous dit qu'il désapprouverait cette proposition. Je n'en suis pas sûr. (Sourires) S'il revenait aujourd'hui, il constaterait que l'examen de la loi de finances initiale a été derechef interrompu pour qu'arrive de toute urgence devant le Parlement une proposition de loi singulière, à tous les égards, sur le financement de tel parti politique -que M. Mercier connaît bien. Que dirait Portalis ? S'il lisait les projets de loi que nous soumet le Gouvernement, il aurait matière à réflexion. Cette proposition de loi est d'une grande clarté. Clarté et simplicité qui lui eussent peut-être valu l'attribution du prix Portalis, eût-il existé. (Sourires)

La question de la valeur locative témoigne de l'ahurissant immobilisme de l'ensemble des responsables politiques.

Mme Françoise Henneron. - Merci de le reconnaître.

M. Jean-Pierre Sueur. - Celle-ci est en effet calculée selon des critères établis il y a 46 ans ; pour la taxe d'habitation, le mode de calcul a 37 ans ! Le système est archaïque.

J'habite la ville d'Orléans. Dans le quartier de la Source, ainsi nommé car s'y trouve la source du Loiret,...

M. Michel Mercier, rapporteur. - Et les chèques postaux ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur. - ... les impôts locaux sont plus élevés que dans des quartiers de l'agglomération qui présentent pourtant des caractéristiques dont cette ville nouvelle ne bénéficie pas.

Les élus, alertés par les habitants, se sont rendus à Bercy. Une étude, dont la teneur exacte n'a pas été communiquée, a conclu qu'il était possible de jouer sur les coefficients d'entretien. L'opacité qui règne aujourd'hui en la matière est décourageante. Le texte de M. Marc contient des pistes intéressantes pour traiter réellement la question des valeurs locatives.

Autre question soulevée par ce texte, celle de la prise en compte des revenus dans la fiscalité locale. M. Edmond Hervé, maire de Rennes, avait soumis un excellent rapport sur la question lorsqu'il était député. Il montrait, comme M. Mercier d'ailleurs, que cette solution est chose courante chez nos voisins européens. Mais l'on nous opposera, encore une fois, que l'heure n'est pas encore venue.

Enfin, la question de la péréquation. La répartition des dotations est une affaire importante en France puisque l'État représente le premier contributeur des collectivités. Je me souviens encore des déclarations enflammées lors de l'introduction du principe de la péréquation à l'article 72-2 de la Constitution. On soutenait alors qu'inscrire « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales » dans la Loi fondamentale représentait une avancée formidable. Mais que s'est-il passé depuis ? Notre nouveau Président de la République, qui semble représenter à lui tout seul chacun des ministres, y compris le premier d'entre eux, tant il se dépense sans compter, est resté fort discret sur les questions des finances locales. Monsieur le ministre, je vous le signale car il y a là un créneau à prendre ! (Sourires) Ce silence s'explique peut-être par son expérience politique qui ne l'a pas conduit à s'interroger davantage sur la péréquation... (Même mouvement). En la matière, il ne préconise pas la rupture, ce qui est regrettable, car il y a fort à faire !

Selon M. Lambert, la DGF aurait déjà un fort effet péréquateur. Elle représente, dans ce budget, 39 milliards, dont 5,9 pour la péréquation, soit 15 % comme l'établissait le rapport Gantier. Ce résultat est contestable puisque ces 15 % sont composés de la DSU qui représente seulement un milliard ; de la DSR, qui est tellement éparpillée, qu'elle n'a aucun effet péréquateur ; et, enfin, de la dotation d'intercommunalité, qui représente 2,2 milliards, dont on n'a jamais prouvé l'effet péréquateur -M. Biwer l'a bien montré lors de son intervention. Cette situation doit donc changer.

Ce texte a le mérite de la clarté. Sans compter qu'il est applicable de suite et compatible avec la seule réforme qui vaille aujourd'hui, celle consistant à limiter les critères de la DGF à trois ou quatre. En effet, malgré la réforme Hoeffel, la DGF est devenue un monument d'illisibilité à force d'additions de bonnes intentions. En attendant ce jour, adoptons l'excellent dispositif de M. Marc ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 1er

I. - Après la première phrase du onzième alinéa de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« A compter de [année suivant celle d'entrée en vigueur de la présente loi], cette garantie évolue selon un taux égal au plus à 15 % du taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. »

II. - Pour être applicable, le dispositif visé au I du présent article doit être précédé de la remise par le gouvernement de simulations adéquates.

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste.

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dans le but de garantir aux collectivités territoriales les moyens financiers leur permettant d'assurer de façon équitable sur tout le territoire de la République un service public de proximité de bonne qualité, la loi définit les conditions d'un rapprochement progressif de leurs potentiels financiers.

Conformément au cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, la plus prochaine loi de finances met en place les dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Cette loi arrête les éléments de la dotation forfaitaire et de la dotation de péréquation constitutive de la dotation globale de fonctionnement des communes, des départements et des régions.

Elle définit pour les régions, départements et pour chaque strate démographique communale, respectivement, une fourchette de variation du potentiel financier par habitant en fonction de la moyenne de la catégorie ou de la strate de population.

Les mécanismes de péréquation mis en place doivent en tout état de cause conduire à ce qu'aucune commune n'ait, dans le délai fixé par la loi, un potentiel financier par habitant inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 % et pour les régions de 95 %. La mesure des seuils ainsi déterminés s'opère sur la base d'une redéfinition précise du critère potentiel financier.

II. - Le dispositif prévu au I donne lieu à la mise en place d'un mécanisme de lissage de ses effets sur une période de dix ans, afin de limiter ses conséquences financières pour les collectivités.

III. - Les dispositions du I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret après avis du Comité des finances locales, lequel délibère au vu des simulations des effets de la mesure, fournies par l'administration dans les trois mois qui suivent l'adoption de la présente loi.

M. François Marc. - Cette proposition de loi est le fruit de la réflexion sur les finances locales menée depuis deux ans par le groupe socialiste. Chaque sénateur dispose ici d'une documentation très fournie sur cette question et sait quelle est la direction à prendre. La péréquation est une préoccupation partagée.

On nous oppose l'absence de concertation et de consultation. Il me semble, au contraire, que nous répondons aux demandes des élus locaux : leurs associations viennent de déposer un document commun appelant à une péréquation renforcée. Certes, nous proposons un dispositif limité -prendre en compte les revenus dans la fiscalité locale, affecter une part de CSG aux départements, renforcer la péréquation- mais ces améliorations seraient utiles et leur mise en oeuvre aisée.

Je remercie le rapporteur de ses propos constructifs. Si notre proposition revient à déplacer presqu'un milliard comme il le soutient, cela représente somme toute une somme modeste sur les 39 milliards de la DGF. Par ailleurs, nous proposons à l'article premier un lissage sur dix ans, soit cent millions par an.

Le dispositif que propose la commission des finances pour l'article premier n'est pas bon. En effet, seules les communes sont prises en compte, alors que les départements, plus encore que les régions, ont été touchés par la décentralisation. Selon M. Lambert, la proposition de la commission a simplement l'avantage de limiter les dégâts. D'où je conclue que M. Lambert ne tient pas en haute estime la péréquation ... (M. Alain Lambert s'exclame.) En réalité, la commission refuse d'avancer sur le terrain de la péréquation. Au reste, c'est écrit en toutes lettres dans le rapport à la page 27 : « Votre commission des finances considère qu'il n'est ni possible, ni souhaitable, de proposer une réforme d'ampleur de la péréquation, dans le cadre de la présente proposition de loi. »

Les choses sont claires ! Notre amendement restaure donc la rédaction initiale afin que la proposition marque une véritable avancée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Mercier, rapporteur. - Vous suggérez de rétablir la proposition initiale.

M. Bernard Frimat. - Logique...

M. Michel Mercier, rapporteur. - Nullement ! L'intention de M. Marc est bonne, mais encore faut-il savoir quoi faire et comment procéder. Je veux d'abord rétablir quelques erreurs dans l'intervention de M. Moreigne. Cher collègue, « Amicus Moreignus, sed magis amica veritas » (sourires) : il n'y a pas eu d'incidents à Lyon Bron, je le sais parce que j'y étais. Une large assemblée était réunie pour parler de politique de la ville et le sujet ne passionnait pas le Président de la République, si bien que j'ai eu une conversation personnelle avec lui... Et tout s'est terminé vers 13 h 15 chez Léon de Lyon. (Sourires)

Je conviens que la Creuse est confrontée à un grave problème : il y a lieu de le traiter. Mais prendre des mesures générales exige de disposer de simulations. Or, lisez la page 24 de mon rapport, j'y explique comment la Creuse ne figurerait pas parmi les bénéficiaires de la proposition de M. Marc : ce département fait déjà l'objet de mesures péréquatrices et son potentiel fiscal élargi au sens de la proposition se monte à 550 euros, 60 de trop pour espérer être aidé. La Creuse, qui a besoin de beaucoup, n'aurait rien !

Un mot encore d'un point fondamental qui concerne nos institutions -souhaitons que le comité Balladur y porte remède : nous ne disposons pas de moyens de simulation. Nous partageons l'ambition de M. Marc, tout comme nous avons voté la loi Pasqua- similaire, mais qui n'a jamais été appliquée. Nous ne pouvons accepter cet amendement. La rédaction de la commission des finances est certes plus modeste, mais elle débloque tout de même 10 millions d'euros supplémentaires pour la péréquation. Et lorsque les réflexions engagées seront achevées, nous pourrons aller plus loin. N'avançons pas à l'aveuglette, la Creuse mérite mieux. (Applaudissements au centre)

M. Bernard Frimat. - Intervention...creuse. (Rires)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - J'ai dit mon avis sur la proposition de votre commission, il vaut bien sûr pour la version initiale. Je ne puis vous laisser affirmer que le Gouvernement ne veut pas accroître la péréquation ! La DSU augmentera cette année de 9,4 %, la DSR également si le comité des finances locales en est d'accord. Jamais la péréquation n'aura été aussi élevée. En revanche, n'allons pas modifier la répartition de la DGF par petites touches... Nous allons disposer des travaux de M. Lambert, de ceux du Comité des finances locales. Nous ne manquerons pas d'études d'impact, notamment sur le curseur. Le Gouvernement ne peut pas être d'accord avec les transferts que vous proposez, qui ne sont pas négligeables pour les communes.

Mme Marie-France Beaufils. - La présentation de M. Moreigne a bien illustré les difficultés des départements. Aujourd'hui, on raisonne uniquement en analysant les ressources d'une collectivité et son potentiel financier, sans tenir aucun compte de ses charges. La Seine-Saint-Denis a un potentiel énorme, mais des charges qui ne le sont pas moins.

Une chose me dérange dans la proposition de loi, par ailleurs intéressante : tant que l'on organisera le système à masse constante, on n'avancera pas. L'État consent cette année un effort sur la DGF  mais ce sont les collectivités qui perçoivent de la DCTP qui en feront les frais ! Et elles ne sont pas toutes très riches. Nombre de collectivités vivent moins bien qu'avant à cause des formules de dotation, qui atténuent certaines recettes... Ne modifions pas à petites touches, recommande le ministre, mais n'a-t-on pas l'an dernier donné une petite touche à la DGF de 300 communes, pour 13 millions d'euros ?

L'État reçoit une ressource qui revient par nature aux collectivités, la taxe professionnelle, soit 2,5 milliards d'euros l'an prochain. Pourquoi celle-ci alimente-t-elle le budget général ?

La proposition de loi n'est pas suffisamment aboutie, je m'abstiendrai sur l'amendement. Mais le texte de la commission ne me convient pas.

M. Charles Guené. - La proposition m'émeut mais je me demande pourquoi l'inspiration vient à nos collègues lorsqu'ils ne sont plus aux affaires. M. Sueur, lyrique, nous emporte dans un opéra fabuleux. Marchons, marchons... même si ce doit être dans le brouillard ! Trop de précipitation, pas assez de simulations.

Le Président de la République a adressé une lettre de mission à Mme Lagarde précisant que, dès 2008, il conviendrait de procéder à la modernisation des valeurs locatives et la réforme de la péréquation.

On sent bien qu'une réflexion est sur le point d'aboutir. C'est pourquoi notre groupe ne peut voter cet amendement.

M. François Marc. - Nous proposons d'instituer un filet de sécurité pour les collectivités les plus pauvres qu'on ne peut laisser en l'état, face à l'augmentation de leurs charges. Il serait dangereux de voter le texte de la commission : contrairement à ce que l'un de vous a prétendu, nous avons en avons chiffré les conséquences et ce ne sont pas dix millions, mais sept qui seront dégagés, à répartir par le Comité des finances locales entre la DSU, la DSR et la dotation-groupements. Il ne restera pas grand-chose ...L'idée d'abaisser le seuil ne fonctionne que pour les départements et les régions ; or, précisément vous les avez exclus. Votre dispositif défavoriserait les 56 % de communes les plus pauvres et avantagerait celles ayant le plus fort potentiel fiscal. Il est contre-péréquateur et va exactement à l'encontre de l'objectif que nous poursuivons. (Applaudissements à gauche).

M. Jean-Pierre Sueur. - Lumineuse démonstration.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 298
Majorité absolue des suffrages exprimés 150
Pour l'adoption 104
Contre 194

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier n'est pas adopté.

Article 2

Avant le 1er septembre 2008, le gouvernement dépose devant le Parlement un rapport étudiant les modalités de la substitution éventuelle, à la part départementale de la taxe d'habitation, d'une part additionnelle à la contribution sociale généralisée.

Ce rapport explore notamment les conditions et les limites dans lesquelles le taux de la part additionnelle visée au précédent alinéa pourrait faire l'objet d'une modulation à l'initiative des départements.

Il s'appuie sur toutes simulations utiles, quant aux effets d'une éventuelle réforme pour les contribuables, pour les départements, et pour le budget de l'Etat. Il envisage les dispositifs transitoires de lissage des effets de cette réforme pour les contribuables.

Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne sommes pas favorables à cet article 2 qui rappelle la défunte taxe départementale sur le revenu. Compte tenu des différences de revenu fiscal moyen entre les départements, l'écart serait aussi important que l'écart actuel et cela pénaliserait les foyers fiscaux comprenant deux salariés. S'il faut revoir le financement de l'action sociale des départements, c'est du côté de la sécurité sociale qu'il faut s'orienter.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Cette proposition de loi est désormais privée de son article premier. Le rapporteur aura tenté de préserver à ce texte un minimum de crédibilité mais ses auteurs initiaux ne l'ont pas permis. Heureusement, nous allons vers de nouveaux rendez-vous et le rapport Lambert devrait permettre de mieux cadrer le débat. Le temps n'est plus où l'on pouvait spéculer sur les largesses de l'État, maintenant que tous les bancs appellent à la diminution des déficits publics. Mais instituer une péréquation sans aucun perdant, c'est la quadrature du cercle. Cela me rappelle le soir de discussion sur les finances locales où un orateur s'exclama : « Si vous tenez compte des dotations compensatrices, les pauvres ne sont plus pauvres ! »

Vous êtes nombreux à vous rappeler cette pathétique problématique.

Voter un article demandant au Gouvernement un rapport en 2008 nous vaudrait un blâme de Portalis.

M. Jean-Pierre Sueur. - Laissez le dormir !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il serait plus sage d'attendre le rapport que prépare M. Lambert et qui sera gage de cohérence. Je remercie le rapporteur d'avoir tenté de nous permettre se sortir avec un texte mais celui-ci ne saurait se réduire à l'article 2.

M. Alain Lambert. - M. Mercier souhaitait aboutir à un texte consensuel ; j'avais d'abord eu le sentiment, malgré l'absence de simulations, le défaut de constitutionnalité et les ambiguïtés que Mme Beaufils a débusquées, que la proposition de nos collègues socialistes n'était pas totalement improvisée mais elle n'est décidément pas assez constructive. Je me rallie à la proposition réaliste du président de la commission des finances car nous pourrons ainsi poursuivre ce travail et le mener à son terme correctement.

M. Michel Mercier, rapporteur. - Je remercie M. Lambert de son propos. Nous avons essayé d'aller au bout de la défense du rôle du parlementaire dans l'élaboration de la loi -n'est-ce pas l'un des objectifs du comité Balladur ? Nous avons vu aujourd'hui tout ce qui nous manque. L'article 2 ne relève pas de la loi : il n'a aucun caractère normatif. Peut-être demain pourrez-vous adopter une résolution. Dès lors que l'article 1er n'a pu être voté, nous ne voterons pas l'article 2 et comme président de groupe, je demande un scrutin public.

M. François Marc. - L'article 2 a été voté à l'unanimité de la commission des finances (Mme Beaufils le conteste) moins une voix. On peut l'adopter. On parle beaucoup aujourd'hui de revaloriser le rôle du Parlement, le Président du Sénat lui-même le souhaite et nous nous ferions hara-kiri ?

M. Alain Lambert. - Un rapport, cela se demande par lettre.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il n'est pas de bonne méthode législative de demander des rapports au Gouvernement ; il est préférable de doter le Sénat de moyens d'expertises et de simulations. Le processus est extrêmement complexe et il nous faut l'aide du directeur général des collectivités locales pour nous en sortir. Lorsque vous prendrez connaissance du nombre presque infini des paramètres, vous vous demanderez comment expliquer les choix successifs des parlementaires. Il faudra y mettre bon ordre. Même si nous ne disposons pas d'un outil aussi élaboré, nous devons pouvoir évaluer les conséquences des hypothèses que nous envisageons. L'exercice sera difficile. En attendant, je vous appelle à la lucidité et au courage en m'engageant à ce que la commission des finances conduise sereinement et opiniâtrement ce travail.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - J'ai rappelé les engagements pris pour travailler dans la concertation. Un rapport a été demandé à M. Lambert. On ne peut à la fois demander la concertation et ne pas y procéder sur cette question.

A cet instant du débat, le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de l'article 2 mais il salue et le travail de votre rapporteur et la position de votre commission qui préfère un rejet à un simple rapport : nous avons encore à travailler ensemble.

A la demande du groupe UC-UDF, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 104
Contre 217

Le Sénat n'a pas adopté. En conséquence, je n'aurai pas à mettre aux voix l'ensemble du projet.

Prochaine séance, mercredi 31 octobre 2007 à 15 heures.

La séance est levée à 21 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 31 octobre 2007

Séance publique

A QUINZE HEURES

Discussion du projet de loi (n° 28, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la corruption.

Rapport (n° 51, 2007-2008) de M. Hugues PORTELLI, fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Jean Louis Masson une proposition de loi instaurant une dotation de solidarité rurale majorée au profit des communes de moins de 5 000 habitants dont une partie du territoire est située en zone urbaine sensible ;

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant l'accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses États membres (n° 41, 2007-2008) et sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord interne entre les représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, relatif au financement des aides de la Communauté au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2008-2013 conformément à l'accord de partenariat ACP-CE et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité CE (n° 42, 2007-2008) ;

- M. Henri de Richemont un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés (n° 40, 2007-2008) ;