SÉANCE

du mardi 15 avril 2008

73e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Construction à proximité des bâtiments d'élevage

M. Pierre Martin.  - La loi d'orientation pour l'agriculture de 1999 a introduit dans le code rural un article L. 111-3 qui dispose qu'en vertu du principe de réciprocité, les restrictions pesant sur l'implantation des constructions à usage agricole à proximité des immeubles d'habitation pèsent à l'inverse lors de l'implantation d'immeubles d'habitation à proximité de constructions à usage agricole. Il s'agissait de résoudre les conflits de voisinage engendrés par la proximité des activités agricoles et des locaux d'habitation de tiers. Or, aujourd'hui, il s'avère que cet article, qui impose la règle des 100 mètres, pose problème dans bon nombre de petites communes rurales. Un bâtiment d'élevage situé à moins de 100 mètres d'une habitation possédée par un tiers ne peut pas s'étendre, ni être mis aux normes, ce qui entraîne à court terme sa fermeture. De même, un particulier ne peut obtenir un permis de construire si la maison ou le terrain à bâtir se trouve à moins de 100 mètres d'un bâtiment d'élevage. Ces dispositions nuisent au développement des communes rurales, ainsi qu'à celui des exploitations agricoles, elles gênent l'installation de jeunes agriculteurs et la mise aux normes de bâtiments d'élevage.

Mon département, la Somme, ne compte pas moins de 782 communes. Les petites communes rurales y sont donc nombreuses et la règle des 100 mètres provoque de plus en plus de conflits entre ceux qui veulent construire ou s'agrandir et les autres. Sera-t-il encore possible de construire au coeur des villages où demeurent ne serait-ce que deux ou trois éleveurs ?

La seule solution pour débloquer les nombreux conflits, à terme explosifs, le mot n'est pas trop fort, n'est-elle pas la servitude, sous la forme d'un acte notarié qui suppose l'accord des deux parties, afin que tout le monde cohabite sereinement ? Le député des Côtes d'Armor, Marc Le Fur, qui rencontre les mêmes problèmes dans nombre de ses communes rurales, a proposé cette solution, en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, lors de l'examen de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Son amendement, adopté par l'Assemblée nationale le 7 octobre 2005, accordait la possibilité de déroger, à certaines conditions, à cette règle d'urbanisme en milieu rural, sous réserve bien entendu de l'accord des parties concernées, avec la création d'une servitude grevant les immeubles concernés par la dérogation. Les députés avaient donc souhaité remettre en discussion le compromis adopté par le Parlement lors de l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux. Finalement, cette proposition n'a pas été retenue dans la loi d'orientation agricole.

Pour tenir compte des spécificités locales et éviter de figer les territoires, elle a pourtant prévu la possibilité de dérogations mais qui ne visent que les constructions nouvelles à l'exception des travaux transformant d'anciens bâtiments agricoles en habitations. Or, ces changements de destination sont sources de conflits. Les dossiers sont examinés par la DDE, laquelle demande son avis à la Chambre d'agriculture qui, pour sa part, dit que le préfet a le pouvoir d'accorder une dérogation. Mais personne ne statue jamais sur cette possibilité. La pénurie de logements accroît la demande d'acquisition de bâtiments et de terrains agricoles. De plus, la loi du 2 juillet 2003 relative à l'urbanisme et l'habitat, en permettant sous certaines conditions de modifier la destination de certains bâtiments situés en zones agricoles des PLU, aggravera encore ce phénomène. Une dérogation s'avère donc là aussi nécessaire, s'il existe bien évidemment un accord des parties.

Monsieur le ministre, il faut débloquer une situation complètement figée, permettre aux communes rurales de mon département de construire et aux jeunes agriculteurs d'agrandir leur exploitation ou de mettre aux normes européennes leurs bâtiments d'élevage. La politique du Gouvernement n'est-elle pas d'inciter les jeunes agriculteurs à s'installer et de lutter contre la désertification des campagnes ?

L'article L. 111-3 du code rural a provoqué davantage de conflits de voisinage qu'il n'en a résolus. Certes, un bâtiment d'élevage est source de nuisances mais, qu'elles soient subies à 50 ou 100 mètres, la différence n'est pas si grande. Une règle trop stricte ne peut être valable partout, chaque conflit doit être réglé au cas par cas et il doit y avoir des possibilités de dérogation. La situation ne peut plus durer, il faut prendre ce problème à bras-le-corps. Etes-vous prêt à revoir cette question, pour la survie de nos petits villages, le maintien des agriculteurs et l'installation des jeunes ? Vivre à la campagne n'est pas vivre en ville... Dans nos villages, le dialogue est nécessaire, sous peine d'aboutir à l'incompréhension et au procès. Une servitude par acte notarié serait la solution; il faudrait l'inscrire dans le code de l'urbanisme et non dans le code rural.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - L'article L. 111-3 du code rural énonce un principe général de réciprocité en matière d'exigence de distance entre bâtiments d'élevage et habitations occupées par des tiers. Il établit également des cas de dérogation à ce principe, en particulier en prévoyant que, sous réserve de l'accord des parties concernées, il peut être dérogé à la règle de distance entre bâtiments d'élevage et maison d'habitation, dans les cas d'extension d'un bâtiment agricole existant ou de changement de destination. Son cinquième alinéa, introduit par l'article 19 de la loi d'orientation agricole de janvier 2006, a permis aux parties concernées de déroger par voie de contrat à cette règle en grevant leurs immeubles d'une servitude.

Cette loi étant très récente, il n'y a pas de nécessité immédiate de remettre en débat parlementaire cette question. Cependant, je suis attentif à vos observations. J'ai été président de conseil général pendant dix-sept ans et je sais que ce problème se pose dans de nombreux départements comme la Somme, les Bouches-du-Rhône, la Manche...

Mme Nathalie Goulet.  - L'Orne !

M. Michel Barnier, ministre.  - Je vais donc décider une inspection générale qui vous consultera, fera le point et étudiera selon les spécificités régionales et la nature des exploitations s'il y a lieu de revoir cette question, par voie législative ou règlementaire.

M. Pierre Martin.  - C'est une bonne décision mais il serait bon de la faire connaître aux services concernés qui ignorent ou n'utilisent pas la servitude. Les fermes évoluent rapidement, et les enfants des fermiers veulent, mais ne peuvent pas, transformer celles de leurs parents ni construire, parce que leur voisin l'interdit !

Mise en place des points justice

M. Jean-Pierre Chauveau.  - La ministre de la justice a récemment annoncé la fermeture du tribunal d'instance de la sous-préfecture de Mamers dans la Sarthe dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire.

La décision bafoue les efforts des élus territoriaux pour maintenir des services publics de qualité accessibles à tous. Des mesures de compensation efficaces seront-elles rapidement proposées ? Une expérimentation des démarches administratives à distance va débuter dans plusieurs départements. De quels services juridiques s'agira-t-il ? Quels seront les contentieux concernés ? Quelles en seront les modalités d'application ? Et dans quels délais Mamers peut-elle espérer en bénéficier ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Mme la garde des sceaux, empêchée, vous prie de l'excuser de ne pouvoir vous répondre en personne. Des points visio-public expérimentaux ont été installés à Sceaux et Murat ; un autre va l'être à La Motte-Beuvron. Ce dispositif permet aux usagers de dialoguer avec les fonctionnaires de juridictions distantes grâce à des terminaux interactifs. Des dizaines de sites seront ouverts, si l'expérimentation est concluante. La ministre a demandé au secrétaire général du ministère et à l'inspecteur général des services judiciaires de constituer des groupes de travail afin de déterminer les lieux d'implantation de ces dispositifs. Je transmettrai votre demande à ma collègue garde des sceaux.

M. Jean-Pierre Chauveau. - J'espère que la mairie de Mamers disposera bientôt d'un point visio-public !

Conseil des prud'hommes de Flers

Mme Nathalie Goulet. - J'ai un peu le sentiment de me battre pour un enfant mort... Mais je vous interroge tout de même, encore une fois. Les conseils de prud'hommes de Flers et Vire vont être supprimés. Nous demandons la création à Flers d'un conseil du bocage, qui regrouperait les contentieux des deux conseils : les deux communes appartiennent au même bassin de vie et le député-maire de Vire soutient, dans l'intérêt de ses administrés, l'idée de ce transfert ; je précise que les deux juridictions relèvent de la cour d'appel de Caen.

Flers est le premier bassin d'emploi de l'Orne avec 37 150 emplois salariés, loin devant Argentan et Alençon ; c'est aussi le troisième bassin de Basse-Normandie, après Caen et Cherbourg. Certes, le nombre de contentieux traités est en dessous de la moyenne fixée par le ministère, mais l'adjonction des dossiers de Vire change la donne.

Un transfert du contentieux à Argentan contraindrait le justiciable à des trajets de plus de quarante kilomètres, sans transports en commun. Les conseils survivant dans le Calvados, Lisieux ou Caen, sont encore plus loin ! Je précise qu'il n'y aurait aucune dépense supplémentaire à créer un conseil du bocage normand à Flers. La difficulté résiderait plutôt dans la frontière départementale entre les deux communes. Mais il y a quelques années, le tribunal de commerce de Flers a été transféré à Condé sur-Noireau, dans le Calvados, sans la moindre difficulté administrative. Plus largement, comment favoriser l'essor de bassins de vie transdépartementaux ? Une frontière archaïque doit-elle bloquer les réformes ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Le projet de décret de Xavier Bertrand concernant les conseils de prud'hommes prend en compte la réalité de l'activité : la barre est fixée à trois cents affaires nouvelles par an par conseil. Or Flers et Vire cumulés ne représentent pas deux cents dossiers. Le code du travail impose aussi un conseil par ressort de tribunal de grande instance ; et les ressorts des prud'hommes doivent être calés sur ceux des TGI. Votre proposition n'entre pas dans le cadre légal !

Mme Nathalie Goulet. - J'espère au moins que l'on considérera différemment les bassins de vie transdépartementaux dans l'avenir...

Couverture des zones blanches

M. Alain Fouché. - Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de décembre 2003 a décidé d'étendre la couverture du territoire par la téléphonie mobile. Le conseil général de la Vienne a donc signé en 2004 avec les trois opérateurs un protocole d'accord pour réaliser la première phase de ce programme complémentaire. Cette tranche, qui concernait quinze communes, représentait 260 000 euros. Le conseil général a aussi encouragé les opérateurs à lancer une deuxième phase, touchant treize communes. Enfin, il a établi la liste de douze communes non retenues en 2003 mais non couvertes. L'État ayant indiqué qu'un programme complémentaire de couverture était envisageable pour ces douze communes, le département de la Vienne et les opérateurs attendent les décisions relatives au montage financier et à la maîtrise d'ouvrage. Où en est-on ?

M. le président. - Je souhaite la bienvenue à M. Falco qui, jusqu'au 19 avril, est à la fois sénateur et ministre... (Sourires)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Ce programme est d'un intérêt majeur pour le développement des territoires ruraux. La mobilisation conjointe des compétences et des moyens financiers de tous, opérateurs, collectivités locales et État, est exemplaire !

Le programme de 2003 prévoit la couverture de plus de trois mille communes, de 57.000 kilomètres d'axes de transport prioritaires et des sites touristiques français les plus fréquentés. L'investissement total, hors couverture des axes de transport, s'élève à 570 millions d'euros, dont 44 pour l'État, autant pour les collectivités locales et 150 millions pour chacun des trois opérateurs. Début 2008, plus de deux mille sept cents communes ont déjà été couvertes -et vingt-sept sur vingt-huit recensées dans la Vienne.

Il est apparu qu'environ trois cents communes avaient été omises dans le recensement initial. Le Gouvernement a souhaité qu'elles soient intégrées dans le programme actuel. Une dizaine d'entre elles sont situées dans la Vienne. Les modalités de couverture sont en cours de discussion, notamment la répartition du financement. Le montage financier tiendra compte des efforts réalisés par les collectivités et les opérateurs dans les phases précédentes du plan de couverture zone blanche.

Monsieur le sénateur, je suivrai ce dossier avec une attention particulière et vous informerai au fur et à mesure de sa réalisation dans votre département.

Hôpital pour enfants de Clocheville

M. le président. - Madame Beaufils, c'est M. le secrétaire d'État chargé des sports qui répondra à votre question ; cela devrait vous faire plaisir ! (Sourires)

Mme Marie-France Beaufils. - J'aurais préféré entendre Mme le ministre de la santé sur un sujet qui relève directement de sa responsabilité.

Notre hôpital public est malade, et ce qui se passe à Tours est révélateur des projets prévus au plan national. Au nom de la modernisation, vous démantelez ce qui fait la richesse de notre système de santé, fondé sur la solidarité et le dévouement des personnels hospitaliers. Selon le Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, il faut « réintégrer la dimension éthique et humaine dans les dépenses de santé afin de permettre à l'hôpital de remplir de manière équilibrée l'ensemble de ses missions ».

La pertinence de l'hôpital pour enfants de Clocheville est reconnue par les personnels et par les milliers d'usagers signataires de la pétition lancée par l'intersyndicale ; la présence de la maison des parents accroît la qualité de ses interventions. Le transfert de cette entité pédiatrique sur le site de Bretonneau est-il prévu par le ministère ? Un avis d'appel public à concurrence paru dans La Nouvelle République le 29 avril 2006 propose une étude de faisabilité du transfert de deux cent dix lits pédiatriques. De plus, un contrat entre le ministère de la santé et l'agence régionale d'hospitalisation du Centre, daté du 6 janvier 2007, évoque la réduction de trois à deux sites du CHU de Tours.

Un des arguments avancés serait le vieillissement de Clocheville. Pourtant, nombre de services, tels les blocs opératoires, sont neufs. L'exigüité des lieux est aussi invoquée alors que 2 500 m2 de bâtiments sont aujourd'hui disponibles. Enfin, les urgences enregistrent vingt-six mille passages par an ! On comprend que l'appel d'offres n'ait pas eu de suite car il faudrait, pour y répondre, démanteler la pédiatrie et en intégrer une partie aux services adultes de Bretonneau. On en finirait avec l'unité pédiatrique.

Après la stérilisation et les laboratoires, la prochaine étape du transfert concernerait le service de réanimation des tout-petits. Que restera-t-il alors de la réanimation pour les plus grands enfants ? Qu'en est-il de la pérennité des urgences et de la chirurgie ? Que vous comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour éviter cette disparition à terme ?

Le projet de loi de modernisation de la santé que vous présenterez cet été renforce mon inquiétude. Les hôpitaux publics seraient transformés en établissements privés à but non lucratif après regroupement des services et avec des personnels polyvalents afin d'améliorer la « productivité » de la santé, considérée comme un commerce. Les déclarations de Mme le ministre ce week-end vont dans ce sens.

Dans son rapport d'octobre dernier, Mme le professeur Danièle Sommelet a rappelé que la plus-value de la pédiatrie hospitalière doit être maintenue, notamment dans le domaine des surspécialités que revendiqueraient facilement les spécialistes d'adultes. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour maintenir cette spécificité pédiatrique au plan national, et à Tours en particulier ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Il faut souligner la qualité des services de l'hôpital pédiatrique de Clocheville, notamment la chirurgie cardiaque et l'oncologie pédiatriques. Il faut assurer le développement de son activité, dans une perspective interrégionale et à long terme. Les transferts techniques que vous avez cités font partie d'un projet de modernisation de l'hôpital engagé depuis plus de dix ans.

Le transfert des laboratoires a été initié à la demande des médecins et chefs de laboratoires, et le transfert des stérilisations n'a entraîné aucune suppression d'emplois. La maternité de niveau III installée à Bretonneau prend en charge plus de quatre mille naissances, et la réanimation néonatale de Clocheville y sera transférée. Ces deux sites étant éloignés de moins de mille mètres, cela ne se traduira ni par une réduction des effectifs ni par un abandon des activités. Pour les services d'hémodialyse et de brûlés adultes et enfants, l'hôpital continuera à gérer son organisation en concertation avec le corps médical et avec le personnel hospitalier.

Un contrat conclu le 4 janvier 2007 entre le ministre de la santé et l'agence régionale de l'hospitalisation du Centre évoque le regroupement des plateaux techniques de Clocheville et de Bretonneau. Cette réflexion doit être menée par le centre hospitalier universitaire lui-même, cette opération n'étant prévue ni par le schéma régional d'organisation sanitaire (Sros) de la région Centre, ni par le contrat d'objectifs et de moyens de l'établissement. Il s'agit d'une perspective de long terme qui ne peut que conforter le rôle de référence de l'hôpital pédiatrique de Tours. Sa modernisation constitue une étape de développement et non une menace pour son personnel, l'hôpital de Clocheville ayant pleinement vocation à faire partie du centre hospitalier universitaire.

Mme Marie-France Beaufils. - Je remercie le ministre pour sa réponse : il m'apparaît d'autant plus nécessaire de traiter du secteur pédiatrique en tant que tel. Le regroupement de certaines activités adultes et enfants menace d'éclatement l'unité pédiatrique, qui doit ses qualités à la complémentarité des services. Certes, Bretonneau est proche, mais le déplacement des laboratoires cause déjà des retards dans l'intervention auprès des enfants, qui doit être plus rapide que pour les adultes. On ne peut raisonner seulement en termes de rentabilité de l'activité médicale.

Santé publique et propriété intellectuelle

M. Richard Yung. - L'Organisation mondiale de la santé (OMS) cherche à élaborer une stratégie pour les recherches essentielles contre les maladies touchant d'une manière disproportionnée les pays en développement -en clair les obstacles qui freinent la pénétration des progrès médicaux dans ces pays. Un groupe de travail devrait présenter des recommandations le mois prochain à l'assemblée mondiale de la santé. L'accès aux technologies médicales étant freiné par le coût des droits de propriété industrielle, il suggérerait d'étendre à la recherche médicale -qui représente huit à dix milliard d'euros pour la France- les modalités négociées dans le cadre de l'accord de Doha, soit les régimes de licences obligatoires qui s'appliquent aux médicaments pour certaines maladies et certains pays. Si tel était le cas, le secteur de la technologie médicale -dont la radiologie, les scanners, les instruments, l'informatique médicale, etc.- serait atteint par ce système.

La lutte pour un meilleur accès aux soins dans les pays en développement et la recherche sur les maladies qui les frappent font partie des causes que défendent la France et l'Europe, mais le groupe de travail s'est focalisé sur la propriété industrielle. Or le frein à l'accès au progrès médical repose sur d'autres causes : le manque d'infrastructures et d'hôpitaux, l'insuffisance en personnel, la corruption... Ce groupe de travail ne constitue par le forum adéquat pour discuter de questions si importantes et un office mondial, l'Ompi, est compétent pour les questions de propriété intellectuelle.

Quelles sont les instructions données aux représentants de la France dans le groupe de travail et à Bruxelles ? Notre prochaine présidence de l'Union pourrait nous donner l'occasion de défendre une position ferme.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative  - Mme Bachelot accorde une grande attention au groupe de travail intergouvernemental qui présentera ses conclusions à l'assemblée mondiale de la santé des 19 et 20 mai. La ministre de la santé conduira la délégation française et s'exprimera sur ce sujet essentiel.

Les discussions du groupe intergouvernemental portent sur la recherche et le développement, l'innovation, la propriété intellectuelle, les dispositifs de financement durables et les transferts de technologie -médicaments, vaccins et produits de diagnostic.

La position européenne est en cours d'élaboration en vue de la prochaine session d'avril. Un consensus est nécessaire pour peser sur la décision finale. Quatre ministères -santé, affaires étrangères et européennes, finances, enseignement supérieur et recherche- participent aux sessions de travail de l'OMS et se concertent. La position du ministère de la santé est de favoriser l'accès des pays en développement aux médicaments pour la protection de la santé publique tout en protégeant l'innovation. Il est urgent de continuer à mettre au point de nouveaux produits sûrs et peu coûteux contre des maladies transmissibles telles que le sida, le paludisme et la tuberculose et contre les maladies non transmissibles, comme le cancer, le diabète et les maladies cardiovasculaires, qui affectent considérablement les pays en développement.

C'est forts de ce constat que les États membres de l'OMC se sont accordés en novembre 2001 sur la déclaration ministérielle de Doha, qui reconnaît que l'accord sur les Adpic ne doit pas entraver les efforts des pays en développement dans la conduite des politiques de santé publique. Les brevets et les autres droits de propriété intellectuelle peuvent aussi constituer un frein à la baisse des coûts des médicaments dans les pays en développement car ils limitent la concurrence entre fabricants. Les pays en développement peuvent, en vertu de l'accord sur les Adpic déroger au droit commun et recourir à ce que l'on nomme les « flexibilités » pour faire face à des situations exceptionnelles ou répondre à des impératifs d'intérêt public. Ils sont autorisés, à ce titre, à émettre des « licences obligatoires », afin de faciliter la production de médicaments génériques sans l'accord du détenteur du brevet, dans le but d'obtenir des traitements moins coûteux.

La question qui se pose est celle de la possibilité d'une ouverture concernant l'interprétation des accords Adpic, s'appliquant aujourd'hui en priorité aux trois pandémies, alors que les pays en développement font face à une croissance très importante des maladies non transmissibles. Sur ce sujet, la France souhaite tenir une position souple et médiane entre l'accès des pays en développement aux médicaments et le respect des droits de la propriété intellectuelle nécessaire pour le dynamisme de la recherche.

Concernant la propriété intellectuelle, la France insistera une nouvelle fois sur le fait que la question de l'interprétation et de l'extension de la déclaration de Doha ne relève ni du mandat ni des compétences du groupe intergouvernemental mais de l'OMC et de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. La France soutient l'idée constructive d'un renforcement des moyens permettant â l'OMS de jouer son rôle.

M. Richard Yung. - Encore une fois, ma question ne porte pas sur les médicaments, mais sur les risques qu'une extension du processus de Doha ferait courir à tout le domaine de l'industrie médicale. Des pans entiers de notre économie seraient menacés. Le problème est très réel et difficile, mais votre façon de l'aborder n'est pas la meilleure.

Éducation artistique et culturelle

M. Jean-Marc Todeschini. - Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale et concerne la remise en question des dispositifs artistiques et culturels en milieu scolaire qui, à leur tour, font les frais des restrictions budgétaires et de la vision purement comptable qu'a le Gouvernement du service public de l'éducation.

L'inspection académique de la Moselle a fait savoir à tous les inspecteurs de circonscription du département que les crédits attendus pour le financement des actions éducatives innovantes et projets artistiques et culturels seraient nettement inférieurs à ceux espérés. Cette décision a suscité la consternation de tous ceux qui avaient établi leur planning annuel en fonction de la validation des divers projets par l'inspection d'académie elle-même. Depuis novembre, les enseignants et les élèves se sont investis dans ces projets, les remettre en cause revient à détruire le travail pédagogique de toute une année scolaire. Cette décision motivée pour des raisons uniquement financières découragera à l'avenir les moindres vocations à s'investir dans ce type de projet.

Le résultat des élections municipales et cantonales a montré que les Français s'interrogent sur le bien-fondé des décisions prises par le Gouvernement. Les suppressions de postes inscrites dans le budget 2008, la transformation des postes en heures supplémentaires et en emplois précaires, le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ces dispositions appliquées sans discernement rencontrent l'opposition de toute la communauté éducative et des lycéens.

Devant les vives protestations des parents d'élèves très attachés à ces initiatives, l'inspection académique de la Moselle a accepté de réexaminer certains projets d'action culturelle et d'accorder des subventions au cas par cas. Mais cet effort reste très insuffisant. Ces enseignements jouent un rôle essentiel dans l'acquisition du socle de connaissances et de compétences et ne doivent surtout pas faire les frais d'une coupe budgétaire.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser M. Darcos qui est retenu ailleurs.

Afin de maintenir toute l'amplitude de ses interventions en matière de projets pédagogiques, l'inspection académique de la Moselle a opéré une recherche d'équilibre global permettant de continuer à soutenir les écoles engagées dans ces actions. Les actions qui ont déjà débuté, et notamment celles engageant un intervenant extérieur ou relevant d'un partenariat, sont honorées à la hauteur des engagements pris en novembre 2007. Il n'y aura donc pas d'annulation des projets qui auront été labellisés.

L'inspecteur d'académie de la Moselle a récemment écrit au secrétaire départemental du Snijipp afin de le rassurer sur le maintien de ces projets dans ces conditions.

Je tiens à vous rappeler les actions du ministre de l'éducation nationale tendant à favoriser les enseignements artistiques et culturels. L'une d'elle est l'accompagnement éducatif : à raison de deux heures par jour, quatre fois par semaine, il permet aux élèves volontaires de bénéficier de soutien scolaire, d'activités artistiques, culturelles et sportives. Ce dispositif bénéficie depuis le mois de novembre aux collégiens de l'éducation prioritaire et sera étendu à la rentrée à l'ensemble des collèges et des écoles primaires de l'éducation prioritaire. Cela permet de faire profiter d'activités culturelles et artistiques ceux qui n'y ont pas accès d'ordinaire.

M. Jean-Marc Todeschini. - Je prends acte que les projets engagés seront financés. On verra ce qu'il en sera.

Ces actions artistiques et culturelles ont une fonction essentielle. Il serait regrettable que ces projets soient remis en cause. Cette menace est révélatrice de la vision rétrograde qu'a le Gouvernement de l'école publique. On veut nous faire passer pour de bon sens des mesures qui ne font qu'accroître les inégalités.

Contrats d'accompagnement dans l'éducation nationale

M. Daniel Reiner. - J'attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le non-respect des engagements de son ministère dans la lutte contre le chômage, pris dans le cadre du plan de cohésion sociale, mis en place en 2005.

Le ministère de l'éducation nationale s'est vu attribuer quarante-cinq mille contrats afin d'apporter un renfort en personnel aux établissements d'enseignement. Or, les mesures prises, dans le cadre de la loi de finances 2008, réduisent de façon très significative le nombre de contrats dont peuvent bénéficier les établissements scolaires. En juin 2007, on dénombrait quarante mille contrats aidés dans les établissements scolaires, dont vingt mille contrats d'avenir, quatre mille contrats d'aide à l'emploi chargés d'accompagner les enfants handicapés et d'assister les directeurs d'écoles, et seize mille affectés à d'autres fonctions, qui vont de la documentation à l'encadrement d'activités culturelles, artistiques et sportives, en passant par des tâches administratives. Or, pour la fin 2008, il ne devrait rester que trente mille postes EVS dans les écoles, collèges, lycées.

En Meurthe-et-Moselle, le nombre d'EVS était en octobre 2007 de huit cent quatre bénéficiaires de contrats aidés. Doit-on craindre une baisse d'effectifs dans la même proportion ? Le travail qu'ils accomplissent est unanimement apprécié par la communauté éducative ainsi que par les parents d'élèves. Il conviendrait donc, comme le suggère un rapport, de pérenniser ces emplois reconnus utiles par tous et de mettre en place une formation véritablement adaptée, afin de permettre un accueil dans les meilleures conditions d'enfants handicapés et un accompagnement des équipes pédagogiques dans leurs activités.

J'ajoute que le volet formation lié aux contrats d'avenir et d'accompagnement vers l'emploi ne permet pas, dans sa forme actuelle, une véritable réinsertion en fin de contrat, ce qui est pourtant leur fonction.

Comment comptez-vous maintenir un service public de qualité dans tous les établissements scolaires et, notamment, en Meurthe-et-Moselle ? Et comment améliorer les contenus de la formation ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Au 1er janvier 2008, le ministère de l'éducation nationale employait 52 000 agents sous contrats aidés, dont 734 dans le département de Meurthe-et-Moselle. L'objectif est double : satisfaire des tâches indispensables au bon fonctionnement des établissements scolaires, et aider à l'insertion de personnes en difficulté d'accès à l'emploi. Les contrats de ces agents ont été renouvelés en totalité s'ils concernent l'accompagnement des élèves handicapés ou l'assistance administrative aux directeurs d'école, et pour moitié s'ils relèvent d'autres activités.

Sur ces 52 000 contrats, près de 12 000 concernent l'accompagnement des élèves handicapés, et plus de 20 000 l'assistance administrative. La formation des personnels a été renforcée en liaison avec le ministère de l'économie et les agences locales pour l'emploi, afin de mieux les accompagner vers un emploi durable. Une étude récente de la Dares montre que plus de la moitié des agents ont trouvé un emploi dans les mois suivant leur sortie du dispositif.

M. Daniel Reiner.  - Vos chiffres actualisés montrent que mon département est plutôt maltraité : alors que 52 000 agents sont employés au niveau national, au lieu des 40 000 annoncés, la Meurthe-et-Moselle passe de 804 à 734 postes ! Et la proportion d'agents qui y accompagnent des élèves handicapés est inférieure à la moyenne. Pourquoi une telle discordance ? Les personnels que j'ai reçus sont à la fois très motivés et très inquiets ; je doute que votre réponse les satisfasse. Le Gouvernement a pris des engagements pour améliorer l'accueil des enfants handicapés et alléger les tâches administratives des directeurs d'école. J'espère qu'il les tiendra.

Base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim

Mme Catherine Troendle.  - La base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim, située au coeur de l'Europe de la défense, a un intérêt stratégique et économique majeur pour l'Alsace. Lors du conseil des ministres décentralisé à Strasbourg en septembre dernier, le Président de la République avait dit veiller « à ce qu'une même circonscription ne soit pas impactée par toutes les réformes ». Or la septième circonscription du Haut-Rhin a déjà été touchée par la fermeture d'administrations et par une crise économique qui a conduit l'État à y mettre en place une cellule de revitalisation. Certains de mes collègues députés ont plaidé auprès du ministre de la défense pour l'implantation, au sein de la base 132, qui en a la capacité, d'une plate-forme multimodale.

Le maintien de la base, hautement symbolique, est soutenu par l'ensemble des élus et parlementaires alsaciens, dont le maire de Mulhouse, M. Bockel, membre du Gouvernement ; ceux qui appartiennent à la majorité présidentielle ont d'ailleurs adressé un courrier à M. le Président de la République pour attirer son attention sur ce dossier particulièrement sensible. Quelles réponses M. le ministre de la défense entend-il apporter ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.  - Je vous prie d'excuser M. Morin, retenu par d'autres obligations.

Le ministère de la défense est, comme les autres départements ministériels, engagé dans le processus de révision générale des politiques publiques initié par le Président de la République. Aussi engage-t-il une réforme ambitieuse pour adapter nos armées à leurs nouvelles missions.

Le Président de la République l'a dit à Cherbourg le 21 mars dernier, « nous sommes confrontés à des difficultés sérieuses de financement ; le modèle d'armée 2015 est obsolète et inatteignable ».

Nous devons donc retrouver au sein de la Défense des marges de manoeuvre pour assurer l'équipement de nos forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil. Notre organisation est trop dispersée et trop cloisonnée, ce qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité. Toutes les conséquences de la professionnalisation n'ont en réalité pas été tirées. Il nous faut orienter le financement disponible vers l'équipement des forces et obtenir un meilleur rendement du soutien. Densification des unités, mutualisation et interarmisation, tels sont les axes de la réforme des armées.

Il est exact que les services du ministère travaillent à un projet de réorganisation. Mais aucune décision n'est prise à ce jour, je vous le dis, madame Troendle, comme je le dis à tous les élus qui accueillent une implantation militaire sur leur circonscription, même si certaines orientations figurent dans des documents de travail. Comme le ministre de la défense l'a indiqué aux chefs de corps le 8 avril, les arbitrages seront rendus et communiqués à la fin du mois de juin prochain. Une proposition consolidée sera soumise au Premier ministre et au Président de la République dans les prochaines semaines. Pour chacune des implantations qui connaîtront une réduction d'effectifs ou une fermeture, les mesures d'accompagnement seront discutées avec les élus. La volonté du ministre de la défense est d'associer le Parlement et les élus à la mise en oeuvre de cette réforme essentielle pour la modernisation de notre outil de défense.

Mme Catherine Troendle.  - Vos propos me déçoivent. Il semble que M. le ministre de la défense n'ait pas mesuré l'importance stratégique pour l'Alsace de la base de Colmar-Meyenheim, que défendent, je le rappelle, l'ensemble des parlementaires alsaciens.

Archéologie préventive

M. Jacques Legendre.  - La loi du 1er août 2003, que j'ai eu l'honneur de rapporter ici, visait à remédier aux difficultés d'application sur le terrain de celle de janvier 2001, à la complexité des dispositifs de financement, à l'inadaptation des outils mis en place pour faire face à une activité par essence aléatoire. La loi de 2003 a permis de partager le monopole de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), en matière de diagnostics, avec les services agréés des collectivités territoriales et d'ouvrir les fouilles à la concurrence : ces opérations, prescrites par l'État et conduites sous son contrôle scientifique, peuvent désormais être réalisées par des opérateurs publics ou privés agréés, dans le cadre d'un contrat passé avec l'aménageur, qui devient le maître d'ouvrage pour la réalisation des fouilles et les finances. Cette plus grande souplesse avait précisément pour objectif de mieux maîtriser les délais et les coûts.

En dépit de ces évolutions, les collectivités locales restent trop souvent confrontées à de grandes difficultés, faute de trouver des organismes agréés susceptibles de conduire les fouilles dans des délais raisonnables.

Il n'est pas ici question de remettre en cause le bien-fondé du régime juridique de l'archéologie préventive, essentiel à la sauvegarde des « archives du sol », mais j'insiste sur la nécessité de trouver un équilibre entre cette exigence et celles de l'aménagement du territoire et du développement économique. Dans mon département du Nord, nous nous heurtons, pour faire face à des obligations légitimes, à l'indisponibilité des opérateurs, qui compromet la réalisation tout aussi légitime de programmes de construction dont nous attendons ressources et emplois nouveaux. Dans ma communauté d'agglomération, une prescription qui devait être menée à bien à l'automne 2007 ne pourra l'être avant le printemps 2009. C'est insupportable !

En dépit de l'augmentation de ses effectifs en 2007, l'Inrap ne parvient pas à accompagner l'augmentation des prescriptions liée aux nombreux projets de création de nouveaux parcs d'activités, d'où de fréquents reports de dates de démarrage de travaux, pouvant dépasser l'année. Parallèlement, la mise en place de services d'archéologie privés ou gérés par les collectivités locales est insuffisante. L'attractivité de nos zones d'activités risque de s'en trouver affectée, au profit, on peut le craindre, de zones situées de l'autre côté de la frontière : ce que l'on ne fait pas dans le Pas-de-Calais se fera en Belgique...

La réalisation prochaine du canal Seine-Escaut, entre Compiègne et Cambrai, qui entraînera nécessairement l'ouverture de nombreux chantiers de fouilles risque encore d'aggraver la situation.

Il semble donc nécessaire que les prescriptions de fouilles tiennent mieux compte de la capacité réelle à réaliser celles-ci dans un délai admissible, de six mois maximum. Il semble aussi nécessaire de mieux inciter les communautés d'agglomération, mais aussi les départements et les régions, à la création de services archéologiques.

Quelles mesures entendez-vous prendre, madame la ministre, pour répondre à cette situation de tension ? Il serait regrettable et injuste que l'inadaptation des outils de l'archéologie préventive, dont l'intérêt majeur est incontestable, fassent apparaître celle-ci comme un frein au développement économique.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Le principe de l'archéologie préventive, dont l'objectif est la sauvegarde de notre mémoire et de notre histoire communes, est désormais bien accepté, grâce notamment aux riches débats qui se sont tenus dans cette enceinte en 2001 et 2003, auxquels vous avez pris, monsieur le sénateur, une part active.

Le dispositif législatif adopté en 2001 et substantiellement amélioré en 2003 a déjà permis des découvertes archéologiques essentielles qui contribuent à l'avancement significatif de la connaissance de nos origines, ainsi que vous avez pu le constater à la lecture du rapport présenté par le Gouvernement au Parlement en février 2006.

Mieux concilier les impératifs, parfois contradictoires, de l'aménagement du territoire avec ceux de la recherche archéologique suppose d'agir simultanément sur deux leviers : augmenter la capacité d'intervention des équipes sur le terrain pour limiter les délais d'attente des aménageurs et réduire les interventions archéologiques.

Comme vous le soulignez, l'établissement public chargé de réaliser la majorité des interventions de terrain a vu ses effectifs renforcés ces dernières années. Le dispositif adopté en 2003 prévoit en outre que d'autres opérateurs puissent intervenir, afin d'assurer une réalisation plus rapide des fouilles. Les soixante-six opérateurs, dont quarante-huit collectivités territoriales et dix-huit entreprises privées, en capacité à ce jour de prendre en charge des opérations archéologiques préalables aux aménagements, ont permis de notables améliorations. Le rythme de création de ces structures n'est néanmoins pas satisfaisant, car de nombreuses collectivités hésitent encore à sauter le pas.

Quant aux prescriptions archéologiques émises par les préfectures de région sur les dossiers d'aménagement, mes services, conformément aux recommandations formulées en 2002 par M. Gaillard au nom votre commission des finances, veillent constamment à leur sélectivité. Seuls 6,6 % des dossiers d'aménagements instruits par les Drac font aujourd'hui l'objet d'une prescription archéologique, contre 13,8 % en 2002, alors que le nombre de dossiers instruit a presque doublé. Réduire encore ce taux exposerait les aménageurs à des découvertes fortuites en cours de travaux. Le diagnostic sert en effet à identifier le « risque » archéologique des aménagements et permet aux préfets de région de proposer aux aménageurs des modifications à leurs projets, pour, en évitant de porter atteinte aux vestiges, échapper aux coûts et délais inhérents à la fouille archéologique tout en participant à la sauvegarde de ce patrimoine pour les générations futures.

Si la situation globale reste encore tendue, les solutions locales existent et doivent être favorisées. J'ai donné instruction à mes services d'étudier au cas par cas, en liaison avec les aménageurs, leurs impératifs de calendrier, afin de fixer à l'Inrap les priorités de l'intervention de ses équipes, sous l'égide des préfets de région.

Enfin, la maîtrise des retards liés à l'archéologie peut bénéficier également des orientations prises par d'autres départements ministériels. L'objectif de la conservation du patrimoine archéologique n'est pas d'en entreprendre systématiquement la fouille mais d'en garantir la préservation. A cet égard, les récentes orientations prises par le Gouvernement, à la suite du Grenelle de l'environnement, qui visent à favoriser la concentration de l'habitat et à limiter la consommation des sols naturels ou agricoles, me paraissent très positives.

Je suis prête, monsieur le sénateur, à explorer les pistes que vous suggérez, sachant cependant que le nombre croissant de chantiers se heurtera toujours à un problème d'effectifs.

M. Jacques Legendre. - J'insiste sur la réalité du problème. J'ai cité un exemple, tiré de mon expérience. Je pourrais de même citer ce courrier de l'union des industries de carrières, qui fait état de retards récurrents allant jusqu'à entraîner une pénurie de matériaux de construction, préjudiciable à l'emploi. Je pourrais encore citer la directrice d'une communauté de communes du Pas-de-Calais, affirmant qu'elle n'est plus maîtresse des délais d'aménagement des zones d'activités, qui, en s'allongeant, retardent d'autant l'installation d'entreprises nouvelles. C'est une situation insupportable pour la population, tributaire de créations d'emplois qui risquent de se délocaliser.

Grâce à nos débats de 2001 et 2003, il n'est personne qui ne comprenne aujourd'hui l'importance de la préservation archéologique. Mais gardons-nous d'en faire une antinomie au développement économique.

Il est vrai que la situation s'est améliorée depuis 2003. Alors que certains poussaient alors les hauts cris contre l'autorisation donnée aux sociétés privées de mener des fouilles, force est de constater qu'il en est aujourd'hui de parfaitement compétentes. Bien qu'elles aient permis l'embauche de nombreux archéologues, ceux-ci restent cependant en nombre insuffisant. Pour m'être tourné vers la société Archéopole, je puis témoigner que malgré l'embauche de plusieurs dizaines d'archéologues, ses programmes sont déjà saturés. Il est donc vital de relancer les départements, les régions et les grandes intercommunalités afin qu'ils se dotent de services archéologiques de qualité. Les programmes de la communauté de Douai, que je connais bien, sont déjà saturés jusqu'en 2009, bien que le nombre de ses archéologues soit passé de dix à soixante-dix. Il est temps de prendre le problème à bras-le-corps et de placer les collectivités devant leurs responsabilités, pour éviter une situation intolérable qui verrait s'opposer développement économique et prévention archéologique. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christian Cambon. - Très bien !

M. le président. - Nos souscrivons tous aux propos de M. Legendre. Des chantiers énormes restent en plan. À Marseille, nous avons découvert cent cinquante tombes du Vème siècle autour de l'abbaye Saint-Victor. Personne ne veut payer pour les déplacer. Dans une tombe monumentale, on a fait des prélèvements sur les ossements. J'ai demandé à l'archevêque de s'assurer s'il s'agissait ou non de la tombe d'un saint. La réponse est tombée : non, ce n'est que celle d'un riche. Adoncque elle n'intéresse plus l'Église ! (Sourires) Nous voilà avec cent cinquante tombes que nous ne savons où abriter !

Assurance chômage des contrats d'accompagnement ou d'avenir

M. Philippe Richert.  - Les offices publics de l'habitat avaient été fortement incités, fin 2005, à souscrire des contrats d'accompagnement dans l'emploi ou d'avenir. L'accord passé le 6 octobre 2005 avec l'Assedic a permis aux organismes en auto-assurance d'assortir ces contrats d'une assurance chômage, moyennant une cotisation à un tarif spécifique, de moitié supérieur à celui des contrats de travail ordinaires. C'est ce qu'a fait l'Opus du Bas-Rhin. Or, le 28 décembre 2007, l'Assedic a dénoncé unilatéralement l'accord, avec effet au 1er janvier suivant. Quelle confiance avoir lorsqu'on a ainsi payé pendant un an à un tel tarif pour ne rien obtenir en retour ? C'est inacceptable !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services  - Vous avez raison de décrire une situation délicate. L'accord du 6 octobre 2005 a créé un régime particulier applicable aux contrats d'accompagnement vers l'emploi ou d'avenir passés par les organismes en auto-assurance : les bénéficiaires de ces contrats bénéficient de l'assurance chômage s'ils ont travaillé 365 jours pour les contrats d'accompagnement vers l'emploi ou 730 pour les contrats d'avenir. Cet accord, conclu jusqu'au 31 décembre 2007, a été agréé le 26 octobre 2005. Une fois l'échéance atteinte, ne bénéficient de l'assurance chômage que les titulaires de contrat remplissant les conditions au 31 décembre 2007. Pour les autres, c'est l'auto-assurance qui joue. Bien que cette condition ait été annoncée, de nombreux employeurs publics n'ont pas anticipé la non-reconduction de l'accord et se sont tournés vers les pouvoirs publics. C'est pourquoi j'ai officiellement saisi l'Unedic, seule compétente, qui examinera cette affaire à ma demande lors de son prochain bureau, la semaine prochaine, afin de trouver une solution satisfaisante.

Je partage votre sentiment, même si l'échéance avait été clairement annoncée. J'ajoute que les services de l'ANPE déploient tous leurs efforts pour proposer aux salariés concernés un emploi dans un secteur à fort potentiel de développement.

M. Philippe Richert.  - Merci de cette réponse précise et concrète !

Déductibilité des intérêts d'emprunts

M. Yves Détraigne.  - L'article 5 de la loi Tepa du 21 août 2007 a inséré dans l'article 200 quaterdecies du code général des impôts un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés pour l'acquisition ou la construction d'un logement affecté à la résidence principale. Or le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 août 2007, a rendu le dispositif applicable seulement à compter de la publication de la loi au Journal officiel. Il ressort cependant des déclarations de Mme Lagarde que le crédit d'impôt s'appliquerait à compter du 6 mai 2007, date de l'élection du Président de la République, car la part de rétroactivité entre cette date et le 22 août, jour de la publication, était compatible avec les exigences du Conseil constitutionnel. Comment, au regard des engagements du Président de la République, pensez-vous traiter les contribuables qui ont réalisé un emprunt entre le 6 mai et le 22 août 2007 ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services  - Conformément aux engagements du Président de la République, l'article 5 de la loi Tepa a mis en place un crédit d'impôt pour les personnes qui empruntent pour acquérir ou faire construire leur résidence principale. Vous avez rappelé la décision du Conseil constitutionnel en date du 16 août : le crédit d'impôt répond bien à un but d'intérêt général, mais cet avantage ne peut valoir pour des décisions déjà acquises. Le Gouvernement a pris acte de cette décision. Afin de ne pas remettre en cause l'équilibre financier des opérations et pour respecter les engagements du Président de la République, Mme Lagarde a indiqué dans un communique le 24 août que l'avantage s'appliquerait pour les contrats souscrits ou les chantiers de construction ouverts à partir du 6 mai : il est clair qu'il a alors un effet incitatif. Concrètement, les intérêts seront déductibles à hauteur de 40 % pour la première annuité et de 20 % pour les quatre suivantes. Une instruction administrative a été publiée au Bulletin officiel le 10 avril, que l'on peut lire sur le site internet www.impôts.gouv.fr.

Ce dispositif contribue puissamment au pouvoir d'achat de nos concitoyens et constitue un outil important de notre politique d'accession à la propriété pour tous les Français. Il concerne 700 000 foyers chaque année et représente la première année 3 400 euros pour un couple avec deux enfants.

S'il y avait une ambiguïté, l'instruction administrative l'a définitivement levée.

M. Yves Détraigne.  - Je vous remercie d'avoir levé les ambiguïtés et par oral et par cette instruction administrative grâce à laquelle tout le monde aura la même lecture du dispositif.

Règlement en espèces

M. Christian Cambon. - J'attire votre attention sur un problème auquel sont régulièrement confrontés les professionnels du marché de Rungis. Aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, les règlements qui excèdent 1 100 euros doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement. En 2005, des représentants du syndicat de la volaille et du gibier avaient exposé à votre administration leurs difficultés face aux nombreux incidents de paiement. Ils avaient obtenu l'assurance verbale que le professionnel pouvait exceptionnellement dépasser le plafond du paiement en espèces sans subir l'amende prévue, s'il justifiait de l'identité du commerçant concerné et des difficultés rencontrées.

Malheureusement, lors de ses contrôles, l'administration a toujours objecté qu'aucune instruction ne lui permettait de retirer les remboursements d'impayé de la base taxable des amendes. Il n'y a que quelques dizaines de cas par an, mais l'amende est de 5 % du montant de la facture, et peut atteindre un million. En outre, le seuil des 1 100 euros ne s'applique que pour les transactions sur les animaux vivants ou sur les produits d'abattage, ce qui crée une concurrence déloyale entre les différentes filières. Malgré la réglementation, ce seuil n'est jamais appliqué lorsque le client effectue des achats groupés dans un cash and carry.

Cette réglementation, qui vise à lutter contre le blanchiment, est-elle justifiée quand il s'agit de flux financiers complètement transparents entre clients et fournisseurs ? Ne pourrait-on autoriser le professionnel de bonne foi à dépasser le plafond du paiement en espèces ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - La législation actuelle en matière de paiement en espèces, qui vise à lutter tant contre la fraude fiscale que contre le blanchiment de capitaux, est en effet complexe : les articles L. 112-6 et L. 112-7 du code monétaire et financier interdisent d'effectuer en espèces certains paiements au-delà d'un montant fixé à 1 100 euros pour les commerçants, mais à 3 000 euros pour les particuliers... En outre, l'interdiction ne joue que pour certains biens et services, comme les produits de l'abattage, mais ne s'applique pas aux produits alimentaires d'origine non-animale, ce qui crée des inégalités entre les commerçants selon leur filière.

Plutôt que de proposer des tolérances administratives ou des interprétations contra legem du code, le Gouvernement envisage de réformer ces dispositions lors de la transposition de la troisième directive anti-blanchiment, en prévoyant un plafond de paiement en espèces unique applicable à toute créance. Ce plafond serait fixé par décret et aligné entre commerçants et particuliers, laissant ainsi aux professionnels davantage de liberté dans le choix de leurs moyens de paiement.

M. Christian Cambon. - Merci de votre réponse, et de vos engagements. Le paiement en espèces n'est pas une abomination ! Cette simplification administrative est dans l'intérêt des pratiques commerciales, notamment pour le pôle de Rungis, créateur d'emplois.

Marché des pièces de rechange automobile

M. Georges Mouly. - Dans son dernier numéro, le Monde de l'Automobile titre : « Pièces détachées : les tarifs explosent ! » : plus 40 à 60 % pour des pare-chocs arrières, plus 43 à 57 % pour certains éléments de carrosserie. Entre 2006 et 2007, le panier moyen a augmenté de 4,5 %.

La protection des dessins et modèles des pièces de rechange visibles destinées au marché de la réparation aboutit à un monopole du constructeur sur la vente de toutes les pièces visibles, qui se traduit par des prix excessifs. La libéralisation de ce marché captif ferait baisser les prix de 20 à 30 % et les primes d'assurance de 10 % -ce qui contribuerait à la restauration du pouvoir d'achat.

Une telle réforme dynamiserait le tissu des 45 000 PME de la filière de rechange indépendante, qui emploient 180 000 personnes, et favoriserait la libre concurrence dans l'entretien et la réparation. Le maintien de garages de proximité dans les zones rurales serait facilité, tout comme la fabrication de pièces de carrosserie en France et dans l'Union Européenne, rempart à la délocalisation et à la contrefaçon. Enfin, réparer des véhicules prématurément classés hors d'usage serait bénéfique sur le plan environnemental.

Face à ce monopole, plusieurs États européens ont d'ores et déjà adopté la « clause de réparation » libérant la fabrication et la commercialisation des pièces visibles. L'adoption de cette clause par la France et l'application du règlement 1400/2002 en matière de libre accès aux informations techniques aurait un impact économique et social sans remettre en cause les droits des constructeurs automobiles sur leurs véhicules neufs.

Le Gouvernement entend-il défendre une telle réforme, déjà appliquée chez nos voisins et sur laquelle le conseil des ministres européens doit se prononcer prochainement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - Nous devons concilier la protection de la propriété intellectuelle et celle des consommateurs. La directive du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique des dessins ou modèles concerne notamment les pièces extérieures utilisées pour la réparation, soit, pour les automobiles, l'ensemble constituant la carrosserie. La France et l'Allemagne ont maintenu des législations protégeant les dessins et modèles pour les pièces détachées de rechange, comme le permet la directive ; d'autres pays, parmi lesquels l'Espagne, l'Italie et le Royaume Uni, ont entièrement renoncé à cette protection.

Le projet de modification adopté par le collège des commissaires le 14 septembre 2004 prévoit une « clause de réparation » qui envisage la suppression de cette protection juridique. Les discussions préalables au vote du Conseil sont en cours. Le Parlement européen s'est quant à lui prononcé en faveur de l'abandon de la protection juridique à l'issue d'une période transitoire de cinq ans. Les autorités françaises souhaitent que l'on ne décourage pas les investissements de recherche consentis, notamment dans le secteur de l'automobile, pour améliorer les formes et la sécurité des produits.

J'ai défendu moi-même au nom du Gouvernement une loi sur la protection de la propriété intellectuelle, protection essentielle à l'innovation et au développement de l'emploi industriel. De plus, plusieurs études réalisées au Royaume-Uni, qui a supprimé toute protection des dessins ou modèles depuis vingt ans, montrent que le gain financier pour le consommateur est loin d'être avéré.

Pour toutes ces raisons, les autorités françaises ne sont, à ce jour, pas favorables au texte proposé par la Commission et cette position est partagée par plusieurs partenaires. Soucieuses de respecter un équilibre entre la nécessaire protection du droit de propriété et les impératifs de la concurrence, elles restent attentives aux propositions de compromis qui pourraient être présentées à l'occasion des discussions en cours.

M. Georges Mouly.  - Merci de cette réponse qui annonce une possible évolution dans notre pays.

Exonération de la taxe audiovisuelle

M. Jean Boyer.  - La loi de finances pour 2005, en adossant le recouvrement de la redevance audiovisuelle à celui de la taxe d'habitation, avait désavantagé des personnes jusqu'alors exonérées. Le législateur a donc adopté un dispositif transitoire, essentiellement pour les personnes âgées à revenus modestes, prolongeant l'exonération pendant trois ans. Ainsi, les personnes âgées de plus de 65 ans au 1er janvier 2004 ont pu, sous certaines conditions, conserver le bénéfice de ce dégrèvement. Pour l'année 2008, la loi de finances rectificative pour 2007 a confirmé le principe de ce dégrèvement, là encore sous certaines conditions. Au 15 octobre prochain, le Gouvernement doit remettre un rapport sur ce maintien pour les personnes qui en bénéficiaient avant la loi de finances pour 2005. Pour de nombreuses personnes ayant perdu toute mobilité et disposant de peu de moyens de locomotion, notamment en zone rurale, la télévision demeure souvent le seul lien avec le monde extérieur. C'est pourquoi je souhaite que le Gouvernement pérennise cette exonération.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - Cette mesure de simplification -inspirée d'un rapport de l'Assemblée nationale- a eu des effets positifs. Pour les personnes qui, du fait de cet alignement, perdaient le bénéfice de l'exonération, un dispositif de maintien des droits acquis a été institué pour 2005, 2006 et 2007. Alors qu'il devait s'éteindre à compter de 2008, deux nouvelles mesures auxquelles le Gouvernement a acquiescé ont été récemment adoptées. Tout d'abord, la loi de finances pour 2008 a pérennisé le dégrèvement dont pouvaient bénéficier, au titre du maintien des droits acquis, les foyers comptant à leur charge une personne infirme. Ensuite, la loi pour le pouvoir d'achat a également maintenu ce dispositif en 2008 pour les personnes âgées de plus de 65 ans, sous conditions de revenus.

Pour la suite, le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 15 octobre, un rapport sur le maintien des exonérations pour les personnes qui en bénéficiaient avant la loi de finances pour 2005, rapport actuellement préparé par la Direction générale des finances publiques.

Comme vous, le Gouvernement est conscient de l'ouverture sur le monde qu'apporte la télévision aux personnes âgées. La situation de ces personnes de condition modeste fera l'objet d'un examen attentif. Attendons le rapport. Nul doute que vos préoccupations seront prises en compte.

M. Jean Boyer.  - Je suis satisfait : il faut porter sur les personnes âgées un regard social et compréhensif.

M. René-Pierre Signé.  - Compassion, compassion !

M. le président.  - C'est un disciple de Marc Sangnier et du Sillon. Alors, monsieur Signé, ne vous étonnez pas.

Bassin d'emploi de Château-Chinon

M. René-Pierre Signé.  - Le bassin d'emploi de Château-Chinon, dans la Nièvre, a été durement touché en 2007 par la fermeture de DIM et la réduction d'activité partielle d'Aaron, entreprises qui, l'une et l'autre, se consacraient à des productions textiles. A cette douloureuse série s'ajoute la suppression du tribunal d'instance, déjà effective, alors que la création d'une maison de justice et du droit n'est pas acquise. Il y a trois jours encore, une entreprise sous-traitante de France Télécom, STC, a elle aussi déposé son bilan. S'ajoutent à cette triste liste, les menaces pesant sur l'EIAT (Établissement d'impression de l'armée de terre) et sur le service des Anciens Combattants traitant les dossiers des ressortissants résidant à l'étranger. Les risques de transfert sur d'autres sites sont réels, bien que M. le ministre de la défense ait laissé espérer que compte serait tenu de la fragilité de certaines régions et des secousses récentes qu'elles ont pu subir. Mais il n'y a sur ce point aucune confirmation.

Je souhaite donc vous alerter sur les risques que ces suppressions d'emploi en cascade font courir à cette région. Quelles solutions préconiser, en dehors de la mission Vivendi, qui n'est pas ciblée et s'applique très au-delà du secteur touché, et du contrat de développement territorial financé, en grande partie, par les collectivités territoriales ? Quant aux services publics -et en particulier l'EIAT, établissement le plus performant de France en regard du tonnage produit et qui emploie 70 personnes-, ils ne méritent pas d'être rayés d'un simple trait de plume sans en mesurer les conséquences économiques et sociales. Les régions déjà éprouvées doivent être ménagées et, par souci d'équité, quelques services publics doivent y être maintenus.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - Si le bassin d'emploi de Château-Chinon a été fragilisé par la fermeture de DIM et les suppressions d'emplois de l'entreprise Aaron, le diagnostic réalisé en 2007 par le service public de l'emploi local Nivernais-Morvan met en lumière certains atouts de ce bassin. Château-Chinon présentant au coeur du Morvan un attrait touristique, pour répondre à une offre d'emploi saisonnière dans l'hôtellerie-restauration -il n'y a pas que l'Hôtel du Vieux Morvan (sourires)-, les exploitations agricoles et forestières ou l'artisanat, un groupement d'employeurs multisectoriel a été créé le 16 octobre 2007. En février dernier, quinze employeurs y avaient adhéré et d'autres adhésions sont en cours.

Par ailleurs, une antenne de la maison départementale de l'emploi de la Nièvre a été créée à Château-Chinon, installée dans la Maison de la solidarité et inaugurée le 29 octobre 2007. Elle permet en particulier, sur un territoire qui en était jusqu'alors dépourvu, d'installer les services de l'ANPE et de l'Assedic, avec guichet unique, suivi des demandeurs d'emploi et accompagnement renforcé pour les publics les plus menacés d'exclusion grâce au recrutement de deux conseillers en place depuis octobre 2007.

La société DIM S.A a fermé son établissement de Château-Chinon, entraînant la disparition de 91 emplois. Une cellule de reclassement financée par l'entreprise aide au reclassement des ex-salariés. Le bâtiment industriel occupé par DIM a été racheté par la Communauté de communes du Haut-Morvan pour de nouvelles activités créatrices d'emploi. Une convention de revitalisation devrait être bientôt signée. La contribution de l'entreprise se situera entre 59 x 4 Smic -soit 296 010 euros- et 66 x 4 Smic -soit 33 1130 euros- afin de tenir compte des emplois à créer après reclassement des salariés licenciés. D'une durée de 24 mois pouvant être portée à 36, le projet de convention prévoit le versement de la contribution financière à un fonds d'intervention pour la revitalisation des territoires. Le périmètre de revitalisation vise notamment certains cantons prioritaires tels que Château-Chinon, Châtillon-en-Bazois, Moulins-Engilbert, Corbigny ou Montsauche-Ies-Settons.

Sur le même bassin, la société Aaron a supprimé 33 emplois et reste encore dans une situation fragile. Une cellule de reclassement a là aussi été mise en place mais la mauvaise situation financière de l'entreprise a interdit d'établir une convention de revitalisation.

Un contrat de développement du bassin d'emploi de Château-Chinon couvrant les cantons prioritaires -ceux touchés par la fermeture de DIM- et d'autres est sur le point d'être signé entre l'État, tous les niveaux de collectivités et le comité inter-consulaire. Le projet d'implantation d'une entreprise d'insertion dans le Nivernais-Morvan comporte le financement de dix postes d'insertion. Les signataires se fixent un objectif de revitalisation du bassin et la création de deux cents emplois au moins d'ici 2010. Les dotations proviendront de l'État, des fonds européens, du conseil régional de Bourgogne.

Quant à la mission que vous évoquiez, elle sera conduite par Sofirem et accompagnera la création d'emplois par des subventions, des prêts participatifs sans caution, etc. En trois ans, quatre-vingt dix emplois seront créés, dont quarante-huit assortis d'un accompagnement.

M. René-Pierre Signé. - Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement d'aider ce bassin d'emploi. Mais tout ce que vous venez de dire, je le sais déjà ! Ce sont des promesses, des espérances, qui ne se concrétisent pas. Nous restons dans le fictif. Or la France peut-elle tolérer de telles friches industrielles, sociales, culturelles ? En pourcentage de chômeurs par rapport à la population, le Morvan est parmi les plus touchés. Pourquoi l'État s'appuie-t-il si peu sur les collectivités rurales ? Le ministre, je l'ai dit, ne nous a jamais reçus !

Ne comptons pas sur les contrats territoriaux, qui ne sont pas spécifiques à notre région, pour sortir celle-ci de son marasme économique. L'État ne peut-il consacrer des subventions au réaménagement des locaux abandonnés, à la reprise et non seulement à la création d'entreprises ? Ne peut-il maintenir les services publics dans les villes qui ont le plus souffert des suppressions d'emplois ? On craint le départ de l'armée de terre, après la disparition du tribunal ; après, ce pourraient être la perception, la gendarmerie, la sous-préfecture... Et la France finira par se réduire à quelques zones urbaines entourées de régions dépeuplées.

Plus-values professionnelles

Mme Élisabeth Lamure. - La loi de finances pour 2006 a supprimé l'abattement de 20 % sur les plus-values professionnelles taxables à 16 % pour les entreprises individuelles -y compris les adhérents à un centre de gestion agréé ou une association de gestion agréée. Une série de mesures de compensation a été votée au même moment, notamment le nouveau barème de l'impôt, qui intègre les effets de l'abattement. Mais rien n'a été prévu pour les plus-values à long terme taxables à 16 %. Le Gouvernement envisage-t-il de réparer cette omission ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.  - L'intégration de l'abattement dans le barème de l'impôt s'est accompagnée, par souci d'équité, de mesures de correction pour les revenus qui ne bénéficiaient pas de cet avantage. Les bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition et qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou d'une association agréée, ont subi un coefficient correcteur, le fameux 1,25 qui a tant fait parler de lui !

Pour les plus-values à long terme imposées à 16 % et réalisées par des professionnels, adhérents ou non d'organismes agréés, aucun mécanisme correcteur n'a été apporté. Mais la loi de finances rectificative pour 2005 comportait une vaste réforme du régime des plus-values professionnelles, très favorable.

Toutes les plus-values des plus petites entreprises ont été exonérées. Celles sur la transmission d'une entreprise individuelle de moins de 300 000 euros l'ont été également -à l'exception des plus-values immobilières. L'exonération est partielle lorsque la valeur de l'entreprise se situe entre 300 000 et 500 000 euros. Ces dispositions s'appliquent également à la cession des droits ou parts détenus par un contribuable dans une société où il exerce son activité professionnelle.

Autre nouveauté, la plus-value de cession à titre onéreux d'une entreprise individuelle à l'occasion du départ à la retraite est exonérée d'impôt. Et un abattement -fonction de la durée de détention du bien- s'applique aux plus-values immobilières. Enfin, la loi de finances rectificative pour 2007 a créé un report d'imposition pour les apports de titres, par les titulaires de revenus professionnels, à une société soumise à un régime réel d'imposition.

Vous le voyez, des efforts considérables ont été entrepris en faveur des professionnels. Et ce n'est pas fini : le prochain projet de loi de modernisation de l'économie favorisera encore la transmission et la reprise.

Mme Élisabeth Lamure. - Tout cela compensera l'omission que j'ai évoquée. Nous y reviendrons lors de la discussion de ce projet de loi.

Logement social outre-mer

Mme Anne-Marie Payet. - Le logement social outre-mer connaît depuis quelques années une crise sans précédent. L'accès au logement devient inaccessible pour la majorité des foyers, alors que 80 % de la population relève du secteur social. Renchérissement du coût de la construction, forte augmentation de la charge foncière pour les collectivités, taux d'effort pour le maintien et l'accès des ménages modestes qui ne cesse de se dégrader... L'habitat indigne et précaire regagne du terrain. Comment dans ces conditions va-t-on mettre en oeuvre le droit au logement opposable ?

Selon l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM, il faut revaloriser la ligne budgétaire unique (LBU), dont la programmation doit être pluriannuelle, comme en métropole, afin de relancer les opérations de logement locatif social (LLS) et de logement locatif très social (LLTS) actuellement en panne. Il faudrait par ailleurs avoir recours à la défiscalisation pour accroître significativement l'offre locative sociale. Cet organisme insiste enfin sur la concertation nécessaire à la préparation du volet logement de la future loi-programme pour l'outre-mer, à laquelle il souhaite être associé. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette demande et à ses propositions ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.  - Le Gouvernement est conscient de cette problématique et la Conférence du logement social outre-mer en a étudié le dispositif dès 2007. S'agissant de la ligne budgétaire unique, la loi en préparation a opté pour une programmation pluriannuelle et les crédits augmentent en 2008 de 12 % par rapport à 2007. Une montée en puissance est prévue pour les années suivantes.

La loi-programme apportera en outre une petite révolution en étendant au logement social le principe de défiscalisation qui s'applique au logement libre. Nous devrions ainsi ajouter 100 millions en année pleine aux 250 millions de la ligne budgétaire unique. Ces mesures aideront à relancer la construction et la réhabilitation de logements. Il faut veiller à assurer des parcours résidentiels performants.

Pour ce qui concerne la concertation, je vous ai reçue récemment à ce sujet, madame Payet et ce matin, j'ai participé à une réunion avec les professionnels du logement social. Il s'agit de mobiliser le mieux possible les crédits de l'État dans le cadre de la loi-programme et de déterminer les raisons pour lesquelles on n'a pas construit jusqu'ici assez de logements sociaux. L'État y consacrera les moyens nécessaires, mais la mobilisation des collectivités locales doit être également effective, notamment pour ce qui est du foncier. Les plus beaux dispositifs législatifs ne serviront à rien sans terrain et sans maires constructeurs pour aider les plus démunis à se loger.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je suis très satisfaite de la réponse du ministre, qui fera plaisir aux professionnels du secteur, et surtout aux nombreuses personnes en attente d'un logement social.

Ce projet de loi pourrait en outre apporter une solution au problème de l'indivision qui touche l'outre-mer, et notamment la Réunion, juste après la Corse.

La séance est suspendue à midi trente-cinq.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 heures.