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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Rappels au règlement

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Enseignement scolaire

Interventions des rapporteurs

Interventions des orateurs

Questions et réponses

Examen des crédits

Saisine du Conseil constitutionnel

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Aide publique au développement

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Agriculture

Orateurs inscrits

Examen des crédits




SÉANCE

du mercredi 3 décembre 2008

34e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, Mme Sylvie Desmarescaux.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Rappels au règlement

M. Ivan Renar.  - Je veux dire à M. le ministre de l'éducation nationale notre émotion face à l'intrusion, au collège de Marciac, de gendarmes, accompagnés de chiens, qui n'ont pas hésité à pratiquer des fouilles au corps sur les jeunes élèves. Sachez qu'avec toute la communauté éducative, nous sommes viscéralement révulsés par de telles pratiques.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Ainsi que je l'ai dit hier au soir, je partage cette émotion. Les conventions existant entre les ministères de la justice, de l'intérieur et de l'éducation nationale auraient dû impliquer des discussions préalables. Elles n'ont pas été respectées. J'en suis d'autant plus navré que nos enseignants mettent en oeuvre, au quotidien, une pédagogie préventive.

M. Claude Domeizel.  - Mon rappel au règlement a le même objet. L'émotion est grande. Les méthodes employées n'ont rien, c'est le moins que l'on puisse dire, d'éducatif. Sans tenir de propos accusateurs à l'encontre de personne, le groupe socialiste aimerait savoir, dès que possible, ce qui s'est exactement passé.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je serai bientôt en mesure de vous répondre puisque j'ai demandé une enquête. L'inspecteur d'académie du Gers est à pied d'oeuvre. Si la gendarmerie est intervenue, c'est sur décision de justice. Je vous donnerai prochainement toutes les explications pour ce qui relève de ma responsabilité.

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009.

Enseignement scolaire

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Interventions des rapporteurs

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Sur un budget de quelque 60 milliards, le premier budget de l'État, la masse salariale représente 93 %, essentiellement consacrés à la rémunération des enseignants. Vous vous êtes efforcé, monsieur le ministre, d'adapter l'évolution des effectifs de votre ministère aux évolutions démographiques tout en maintenant une présence des enseignants face aux élèves à un niveau acceptable, qui nous situe toujours au-dessus des normes d'encadrement qui prévalent dans les grands pays de l'OCDE. Avec une réduction de 22 891 équivalents temps plein, nous passerons pour la première fois sous le million d'enseignants.

Si la commission des finances est sensible à cet effort, elle observe néanmoins que la masse salariale continue cependant de croître, de 1,5 %, en raison de l'augmentation des pensions de tous ceux qui quittent l'enseignement pour une retraite longue et heureuse... (Murmures sur les bancs socialistes)

Pour maintenir un niveau satisfaisant de présence devant les élèves, vous sédentarisez 3 000 des 11 576 emplois affectés aux Rased, les réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté. Cette décision, qui pose problème à nombre de nos collègues, méritera d'être mieux expliquée. Vous créez une agence des remplacements pour optimiser l'affectation des 24 000 postes de remplaçants : la commission des finances y est sensible. Vous limitez les mises à disposition : les enseignants sont là pour enseigner, en particulier en période de pénurie. Vous limitez le nombre d'enseignants sans élèves, problème récurrent, dont nous savons que la résolution progresse mais sur lequel nous aimerions avoir des éléments quantifiés.

Mais le moyen que vous privilégiez pour assurer un niveau adéquat de présence face aux élèves est le recours aux heures supplémentaires, qui représenteront, avec une dotation de 1,2 milliard, 3,3 % de la masse salariale, qui doivent du même coup améliorer le pouvoir d'achat de ceux des enseignants qui travaillent plus... Sont également concernés près de 100 000 postes dédiés à l'accueil des handicapés et aux fonctions de soutien. La formule, même si la charge est significative pour le budget de l'État, nous semble adaptée aux besoins des établissements scolaires, des élèves et formatrice pour les étudiants se destinant à la carrière d'enseignant.

Pour l'enseignement privé, vous retenez le principe de la parité, qui ne satisfait certes pas aux voeux des enseignants concernés mais dont les contraintes du temps ne permettent pas de s'écarter.

Vous vous efforcez, dans l'emploi des moyens, de jouer la qualité. Je suis sensible, en particulier, à la création de 300 postes d'infirmiers, lesquels assurent dans les établissements, au-delà des soins, un accompagnement psychologique que les parents que nous sommes savent précieux. (M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis, le confirme) Vous choisissez de même de créer des postes dans les zones économiquement et socialement en difficulté, ce qui constitue une réponse courageuse au problème de la carte scolaire. Vous étant rendu au principe de son assouplissement, qui a certes produit des déplacements sans empêcher néanmoins que soient satisfaites la plupart des demandes, vous choisissez de ne pas affaiblir les établissements les moins demandés, pour leur permettre de renouer, grâce à un meilleur taux d'encadrement, avec la qualité.

La réussite de la décentralisation des Atos, dont un pourcentage significatif a préféré l'employeur de proximité en choisissant le statut départemental ou régional répond aux inquiétudes qu'avaient exprimées certains après la loi du 13 août 2004.

L'évolution des effectifs ne vous a donc pas empêché d'assouplir la carte scolaire sans conflit majeur et d'améliorer l'accueil des élèves handicapés même si, en cette matière, la situation, tendue, appelle une attention de tous les instants.

Je reviens au problème des Rased, dont près d'un quart des enseignants sont sédentarisés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir plus de précisions sur cette évolution, pertinente, mais qui mérite, pour être comprise, d'être mieux expliquée ? Il semble que sur un établissement scolaire de 125 élèves, soit cinq classes, le soutien nomade permet de suivre sept élèves.

Avec la formule proposée, on passera à 36 élèves ! Les cas les plus lourds seront suivis par des psychologues ; l'évolution quantitative ne doit donc pas masquer les améliorations qualitatives.

La commission des finances note que les réformes engagées dans l'éducation nationale, pour être parfaitement justifiées, sont difficiles à suivre du fait qu'annoncées en cours d'année, elles ne sont pas assorties d'évaluation budgétaire ni de critères de performance.

Nous attendons toujours, presque désespérément, le décret nécessaire à l'installation des établissements publics d'enseignement primaire. Je crains, monsieur le  ministre, que vous ne soyez bientôt devancé par la proposition de loi déposée par nos collègues députés Apparu, Reiss et Geoffroy. Quelles sont vos intentions ?

Dans l'enseignement du second degré, les crédits de remplacement d'enseignants absents augmentent de 35 %, mais les crédits consacrés à la formation des enseignants chutent de 27 %. Cela laisse perplexe...

On doit se féliciter des heures de soutien même si cela est difficile à gérer en zone rurale avec les contraintes du transport scolaire.

Pour mémoire je rappelle que nous débattrons le 10 décembre de la proposition de Jean-Claude Carle tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent les élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Il semble que nous allions vers un consensus.

Enfin, nous devons constater que le ministère de l'agriculture participe de manière équivoque aux dépenses de l'enseignement agricole. Faute de rattraper sur son propre budget le retard pris en ce domaine, M. Barnier compte sur le Parlement pour ponctionner vos crédits : nous ne sommes pas dupes !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Très bien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Un amendement de Mme Férat nous permettra d'en débattre, j'espère en présence de votre collègue de l'agriculture. Le Parlement n'a pas à trancher ce qui relève de l'arbitrage gouvernemental, surtout que votre budget n'est pas indéfiniment extensible ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Très bien !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Je ne partage pas les objectifs du Gouvernement ni l'avis de la commission sur ce budget. Le malaise est profond dans la communauté éducative, ce budget répond à une logique seulement comptable, rivée à la diminution des dépenses. La suppression des postes se poursuit : 13 500 l'an prochain, après 11 000 cette année, 40 000 en trois ans. Cette politique consistant à tailler dans les effectifs est catastrophique, elle fragilise les élèves qui sont à la traîne. Des classes sont surchargées, d'autres ferment, la petite section de l'école maternelle est remise en cause : l'éducation est devenue une variable d'ajustement budgétaire. Le Gouvernement prétend aider les élèves avec deux heures de soutien hebdomadaires, mais cela ne compensera pas la suppression du samedi matin ni l'aide personnalisée aux élèves en difficulté ! Le démantèlement des Rased aura des conséquences désastreuses pour les élèves en échec scolaire. Dans ces réseaux, les enseignants travaillent en équipe, ils peuvent sortir de la classe ; vous leur enjoignez de faire du soutien scolaire, mais en restant dans la classe et sans recourir à d'autres professionnels !

M. Guy Fischer.  - Exactement !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.  - Ce n'est pas comme cela que vous allez atteindre l'objectif de diviser par trois l'échec scolaire. En fait, vous abandonnez à leur sort les élèves que vous jugez « irrécupérables » : les enseignants et les parents ne l'acceptent pas, ils manifestent aujourd'hui devant le Sénat ! (Applaudissements sur les bancs CRC) Les collectivités locales en ont également assez, elles ne peuvent plus supporter l'effort que l'État les oblige à consentir !

Le Président de la République a dit que les enseignants qui manifestent ne se rendent pas compte de la gravité de la crise, mais c'est le contraire : ils savent trop bien dans quel monde nous vivons ! Les Français les soutiennent à 70 % !

M. Pierre Martin.  - Ils peuvent se tromper !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.  - Les Français disposent d'un grand service public de l'éducation, il doit être une priorité budgétaire ! Au lieu de quoi, le Gouvernement le sacrifie. L'école devrait viser la réussite de tous, cela exige de remplacer les enseignants absents, de recruter, de former les personnels qui manquent, des surveillants, des médecins, des infirmiers scolaires, mais aussi de scolariser les élèves handicapés, d'étendre l'obligation scolaire de 3 ans à 18 ans, et encore de renforcer les sciences sociales à l'école, de soutenir la recherche sur l'éducation et d'assurer une véritable gratuité de l'école ! Tout cela demande un engagement financier important, mais la part de PIB que notre pays consacre à l'éducation n'a pas évolué depuis 30 ans ! La France a pourtant les moyens d'une telle ambition : les bénéfices des entreprises du CAC 40 représentent le double du budget de l'éducation nationale !

En temps de crise, les Français recherchent des valeurs sûres : le service public en est une ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - (Applaudissements à droite.) Permettez-moi de souhaiter bonne fête au ministre, car c'est aujourd'hui la Saint Xavier. (Applaudissements à droite et au centre)

Une fois de plus, le projet de loi de finances place l'école en tête des priorités nationales, envoyant ainsi un signal très clair à l'ensemble de la communauté : demain comme aujourd'hui, la Nation donne à l'école ce dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, avec une priorité pour ceux qui en ont le plus besoin.

Ainsi, la mission « Enseignement scolaire » franchira la barre des 60 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Même additionnées, les trois grandes missions « Sécurité », « Défense » et « Écologie » ne peuvent égaler l'effort de la Nation pour son école !

C'est donc un honneur pour moi de rapporter cette priorité absolue. C'est aussi une lourde tâche, puisqu'elle était exercée avec brio par M. Philippe Richert, un orfèvre en la matière. Pour l'accomplir au mieux, j'ai associé à ma réflexion l'ensemble de la communauté éducative, qui repose à mes yeux sur les quatre piliers consacrés par la loi Fillon sur l'école : le personnel, les familles, les collectivités territoriales et le monde socioéconomique. Je souhaite aujourd'hui me faire le porte-parole de ses partenaires, dont les observations m'ont éclairé.

Trois mots résument mes réflexions : investissements, évaluation, partenariat. Ce sont les trois clés de l'avenir pour notre école.

Trop longtemps, nous sommes restés prisonniers d'un vain combat opposant ceux qui voulaient augmenter les moyens sans rien réformer à ceux qui ne cherchaient que des économies, parfois excessives. Grâce à vous, monsieur le ministre, une troisième voie apparaît, respectant les besoins du système éducatif et soucieuse du meilleur usage des moyens attribués par la Nation. Cette troisième voie est dessinée par la logique d'investissement, car investir consiste à fournir un effort supplémentaire aujourd'hui pour en tirer les fruits demain. Elle mise sur le savoir, ce bien que le partage fait grandir. Comme Henri Nayem, président de l'Association nationale des élus de montagne (Anem), je vois sans l'école « un acte de foi, d'espérance et d'engagement ».

Investir permet d'enrichir l'offre éducative à moyens presque inchangés. Investir, c'est accepter de consacrer la somme vertigineuse de 60 milliards d'euros aux politiques éducatives, vecteurs d'intégration républicaine, de promotion sociale et d'épanouissement individuel, en sachant que nous sommes obligés par l'ampleur même du montant. Car la communauté nationale ne peut dépenser de telles sommes sans exiger d'en connaître les résultats, tout simplement pour améliorer l'efficacité de son action.

Sans évaluation, pas d'investissement. Le consensus règne sur ce point.

Des progrès remarquables ont déjà été accomplis en ce domaine. Dès votre arrivée, vous avez associé des objectifs chiffrés à chacune de vos réformes, elles-mêmes découlant de constats objectifs et précis. Ainsi, la refondation de l'école primaire est entièrement assise sur les enquêtes du Programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls), sur celles conduites dans le cadre du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) et sur le rapport particulièrement complet du Haut conseil de l'éducation.

Cet effort d'évaluation doit encore être accentué, puisque les documents budgétaires laissent certaines questions dans le flou. Il n'est de bonne évaluation sans données précises et stables portant sur le passé et le présent, et permettant de fixer des objectifs pour l'avenir. De même, le calibrage budgétaire est un exercice difficile, mais la précision des estimations a une importance décisive.

Sans évaluation, il ne peut y avoir de certitude partagée. Claire et transparente, elle doit donc être effectuée par une autorité qui ne soit ni juge, ni partie. Dans ces conditions, elle est une des clés du partenariat que j'appelle de mes voeux et que vous pratiquez à un niveau inégalé : jamais autant de chantiers n'avaient été ouverts simultanément, jamais ils n'ont été conduits avec autant de volonté, jamais leur conception n'a été aussi ouverte, puisque pas une seule de vos actions n'a été engagée sans qu'un syndicat au moins ne vous accompagne.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ce n'est pas assez.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.  - Ce constat est significatif, car c'est en avançant avec ceux qui sont prêts à le faire, que le visage de l'école se transformera.

J'en suis convaincu : des partenariats peuvent être noués avec toute la communauté éducative, que j'ai tenu à recevoir.

Le personnel enseignant veut que soit reconnu le travail au service des élèves. Vous avez témoigné de cette reconnaissance avec la revalorisation du métier d'enseignant et le protocole d'accord sur le métier d'inspecteurs. Ainsi, 188 millions d'euros seront consacrés dès 2009 aux mesures catégorielles, outre les crédits d'heures supplémentaires, qui porteront le total des revalorisations à plus de 300 millions d'euros.

Les agents médico-sociaux sont indispensables à la réussite de tous les élèves. Face aux difficultés de recrutement, ne serait-il temps de nouer des conventions avec le secteur libéral pour apporter effectivement aux élèves l'aide à laquelle ils ont droit ? (Murmures improbateurs sur les bancs socialistes)

A propos de personnel, une question inquiète beaucoup les mères ayant eu plus de trois enfants, car elles craignent pour les conditions de leur départ à la retraite. Pouvez-vous les rassurer ?

Le partenariat pourrait lier plus étroitement l'école aux familles, les principales bénéficiaires des réformes engagées, particulièrement les plus modestes, car elles ne pouvaient offrir à leurs enfants des cours de soutien, des stages de langue ni les activités culturelles et sportives dont bénéficient les autres élèves. Avec l'accompagnement éducatif et les stages offerts gratuitement à tous les niveaux, ces inégalités inacceptables seront réduites, ce dont nous nous réjouissons. Pourtant, les familles peinent parfois à saisir l'articulation des dispositifs. Un travail d'explication doit donc être accompli.

Les familles qui scolarisent leurs enfants dans le secteur privé sous contrat supportent la charge financière des engagements que l'État prend, mais qu'il ne tient pas. Toute revalorisation devrait donc faire l'objet d'un lissage systématique, a fortiori lorsqu'elle intervient à la suite d'un accord. Je pense en particulier à la revalorisation du forfait élève.

Les collectivités territoriales sont au coeur du partenariat, puisqu'elles sont désormais le second partenaire financier de l'école, avec 22 % de la dépense publique d'éducation. Il faut donc les associer de manière privilégiée aux réformes. J'estime opportun de formaliser la concertation informelle engagée. La création d'un comité consultatif de suivi des réformes permettrait aux collectivités territoriales de faire des propositions pratiques pour leur mise en oeuvre.

Enfin, la culture du partenariat doit inclure le monde socioéconomique. A cet égard, la réforme du baccalauréat professionnel est une bonne chose, car elle élèvera la qualification des diplômés. Toutefois, on pourrait amplifier ce partenariat, notamment au niveau régional. Pour que les Plans régionaux de développement des formations (Prof) deviennent le support privilégié de l'action commune, il ne reste qu'à leur donner valeur d'engagement. Je souhaite vivement que la réforme de la formation professionnelle, voulue par Président de la République, concerne à la fois la formation continue et la formation initiale.

Tous ces partenariats permettront de conduire à terme, dans les meilleures conditions, les réformes extrêmement ambitieuses que vous avez engagées.

Désormais, l'école offre à chaque élève un accompagnement individualisé, synonyme de réussite. Il est donc logique de réaffecter devant les élèves une partie des maîtres des Réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased), afin qu'ils puissent faire bénéficier de leur expérience les élèves et leurs collègues.

Ce budget de réforme est marqué par le double souci de mieux utiliser l'argent public, dans une administration qui n'a pas toujours été exemplaire sur ce point, et de rendre à l'école sa vocation républicaine de promotion sociale. Ainsi, le non-renouvellement de 13 500 postes n'affectera pas le nombre d'enseignants présents devant les élèves, car il est obtenu par l'optimisation des remplacements et des mises à disposition.

C'est pourquoi la commission des affaires culturelles est favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous la seule réserve de rééquilibrer les crédits de l'enseignement agricole. M. Barnier est particulièrement attaché à cette filière qui, offrant souvent une voie de réussite aux jeunes en situation d'échec scolaire, répond le mieux aux besoins de la profession et à la diversité du territoire et doit être soutenue par des crédits réels, ni gelés ni affectés ailleurs en cours d'année. En la matière, je sais pouvoir compter sur vos engagements ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - La commission des affaires culturelles me confie depuis huit ans l'examen du budget de l'enseignement agricole, mais je n'ai jamais éprouvé de déception aussi forte ! L'an dernier, j'avais constaté que les moyens attribués à cette filière étaient extrêmement limités, mais que des engagements avaient été pris pour 2009. Aujourd'hui, le souffle est bien là, sous forme d'un cinquième schéma des formations -en cours de préparation- qui devrait donner un nouvel élan, mais les moyens font défaut. Pour la communauté éducative de l'éducation agricole, c'est une immense déception. Pour la première fois, ceux qui font vivre cette exception remarquable sont au bord du découragement, voire du renoncement, car le projet budgétaire ne permettra même pas de conserver l'offre éducative.

Des suppressions massives de classes sont prévisibles et elles pourraient atteindre l'année prochaine 60 à 80 classes.

Pourtant, en apparence, ce budget peut paraître satisfaisant : il progresse de 0,64 % quand d'autres régressent ; il intègre quelques avancées, comme le recrutement d'auxiliaires de vie scolaire pour accueillir plus de jeunes handicapés ; il prévoit le recrutement centralisé de 50 contractuels pour les remplacements de courte durée dans le public. Mais en réalité, ce budget n'est pas soutenable. Un seul chiffre le démontre, la masse salariale hors contribution de pension régresse de 1,60 %. L'enseignement agricole est clairement entré en récession. Krach, devrais-je dire : en deux ans, les moyens humains de l'enseignement public de l'enseignement agricole ont baissé de 6,01 %. La raison en est simple : comme tous les ministères, celui de l'agriculture doit appliquer la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Mécaniquement, celle-ci conduit à des coupes claires.

La maîtrise de la dépense publique est un impératif et nous ne pouvions accumuler les dettes. Mais l'effort de maîtrise ne peut être aveugle. L'enseignement agricole ne faisait pas partie des services publics où les gains de productivité potentiels étaient les plus grands. Il s'agit d'un service public rural, mis en oeuvre dans des lycées où règne un esprit particulier ainsi que dans des établissements privés qui, depuis des années, prélèvent sur leurs propres trésoreries, c'est-à-dire sur les familles, les crédits qui leur manquent. Ces familles sont souvent celles d'élèves boursiers : c'est le cas de plus d'un élève sur trois dans l'enseignement agricole.

Dans l'enseignement privé qui, pour des raisons historiques, est très présent dans l'enseignement agricole, les établissements du temps plein n'ont toujours pas obtenu de l'État qu'il respecte ses engagements. Outre les salaires des enseignants, qu'il prend à sa charge, l'État leur verse une subvention de fonctionnement calculée sur la base des dépenses de fonctionnement des lycées agricoles publics. Tous les cinq ans, le coût de l'élève dans le public doit donc être réactualisé, afin de revaloriser en conséquence la subvention. Mais tous les cinq ans, cette actualisation devient une épopée. L'enquête n'est pas menée ; lorsqu'elle l'est, sa prise en compte devient un véritable feuilleton.

Une enquête a été réalisée en 2006 ; ses résultats ont été publiés en 2007. Ils auraient dû être pris en compte en 2008 mais le ministère s'y est refusé tout en promettant de le faire en 2009. Tel n'est évidemment pas le cas et la première tranche de crédits de paiement est prévue pour 2010, le reste étant versé en 2011 puis en 2012. En 2012, donc, la subvention de fonctionnement sera calquée sur ce qu'elle était en 2006 dans le public !

Après deux années de négociations infructueuses, les établissements du temps plein ont engagé une action contentieuse. Les règles fixées par le code rural sont très claires, l'État sera condamné. Pour l'éviter, il lui aurait suffi de verser la première tranche de la revalorisation dès 2009 et de l'achever en 2011. Je m'interroge sur les raisons qui ont conduit le ministre du budget à refuser une mesure qui aurait évité à l'État une condamnation.

Quant à l'enseignement dit du rythme approprié, c'est-à-dire en alternance, sa situation n'est qu'en apparence plus avantageuse : la subvention de fonctionnement versée en temps a fait l'objet d'un rattrapage de 19 millions étalé sur quatre ans, dont la dernière tranche est versée cette année. En échange de ce rattrapage, les établissements ont été contraints de déclarer des effectifs d'élèves accueillis inférieurs à ce qu'ils sont en réalité et à prendre à leur charge l'éventuel différentiel. Bon gré, mal gré, la subvention du rythme approprié a néanmoins progressé depuis trois ans. Il faut dire qu'elle partait de très loin.

Les chiffres inscrits en loi de finances sont bien différents des sommes effectivement versées. Entre les deux, le gel budgétaire fait des ravages et il affecte particulièrement l'enseignement agricole privé : les subventions qui lui sont versées n'étant pas des dépenses dites de titre 2, c'est-à-dire de personnel, elles subissent un taux de mise en réserve de 10 % pour le rythme approprié et de 20 % pour le temps plein ; en cours d'année, le ministère de l'agriculture doit faire face à diverses calamités agricoles qui justifient moult plans d'actions et d'urgence, financés par voie d'annulation de crédits sur les autres lignes du ministère. Que fait Bercy lorsqu'il doit annuler des crédits ? Il prend les crédits gelés en début d'année et les supprime définitivement. Du coup, les subventions au privé sont rabotées chaque année et les reports de charge se multiplient.

Résultat, l'effet de la mise à niveau de la subvention du temps approprié sur quatre années est annulé. Cette revalorisation équivaut en effet à 20 millions versés sur quatre ans et, chaque année, entre 20 et 25 millions ne sont pas versés au rythme approprié pour cause de gels, puis d'annulations. Au total, ces annulations pourraient atteindre 58,52 millions, dont 46 concernent les subventions versées à l'enseignement privé.

Voilà qui n'est pas de bonne gestion. Il est temps de remettre à niveau l'enseignement agricole. Toutes ses composantes souffrent ; toutes doivent être aidées pour retrouver un nouveau souffle. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission des affaires culturelles un amendement qu'elle a adopté à l'unanimité. Pour remettre à niveau les crédits de l'enseignement agricole, il lui attribue les 51 millions dont il a besoin pour annuler l'effet des suppressions d'emplois dans un enseignement public, désormais exsangue ; tenir les engagements que l'État a pris vis-à-vis des établissements du temps plein ; combler le déficit qu'a creusé dans la trésorerie des établissements du rythme approprié le découvert sans frais que l'État s'est autorisé via les reports de charges. Compte tenu de l'article 40, cette remise à niveau doit se faire par prélèvement sur le budget de l'éducation nationale. Il ne représentera pas grand-chose pour elle : 0,08 % de ses crédits.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Un millier d'emplois.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.  - Il y a, sinon dans les structures du moins dans les faits, une vraie complémentarité entre les deux formes d'enseignement. L'enseignement agricole assure une indiscutable mission de remédiation, il remet sur pied des élèves que l'éducation nationale n'a pas su faire progresser. Pour un tiers d'entre eux, ces élèves sont boursiers. L'insertion des diplômés de l'enseignement agricole est remarquable : le taux moyen d'insertion à sept mois des diplômés de l'enseignement agricole est supérieur de près de 9 % à celui des élèves formés dans les établissements classiques.

En cohérence avec la logique de la Lolf, qui est une logique de résultats, il nous revient de revenir sur les arbitrages gouvernementaux lorsque ceux-ci sont manifestement erronés, en donnant aujourd'hui à la complémentarité existant entre ces deux formes d'enseignement le visage de la solidarité. La gestion budgétaire du programme devra changer ; l'amendement que je vous propose aujourd'hui est bien pour solde de tout compte. C'est la dernière fois que je vous propose d'intervenir sur le budget de l'enseignement agricole.

Au ministre de l'agriculture, j'adresse donc au nom de la commission un message tout à fait explicite : il vous reviendra à l'avenir de faire les arbitrages budgétaires nécessaires à la survie de l'enseignement agricole. La commission souhaite que vous preniez des engagements clairs à ce sujet.

Au vu de ces éléments, vous comprendrez donc que j'aie recommandé à la commission des affaires culturelles de donner un avis défavorable à l'adoption en l'état des crédits de la mission. Celle-ci m'a fait l'honneur de me suivre à l'unanimité et a subordonné tout avis favorable à l'adoption de cet amendement. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - L'enseignement professionnel est sous les feux de l'actualité avec la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans. S'il n'y avait que la notoriété soudaine dont il fait désormais l'objet, la généralisation serait une excellente nouvelle pour l'enseignement professionnel. Je salue, monsieur le ministre, l'intérêt que vous témoignez à cette forme d'enseignement. Trop souvent, la voie professionnelle est restée au deuxième plan, faute d'une dignité suffisante aux yeux de l'opinion.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est vrai.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.  - Mes réserves ne tiennent pas à l'existence du Bac pro en trois ans, mais aux risques que fait courir sa généralisation. Pour certains élèves, ce sera un parcours de réussite mais les expérimentations montrent que la grande majorité d'entre eux ne sont pas capables de suivre un tel cursus : près de 50 % des lycéens concernés ne parviennent pas jusqu'au diplôme et sortent sans aucune qualification.

C'est au demeurant logique. Les élèves qui fréquentent l'enseignement professionnel ont souvent connu des difficultés scolaires ; il faut leur laisser le temps de reprendre confiance et de construire de nouveaux parcours de réussite. C'est pourquoi l'enseignement professionnel était jusqu'ici caractérisé par une grande diversité : le CAP se préparait en une, deux ou trois années ; le BEP pouvait être passé la même année que le CAP ; les cursus de BEP et de Bac pro pouvaient être fondus en des parcours de trois ans. C'est cette diversité qui est menacée par la généralisation.

En réponse aux inquiétudes, vous avez souhaité maintenir le BEP, qui sera passé en fin de deuxième année, afin de garantir à tout élève l'obtention d'une qualification minimale. Mais ce BEP qui sera une forme de Bac-1 perdra la reconnaissance qui était la sienne jusqu'ici, bien plus forte qu'on ne le croit généralement. A la différence du CAP, le BEP était tout à la fois un diplôme propédeutique et une qualification professionnelle. Certains secteurs sont donc restés très friands du CAP et méfiants à l'endroit du BEP, et pourtant l'insertion des titulaires d'un BEP est meilleure que celle des titulaires d'un CAP.

Cette généralisation hâtive m'inquiète d'autant plus que l'expérimentation n'a jamais été conduite dans l'optique d'une généralisation. C'est d'ailleurs pour cela que ni les référentiels, ni les programmes des nouveaux baccalauréats professionnels ne sont encore prêts.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ils le sont.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.  - Pour que cette généralisation ne pénalise pas les élèves, je ne vois qu'une solution : mettre fin à l'orientation par l'échec qui fait de l'enseignement professionnel une voie de remédiation tout autant que de qualification.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est vrai.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.  - Car le mal vient de loin : c'est au collège que se construit l'échec scolaire. Les élèves à qui l'enseignement général ne convient pas sont orientés vers la voie professionnelle.

Le « parcours de découverte des métiers et des formations », dont vous aviez annoncé la création l'an passé, devait permettre de dissiper les préjugés qui alimentent l'orientation par l'échec. Hélas !, cet ambitieux projet a fait long feu. La circulaire prévoit désormais que l'élève visite un seul établissement sur les trois prévus -lycée général et technologique, lycée professionnel et CFA-, ce qui confortera le règne de l'entre soi, tandis que les contacts avec les professionnels, qui devaient initialement être réguliers, se réduisent à dix journées en quatre ans. Là encore, la découverte n'aura pas lieu.

Pourtant, quand de plus en plus d'étudiants se découvrent une vocation pour un autre métier que celui auquel ils se destinaient, l'école devrait être ce lieu où l'on ouvre les esprits, où le fils d'ouvrier peut ne pas s'imaginer ouvrier et le fils de cadre, cadre. Or la mission d'orientation, qui est confiée à l'ensemble de la communauté éducative d'après le code de l'éducation, est assumée par les seuls conseillers d'orientation-psychologue, qui ne sont que 5 000 environ pour plus de 7 000 établissements du second degré. Je propose donc que l'on attribue à chaque élève un adulte référent...

M. Xavier Darcos, ministre.  - Oups !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.  - ... qui l'aiderait à s'orienter et serait formé à cette tâche. Vous donneriez ainsi un peu de chair au discours sur « l'éducation à l'orientation ». Enfin, une dernière suggestion : continuer à recruter des conseillers d'orientation-psychologue pour coordonner ces adultes référents et prolonger leur action, en cas de besoin, par une rencontre avec l'élève et gérer des banques de stage, proposés par les familles, pour que le stage de troisième, qui se limite souvent à un stage de confort avec les parents ou amis de la famille, devienne un véritable moment de découverte.

Monsieur le ministre, en accordant ainsi à l'orientation une véritable priorité, vous pourriez mettre fin à l'orientation par l'échec. Pour cela, des moyens sont nécessaires, mais ils font défaut à l'enseignement professionnel dans ce budget 2009, contrairement au lycée général et technologique qui serait, selon vous, relativement préservé. Je ne voterai donc pas, à titre personnel, les crédits de cette mission, auxquels la commission a donné un avis favorable, sous réserve de l'adoption d'un amendement rééquilibrant les crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements à gauche)

Interventions des orateurs

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il ressort, si je puis dire, du décryptage de ce budget, dont dépend l'avenir de milliers d'élèves, une terrible impression d'insincérité que l'on ne peut taire tant, monsieur le ministre, vous vous êtes employé à déconstruire notre système public de l'éducation depuis deux ans.

M. Xavier Darcos, ministre.  - N'exagérerons rien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La communauté éducative ne s'y est pas trompée, en se mobilisant en force le 20 novembre dernier.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Comme tous les ans...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Vous mettez en avant l'existence de « nouveaux services » aux élèves et aux familles, mais sont-ils financés quand les crédits de l'action « Accueil et service aux élèves », qui regroupe cet effort de l'État, ne représentent plus que 0,7 % du programme « Vie de l'élève », contre 20,3 % l'année dernière. Quand vous aurez terminé de vider les établissements du secondaire de tous les surveillants, conseillers principaux d'éducation et conseillers d'orientation-psychologue, sans parler des infirmières, dont le recrutement pose problème, les enseignants devront-ils assumer toutes ces tâches ? (On ironise à droite)

Un mot sur l'accueil des élèves handicapés dont vous prétendez accroître l'accueil.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Parfaitement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les chiffres montrent que l'école, dans le premier degré, a accueilli moins de 1 401 élèves handicapés que l'an passé.

M. Xavier Darcos, ministre.  - D'où sortent ces chiffres ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les enseignants seraient mieux payés et mieux formés. Mieux payés ? A condition d'accepter les heures supplémentaires au financement duquel vous consacrez près de 1 milliard sans que cette politique ait été évaluée. Mieux formés ? Les crédits de formation sont en baisse. En deux ans, pas moins de 3 670 postes de stagiaires ont été supprimés dans le premier degré, la disparition des IUFM est programmée au profit de la « mastérisation ». En clair, les enseignants se formeront directement sur le terrain. (M. Xavier Darcos, ministre, s'exclame)

Je m'interroge également sur les suppressions de postes : aux 35 000 postes détruits depuis 2003 s'ajouteront 11 200 suppressions cette année et 13 500 en 2009. Vous en justifiez une partie par la baisse programmée du nombre d'élèves dans le secondaire, mais les collèges accueilleront 8 000 élèves de plus en 2009 et la hausse continue des effectifs dans le primaire depuis 2004 laisse présager que cette augmentation se poursuivra. Comment seront accueillis ces futurs collégiens et lycéens ? Avec la suppression de plus de 3 000 postes d'enseignants stagiaires en deux ans dans le secondaire et le non-remplacement des départs en retraite, le taux d'encadrement pourra-t-il être assuré ? La question mérite d'être posée d'autant que, pour la première fois en 2009, la hausse des effectifs dans le primaire se traduit par une baisse des postes : 5 500 postes de moins dans le primaire pour 14 000 élèves en plus.

Parallèlement, votre schéma d'emplois mentionne la création à titre provisionnel de 500 postes administratifs pour accompagner la création des futurs établissements publics du premier degré. Mais la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale n'a pas été votée ! A l'inverse, vous justifiez la suppression de 500 postes administratifs par les économies liées à l'installation du logiciel Chorus, mais Bercy ne prévoit pas son déploiement dans votre ministère en 2009 ! Avec cette logique, on comprend mieux pourquoi vous sédentarisez 3 000 postes de Rased, soit exactement le nombre de départs en retraite non remplacés en 2009. Comment expliquer cette décision, sinon par ce tour de passe-passe ? Le manque de performance du Rased ? L'action de ce réseau n'a pas été évaluée, au niveau national, depuis 1996. La mise en place des deux heures d'aide personnalisée ? Mais le Rased assurait une aide spécialisée aux élèves confrontés à une difficulté globale et durable, fort différente de l'aide personnalisée que vous mettez en place. D'où la forte mobilisation des enseignants et des parents d'élèves, j'y reviendrai. Quant à l'aide personnalisée, il faudra évaluer son efficacité et ses conséquences sur l'organisation du temps scolaire par la suppression du samedi, ce qui revient à allonger les journées de classe, désormais réduites à quatre. Certes, rien n'a été imposé en la matière, mais la rapidité avec laquelle cette mesure a été mise en oeuvre a pris de court les enseignants et les collectivités locales.

J'en viens à l'évaluation tant vantée, mais si discrète dans votre budget. Les outils d'évaluation que vous avez créés en CE1 et CM2 connaîtront-ils le même sort que les indicateurs qui devaient évaluer en fin de troisième la maîtrise du socle commun institué par la loi Fillon ? Cette année encore, ils ne sont quasiment pas renseignés. Les résultats de ces évaluations seront-ils rendus publics ? Tout cela doit être clarifié d'autant qu'une étude, non publiée, réalisée en 2007 par votre ministère sur la suppression de la carte scolaire souligne le risque accru de ghettoïsation de certains établissements.

S'agissant de l'école maternelle, parce qu'elle est un lieu d'apprentissage où l'on peut repérer les premières difficultés, je vous demande à nouveau de la rendre obligatoire dès 3 ans et de ne pas refuser les enfants de 2 ans.

Décidément, monsieur le ministre, ce budget montre combien réduction des moyens est inconciliable avec maintien d'un véritable service public de l'éducation laïque, publique et gratuite. Oui, le système éducatif a besoin de réformes, mais de réformes discutées et acceptées par tous. La communauté éducative se mobilise depuis deux ans, mais non, comme vous le prétendez, pour défendre le statu quo ou parce qu'elle baignerait dans une « culture de la grève » (M. Xavier Darcos, ministre, ironise)

Vous disqualifiez la parole des enseignants, des parents et des lycéens. Des réformes similaires rencontrent également une vive protestation en Italie, où les universités sont occupées par les étudiants.

Le service minimum s'est révélé impossible à mettre en place, faute de moyens humains. Aujourd'hui des communes se retrouvent assignées en référé par les préfets devant les tribunaux administratifs...

Monsieur le ministre, la communauté éducative n'a pas besoin que vous lanciez des appels d'offre pour la surveiller. Elle a besoin d'être écoutée, entendue et associée à la réforme de notre système éducatif, dans le but d'assurer la réussite de tous les élèves et de lutter contre la fatalité de l'échec et la reproduction des inégalités.

Loin de nous en tenir à la seule question des effectifs, nous proposons un ensemble de mesures visant à permettre à tous les jeunes d'acquérir une culture commune scolaire de haut niveau, comme la création immédiate d'observatoires des scolarités et d'un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires, le développement de la recherche pédagogique et la rénovation du recrutement et de la formation professionnelle des personnels.

Le groupe CRC-SPG votera donc contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot.  - Ce projet de budget illustre la priorité donnée par le Gouvernement à l'enseignement scolaire. Avec 60 milliards d'euros de crédits en 2009, c'est le premier budget de l'État. Le ministère poursuit les réformes ambitieuses voulues par le Président de la République pour répondre à l'urgence de la situation et aux attentes des Français qui, viscéralement attachés à l'éducation nationale, socle de notre pacte républicain, se lamentent depuis de nombreuses années de voir l'école incapable de se moderniser. (Marques d'approbation au banc des commissions)

Les résultats de notre système éducatif ne sont plus satisfaisants, au regard de l'investissement budgétaire de la Nation et des efforts du corps enseignant. On évalue à 15 % la proportion des élèves qui entrent en collège sans maîtriser la lecture, l'écriture ou le calcul : c'est inacceptable. (Même mouvement)

La réforme de l'école primaire vise à diminuer par trois le nombre d'élèves en grande difficulté. De nouveaux programmes plus clairs et recentrés sur les apprentissages fondamentaux ont été mis en place ; les élèves en difficulté seront mieux pris en charge grâce aux deux heures dégagées par la suppression des cours le samedi matin.

Ce budget illustre également les efforts déployés pour aider les enfants issus de familles modestes. Il concrétise l'objectif d'égalité des chances par un engagement financier marqué en faveur de l'éducation prioritaire. Les stages gratuits de remise à niveau pendant les vacances rencontrent un véritable succès ; le programme de réussite éducative s'ajoute aux autres dispositifs.

Je salue également les mesures destinées à moderniser l'enseignement secondaire : mise en oeuvre sur trois ans de la réforme du lycée d'enseignement général, poursuite de la rénovation de la voie professionnelle, avec la généralisation prochaine du baccalauréat professionnel en trois ans. Pourquoi réformer le lycée, qui a permis à des millions de Français d'accéder au baccalauréat et aux études supérieures ? Les Français peuvent être fiers de leur lycée...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.  - Très bien !

Mme Colette Mélot.  - ... mais celui-ci a dû accueillir des élèves toujours plus nombreux et divers. Il ne doit pas demeurer figé dans son modèle actuel, mais franchir une nouvelle étape pour s'adapter à la société du XXIe siècle. Votre réforme, monsieur le ministre, permettra de mieux préparer les élèves aux études supérieures et de mieux les orienter.

La nouvelle classe de seconde mise en place à la rentrée 2009 se caractérisera par une meilleure organisation du temps scolaire dans l'année et dans la semaine. L'année scolaire comportera deux semestres et quatre rendez-vous annuels avec l'élève au lieu de trois aujourd'hui : deux conseils de mi-semestre et deux conseils de fin de semestre, où il sera notamment question d'orientation. Cette nouvelle organisation s'accompagnera d'un soutien scolaire adapté, d'une aide méthodologique, d'un conseil d'orientation, d'un travail interdisciplinaire et, pour ceux qui le souhaitent, d'un travail d'expertise. La nouvelle semaine scolaire comportera trois grands ensembles : vingt-et-une heures d'enseignements généraux de tronc commun, six heures d'enseignements complémentaires sous forme de modules, et trois heures d'accompagnement personnalisé.

Pour mettre fin aux polémiques, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur les répercussions budgétaires de cette réforme et sur le niveau d'encadrement des classes par le personnel enseignant et non enseignant. Pourriez-vous également nous éclairer sur le « droit au changement » des élèves de seconde, s'il s'avère qu'ils se sont trompés dans leur choix ? Comment pourront-ils rattraper les matières qu'ils n'auront pas étudiées au premier semestre ?

Ce budget participe d'une politique de réforme et de modernisation de l'éducation nationale, qui bénéficiera à toute la communauté éducative, élèves, familles et enseignants. Vous pouvez compter sur le soutien du groupe UMP.(Applaudissements à droite ainsi qu'au banc des commissions)

M. Alain Vasselle.  - Monsieur le ministre, mon collègue M. Carle vous a souhaité une bonne fête, mais en tant que ministre de l'éducation nationale, vous êtes tous les jours à la fête !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ah ça oui !

M. Alain Vasselle.  - Les enseignants s'en chargent... Mais nous sommes à vos côtés pour vous aider.

Je voudrais d'abord vous interroger sur les expérimentations menées pour enseigner les langues étrangères dès la maternelle. La structure intercommunale que je préside a signé une convention tripartite à ce sujet avec le conseil général et le ministère. Ce dispositif sera-t-il pérennisé ? Continuerez-vous à employer préférablement pour ces enseignements des locuteurs natifs, ce qui augmente les chances de réussite ? Avez-vous procédé à une évaluation de ces expérimentations, et comptez-vous les généraliser ? Enfin, pourquoi ne privilégiez-vous pas l'apprentissage de l'anglais, considéré par beaucoup de nos concitoyens, peut-être à tort, comme la langue universelle ?

En ce qui concerne le service minimum dans les écoles, votre recteur a été quelque peu malmené lors du Congrès des maires de France...

M. Xavier Darcos, ministre.  - Il y a eu des échanges depuis.

M. Alain Vasselle.  - Il nous a d'ailleurs affirmé que vous étiez en conseil des ministres à trois heures de l'après-midi, et en même temps que vous étiez à Bruxelles, ce qui a été assez mal reçu...

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'étais au conseil des ministres européen !

M. Alain Vasselle.  - Ah ! Je comprends mieux. J'ai déjà suggéré que l'on adopte pour le service minimum à l'école le même dispositif que dans les transports. On me répond que les situations sont différentes, que dans les transports le service est assuré, tandis qu'à l'école ce n'est qu'une garde... Mais les enseignants ne pourraient-ils pas garder eux-mêmes les enfants, sans faire cours ? (Protestations et sarcasmes à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous allez lui causer des ennuis supplémentaires !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Un accueil sans enseignement, ce serait une bonne solution.

M. Alain Vasselle.  - Cela faciliterait la tâche des maires ; mais je reconnais que ce n'est pas facile à mettre en place.

En tant que président de l'association des maires de mon département, j'ai eu vent des difficultés rencontrées par les élus.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Elles sont réelles.

M. Claude Domeizel.  - Nous les avions prévues dès le début !

M. Alain Vasselle.  - J'en ai fait part à M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France. Le délai de 48 heures pour organiser l'accueil est bien trop court, surtout dans les petites communes rurales qui ne sont pas dotées d'une permanence quotidienne leur permettant de recevoir en temps utile les courriels de l'inspecteur d'académie. L'établissement des listes de volontaires pose de nombreux problèmes. Les assistants d'éducation prétendent que leur statut ne leur permet pas d'assurer la garde des enfants : il faudrait lever cette ambiguïté au plus vite. Les agents territoriaux se déclarent incompétents, et ne peuvent être requis que par le préfet. Que doit-on faire en cas de grève généralisée ?

M. Serge Lagauche.  - Nous avions bien prédit ces difficultés !

M. Alain Vasselle.  - Le problème se pose aussi de la responsabilité pénale des maires, au cas où ils auraient confié les enfants à des personnes non qualifiées.

M. Claude Domeizel.  - Pourquoi donc avez-vous voté la loi ?

M. Alain Vasselle.  - Il faut également s'assurer de la neutralité financière de cette mesure. On pourrait s'inspirer du dispositif que M. Pélissard a demandé à Mme Alliot-Marie d'instaurer pour le passeport biométrique.

Pourquoi ne pas en faire autant afin d'assurer la neutralité financière du service minimum ?

Je ne parlerai pas des Rased et des élèves en difficulté car vous saurez nous apporter les apaisements nécessaires. (On applaudit joyeusement sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Françoise Laborde.  - N'est-ce pas un tableau bien sombre que vous brossez avec ce projet de budget ? Socle républicain et pari d'avenir, l'enseignement scolaire doit pourtant préparer nos enfants à relever les défis de la connaissance et de l'information. L'éducation nationale constitue l'un des derniers services publics régaliens, l'ultime garant d'un égal accès des enfants sur tout le territoire à un socle commun de connaissances qui en fasse des citoyens avisés, capables, quelle que soit leur origine sociale, de s'assumer financièrement et de résister aux sirènes de la société de consommation.

Trop de réformes tue la réforme... Après la suppression de la carte scolaire et le vote de l'article 89, après la réforme des lycées et celle des IUFM, voici celles des recrutements, de l'accueil des jeunes enfants et la sédentarisation de 3 000 Rased. Comment réussir ce tour de force sans y mettre ni les formes, ni les moyens ?

Avec le service minimum, vous remettez en cause d'un même élan le droit de grève et la sécurité des élèves, puisqu'aucune garantie n'est plus exigée sur la compétence des agents qui se substitueront aux grévistes. Or, avec l'article 89, vous transférez des charges nouvelles aux collectivités, comme ce sera sans doute encore le cas pour l'accueil des jeunes enfants. Quelles seront les conséquences de cette remise en cause des fondements de notre système éducatif et que deviendra notre école laïque, elle qui doit aplanir les différences et non pas les exacerber ? Je m'associe à l'inquiétude unanime que suscite l'absence d'évaluation de tels choix.

La réforme des lycées paraît justifiée par le taux d'échec en premier cycle universitaire. Le choix de modules disciplinaires peut sembler opportun à condition que l'éventail en reste ouvert, que la logique d'entreprise n'empêche pas les arts, les langues et la philosophie de vivre, et que les enseignants soient formés. Mais pourquoi si vite et avez-vous évalué l'incidence de la réforme ? Les bons élèves en tireront parti, mais qu'adviendra-t-il des autres ?

S'agissant de l'enseignement professionnel, le Bac pro en trois ans peut susciter des vocations grâce à un parcours de qualité mais quid des élèves en grande difficulté s'ils ne peuvent espérer à mi-chemin un CAP ou un BEP ? Il faut davantage de passerelles et de la souplesse dans l'orientation des élèves. Enfin une campagne d'information sur ses débouchés changerait l'image de l'enseignement professionnel.

Sur ce modèle pédagogique qu'est l'enseignement agricole, je rejoins Mme Férat pour inviter le ministère de l'agriculture à abonder vos dotations.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est le contraire.

Mme Françoise Laborde.  - Une pédagogie de qualité a un coût !

Je ne peux passer sous silence les nombreuses suppressions de poste : est-il raisonnable de les justifier par une vision partielle de la démographie ? L'augmentation des effectifs du primaire ne se répercutera-t-elle pas dans le secondaire ? Pourquoi alors stopper les concours de recrutement dans certaines disciplines et supprimer 1 500 postes mis à disposition d'associations d'éducation populaire qui accomplissent un travail de proximité auprès des familles en difficulté ? Vous voulez que le financement de ces associations réponde à une logique de projets mais n'est-ce pas déjà le cas depuis 2007 ?

Le soutien scolaire ne saurait remplacer les Rased et les 3 000 enseignants sédentarisés ne pourront servir de référents au sein d'une équipe pédagogique. Leurs classes auront-elles des effectifs réduits, avez-vous prévu des classes ghettos de 28 élèves en difficulté et comment justifier de les affecter dans des classes standard ? L'État aura-t-il investi à fonds perdus pour les former et qui s'occupera des enfants en difficulté et avec quelle vision globale ? Vous confirmez votre choix d'une école à plusieurs vitesses.

Avec M. Fortassin, les membres du RDSE partagent ces interrogations. Si nous rêvons d'un projet ambitieux, rien ne nous oblige à légiférer dans la précipitation et mon groupe conditionnera son vote à une évaluation régulière pour le bien des élèves et en concertation. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste)

M. Serge Lagauche.  - Je ne peux passer en revue les différentes lignes de votre budget mais j'évoquerai votre conception de l'éducation, sur laquelle le Parlement a peu d'occasions de se prononcer.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est bien dommage !

M. Serge Lagauche.  - Nous le ressentons sur le terrain, la communauté éducative a dépassé le stade de l'inquiétude : elle est écrasée par tout ce qui lui tombe sur la tête et souffre du climat malsain que développe votre gestion. A une approche comptable, vous ajoutez en effet la défiance et le mépris pour des enseignants attaqués dans leur identité professionnelle. Vous les noyez dans un flot de déclarations tapageuses et de réformes sectorielles qui divisent la communauté éducative. Même le rapporteur spécial de la commission des finances s'y perd : la multiplication des annonces nuit au bon suivi du premier poste de l'État. Ces mesures, annoncées en cours d'année, ne sont pas présentées dans les projets annuels de performances, observe-t-il, et leur impact reste mal connu.

Vous ne pourrez vous dispenser de dialoguer, monsieur le ministre. Il a fallu une forte mobilisation le 20 novembre pour que vous acceptiez de recevoir les syndicats mais n'est-il pas plus simple d'écouter que de dépenser 200 000 euros pour la veille d'opinion, ce qui sera perçu comme une provocation supplémentaire ?

Le soutien individualisé devient moins l'axe central de votre politique qu'il ne vous sert de paravent. Vous faites mine de vous mobiliser pour les élèves en difficulté, mais vous vous gardez bien de questionner les apprentissages. Votre politique comptable atteint son paroxysme avec la sédentarisation de 3 000 maîtres des Rased, qui provoque une forte mobilisation. Vous faites croire qu'ils seraient plus efficaces mais quel soutien individualisé apporteront-ils dans une classe de 30 élèves et quel appui prêteront-ils à leurs collègues ? Les Rased ont réalisé un bilan afin d'optimiser leur expérience mais vous préférez les casser et cela continuera en 2010 et 2011 jusqu'à la suppression des 8 000 postes en Rased.

Cette politique comptable ne serait qu'une erreur si elle ne se doublait d'une faute politique. Déjà, dans les écoles franciliennes qui comportent une forte proportion d'enfants non francophones, les deux heures hebdomadaires d'accompagnement ne seront pas pris en charge par les Rased. L'un remplace l'autre, comme si on pouvait faire rentrer difficultés scolaires et échec dans le même moule. Le soutien scolaire individualisé n'est pourtant pas de même nature que la remédiation de l'échec, qui appelle une prise en charge globale et pluridisciplinaire. Ne laissez pas, monsieur le ministre, au bord du chemin les élèves en situation d'échec : ils ont besoin de se réapproprier l'école pour rentrer dans les apprentissages. Oui, ce serait une grave faute politique que de tout miser sur les élèves en difficulté et de renforcer le refus de l'école chez ceux qui sont le plus éloignés des apprentissages, et tout cela pour afficher de meilleurs chiffres et justifier ainsi votre gestion ! Et tant pis pour les autres, ce seront les victimes collatérales du quantifiable. Ce faisant, c'est la conception même de l'école républicaine, fondée sur la possibilité d'éduquer chacun, qui est remise en cause. La faute politique est là.

Vous cassez également les fondements de la réflexion pédagogique et de l'adaptation des pratiques éducatives à des situations d'apprentissage de plus en plus complexes. C'est le retour au seul face-à-face enseignant-enseigné, la fin du traitement collectif de la grande difficulté scolaire. Quel soutien pour les enseignants démunis face à des situations difficiles ? Ce qui se profile, c'est un véritable gâchis de compétence. Votre politique tourne les dos à la généralisation des bonnes pratiques.

Nous avions déjà la journée scolaire la plus longue du monde : 5 h 30 de temps pédagogique. Aucun enfant d'école primaire ne peut rester aussi longtemps attentif. Et vous l'augmentez encore, en affectant les heures supprimées le samedi sur les quatre jours restants, pour le soutien scolaire. Si l'objectif avait été l'intérêt des enfants, la priorité n'aurait pas été donnée à la réorganisation de la semaine mais à celle de la journée scolaire. La première heure à 8 h 30, la mi-journée et le temps post-scolaire après 16 h 30 sont les périodes de la journée les moins propices à la pédagogie. Ce sont sur ces deux dernières plages horaires pourtant qu'est majoritairement organisé le soutien scolaire.

L'école maternelle fait l'objet depuis quelques mois d'une offensive généralisée de la part de la majorité gouvernementale. Le rapport Tabarot a lancé l'idée de jardins d'éveils pour les 2-3 ans dans les structures existantes et les écoles maternelles, avec tarification en fonction des revenus, considérés comme la première étape de la mise en oeuvre du droit de garde opposable à partir de 2012.

Ensuite il y a eu vos propos outrageants, monsieur le ministre, sur la préscolarisation, l'utilisation orientée du rapport de la Cour des comptes par Gérard Longuet, le rapport de nos collègues Monique Papon et Pierre Martin plaidant pour un nouveau service public d'accueil des jeunes enfants, dans la droite ligne du rapport Tabarot., et tout cela sans aucun bilan sérieux sur les classes accueillant les moins de 3 ans, les dispositifs passerelles impulsés sous le gouvernement Jospin. Les enseignants se demandent à quoi vous préparez l'opinion publique avec ces attaques tous azimuts contre la maternelle ?

La formation des enseignants aussi passe à la moulinette de votre obsession réformatrice. Il existe un consensus sur les améliorations indispensables à la formation initiale actuelle : la formation pratique, l'exigence accrue de professionnalisation, de mises en situation. Et voilà que le Gouvernement supprime l'année de professionnalisation ! Les futurs enseignants ont besoin de plus de confrontations entre le savoir et la formation professionnelle, d'allers-retours progressifs tout au long de leur parcours universitaire : stages d'observation, de pratiques accompagnées puis en responsabilité. Or le plus grand flou règne. La charte signée avec les présidents d'université et les directeurs d'IUFM mentionne la possibilité de stages comme dans tout master alors que Valérie Pécresse, devant la commission des affaires culturelles, a envisagé une formation en alternance. Qu'en est-il en réalité ? A nouveau, vous vous êtes engagé de manière précipitée, et en dehors de toute concertation, sur un sujet capital pour l'avenir du pays, pour aboutir à des solutions bancales, voire contre-productives. La formation des enseignants doit être conçue comme un continuum entre formations initiale et continue.

Le temps me manque mais vous l'aurez compris, le groupe socialiste votera résolument contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire », parce qu'ils portent une vision de l'école que nous refusons. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ce budget traduit les priorités du Gouvernement pour l'éducation, dans un contexte de réformes qui répondent à deux priorités : l'amélioration des résultats de notre système éducatif et la mise en place de dispositifs nouveaux pour combattre l'échec scolaire. La stabilité budgétaire de cette mission, qui demeure le premier budget de l'État, dans un contexte de difficile maîtrise des comptes publics, traduit l'importance que notre pays accorde à l'école dont les dépenses sont un investissement pour l'avenir. Cet effort financier préserve le taux d'encadrement, compte tenu de la baisse des effectifs scolaires. Le face-à-face pédagogique progressera même dans l'enseignement primaire grâce à l'ouverture de 500 classes supplémentaires. On ne saurait appliquer au système éducatif une logique purement comptable au moment où on fait une priorité de la lutte contre l'échec scolaire.

La sédentarisation de 3 000 des 11 000 enseignants des Réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté fait craindre l'affaiblissement de ces équipes qui porterait un grave préjudice aux élèves en grande difficulté. Les Rased fournissent une aide spécialisée à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes. J'ai bien entendu les arguments avancés en commission : les nouveaux dispositifs de soutien scolaire mis en place à l'école primaire, l'inadaptation de l'action des Rased ou le recentrage de leur action sur les zones difficiles. Les inquiétudes demeurent, notamment parce qu'aucun bilan de leur action n'a précédé cette décision. Et surtout parce que ces enseignants sont spécialisés dans le repérage et le traitement des difficultés scolaires, lesquelles ne sont pas uniquement concentrées sur certaines écoles. Leur mission est utile pour des enfants aux difficultés scolaires beaucoup plus profondes que de simples difficultés d'apprentissage et qui ne peuvent être traitées par des enseignants sans formation spécifique.

Le nombre de réformes annoncées ou mises en oeuvre en 2008 est élevé, ce qui peut donner le tournis aux enseignants, aux parents et même aux élus. La concertation et la pédagogie sont nécessaires pour faire comprendre et accepter ces réformes. La réforme des Iycées paraît bonne parce qu'elle. recentre les enseignements sur les connaissances fondamentales. Mais les enseignants et les parents s'inquiètent de ses modalités de mise en oeuvre dès la rentrée prochaine.

Des mesures de revalorisation du métier enseignant sont inscrites dans ce budget. Les débuts de carrière sont difficiles ; les 1 500 euros de prime d'entrée dans le métier sont donc bienvenus, comme l'annonce d'un prêt immobilier à taux zéro dont bénéficieraient les professeurs qui obtiennent une mutation et la prime spéciale de 500 euros pour les enseignants qui assurent au moins trois heures supplémentaires hebdomadaires dans l'enseignement secondaire. Cette revalorisation financière favorise une meilleure reconnaissance sociale des enseignants.

Les collectivités locales ont du mal à appliquer les décisions du ministère : suppression de l'école le samedi matin et service minimum d'accueil en cas de grève. Nous avions insisté sur les difficultés juridiques et pratiques de cette mesure, annoncée dans la précipitation. Les maires revendiquent plus de souplesse dans sa mise en place. Ils ont du mal à accepter ce dégagement de la responsabilité de l'État sur les communes. Nous vous demandions de prendre en compte la situation des petites communes qui n'ont pas le personnel qualifié nécessaire pour assurer ce service. Dans son discours au Congrès des maires, le Président de la République a annoncé de possibles assouplissements. Il a ainsi répondu aux interrogations des maires choqués de voir leurs collègues traînés devant les tribunaux par les préfets non parce qu'ils ne veulent pas appliquer la loi mais parce qu'ils ne le peuvent pas. Le groupe centriste attend donc avec impatience et sera attentif aux aménagements de la loi que vous proposez pour les communes rurales. Pouvez-vous déjà nous indiquer les pistes sur lesquelles vous travaillez ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - En écho à vos préoccupations sur le secteur de l'enseignement agricole dont j'ai la responsabilité...

M. René-Pierre Signé.  - L'enseignement agricole qui devrait être rattaché à l'éducation nationale...

M. Michel Barnier, ministre.  - ... je dirai tout d'abord que l'un des fondements de notre modèle agricole durable réside bien dans l'intelligence, l'ouverture et la modernité de notre enseignement agricole, dont le budget représente aujourd'hui 25 % des crédits du ministère de l'agriculture, contre un peu moins de 17,8 % en 2006. J'ai constamment soutenu la place de cette mission dans mes crédits budgétaires.

Pour 2009, le programme 143, « Enseignement technique agricole » progressera de 4 % -soit 4,7 millions en crédits de paiement. Les moyens de l'enseignement public agricole, confortés, serviront à augmenter le nombre d'assistants d'éducation et à mettre aux normes les lycées agricoles de nos communautés d'outre-mer ainsi que le collège de Rambouillet. Nous continuerons, en outre, à veiller à l'équilibre des différentes formes d'enseignement.

Je sais que des difficultés demeurent, mais le ministère doit prendre sa part de l'effort de maîtrise des finances publiques. Ce budget permet de conforter l'enseignement agricole dans ses missions en assurant la couverture du territoire et l'insertion professionnelle : les regroupements et la mutualisation des moyens ne se feront pas sans concertation avec les élus. Il engage les orientations fixées par le cinquième schéma prévisionnel de l'enseignement agricole, présenté le 7 octobre, et qui a grandement bénéficié du travail éclairé et compétent de Françoise Férat, dont je salue la ténacité, la vigilance et la franchise. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Comme de coutume, la présentation de ce budget a donné lieu à bien de l'animation. Logique comptable, volonté de nuire aux élèves en difficulté, de martyriser les pauvres, de quoi n'ai-je pas été accusé, moi qui ai fait toute ma carrière au service de l'école de la République ! A ces propos caricaturaux, je réponds que la réforme que nous conduisons ne vise qu'à une chose : rendre service aux élèves.

Le budget de l'éducation nationale, le premier de l'État, doit signer la confiance que la Nation accorde à son école. Doté de 58,7 milliards, une somme considérable, il doit aussi favoriser la mise en place de nouveaux services et revaloriser la condition enseignante.

Premier objectif, favoriser le face à face entre élèves et enseignants. Le non-remplacement de 13 500 départs en retraite ne se traduira en aucun cas par le renoncement à notre ambition pour l'école. Les mesures prévues par le schéma d'emploi assurent, grâce à la rationalisation des moyens, le maintien de la présence devant les élèves, y compris, madame Gonthier-Morin, pour les handicapés, dont plus de 170 000 ont été accueillis en 2008, soit 8 000 de plus qu'en 2007. C'est ainsi que 1 500 enseignants mis à disposition de structures éloignées des missions de l'école reviendront devant les élèves. C'est ainsi qu'une agence est créée pour assurer un meilleur pilotage de notre politique de remplacements, étant entendu que les inspecteurs d'académie continueront à traiter la question au quotidien.

La présence devant les élèves se traduit également, grâce à la meilleure gestion des emplois, par l'ouverture de 500 classes supplémentaires dans l'enseignement du premier degré, par la mobilisation de 600 postes sur projet dans les établissements en difficulté du second degré ainsi que par la sédentarisation d'une partie des maîtres E et G actuellement organisés en Rased.

Notre second objectif est de proposer à toutes les familles ce que seules les plus aisées pouvaient s'offrir. Notre détermination demeure inchangée. Nous étendons ainsi l'accompagnement éducatif à tous les collèges ; un million d'élèves sont accueillis chaque jour dans ce cadre. Combien étaient-ils il y a deux ans ? Zéro ! Même chose pour les écoles de l'éducation prioritaire. Des stages de remise à niveau gratuits sont proposés, ainsi que des stages intensifs d'anglais pour les lycéens qui le souhaitent.

Les réformes se multiplient ? Nous sommes requis de répondre à la fois à tous les défis d'un monde qui change, entraînant d'importantes mutations sociales qui demandent à être accompagnées. Il faut réduire l'échec scolaire et c'est ainsi que la réduction de la semaine dans le primaire a permis de dégager deux heures aux profit des élèves en difficulté. Les analyses montrent qu'une grande partie des familles et des enfants sont satisfaits de la libération du samedi matin.

M. Yannick Bodin.  - Faux ! Il n'y a pas encore de bilan !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Nous avons engagé la rénovation de la voie professionnelle, que Mme Gonthier-Morin a raison de défendre, comme elle a raison de souhaiter une orientation positive vers ses filières. Nous nous employons à augmenter le niveau des qualifications, à limiter le nombre de sorties sans qualification, à répondre aux besoins du monde économique. Il faudra être attentif à l'évaluation et au bénéfice pour les élèves.

La réussite de la réforme repose sur le soutien qu'apporte la Nation à ses enseignants. Ils méritent d'être encouragés et considérés. Nous le ferons, au-delà des mots, en revalorisant leur condition : 410 millions de pouvoir d'achat ont déjà été redistribués. D'autres mesures suivront. J'en profite pour préciser que la retraite des mères de trois enfants comptant quinze ans de service n'est pas remise en cause.

La loi du 20 août dernier sur le service minimum d'accueil a permis lors de la dernière grève, d'organiser l'accueil des enfants dans 10 000 des 12 000 communes ...

M. Yannick Bodin.  - Dans quelles conditions ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... à la satisfaction des parents. Puissent ces paroles trouver écho au-delà de votre assemblée !

Je ne méconnais pas, pour autant, les difficultés qu'ont pu rencontrer certains maires, notamment dans les petites communes rurales...

M. Claude Domeizel.  - Et dans des grandes villes !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... qui, de bonne foi, ont cherché à appliquer la loi de la République. Une collaboration plus étroite doit nous permettre de leur venir en aide. L'État aidera en outre les communes à mieux dimensionner le service d'accueil par une meilleure prévision du nombre d'enseignants grévistes ainsi que du nombre d'enfants à accueillir et à constituer la liste du vivier des personnes susceptibles d'être mobilisées.

J'ai rencontré le président de l'Association des maires de France pour lui dire que, si les recours déposés par les préfets seront maintenus contre les communes ayant manifesté publiquement leur volonté de ne pas appliquer la loi, il sera en revanche mis fin aux contentieux avec celles qui sont prêtes à faire preuve de bonne volonté.

M. Alain Vasselle.  - Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Nos réformes forment un tout cohérent pour lutter contre l'échec scolaire. Deux heures de soutien seront réinvesties pour les élèves en difficulté, l'aide personnalisée concernera ainsi toutes les écoles, tous les élèves en difficulté. Les élèves de CM1 et CM2 pourront suivre des stages de remise à niveau en français et en mathématiques, trois heures par jour pendant les vacances scolaires. Quant aux modifications concernant les Rased, je comprends qu'elles agitent l'opinion ces jours-ci, parce que nous devons bien les expliquer ! (Exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Vous les supprimez !

M. Xavier Darcos, ministre.  - L'organisation actuelle démontre les limites d'une prise en charge trop partielle des difficultés scolaires. Ces difficultés ne peuvent pas être réglées en trois quarts d'heure par un intervenant extérieur, quelles que soient ses compétences professionnelles ; elles doivent être traitées dans l'établissement, toute la semaine, par un soutien approprié. Nous ne supprimons pas le soutien : les 10 000 maîtres engagés dans les Rased, continueront de se consacrer à la résolution des difficultés psychologiques et comportementales des élèves. Ils interviendront même auprès d'un plus grand nombre d'élèves : au total, au lieu de 7 élèves sur 125, ce seront 36 élèves sur 125 qui seront aidés ! Les 3 000 maîtres spécialisés affectés dans les écoles pour traiter en continu des difficultés des élèves. Je rencontrerai ces jours-ci les syndicats sur cette question, pour ajuster le dispositif. Nous avons prévu également de former, sur la base du volontariat, 40 000 enseignants à la résolution des difficultés scolaires, afin que chaque école dispose d'un « maître ressource » sur ces questions.

Je le répète solennellement : je crois profondément à l'utilité de l'école maternelle et je respecte pleinement ses professeurs, qui dispensent un véritable enseignement aux enfants.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Vous voulez les remplacer par des jardins d'éveil !

M. Xavier Darcos, ministre.  - L'école maternelle est une véritable école, qui accueille la totalité des enfants de 3 ans : c'est bien pourquoi nous l'avons dotée d'un vrai programme d'enseignement ! Quand j'ai dit, en réponse à une question sur la scolarisation des enfants dès 18 mois, qu'il ne fallait pas confondre le métier d'enseignant à la maternelle avec celui de puéricultrice, certains y ont vu une remise en cause des maîtres de maternelle ; mais telle n'était pas du tout mon intention, et si je les ai blessés, je m'en excuse auprès d'eux ! (M. Serge Lagauche applaudit) Je le répète : la totalité des enfants sont accueillis à l'école dès l'âge de 3 ans ! (Applaudissements à droite)

Reste que nous n'avons pas encore réglé, dans notre pays, la question de la scolarisation des très jeunes enfants de 2 à 3 ans. Des rapports ont été publiés sur le sujet, en particulier celui de Mme Papon et de M. Martin, sur la prise en charge spécifique des enfants de cet âge. Mais, tant que la question ne sera pas tranchée, l'éducation nationale assumera toutes ses responsabilités !

Certains nous demandent encore : pourquoi réformer la classe de seconde ? Mais tout simplement parce que le lycée doit continuer à dispenser des savoirs intemporels, socle de la culture commune, tout en s'adaptant à un monde qui change : les élèves doivent pouvoir maîtriser des langues, des technologies numériques, des notions économiques et sociales. On ne peut s'en tenir au modèle de Napoléon Ier !

Comment faire face aux nouvelles problématiques économiques sans notions de science économique ? Comment participer à l'extraordinaire internationalisation des échanges culturels sans maîtriser des langues étrangères ? Comment envisager le travail de demain sans que tous les lycéens ne s'approprient de manière raisonnée les technologies de l'information et de la communication ? Comment imaginer de nouveaux modes de gouvernance adaptés à une société globalisée sans revoir l'organisation même de nos établissements scolaires ? Voilà les questions qui trouveront des réponses dans le cadre du nouveau lycée.

Nous sommes déterminés, non par agitation ni par obsession réformiste, mais parce que nos réformes font un tout cohérent : de la maternelle au lycée, nous améliorons l'enseignement des fondamentaux, nous donnons aux élèves plus de clés pour le monde de demain, et nous renforçons le soutien aux élèves en difficulté, en ouvrant à ceux des familles pauvres, des services que les familles aisées trouvent aujourd'hui auprès d'officines privées ! Nous défendons l'école de la République ! (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.

M. Michel Barnier, ministre.  - Pour compléter mon propos et répondre notamment à Mme Férat, je vous indique que le Gouvernement déposera un amendement qui augmente de 8 millions les crédits de l'enseignement agricole technique, par un redéploiement de 3 millions dans mon propre budget, auxquels s'ajouteront 5 millions de dégels, que le Premier ministre m'a autorisé à annoncer.

Questions et réponses

Associations éducatives

M. Ivan Renar.  - A l'heure de l'économie de la connaissance, l'avenir de notre pays dépend d'un système éducatif performant. De nombreuses associations éducatives y concourent dans le champ scolaire ou périscolaire. Le Président de la République lui-même a salué leur travail : qu'il s'agisse d'accompagnement scolaire, d'ateliers artistiques, d'éducation à la citoyenneté ou de classes de découverte, ces activités participent à l'acquisition des savoirs.

Or vous restreignez les crédits de la plupart de ces structures, en contradiction avec les conventions pluriannuelles d'objectifs qui visaient au contraire à sécuriser leur financement. Comment feront-elles face à la suppression d'un quart de leur subvention, d'autant qu'elles ont appris ce gel budgétaire il y a à peine deux mois, en fin d'exercice ? Les moyens humains sont également remis en cause, puisque les financements permettant la rémunération des enseignants détachés ne seront pas reconduits à compter de septembre 2009, ce qui contraindra les associations à renoncer à nombre d'actions au service de la jeunesse.

Les enfants sont la clé de notre avenir, « la clé du trésor », pour reprendre une expression d'André Malraux. Pourquoi amputer les moyens indispensables à la formation de citoyens éclairés ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Les choses ne se présentent pas de la sorte. Nous entretenons des relations très étroites avec les associations, qui sont prestataires de service pour l'éducation nationale, notamment pour le périscolaire. Pour 2008-2009, ces prestataires associatifs voient la totalité de la subvention passer de 75 à 114 millions, soit une augmentation de 50 % ! Néanmoins, nous voulons passer d'une logique de financement de structures et de permanents à une logique de financement de projets. En matière d'emploi, nous ne faisons qu'appliquer le nouveau cadre législatif et réglementaire concernant les mises à disposition, et nous compenserons à l'euro près les salaires engagés par les associations.

Nous sommes en train de nous mettre d'accord avec nos partenaires. Outre la subvention de base, il y aura des contrats, projet par projet, dont le financement pourra augmenter. Votre inquiétude n'a pas lieu d'être. Un nouveau système se met en place : chacun y retrouvera son compte.

M. Ivan Renar.  - Je ne suis pas rassuré... Le dialogue est entamé : je souhaite qu'il aboutisse, mais la preuve du pudding, c'est qu'on le mange ! L'éducation ne s'arrête pas à la porte de l'école. Le rapport des jeunes au savoir est le fondement de la réussite ou de l'échec scolaire, et se construit à travers des processus d'apprentissage multiples et diversifiés. Or vous mettez en cause l'existence même des associations complémentaires de l'enseignement public.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ce n'est pas le cas.

M. Ivan Renar.  - Celles-ci transmettent aux élèves le goût et le plaisir d'apprendre. L'éducation nationale a plus que jamais besoin de ces partenaires efficaces et fiables, qui apportent une réelle plus value à l'instruction de nos enfants.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je suis d'accord avec vous !

M. Ivan Renar.  - Nous continuerons à être vigilants.

Enseignement des religions et de la mémoire

Mme Janine Rozier.  - Des cours d'information sur les principales religions ont été dispensés dans trois classes de CM2 de mon département. Les petits élèves connaissent les bases de la religion juive et la signification de mots comme kippour, torah, shabbat, ainsi que les bases de la religion musulmane, avec Mahomet, le Coran, les sourates, le ramadan, et c'est très bien. Les petits élèves pratiquant ces religions étaient très brillants et savants.

Est-il prévu de compléter l'information et la culture de nos enfants en leur disant que nos civilisations européennes sont nées de la chrétienté, et en leur apprenant l'origine des mots Pâques, Noël, Pentecôte ? (Exclamations à gauche) Je cite : « Le message de la révélation chrétienne se présente toujours revêtu d'une enveloppe culturelle dont il est indissociable ».

Par ailleurs, ne pourrait-on inclure un « enseignement de la mémoire » dans l'enseignement de l'histoire à l'école élémentaire ? Rapporteur pour avis de la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », j'ai été frappée d'apprendre que 60 % des personnes interrogées à l'occasion du 90e anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale ignorent ce qui s'est passé le 11 novembre 1918 ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et ils applaudissent !

Mme Françoise Henneron.  - Nous en sommes fiers !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Dans l'école de la République, l'enseignement des faits religieux ne constitue pas un enseignement séparé.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Sauf dans les départements concordataires !

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est au cours des autres enseignements -histoire, histoire des arts, études patrimoniales, rencontres culturelles- que le lexique et les conceptions religieuses sont abordés. Le cycle 3 de l'école élémentaire comprend ainsi un programme sur « la christianisation du monde gallo-romain », où ces notions sont évoquées. Les principes de laïcité républicaine ne permettent pas de faire différemment, et je ne le souhaite pas.

S'agissant de l'enseignement de la mémoire, le 11 novembre 1918 fait partie des grandes dates qu'il faut connaître dans le cycle 3. Les nouveaux programmes de l'école primaire donnent une place à l'histoire comme véritable enseignement.

Le 11 novembre est bien évidemment une date de commémoration nationale et nous menons de nombreuses actions éducatives à cette occasion. Lors du 90e anniversaire de l'Armistice, beaucoup d'élèves on participé au concours « Les petits artistes de la mémoire » que nous avons organisé avec l'Office national des anciens combattants.

Mme Janine Rozier.  - J'ai confiance en vous, monsieur le ministre, mais j'attends de voir la suite. Tout n'est cependant pas perdu car un de nos collègues vous a souhaité, ce matin, la saint Xavier. (Sourires)

Avenir des Rased

M. Gilbert Barbier.  - Pour répondre à ce qui vient d'être dit, l'école que nous aimons, c'est l'école publique, laïque et obligatoire, et les églises sont séparées de la République française depuis un certain nombre d'années... (Applaudissements à gauche)

La crise assombrit l'avenir d'un grand nombre de nos concitoyens et, pourtant, les familles continuent à placer beaucoup d'espoir dans l'école car la formation reste la meilleure défense contre le chômage. Le budget de l'enseignement scolaire aurait donc dû bénéficier d'un effort soutenu, ce qui n'est malheureusement pas la priorité du Gouvernement qui profite de la démographie scolaire pour ne pas remplacer les départs en retraite. Même si vous affichez une hausse, discutable, de 2 % des crédits, la principale réalité comptable de cette mission est la suppression de 13 500 postes.

Alors que les enquêtes internationales font apparaître un recul de l'efficacité de notre système éducatif, vous réduisez encore l'encadrement des élèves si bien que la plupart des établissements se retrouvent avec des classes surchargées. L'école de la République ne peut donc plus tenir sa promesse d'égalité des chances.

Pensez-vous que la généralisation du dispositif d'accompagnement éducatif suffira à diviser par trois le nombre d'élèves en grande difficulté à la sortie du primaire si, dans le même temps, vous sédentarisez les 3 000 maîtres des Rased ? Ces maîtres ont en effet une approche éducative unique qui permet d'intégrer à la pédagogie le recours direct à l'assistant social et au psychologue scolaire. De nombreux enfants ont besoin d'un parcours spécialisé de rééducation. Dans mon département, des centaines d'élèves ont retrouvé le goût de l'étude grâce aux Rased.

Quel est l'avenir de ces réseaux pour les prochaines années ? La souffrance scolaire est une réalité pour de nombreux enfants. La France s'honorerait à ne pas les laisser au bord du chemin du savoir. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Nous avons déjà eu ce débat ce matin. D'après vous, les comparaisons internationales ne nous sont pas favorables, mais nous augmentons sensiblement le nombre des enseignants. Dans le premier degré, nous avons perdu au cours des dix-huit dernières années 200 000 élèves et nous avons créé 12 000 emplois. Les effets qualitatifs n'ont cependant pas été perceptibles, non pas à cause des enseignants, mais parce que les élèves ont beaucoup changé. Le problème ne tient donc pas au nombre d'enseignements mais à la réponse à apporter aux élèves en difficulté. Je crois au dispositif que nous avons mis en place : tous les élèves en difficultés du primaire bénéficient désormais de deux heures hebdomadaires de soutien pour lutter contre l'échec scolaire.

Nous devons également mieux gérer les personnels : les 13 500 emplois non renouvelés n'affecteront pas la relation maître-élève. Je l'avais annoncé l'an dernier et on ne m'avait pas cru. C'est pourtant ce qui s'est passé. A la rentrée 2008, alors que nous n'avons pas renouvelé 11 200 postes, nous avons eu un meilleur taux d'encadrement pédagogique que l'an passé.

Quant aux Rased, il ne s'agit pas de les supprimer mais de faire en sorte que le traitement de la difficulté scolaire soit global, à savoir les deux heures de soutien, les stages de CM1 et CM2 pour ceux qui en ont besoin et, pour les élèves en grande difficulté, la présence de psychologues scolaires, dont le nombre ne diminuera pas, bien au contraire. Il faut aussi des réseaux là où les difficultés sont plus parsemées : sur 11 500, nous en garderons 8 500. Certains réseaux seront placés là où il y a des problèmes massifs. C'est là que les 3 000 professeurs seront réaffectés et que leurs compétences particulières seront sollicitées. Nous ne supprimons donc pas les Rased. Ceux qui ne seront pas concernés par la sédentarisation cette année ne seront ensuite pas touchés par d'autres mouvements. Nous essayons d'utiliser au mieux les ressources dont nous disposons.

Enfin, nous allons engager un vaste programme de formation des enseignants du premier degré pour qu'ils soient mieux armés pour répondre aux difficultés scolaires actuelles. Les élèves en difficulté sont effectivement plus nombreux et leurs problèmes plus complexes à analyser. Le procès qui nous est fait est une contrevérité car nous mettons en place de façon globale et cohérente un plan de lutte contre l'échec scolaire.

Scolarisation des enfants de 2 ans

M. Jean-Luc Fichet.  - Pour vous, la maternelle ne doit plus accueillir les enfants de 2 ans. Cette scolarisation précoce a été plus due aux familles qu'à une volonté politique délibérée et l'éducation nationale, qui a cherché à y mettre un terme pour faire des économies, a subi la fronde des enseignants, des parents et des élus au nom de l'égalité des chances.

Cette fois-ci, les attaques sont beaucoup plus sournoises. Elles s'appuient sur des analyses qui démontreraient l'inutilité pour les enfants de cette scolarisation précoce. Or, la réalité est toute autre : ce n'est pas le bien-être de l'enfant qui est en jeu, mais bien le souci de faire des économies. On ne peut pas aborder la question de l'école de façon purement comptable. Vous voulez faire des économies et vous demandez une nouvelle fois aux communes de se débrouiller.

Il se trouve que la Bretagne, comme le Nord-Pas-de-Calais, ont des taux exceptionnels de scolarisation des tous petits. En 2007, le Finistère avait ainsi 66 % d'enfants de 2 ans en maternelle, et la Bretagne a le meilleur taux de réussite scolaire. J'y vois une véritable corrélation. La forte demande des familles ne tient pas à la recherche d'un accueil gratuit du jeune enfant, mais bien à un souhait de scolarisation. Les communes ont construit des locaux et ont recruté des personnels de service pour répondre aux attentes sociales des familles.

Le rapport de la Cour des comptes du 18 novembre constate qu'il est « difficile de dégager des conclusions définitives » et il plaide pour « la mise en place d'outils d'évaluation ». Il souligne d'ailleurs que « le coût pour l'enfant est moindre s'il est accueilli en maternelle plutôt qu'en établissement d'accueil du jeune enfant ». Dans les communes rurales, l'accueil des enfants de 2 ans dans les écoles est perçu comme une nécessité. Or, votre politique réduit les chances pour les enfants de faire de bonnes scolarités, ce qui inquiète les familles et les collectivités territoriales qui devront dépenser plus, alors que leur budget fond comme neige au soleil.

Ne cherchez-vous pas à transférer une fois de plus sur le dos des collectivités une charge qui incombe à l'État ? Ne serait-il pas opportun de mettre en place une véritable concertation avec tous les acteurs concernés par les jeunes enfants afin qu'ils déterminent ensemble les besoins pour l'avenir ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - La scolarisation des tous petits pose deux types de questions. D'abord, est-elle utile à l'enfant et permet-elle d'améliorer les résultats scolaires ? Je n'ai pas d'avis définitif sur le sujet car les multiples controverses n'ont pas permis de trancher le débat. En revanche, l'école maternelle a ses programmes et ses ambitions et la scolarisation des tous petits risquerait de modifier la nature même de cette école.

En second lieu, que faut-il faire pour les enfants de 18 mois à 3 ans ? Vous craignez que l'État transfère cette responsabilité aux communes, mais la France ne s'est pas posé, comme l'ont fait la plupart de ses voisins, la question d'une organisation universelle de l'accueil des tous petits.

Dans l'attente de solutions collectives pour l'accueil des plus petits, le statu quo prévaudra. La disparité est grande sur le territoire, vous l'avez-vous-même relevé, et l'argument de la Cour des comptes ne me paraît guère recevable sur le plan pédagogique. Nous avons quelques certitudes, notamment sur l'avantage que retirent les enfants d'une scolarisation à 3 ans ; la question de la préscolarisation doit avant tout être posée en termes pédagogiques. C'est ce que nous faisons.

M. Jean-Luc Fichet.  - La question est pour nous tout autant pédagogique. On pourrait s'appuyer sur les résultats probants de ce qui se fait en Bretagne ou dans le Nord-Pas-de-Calais. Je prends acte du statu quo, en ajoutant qu'on ne doit pas négliger la situation des communes, qui n'ont pas toujours les moyens d'investir dans des structures d'accueil pour les enfants de moins de 3 ans.

Concertation avec les collectivités locales

M. Yves Détraigne.  - Le moins que l'on puisse dire est que votre politique n'est pas immobile. Une semaine, vous annoncez la disparition de la carte scolaire pour favoriser la mixité sociale, une autre la fin de l'école le samedi, une autre encore l'instauration du service minimum d'accueil (SMA) ou la diminution du nombre d'enseignants des Rased. Et arrivent à grands pas l'accompagnement éducatif généralisé et la réforme de l'enseignement artistique.

Autant de réformes malheureusement décidées sans concertation avec les élus, alors que leur mise en oeuvre repose sur eux. Si les maires n'ont aucune compétence pédagogique particulière, ils sont en droit d'exiger que les décisions qui auront pour eux des conséquences pratiques et financières ne soient pas élaborées sans l'avis de leurs représentants. Il est temps que le Gouvernement se rende compte qu'ils sont des acteurs à part entière de l'école et non de simples exécutants, voire des supplétifs. C'est ce qu'ils ont unanimement exprimé lors du dernier Congrès des maires.

Comme le souhaite le président de l'Association des maires de France (AMF), une évaluation du nouveau droit d'accueil doit être menée, besoins et moyens n'étant pas les mêmes sur tout le territoire. La concertation est un impératif ; allez-vous l'engager, monsieur le ministre ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'ai été maire pendant douze ans, je peux comprendre les difficultés qu'éprouvent les élus. Mais le texte sur le SMA est le fruit d'une concertation avec le président de l'AMF. Nous regardons maintenant comment les choses se passent sur le terrain et, contrairement à ce que j'ai entendu dire, malgré les contraintes, le système a fonctionné. Lors de la grève du 20 novembre, il a été mis en place dans 10 000 des 12 000 communes concernées ; et selon une enquête de l'AMF, il n'a pas causé de difficultés particulières dans la majorité des cas.

Nous avons encore des difficultés à calibrer le dispositif en l'absence de chiffres réellement fiables sur le nombre d'enseignants grévistes, souvent surestimé, et sur le nombre d'élèves à accueillir. Nous allons voir avec M. Pélissard, en mobilisant les inspecteurs du ministère, comment mieux dimensionner l'accueil. On nous reproche de ne pas avoir dialogué aves les personnels ; le décret sur l'alerte sociale est paru il y a seulement quelques jours. Nous aurons désormais plus de temps pour parler avec les représentants des personnels, évaluer l'ampleur du mouvement et ses mobiles.

Il y a enfin deux catégories de communes qui n'appliquent pas le SMA. Il faut aider celles qui ont de réelles difficultés, qui n'y arrivent pas ou ne savent pas faire ; et il y a celles qui refusent. J'ai décidé ce matin de lever les recours contre les premières mais non contre les secondes. Je connais d'ailleurs une commune qui disait ne pas pouvoir mettre en place le SMA et qui, après décision du tribunal administratif, a subitement pu le faire ...

La loi prévoit une évaluation après un an. Nous avons décidé, avec M. Pélissard, d'anticiper ; je suis certain qu'après l'intervention du Président de la République la semaine prochaine nous trouverons un modus vivendi. Je rappelle enfin que les familles sont favorables au SMA.

M. René-Pierre Signé.  - Ce n'est pas un argument !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Bien sûr que si, c'est un service qui leur est rendu. Je suis convaincu que les électeurs en seront reconnaissants à leurs élus, même si je ne conteste pas qu'il s'agit d'une contrainte supplémentaire.

M. Yves Détraigne.  - Merci de ces précisions. Les maires sont très attachés au service public de l'éducation nationale, qui ne peut fonctionner que si tout le monde avance dans la même direction.

Avenir des RASED

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Votre décision d'amputer les Rased de 3 000 postes inquiète. Une pétition de soutien a déjà recueilli plus de 200 000 signatures de parents, d'enseignants, d'inspecteurs de l'éducation nationale et de tous ceux qui travaillent avec les Rased, dont la Fédération nationale des centres médico-psycho-pédagogiques et la Fédération nationale des psychologues, se sont joints au mouvement.

Pour les rassurer, vous évoquez l'aide personnalisée, qui n'est en rien comparable avec celle dispensée par les enseignants Rased. Ces derniers n'interviennent pas un quart d'heure ou une demi-heure pour expliquer à un élève le passé composé, mais agissent auprès d'élèves en difficulté durable, en souffrance scolaire, auxquels il faut souvent apprendre à apprendre. Nier cette spécificité, c'est compromettre le travail mené avec les enseignants et l'effort de médiation fait auprès des parents. C'est important si l'on veut lutter contre la violence à l'école. Faire croire que les deux sont interchangeables, c'est renoncer à s'intéresser aux difficultés d'ordre social ou médical. Qui prendra en charge ces enfants ? Une médecine scolaire exsangue ? Des assistantes sociales débordées ? Veut-on laisser ces enfants à la porte de l'école, sans projet pour grandir ? Qui fera ce travail, avec 3 000 suppressions de postes -et combien l'an prochain ?

Vous dites que la fonction n'est pas supprimée et que seules changent les modalités de son exercice ; mais ces changements feront des Rased une coquille vide. Pouvez-vous garantir que le budget consacré à la formation initiale et continue des maîtres E et G sera préservé sur toute la législature ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Oui, le budget de formation de ces maîtres sera préservé. Et la fonction n'est pas supprimée, il reste 8 600 postes d'enseignants dans les Rased.

Nous voulons conserver toutes les personnes ressources spécialisées dans la psychologie des enfants, en particulier les psychologues scolaires, mais j'estime que tous les enseignants de France sont des spécialistes des difficultés scolaires ; les 380 000 enseignants du premier degré participent déjà au soutien à raison de deux heures chacun. Il faut persévérer, car il appartient à chaque enseignant de traiter les difficultés d'apprentissage, toujours plus fréquentes pour des raisons qui tiennent à l'évolution de notre société, si j'en crois les remontées d'inspection.

L'apport spécifique des Rased sera conservé, notamment pour ce qui est de l'orientation vers un CMPP en vue d'une prise en charge orthophonique ou d'une thérapie psychopédagogique par exemple, bien que ces structures soient débordées, ce qui impose des temps d'attente considérable. Il est souvent utile qu'un élève en difficulté soit pris en charge en dehors de la classe par le Rased, mais il serait excessif d'y voir la solution. C'est en cela que nous divergeons.

Comme sur tous les sujets, il est plus facile de ne rien faire, mais je crois que nous avons fait oeuvre utile en associant tous les enseignants au traitement des difficultés scolaires. C'est ainsi que nous surmonterons ces problèmes, plus fréquents que naguère.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous avons des divergences, mais nous ne prétendons pas qu'il ne faille rien faire. Au contraire !

Pourquoi ne pas avoir commencé par évaluer le travail des Rased ? Vous auriez constaté que la transformation des groupes d'aides psychopédagogique (Gapp) en Rased s'est effectuée à effectifs inchangés, malgré l'extension géographique du champ d'action. Vous auriez aussi observé l'insuffisance de l'offre de formation ainsi que les vacances de nombreux postes. Dans les Hauts-de-Seine, il manque 30 postes de maîtres G sur 130 et une cinquantaine de postes de maîtres E ne sont pas pourvus. Voilà les paramètres sur lesquels il faudrait agir ! Or, j'ai appris hier que l'inspecteur d'académie voulait supprimer 100 postes. L'académie de Charente-Maritime propose déjà une reconversion aux maîtres E et G, avant même le vote de la loi de finances. Il y a de quoi être inquiet pour l'avenir !

Transports scolaires

M. Pierre Martin.  - Le monde change, notre société évolue, l'école doit s'adapter, ce qui suppose des réformes. Vous avez emprunté ce chemin pour essayer d'améliorer le système. Il faudra en faire le bilan.

La semaine scolaire de quatre jours à l'école primaire a été presque unanimement préférée à celle de neuf demi-journées. Les maires regrettent de ne pas avoir été associés à la mise en place du soutien. Certes, il s'agit d'une décision pédagogique, mais son organisation à l'heure du déjeuner gêne le retour des enfants.

L'accompagnement éducatif, déjà en place dans les ZEP, sera généralisé dès la rentrée à toutes les écoles primaires.

Je souhaite que l'on privilégie l'intérêt de l'enfant, afin qu'il puisse obtenir les meilleurs résultats. Cela suppose un travail en partenariat, qui existe déjà avec le SMA. Comment comptez-vous offrir à tous les enfants la possibilité d'accéder à ces nouveaux services ?

En milieu rural, le transport, qui relève d'une compétence départementale, soulève des difficultés spécifiques, notamment pour le soutien pédagogique le midi et l'accompagnement le soir.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Oui !

M. Pierre Martin.  - Les lycées fonctionnent le samedi, de même que certains collèges. Une harmonisation permettrait peut-être de mieux satisfaire le seul intérêt qui compte : celui de l'enfant ! (Applaudissements à droite)

M.Xavier Darcos, ministre.  - Votre question en comporte plusieurs...

Une école sur deux était fermée le samedi matin, avant même la suppression officielle de cours ce jour-là, mais il est extrêmement difficile d'imaginer que le second cycle fonctionne en quatre jour et demi.

Le ministère de l'éducation nationale travaille avec les élus, notamment avec l'ADF, dont j'ai rencontré il y a moins de trois semaines le président et le vice-président chargé des transports scolaires. La difficulté principale vient du soutien scolaire, qui peut occasionner des difficultés dans certaines zones rurales, notamment en montagne.

Le report du retour -d'une demi-heure à trois quarts d'heure, ou d'une heure deux fois par semaine- laisserait le temps nécessaire à l'accompagnement scolaire. De nombreux départements ont trouvé une réponse satisfaisante. L'école étant un organisme vivant dont les relations avec les collectivités territoriales sont évolutives, j'ai confiance pour qu'elle trouve des solutions conformes à l'intérêt de l'enfant.

Quant à l'organisation de la semaine de cours à l'école primaire, les établissements avaient le choix. (Vives protestations sur les bancs socialistes) Contrairement à ce que l'on pense souvent, c'était indiqué dans la circulaire. Je penche d'ailleurs pour la semaine de quatre jours et demi, mais la décision appartenait aux 26 000 conseils d'école. Je ne siège pas dans ces structures, avec les élus et les parents. On peut considérer que leur choix était légitime, même si certains ont aujourd'hui tendance à le reconsidérer.

M. Yannick Bodin.  - Ils n'avaient pas le choix !

M.Xavier Darcos, ministre.  - Les directives ministérielles destinées aux rectorats sont disponibles sur internet. Elles comportaient clairement une alternative. (Applaudissements à droite)

M. Pierre Martin.  - Merci de ces précisions. Si tout le monde partage vos novations, nous réussirons ; je souhaite que ceux qui imagine qu'on peut bouger sans rien changer bougeront vraiment ! (Exclamations sur les bancs socialistes)

Petites écoles primaire en zone rurale

M. Gilbert Barbier.  - Pour conserver les petites structures menacées par la démographie, on a créé des regroupements pédagogiques intercommunaux, chaque école accueillant les élèves de plusieurs communes par niveau pédagogique.

L'émiettement des petites structures présente des inconvénients. Ainsi, les enfants doivent souvent prendre le car quatre fois par jour : le matin pour se rendre à l'école, le soir pour rentrer chez eux, à midi pour l'aller-retour à la cantine. S'ajoute le changement déstabilisant d'école à chaque nouvelle classe. En outre, les maîtres d'un même cycle sont privés d'échanges avec leurs collègues, alors que le partage d'informations est particulièrement utile aux jeunes enseignants. Enfin, la dispersion fait obstacle aux activités collectives, notamment sportives ou artistiques.

L'État semble vouloir aujourd'hui concentrer l'offre éducative dans des établissements publics d'enseignement primaire, qui devraient favoriser la gestion mutualisée des moyens dévolus aux écoles maternelles et élémentaires, mais les décrets d'application ne sont toujours pas publiés. Une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale comporte des critères totalement irréalistes dans des secteurs très ruraux, où il faudrait au moins trois RPI pour créer un établissement public d'enseignement primaire d'une quinzaine de classes !

Farouchement à attachés aux liens entre communes et écoles publiques, les maires sont hostiles à cette orientation. Pourquoi abandonner les formes consensuelles de regroupement ?

Ériger l'école publique en établissement public autonome compliquerait les prises de décision et gênerait la maîtrise des dépenses par les maires.

D'autre part, quelles seront les conséquences de ce projet sur la carte scolaire ? Je souhaite que la création de ces établissements publics soit exclusivement fondée sur le volontariat.

Pouvez-vous nous préciser vos intentions ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - En ce qui concerne les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) dans les zones rurales, par lesquels des petites communes peuvent s'associer pour regrouper leurs élèves par classes de niveaux, les inconvénients que vous mentionnez ne sont pas négligeables : il est vrai qu'il n'est pas très bon pour des enfants en bas âge de changer souvent d'environnement, de professeurs, et parfois d'amis. Mais il y aurait aussi beaucoup d'inconvénients à laisser ces enfants dans de petites classes isolées. L'opportunité de créer un RPI doit être laissée à l'appréciation des élus. Vous avez évoqué la structure existant dans le nord du pays dolois ; je me souviens moi-même de sa mise en place au début des années 1990, lorsque j'étais inspecteur d'académie. Je crois que ce genre de regroupement est dans l'intérêt des collectivités, mais je n'ai pas de doctrine fixée sur la question.

Pour ce qui est des établissements publics du premier degré, il est vrai qu'une réforme est depuis longtemps dans nos cartons, et nous déposerons probablement un projet de loi visant à améliorer ce dispositif. Celui-ci est plutôt destiné au milieu urbain qu'au milieu rural : il est beaucoup plus pertinent de regrouper toutes les écoles d'une ville de 35 ou 40 000 habitants autour d'un établissement public, dirigé par un directeur unique, interlocuteur direct du maire, que de regrouper des écoles éparpillées dans les campagnes, où les structures intercommunales suffisent.

Nous n'imposerons évidemment pas cette solution. Mais je suis persuadé que l'augmentation du nombre d'établissements publics est une bonne idée, qu'elle permettra de mutualiser les moyens, de doter enfin les écoles primaires d'une structure comptable -vous savez qu'aujourd'hui, pour acheter un timbre, il faut s'adresser à la caisse des écoles... - et de mieux gérer le recours aux intervenants extérieurs. Le directeur sera un enseignant. Je pense qu'il s'agit d'un dispositif très utile, mais il n'est pas question de le généraliser : on créera des établissements publics là où on en aura besoin.

Avenir des Rased

Mme Françoise Cartron.  - Je souhaite revenir sur un sujet qui nous a déjà beaucoup occupés : la suppression des Rased. Vous avez pu constater l'inquiétude et l'incompréhension des parents et des enseignants à l'annonce de cette mesure. Celle-ci ne semble avoir pour objectif que de compenser la diminution des effectifs.

Jusqu'ici les Rased donnaient pleine satisfaction : ils jouaient un rôle très important auprès des élèves en difficulté. Avant de les supprimer, on aurait au moins dû procéder à une évaluation du dispositif, et engager une concertation avec les personnes concernées !

Certes, vous avez instauré des heures de soutien personnalisé. Mais je suis désolée de le dire : ce n'est pas la même chose ! A l'origine, telles que vous nous les aviez présentées, les heures de soutien étaient censées répondre à des besoins ponctuels des élèves, des interrogations sur tel ou tel point du programme. Mais le dispositif est dévoyé : en Gironde par exemple, dans ma commune, les heures de soutien sont fixées entre midi et deux heures !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ce n'est pas souhaitable.

Mme Françoise Cartron.  - Je suis bien d'accord. Pendant la pause du déjeuner, à l'heure où les élèves ont besoin de se ressourcer, comment ce soutien scolaire pourrait-il porter ces fruits ?

Ma question touche donc à un sujet plus général que la suppression des Rased : quelle est la cohérence de votre politique en matière de la lutte contre l'échec scolaire ? Vous remplacez un dispositif qui fonctionne bien par un autre dont les modalités d'applications sont floues. (Marques d'impatience à droite)

Après la suppression des maîtres E et G, les 8 000 emplois de Rased restants sont-ils condamnés à disparaître ?

Voix à droite.  - Deux minutes trente !

Mme Françoise Cartron.  - Que proposerez-vous à ces milliers d'enseignants spécialisés que vous utilisez pour combler les coupes sombres effectuées dans les effectifs de l'éducation nationale, et comment comptez-vous tirer parti de leur savoir-faire ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'ai déjà répondu plusieurs fois, mais je veux bien recommencer : ter repetita placent ! Toute la politique conduite à l'école primaire vise à lutter contre l'échec scolaire, par une meilleure organisation des programmes, l'instauration d'heures de soutien, une campagne éducative dans les zones d'éducation prioritaire, des évaluations, l'amélioration du management des inspections. Nous sommes partis du constat que 15 % des élèves arrivent en sixième avec de grandes difficultés scolaires. Un fils d'ouvrier a sept fois plus de chances de ne pas savoir lire à l'âge de 10 ans qu'un fils de cadre ! C'est bien beau de dire que l'école républicaine fonctionnait parfaitement jusqu'à mon arrivée, mais est-ce cela, la République ? (Protestations à gauche, marques d'approbation à droite)

Avec 380 000 professeurs du premier degré et 12 000 membres des Rased, ce n'est pas parce que nous décidons d'affecter certains de ces derniers là où l'on a le plus besoin d'eux que les difficultés vont exploser et que nous abandonnons la lutte contre l'échec scolaire ! C'est une vue de l'esprit ! (Mêmes mouvements) Je comprends que cette réforme agace et gêne, mais j'en ai vu d'autres ! Je persiste à penser que l'échec scolaire doit être traité globalement, non par des personnels spécialisés, mais par l'ensemble des enseignants et des intervenants : c'est ma doctrine de fond. Je reconnais qu'elle n'est pas facile à vendre ! Mais je la défends de bonne foi. Je n'ai pas voulu cette réforme parce que je serais à 3 000 postes près !

Mme Christiane Demontès.  - Trop, c'est trop !

M. Yannick Bodin.  - Le taux d'encadrement des élèves va chuter !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Vous m'avez déjà dit la même chose l'année dernière, mais vous verrez : à la rentrée 2009, le taux d'encadrement sera le même. Nous réduirons les effectifs en ne renouvelant pas certains emplois, sans que cela affecte le face-à-face des enseignants et des élèves.

Je reconnais, madame Cartron, qu'il n'est pas bon que les heures de soutien aient lieu pendant la pause méridienne. Nous sommes encore dans une phase d'adaptation, mais après un an les choses iront mieux. Je fais confiance aux enseignants. Cette mesure peut d'ailleurs être appliquée différemment selon les lieux : je reviens de Normandie où les deux heures de soutien sont réparties entre le lundi et le jeudi en fin de journée, et tout se passe très bien.

Je le répète : la première mission de l'école primaire est de lutter contre l'échec scolaire.

Mme la présidente.  - Je ne vous redonne pas la parole, madame Cartron, car vous avez largement dépassé le temps imparti. Je rappelle aux orateurs qu'ils disposent de deux minutes trente.

Accueil des enfants de moins de 3 ans

Mme Muguette Dini.  - Ma question concerne l'accueil des enfants de moins de 3 ans. Les enfants de 2 à 3 ans sont à un âge charnière, et diffèrent grandement entre eux pour ce qui est de la maturité psychique et physique. Ils sont à la fois trop grands pour la crèche, et trop petits pour l'école, centrée sur l'apprentissage.

La scolarisation des enfants dès 2 ans rend de grands services aux parents. Mais cette tranche d'âge nécessite un autre mode de prise en charge, qui permette à l'enfant de se développer à son rythme. Ne pourrait-on pas créer, comme le suggérait Mme Nadine Mono, des « jardins-passerelles » ou des « jardins d'éveil » permettant aux petits d'aller à l'école le matin jusqu'à 11 heures, et d'être ensuite pris en charge jusqu'au retour des parents par des personnes formées spécifiquement à cet accueil ? J'avais déjà fait cette suggestion en mars 2005 lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, mais on a toujours tort d'avoir raison trop tôt !

M. Jacques Legendre.  - C'est bien vrai !

Mme Muguette Dini.  - Ces structures pourraient fonctionner pendant toute l'année civile, dans une amplitude horaire similaire à celle des crèches collectives.

La volonté des trois partenaires, l'éducation nationale, la caisse nationale d'allocations familiales et les collectivités territoriales, est indispensable. De nombreuses communes seraient intéressées par cette expérience, mais comment pourraient-elles en assumer la charge salariale ?

Peut-on imaginer que l'éducation nationale affecte les crédits qu'elle consacre aujourd'hui aux enfants de 2 ans aux communes qui mettent en place ce mode d'accueil innovant ? A défaut, elles seront peu à le faire.

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'ai déjà répondu en grande partie sur la préscolarisation des moins de 3 ans. Il faut accepter une diversité des réponses. Les ouvertures qui ont été faites, notamment par Mme Morano, sont à examiner. Lorsque tout le monde y verra clair, l'éducation nationale décidera mais si vous me demandez de m'engager maintenant à verser une subvention aux communes, je risque de vous décevoir. Le pays tout entier doit se poser une question qu'il ne s'était jamais posée et, en attendant, l'éducation nationale continuera d'assurer l'accueil dès la maternelle.

Wallis-et-Futuna

M. Robert Laufoaulu.  - A Wallis, l'enseignement primaire est assuré par l'enseignement catholique mais, malgré des effectifs en baisse, la subvention qu'il reçoit ne couvre que 50 % des besoins -on peut imaginer la qualité de l'enseignement dispensé dans de telles conditions. Qu'allez-vous faire ?

M. Yannick Bodin.  - Allez à Rome !

M. Robert Laufoaulu.  - La dette du territoire envers l'enseignement privé de Nouvelle-Calédonie atteint un million d'euros en raison du non-renouvellement depuis trois ans d'une subvention couvrant les frais de cantine et d'hébergement des jeunes Wallisiens obligés de poursuivre leurs études en Nouvelle-Calédonie. S'il est normal que la collectivité acquitte ces frais, force est de constater qu'ils résultent du manque d'offre de formation.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Nous connaissons les difficultés particulières de Wallis-et-Futuna où le service public est délégué à l'enseignement catholique qui reçoit une subvention, et je prévois d'étudier une subvention exceptionnelle. Elle sera déléguée par le vice-recteur : il n'y aura pas de solution de continuité.

Nous n'ignorons pas la complexité de la situation des élèves qui poursuivent leur scolarité en Nouvelle-Calédonie où les frais sont répartis au prorata entre collectivités d'origine. Une issue favorable devrait être trouvée grâce à la convention spécifique qui vient d'être passée avec les deux collectivités. Soyez assuré que nous resterons attentifs et ferons en sorte que l'accueil des jeunes Wallisiens en Nouvelle-Calédonie se fasse dans les meilleures conditions : il n'y aura pas la moindre réticence à cet égard.

Rased

M. Claude Domeizel.  - Vous paraissez agacé que les questions soient toujours les mêmes, monsieur le ministre, et vous dites chaque fois que vous avez déjà répondu. Mais si les questions se répètent, c'est que l'on partage les mêmes inquiétudes sur tous les bancs. Comme j'arrive en douzième position, je pourrai réagir à vos réponses. Sur les Rased d'abord, il faudra que vous preniez conscience que les 3 000 postes -il y en aura d'autres- seront affectés dans les classes : comment leurs titulaires pourront-ils exercer leur métier comme s'ils étaient restés en réseau ?

La semaine des quatre jours, ensuite. Le samedi matin constituait un moment privilégié -on le disait auparavant du samedi après-midi. C'est le temps d'une pédagogie différente, presque le dimanche de l'école. Avec la semaine de quatre jours, comment apporter une aide personnalisée sinon à l'heure du repas ou après les classes, c'est-à-dire quand les enfants ont besoin de se défouler et que les collectivités comme les parents doivent jongler avec les contraintes de transports et les obligations ? Je ne vous interrogerai par sur les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles sur lesquels j'attends toujours une réponse, même si je pense comme de nombreux maires...

Mme la présidente.  - Vous dépassez votre temps de parole.

M. Claude Domeizel.  - Alors un mot seulement du service minimum car vos déclarations, celles du Premier ministre, celles du Président de la République aussi, ont ajouté à la confusion et à l'exaspération : 500 contentieux, c'est un peu trop ! Quand on s'est trompé, monsieur le ministre, il faut le reconnaître. On vous l'avait dit, cela ne marche pas : revenez en arrière, comme cela s'était fait pour le CPE.

Oui ou non, allez-vous organiser le travail qu'assurent les Rased ? Oui ou non, la semaine de quatre jours est-elle obligatoire et, oui ou non, allez-vous persister dans des mesures qui laissent sur le bas-côté les enfants en grande difficulté ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je ne suis nullement agacé par le fait de répondre à des parlementaires mais il y a peu de chance que ma réponse change en quelques minutes.

M. Bernard Frimat.  - On peut espérer !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je vous renvoie donc à ce que j'ai dit des Rased.

Le choix de la semaine de quatre jours a des avantages et des inconvénients mais la semaine reste à 24 heures, comme c'est le cas depuis 1887 et j'ai toute confiance dans les équipes éducatives pour le soutien.

Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles sont des agents municipaux. Que dire de plus, sinon qu'il appartient aux maires d'organiser leurs services ?

Nous n'avons pas tort sur le SMA car le législateur ne se trompe pas. (A gauche on invoque le précédent du CPE) Quand la loi est votée, il faut l'appliquer et non seulement 10 000 communes sur 12 000 l'appliquent, mais encore l'enquête menée par l'Association des maires de France montre qu'elles sont satisfaites en majorité. Vous n'êtes pas d'accord, c'est votre droit. Nous discutons quant à nous avec l'Association des maires de France mais, soyons clairs : si une commune délibère de ne pas appliquer la loi, j'engage des poursuites.

M. Claude Domeizel.  - Vous ne répondez toujours pas aux questions. Tout va très bien... Je vous renvoie au Congrès des maires de France, où le Premier ministre a été sifflé ou hué. Les maires vivent très mal cette situation.

Enseignement français à l'étranger

M. André Ferrand.  - Lorsque l'on adopte le point de vue d'un Français de l'étranger qui va à la rencontre de nos communautés, on observe que nos positions économiques dans la mondialisation se dégradent sérieusement.

Je constate, par comparaison avec d'autres pays, que nous avons un sérieux problème de culture, une culture qui devrait faire de nos compatriotes des citoyens du XXIe siècle, ouverts sur le monde et doués d'un esprit, plus que d'entreprise, d'entrepreneurs. Il serait aussi essentiel qu'ils maîtrisent les langues et sachent en particulier manier l'anglais avec aisance. (Mme Nathalie Goulet approuve) Vous avez entrepris de bouger les lignes et je soutiens votre action. Mais il y a urgence. Nos positions s'érodent gravement. Il faut accélérer le mouvement. Songez-vous, monsieur le ministre, à de nouvelles initiatives ? (Mme Nathalie Goulet approuve derechef)

L'enseignement français à l'étranger connaît un succès qui pousse à son extension : 7 000 élèves étaient scolarisés dans notre réseau à la dernière rentrée, dont 4 000 Français. Mais l'argent public se faisant rare, les initiatives locales méritent d'être encouragées. Les établissements, homologués par l'éducation nationale, qui en sont le fruit, ont grandement besoin d'enseignants titulaires « exportables ». Ne serait-il pas possible de créer un corps administrativement mis à leur disposition ?

Je reviens de Madagascar qui accueillera, à l'automne 2010, le prochain sommet de la francophonie. Coup de tonnerre, le président Ravalomanana, qui ne songeait qu'à l'anglais, opère un virage à 180 degrés : vive le français ! Son enseignement est à l'ordre du jour ! Il compte sur nous. C'est là une chance historique : nous avons deux ans pour combler le retard pris durant la période de malgachisation. Peut-on compter, monsieur le ministre, sur l'aide du rectorat de la Réunion pour relever le défi ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je vous suis parfaitement sur la nécessité, pour les jeunes, de s'adapter aux réalités du monde d'aujourd'hui. Au fondement de la réforme que nous engageons gît la certitude que nous ne pouvons nous penser isolément. Le conseil des ministres européens de l'éducation a adopté, sous ma présidence -raison pour laquelle, monsieur Domeizel, je ne pouvais être en même temps à l'Association des maires de France- une série de mesures destinées à favoriser la mobilité pour tous, la validation des acquis de l'expérience et à garantir la qualité des formations.

Sur l'Aefe (Agence française pour l'enseignement à l'étranger), nous avons des relations soutenues avec le ministère des affaires étrangères. Une réunion s'est tenue, la semaine dernière, présidée par le Président de la République, pour réfléchir aux questions communes, dont celle des droits d'écolage. Sur la question d'une mise à disposition définitive des enseignants, vous savez bien, car vous connaissez à fond le sujet, que je ne puis vous répondre favorablement. Reste que je demeure très attentif au bon fonctionnement de cet outil incomparable et que je connais bien, comme ancien ministre délégué à la coopération et à la francophonie, que constitue notre réseau d'établissements français à l'étranger.

Quant au projet de retour à la francophonie de Madagascar, il relève plutôt des compétences de M. Joyandet. J'en mesure la portée. Ce bâtiment au milieu de l'Océan indien que constitue la Grande île pourrait être appuyé sur ses flancs par les Comores, et Mayotte au premier chef, l'île Maurice, les Seychelles, membres comme lui de la Commission de l'Océan indien : il serait utile de s'y adosser.

M. André Ferrand.  - Je remercie le ministre de sa réponse, en précisant que le réseau des établissements français à l'étranger comprend aussi les établissements homologués. C'est eux que visait ma question. Il est à craindre, compte tenu de ce que sera le budget de son ministère de tutelle, que l'Aefe n'ait pas les moyens de tout contrôler... Il faut donc faire confiance aux initiatives locales, qui ont besoin d'une réserve de titulaires.

Application du service minimum d'accueil.

M. René-Pierre Signé.  - Une nouvelle banderille, monsieur le ministre. La loi instituant un droit d'accueil met en cause deux droits fondamentaux de valeur constitutionnelle : le droit de grève et la continuité du service public. Il pourra être appliqué dans deux cas de figure : par les communes en cas de grève, mais aussi par l'État, en cas d'impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent. L'exigence de continuité de l'enseignement peut-elle se satisfaire d'un droit d'accueil qui s'apparente à de la garderie ? Vous portez de surcroît une double atteinte, au droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales.

La majorité des parents, dites-vous, soutient ce dispositif ? Mais il est facile d'attirer la compassion sur les enfants livrés à eux-mêmes ou les familles en proie à des problèmes de garde insurmontables. Présenté ainsi, le projet ne peut qu'attirer une sympathie de commisération !

« On s'insurge toujours sur les conséquences des grèves, on ne s'interroge jamais sur leurs causes » relevait François Mitterrand.

Ce dispositif s'ajoute à une trop longue liste de réformes néfastes, prises sans réelle concertation. Vous imposez aux communes une charge supplémentaire, en oubliant les réalités pratiques -comment trouver le personnel ?-, juridiques -les maires seront donc responsables ?- et financières qu'elle emporte. Vous nous dites que vous ferez preuve de souplesse : c'est bien la moindre des choses ! Votre loi démagogique est impraticable pour les communes rurales, très complexe à mettre en oeuvre dans les communes urbaines et ne sera pas financée : les conseils généraux, en charge des transports au sein des regroupements pédagogiques, se défausseront.

Vous concevez l'institution scolaire comme un service fait pour satisfaire, sur le court terme, ses « usagers », au détriment de sa mission d'éducation.

Quelle concertation, indispensable au regard du flou des mesures exigées, envisagez-vous de mener avec les communes rurales ? A quand un premier bilan de l'application de ce texte dont le moins que l'on puisse dire est que sa réussite est très mitigée ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je ne peux vous laisser dire que le dispositif n'a pas fonctionné. C'est précisément parce qu'il a fonctionné dans 10 000 communes que des difficultés, comme cela est inévitable, sont apparues. Nous y répondrons. Le Président de la République a donné des signes d'ouverture. L'Association des maires de France a été consultée, et nous avons produit un communiqué commun. J'ai déjà répondu sur le système d'évaluation accéléré, je n'y reviens pas. La loi est la loi. Elle ne contrevient pas aux principes constitutionnels puisque le Conseil constitutionnel lui-même, saisi par des parlementaires socialistes, a considéré qu'il était parfaitement conforme.

Personne ne remet en cause le droit de grève. Le système d'alarme sociale, dont le décret sera publié dans quelques jours, permettra de négocier en amont et de faire de la grève, je l'espère, un dernier recours.

On ne peut, enfin, mettre sur le même plan un accueil ponctuel en cas de grève, pour rendre service aux familles, et l'enseignement dispensé tout au long de l'année.

M. René-Pierre Signé.  - Le droit de grève est atteint, puisqu'en lui faisant faire perdre de son efficacité, vous en atténuez les résultats. Vous ne répondez pas sur la question du transport des élèves des établissements regroupés : le conseil général ne paiera pas, qui le suppléera ? Il faut encore prendre en compte les difficultés liées à l'impératif de sécurité. Enfin, comme l'a justement dénoncé M. Domeizel, il est inadmissible que les maires puissent faire l'objet de poursuites pénales ! Tout ceci mérite à tout le moins une concertation !

Suppression de postes et équité scolaire

M. Daniel Percheron.  - Notre pays dispose d'un des systèmes de formation les plus performants au monde, chacun sait mon engagement régional pour le perfectionner. Aussi, monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous en supprimez des postes par milliers : chaque suppression de poste est une blessure pour l'école de Jules Ferry ! Le libéral M. Barroso ne manque pas une occasion, depuis 2000, de rappeler que l'avenir de l'Europe passe par l'intelligence : c'est la stratégie de Lisbonne. Mais pendant la présidence française de l'Union, vous supprimez toujours plus de postes d'enseignants : où est la cohérence ? Vous allez jusqu'à dire que la diminution du nombre d'enseignants est une chance pour le face-à-face entre l'enseignant et l'élève ! Vous reconnaissez, à Davos, que les pays les plus avancés, comme la Suède, la Finlande et le Danemark, sont ceux qui investissent le plus pour leur école et la protection sociale, mais vous diminuez ceux de notre école : quelle logique suivez-vous ?

Nous aimerions aussi savoir ce que vous faites du principe d'équité entre les territoires. Chacun sait l'importance de l'État et des services publics pour les territoires qui subissent la désindustrialisation. Or, dans certains territoires en pleine reconversion industrielle du Nord-Pas-de-Calais, l'indice de présence des services publics est inférieur du quart à la moyenne nationale ; tel grand lycée d'enseignement général va même perdre jusqu'à 10 % de ses effectifs enseignants : où est l'équité ?

Enfin, quelle place faites-vous au dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, sur cette compétence partagée qu'est la mission d'éducation ? L'État est certes chargé de la transmission des savoirs, mais les régions, par exemple, construisent, équipent et entretiennent les lycées ! Nous faisons de notre mieux, et le recteur, devenu bûcheron, abat des emplois par milliers ! Quel est le sens, pour les collectivités territoriales, de faire des investissements que l'État rendra aussitôt inutiles ? Les territoires demandent du dialogue ! (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ne faites pas de paralogisme. Je n'ai pas dit que moins d'enseignants, ce serait mieux pour l'école, mais que le maintien d'enseignants sans nécessité, ne rendrait pas l'école meilleure... La Suède et le Danemark sont très avancés, mais ils ont bouleversé leurs méthodes d'enseignement et je ne suis pas sûr que vous seriez d'accord pour de tels bouleversements en France ! Ni avec le modèle britannique, où les enseignants viennent chaque jour du matin au soir ! Nous avons choisi un autre système alors, de grâce, comparons ce qui est comparable ! Ce que nous proposons, c'est de perfectionner notre système, en l'organisant mieux. Je n'ai donc pas dit qu'il fallait dépenser moins pour qu'il aille mieux, car je ne le pense pas ; (on en doute à gauche) ce que j'ai dit, c'est que dans le contexte de diminution de l'emploi public, il fallait mieux organiser le face-à-face de l'élève et de l'enseignant. En tout état de cause, la stratégie de Lisbonne reste d'actualité !

Enfin, je connais bien l'académie du Nord-Pas-de-Calais : les effectifs enseignants diminuent là où ceux des élèves diminuent plus encore, nous nous adaptons à la démographie scolaire !

Alors, non, je ne suis pas Jules Ferry, et je le reconnais très volontiers ; mais là où le service public est un besoin, nous l'assurons ! Nous créons 500 emplois publics pour le premier degré : qui dit mieux ? Nous fermons des postes là où il y a moins d'élèves, nous en ouvrons là où il y a des besoins ; ce n'est pas en augmentant systématiquement leur nombre, aveuglément, qu'on améliorera la qualité de l'école !

M. Daniel Percheron.  - Nous sommes au coeur du sujet ! Il ne suffit pas de régionaliser l'éducation pour régler ses problèmes. Dans ma région, près de 8 000 élèves décrochent chaque année dès le secondaire, la réussite au bac est encore inférieure à la moyenne nationale et l'écrasante majorité des enfants d'ouvriers rejoint comme mécaniquement l'enseignement professionnel. C'est bien pourquoi la présence d'enseignants de grande qualité est une chance pour l'avenir. Dans les arrondissements où la démographie scolaire recule, le revenu moyen par habitant est de 10 000 euros, contre 73 000 euros dans les Hauts-de-Seine ! On peut attendre de la République qu'elle compare les territoires et qu'elle adapte ses politiques ! A la rentrée prochaine, les postes seront supprimés par centaines, des filières seront abandonnées : nous ne l'acceptons pas ! (Applaudissements à gauche)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

L'amendement du Gouvernement n°II-195 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-66, présenté par Mme Férat, au nom de la commission des affaires culturelles.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.  - Par cet amendement adopté à l'unanimité, nous réduisons de 51 453 333 euros le montant des crédits de paiement et de 24 153 333 euros le montant des autorisations d'engagement ouverts sur le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».

Cette réduction sera intégralement opérée sur le titre 2 du programme « Enseignement scolaire public du second degré » et ventilée sur chacune des actions du programme à hauteur de son poids relatif dans le programme.

L'enseignement agricole a grand besoin de ces 51 millions, ce n'est pas une vue de l'esprit. Depuis trois ans, les établissements d'enseignement agricole subissent des suppressions de postes, des fermetures de classes ; ils recrutent des contractuels, certains ne sont pas payés depuis le mois de septembre ! Cette situation est très défavorable aux territoires ruraux déjà fragilisés.

Ces 51 millions éviteraient la fermeture de 60 à 80 classes, il faut les comparer à l'ensemble des crédits pour les heures supplémentaires des enseignants, soit 1,1 milliard.

La subvention aux établissements d'enseignement agricole privés devait être revalorisée en 2007, on leur a demandé de patienter jusqu'en 2009, mais cette année encore on leur demande d'attendre un an ou deux de plus. L'État économise ainsi 30 millions, les familles doivent réparer son avarice.

L'enseignement du rythme approprié doit supporter des reports de charge : chaque année, l'État doit 25 millions aux établissements d'enseignement agricole, qu'il ne leur paie tout simplement pas. Le ministère rechigne devant notre amendement qui représente 50 millions sur un ensemble de 60 milliards, mais il économise en toute tranquillité 25 millions sur le dos d'établissements scolaires déjà aux prises avec les plus grandes difficultés.

Notre priorité n'est pas de savoir où seront prélevés ces 50 millions, mais de remettre à niveau l'enseignement agricole. Nous sommes à un carrefour : soit nous nous contentons de rajouter quelques millions à un enseignement agricole structurellement sous-financé, soit nous lui permettons véritablement de sortir la tête de l'eau.

L'article 40 nous impose de nous tourner vers l'éducation nationale, car, pour donner à l'un, nous sommes contraints de prendre à l'autre ! Depuis plus de deux mois, j'ai pris mon bâton de pèlerin pour rencontrer tout ce que Paris compte de conseillers ministériels : tous m'ont répondu qu'ils ne pouvaient, ou ne voulaient rien faire. Monsieur le président de la commission des finances, j'ai tout fait pour éviter d'en arriver à cet amendement. Mais renoncer à abonder les crédits de l'enseignement agricole, je ne pouvais m'y résoudre ! Je regrette que le gage n'ait pas été pas levé : 50 millions, c'est 0,08 % des crédits...

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est présenté pour solde de tout compte. Au ministre de l'agriculture désormais de défendre notre enseignement agricole. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - La commission des finances est favorable à cet amendement. Mme Férat défend avec compétence et ferveur une cause juste. Le ministère de l'éducation nationale n'est pas en cause, mais le Parlement ne peut que basculer des crédits à l'intérieur d'une même mission. Celle-ci regroupe deux ministères : la rue de Grenelle et la rue de Varenne, or cette dernière peine à obtenir les moyens qui lui incombent ...

Les lycées agricoles publics, les établissements du temps plein et les établissements du temps adapté, qui sont l'une des formes les plus originales et performantes de réinsertion des jeunes, seront pénalisés par l'insuffisance des crédits.

Faute d'un effort in extremis du ministère de l'agriculture -à tout pécheur miséricorde-, la commission des finances propose d'adopter cet amendement, dont le montant correspond à un retard assumé aujourd'hui par les établissements et les familles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'en conviens, il faut aider l'enseignement agricole. Mais la commission des finances déplorait également dans son rapport que le ministère de l'éducation nationale soit victime de prescriptions qui engagent son budget ! Ceux qui me reprochaient ce matin mon avarice trouvent maintenant normal de me retirer 50 millions -c'est peu, certes, mais cela représente quand même 18 000 heures de cours par semaine en moins ! M. Barnier a dit que l'enseignement agricole était performant, qu'il fallait l'aider. Soit, mais je ne peux être favorable à une telle amputation de mon budget.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Personne ici n'a envie de diminuer les crédits de l'éducation nationale.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est pourtant ce qui va se passer !

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Mais personne non plus ne peut accepter que l'enseignement agricole soit empêché de fonctionner, alors qu'il offre à de nombreux jeunes une formation qui leur permet de trouver un emploi, de s'insérer et de contribuer à la vitalité du milieu rural.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je suis d'accord.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Nous sommes inquiets de l'évolution des crédits de l'enseignement agricole. Il est inacceptable d'en arriver à ce que les enseignants ne soient pas payés ! Il faut mettre un terme à cette dérive. La Lolf nous impose de trouver les crédits nécessaires au sein d'une même mission : voilà pourquoi nous demandons ce transfert, en regrettant que les crédits du ministère de l'agriculture n'aient pas été à la hauteur. Nous souhaitons que le Gouvernement trouve un arbitrage qui permette à l'enseignement agricole de rester performant sans pour autant amputer les crédits de l'éducation nationale.

La commission des affaires culturelles a adopté à l'unanimité cet amendement, sur lequel nous demanderons un scrutin public.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Cet amendement répond à la nécessité d'apurer une dette.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - C'est exact.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La Lolf prescrit que l'on dresse chaque année la situation patrimoniale de l'État : cette dette apparaît donc au passif. Transformer les établissements en créanciers de l'État les met en difficulté. Nos commissions sont dans leur rôle. Nous sommes animés des meilleures intentions à votre endroit, monsieur le ministre, et nous souhaitons que la coordination entre les rectorats et les directions régionales de l'agriculture s'opère au meilleur niveau.

Je ne crois pas que ces 51 millions soient de nature à précipiter nos finances dans l'abîme... Il faudra trouver des éléments d'équilibre d'ici la fin de la discussion budgétaire. Le ministre de l'agriculture a annoncé qu'il faisait un geste sur 3 millions : cette somme pourrait venir en déduction des 51 millions demandés par Mme Férat, qui pourraient ainsi être ramenés à 48 millions.

M. Pierre Martin.  - Comme l'a souhaité la commission des affaires culturelles, le ministre de l'agriculture a annoncé, à la reprise de la séance, qu'il dégageait 8 millions supplémentaires.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.  - Cet amendement a été voté à l'unanimité de la commission des affaires culturelles. Son rejet se traduirait par des fermetures de classes d'enseignement agricole, voire d'établissements ! Dans un contexte économique et budgétaire difficile, il ne doit pas être financé par l'inflation budgétaire mais par des redéploiements. Le ministère de l'agriculture a ainsi annoncé un effort à hauteur de 8 millions.

Il est quand même possible de trouver au sein de cette ligne très importante du titre II qui est dotée de 27 milliards les quelque 51 millions qui font défaut tant à l'enseignement agricole public que privé.

Comme le disait le Général de Gaulle, les choses simples sont les plus difficiles à mettre en place. Il faut pourtant voter cet amendement si l'on ne veut pas se retrouver dans une situation comparable à celle d'il y a trois ans.

Mme Nathalie Goulet.  - Il y a 175 000 élèves dans les lycées agricoles et ces lycées offrent des débouchés de le secteur agricole, mais aussi dans celui du développement durable ou de l'aide à la personne. Je voterai donc cet amendement extrêmement important qui permettra d'apurer les comptes.

M. Serge Lagauche.  - Nous comprenons la démarche de Mme Férat qui se bat depuis plusieurs années pour soutenir l'enseignement agricole. Elle nous a dit que, comme depuis deux mois, elle a été de ministère en ministère sans obtenir satisfaction, elle s'était résolue à déposer un amendement. Nous comprenons ses difficultés, mais cela fait vingt minutes que nous discutons de cette question : vous auriez quand même pu trancher cette question entre vous !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Mais c'est ce que nous avons fait !

M. Serge Lagauche.  - Certes, mais certains de vos amis estiment qu'en faisant un peu pression, le Gouvernement finira bien par trouver un compromis. Alors, désolé, mais nous n'allons pas participer à vos petits arrangements. (M. Jean Arthuis s'exclame) Ne vous scandalisez pas, monsieur le président ! Si vous n'êtes pas capables de vous entendre sur une petite somme, ne comptez pas sur nous pour vous y aider. Avec ce scrutin public, il semble même que vous ne vous fassiez mutuellement pas confiance. (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Comme l'a dit notre rapporteur, l'enseignement agricole constitue une exception remarquable dans l'éducation nationale : le taux d'insertion professionnelle est exceptionnel. Pourtant, nous sommes pris entre le marteau et l'enclume. (Rires à droite)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.  - Plutôt la faucille et le marteau ! (Mêmes mouvements)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Or, la pérennité de cet enseignement est en péril et les budgets successifs n'ont eu pour résultat que de pousser les élèves vers le privé. Pour la première fois, Mme Férat nous demande d'abonder les crédits de l'enseignement agricole afin, notamment, de rétablir 100 emplois d'enseignants et 64 emplois administratifs. D'ailleurs, il faut rappeler la terrible carence des postes de personnels administratifs.

Cependant, sur 51 millions ainsi dégagés, 40 iraient à l'enseignement privé et 11 au public. En outre, vous voulez ponctionner ces crédits sur le programme « Enseignement public du second degré ». Pourquoi ne pas avoir choisi celui consacré à l'enseignement privé ? Vous comprendrez aisément que nous ne pourrons pas voter cet amendement. Nous nous abstiendrons donc.

M. Gérard César.  - La commission des affaires économiques n'a pas eu à se prononcer sur cet amendement mais, en tant que rapporteur de la dernière loi d'orientation agricole, je pense que si elle l'avait fait, elle y aurait été favorable. (Applaudissements sur divers bancs à droite et centre)

M. Thierry Foucaud.  - Si j'avais été membre de la commission des affaires culturelles, j'aurais sans doute adopté cet amendement car il permet de rattraper le retard accumulé dans l'enseignement agricole. Mais vous devriez aller au bout de votre logique en demandant au Gouvernement de lever le gage, d'autant qu'en ponctionnant le programme « Enseignement public du second degré », vous affectez les deux tiers des crédits à l'enseignement agricole privé et le tiers restant au public. Si nous vous avions soumis un amendement semblable pour abonder les crédits destinés aux ZEP, je ne suis pas sûr que la majorité nous aurait suivis... Nous ne pouvons accepter que plus de 40 millions destinés à l'enseignement public soient transférés au privé.

M. Henri de Raincourt.  - Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Foucaud.  - Il faut demander à votre Gouvernement...

M. Michel Mercier.  - C'est ce que l'on fait !

M. Thierry Foucaud.  - ... de lever le gage. Pour éviter tout quiproquo, mais afin de ne pas pénaliser les lycées agricoles, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - On nous dit que l'amendement n°II-207 du Gouvernement qui vient d'être déposé témoigne de l'effort du ministre de l'agriculture. Ne pourriez-vous pas présenter cet amendement, monsieur le ministre, afin que Mme Férat puisse rectifier le sien ?

M. Roland du Luart.  - La méthode est bonne !

Mme la présidente.  - Amendement n°II-207, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

Vie de l'élèveDont Titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

3 000 000

3 000 000

TOTAL

3 000 000

3 000 000

SOLDE

+ 3 000 000

+ 3 000 000

M. Xavier Darcos, ministre.  - Il s'agit d'abonder de 3 millions les crédits destinés à l'enseignement agricole. L'amendement de Mme Férat peut donc être réduit d'autant.

L'amendement n°II-207, accepté par la commission, est adopté.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.  - Je rectifie donc mon amendement.

Mme la présidente.  - Il s'agit donc de l'amendement n°II-66 rectifié qui se lit ainsi :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

21 153 333

21 153 333

48 453 333

48 453 333

Vie de l'élèveDont Titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

21 153 333

453 333

48 453 333

48 453 333

TOTAL

21 153 333

21 153 333

48 453 333

48453 333

SOLDE

0

0

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Cette nouvelle rédaction me paraît satisfaisante.

A la demande des commissions des affaires culturelles et des finances, l'amendement n°II-66 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 201
Majorité absolue des suffrages exprimés 101
Pour l'adoption 201
Contre 0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements au centre et à droite et au banc des commissions)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-182, présenté par M. Muller.

M. Jacques Muller.  - J'entends par cet amendement affecter les crédits destinés à financer le dispositif « heures supplémentaires » de la loi Tepa au rétablissement des 3 000 postes de Rased.

La volonté du Gouvernement d'amputer les Rased a suscité à juste titre une très forte réaction au sein de la communauté éducative. Dans le Haut-Rhin, la centaine de conseils d'école qui se sont tenus depuis l'annonce du ministre se sont tous prononcés pour le maintien d'un dispositif qui a fait ses preuves. Les témoignages de parents se multiplient dans la presse locale et les élus sont pour une fois unanimes. Les délibérations des conseils municipaux s'accumulent, tous les conseillers généraux, de toutes étiquettes, présents à la dernière réunion de l'assemblée départementale ont signé un texte appelant au retrait du projet de sédentarisation. Sans compter trois sénateurs sur quatre et plus de 150 maires. Le président UMP de la région Alsace a fait appel aux parlementaires afin qu'ils trouvent une solution technique dans le cadre de la loi de finances. Il y a donc consensus pour pérenniser un dispositif dont la présence sur le terrain, y compris en milieu rural, est indispensable.

Les Rased interviennent à la demande des professeurs, avec l'accord des parents, pour apporter une aide spécialisée aux élèves en difficulté sévère et les remettre sur les rails quand il est encore temps ; les deux heures de soutien hebdomadaires ne sauraient les remplacer. Les professeurs peuvent faire face à certaines difficultés, mais sont totalement désarmés devant d'autres que les équipes pluridisciplinaires des Rased peuvent, elles, prendre en charge.

Au regard de ses remarquables résultats, il fallait améliorer le dispositif au lieu d'en préparer la disparition. Vous avez certes dit en commission, monsieur le ministre, que la suppression des Rased n'était pas à l'ordre du jour ; cette déclaration est en contradiction avec l'arrêt de la formation des maîtres spécialisés à compter de septembre prochain, en contradiction aussi avec ce qui se passe sur le terrain. Dans le Haut-Rhin, il n'y a plus que 36 rééducateurs, contre 45 il y a deux ans, qui doivent chacun suivre 50 enfants.

La suppression de ce dispositif gratuit pour les familles, qui a fait ses preuves, va mettre en péril la réussite scolaire des enfants en difficulté, principalement issus de milieux populaires et du monde rural. L'accueil des enfants, l'égalité des chances, le droit au savoir, l'accompagnement par des professionnels compétents doivent demeurer des priorités absolues.

J'invite mes collègues à dépasser leurs étiquettes politiques et à donner un signal clair en faveur de l'école de la République. (Mme Christiane Demontès applaudit)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.  - Avis défavorable. Nous avons eu de longs échanges sur le sujet en dehors de toute considération politique. Les cas les plus difficiles relèvent des psychologues : aucun transfert de ces professionnels hors des Rased n'est prévu. Nous préférons en outre élargir les capacités de soutien éducatif, comme le propose le ministre. Enfin, nous n'avons pas de chiffres permettant d'évaluer l'activité des Rased, en particulier le nombre d'élèves suivis. Nous apprécierions que M. le ministre nous apportât des précisions sur ce point.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement. Je vous présenterai un bilan de la situation lors d'une prochaine audition.

M. Jacques Muller.  - Je maintiens l'amendement, en regrettant l'autisme du Gouvernement. (On s'impatiente à droite) Quand un conseil général unanime et 150 maires se mobilisent, il faut les entendre !

L'amendement n°II-182 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 3 décembre 2008, par M. le président du Conseil constitutionnel, que celui-ci était saisi, par plus de 60 sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Acte est donné de cette communication.

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Aide publique au développement

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », du compte spécial « Accords monétaires internationaux » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

Orateurs inscrits

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Pour la deuxième année consécutive, je vous présente le programme de mon ministère au sein de la mission « Aide publique au développement » ; pour la deuxième année consécutive, la commission des finances -habilement éclairée par l'expertise de M. Charasse, son rapporteur spécial depuis 1992- m'a fait l'honneur de les adopter sans modification. Pourtant, ce débat comporte des innovations, puisque MM. Duvernois, Cambon et Vantomme présentent pour la première fois l'avis de la commission des affaires culturelles et celui de la commission des affaires étrangères.

Je commencerai par évoquer notre politique de développement solidaire.

La nomenclature budgétaire montre que nous sommes passés du codéveloppement au développement solidaire, l'évolution sémantique exprimant une évolution politique. En effet, le codéveloppement consiste à soutenir les initiatives d'immigrants en faveur de leur pays d'origine, alors que le développement solidaire ajoute l'organisation des flux migratoires et l'action au service du développement des pays sources. Inscrit dans l'action de l'Union européenne, le développement solidaire couvre tous les aspects de la politique migratoire, en poursuivant deux objectifs : la maîtrise des flux migratoires et la réduction de la pauvreté dans les pays d'origine.

Des résultats ont déjà été obtenus en 2008, grâce à une dizaine de collaborateurs au sein de cette administration d'état-major : nous soutenons 120 projets dans 23 pays ; nous avons conclu sept accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. D'autres discussions en cours doivent déboucher bientôt sur de nouveaux accords.

L'année prochaine, nous poursuivrons ces orientations, qui devraient coûter 97,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 74,5 millions en crédits de paiement pendant la période 2009-2011. Toute comparaison entre les années 2008 et 2009 est délicate, car les autorisations d'engagement actuelles seront reprises l'année prochaine en exécution.

A l'attention de M. Charasse, que je sais particulièrement intéressé par cette question, je précise que nous avons atteint en 2008 un niveau remarquable d'exécution budgétaire, à concurrence de 80 % des autorisations d'engagement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Il faudrait communiquer le « tuyau » à l'Europe, pour qu'elle en fasse autant !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Servons de référence : ce sera une première étape.

Ce résultat a été obtenu grâce à la mobilisation d'un service qui n'existe seulement que depuis le 1er janvier.

J'ai lu avec attention les rapports de vos commissions. Je remercie M. Duvernois, qui a souligné le lien essentiel entre la maîtrise du français et l'intégration. La promotion de notre langue est une composante majeure de notre action. Depuis le 1er décembre, les formations et tests linguistiques du futur contrat d'accueil et d'intégration sont organisés dans les pays d'origine. Leur existence est approuvée par 80 % des Français sondés à ce sujet.

La richesse et l'exhaustivité du rapport de M. Charasse font honneur à sa réputation d'expert en aide publique au développement. Vous avez mis en exergue, monsieur le sénateur, le caractère novateur du programme 301 et la cohérence de notre politique avec le cadre communautaire. En effet, le pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté les 15 et 16 octobre à l'unanimité des États membres, se fixe pour objectif une Europe ouverte, agissant en concertation avec les pays d'origine. Vous avez également rappelé l'organisation à Paris de la seconde conférence franco-africaine sur la migration et le développement. Réunissant 80 délégations, elle a arrêté, à l'unanimité, un programme de travail triennal comportant 106 mesures concrètes destinées aux pays d'origine ou de transit. A juste titre, vous avez souligné la polyvalence du personnel de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (Anaem). Elle sera encore amplifiée dans l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), qui lui succédera le 1er janvier. Cette structure, placée sous la tutelle de mon ministère, disposera de relais à l'étranger, où elle accentuera notre politique d'immigration professionnelle et soutiendra des micro-projets. Concrètement, un peu plus de 350 projets sont soutenus, pour 2,5 millions d'euros en autorisation d'engagement, soit environ 7 100 euros en moyenne. Au Mali ou en République démocratique du Congo, c'est un véritable capital de départ !

J'en viens aux produits d'épargne codéveloppement. Leur montée en puissance, qui dépend largement des banques, reste lente. Des accords ont été signés par Bercy, notamment en 2007 avec les caisses d'épargne et en 2008 avec l'Union tunisienne de banque. Mais il est indispensable d'amplifier ce mouvement, de lancer des initiatives et de stimuler encore. Vous connaissez la situation des banques...

Les transferts de fonds opérés par les migrants représentent 8 milliards d'euros pour la France, soit l'équivalent de notre aide au développement. Il s'agit donc d'un phénomène majeur, que nous étudions de concert avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, pour mieux appréhender notamment ses conséquences pour les pays d'origine. Sur la base de ces travaux, la France a créé un fonds fiduciaire chargé de mieux soutenir les micro-financements, de développer l'assurance et d'utiliser les nouvelles technologies au service des transferts. MM. Cambon et Vantomme ont rappelé que nous voulions doter ce fonds de 9 millions d'euros en trois ans. Aujourd'hui, 6 millions sont déjà engagés dans le cadre d'un accord avec la Banque africaine de développement, signé la semaine dernière à l'occasion de la Conférence euro-africaine sur la migration et le développement. Je précise que les livres et comptes d'épargne développement, produits de moyen terme, n'occasionneront aucune dépense fiscale l'année prochaine.

Faut-il fusionner les deux premiers indicateurs et en créer un nouveau, relatif à l'épargne développement ? Je ne vois pas d'inconvénient à la fusion suggérée, que nous préparerons pour 2010. Pour ce qui est de l'indicateur dédié à l'épargne développement, nous devons encore voir ce qu'elle deviendra, mais je crois à son avenir.

J'en viens à l'articulation entre le développement solidaire et le cadre partenarial.

J'ai proposé, dans le cadre du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qu'à l'occasion de la révision des documents-cadres de partenariat la dimension migratoire soit mieux prise en compte.

J'y insiste : pour la première fois la France se donne les moyens d'une véritable politique de développement solidaire. La nouvelle politique d'immigration de la France, que j'ai été chargé de mettre en oeuvre, tient compte de l'enjeu fondamental qu'est le développement économique des pays source d'immigration. Ne nous y trompons pas : le défi de la maîtrise des flux migratoires est immense. Pour le mener à bien, il n'y a qu'une seule méthode : le dialogue, la concertation et le partage. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances.  - L'aide publique au développement baisse sensiblement en part du RNB depuis deux ans, et les perspectives pour 2009 demeurent incertaines. Malheureusement, la France ne fait pas exception à cette tendance internationale, avec une aide de 0,38 % du RNB en 2007 et 0,37 % prévus en 2008, soit 7,3 milliards d'euros, hors taxes sur les billets d'avion.

Comme chaque année, on annonce une forte augmentation de l'aide au développement pour l'année suivante -près de 2,3 milliards d'euros de plus pour la France en 2009- mais je doute que nous y arrivions, car les aléas pesant sur les annulations de dettes sont élevés. Même si la réalité est plus complexe, les pays pauvres ont le sentiment de faire les frais de la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques et à garantir le crédit interbancaire.

Certes, le Président de la République a assuré samedi dernier à Doha que l'Union européenne respecterait sa promesse de consacrer 0,7 % de son RNB à l'aide en 2015. Mais nous devrons fournir un effort énorme à partir de 2010 pour tenir le rythme, alors que la programmation triennale jusqu'en 2011 ne prévoit que la stabilité de l'aide en euros constants, du moins sur le plan budgétaire. Nous savons d'ores et déjà que les « objectifs du millénaire » ne pourront malheureusement pas être atteints partout, en dépit de réels progrès accomplis dans plusieurs domaines : réduction de la mortalité infantile, traitement des pandémies, éducation primaire.

Les chiffres sont importants, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls la finalité de l'aide. Dans une période de fortes tensions budgétaires, il n'y a plus vraiment de domaine sanctuarisé. L'essentiel est donc d'assurer avant tout la lisibilité et l'efficacité de notre aide, et de mobiliser de nombreux acteurs sur des projets précis aux effets mesurables.

De ce point de vue, la récente évaluation conduite sous l'égide de l'OCDE a montré que notre système était encore trop complexe et compartimenté. Des réformes structurantes ont cependant été entamées : redéfinition de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), recentrage de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), pilotage plus pointu et vigilant des opérateurs, fusion des Services de coopération et d'action culturelle (Scac) et des instituts culturels, mobilisation de nouvelles ressources et de nouveaux acteurs. L'État ne peut tout faire lui-même ; il doit aussi, par sa force d'entraînement et son rôle prescripteur, accroître l'effet de levier de ses concours.

Cette recherche d'efficacité est conforme aux principes de la déclaration de Paris de mars 2005, et se traduit dans les nouveaux objectifs et indicateurs du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui sont pertinents et restituent beaucoup mieux les dimensions de l'aide. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, la stratégie et les moyens de votre initiative « Cap 8 », qui a l'ambition de renouveler notre coopération avec l'Afrique ?

Simplification et lisibilité de la stratégie de l'État, recours à des opérateurs, renforcement de l'Agence française de développement (AFD) comme opérateur privilégié sur tous les secteurs relevant des « objectifs du millénaire », différenciation de l'aide en prenant également en compte nos intérêts politiques, économiques et migratoires... Tout cela est légitime si les opérateurs n'agissent pas en électrons libres, s'ils ne reproduisent pas à leur tour gaspillages et doublons, et si leurs initiatives et projets sont parfaitement cohérents avec les priorités de l'action extérieure de l'État. La contractualisation des objectifs et des moyens est donc un préalable nécessaire.

Pouvez-vous nous décrire, monsieur le ministre, les contours et les modalités de création du futur opérateur sur la mobilité, qui regroupera notamment Egide et France coopération internationale (FCI) ?

La RGPP doit également aboutir à un meilleur suivi de nos contributions aux organismes et fonds multilatéraux, qui peuvent être appréhendés comme de quasi-opérateurs. Nous prévoyons, Christian Cambon et moi-même, d'effectuer un contrôle conjoint sur ce thème dans les prochains mois.

Cela est d'autant plus nécessaire que le canal multilatéral, mystérieux et invisible pour les populations, exerce une contrainte croissante sur notre budget d'aide publique au développement, au détriment de l'aide-projet bilatérale, visible, dont les crédits de paiement diminueraient de près de 22 % en 2009. Je regrette fortement cette inflexion car cette aide est sans doute la plus perceptible pour les populations, et je vous proposerai à cet égard un amendement permettant d'augmenter significativement les subventions-projets à l'AFD.

L'emprise de l'aide multilatérale est également illustrée par le Fonds européen de développement (FED), dont la dotation budgétaire en 2009 est probablement sous-budgétisée comme en 2008. Les décaissements du fonds progressent indéniablement. Mais quiconque se rend sur le terrain constate que les progrès sont plus lents que la croissance des effectifs des délégations ; on peut d'ailleurs être choqué par le luxe dans lequel celles-ci sont parfois installées, alors que nos propres services vivent chichement. Les procédures restent complexes malgré la déconcentration, et les décaissements privilégient les dotations multilatérales et l'aide budgétaire plutôt que l'aide-projet. Cela n'a pas empêché d'adopter un dixième FED de 22,7 milliards d'euros, soit près de 80 % de plus que le précédent ! Doit-on s'attendre à ce que les versements de ce fonds se poursuivent jusqu'en 2020 ? Je me le demande.

La lourdeur et l'inertie de ce « paquebot », qui mobilise le quart des crédits budgétaires, sont inquiétantes, et je souhaite connaître l'état d'avancement des négociations avec nos partenaires européens sur sa budgétisation. Je relève cependant que l'Europe est capable d'agir rapidement dans certaines circonstances, comme l'illustre le récent accord sur le financement de la Facilité alimentaire, pour un milliard d'euros supplémentaire sur trois ans.

Il reste que nos débats et considérations budgétaires sur la mission « Aide publique au développement » ne concernent que le tiers de notre effort global d'aide prévu en 2009. Je ne reviens pas sur les raisons de cette inévitable discordance entre crédits de la mission, crédits budgétaires et montant notifié à l'OCDE. Je persiste néanmoins à regretter la débudgétisation intégrale des contrats de désendettement-développement, ainsi que la quasi-contraction de dépenses et de recettes que constitue le « recyclage » du résultat de l'AFD. Je vous présenterai un amendement qui a pour but de mettre fin à cette pratique contraire à la Lolf et régulièrement dénoncée par la Cour des comptes.

Je déplore également l'opacité, que je finis par croire délibérée, de la comptabilisation de l'écolage et de l'aide aux réfugiés au titre de l'aide publique au développement. Le document de politique transversale, détaillé et éclairant sur bien des points, est quasiment muet sur ce sujet et les ministères ne se donnent même plus la peine de répondre à nos questions. Le syndrome de la « boîte noire » n'a pas disparu. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l'information du Parlement en la matière ? Je m'interroge aussi sur les perspectives de renégociation des critères de notification à l'OCDE, afin d'inclure certaines dépenses et d'en exclure d'autres.

Je terminerai par quelques observations sur la politique de développement solidaire, encore modeste en termes de crédits mais qui n'en a pas moins de grandes ambitions. Le rôle de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem) et les cofinancements de projets prennent progressivement de l'ampleur, en particulier dans des pays-pilotes tels que le Sénégal ou le Mali. Il importe donc que ces dispositifs soient intégrés dans les documents-cadres de partenariat et bien coordonnés avec les ambassades au niveau local.

Il me semble aussi que le plafond de 7 000 euros pour l'aide au projet individuel financée par l'Anaem est insuffisant pour amorcer la création d'entreprises dans les pays partenaires. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait en fait d'une moyenne, mais c'est encore trop peu. Il conviendrait de porter le montant de cette aide à 15 000 ou 20 000 euros, tout en l'assortissant de conditions strictes quant au sérieux et à la viabilité du projet présenté.

Enfin les deux instruments de mobilisation de l'épargne des migrants, le compte épargne codéveloppement et le livret d'épargne codéveloppement, démarrent très lentement. Seules deux conventions ont été signées, et la Banque postale ne distribue pas ces produits alors qu'elle devrait le faire au premier chef. Il y a pour l'heure très peu de souscripteurs, et il faudra donc s'interroger sur l'opportunité du maintien de ces dispositifs s'ils ne parviennent pas réellement à décoller.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose de voter les crédits de cette mission, sous réserve de deux amendements que je vous présenterai tout à l'heure. C'est mon collègue Edmond Hervé qui vous présentera la partie du rapport consacrée aux comptes spéciaux. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Accords monétaires internationaux » ont leur importance, bien qu'il s'agisse de deux missions hors budget général. Le premier comporte 2,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,147 milliards de crédits de paiement. Le programme 851 prévoit un montant de prêts de 1,8 milliard d'euros et concerne 24 pays. Vous nous proposerez, madame la ministre, un amendement visant à augmenter de 350 millions d'euros les autorisations d'engagement du programme afin de permettre l'instruction de nouveaux projets. (Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État, le confirme)

En ce qui concerne le financement de projets dont la réalisation fait appel à des biens et services français, et qui soutiennent donc l'expansion internationale des entreprises françaises, pourriez-vous nous éclairer sur les activités et les territoires concernés ?

Le programme 852 est dédié aux allégements et annulations de dette. II réunit à la fois l'aide aux pays pauvres très endettés, lancée en 1996, et l'annulation de la dette multilatérale, décidée en 2005. L'impact budgétaire de ces annulations est limité, puisqu'elles représentent moins de 7 % de l'aide publique au développement. Les prévisions restent aléatoires : j'en veux pour preuve le report récurrent des annulations au profit de la République du Congo et de la Côte-d'Ivoire. II est également difficile d'obtenir des données fiables et cohérentes sur les annulations de créance décidées par la Coface : je l'ai souvent fait remarquer dans d'autres enceintes.

Dans un souci de soutien, les membres du Club de Paris seraient bien inspirés d'adapter les conditions de remboursement à la situation des débiteurs.

Le deuxième compte, qui intéresse la zone franc, n'est pas plus doté en 2009 qu'en 2008. Concernant les accords monétaires internationaux, il décrit une forme originale de coopération. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur les perspectives économiques de l'Union monétaire ouest-africaine, de l'Union monétaire d'Afrique centrale et de l'Union des Comores ?

Je vous propose, au nom de la commission des finances, d'adopter ces deux comptes. (Applaudissements)

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Les crédits consacrés à la francophonie sont en partie inscrits au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». La francophonie occupe en effet une place à part dans notre politique extérieure, ainsi qu'en témoigne sa consécration lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008 à la suite d'un amendement du président Legendre dont j'étais cosignataire.

Autre motif de satisfaction, notre commission a été enfin entendue sur la rationalisation administrative de la politique francophone. La future direction générale des affaires politiques et multilatérales devrait comporter une direction consacrée à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs. Je me réjouis que la francophonie gagne ainsi en visibilité administrative comme vous vous y étiez engagé devant la commission des affaires culturelles, et je vous félicite de vos efforts en ce sens.

Les crédits à la francophonie inscrits au programme 209 sont en très légère hausse, 68 millions d'euros allant à l'Organisation internationale de la francophonie. Toutefois, je m'inquiète de la tendance à la baisse des crédits consacrés à la promotion du français par la direction générale de la coopération internationale et du développement : moins 37 % sur le programme 209 et moins 35 % sur le programme 185. Bien que conscient des contraintes qui pèsent lourdement sur notre budget, je regrette cette baisse sensible, qui fragilise notre action linguistique extérieure, d'autant plus qu'en seconde délibération, l'Assemblée nationale a encore minoré l'« Aide publique au développement ».

La politique francophone n'a pas à se fondre dans l'organisation internationale de la francophonie qui va vers ce que Dominique Wolton appelle « une ONU bis sans moyens ». La France doit user d'outils bilatéraux qu'elle contrôle et par lesquels elle obtient un meilleur retour sur investissement. Passons d'une politique francophone de contribution à une politique d'initiative ! Il serait absurde que des associations très prometteuses fassent les frais des restrictions budgétaires et il en est de même pour Planète jeunes ou Planète enfants, deux initiatives très appréciés des jeunes francophones. Comment se réapproprier la francophonie si elle se cantonne aux enceintes internationales ? Il faut au contraire montrer aux Français qu'ils ont leur part de responsabilité : votre projet de portail francophone va donc dans le bon sens.

Les collectivités territoriales nouent des coopérations décentralisées et les territoires ultramarins entretiennent des liens étroits avec les pays qui les entourent. Pourquoi ne pas en faire une fenêtre de la politique francophone en vous appuyant plus fortement sur le levier de la coopération décentralisée ?

Sur le plan économique, la francophonie a des valeurs propres à faire valoir quand le système financier d'inspiration anglo-américaine traverse une crise profonde : saisissez cette occasion de mettre en avant les principes d'une économie mondialisée de développement solidaire et durable dans le respect de la diversité culturelle, consacrée à la convention Unesco de 2005.

Bien que cela concerne la mission « Médias », je veux rappeler que l'audiovisuel extérieur français continue de faire l'objet de nombreuses interrogations et qu'il faudra clarifier les rapports entre son pilotage stratégique et sa tutelle administrative et financière.

En dépit des réserves sur l'insuffisance des crédits consacrés à la promotion du français, la commission a donné un avis favorable à cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - L'effort français en faveur du développement représente le tiers de la mission. L'engagement de parvenir à 0,7 % de la richesse nationale d'ici 2015 nous fixe une feuille de route mais suscite des interrogations : où en sommes-nous en 2009 ? Nous n'en avons pas une idée très nette et quand les documents budgétaires disent 0,47 % vous préférez vous engager sur 0,41 %. Il est vrai que certaines annulations de dettes prévues pour 2009 l'avaient été pour 2007 et 2008. Retracer notre effort est une tâche nécessaire mais complexe et cette complexité même conduit à remettre en doute la réalité de notre effort, en commençant par les annulations de dettes. Il est vrai que l'OCDE, dont les normes comptables ne sont pas toujours précises, nous reproche, de même que les ONG, une comptabilisation extensive des frais d'accueil des étudiants comme des réfugiés, ainsi que de la recherche pour le développement. Tout cela ne peut qu'être constaté a posteriori et, faute de résulter d'un véritable choix, donne un aspect artificiel à l'aide au développement.

Troisième bailleur mondial, notre pays consent un effort important mais composite et dispersé. Tout l'enjeu de la réforme annoncée est de reprendre l'initiative et de définir une stratégie claire qui nous assure un rayonnement à la hauteur de nos ambitions. Il est nécessaire et légitime que cet effort soit orienté vers les plus déshérités. Il faut en effet prendre garde à ne pas les abandonner au profit des pays émergents, car une subvention et un prêt accordé à des conditions voisines du marché sont deux choses bien différentes.

Conflits, crises financière et alimentaire bouleversant chaque année nos priorités, je plaide pour un système souple, appuyé sur une réflexion stratégique solidement charpentée. La création du véritable état-major qu'est la Direction générale de la mondialisation vise à renforcer la cohérence globale de notre action extérieure. La réforme engagée en 1988 accomplit ainsi un transfert qui avait privé de crédits la centrale comme les services extérieurs. Les services de coopération et d'action culturelle fusionneront avec les opérateurs culturels, le directeur local de l'Agence française de développement devenant conseiller de l'ambassadeur.

Cette réforme logique et souhaitable ne sera viable que si la nouvelle direction générale change véritablement de nature avec un volume de crédits disponibles raisonnable.

M. Cambon va rappeler que la commission des affaires étrangères recommande l'adoption des crédits de la mission.

Permettez-moi cependant d'exprimer, comme co-rapporteur, quelques observations. La France est tenue par ses engagements, notamment européens, qui doivent se traduire par une augmentation régulière de son aide au développement, de 0,51 % du PIB à l'horizon 2010, à 0,7 % en 2014. Or, les documents de politique transversale ne retiennent qu'un taux de 0,41 % en 2010, inférieur à ces engagements. La Commission nous reproche de surcroît des méthodes comptables peu orthodoxes en matière d'allègement de dette, qui majorent notre effort de 2 milliards, et un gonflement des frais d'écolage et des frais d'accueil des étrangers sur le territoire français.

Votre souci, enfin, monsieur le ministre, de sacrifier pour une bonne part les subventions pour développer, via l'AFD, une politique de prêts, pourrait entraîner une réorientation de notre aide vers les pays émergents au détriment des pays de l'Afrique subsaharienne. Pour toutes ces raisons, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de cette mission.

M. Robert del Picchia, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Dans un contexte budgétaire difficile, les crédits de l'aide publique au développement sont globalement préservés. Cette enveloppe stable est cependant marquée par une forte augmentation de nos contributions multilatérales. Le programme 110, structurellement consacré aux crédits multilatéraux, supporte la contribution de la France aux guichets de développement des institutions de Bretton Woods ainsi qu'à toute une série de banques régionales et de fonds multilatéraux, témoignant de la multiplicité des structures d'intervention régionales ou sectorielles.

Le programme 209 supporte l'aide héritée de l'ancien ministère de la coopération, soit les projets bilatéraux et la coopération culturelle. Il a cependant quelque peu changé de nature sous l'effet de la progression, de 7 % des programmes multilatéraux qu'il supporte, pour une enveloppe en très légère diminution. Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme et même plus de 67 % si l'on excepte les dépenses de personnel. Elles sont marquées par le fort dynamisme de notre contribution au Fonds européen de développement, en augmentation de 11 %, et qui représente 40 % des crédits du programme. Si nos engagements sont clos pour le neuvième FED, plus de 2 milliards de contribution restent à appeler.

Si la commission des affaires économiques soutien notre engagement européen, elle estime que les performances du FED ne justifient pas une telle contribution et souhaiterait son intégration au budget communautaire.

La contribution de la France au Fonds de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'établit à 300 millions, en augmentation de 70 %. La réussite de ce fonds, qui a réussi à mobiliser des ressources financières confortables, à hauteur de 11,8 milliards de dollars, a cet effet paradoxal que 5 milliards n'ont pu être décaissés, faute de projets. Votre commission entend s'employer, en 2009, à rechercher les moyens de mener une action plus efficace contre ces pandémies.

L'augmentation de nos contributions multilatérales a un effet d'éviction certain sur notre effort bilatéral. Le programme 209 a ainsi vu ses crédits bilatéraux passer de 670 millions à 592 millions, alors même que son périmètre d'intervention s'est élargi à Canal France international, au groupement d'intérêt public Esther, tandis qu'il doit réserver une plus large place à CultureFrance, aux ONG et à la politique du genre. Ainsi, les projets de gouvernance et de lutte contre la pauvreté diminuent de 13 %.

La contraction des subventions risque de toucher les pays les plus pauvres qui ne sont pas éligibles à l'intervention sur prêts, et d'entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Elle prive également la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens, via des cofinancements. Notre poids dans les enceintes multilatérales est lié à la crédibilité de notre propre effort bilatéral. Nous souhaitons qu'il retrouve des marges de manoeuvre pour mener une coopération qui doit s'appuyer sur une large palette d'instruments.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. François Fortassin.  - L'aide publique au développement constitue un élément clé de notre action diplomatique. Elle est connue du grand public depuis les années 1960, avec la création du ministère de la coopération. Il s'agissait de faire preuve, comme la France a toujours su le faire, de générosité envers les populations les plus démunies de la planète et, pour certains, faire oublier les affres du colonialisme.

Cette volonté de coopération, monsieur Charasse l'a rappelé, a été, et très récemment encore, réaffirmée par le Président de la République. Mais on constate un décalage entre les objectifs déclarés et les résultats. Certains problèmes sont récurrents : les annulations de crédits brouillent la sincérité budgétaire ; trop de crédits ne sont pas engagés en raison de retards importants dans les programmes ; le nombre des ONG, qui font certes un travail remarquable, provoque une certaine « perte en ligne » : on en compte 4 500 rien qu'à Paris !

Et que dire de certaines formes nouvelles du langage diplomatique, qui tient aux populations les plus pauvres le langage prétentieux du « millénaire du développement », du « manque de sélectivité », de la « conditionnalité aux performances », de « l'indicateur d'impact », de « l'efficience exogène », avec son pendant naturel, « l'efficience endogène », (Mme Nathalie Goulet apprécie) sans parler de l'« aide au Cap 8 » dont a parlé M. Charasse et sur laquelle les sénateurs de base que nous sommes attendent des explications...

Notre politique d'aide au développement résulte donc de la combinaison difficile de la pluralité des missions dévolues à divers ministères et de celle du ministère de la coopération, fondée en son temps sur le rayonnement de la France. On peut regretter qu'alors des lignes directrices n'aient pas été affirmées. Elles ne le sont pas plus aujourd'hui.

L'essentiel de l'aide doit aller au terrain, où sont les besoins. L'aide multilatérale, si elle est utile sur des questions comme la lutte contre le sida, reste d'une grande opacité, mal contrôlée et dispendieuse. Face à des populations dans la plus grande misère, ne serait-ce pas manquer de dignité que de s'accommoder de ces travers ?

L'action bilatérale est de loin préférable : elle est plus visible, plus facile à contrôler et assure mieux le rayonnement de notre pays. Nous devons mener un effort très attentif de renforcement de la démocratie dans certains pays. Quand la démocratie se renforce, le développement suit.

L'action remarquable des collectivités locales en matière de coopération décentralisée mériterait d'être mieux connue, ce qui éviterait les doublons. Permettez-moi de mettre ici en exergue l'action emblématique menée au Laos, pour la sauvegarde du patrimoine, à l'initiative de MM. Faure et Dauge, dont je salue l'engagement.

Il est bien regrettable que cette initiative ne soit pas davantage valorisée, car elle est exemplaire !

Il est certainement bienvenu d'envoyer des équipements médicaux en Afrique ou ailleurs lorsque les médecins français s'en séparent. Encore faut-il s'assurer qu'on ne les envoie pas là où il n'y a pas d'électricité !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Sans jeu de mot, c'est assez courant ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Pour aider des populations démunies, une ONG n'a pas trouvé mieux que d'envoyer dans une région du Pérou où l'on parle espagnol et quechua, une jeune française anglophone et spécialiste du tourisme, qui ne parlait ni l'espagnol, ni le quechua, pour six mois !

Enfin, l'Agence française du développement doit être plus visible. La France est perçue comme un exemple de générosité: nous ne devons pas faillir à notre réputation ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et au centre)

M. Robert del Picchia.  - Je félicite M. Hortefeux pour son budget, nous y sommes très sensibles depuis l'étranger, de même que pour les mesures relatives à la langue française, facteur d'intégration par excellence. Le pacte européen sur l'immigration et l'asile encourage les États membres à la signature de conventions qui ressemblent fort à celles que la France a signées sur le plan bilatéral : c'est un motif de satisfaction supplémentaire.

L'an passé, j'avais attiré l'attention sur le cas de nos compatriotes retraités d'Afrique, qui ne perçoivent plus leur retraite des caisses africaines de sécurité sociale ; j'avais déposé un amendement visant à créer un programme pour apurer la dette du Congo, où 500 retraités ne touchent plus leur retraite depuis quinze ans ! J'avais reçu le soutien du secrétaire d'État, tout comme de M. Charasse...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - C'est exact !

M. Robert del Picchia.  - ... pour demander qu'il n'y ait pas de nouvel engagement de la France envers le Congo tant que cette affaire serait en suspens. Le surlendemain, M. Bowao, le ministre congolais de la coopération, me présentait un échéancier de paiement des arriérés de pension des dix dernières années. Je suis heureux de vous annoncer que notre démarche a abouti, et que l'État congolais a pris les mesures nécessaires au règlement du problème. Je remercie le président M. Sassou-Nguesso, son ministre M. Bowao, ainsi que notre ambassadeur à Brazzaville.

Un problème subsiste cependant : le rapatriement des pensions est taxé à 20 % par le Congo ! Ce niveau de prélèvement pour un virement international est inacceptable. Monsieur le ministre, je compte sur votre soutien pour que le prélèvement soit fixé à un niveau plus honnête et je voterai votre budget ! (Applaudissements à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Je ne serai pas aussi optimiste avec ce budget : il traite l'aide publique au développement comme une bonne action à laquelle nous nous plierions comme des boy-scouts, alors que c'est l'un des piliers de notre action internationale, avec la diplomatie et la défense.

Les chiffres de l'aide publique au développement mentent : la moitié de notre aide est factice, l'aide bilatérale qui stagne depuis 2001 à 1,7 milliard, baisse de 12 % l'an prochain. De surcroît, le décret du 28 novembre 2008 annule 27 millions en autorisations d'engagement et plus de 34 millions en crédits de paiement : Monsieur le ministre, quels seront les secteurs frappés par cette annulation ?

La France, acteur de premier rang des conférences internationales sur le développement, se prétend le troisième bailleur mondial d'aide publique au développement, avec plus de 9,5 milliards en 2009. Mais cette somme comptabilise des dépenses sans relation avec le développement. Certes, notre pays ne fait que se conformer aux règles définies au sein de l'OCDE, mais il y a un abîme entre l'aide virtuelle et l'aide réelle ! Nous déclarons pour plus d'un milliard les frais d'accueil des étudiants étrangers ou des réfugiés, sans rapport avec l'aide publique au développement. Ou encore, 2,4 milliards en 2009, d'annulations de dettes, dont certaines sont commerciales, par exemple avec l'Irak ou le Nigéria. Nous ne craignons pas de déclarer les mêmes annulations de dettes plusieurs années de suite : celle de la Côte-d'Ivoire, par exemple, à trois reprises.

Les crédits véritablement disponibles pour l'aide publique au développement ne représentent plus que 6,3 milliards, auxquels s'ajoutent les prêts de l'Agence française du développement, qui passent de 469 millions à 927 millions.

Nous avons choisi de financer massivement des structures européennes et onusiennes d'aide : nos financements multilatéraux représentent les deux tiers de la mission. Or, faute d'une forte présence directe sur le terrain, en coopération bilatérale, nous n'avons plus les hommes ni les instruments qui pourraient orienter et évaluer les actions de ces grandes structures. Ce choix du multilatéral peut être tactique : nous mettrions l'aide à l'abri des réductions budgétaires puisque l'aide multilatérale est contrainte par nos engagements internationaux, tandis que l'aide bilatérale ne l'est pas. Le paysage de l'action multilatérale s'est singulièrement compliqué ces dernières années, au gré de la création de fonds pour répondre aux nouveaux problèmes qui surgissent. Le plus souvent, ces fonds ne sont pas eux-mêmes opérateurs des crédits dont ils disposent et nous assistons à des situations absurdes où le bailleur recherche désespérément des projets à financer et des acteurs pour les mettre en oeuvre, alors que des pans entiers des besoins sociaux et économiques sont orphelins de l'aide.

La crise alimentaire est venue nous rappeler combien le développement rural et l'agriculture, priorités traditionnelles de notre coopération bilatérale, avaient été délaissés par les grandes organisations, qui ont au contraire aggravé la dépendance alimentaire des pays pauvres. La France sacrifie aux fonds multilatéraux les instruments de son aide bilatérale, qui lui permettraient d'y peser. Résultat, elle peine à faire valoir ses points de vue. A force de tout embrouiller, structures comme objectifs, la France apparaît velléitaire, incompréhensible et sans moyens.

L'action du ministère, qui prétend acheter l'enfermement des migrants à leurs gouvernements, défigure la notion de coopération. Dans son discours du Cap, le Président de la République a évoqué la hausse des engagements financiers bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne : autant dire que les prêts vont se substituer aux dons ! Or pour réaliser un projet, il faut qu'une part de don amorce la dynamique du prêt. Les prêts sont avant tout consentis aux pays émergents -la Chine en est le dixième bénéficiaire en 2007- et servent à soutenir les affaires des amis, Bouygues ou Bolloré, en endettant les pays trop pauvres !

La France est de plus en plus pingre, plus avare de son argent que du sang de ses soldats en Afghanistan, pour reprendre la formule de Serge Mikhaïlof... (Mouvements à droite) Nous voulons un budget généreux et sincère d'aide au développement, non ce faux-semblant, que nous ne voterons pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Hue.  - L'autosatisfaction du Gouvernement est indécente, alors que les aides aux pays les plus pauvres ne cessent de diminuer, ou sont employées à des fins tout autres que l'éradication de la pauvreté. Alors que 76 % des Français, malgré la crise, souhaitent que l'aide soit maintenue, voire augmentée, que M. Joyandet déclare qu'il faut « sauver les banques mais aussi les pauvres », et que le Gouvernement se veut ambitieux, la réalité est cruelle ! Les pays de l'OCDE ont réduit leur aide pour la deuxième année consécutive, ce qui rend peu crédible l'objectif du G8 d'augmenter de 50 milliards l'aide aux pays les plus pauvres.

L'objectif de 0,7 %, reporté de 2012 à 2015, ne sera sans doute pas atteint. De 0,49 % en 2006, notre aide est passée à 0,37 % en 2007, 0,38 % en 2008, et plafonnera à 0,40 % en 2009. Cette hausse en trompe-l'oeil intègre des allégements de dettes, aléatoires et imprécis, et les prêts, accordés en priorité aux pays émergents au détriment des moins avancés, pénalisés par les conditions peu avantageuses offertes par l'AFD -dont les crédits diminuent. A l'instar de Coordination Sud ou Oxfam, les ONG dénoncent la baisse de l'aide publique. Ce sont 49 millions de subventions qui sont supprimés pour l'Afrique de l'ouest, 19 millions pour l'Afrique centrale. Pas moins de 55 projets sont abandonnés : lesquels seront maintenus, et comment ?

Les objectifs du millénaire sont devenus secondaires, sauf pour les pays à enjeu politique. Les Africains pourront bien attendre, et notamment les réfugiés de RDC ! L'aide publique au développement est tronçonnée selon les priorités politiques du Président de la République, au lieu d'être dictée par la nécessité. Le Président Sarkozy avait pourtant fait de la lutte contre la pauvreté en Afrique son cheval de bataille. Mais les 2,5 milliards promis lors de son voyage en Afrique du Sud sont destinés au secteur privé ! Quid de la santé, de l'éducation ? Qui va contrôler l'utilisation de ces fonds ? Le « nouvel ordre mondial » voulu par le Président de la République devrait être guidé par l'exigence d'humanité et de justice sociale, non par des priorités politiques et des intérêts privés ! Les pays les plus riches sont favorisés dans les négociations commerciales : j'en veux pour preuve les accords ACP, pour le moins déloyaux.

L'action du ministère de l'immigration, devenu depuis ministère du développement solidaire, entretient la confusion entre migration et développement. Voulons-nous que les personnes concernées puissent vivre dans leur pays avec leurs propres ressources, ou préférons-nous puiser chez eux la main-d'oeuvre qui nous intéresse à coups d'accords de « gestion concertée » ? Les transferts financiers sont bien plus importants pour les villageois africains que l'aide elle-même ! On s'entend pour s'accaparer leurs élites et, en retour, les inonder de biens manufacturés ou organiser le retour de ceux dont on ne veut pas ! Tout ceci est inhumain et indigne.

La visibilité et l'efficacité de notre politique envers les pays les plus pauvres sont en question. Quelles sont les réelles intentions de la France par rapport aux objectifs du millénaire ? Le Parlement doit être informé et, le cas échéant, valider un calendrier précis. Pour l'heure, il n'est pas question pour le groupe CRC-SDG d'adopter un tel budget.

M. Georges Patient.  - Je me fais aujourd'hui le porte-parole de M. Antoinette, retenu en Guyane par une grave crise sociale, déclenchée par le prix du carburant à la pompe, le plus cher au monde. La Guyane est victime de son enclavement, de monopoles démesurés, avec des denrées de base deux à trois fois plus chères qu'en métropole...

Le nouveau sénateur que je suis s'interroge sur la présentation de ce budget. Au-delà de la baisse alarmante des crédits, comment détermine-t-on les axes de l'aide : éducation, santé, démocratie ? Comment l'aide publique au développement s'intègre-t-elle dans les circuits commerciaux internationaux ? Comment rendre lisible la multiplicité des dispositifs ?

En vérité, c'est le contenu même des notions d'aide et de développement qui me rend perplexe, la mise en oeuvre de cette politique, sa géographie et ses finalités. Je m'étonne par exemple que l'on intègre dans cette mission des actions relevant du rayonnement culturel de la France à l'étranger...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Et du rayonnement nucléaire parfois !

M. Georges Patient.  - En quoi la défense de la francophonie relève-t-elle de la stratégie d'aide au développement ?

Dans la nomenclature de l'aide publique au développement, l'intervention d'urgence purement humanitaire voisine avec des actions visant à promouvoir l'expertise française dans le domaine du développement durable et de la gouvernance économique et financière, ou les priorités stratégiques françaises au sein des banques et des fonds multilatéraux.

Il est vrai aussi que l'aide publique au développement se décline en dons et en prêts, multilatéraux et bilatéraux, et la communauté internationale a connu des évolutions et des revirements de doctrine ces dernières décennies. Nous regrettons que nos abondements de fonds multilatéraux fassent d'autant diminuer la part de notre aide bilatérale. Mais puisque l'aide est, en principe, conçue pour le développement des pays qui en ont besoin plutôt que pour le rayonnement des pays donateurs, il faudrait concevoir des solidarités internationales au service des territoires les plus nécessiteux et des dispositifs pour contrôler l'usage et l'efficacité de cette aide. Plutôt que de défendre la francophonie, la France ne devrait-elle pas se battre davantage pour renforcer sa position dans les instances décisionnelles multilatérales ?

La simple décence voudrait que l'on n'endette pas un pays de façon insoutenable et que l'on n'impose pas des conditions drastiques à des États dont la population meurt de faim. Il convient de rechercher les meilleurs effets de levier pour les pays qui ont besoin de subventions.

Enfin, notre aide publique au développement est répartie sur tous les continents, mais les deux tiers se concentrent sur l'Afrique, du fait de l'histoire mais aussi des problèmes rencontrés par ce continent. Mais faut-il qu'une histoire et une langue commune soient les conditions de ces partenariats bilatéraux ? Ne serait-il pas préférable de tenir compte des intérêts mutuels nouveaux, dans « un monde qui bouge » ? Curieusement, l'outre-mer français, est comptabilisée dans l'aide aux pays en développement. Pourquoi ces territoires français excentrés ne tisseraient-ils pas des liens commerciaux, culturels, scientifiques, économiques avec leurs voisins ? Cette sorte de codéveloppement sud-sud favoriserait les échanges commerciaux et réduirait les coûts de transport des denrées et de matières premières. Ainsi, en Guyane, l'essence coûte 1,47 euro par litre, après une baisse de 30 centimes, contre 0,77 euro au Surinam voisin.

Quelle sera la complémentarité entre la ligne « Insertion économique et coopération régionale » de la mission « Outre-mer » et le programme « Développement solidaire et migrations » de la mission « Aide publique au développement » ? L'Union européenne devrait conclure l'année prochaine des accords de partenariat économique dans les espaces Caraïbes et Océan indien, si d'autres urgences ne viennent pas bousculer ce calendrier.

Je n'ai donc guère que des interrogations face à cette mission alors que l'aide publique au développement est essentielle pour l'équilibre mondial. Il est inconcevable que les pays développés ne tiennent pas leurs engagements vis-à-vis de ceux du sud, surtout quand la crise est mondiale. Et il est inquiétant de savoir que les crédits que nous adoptons peuvent faire l'objet de décrets d'annulation. Mais c'est peut-être parce que l'heure est grave que nous devons nous interroger sur le sens et la finalité de notre politique d'aide au développement. Peut-être qu'après avoir retrouvé les valeurs fondamentales de la véritable solidarité, nous débattrons moins des montants de ces crédits.

En l'état, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Dauge.  - Je ne reviendrai pas sur les chiffres : les orateurs précédents les ont très bien présentés. Je m'interrogerai plutôt sur les questions de stratégie, de lisibilité et d'efficacité. Dans une situation économique contrainte, nous ne devons pas nous tromper de politique.

Nous étions il y a quelques jours à Nankin, avec une délégation importante, pour participer à la conférence des Nations unies sur l'habitat. Nous avons eu la confirmation que l'Afrique, mais aussi l'Amérique latine, l'Inde et la Chine connaissaient une explosion urbaine porteuse de progrès mais aussi de pauvreté extrême. La France doit donc saisir cette opportunité pour faire des propositions claires sur la question du développement urbain. Nous devrons moduler nos propositions en fonction des pays en développement, car il n'y a pas une, mais de nombreuses réponses à apporter selon les situations locales.

Il faut aussi nous interroger sur la question de l'agriculture vivrière. Les villes consomment de l'espace agricole et contribuent à réduire l'approvisionnement alimentaire des populations urbaines.

Que faire pour être plus efficace ? Votre ministère a mis en place il y a plus d'un an un groupe de travail sur la question urbaine. Nous disposons désormais de documents clairs et simples qui démontrent qu'un projet, c'est avant tout un maître d'ouvrage et un maître d'oeuvre.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Surtout pour l'eau, l'assainissement et les ordures !

M. Yves Dauge.  - Bien que nous soyons dans une situation financière contrainte, nous serons plus efficaces si nous nous organisons mieux.

Il convient de faire le lien avec la coopération décentralisée, car nos communes sont bien placées pour mettre en place ces projets. Le ministère compte une délégation de coopération décentralisée qui est très appréciée des collectivités : avec un euro, ils en produisent quatre.

J'espère que vous nous direz, monsieur le ministre, que la France va mettre en place ces partenariats urbains : tous les acteurs sont d'ailleurs prêts à travailler ensemble. Notre position serait alors cohérente et appréciée dans le monde. Nos moyens doivent être redéployés au service de cette stratégie, ce qui implique plus de réflexion avant le passage à l'acte. Si des investissements intellectuels précèdent la mise en oeuvre concrète des projets, on gagnera en efficacité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage à la qualité de vos travaux et de vos interventions.

La conférence de Doha est parvenue à un consensus et elle a réaffirmé que, d'ici 2015, 0,7 % du PNB des pays développés devrait être consacré à l'aide. La présence du Président le la République, président de l'Union européenne, a été saluée.

Derrière les États-Unis et l'Allemagne, nous sommes le troisième bailleur de fonds bilatéral mondial. Notre aide, qui était en-dessous de 0,4 % du PNB en 2007, devrait repasser au-dessus de cette barre en 2009. Les crédits de paiement sont bien en augmentation pour les trois années à venir, avec une augmentation de 2,4 % pour l'année prochaine.

Au niveau européen, la présidence française s'est battue pour qu'une enveloppe additionnelle d'un milliard soit consacrée à la relance de l'agriculture.

En ce qui concerne l'aide multilatérale, nous sommes avec 300 millions le deuxième contributeur du Fonds mondial sida, tuberculose et paludisme. Grâce à la taxe sur les billets d'avion, nous sommes le premier contributeur d'Unitaid : deux enfants sur trois soignés du sida dans le monde le sont grâce à l'intervention de la France.

Notre aide bilatérale n'est certes pas parfaite mais nous nous sommes battus pour préserver les ressources nous permettant de financer un certain nombre de projets, notamment en Afrique subsaharienne. En accord avec M. le Premier ministre, nous avons obtenu une rallonge de 92,5 millions.

Tous les projets en Afrique subsaharienne concernant notamment la santé et l'éducation pourront être financés.

Les mesures prises dans le cadre de Cap 8, monsieur Charasse, répondent à la stratégie globale définie par le Président de la République, notamment dans son discours du Cap : réorienter l'aide publique ou y ajouter des actions plus spécifiques pour soutenir la croissance économique. C'est le meilleur moyen de faire reculer la pauvreté. Tous les pays devenus émergents ont su s'accrocher à la croissance mondiale. Le nombre de volontaires internationaux a triplé, un milliard d'euros va aller à des projets de développement économique ; nous voulons aussi améliorer la situation des femmes qui sont au coeur du développement, notamment en Afrique. Le deuxième pilier, c'est le rayonnement et l'influence de la France au travers de l'action culturelle et spécialement de l'audiovisuel extérieur. Je confirme que les trois opérateurs actuels vont fusionner pour plus de visibilité et d'efficacité ; nous ne savons pas encore quel sera le statut juridique de la nouvelle entité.

Je m'engage à répondre par écrit aux questions des orateurs que j'aurais oubliées. Il est vrai, monsieur Duvernois, s'agissant de la francophonie, que certains chiffres peuvent inquiéter, la baisse de 9 % du programme 209 et de 13 % du programme 195. Mais la subvention à l'Aefe passe de 287 à 415 millions, l'effort, politique, est important. Il ne s'agit pas de faire du portail francophone un autre Google, cela coûterait trop cher, mais un outil de modernité ; 300 000 euros y seront investis pour valoriser les contenus du sud -si possible francophones. Nous nous appuierons de plus en plus sur notre audiovisuel extérieur, instrument essentiel de notre influence, qui doit être plus présent sur le media global. (M. Robert del Picchia approuve) La délégation à la coopération décentralisée encourage par ailleurs toutes les actions en faveur de la francophonie au travers des appels à projets.

Le désengagement progressif de l'État des revues Planètes est compensé par une diversification des partenariats, et un adossement à un groupe africain ; l'échéancier prévisionnel de 2010 n'est pas remis en cause.

Je ne suis pas certain, monsieur Vantomme, c'est vrai, que le taux d'APD atteigne 0,47 % en 2009 ; si toutes les annulations de dettes n'ont pas lieu, nous serons plus proche de 0,41 ou de 0,42. Nous sommes tout à fait dans les normes de l'OCDE.

M. del Picchia a constaté, comme M. Charasse, que le multilatéral était en hausse ; dans un budget contraint, cela met le bilatéral, le plus lisible et le plus efficace, en difficulté. Nous retrouverons des marges de manoeuvre à partir de 2011 avec la baisse de notre participation au FED. Je regarderai pourquoi les décaissements du fonds sida ne sont pas aussi rapides que ce que nous souhaitons. Je me réjouis d'ailleurs que vos commissions s'intéressent à ce qui se passe dans les fonds multilatéraux ; nous tiendrons compte de vos commentaires.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Il serait utile que la France sensibilisât ces instances aux exigences des missions de contrôle, pour nous prémunir contre un mauvais accueil et une rétention d'information.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je m'y attacherai.

Il serait formidable, monsieur Fortassin, qu'arrivent sur le terrain 8 euros de l'APD sur 10. L'efficacité de notre aide est un souci constant : je vous renvoie au consensus d'Accra. Il faut faire mieux connaître les projets lancés par la France, chacun d'entre vous peut y contribuer. L'Agence française de développement soutient activement le projet de sauvegarde du patrimoine de Luang Prabang, au Laos, évoqué par M. Fortassin.

M. del Picchia est revenu sur le transfert des pensions des ressortissants français, j'interviendrai comme il me l'a demandé ; j'ai moi-même évoqué cette question avec le chef d'État africain concerné.

Mme Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur certaines annulations de crédits ; elles concernent des crédits de personnel mal calibrés ou des reliquats de réserves de précaution non consommés et n'affectent pas les aides projets. Nous respectons tous nos engagements multilatéraux. S'agissant des annulations de dettes, c'est bien sûr la loi de règlement de l'année qui fait foi : aucune annulation ne peut être comptabilisée deux fois. La complexité, c'est vrai, est un problème pour le multilatéralisme ; on aura remarqué toutefois que dans le cadre de la nouvelle initiative pour le développement de l'agriculture, la mutualisation a été préférée à la création d'un fonds dédié.

Nous ne faisons pas d'autosatisfaction, monsieur Hue, mais la France n'a pas à rougir de ce qu'elle fait en matière d'APD. Elle reste le troisième pourvoyeur de fonds, avec 10 milliards de dollars, derrière les États-Unis, qui en dépensent 22 ou 23, et l'Allemagne. Notre effort est soutenu, même si les 0,7 % seront difficiles à atteindre en 2015. Le G20, à l'initiative de la France, n'a pas traité que de la remise en ordre des institutions financières internationales, il a été aussi question de développement ; l'article 14 du document final a donné satisfaction aux pays les plus pauvres. Le Président de la République s'est engagé à tout faire pour qu'au deuxième sommet ces pays soient représentés, notamment par l'Union africaine.

J'ai déjà répondu aux questions soulevées par M. Patient. Le développement urbain, monsieur Dauge, est une de nos grandes priorités, il est présent dans tous les dossiers d'aménagement technique.

L'aide publique au développement est une bonne chose, mais ce n'est qu'un moyen d'atteindre les objectifs du millénaire : c'est la croissance qui, en créant des richesses, fera reculer la pauvreté ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - L'heure tardive et l'extrême qualité des débats permettent de limiter mon intervention au multilatéralisme et à la situation économique et financière.

Sur le premier point, je me réjouis du prochain contrôle conjoint annoncé par M. Charasse, car nous avons engagé avec Mme Lagarde une réflexion stratégique sur nos attentes envers la Banque mondiale. Les principaux thèmes envisagés sont l'équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme, l'effet de levier et l'échelle des priorités. Nous privilégions l'Afrique et l'environnement, notamment la gestion de l'eau.

Il serait intéressant de vérifier que la France reste en deuxième position par le nombre des agents travaillant à la Banque mondiale.

Je ne doute pas que d'autres mécanismes internationaux -comme le FED- bénéficieront de votre vigilance qui stimulera la réflexion du Gouvernement. Les services de Bercy seront ouverts à tout travail en commun avec vous.

La visibilité des choix et des actions conduites est extrêmement importante.

J'en viens à la gestion des crises.

Conformément à un engagement du Président de la République, nous sommes intervenus depuis le début de l'année pour combattre la crise alimentaire, qui est atténuée depuis quelques semaines. Tous les instruments disponibles ont été mobilisés, de l'aide financière stricto sensu aux prêts fléchés. Dans le même esprit, un milliard d'euros a été consacré à l'agriculture africaine, après un certain désintérêt des institutions internationales envers les cultures vivrières.

La situation économique et financière est source de difficultés spécifiques pour les pays en développement : au retrait des capitaux s'ajoute le ralentissement des transferts effectués par les travailleurs expatriés, eux-mêmes en difficulté dans les pays développés. Certains pays émergents ou en transition ont fait appel au FMI.

J'ai présidé il y a quelques semaines le conseil des ministres de la zone franc, dont la croissance économique pourrait avoisiner 3 % en 2008.

Le premier risque subi par les pays en développement concerne l'accès au crédit, encore pire qu'au Nord. L'initiative de soutien à la croissance en Afrique, lancée par le discours prononcé cette année au Cap par le Président de la République est donc particulièrement bienvenue. De même, il est intéressant que l'Agence française de développement (AFD) accorde plus de prêts.

Le deuxième risque concerne la contraction des exportations vers les pays développés, les pays émergents ou les autres pays en développement. Nous recherchons un effet contracyclique. Ainsi, l'AFD a créé un prêt ad hoc, accordé dans les limites de ce qu'autorise la maîtrise de l'endettement, notamment en Afrique subsaharienne.

Le FMI utilise la « facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance », afin de contenir les prix des produits énergétiques ou alimentaires payés par les consommateurs. A la demande de la France, il a réformé la « facilité de protection contre les chocs exogènes », pour la rendre plus réactive. La crise n'attend pas.

Nous sommes heureux que la Banque mondiale ait attribué 200 millions de dollars à la « facilité d'urgence » qu'elle vient de créer avec une remarquable célérité. Nous sommes favorables à ce que le Club de Paris institue un instrument similaire, mais vous savez qu'il faut obtenir un consensus.

Le Gouvernement présentera un amendement destiné à étoffer le compte spécial « Prêt à des États étrangers », afin de relancer, dans les pays émergents, des grands projets réalisés par des entreprises françaises. (Applaudissements à droite et au centre.)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-3, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - La commission veut virer 12 millions d'euros du programme 110 vers le programme 209.

Plusieurs orateurs ont rappelé que l'aide bilatérale, financée par le programme 109 subirait l'année prochaine une baisse de 49 % pour les autorisations d'engagement et de 22 % pour les crédits de paiement.

Les subventions à l'AFD au titre des dons-projets seraient limitées à 177 millions d'euros, auxquels s'ajouteraient comme cette année 31 millions de prélèvement sur le dividende, soit 208 millions au total, contre 226 en 2008.

La commission n'a toujours pas reçu d'explications quant à la rémunération versée par le budget de l'État à l'AFD, dont les crédits excèdent de 12 millions les besoins de l'Agence.

Dans le contexte actuel, marqué notamment par la protestation de nombreuses associations ou d'États, reverser 12 millions rétablirait quasiment le statu quo ante, ce qui serait cohérent avec les annonces politiques, notamment celle faite la semaine dernière par le Président de la République.

La commission tient à ne pas dégrader dans le monde l'image de notre pays pour quelques millions d'euros, même si le niveau de 2008 ne sera pas tout à fait atteint.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-191 à l'amendement n° II-3 de M. Charasse, au nom de la commission des finances, présenté par le Gouvernement.

Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes : « aide économique et financière au développement » et « solidarité à l'égard des pays en développement », remplacer (quatre fois) le montant :

12 000 000

par le montant :

8 000 000

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement accepte de renforcer le financement de l'aide aux projets, mais nous divergeons sur les chiffres.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - La commission n'a pas été saisie du sous-amendement du Gouvernement. Mais ce n'est pas la première fois que nous nous interrogeons sur le mode de calcul de la rémunération de l'AFD. Ce n'est pas la première fois non plus que le Gouvernement refuse de répondre à nos questions.

L'amendement de la commission des finances a surpris, et les bureaux du ministère, pris à leur propre piège, tentent sordidement de récupérer 4 millions pour ne pas perdre la face. Je ne sais ce qu'aurait décidé la commission des finances de ce sous-amendement, mais porter les subventions à l'AFD de 208 à 22 millions d'euros, c'est mieux que de les porter de 208 à 21 millions pour flatter l'ego de quelques fonctionnaires!

Je remercie toutefois M. le ministre et ses collaborateurs, tout particulièrement celui qui m'a enfin révélé tout à l'heure dans les couloirs le mode de calcul du Gouvernement... J'attendais cela depuis des années ! (Rires)

Le Gouvernement veut réduire de 4 millions d'euros les subventions prévues par notre amendement, tout en prétendant qu'il augmente malgré tout l'aide au développement... Des contorsions pareilles, après un certain âge, provoquent des problèmes de vertèbres !

A mon avis, le calcul sur lequel est fondé le sous-amendement est erroné. Cependant, je me réjouis que le Gouvernement soit enfin décidé à faire avancer les choses, et nous ait fait part de son mode de calcul.

Il s'agit ici de l'aide française aux pays pauvres, du drapeau de la France ! Il est navrant de voir que sur un tel sujet, on mégote sur 4 millions.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Puisque nous nous disons tout, y compris ce qui se dit dans les couloirs, je voulais faire la part des choses avant de vous donner une réponse la plus sincère possible. Force est de constater que nos modes de calculs divergent. Mais notre intention n'est pas de « mégoter », pour reprendre votre terme... (Rires) Mme Idrac et moi-même sommes prêts à nous en remettre sur cette question à la sagesse du Sénat. (« Très bien ! »à droite)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Je ne souhaite pas me chamailler avec le Gouvernement, encore moins avec M. Joyandet, dont j'ai longtemps été le voisin dans cette maison et avec qui j'ai toujours entretenu d'excellents rapports.

Il ne s'agit pas ici d'une querelle politicienne, mais d'une divergence sur nos méthodes de calcul. Si elle portait sur 40 ou 50 millions d'euros, je rendrais les armes ! Mais il s'agit ici de montants homéopathiques.

Je remercie le Gouvernement d'avoir émis un avis de sagesse, toujours apprécié dans notre assemblée. La CMP pourra toujours rectifier le tir, au cas où nous nous soyons trompés.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, retirez-vous votre sous-amendement ?

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Formellement, j'aurais préféré ne pas le faire, mais puisque le sous-amendement doit être mis aux voix avant l'amendement, je le retire.

Le sous-amendement n°II-191 est retiré.

L'amendement n°II-3 est adopté.

Les crédits, modifiés, de la mission « Aide publique au développement » sont adoptés.

Les crédits de la mission « Compte spécial-Accords monétaires internationaux » sont adoptés.

Article 37 (État D)

Mme la présidente.  - Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Compte spécial-Prêts à des États étrangers » figurant à l'article 37 (État D)

Amendement n°II-185, présenté par le Gouvernement.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Le programme 851 « Prêts à des États étrangers, de la Réserve Pays Émergents » permet d'accorder aux pays en développement des prêts pour la réalisation de grands projets d'infrastructures par des entreprises françaises. Parmi les infrastructures ainsi financées au cours des dernières années, je citerai le métro de Hanoï et des véhicules anti-incendie en Chine, le métro du Caire, des chemins de fer au Vietnam, des données cadastrales au Sri-Lanka, le radar de Tbilissi, qui avait été détruit par l'armée russe l'été dernier, le TGV du Maroc, la qualité de l'air à Oulan-Bator...

La crise financière a provoqué une raréfaction des financements de marché. Les pays acheteurs demandent donc aux entreprises d'apporter des financements. Il nous a paru opportun d'abonder ce fonds pour continuer à soutenir en 2009 ces grands contrats qui représentent environ 10 % des exportations françaises.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial.  - La commission des finances n'a pas pu examiner cet amendement, mais j'ai déjà fait part de mon accord personnel dans mon intervention initiale : il s'agit en effet de favoriser à la fois l'expansion de nos entreprises et la coopération avec les pays en développement. Je pense que la commission des finances aurait formulé un avis favorable à cet amendement : je parle sous l'aimable contrôle de son président. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, acquiesce)

L'amendement n°II-185 est adopté.

Les crédits, modifiés, de la mission « Compte spécial-Prêts à des États étrangers » sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 59 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°II-23, présenté par M. Charasse, au nom de la commission des finances.

  Avant l'article 59 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La totalité du résultat net bénéficiaire de l'Agence française de développement au titre d'un exercice est versée aux recettes non fiscales du budget général de l'État au plus tard le 31 décembre de l'année de sa constatation.

II. - Les dispositions du I s'appliquent au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2008.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial.  - Depuis de nombreuses années, la Cour des comptes nous demande de corriger une irrégularité récurrente qui concerne les résultats de l'AFD.

Les recettes de l'AFD devraient en effet être versées aux recettes du budget général, quitte à les redéployer en crédits affectés à l'aide au développement. Or on a pris l'habitude de prélever directement sur le budget de l'AFD les crédits nécessaires au financement des aides-projets. Cela porte un nom : c'est une contraction recettes-dépenses ! La commission des finances, soucieuse d'une application rigoureuse de la Lolf, vous propose d'en finir avec cette procédure.

Si Mmes et MM. les ministres le veulent bien, je dirai tout de suite un mot des sous-amendements. Le Gouvernement souhaite apporter à notre amendement deux modifications. Il souhaite d'abord que les dispositions prévues ne s'appliquent qu'à partir de 2009, au lieu de 2008. J'avais moi-même eu des doutes, et je suis plutôt favorable à ce changement.

Le Gouvernement propose ensuite que l'AFD verse au budget de l'État, non pas son revenu intégral, mais un dividende. Je n'y suis nullement opposé : mon amendement, tel qu'il est rédigé, ferait de l'AFD une exception parmi les établissements publics et les entreprises nationales. C'est pourquoi, parlant toujours sous le contrôle de M. Arthuis, je pense que la commission des finances aurait émis un avis favorable au sous-amendement.

Vous voyez que je ne suis pas toujours désagréable ! (Rires)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je n'ai pas dit cela !

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-206 à l'amendement n°II-23 de M. Charasse, au nom de la commission des finances, présenté par le Gouvernement.

I. - Au deuxième alinéa de l'amendement n° II-23, remplacer les mots :

résultat net bénéficiaire

par le mot :

dividende

II. - Au dernier alinéa du même amendement, remplacer le millésime :

2008

par le millésime :

2009

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - J'ai quatre bonnes raisons pour remercier M. Charasse : il nous aide, avec le président Arthuis, à aller dans le sens de la rigueur budgétaire ; il fait mon travail en présentant le sous-amendement du Gouvernement ; il accepte le versement des dividendes ainsi que le report à l'année prochaine. C'était nécessaire car pour bâtir notre budget, nous avions employé 100 millions aux bonifications de prêts et 104 millions aux contrats de désendettement et de développement : ces sommes nous auraient fait défaut.

Le sous-amendement n°II-206 est adopté.

L'amendement n°II-23, sous-amendé est adopté et devient un article additionnel.

Les articles 59 quinquies et 59 sexies sont adoptés.

La séance est suspendue à 20 h 15.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 22 h 15.

Agriculture

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits relatifs aux missions « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (et articles 59 A à 59 D et 59 à 59 quater), ainsi que le compte spécial « Développement agricole et rural ».

Orateurs inscrits

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les intervenants qui vont se succéder ce soir sont nombreux. Aussi vais-je centrer mon intervention sur les principales questions que la commission des finances s'est posées.

Le ministre de l'agriculture a pour délicate mission de mettre en oeuvre une politique largement communautarisée au bénéfice d'un secteur économique stratégique, mais vulnérable aux aléas économiques, climatiques et sanitaires. Votre mission intègre désormais un programme consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l'alimentation et votre ministère a entrepris une réorganisation ambitieuse qui passe par le resserrement de l'administration centrale, la fusion des DDE et des DDA et des offices, ainsi que du Cnasea et de l'Agence unique de paiement. J'ai cru comprendre que vos services étaient en ordre de bataille pour fonctionner dès le 1er janvier selon ce nouveau schéma -qui nécessitera dans les plus brefs délais une traduction législative. Quand ?

Je forme le voeu que cette réorganisation administrative accélère les délais de réponse du ministère au questionnaire budgétaire. Cette année, je n'ai reçu que 37,7 % des réponses dans les délais prescrits par la loi organique.

Nous nous doutons que les crédits de cette mission sont budgétés au plus juste, mais l'exécution des années antérieures a montré le caractère insuffisant de certaines dotations, en particulier lorsqu'il s'agit de faire face aux nombreux aléas qui frappent le monde agricole. Le plan d'urgence que vous venez d'annoncer témoigne à nouveau des difficultés du pilotage budgétaire que vous devez assumer. Ce plan a fait débat à la commission, qui souhaite vous entendre en détailler le financement.

Nous nous sommes également interrogés sur la programmation pluriannuelle de vos crédits, qui prévoit une baisse des crédits de paiement de votre principal programme d'intervention de 17 % en 2010. Cette baisse semble gagée sur des redéploiements attendus de la réforme de la PAC, dont nous sommes désireux de connaître la teneur et les montants.

Nous nous demandons si certaines poches de sous-budgétisation ne demeurent pas au sein de la mission « Agriculture ». Que penser des montants alloués à la gestion des crises et aléas climatiques, économiques et sanitaires ? Il n'y a pas de crédits pour le Fonds national de garantie des calamités agricoles, alors même que vous nous soumettez régulièrement des projets de décrets d'avances pour abonder ce fonds en gestion.

Que penser des 13,7 millions prévus au titre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine, dont Mme Bricq, en sa qualité de rapporteur spécial, a souvent relevé la sous-budgétisation chronique ? D'après vos services, ce montant devrait être suffisant dans la mesure où les frais de vaccination ne seront plus pris en charge par l'État, mais par les éleveurs et, éventuellement, par l'Union européenne.

La même question se pose à propos du montant prévu au titre des « indemnisations de mortalité », soit 1,5 million. Cette prévision est fondée sur une hypothèse basse de prophylaxie, dont nous nous demandons si elle est réaliste, à voir la reprise de l'épizootie de cet automne.

Je pourrais également évoquer l'absence de crédits dévolus au paiement des refus d'apurement communautaire, dont le collectif règle traditionnellement la facture. L'audition à laquelle la commission a procédé le 13 novembre a été pleine d'enseignements et je persiste à juger nécessaire la budgétisation, en loi de finances initiale, de ces pénalités financières, au moins pour le montant correspondant au taux d'erreur incompressible dans l'application de la réglementation européenne.

Les conseils successifs de modernisation des politiques publiques ont validé la plupart des dispositifs d'intervention nationaux de votre ministère. La revue générale des politiques publiques se traduit néanmoins par des baisses significatives ou des suppressions de crédits en matière d'hydraulique agricole, d'animation rurale ou de préretraites. Je salue la réforme du service public de l'équarrissage, que la commission des finances réclame depuis longtemps. Mme Bricq et moi-même y avons consacré deux rapports d'information. Le fait que la réforme ait été opérée par voie d'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale a conduit toutefois la commission des finances à l'examiner dans une certaine urgence. Nous aimerions avoir davantage d'éclaircissements.

Les orientations annoncées pour l'évolution des haras nationaux sont conformes aux recommandations que nous avons formulées : recentrage sur les missions de service public, évolution vers un office du cheval permettant de mieux structurer la filière, plan de réduction des effectifs de l'opérateur à hauteur de 147 équivalents temps plein travaillé sur 2009-2011, qui se traduira par la diminution progressive de la subvention pour charges de service public. Il ne reste qu'à matérialiser ces orientations dans le contrat d'objectifs 2009-2013, qui tarde à paraître.

L'Office national des forêts verra sa subvention diminuer à 167 millions en 2010 et à 161 millions en 2011, et devra verser un dividende à l'État en fonction des cours du bois. Il devra réaliser des gains de productivité et réduire ses effectifs selon la trajectoire définie par son contrat d'objectifs 2006-2011. La commission des finances y sera attentive. Elle a confié une enquête à la Cour des comptes, pour évaluer l'exécution par l'opérateur de son contrat d'objectifs, des décisions de la revue générale des politiques publiques et des orientations du Grenelle de l'environnement et des Assises de la forêt. Nous nous pencherons également sur la question du paiement par l'ONF de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les forêts domaniales de l'État. L'office se considère comme non assujetti, dans la mesure où il n'est pas propriétaire de ces forêts. Cela représente une perte de recettes importante et non compensée pour les communes concernées ; l'avis du ministre de l'agriculture nous serait précieux.

Le ministère est orphelin d'un de ses opérateurs : l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (Aficar) a prononcé sa dissolution le 11 septembre dernier, ce dont je me félicite, compte tenu des insuffisances que j'ai constatées dans le fonctionnement de cette agence. Le projet annuel de performance 2009 proposait de redéployer les 1,4 million de crédits de l'Aficar au profit d'opérations de communication décidées à l'initiative de la profession agricole. Notre collègue Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a proposé d'affecter cette somme aux charges de bonification des prêts aux coopératives d'utilisation du matériel agricole, les Cuma, et au bénéfice des associations oeuvrant en faveur du monde rural. Nous vous proposerons de revenir sur une partie de cette affectation, car nous considérons que la suppression de l'Aficar doit se traduire par une économie nette.

Il conviendra, enfin, d'améliorer la justification des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Les subventions ne doivent pas être distribuées en vertu d'une logique d'abonnement aux aides des chambres d'agriculture et des instituts techniques.

Sous réserve de ses amendements, la commission des finances recommande l'adoption de ces crédits ainsi que des articles rattachés.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Je salue l'énergie que vous mettez, monsieur le ministre, à défendre les intérêts des agriculteurs, à l'intérieur comme au plan international. Dans le contexte actuel, une augmentation même minime du budget est un signe encourageant pour les agriculteurs.

Vos crédits assurent le financement du « coeur de métier » du ministère : l'installation, la stratégie économique, les mesures agro-environnementales, ou encore la sécurité et la qualité sanitaire de l'alimentation. Mais les crédits destinés au dispositif d'Aide aux agriculteurs en difficulté (AGMDIFF) reculent de 20 % cette année, à 4 millions, après avoir diminué de moitié l'an dernier. Pourquoi ces réductions, alors que les besoins augmentent ?

Avec une enveloppe reconduite à 32 millions, le soutien au développement de l'assurance récolte est en deçà des attentes. M. Soulage ne manquera pas de le dire. L'an passé, vous nous avez demandé d'attendre les résultats du bilan de santé de la PAC ; maintenant qu'il est disponible, comment comptez-vous soutenir les dispositifs assurantiels ?

Le soutien à des associations de développement rural diminue de 7 millions : que proposez-vous pour pérenniser le travail de ces structures ? Enfin, la baisse de 2,7 % des crédits du programme « Forêt » nous paraît décalée avec le développement de la filière forêt bois souhaité par le Grenelle de l'environnement et par les Assises de la forêt.

Depuis plusieurs années, votre ministère s'est engagé dans une politique très importante de réorganisation de ses services et établissements publics. Ces réformes vont se traduire par des économies de près de 40 millions dès l'an prochain, ainsi que par des réductions d'effectifs de plusieurs centaines de postes. Nous nous félicitons de votre contribution à la RGPP, mais quel sera votre calendrier ?

La filière vitivinicole est en crise, chacun le sait : la récolte 2008 est la plus faible depuis 1991, même si le beaujolais est toujours excellent ! (Sourires) Monsieur le ministre, quelles sont vos priorités dans les négociations européennes pendant le mois où vous présidez encore le Conseil agricole ? La Commission fait pression pour que l'OCM viticole, dont nous avons tous ici souligné la spécificité en adoptant à l'unanimité une résolution, soit intégré à l'OCM unique de la PAC. Les demandes d'arrachage adressées à la Commission et qui doivent restructurer la filière ne sont prises en charge que pour un dossier sur deux.

Notre commission a donné un avis favorable à ce budget. Je vous présenterai cependant un amendement soutenant les coopératives d'utilisation de matériel agricole et le Centre national des expositions et concours agricoles (Ceneca), très utiles au monde agricole. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Je suis très satisfait de voir le programme «  Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » relever de la mission « Agriculture » : c'est plus clair. L'augmentation des crédits de ce programme, cependant, résulte surtout de transferts internes au ministère. Les crédits effectivement mis à disposition du directeur général de l'alimentation diminueront l'an prochain, mais cela ne me choque pas dès lors que la nouvelle répartition résulte de la bonne gestion.

Je crains cependant que l'on aille un peu trop loin jusqu'à mettre en cause les engagements de l'État auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Il n'est pas normal que cette agence autofinance une partie de la croissance de ses dépenses de fonctionnement, mais aussi ses investissements pour l'an prochain. Monsieur le ministre, pourquoi l'État n'a-t-il pas renouvelé l'attribution des 4 millions nécessaires à la résorption du stock de demandes d'évaluation des produits phytosanitaires et de leurs adjuvants ? Je le regrette d'autant plus qu'il y a deux ans, j'ai accepté de retirer un amendement suite à l'engagement pris par votre prédécesseur de réduire rapidement le stock en attente.

Cette année, la fièvre catarrhale ovine s'est étendue : le nombre de foyers a triplé en un an, près de 97 000 bovins et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. La campagne de vaccination, commencée tardivement pour des raisons techniques, n'a pas protégé l'ensemble des cheptels. Cependant, monsieur le ministre, nous vous remercions pour l'action que vous avez menée ces derniers mois. Une campagne de vaccination obligatoire va être conduite pendant la période de prophylaxie. J'espère que vos prévisions de 14 millions seront plus réalistes que l'an passé, où 2 millions avaient été prévus, pour une dépense qui a atteint 57 millions.

Nous nous inquiétons de l'accroissement des charges des éleveurs avec la fin de la réforme du service public de l'équarrissage : ne devrait-on pas reporter le calendrier pour tenir compte de la FCO ? Enfin, le président de notre commission estime que la sécurité commanderait d'achever pour le 31 mars la campagne de vaccination obligatoire, plutôt que pour le 30 avril : ce calendrier vous paraît-il réalisable ?

S'agissant du plan « Eco Phyto 2018 », nous sommes tous favorables au principe de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Mais nous redoutons que le rythme imposé ne détruise les filières de production, qui ne disposent d'aucune molécule de substitution à celles qui seront interdites prochainement. Il faudrait un moratoire dans les filières « orphelines », en particulier les fruits et légumes. Durant cette période de transition, il faudra responsabiliser le monde agricole pour l'encourager à modifier ses pratiques. Nous devrons également orienter la recherche et l'innovation publiques dans ces secteurs, délaissés par les laboratoires privés faute d'être rémunérateurs. Monsieur le ministre, comptez-vous accéder à ces deux demandes, formulées unanimement par la commission des affaires économiques ?

Merci, d'ores et déjà, pour vos efforts ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - La France est le plus mauvais utilisateur des financements européens réservés à l'équipement rural. Sur les 15,9 milliards de fonds publics, 10,2 proviennent de l'Union européenne et 5,2 milliards de l'État. La moitié des revenus de la ferme « France » proviennent d'aides directes de l'Union.

M. Charles Revet.  - C'est normal !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Sur les 862,4 milliards du budget européen, 43 %, soit 370 milliards, sont utilisés par la PAC, qui semble sauvée pour la période 2007-2013. Cependant, nous ne savons nullement ce qui en adviendra après 2013. Les pays européens du Nord, plus libéraux, qui sont majoritaires au sein de la Commission européenne, pourraient faire d'autres arbitrages, soutenir d'autres priorités. L'accord des 19 et 20 novembre a été obtenu de justesse.

M. Jacques Blanc.  - Notre ministre a été excellent !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Cet accord risque de supprimer les instruments d'encadrement du marché, mais les pays européens ont souhaité dans leur majorité maintenir le modèle de la PAC.

M. Adrien Gouteyron.  - Entraînés par la France !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Monsieur le ministre, vous avez tout fait pour défendre une régulation de marché équilibrée, et je vous en félicite. (Applaudissements à droite et sur le banc des commissions)

M. Adrien Gouteyron.  - Bravo !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Notre groupe de travail, présidé par M. Bizet, a adopté à l'unanimité une proposition de résolution dont cinq points se retrouvent dans les accords : instauration d'outils de couverture des risques ; accompagnement de la sortie des quotas laitiers ; préservation des outils de stabilisation du marché ; possibilité pour chaque État de réallouer les aides au sein du premier pilier ; renforcement du volet développement durable.

Quels seront les choix du Gouvernement ? Les États membres ont jusqu'au 1er août 2010 pour décider. A-t-il fallu lâcher en contrepartie sur une renationalisation de la PAC ? Comment comptez-vous accompagner la sortie des quotas laitiers, et réorienter les aides du premier pilier ? Quel usage sera fait de la modulation supplémentaire obligatoire ? Quel soutien l'Europe apportera-t-elle à la forêt et aux biocarburants, qui ne figurent pas dans le bilan de santé ?

Quelles seront les conséquences sur les choix budgétaires ? Les indications des prévisions pour 2009 sont floues. Va-t-on soutenir les pans de l'élevage qui sont en crise ? Quid du secteur assurantiel ? En matière d'équarrissage, l'article 59 bis transfère progressivement sur les éleveurs les missions et les charges de service public. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser cette subtilité ?

L'Assemblée nationale a supprimé les mesures sur l'indépendance énergétique des exploitations, car la hausse prévue de 130 % de la redevance pour pollution diffuse aurait trop pesé sur les agriculteurs. Que va faire le Gouvernement ?

Enfin, que comptez-vous faire pour que la France utilise au mieux les financements du deuxième pilier, et que le monde rural s'y retrouve ?

Cette mission alterne le bon et le mauvais : je propose la sagesse. (Sourires à droite ; applaudissements à gauche)

M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Le budget de l'agriculture et de la pêche a, cette année plus que jamais, une connotation environnementale, traduction budgétaire du Grenelle. Les mesures agro-environnementales -prime herbagère agro-environnementale (Phae), indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) ou prime à la vache allaitante (PNSVA)- évoluent favorablement.

Ne pourrait-on soutenir plus activement encore l'élevage extensif, en accordant les aides en particulier aux ruminants pâturant de l'herbe ?

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - Notre pays possède quantité de pâturages, notamment en montagne, qui permettent de produire une viande de qualité.

M. Paul Raoult.  - Très juste.

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - Dans ces zones fragiles, souvent de montagne...

M. Paul Raoult.  - Pas seulement !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - ... la disparition du pâturage se traduirait par la désertification et la friche ; l'image de nos campagnes et le tourisme en souffriraient. L'élevage extensif n'aurait que des avantages : on maintient les éleveurs, on assure une production de qualité, et on préserve l'environnement ! (M. Charles Revet approuve) Est-il envisageable de lui réallouer les aides du premier pilier en ce sens ?

L'enveloppe globale du plan de modernisation des bâtiments d'élevage est revalorisée. A défaut de signature architecturale, ces bâtiments sont souvent vastes : ne pourrait-on installer des systèmes photovoltaïques sur les toitures ? Il faudrait pour cela passer des conventions avec EDF et les syndicats d'électricité. (M. Jacques Blanc approuve) EDF serait preneuse. Cette initiative, source de revenus supplémentaires pour les éleveurs, serait dans le droit fil du Grenelle ; elle pourrait d'ailleurs être étendue aux bâtiments industriels. En tant que président du syndicat d'électricité de mon département, je prendrai contact avec les services du ministère.

M. Jacques Blanc.  - La Lozère aussi !

Mme Nathalie Goulet.  - Et l'Orne !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - Il est tout à fait possible d'atteindre l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables.

La filière ovine est en crise structurelle, et les revenus des éleveurs ovins sont parmi les plus faibles. Un troupeau de 500 brebis disparaît chaque jour, pour être remplacé par de la friche... L'élevage ovin joue pourtant un rôle social et environnemental. Une fois l'épizootie de fièvre catarrhale ovine enrayée, il faudra prendre des mesures. Je remercie le ministre d'avoir reconduit l'enveloppe de 15 millions, et porté à 50 millions la part du plan de soutien transversal à l'agriculture consacré à l'élevage ovin.

Je conclus, car je vois que Mme la présidente manie la règle... (Sourires)

Seul domaine où je ne me plains pas de voir les crédits diminuer : les prédateurs. (On crie au loup sur divers bancs) Nous sommes très favorables à la présence des prédateurs, à condition qu'ils ne soient pas à proximité des troupeaux chez nous. (Sourires) Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on les lâche dans la forêt de Fontainebleau : ils s'y adapteront parfaitement ! (Sourires)

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. A titre personnel, j'émettrai un avis de sagesse. (Sourires et applaudissements sur divers bancs)

Mme la présidente.  - En application des décisions de la Conférence des Présidents, aucune intervention ne doit dépasser dix minutes. Si je suis sévère, c'est dans un souci d'équité ! (Marques d'approbation à droite)

M. Yvon Collin.  - La crise financière gagne l'ensemble de l'économie. Plusieurs filières de l'agriculture, déjà fragilisées par des difficultés structurelles, risquent de souffrir de la récession. D'après le ministère, les revenus agricoles diminueront de 8 à 15 %. Une fois encore, les producteurs de fruits et légumes ainsi que les éleveurs seront les plus touchés, puisque leurs revenus, qui n'ont cessé de se dégrader, connaîtront une chute supérieure à 20 %.

C'est pourquoi l'État doit soutenir le monde agricole. Si l'on peut se féliciter du plan d'urgence de 250 millions, que dire de ce budget de rigueur qui n'épargne pas la mission « Agriculture » ! L'augmentation des crédits de 2,4 % ne tient compte ni du taux d'inflation, ni de la diminution de 6,7 % des crédits d'engagement. Dans ces conditions, nombre d'actions vont être contraintes. Même si l'essentiel des concours publics à l'agriculture provient des fonds communautaires, et même si l'OMC et la PAC orientent les interventions, l'État doit prendre des mesures de soutien ciblées et pertinentes. Dans le contexte économique actuel, il doit jouer le rôle d'un amortisseur social en soutenant les plus menacés.

Parmi les mesures positives, l'installation des jeunes agriculteurs demeure un poste prioritaire avec une augmentation des crédits de 13,3 %. Il est effectivement essentiel de limiter la réduction du nombre d'exploitations parce qu'il ne faut pas sous-estimer le défi alimentaire. En revanche, il est surprenant d'estimer que l'installation des jeunes est fondamentale tout en rabotant les crédits du programme « Enseignement technique agricole ». Heureusement, un amendement a été adopté cet après-midi lors de l'examen de la mission « Enseignement scolaire », ce qui a permis de réduire la baisse initiale de 2,5 %.

Les mesures en faveur de la modernisation des exploitations assurent la performance et la vitalité du secteur. Nous approuvons le soutien au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, qui date de 2005. En revanche, le plan végétal pour l'environnement est peut-être suffisamment doté pour répondre aux besoins, mais la baisse des crédits s'accorde mal avec les objectifs poursuivis par le Grenelle de l'environnement en matière d'indépendance énergétique.

La diminution des crédits consacrés au programme relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l'agriculture conduit à négliger des outils essentiels au développement des exploitations, notamment les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) qui permettent la modernisation des installations et dont les crédits ne couvriront pas les attentes en prêts bonifiés, d'autant que le redéploiement de 700 000 euros voté par les députés au bénéfice des Cuma serait remis en cause par notre commission des finances, ce que je n'approuve pas.

S'agissant du soutien à la gestion des crises, je regrette la faiblesse des crédits consacrés à l'assurance récolte. Vous comptez beaucoup trop sur la manne communautaire, attendue en 2010, pour couvrir la montée en charge du dispositif issu de la loi d'orientation du 5 janvier 2006. Les rapporteurs pour avis ont rappelé que l'assurance récolte n'est pas financée à la hauteur des besoins. La dotation, fixée en 2008 à 32 millions, est reconduite l'année prochaine. A l'occasion de l'examen, par notre assemblée, de la proposition de loi tendant à généraliser l'assurance récolte obligatoire, que j'avais déposée en début d'année, nous avons discuté de l'intérêt d'une meilleure protection des exploitants contre les conséquences des aléas climatiques.

En ce qui concerne le programme « Sécurité et qualités sanitaires de l'alimentation », désormais rattaché à la mission « Agriculture », l'augmentation des crédits consacrés à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine explique en grande partie la hausse de ses moyens. Compte tenu de l'ampleur de la crise sanitaire qui touche les élevages, la dotation de 13,7 millions sera probablement insuffisante.

L'Europe souhaite sécuriser les denrées alimentaires et il est normal de réduire les pesticides dans l'agriculture. En revanche, le durcissement brutal des règles menacerait un grand nombre de productions, en particulier l'arboriculture fruitière. Dans mon département, la filière pomme est très inquiète. Le retrait des produits phytosanitaires doit être progressif et doit s'accompagner d'un plan de soutien à la recherche de solutions alternatives.

La question des retraites agricoles ne relève plus de votre responsabilité, monsieur le ministre, mais vous y restez sans doute sensible. Le problème du financement du régime social agricole a été évoqué lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Une solution pérenne doit garantir l'équilibre du fonds afin de permettre une politique plus volontariste à l'égard des retraités agricoles. Je ne sous-estime pas les mesures récentes qui visent à revaloriser les petites retraites des non salariés agricoles et augmenter le taux des pensions de réversion. Mais elles ne sont pas suffisantes, car la revalorisation ne portera la retraite qu'à 633 euros, ce qui s'apparente à un revenu de survie. Bon nombre d'anciens agriculteurs, nous le savons, se trouvent dans une situation de grande précarité alors qu'ils ont contribué à hisser l'agriculture française au niveau des plus performantes. C'est pourquoi l'effort de solidarité nationale en faveur des retraités agricoles doit se poursuivre.

Même si la prépondérance économique de l'agriculture diffère d'un département à un autre, ce secteur mérite l'attention de tous les parlementaires. Avec encore près de 800 000 actifs, notre pays conserve une forte tradition rurale. Les agriculteurs ont affronté des crises de toute sorte dans un contexte de forte concurrence. A chaque fois, ils ont montré leur capacité à s'adapter. En retour, nous devons les aider à se maintenir. Le projet de loi de finances pour 2009 n'étant pas à la hauteur des enjeux, les radicaux de gauche ne pourront le voter. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Herviaux.  - Le 5 novembre, lors de l'examen de la mission « Agriculture et pêche » à l'Assemblée nationale, vous déclariez, monsieur le ministre, que « notre secteur productif est au fond le seul atout qui peut permettre à la France et à l'Europe de résister ». Je partage cette analyse, mais sur le terrain, on est loin de ces certitudes : les agriculteurs, les pêcheurs, les ostréiculteurs souffrent, car aucune production ne s'en sort correctement aujourd'hui et les perspective d'avenir sont bien sombres, face à la dérégulation totale des marchés voulue par l'Union européenne. Ils ressentent d'ailleurs certaines conséquences désastreuses des lois d'orientation agricole et de modernisation de l'économie contre lesquelles nous nous étions élevés.

Ainsi, le revenu moyen agricole en Bretagne, qui était de 13 440 euros en 2006, est descendu à 9 360 en 2007. Qu'en sera-t-il en 2008 alors que le prix du lait a encore baissé ? Devant l'urgence, une table ronde a été organisée en préfecture de région samedi matin : les producteurs, les industries agro-alimentaires et les représentants des consommateurs reconnaissent que les prix payés aux producteurs ne sont pas à l'origine de la hausse du coût des produits alimentaires. Ils veulent aussi que soit mis un terme à la recherche systématique du prix bas pour l'alimentaire au profit d'un juste prix rémunérateur Surtout, ils réclament une transparence totale pour savoir qui gagne quoi et comprendre les négociations commerciales. Il est vraiment temps, monsieur le ministre, de faire fonctionner votre Observatoire des prix et des marges et de mettre en application votre plan d'urgence.

Nous sommes tous d'accord sur l'importance de l'agriculture et de la pêche et sur la nécessité de développer d'ambitieuses politiques de régulation, seules à même de préserver des activités qui répondent aux besoins de nos concitoyens. Malheureusement, les moyens que vous déployez pour atteindre ces objectifs ne correspondent pas aux attentes des agriculteurs et des pêcheurs. Votre budget est certes en augmentation de 2,4 % en crédits de paiement mais les autorisations d'engagement chutent de 6,7 %. Dans les deux prochains budgets, les autorisations d'engagement risquent de se réduire de près de 20 % !

L'avenir de la pêche n'est pas davantage assuré. En dix ans, elle a perdu 1 300 navires et elle a dû faire face à de multiples crises, alors que notre pays compte le linéaire côtier le plus long de l'Union. Les politiques européennes posent de nombreux problèmes alors que les financements diminuent : réduction de 4 millions pour l'investissement et la modernisation, et de 8 millions pour les sorties de flotte, alors que votre plan pour la pêche en a fait des priorités.

Les attentes du secteur sont fortes et, pour certains, le capital confiance est largement entamé. Les réunions de suivi de votre plan ne sont plus, d'après le président de la coopérative Ar Mor Glaz, « que des rafales d'annonces négatives ».

La Commission européenne, après les avoir jugées illégales, demande le remboursement par les entreprises bénéficiaires des 87 millions d'aides versées entre 2004 et 2006 par le Fonds de prévention des aléas de la pêche. Comment comptez-vous régler cette question qui constitue, pour la Commission, un préalable à la délivrance du certificat d'euro-compatibilité pour le Plan pour une pêche durable et responsable (PPDR) que vous avez lancé il y a quelques mois ? Votre ministère a indiqué que serait engagé « un processus de recouvrement des aides illégales, avec pragmatisme, au cas par cas, en tenant compte de la situation individuelle de chaque entreprise ». Mais, comme vous l'ont dit les comités régionaux des pêches, qu'allez-vous faire alors que la quasi-totalité des entreprises de pêche est au bord de la faillite, certaines ayant même déjà disparu ? Le 30 octobre, vous avez annoncé que le PPDR, doté de 310 millions et initialement prévu sur trois ans allait être mis en oeuvre en deux ans. Soit. Financé par l'écotaxe, il offre des aides à la cessation d'activité, à la modernisation et à la recherche halieutique. Les deux dernières ont, bien sûr, ma préférence. Face aux interrogations sur son financement, il est important de répéter que l'intervention des collectivités n'a pour seul but que d'apporter une aide juridico-administrative, et non de combler une éventuelle carence de l'État. Je suis également réservé sur les plans de casse et de sortie de flotte car ils provoquent des effets pervers sur les prix de l'occasion et sur les coûts d'installation. Quitte à sortir des navires de la flotte, il serait plus opportun d'aider au désarmement des vieux navires énergivores et peu sûrs pour favoriser la construction de navires neufs, plus économes en énergie, et dont les patrons s'engageraient à pratiquer une pêche responsable. Dans cet objectif, les contrats bleus sont un outil intéressant, même si de nombreuses questions demeurent. Ces plans se mettent progressivement en place et les structures sont parfois régionales, comme en Bretagne, ou nationales. Dans le respect du principe de financement du PPDR, qui repose sur une taxe ad hoc, les contrats bleus relèvent donc de l'intervention financière de l'État.

Le calibrage des contrats au regard des possibilités financières du PPDR ne peut résulter que d'une concertation avec les représentants des pêcheurs, ce qui permettrait d'épargner le Fonds européen pour la pêche, dont l'enveloppe limitée devrait être réservée à des actions de fond. Il semble en outre que certaines clauses des contrats bleus ne soient pas eurocompatibles. La coopérative que j'ai évoquée, qui a mis en place les contrats bleus pour les pêcheurs bretons et représente 75 % de la pêche chalutière bretonne, a décidé avec son homologue du Fonds pour le développement durable de la pêche de suspendre temporairement ses paiements, ce qui va poser de graves problèmes aux entreprises du secteur. Les crédits alloués à ces contrats, soit 30 millions d'euros, mériteraient d'être augmentés, car il semble difficile de servir tous les demandeurs. On peut enfin s'interroger, compte tenu de l'augmentation du nombre de contrats, sur leur rythme de financement prévisionnel pris en charge à 20 % par le Fonds européen pour la pêche (FEP), dont la mise en place a été retardée. L'Association des régions de France vous demande de préparer, au travers d'un bilan, la révision à mi-parcours du FEP fin 2009. Ce bilan serait à mettre en relation avec la mise en oeuvre du plan d'adaptation de 310 millions. L'état d'avancement budgétaire du programme opérationnel FEP au 3 octobre dernier pose en effet plusieurs questions : quid des lignes financières engagées à plus de 100 % concernant l'ajustement des efforts de pêche et les arrêts temporaires d'activité, ou déjà consommées à près de 50 %, comme les actions collectives ? Quelles modalités de calcul seront retenues pour les futures mesures régionalisées ?

Je ne peux conclure sans évoquer la grave crise que traverse l'ostréiculture. Les 2 500 entreprises du secteur rencontraient déjà des problèmes ; l'été 2008 a vu une forte mortalité de juvéniles et de naissains et le stock français d'huîtres creuses, fin 2009, sera réduit de moitié. Des mesures ont été prises, mais je réitère les interrogations que je vous ai adressées dans une question écrite : quels sont les moyens réellement mobilisés ? Quels sont les projets du Gouvernement en matière de couverture des risques dans le secteur ?

Certains éléments de votre budget vont dans le bon sens mais son inadaptation programmée à la gravité des crises que traversent tous les secteurs relevant de votre ministère ne nous permettra pas de le voter. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Alors que le revenu des agriculteurs a augmenté entre 2005 et 2007, il devrait baisser de 8 % à 15 % cette année. Les éleveurs de bovins et d'ovins de mon département, la Meuse, devraient même enregistrer une baisse de 20 % à 30 % ; il est à craindre, après les difficiles négociations de ces derniers jours, que les producteurs de lait ne subissent le même sort.

Monsieur le ministre, je vous suis reconnaissant d'avoir pris à temps des mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat des agriculteurs et éleveurs pour un montant total de 204 millions d'euros, dont le quart est destiné à une filière ovine gravement touchée par la fièvre catarrhale ovine. J'espère que les départements comme le mien, où l'élevage est très développé, verront les dossiers de demande d'exonération de charges sociales examinés avec célérité et bienveillance ; nos éleveurs sont pris à la gorge.

Si les crédits du plan de modernisation des bâtiments d'élevage voit ses crédits légèrement augmenter, toutes les demandes ne pourront être satisfaites tant les besoins sont importants. Je souhaite un abondement supplémentaire. Le Grenelle de l'environnement prévoit que d'ici 2013, 30 % des exploitations seront à faible dépendance énergétique ; mais le budget ne comporte pas de crédits pour un début de mise en oeuvre du plan de performance énergétique des exploitations agricoles, dont le coût total est évalué à 731 millions d'euros.

A ma grande surprise, le Gouvernement a décidé l'arrêt progressif sur quatre ans de l'exonération partielle de taxe intérieure de consommation pour les agrocarburants, alors que cette filière commence à peine à se développer. Je souhaite qu'il soit possible de maintenir la défiscalisation en faveur des esters méthyliques d'huile animale ; une usine de fabrication de ces esters est en cours de construction dans mon département dont la viabilité risque d'être mise en cause.

Les crédits alloués à la lutte contre les maladies comme la fièvre catarrhale ovine baissent de 16 %, alors qu'il en faudrait davantage pour faire face à une probable accélération de la pandémie, notamment de ses sérotypes 1 et 6.

La libéralisation du marché de l'équarrissage va accroître les charges des éleveurs. Le problème de la responsabilité de l'État en matière de sécurité sanitaire est aussi posé. Il faut maintenir la participation financière de l'État au service public de l'équarrissage et conserver sa responsabilité. Quant au nouveau dispositif de gestion des risques sanitaires dans les domaines alimentaire, vétérinaire et phytosanitaire, il reste éclaté entre plusieurs services de l'État et son financement paraît peu assuré. Pourriez-vous apaiser mes craintes ?

Le budget consacré à la gestion des aléas climatiques est reconduit à hauteur de 32 millions d'euros. Comment, dans ces conditions, l'État tiendra-t-il son engagement de développer encore l'assurance-récolte ?

Je salue les mesures prises pour soutenir l'installation des jeunes agriculteurs, qu'il s'agisse de la dotation jeune agriculteur ou des prêts jeune agriculteur, mais je regrette l'abandon progressif des principaux dispositifs d'aides au départ. Je me félicite de la revalorisation des petites retraites agricoles et de la fixation d'un minimum de retraite en deux étapes. Mais les problèmes de financement du régime d'assurance-vieillesse des non salariés agricoles demeurent. L'autorisation d'emprunt donnée à la MSA ne saurait être une solution d'avenir.

Je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m'apporter. Je voterai naturellement votre budget. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Le Cam.  - Le budget 2009 intervient dans un contexte très particulier avec le bilan de santé de la PAC -et ses sombres perspectives- et la crise financière mondiale. La seule constante, c'est le nombre de secteurs agricoles en crise. Et je ne parle pas de l'échec des négociations de l'OMC, qui favorise les accords bilatéraux au détriment d'une vision globale et de l'équilibre alimentaire mondial -leur succès serait une catastrophe plus grande encore, qui livrerait le monde à la loi de la jungle d'un libéralisme débridé. Merci, on a déjà donné ! Quant à la révision générale des politiques publiques, appelée par certains rationalisation, elle n'a d'autre but que d'en finir avec les grands services publics, de livrer les secteurs rentables au capital et de mutualiser les pertes des secteurs les moins attractifs. Dans ce monde devenu fou, la crise alimentaire va accroître de 100 millions de personnes le nombre de celles, déjà un milliard, qui ont faim. Je vous fais grâce du Grenelle de l'environnement, pavé de bonnes intentions, dont on parle avec gourmandise sans jamais ouvrir le porte-monnaie.

Le tableau est certes dramatique ; mais à quoi d'autre pouvions-nous nous attendre après les décisions prises aux niveaux national, européen et de l'OMC ? Dans le rapport de notre commission, on peut lire que ce budget limite les dégâts, qu'il permet de financer le noyau dur des actions du ministère, qu'il est contraint ou encore que les crédits de paiement vont baisser de 13 % d'ici 2011. Rien de réjouissant, même si les 5 milliards de crédits de la mission ne représentent que 15 % des concours publics à l'agriculture, le reste venant du budget communautaire.

On peut dès lors se demander à quoi sert ce budget et comment il peut être utile au monde agricole dans sa diversité. Nous devrions nous doter d'outils législatifs garantissant la stabilité des revenus et des productions de qualité, permettant à tous les modes et tailles d'exploitations de structurer l'espace rural -car les familles sont plus heureuses là où elles sont que dans les banlieues où elles viendraient grossir la cohorte des miséreux.

Les lois récentes ont toutes conforté une conception entrepreneuriale de l'agriculture, la concentration des exploitations et une agriculture démunie face aux centrales d'achat et à la grande distribution.

Le dernier exemple est constitué par l'article 59 ter de ce texte : accentuant encore la concurrence libre et non faussée chère à l'Europe, il condamne des dizaines de milliers de producteurs laitiers, en Bretagne, en zone de montagne et dans tout l'hexagone.

Le regroupement des offices agricoles dans un même sac neutralise toute régulation du marché, bien qu'elle ait constitué leur finalité initiale.

Ce budget semble enfin agir dans le bon sens pour l'installation des jeunes, mais en restant modeste.

Je m'interroge sur l'extension des surfaces agricoles bio de 1,4 % aujourd'hui à 6 % en 2012 et 20 % en 2020, conformément au Grenelle de l'environnement. Comment convertir des milliers d'exploitations à la culture biologique peu consommatrice de terre et d'intrants polluants ? On va bien s'amuser dans les CDOA ! J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point précis, qui n'engage que ceux qui veulent bien y croire.

J'ai lu avec la plus grande attention les huit axes du plan Écophyto 2018, qui tend à réduire de moitié l'usage des pesticides et à retirer les 53 molécules les plus dangereuses. Il n'y a rien à propos des produits de substitution, sans danger pour les humains et la biodiversité. Il est vrai que la recherche coûte cher... Pour le reste, les huit axes vont dans le bon sens, mais les marchands de poison s'activent déjà et les résistances de la profession sont considérables.

L'État se désengage des haras nationaux, dont il ferme des sites. En Bretagne, il reste Lamballe et Hennebont, qui réalisent un travail exemplaire pour la conservation des races et les animations équestres. Pour la Bretagne, ils sont ce que le cheval est l'homme : sa plus belle conquête.

Nous sommes alertés par les associations de développement et d'animation du milieu rural, car, à l'instar du sort subi par les mis à disposition dans le budget de l'éducation nationale, elles sont dépourvues de crédits et ne peuvent guère s'inscrire dans les opérations du compte d'affectation spéciale pour le développement (Casdar), inadaptées à leur mission. Les coupes dont elles sont victimes mettent à mort le lien social en milieu rural. Les soutiens doivent donc être intégralement rétablis.

Globalement, notre agriculture est avant tout menacée par le niveau des revenus, souvent en baisse et irréguliers au gré des crises de production, subissant les à-coups de la PAC et écrasés par les marges des centrales d'achat. La table ronde réunie samedi en urgence à Rennes atteste la priorité accordée par le monde agricole aux revenus et aux relations avec la grande distribution. Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a pu assurer des prix rémunérateurs pour les producteurs, des prix abordables pour les consommateurs et des marges raisonnables pour les voleurs de la grande distribution. Ce serait possible, à condition de ne pas poser en préalable la concurrence libre et non faussée, complétée par l'arsenal libéral qui pérennise le banditisme commercial.

Le bilan de santé de la PAC inquiète toute la profession, car ses aides constituent la moitié du revenu des agriculteurs, si bien que la fin des dispositifs de régulation peut légitimement démoraliser le monde agricole. Quelqu'un que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et qui n'est certes pas un dangereux gauchiste, a déclaré que l'accord intervenu est une décision irresponsable mettant fin à la régulation des marchés, en regrettant que, malgré une crise alimentaire permanente, la commission et les ministres restent figés dans un schéma dogmatique libéral. « L'augmentation des quotas laitiers est une ineptie au moment où tous les producteurs européens subissent d'importantes baisses de prix ». Qui s'exprime ainsi ? M. Lemétayer, président de la FNSEA. En cette période de crise du système capitaliste ultralibéral, les commissaires européens n'auraient pas dû en ajouter une louche. C'est indécent !

« Les marchés sont devenus fous ? » Non : les hommes. Gandhi disait : « la terre peut satisfaire les besoins de tous, mais pas la cupidité de tous ».

Les glissements autorisés du premier pilier vers le second visent à satisfaire l'opinion publique sensible à l'environnement. Certes, le second pilier est indispensable, mais rien ne justifie la dérégulation, ni la disparition progressive des aides.

Les producteurs bretons de lait sont en colère. Pendant plusieurs jours, ils ont bloqué les plates-formes logistiques de la grande distribution, car la fin programmée des quotas pour 2014, leur augmentation de 1 % par an et la pression des laiteries sur le prix constituent un cocktail explosif qui exaspère la profession. D'après Onilait, la France ne comptera que 75 000 exploitations laitières en 2010, contre 133 000 en 1998.

Il est urgent de conforter les instruments de régulation, de stocker des matières premières avec une marge de six mois, comme en Chine aujourd'hui, et de décourager par tous les moyens le crime contre l'humanité constituée par la spéculation sur les denrées alimentaires. Dans ce cas précis, un clic d'ordinateur est bien plus dangereux que les armes conventionnelles. Il est urgent de rétablir la préférence communautaire.

La crise alimentaire mondiale n'aurait pas eu lieu sans les spéculateurs : en 2007, les prix ont doublé à cause d'un déficit de production des céréales limité à 3 % ! Les aléas climatiques et sanitaires sont inévitables, contrairement à l'aléa spéculatif.

Dans le monde, 30 millions d'agriculteurs ont des tracteurs, plusieurs centaines de millions utilisent la traction animale, le milliard qui emploie la houe est le plus exposé à la famine. D'après l'ONU, 82 milliards d'euros suffiraient à éliminer la faim sur la planète. C'est peu ou regard des 2 000 milliards d'euros destinés à renflouer les spéculateurs bancaires européens.

Ni le budget, ni la politique agricole française, ni les orientations européennes ne correspondent aux attentes du monde paysan ni aux défis mondiaux. Nous ne voterons donc pas ce budget, en espérant qu'une prise de conscience conduise les 27 pays d'Europe à une réorientation profonde en 2009. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Chatillon.  - Il me semble essentiel que le ministère de l'agriculture soit aussi celui de l'alimentation et de la nutrition, à l'instar de ce qui existe dans de nombreux pays. A cet effet, il faudrait revoir les rôles respectifs de l'agriculture et de la santé.

Par ailleurs, nos fonctionnaires à Bruxelles devraient entretenir un contact régulier avec les fédérations et syndicats professionnels, car la réglementation est en retard sur les préoccupations essentielles des industries. Comme chef d'entreprise, je n'ai jamais pu obtenir d'entretien.

De même, nos ambassades devraient mieux accompagner nos entreprises notamment nos producteurs agroalimentaires : il en va de leur compétitivité. Les industries agroalimentaires soutiennent le développement de la production agricole tout en favorisant l'équilibre territorial grâce à leur implantation rurale.

Je vous soumets donc quelques propositions qui vont à l'essentiel.

Premièrement, l'accent à mettre sur la nutrition doit s'accompagner d'une relation nouvelle avec le corps médical, afin que la meilleure prévention par l'alimentation procure de sérieuses économies à la sécurité sociale. Dans tous les pays anglo-saxons, les médecins prescrivent des produits alimentaires sur leurs ordonnances, par exemple pour traiter l'excès de cholestérol ou les troubles du transit intestinal. Dans le domaine des nutraceutiques et des alicaments, les produits venant de l'étranger doivent faire l'objet d'une vigilance accrue. Il en va de même pour les produits chimiques contenus dans des produits extérieurs à l'Union européenne.

Deuxièmement, seule une valeur ajoutée accrue peut éviter la délocalisation de la production agroalimentaire. La clé réside dans les relations établies entre l'industrie et la recherche. Les pôles de compétitivité ont un rôle essentiel à jouer, complété par celui des pôles d'excellence rurale. Il serait bon d'aider les entreprises artisanales qui structurent les territoires faiblement peuplés. Les zones concernées devraient avoir un statut identique à celui de zones franches, avec un accent mis sur les services structurants.

Troisièmement, nos PME ont une taille inférieure à celle de nos concurrents, en particulier allemands. Pour y remédier, l'appui de sociétés régionales de capital-risque et de capital-développement est essentiel.

Le quatrième point concerne la simplification des dispositifs d'aide : l'intervention d'Oseo, une trame régionale cohérente de pépinières d'entreprises et l'intervention de fonds d'amorçage diminueront sensiblement la mortalité précoce des entreprises. Il est urgent d'installer un guichet unique d'aide au plan régional !

Cinquièmement, la politique de flux tendus a progressivement supprimé les stocks agricoles, pourtant indispensables à la régulation des prix. Leur insuffisance fut la véritable raison de l'inflation des prix à la consommation l'année dernière. L'Europe doit à nouveau financer des stocks, ce qu'elle ne fait plus depuis six ans.

Sixièmement, que deviendra la PAC après 2012 ? Elle représente aujourd'hui 40 % du budget communautaire. Quel soutien apporterons-nous aux filières ovines et bovines, sinistrées par la fièvre catarrhale et les prix du marché ?

Devrons-nous dans quelques années acheter notre bétail à l'étranger et notamment au Commonwealth ?

M. Jacques Blanc.  - Surtout pas !

M. Alain Chatillon.  - A ce sujet, je m'interroge : les compensations obtenues par la Grande-Bretagne au sujet de la PAC ne servent-elles pas à subventionner les cheptels australiens et néo-zélandais, et à casser les prix des produits de nos éleveurs ?

M. Jacques Blanc.  - C'est bien possible.

M. Alain Chatillon.  - Faudra-t-il se résoudre, pour entretenir nos zones d'élevage, à embaucher des « jardiniers de l'espace » ? Que deviendront nos éleveurs attachés à leur cheptel et qui méritent notre respect et notre appui ?

M. Charles Revet.  - Cela coûtera bien moins cher de les maintenir en activité !

M. Alain Chatillon.  - En effet.

Les contrats de filière doivent être privilégiés. Il est indispensable que des accords structurants soient conclus entre les producteurs, les industriels et les distributeurs, afin que ces derniers ne soient pas les seuls à dégager des marges suffisantes. Un système de contrôle et d'arbitrage doit être mis en place, et de véritables interprofessions par filières doivent être créées.

La France consomme chaque année 58 000 hectares de terres agricoles à cause de l'expansion des villes. Il faudrait légiférer pour assurer une meilleure maîtrise de l'espace rural : les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot) n'y suffisent pas.

Monsieur le ministre, vous faites depuis votre arrivée un travail remarquable, par votre compétence et votre capacité à mobiliser vos équipes, avec des crédits limités.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Alain Chatillon.  - L'agriculture est essentielle à l'économie de notre pays. On vient en aide à l'industrie automobile et à d'autres secteurs, mais il y a aussi en France des industries agroalimentaires de pointe, et nous devons nous battre pour elles. La crise devrait nous inciter à favoriser particulièrement nos agriculteurs, nos éleveurs et nos industries de transformation. Il y va de l'avenir de notre pays. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Aymeri de Montesquiou.  - « L'agriculture n'est pas une nostalgie ; l'agriculture n'est pas seulement une tradition. L'agriculture, ce n'est pas le passé... »

M. Charles Revet.  - C'est l'avenir !

M. Aymeri de Montesquiou.  - « L'agriculture est au coeur des défis de la planète de ce siècle : le défi alimentaire, le défi environnemental et le défi énergétique. (...) Ma conviction c'est que ces défis, la France est l'un des pays les mieux placés au monde pour les relever. Ce qu'il nous faut, c'est une nouvelle ambition pour l'agriculture en France et en Europe. » Ainsi s'exprimait le Président de la République à Rennes en septembre 2007. Au-delà des clivages politiques, nous ne pouvons que partager ses vues. (Marques d'approbation à droite)

Cette nouvelle ambition pour l'agriculture est manifeste dans le budget que nous examinons, et qui bénéficie de l'impulsion du Grenelle de l'environnement et de la RGPP. Cet ambitieux instrument de réforme prévoit la restructuration de l'administration centrale avec la création de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires et d'un service de prospective, la mise en place de nouveaux services déconcentrés avec la fusion des DDA et DDE, l'apparition d'un nouveau réseau régional copiloté par le préfet de région et le président du conseil régional, ou encore la fusion des offices agricoles au sein de France Agrimer. Vous voulez donner un nouveau souffle à notre politique agricole et rurale, en concentrant les efforts sur l'exportation de nos produits.

La qualité de ces derniers est mondialement reconnue, grâce aux signes de qualité qui distinguent 30 % de notre production. Notre agriculture est la première d'Europe et la deuxième du monde, et notre pays est le troisième exportateur mondial de produits agroalimentaires. L'agriculture est le premier poste excédentaire de notre commerce extérieur, avec 9 milliards d'excédents, ce qui est précieux vu l'état de notre balance commerciale.

Le programme 154 vise à promouvoir les produits de qualité et à soutenir la présence française dans le monde. Le ministère a mis en place un cadre stratégique définissant les priorités de l'État pour ce qui est des pays cibles, des filières et des actions à mener. Nous encourageons nos entreprises à participer aux manifestations et salons internationaux, mettons en oeuvre des mesures d'appui à l'exportation, et gérons le partenariat avec les organismes assurant la promotion des technologies et du savoir-faire français.

Mais nous pouvons faire beaucoup mieux, vu la notoriété de nos produits. Pourquoi ne sommes-nous pas plus performants ?

Ce budget de 3,5 milliards d'euros couvre quatre programmes. Le ministère de l'agriculture est un ministère d'intervention : 84,5 % des crédits du programme 154 sont des crédits d'intervention. Si je regrette la baisse des crédits alloués aux associations d'animation rurale, je me réjouis de la priorité accordée à l'installation de jeunes agriculteurs, avec une forte progression de l'enveloppe consacrée à la bonification des prêts et le maintien de la dotation aux jeunes agriculteurs, qui devraient permettre 7 000 installations en 2009.

L'effet de serre, l'écologie, le développement durable concernent tous les citoyens, y compris les agriculteurs qui utilisent moins d'engrais, de pesticides ou d'autres traitements parce qu'ils ont compris qu'ils doivent protéger la nature, mais aussi parce que le coût de ces intrants grève leur budget. Les agriculteurs participent au développement durable en produisant des biocarburants, dont les objectifs d'incorporation dans les carburants ont été atteints en 2006 et 2007, et sont fixés à 7 % en 2010. En diversifiant les sources d'énergie, les biocarburants permettent de renforcer la sécurité des approvisionnements énergétiques de la France ; ils contribuent à réduire significativement les émissions de gaz dans le secteur des transports ; ils participent à l'indépendance protéique de la France et de l'Union européenne ; enfin ils créent de l'emploi dans les zones rurales. Il est donc primordial que ces unités de traitement soient réparties sur l'ensemble du territoire, de préférence près des centres de production de biocarburants. Il faut créer un centre de ce type dans le Gers, département le plus rural de France, qui produit une grande partie du maïs du sud-ouest.

Le compromis auquel les députés sont parvenus sur la défiscalisation est une bonne chose : l'éthanol ne sera désormais pas plus taxé que l'essence. La disposition sur l'écopastille votée par l'Assemblée nationale rejoint le voeu formulé par le Président de la République, « que les véhicules flex fonctionnant à l'E 85 puissent être exonérés rapidement du malus qui les frappe et qui ne tient pas compte du bénéfice environnemental complet de tels véhicules ». Je souhaite que le Sénat adopte cette mesure.

Les producteurs laitiers ont abouti à un accord avec les industriels, dont les modalités sont très dures, mais auquel ils ont consenti pour sortir de la crise. L'esca est une maladie qui touche l'ensemble des vignes. Elle s'est déclarée il y a une dizaine d'années et détruit aujourd'hui le vignoble gersois qui, si rien n'est fait, disparaîtra dans dix ans. Mais les chercheurs n'ont pas encore trouvé de solution. Raymond Vall et moi-même vous demandons, monsieur le ministre, d'engager en collaboration avec le ministère de la recherche un important effort de recherche sur l'esca : la survie de nos exploitations viticoles est en jeu.

Alphonse Karr, jeune directeur du Figaro au XIXe siècle, très en pointe sur l'évolution des débouchés agricoles, écrivait : « Il faut rendre à l'agriculture sa place et son rang. ». Les réformes engagées par le Gouvernement vont dans ce sens. C'est pourquoi, avec beaucoup d'autres, je voterai ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Paul Raoult.  - Le budget de l'agriculture est stable, avec 3 milliards de crédits environ ; mais l'effort public reste faible. Entre 2009 et 2011, les crédits de paiement de cette mission diminueront de 10 %, et les autorisations d'engagement de 12 %. On justifie souvent ces coupes budgétaires par la baisse de la population agricole ; mais l'argument n'est pas valable : les revenus tirés de l'agriculture continuent à progresser. Nous avons besoin d'une politique agricole active, car les débouchés industriels de l'agriculture sont immenses.

Le ministère fait l'objet de restructurations qui créent un sentiment d'incertitude quant à l'avenir de la gestion du monde agricole et rural. Le découplage des aides confirme nos inquiétudes : c'est la mort programmée de l'aide publique au monde agricole et rural.

Que penser du démantèlement de la PAC, alors que les États-Unis ont encore augmenté leurs subventions agricoles dans le cadre du Farm Bill, en les portant de 55 à 77,5 milliards d'euros ? Que ne doit-on pas craindre de la relance du cycle de Doha, où l'OMC voudra nous arracher de nouveaux engagements qui lèseront le monde agricole ? Il vous faudra beaucoup de détermination, monsieur le ministre, pour résister à toutes les pressions.

L'économie agricole se porte mal, après une période d'euphorie. Le secteur de l'élevage connaît des crises sanitaires répétées.

Après la crise catarrhale de 2006, vous avez engagé une campagne de vaccination de grande ampleur sur les sérotypes 1 et 8, mais les pertes d'exploitation restent énormes pour les éleveurs concernés En ces circonstances extraordinaires et violentes, ils ont besoin d'être soutenus par la solidarité nationale et européenne ; malgré votre bonne volonté, le compte n'y est pas tout à fait.

Le dernier accord prévoit une augmentation des droits à produire qui prélude à leur disparition effective. La dérégulation du marché laitier est en marche, avec son cortège de concentrations. La création d'usines à lait, c'est la mort programmée des petits et moyens élevages de montagne et des zones intermédiaires comme l'Avesnois. Les conséquences seront catastrophiques en termes de désertification. Lorsque l'on manquera de lait, on regrettera amèrement la suppression des quotas et l'on verra qu'il faut du temps pour former un éleveur.

Autre sujet d'angoisse, saura-t-on lier intelligemment agriculture et environnement ? Les agriculteurs voient les problèmes mais a-t-on les solutions ? Le plan agriculture biologique horizon 2012 prévoit de tripler les surfaces bio en trois ans, ce qui pourrait concerner d'abord les zones de protection des champs captants. Mais l'on doit former les jeunes et l'on manque de formation... et de vocations. Il faut encore que la filière soit rentable et le pari est loin d'être gagné. Il requiert de la ténacité et des crédits. J'ajoute que c'est toute l'agriculture qui doit devenir respectueuse de l'environnement.

Le plan de réduction des phytosanitaires constitue un enjeu majeur. Quand des plantes résistent à certains traitements, continuer avec les mêmes méthodes, c'est aller dans le mur. Il convient de réorienter la recherche, de développer d'autres façons culturales et de préférer la résistance des plantes à la productivité. Le choix est difficile car si la précipitation est à proscrire, il importera de maintenir le cap. Or le temps presse pour nourrir trois milliards de personnes supplémentaires sur la planète : on risque la pénurie, et même la famine dans certaines régions.

Avec l'aide de l'État ou de l'Europe, une régulation est nécessaire. A défaut, la volatilité des prix conduira à la ruine des agriculteurs dissuadés d'investir. Les prix erratiques du lait montrent bien qu'il faut préciser les règles de leur fixation afin de permettre leur stabilisation. Un rééquilibrage en faveur de l'herbe et les protéines végétales limitera notre dépendance au soja américain tandis que la gestion des stocks évitera la spéculation. En plein Grenelle, la Commission européenne veut supprimer l'aide de 33 euros la tonne pour la déshydratation de la luzerne : quand on connaît toutes les qualités de cette plante mellifère, qui fixe l'azote, protège les sols et nourrit les animaux, on mesure toute la volonté politique qu'il faut pour assurer un revenu décent aux agriculteurs. Vos propositions pour un bilan de la politique agricole commune ne vont pas dans le bon sens et le président de la FNSEA parle même de décision irresponsable. Nous avons besoin de régulation, l'Europe ne peut être une zone de libre-échange et la seule issue ne peut être de renationaliser la politique agricole. Nous ne voterons donc pas ce budget car, même si nous en reconnaissons le sérieux, il souffre de trop d'incertitudes pour apporter des réponses aux enjeux. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Soulage.  - Le 20 novembre, les ministres européens de l'agriculture sont parvenus à un compromis sur le bilan de la politique agricole commune. La négociation, ouverte depuis un an, s'était accélérée en juin et je me réjouis que la présidence française ait pu la conclure. Merci, monsieur le ministre, de ce travail de conciliation. Le résultat peut être décevant et il ne fait pas l'unanimité, même si la proposition initiale, que la France n'approuvait pas, a été sensiblement améliorée. Un pas supplémentaire est franchi vers la dérégulation, les outils de régulation voient leur portée réduite ou sont menacés et le découplage des aides est décidé. Cependant des avancées sont réalisées pour le développement rural et les nouveaux défis que sont le changement climatique, les énergies renouvelables, la biodiversité, la gestion de l'eau et l'innovation, qui bénéficieront de cofinancements communautaires de 75 %. Les ressources naturelles en eau feront-elles partie de ces nouveaux défis ?

Les producteurs de tabac pourront bénéficier de mesures transitoires en 2011-2013. Que peut-on espérer après 2013 ?

La renationalisation d'une part croissante du budget par le bais de l'article 68 permettra de recentrer les aides sur des secteurs déjà enkystés. La liste en est-elle fixée et la filière fruits et légumes restera-t-elle exclue malgré les crises à répétition qu'elle traverse ? Je suis inquiet pour la filière en général et pour le pruneau en particulier. Pouvez-vous me rassurer ?

Je n'ai pas oublié l'assurance-récolte pour laquelle je n'ai cessé de militer. Vous avez défendu avec vigueur des crédits et obtenu des fonds européens pour un fonds sanitaire. Nous vous en sommes reconnaissants : c'est important pour notre agriculture -M. Emorine ne me démentira pas. L'article 68 prévoit que les États membres qui le souhaitent peuvent prélever sur le premier pilier pour cofinancer les primes d'assurances et mettre en place des fonds de mutualisation. J'en suis tout à fait satisfait. J'ai bien vu, il y a quelques semaines, en rapportant la proposition de loi de MM. Collin et Baylet, qu'il était aujourd'hui impossible de rendre l'assurance-récolte obligatoire : nous avons grand besoin de crédits européens pour la développer plus rapidement et compenser l'évolution des taux. L'année 2010 marquera un nouveau départ, ce dont nous vous remercions.

Le fonds sanitaire a prouvé son utilité. Comment le mettrez-vous en place ? L'enveloppe de l'article 68 n'est pas inépuisable : suffira-t-elle et quels sont vos projets ?

Je veux encore souligner la nécessité d'un développement rapide des OGM. On ne peut être contre les pesticides et contre les OGM : il faut choisir. Nous avons adopté une loi qui garantit la coexistence mais, tandis qu'elle reste lettre morte, nous accumulons les retards. M. Barroso a rappelé que les décalages dans les autorisations de mise sur le marché menacent l'agriculture communautaire.

A l'heure du Grenelle de l'environnement et au moment où la société est de plus en plus exigeante en matière de qualité et de sécurité alimentaires, nous devons développer notre recherche agronomique, sans oublier la recherche appliquée et les organismes qui la mettent en oeuvre. C'est indispensable pour que notre agriculture s'adapte et maîtrise de mieux en mieux les intrants.

Je soutiens votre action et voterai votre budget. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Évelyne Didier.  - Nous remarquons la baisse des crédits du programme « Forêt », malgré son importance écologique. Le personnel de l'Office national des forêts manifestait récemment son inquiétude et dénonçait les décisions arrêtées par le Comité de modernisation des politiques publiques concernant l'Office. Ces mesures, qui constituent la dernière étape avant démantèlement et privatisation, représentent une véritable rupture du contrat qui lie l'ONF, les 11 000 communes forestières et l'État

Cet établissement public est chargé par la loi de gérer le patrimoine forestier de l'État selon trois objectifs : récolte du bois, préservation de la biodiversité, accueil du public. L'Office assure également des missions d'intérêt général pour le compte de l'État : prévention des risques d'incendie et d'avalanche, lutte contre l'érosion sur le littoral, préservation des richesses biologiques : marais, dunes, tourbières, mangroves. Il intervient aussi pour effectuer des prestations comme l'aménagement d'espaces naturels ou de loisirs, la réhabilitation de sites, l'expertise d'arbres. Toutes ces missions répondent aux objectifs de développement durable prônés au Grenelle de l'environnement.

Dans un contexte de raréfaction des matières premières énergétiques, une très forte pression risque de s'exercer sur la biomasse forestière. II est donc plus que jamais essentiel de conforter le service public forestier, de mettre en place un contrôle indépendant de l'exploitation des forêts domaniales et un financement pérenne de la gestion forestière. Or la politique actuelle vise à favoriser les missions commerciales de l'établissement public : la seule action en augmentation est celle qui est consacrée au développement économique de la filière forêt-bois.

En 23 ans, 37 % des effectifs de l'ONF ont été supprimés. Les réorganisations ont fait disparaître de nombreux sites ; les missions de service public ont été délaissées au profit d'activités plus rentables. Le Gouvernement poursuit ce mouvement en augmentant les quantités de bois exploitées pour rééquilibrer son budget.

L'intégration de l'inventaire national forestier au sein de l'ONF pose plusieurs problèmes, à commencer par la garantie d'indépendance de cet établissement public national qui mesure l'état des forêts et apprécie leur exploitabilité.

Le désengagement financier de l'État est visible avec le versement compensateur censé couvrir les prestations aux communes : les autorisations d'engagement de cette action baissent de 10 % et les crédits de paiement de 3 %. Le versement compensateur s'élève à 144 millions. Alors que la gestion des forêts communales n'a cessé de s'intensifier et que des missions nouvelles ont été confiées à l'ONF, le volume du versement compensateur est en constante diminution depuis 1981. Pour assurer un régime forestier identique en quantité et en qualité à celui de 1981, il faudrait aujourd'hui 162,4 millions !

Le financement des conventions nationales au titre des missions d'intérêt général il est lui aussi en recul. Ce désengagement de l'État aura des conséquences directes sur la qualité du service rendu. On note d'ores et déjà une forte diminution du nombre de patrouilleurs de lutte contre les feux de forêts.

La compensation de l'augmentation de la cotisation au compte d'affectation spéciale pensions constitue un nouveau transfert de charges du budget de l'État vers celui de l'ONF, qui coûtera à celui-ci 25 millions en 2008 pour atteindre 60 millions en 2011.

Tout cela ne peut qu'entraîner une augmentation déraisonnable de la récolte de bois et des suppressions massives d'emplois. Quelle crédibilité alors faut-il accorder au Gouvernement lorsqu'il parle de développement durable ? Les décisions du Comité de modernisation des politiques publiques ne font qu'accentuer le mouvement vers l'abandon des missions de service public.

J'en viens maintenant au secteur de la pêche, lourdement touché par des crises successives, en raison des impératifs de gestion de la ressource halieutique mais également en raison des coûts d'exploitation très lourds, notamment de la facture énergétique. Les conditions de travail difficiles rendent peu attractifs les métiers du secteur. En premier lieu, la hausse du coût des carburants a fortement touché les pêcheurs. Nous saluons le plan pour une pêche durable et responsable élaboré par le Gouvernement. Si les pouvoirs publics français se sont heurtés à la Commission européenne, ils ont finalement décidé de consacrer au secteur de la pêche 300 millions sur deux ans, et non trois. Nous espérons que cet engagement sera tenu.

Le chapitre social du plan comprend la mise en place d'un salaire minimum pour les marins pêcheurs, en accord avec les salariés du secteur ; ce qui est une bonne chose. Mais beaucoup d'emplois dépendant indirectement du secteur sont touchés par la crise ; des bateaux de pêche sont encore détruits.

La réglementation qui concerne la gestion de la ressource halieutique ne peut pas être déterminée au niveau européen, elle doit être internationale et il faudrait aller plus loin que le plan proposé, pour répondre en profondeur à la crise du secteur. Le découragement touche tout le monde de la pêche.

L'armement Porcher d'Erquy menace de se séparer de la moitié de ses bateaux, voire de la totalité, découragé qu'il est par les contrôles tatillons, par les appréciations divergentes sur la ressource, par la hausse du prix des carburants, par les abandons technologiques qui conduisent les armateurs à s'approvisionner à l'étranger. Si demain, cela devait se produire, ce sont de 300 à 500 personnes qui seraient touchées. L'économie locale en souffrirait. Le conseil général des Côtes-d'Armor vient d'investir dans le port d'Erquy, dont l'activité doit perdurer et se développer. Nous savons que vous vous êtes investi sur ce dossier, monsieur le ministre, et nous aimerions savoir quelles perspectives vous voyez.

A force d'être un élève zélé de l'Europe, la France paie chèrement l'addition. Un rééquilibrage s'impose. Pourquoi ne pas sensibiliser les pêcheurs à la diversification des activités de pêche et de cultures marines : vente directe, valorisation des produits, tourisme bleu, table d'hôte ? Ils pourraient ainsi affronter la réduction des quotas. Il nous semble important de réfléchir à la mise en place d'actions incitatives dans le cadre des politiques publiques, en utilisant l'expérience des pêcheurs qui se sont déjà engagés sur la voie de la diversification.

Je terminerai en évoquant la conchyliculture. L'été 2008 a vu une forte mortalité d'huîtres juvéniles et de naissains. L'allègement des contributions, l'aide au réensemencement, le report des cotisations sociales et la mise en oeuvre du Fonds national de garantie des calamités agricoles ne concernent pas tous les ostréiculteurs. Alors que les huîtres d'Arcachon étaient mises hors de cause dans les deux décès survenus en septembre 2007 et que le sous-préfet déclarait avoir eu confirmation par le parquet général que l'enquête était close, le ministère émettait des réserves. Les 350 entreprises du bassin voient arriver les fêtes de fin d'année avec appréhension : la profession estime à 30 % la baisse des ventes au détail et entre 50 et 80 % la chute dans les grandes surfaces, sachant que la période représente de 30 à 40 % du chiffre d'affaires de l'année.

La profession se sent incomprise et craint de nouvelles interdictions. Que proposez-vous ? Inclure le bassin dans Natura 2000 ? Accélérer le traitement des eaux usées qui se déversent à l'entrée du bassin ? On voit comment se lient biodiversité, lutte contre la pollution, développement durable.

Estimant que la réponse budgétaire apportée aux objectifs affichés est insuffisante, nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

M. Yann Gaillard.  - Moi aussi, je voudrais vous parler de la forêt, en tentant d'équilibrer optimisme et pessimisme.

En dépit de votre talent, monsieur le ministre, les ambitions des assises de la forêt appelaient une autre réponse budgétaire que celle qui ressort de la loi de programmation triennale. Le programme 149, qui disposait de 305 millions en 2008, et qui tombe dans le budget 2009 à 292 millions, est prévu en 2011 à 248 millions. Le minimum aurait été de confirmer l'orientation retenue par votre prédécesseur : maintenir le montant du programme et renouveler les crédits consacrés à la reconstitution des forêts détruites par la tempête de 1999 sur des investissements forestiers, de protection et d'amélioration, qu'il s'agisse de la forêt publique ou de la forêt privée.

Voyons d'abord la forêt publique. Sa partie communale, représentée par la Fédération des communes forestières de France (Cofor) dont naguère j'étais responsable, s'est abstenue de voter le budget de l'ONF le 17 novembre. Si elle s'est réjouie du maintien du versement compensateur à 144 millions, comme le prévoit le contrat État-ONF, ce dont je vous remercie de grand coeur, elle s'est inquiétée des charges qui pèseront désormais sur l'Office, son partenaire : augmentation de sa part patronale de dépenses sociales et exigence par l'État d'un loyer pour l'usage, gracieux jusque là, des maisons forestières. C'est folklorique et dérisoire...

La RGPP est passée par là. La réduction des effectifs se limitera-t-elle au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, ou bien faudra-t-il aller plus loin à l'intérieur de la norme de 1,5 % par an prévue par le contrat entre l'État et l'ONF ?

Les communes forestières vous demandent solennellement que les charges de l'ONF soient ajustées à la situation du marché du bois, qui se dégrade avec la crise de la construction. Les communes ont été choquées de voir l'État ou l'ONF refuser de s'acquitter de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des forêts domaniales : 14 millions de recettes en moins pour les communes, et surtout un usage traditionnel aboli.

La forêt privée s'inquiète de la baisse des aides à la voirie forestière, pourtant nécessaires à l'accroissement de la récolte de bois. Quid du fonds de mobilisation, annoncé par le Grenelle de l'environnement ? Le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement a été amélioré pour les travaux, mais pas pour l'investissement foncier ; il serait pourtant souhaitable d'étendre à l'ensemble du territoire forestier le seuil de 5 hectares applicable aux forêts de montagne. Y aura-t-il un dispositif d'appui à la récolte du bois dans les forêts difficiles d'accès, pour valoriser ce qui est notre tout premier gisement national d'énergie renouvelable ?

Le président de la Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers et sylviculteurs, constatant que 2 millions de vos crédits pour la forêt iront cette année au plan de relance pour l'emploi, a regretté que la forêt serve de variable d'ajustement ; c'est le cas depuis plusieurs années, ici pour financer les bâtiments d'élevage, là pour l'installation des jeunes agriculteurs, voire la lutte contre la fièvre catarrhale. Faudra-t-il nous consoler grâce à l'idée d'un « fonds chaleur », qui figure parmi les 50 mesures pour le développement des énergies renouvelables à hautes qualités environnementales ? Ce fonds porte une haute ambition, puisqu'il « s'interfacera naturellement sur les outils mis en place pour faciliter la mobilisation de la ressource forestière ». C'est un peu obscur, sans doute un peu idéal, mais nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire pénétrer dans cette obscurité un peu de lumière et dans cet idéal, un peu de réalité. (Sourires ; applaudissements à droite)

M. Jacques Muller.  - Nous débattons de ce budget avant d'avoir examiné le texte « Grenelle 1 », alors que nous savons bien que les engagements du Grenelle nécessitent des moyens concrets.

Les ombres qui pèsent sur notre modèle agricole en crise ne sont toujours pas dissipées ! Certaines dispositions vont dans le sens d'une agriculture biologique, mais je dénonce avec force le soutien d'1 milliard accordé aux agro-carburants de première génération. Ces agro-carburants ne présentent aucun intérêt pour l'émission de gaz à effet de serre ; leur culture industrielle a des effets très négatifs sur l'environnement, notamment sur la qualité des eaux et des sols, et sur la biodiversité. Le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation pour l'ONU estime même que ces cultures risquent de créer une concurrence entre nourriture et carburant, qui laissera les pauvres et les victimes de la faim des pays en développement à la merci de l'augmentation rapide du prix des aliments, des terres vivrières et de l'eau.

C'est pourquoi, comme de nombreuses organisations non gouvernementales, je demande un moratoire immédiat sur ces agro-carburants de première génération.

De plus, ces produits sont indûment qualifiés de « biocarburants », alors qu'ils ne répondent pas aux critères de culture imposés à la filière biologique. Au mieux, cet usage vient d'une erreur de traduction du terme anglais bio-fuel, lequel ne prête pas à confusion dans les pays anglo-saxons puisque les produits issus de l'agriculture biologique y sont qualifiés d'organics. Au pire, elle vise à entretenir la confusion dans l'opinion publique, en s'appuyant sur l'image positive du « bio », pour vendre un produit dangereux pour la sécurité alimentaire mondiale.

Monsieur le ministre, êtes-vous d'accord pour cesser les subventions aux agro-carburants de première génération, cette pompe à finances publiques qui bénéficie au seul lobby céréalier ? Etes-vous d'accord pour abandonner l'appellation erronée de « biocarburants » ?

Cela étant, je salue votre volonté de soutenir la filière bio : 12 millions supplémentaires serviront l'objectif, fixé lors du Grenelle de l'environnement, de tripler la surface en agriculture biologique ; le crédit d'impôt pour l'agriculture biologique sera doublé ; les exploitations converties à l'agriculture biologique seront exonérées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Cependant, le crédit d'impôt ne sera doublé qu'à partir de 2010, puisque la mesure porte sur les revenus de 2009 ; l'exonération de la taxe foncière ne concerne pas les exploitations déjà engagées dans l'agriculture biologique, et elle reste à la charge des communes !

Ces dispositions sont loin de marquer la rupture nécessaire avec le modèle productiviste de notre agriculture, dont le secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture et président honoraire de l'Inra estime qu'il n'est pas loin de s'effondrer sous le coup des pesticides. Nous devons choisir l'agro-écologie et la valorisation durable de nos terroirs, plutôt que la fuite en avant avec la chimie et les manipulations génétiques ! Les marges de manoeuvre existent mais elles sont délibérément ignorées.

Monsieur le ministre, allez-vous, en application de la PAC, mobiliser les 9 milliards d'aides du premier pilier sur des critères environnementaux précis ? Nos concitoyens attendent la définition d'une éco-conditionnalité qui reposerait sur critères simples et vérifiables, par exemple les surfaces de compensation écologique, le chargement en animal, la diversité et la rotation des cultures, la réduction des intrants, ou encore l'exclusion de certaines pratiques et produits. Il faut cesser d'utiliser le cahier des charges de l'agriculture dite « raisonnée », qui défend seulement les intérêts conjoints de l'agriculture productiviste et de l'agrochimie ! Des outils existent au sein de votre ministère, par exemple les indicateurs de durabilité des exploitations agricoles, à l'élaboration desquels j'ai eu le plaisir de collaborer en tant qu'Igref.

Le Grenelle de l'environnement a proposé des dispositions fiscales claires pour infléchir les pratiques agricoles dans le sens du respect de l'environnement. Il s'agit en particulier de renforcer les taxes et redevances sur les pollutions et la consommation de ressources naturelles et de créer une taxe dissuasive sur les pesticides. Ce chapitre n'est guère abordé par ce budget !

Monsieur le ministre, alors que les paysans souffrent économiquement, ils vont continuer de subir les effets de la PAC à la française et des détestables « références historiques ». Ces règles bénéficient à une minorité de grands céréaliers, au détriment des éleveurs.

Compte tenu de ces observations, les Verts voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Détraigne.  - L'accord du 20 novembre sur le bilan de santé de la PAC doit permettre à l'agriculture européenne de relever de nouveaux défis, comme la gestion de l'eau et la protection de l'environnement. Vous le savez, la luzerne est l'une des plantes de grande culture les plus favorables à l'environnement. Avec 1,2 million de tonnes, la France est le deuxième producteur de luzerne déshydratée en Europe.

La luzerne est l'une des dernières sources de pollen pour les abeilles. La filière est d'ailleurs soutenue par des organisations comme WWF, la ligue pour la protection des oiseaux, la fédération nationale de l'agriculture biologique et les syndicats d'apiculteurs. La luzerne protège les captages d'eau potable ; elle n'a pas besoin d'engrais car elle capte naturellement l'azote de l'air. Très sobre en intrants, elle ne nécessite qu'un herbicide par an et un pesticide tous les trois ans, et aucun fongicide. Enfin, installée pour quatre à cinq ans sur la même parcelle, elle préserve la macro et la microfaune.

La culture de la luzerne permet également de réduire notre dépendance en matière de protéines végétales car elle remplace avantageusement la nourriture animale à base de soja importé des États-Unis ou du Brésil et souvent OGM. Les extraits foliaires de luzerne constituent un complément nutritionnel des plus efficaces pour l'homme : source de protéines, de vitamines A et de fer, ils peuvent améliorer sensiblement l'état nutritionnel des pays en voie de développement.

Mais, en dépit de ses nombreuses vertus, la culture de la luzerne est menacée par la réforme de la PAC, qui supprime le découplage au 1er janvier 2012 des aides à la transformation des fourrages séchés. Ce découplage risque d'entraîner une baisse de 80 % de la production de luzerne : les producteurs empocheront la prime et se tourneront vers des cultures plus rémunératrices ! L'aide actuelle coûte 118 millions à l'Union européenne, soit 0,2 % de son budget agricole. La profession avait souhaité que le découplage n'intervienne pas avant le terme initialement prévu de 2013, afin de rendre ses outils de transformation plus économes en énergie. Les investissements engagés ne seront pas achevés d'ici 2012.

Alors que le Grenelle fixe l'objectif de 20 % de culture biologique d'ici 2020, et que l'Europe souhaite favoriser les projets « verts » en renforçant le deuxième pilier, voilà une culture biologique exemplaire qui risque de disparaître ! Connaissant votre détermination, monsieur le ministre, pour défendre cette culture, je vous demande de donner aux déshydrateurs le temps qui risque de leur manquer pour assurer l'avenir de ce secteur. (Applaudissements à droite, au centre, et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Très bien.

M. Benoît Huré.  - Je vous félicite, monsieur le ministre, pour votre travail lors de la présidence française de l'Union. Vous avez su réunir une large majorité autour d'un projet ambitieux, en dépit de négociations très ardues. Avec le fonds européen de développement de l'assurance récolte et le fonds de mutualisation pour répondre aux crises sanitaires et environnementales, vous donnez aux agriculteurs les moyens de se protéger contre ces risques.

Aujourd'hui, nous devons aider le monde agricole à se prémunir contre le risque économique. L'agriculture est un secteur stratégique : elle dégage un excédent de 9 milliards, loin devant l'industrie automobile, et participe à la résorption du fléau qu'est la famine.

Sous prétexte de défendre les consommateurs, la récente décision de la DGCCRF, exigeant du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière qu'il cesse toute recommandation en matière de fixation du prix du lait, pénalise la profession agricole face à la grande distribution.

M. Adrien Gouteyron.  - Absolument.

M. Benoît Huré.  - Le principe de l'interprofession permet un partage plus équitable des marges entre tous les acteurs de la filière et favorise le consommateur, n'en déplaise à la DGCCRF !

L'agriculture doit compter avec les risques sanitaires et climatiques. Sans interprofession, les prix ne reflètent pas la réalité économique. Ainsi, depuis les années 1990, le prix de la viande bovine au producteur a baissé de 10 %, mais augmenté de 50 % pour le consommateur ! L'an dernier, la hausse des cours des céréales et du lait a été répercutée immédiatement sur les produits transformés ; cette année, leur baisse n'a pas affecté le prix des denrées alimentaires... Voilà ce dont devrait s'inquiéter la DGCCRF !

Je sais, monsieur le ministre, que vous considérez ces interprofessions comme un atout face à la mondialisation. Dans le secteur agricole, la loi du marché à elle seule livre consommateurs et producteurs aux aléas de marchés spéculatifs et volatils.

Mme Évelyne Didier.  - Très bien.

M. Benoît Huré.  - S'en remettre à la grande distribution, c'est risquer de voir se répéter les mêmes comportements que ceux des financiers rapaces qui ont précipité la crise !

Ce budget, en augmentation de 2,4 %, conforte l'agriculture française et consolide son avenir malgré un contexte budgétaire difficile. C'est pourquoi je vous apporte mon total soutien. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor.  - L'agriculture française connaît une crise quasi généralisée : c'est une première. Si les crédits de paiement augmentent, c'est pour répondre aux engagements précédents ; pour les autorisations d'engagement, il en va tout autrement.

Parmi les points satisfaisants de ce budget, je citerai l'installation des jeunes agriculteurs, la sécurité alimentaire, l'enseignement supérieur et la recherche, la gestion des aléas. Mais il y a aussi des manquements, à commencer par les retraites agricoles : la perspective de travailler jusqu'à 70 ans n'est pas le geste de solidarité attendu par nos anciens ! Parmi les oublis, il y aussi la gestion des crises, la forêt, l'enseignement agricole, le service public de l'équarrissage... Où est le grand plan de modernisation des exploitations lancé par votre prédécesseur ?

Je sais qu'il est difficile de concilier les exigences de l'OMC, de la PAC, du Grenelle, de l'aménagement du territoire, tout en offrant des revenus décents et des perspectives de vie aux agriculteurs. Rappelons toutefois que le Farm bill donne, sans scrupules, des avantages compétitifs aux agriculteurs américains, et que le Canada n'hésite pas à soutenir sa production laitière ! Vous devez être encore plus agressif dans le débat européen et pour défendre votre budget !

Vous dites redouter un système européen trop libéral et souhaiter que notre agriculture s'inscrive dans un contexte soutenu et régulé. J'apprécie cette évolution du discours, mais un budget qui ne couvre que le tiers des besoins et ne prévoit pas de lisser le retrait inévitable de l'Europe après 2013, me paraît très risqué.

Le monde agricole doit payer deux fois la note : le prix des intrants à fortement augmenté, tandis que celui des matières premières agricoles est reparti à la baisse.

Que fait-on des droits à paiement dormants ?

La contractualisation par filière permettrait de mieux mutualiser et de mieux protéger. Dans la perspective de l'après 2013, il faut à tout prix éviter une renationalisation de la PAC.

Le deuxième pilier va permettre de soutenir les revenus alors qu'il n'est pas fait pour cela. Il faut donc clarifier les choses, mais le bilan de santé de cette PAC n'en souffle mot. L'OMC joue-t-elle correctement son rôle dans le désordre international dans lequel nous sommes ?

Par rapport à toutes ces interrogations, ce budget est bien timide. La cohérence nécessaire entre la production agricole et les entreprises agroalimentaires implique une contractualisation des filières. Mais il est difficile de jouer à la fois la carte du tout libéral en voulant protéger certains secteurs.

Le foncier reste une véritable difficulté pour l'agriculture. L'Europe va-t-elle proposer des mesures cohérentes sur cette question ? Nos campagnes ne doivent pas être de simples espaces verts, mais permettre aux agriculteurs d'offrir à tous une alimentation de qualité. Pour être efficace, une politique doit être menée sur une génération ; ce budget est loin du compte, tout comme, l'Europe.

Malgré mes remarques positives...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - C'est bien !

M. Jean-Marc Pastor.  - ... mon groupe ne pourra voter ce budget.

M. Charles Revet.  - C'est bien dommage !

M. Jean-Marc Pastor.  - J'espère effectivement que la prochaine fois, ce sera mieux...

M. Charles Revet.  - Nous avons un ministre qui se bat !

M. Jean-Marc Pastor.  - ... et que je pourrai faire une annonce différente à cette tribune. Merci pour la prochaine fois. (Sourires ; applaudissements à gauche)

M. Jean Boyer.  - Je veux d'abord saluer votre présence, monsieur Barnier, à la tête de cet important ministère qui concerne l'ensemble de notre territoire qu'il soit celui du littoral, de la plaine ou de la montagne. Le Savoyard que vous êtes défend les intérêts des zones de montagne. Dans le Cantal, vous vous étiez même qualifié de « ministre des agricultures ». C'est au nom de l'une d'entre elles que je m'exprimerai : l'agriculture de montagne ne demande pas de privilèges, mais simplement la parité compte tenu des nombreux handicaps qu'elle rencontre.

Nous savons tous la place que l'agriculture a tenu hier, qu'elle tient aujourd'hui et qu'elle tiendra demain dans notre pays. Les récentes manifestations sur le prix du lait nous rappellent que les éleveurs traversent une période difficile et incertaine. Le Grenelle de l'environnement montre combien l'agriculture occupe une place majeure. Elle doit répondre au défi alimentaire afin de nourrir près de 7 milliards d'habitants aujourd'hui et sans doute 9 en 2050. Sa mission est également sanitaire, environnementale, sociale et elle participe à l'aménagement du territoire. Malgré le contexte budgétaire difficile, des priorités s'imposent. Les agriculteurs savent malgré tout qu'ils ont un bon ministre qui sait faire entendre sa voix à Bruxelles. Nous apprécions également la qualité des informations fournies par vos services.

Connaissant votre attachement aux problèmes de la montagne, je souhaite attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps et qui mérite un soutien et un accompagnement permanent. Les éleveurs ont des problèmes de trésorerie et ils ont aussi du mal à prévoir l'avenir. L'agriculture de montagne souhaite que l'on comprenne ses difficultés. Ainsi en est-il de la collecte du lait : la densité des éleveurs étant faible, le coût de transport est plus élevé. Il ne faut pas non plus oublier les normes relatives aux bâtiments d'élevage, les mesures agro-environnementales, la multiplication des contrôles parfois ubuesques. En ce qui concerne les bâtiments d'élevage, les efforts entrepris depuis 2004 ont connu un incontestable succès, mais le nombre de dossiers en attente est encore trop élevé. Il faut simplifier les procédures afin de ne pas avoir le sentiment de chercher une aiguille dans une meule de foin ! Appliquons les règles avec équité mais aussi avec bon sens !

Il est essentiel de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et de permettre à tous ceux qui ont travaillé, avec beaucoup de courage et de détermination durant leur vie, de bénéficier d'une retraite bien méritée. Certes, nous saluons l'instauration d'une retraite complémentaire obligatoire mais il faut permettre à ceux qui le souhaitent de partir à l'âge qui leur convient, en tenant compte de leur état de santé ou de leurs difficultés économiques. La disparition des préretraites ne va donc pas dans le bon sens.

En zone de montagne, la revalorisation de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels est nécessaire et les enjeux sont très importants. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette revalorisation renforcerait la politique en faveur de l'agriculture de montagne qui ne peut être laissée au bord de la route.

Les plans de relance de différentes filières ne porteront pas leurs fruits si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les règlementations viennent contraindre l'agriculture de montagne. Maurice Blondel a dit : « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». C'est ce qu'il faut faire pour l'agriculture de montagne.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir écouté un ancien agriculteur devenu sénateur, mais qui n'a pas perdu l'amour de son métier et qui votera, bien évidemment, votre budget. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Fournier.  - Le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche intervient dans un contexte économique très difficile. Cependant, et alors que l'agriculture est confrontée à des défis européens et internationaux majeurs, il préserve la plus grande partie des mesures en faveur du monde agricole.

Issu d'un département où le taux d'installation des jeunes agriculteurs est très élevé, je me félicite que la dotation qui leur est réservée soit maintenue à son niveau de 2008 et que celle attribuée aux prêts bonifiés augmente.

De plus, le Gouvernement va mettre en place un montant minimum de retraite pour tous les agriculteurs ayant cotisé au moins 17,5 ans. Les veuves des exploitants agricoles pourront bénéficier de la retraite complémentaire obligatoire acquise par leur conjoint.

J'en viens à la crise de la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui s'est développée en France et qui a fragilisé la filière bovine et ovine, particulièrement les éleveurs de bovins allaitants. L'État a mis en place une campagne de vaccination obligatoire contre le sérotype 8 en 2008 et les crédits du ministère pour la lutte contre les maladies animales vont augmenter de 4,6 %, ce qui est une bonne nouvelle. Cependant, le sérotype 1 venant du sud-ouest a fait son apparition depuis quelques mois dans la Loire et nécessitera très vraisemblablement une campagne de vaccination en 2009. Enfin, un nouveau sérotype est apparu récemment dans les pays du nord de l'Europe. Sur ce dossier très sensible de la FCO, l'État devra être en mesure de fournir les quantités de vaccins nécessaires pour les différents sérotypes lors des prochaines campagnes de vaccination.

Pour sa part, le conseil général de la Loire suit l'évolution de la FCO : il a soutenu les éleveurs touchés en participant à la prise en charge des frais d'analyses et des frais de soins aux animaux malades. Il observe également avec une grande attention les négociations en cours sur la participation de l'Union européenne au financement des vaccins et de la vaccination. Je salue les efforts de votre ministère pour s'assurer de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

D'une manière plus générale, je souhaite relayer la forte inquiétude des agriculteurs touchés par une baisse de leurs revenus. La Loire, département essentiellement dédié à l'élevage, est particulièrement sensible à l'augmentation des prix des matières premières nécessaires pour la fabrication des aliments pour animaux.

Parallèlement, le coût des intrants agricoles -engrais, produits phytosanitaires- augmente, en lien avec les fluctuations du coût du pétrole ; le revenu des éleveurs du département dont je suis l'élu est directement touché par la conjoncture mondiale, il a baissé de 12 % par actif non salarié en  2007 et probablement du double en 2008. Pour les seuls éleveurs de bovins et d'ovins, il aura baissé de 50 % à 60 % par rapport à 2006. J'ai connaissance de situations sociales et économiques de plus en plus difficiles. Beaucoup d'agriculteurs de la Loire ont été déçus, je dois le dire, par les mesures décidées par la Conférence sur le revenu agricole et le conseil des ministres de l'agriculture des 19 et 20 novembre.

S'agissant du dossier laitier, il importe de réduire autant que faire se peut les possibilités de prêt de quotas en fin de campagne. Le marché laitier est sur-approvisionné. La décision du conseil des ministres de l'agriculture d'augmenter de cinq points les quotas entre 2009 et 2013 et, pour la campagne en cours, d'autoriser des dépassements de quota n'est en rien justifiée. Je soutiendrai l'article 59 ter qui légitime opportunément le rôle de l'interprofession en matière d'éclairage des marchés. Je soutiendrai également la suppression, par les députés, de l'article 54 qui prévoyait une augmentation de 130 % d'ici 2011 de la redevance sur les produits phytosanitaires et l'élargissement de son assiette. Cette hausse aggraverait encore le poids des charges des agriculteurs. J'espère un vote conforme du Sénat ; si ce n'était pas le cas, je m'opposerai à toute augmentation. (M. Gérard César approuve) Je soutiendrai enfin l'amendement de M. César visant à conforter la dotation 2009 des coopératives d'utilisation du matériel agricole.

Monsieur le ministre, vous avez mon soutien. Je vous remercie pour votre écoute et votre volonté constante d'associer les parlementaires à vos décisions. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce budget entend placer la forêt sous le règne du développement durable, mais celle-ci n'est pas résistante au feu. Les crédits de l'action « Prévention des risques et protection de la forêt » sont amputés de 3,2 millions d'euros.

Je voudrais vous parler d'une institution de plus en plus diaphane, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne. Créé il y a une vingtaine d'années après les grands incendies qui avaient embrasé le sud de la France, il avait été doté de 15 millions d'euros. Au fil des années, il a été détourné de ses objectifs. Son budget 2008 était de 7,5 millions, son budget 2009 sera de 8 millions -probablement une erreur... A l'origine, il devait financer, en partenariat avec les collectivités territoriales de quinze départements, des travaux d'entretien et de défense contre les incendies et préfinancer l'exécution d'office du débroussaillement obligatoire, qui est de la responsabilité des maires. Or ces actions de prévention, qui doivent permettre d'éviter que les centaines de départs de feux ne se transforment en catastrophe sur des milliers d'hectares, ont été délaissées au profit de patrouilles de surveillance, de véhicules et de constructions diverses, ce que la Cour des comptes avait relevé dès l'année 2000, notant que l'État négligeait la prévention, peu visible, pour privilégier l'achat de matériel au service d'une lutte active plus spectaculaire contre les incendies. Un rapport oublié de plus... Accessoirement, Lolf ou pas Lolf, les crédits d'aménagement rural se sont métamorphosés en crédits de sécurité civile.

On se préoccupe du détonateur et des secours en ignorant l'explosif. La forêt n'est pas une poudrière qu'il suffirait de tenir sous surveillance, plutôt un dépôt de gaz qui fuit. La biomasse s'accumule ; plus tardive est sa destruction, plus grande est la catastrophe qui ne manquera pas de se déclarer, c'est ce qu'on observe depuis dix ou quinze ans. Comme indicateur de réussite de la prévention, vous avez choisi la proportion de départs de feu éteints avant que la surface brûlée ne dépasse un hectare, ce qui n'a guère de sens. Aussi efficace que soient les pompiers sur les feux naissants, en période d'extrême sécheresse et de vents violents, quelques foyers leur échapperont. L'objectif devrait être d'éviter que ceux-ci n'embrasent des milliers d'hectares. Visiblement cela n'intéresse pas les responsables de ce pays ; et les communes forestières, généralement sans grands moyens, se retrouvent bien seules pour réaliser, financer et entretenir les ouvrages de protection contre l'incendie. Elles ne bénéficient d'aucun financement du Conservatoire, alors qu'on leur impose des plans de protection au risque incendie de forêt (Pprif). Ou bien elles ne construisent ou ne reconstruisent plus dans certaines zones, ou bien elles réalisent et entretiennent des équipements hors de portée de leur budget. Pour ce qui est des prescriptions, on peut faire confiance aux services de l'État : la sécurité n'a pas de prix quand ce sont les autres qui paient... Ces communes sont aussi chargées de faire respecter le débroussaillement obligatoire, sans avoir les moyens de préfinancer les travaux d'office.

La commune varoise de Collobrières, avec 1 710 habitants, et 11 268 hectares au coeur du massif des Maures ...

M. Michel Barnier, ministre.  - Massif que j'ai fait classer !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ... est l'une des dix-sept communes forestières du département à s'être vu imposer un plan de prévention après les incendies de 2003 -pour faire oublier qu'aucun préfet n'y avait pensé, on a redoublé de rigueur aux frais des communes. Le simple entretien des pare-feux et des pistes coûterait 300 000 euros par an, soit 15 % du budget de fonctionnement ... Sans commentaires ...

La Cour de comptes est claire : « La création du Conservatoire n'a jamais été présentée comme une action dans laquelle l'État apporterait une aide au démarrage dont le relais devrait être pris par le partenariat local ; tout au contraire, des ressources spécifiques avaient été créées pour en assurer la pérennité ». Les communes forestières demandent que la ressource, enfin affectée en totalité à son objet initial, les aide à faire face à leurs obligations. C'est cela, le développement durable ! (Applaudissements à gauche ; M. Yann Gaillard applaudit aussi)

M. Antoine Lefèvre.  - Ce budget intervient dans un contexte international de grande crise. Or l'agriculture reste un des secteurs fondamentaux, représentatif de l'économie réelle.

Votre politique s'inscrit dans un cadre européen ; je veux souligner les efforts que vous déployez pour tenter de donner des perspectives claires aux agriculteurs. Notre l'agriculture doit être accompagnée pour faire face aux défis de l'environnement et de la sécurité sanitaire et alimentaire.

Les biocarburants participent à la lutte contre le réchauffement climatique ; nous nous réjouissons de la solution qui a pu être trouvée dans ce dossier, un compromis qui sauve la filière.

La fièvre catarrhale ovine, l'une des crises sanitaires les plus graves que notre pays ait connue, continue de mettre en grande difficulté nombre d'éleveurs. Comment allez-vous les aider ? La France a été la première en Europe à proposer des vaccins à ses éleveurs ; une prise en charge communautaire de leur coût est-elle envisagée ?

En cette fin d'année, les cours du lait ont accusé une forte baisse, alors que la pression des industriels et des distributeurs s'accentue sur les producteurs. Je me réjouis qu'un accord soit intervenu le 1er décembre pour stabiliser les rapports au sein de la filière et mettre en place un Observatoire de suivi des volumes produits. Je soutiendrai l'amendement introduit à l'Assemblée nationale qui clarifie la situation juridique de l'organisation du marché.

Enfin, je n'oublie pas les jeunes agriculteurs. La DJA est maintenue à son niveau de 2008 et les prêts bonifiés sont fortement augmentés. Je souhaite attirer votre attention sur les agriculteurs qui sont confrontés à la restructuration betteravière et à la fermeture de sucreries, notamment dans mon département de l'Aisne. Devant se reconvertir, ils souhaitent bénéficier, pour les aides versées à ceux qui renoncent à leurs droits de livraisons sous quotas, du régime des plus-values professionnelles et des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts. Pensez-vous pouvoir accéder à leur demande ?

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre volonté inlassable d'informer les parlementaires des progrès comme des difficultés que vous rencontrez au cours des sommets agricoles européens. Votre budget est responsable et prévoyant : il mérite d'être soutenu. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Adrien Gouteyron.  - C'est avec une grande satisfaction, monsieur le ministre, que vous avez dit le 20 novembre que vous veniez de remplir l'une des grandes priorités de la présidence française. Les représentants des zones de montagne, dont je suis, partagent votre avis.

Je pourrais énumérer les crises qui frappent le monde agricole, avec la fièvre catarrhale ovine et la baisse du prix du lait, mais je préfère exprimer mon soutien à l'accord du 20 novembre, car il faudrait remonter loin pour trouver un dispositif aussi prometteur pour nos zones de montagne. Il faut maintenant utiliser la boîte à outils mise à votre disposition.

Vous avez obtenu que la production de l'herbe soit reconnue comme activité économique à part entière, puisque son soutien peut figurer dans le premier pilier de la PAC. Si la prime à l'herbe, actuellement de 76 euros par hectare, est suffisante, l'agriculture de montagne, fortement herbagère, aura enfin une perspective d'avenir. Les montants économisés par l'État sur le deuxième pilier pourraient permettre de réévaluer encore l'indemnité compensatrice de handicaps naturels (ICHN).

Vous avez obtenu que les États membres puissent réorienter une partie des aides directes vers certaines productions fragiles. A mon sens, le secteur ovin devrait en profiter, vu l'extrême désarroi des éleveurs. Avec 50 millions d'euros, votre plan d'urgence représente 12 euros par brebis. Il faut arriver aux 27 euros demandés par la Fédération nationale bovine, puisqu'en 2008 les éleveurs de bovins ne dégageront qu'un revenu annuel moyen de 6 000 euros. Vous avez même cité une exploitation à 4 000 euros de revenu. N'oublions pourtant pas l'apport de cette activité à des régions comme la mienne, où elle évite notamment le développement des friches.

La deuxième priorité concerne l'aide à la production laitière en zone de montagne, afin de répondre à la disparition des quotas. Les producteurs laitiers ont manifesté leur désarroi devant ma permanence, avec beaucoup de dignité. En dialoguant avec eux, j'ai ressenti leur inquiétude, qui frise la détresse. Une nouvelle fois, le prix du lait, orienté à la baisse, rend intenable la situation des agriculteurs.

Vous avez adressé un signal fort à la filière en clarifiant la situation du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, ce que nous approuvons sur tous les bancs. L'accord signé lundi par l'interprofession traduit le sens des responsabilités des producteurs, mais aussi leurs désillusions, puisqu'il prévoit une baisse de 0,25 centime par litre, pour arriver à 55 centimes par litre en mars. Ce n'est pas une perspective très encourageante pour eux.

Comment ne pas vous entretenir également de l'installation des jeunes ? Vous avez fait sauter le verrou du plafond communautaire limitant les aides à l'installation. Nous sommes donc passés de 55 000 euros à 70 000 : c'est un succès.

M. Jean-Marc Pastor.  - A quel prix ?

M. Adrien Gouteyron.  - Il serait même utile d'aller un peu plus loin... Votre budget pour 2009 consolide l'aide à l'installation des jeunes en augmentant les crédits de 13,3 %. Nous vous engageons à poursuivre cet effort.

L'accord européen ouvre des perspectives nouvelles, sources d'espoir. Je sais que vous mobiliserez les crédits nationaux pour aider l'agriculture à surmonter ses difficultés.

« Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté. » Je suis frappé par la volonté qu'ont beaucoup d'agriculteurs qui échappent à l'humeur et s'engagent avec optimisme dans la voie du développement et de l'espoir.

Merci pour ce que vous avez fait ! (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce budget se tourne vers le futur, grâce notamment aux aides aux jeunes agriculteurs et les prêts bonifiés. Après avoir salué la restructuration du ministère et de ses opérateurs, je vais centrer mon intervention sur la réaction aux crises et aléas sanitaires, climatiques ou économiques dont le monde agricole est régulièrement victime.

Il est fondamental d'inscrire des sommes suffisantes dès la loi de finances, pour ne pas avoir besoin de recourir à des décrets d'avance. Ainsi, une réserve de précaution serait par avance destinée à la gestion des crises.

La constitution d'un fonds de soutien à l'ostréiculture du bassin d'Arcachon a été envisagée, mais jamais concrétisée, malgré les interdictions mal expliquées depuis 2005. Cette profession doit affronter une difficulté structurelle liée à la non-propriété des principaux outils de production, puisque les cabanes ostréicoles du bassin d'Arcachon sont, à la différence de la Charente-Maritime, comme les parcs, situées sur le domaine public maritime en vertu d'autorisations d'occupation consenties à titre temporaire par l'État ou le conseil général. L'inconvénient principal de cette situation tient aux garanties exigées par les banques : elles imposent fréquemment des garanties prises sur les bateaux, voire sur les biens personnels, comme l'habitation. Les professionnels dénoncent cette situation depuis des années. Ils soulignent que les bonifications d'intérêt accordées par l'État ne sont que des effets d'annonce, car les banques refusent souvent tout prêt. Vu le contexte actuel, l'offre est encore plus réduite.

Je propose que l'on crée un fonds de garantie cautionnant une large part des prêts d'installation ou des prêts bonifiés en cas de calamités agricoles, pour reconstituer des stocks de naissains. Cette création est encore plus urgente que celle du fonds de soutien à l'ostréiculture.

Monsieur le ministre, nous avons apprécié votre venue en septembre au bassin d'Arcachon, et l'écoute dont vous avez fait preuve quant à l'ouverture de négociations sur l'ostréiculture dans le bassin d'Arcachon. L'anticipation de la gestion des crises et la prise en compte des spécificités dans un protocole doivent aboutir à une sécurité accrue. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Blanc.  - La qualité des travaux des rapporteurs et des commissions m'autorise à concentrer mon propos sur trois points.

Le premier concerne l'Europe. Votre expérience en la matière, monsieur le ministre, a beaucoup contribué à ce que la présidence française aboutisse sur deux dossiers. Ainsi, l'accord du 19 novembre ouvre, jusqu'en 2013, des perspectives sur une gestion plus efficace des marchés, sur la gestion des crises climatiques et sanitaires, sur la possibilité de réorienter les aides vers des productions plus fragiles, outre l'accompagnement de la fin des quotas, sur le renforcement des mesures de développement rural -avec le basculement de la prime à l'herbe dans le premier pilier- en prenant également en compte, dans le passage du premier au deuxième pilier, le climat, la biodiversité, la gestion de l'eau et la bioénergie.

Vous avez réuni un conseil des ministres extraordinaires où s'est dégagé un accord sur les thèmes de la disponibilité alimentaire, de l'équilibre alimentaire mondial, de l'équilibre territorial, de la viabilité des agricultures. Vous avez ainsi lancé la réflexion pour l'après 2013, et je vous en remercie.

Au plan national, vous avez été confronté à des situations difficiles. Mais une somme de 25 millions d'euros a été dégagée pour les éleveurs d'ovins à partir des DPU « dormants ». Dieu sait si l'élevage ovin en avait besoin ! Des allégements de charges sociales ont été décidés en faveur des agriculteurs en difficulté, et des comités départementaux ont été mis en place. Mais ces allégements ne suffiront pas. Dans mon département, qui est probablement celui qui compte le plus de petites exploitations agricoles, 800 000 euros d'allégements ont été prévus pour les 500 producteurs de lait. Mais ces derniers, qui produisent 120 000 litres de lait, acquittent chaque année 2 400 euros de charges. Il leur faudrait donc 1,2 million d'euros. Encore un effort, faute de quoi les laitiers ne s'en sortiront pas !

Je vous félicite de votre réactivité devant l'épizootie de fièvre catarrhale bovine. Ce fut un traumatisme pour les agriculteurs, mais la campagne de vaccination que vous avez lancée a permis de parer au plus pressé.

Il faudra aider davantage le secteur laitier. Les laitiers ont conclu un accord avec les industriels, dont les conditions sont dures, mais qui résout certains problèmes. Vous avez laissé espérer de nouveaux DPU, et peut-être une extension de la prime à l'herbe, qui compenserait utilement la baisse des prix : je vous y encourage. Mais il faut passer le cap de 2009.

Enfin, nous avons besoin d'une véritable politique de la montagne. Vous avez eu le courage de souligner la nécessité de défendre l'élevage dans les zones de montagne. J'ai organisé lundi dernier à Aumont-Aubrac en Lozère un séminaire de la commission pour l'agriculture et le développement durable du Comité des régions d'Europe. Je vous ai fait part des communications. Il est essentiel à nos yeux de relancer au niveau européen une politique de la montagne, conformément à l'objectif de cohésion territoriale figurant dans le traité de Lisbonne, qui entrera, je l'espère, en vigueur. Nous souhaitons que le Livre vert promis par M. Barroso voie enfin le jour. La montagne mérite qu'on porte un nouveau regard sur elle : c'est cela, le développement durable !

Vous avez eu le mérite de jouer le jeu du développement durable avec les agriculteurs, qui ne doivent pas être montrés du doigt, et qui sont des acteurs indispensables de la préservation de la qualité de vie et de l'environnement.

Merci d'avoir ajouté 12 millions d'euros aux crédits destinés aux primes herbagères agri-environnementales (Phae) et aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) : cela devrait permettre d'augmenter de 5 % l'INCH sur les 25 premiers hectares. Des efforts ont également été consentis en faveur des jeunes agriculteurs.

Quelles que soient les difficultés, il faut rendre espoir aux agriculteurs en détresse. L'agriculture n'est pas un boulet que nous traînons, c'est une chance pour notre pays, pour le développement durable ! Le Président Giscard d'Estaing ne parlait-il pas du « pétrole vert » ? Arrêtons de dire que la PAC coûte trop cher à l'Union européenne : c'est la seule politique européenne commune ! Elle n'est pas orientée vers le passé, mais vers l'avenir ! Nous soutenons votre action, monsieur le ministre, et nous voterons les crédits de cette mission. Agissons ensemble pour offrir une espérance nouvelle à tous les agriculteurs ! (Applaudissements à droite)

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Vive la France !

M. Louis Pinton.  - Sur la fièvre catarrhale bovine, je suis moins optimiste que mes collègues. Cette épizootie menace la santé de nos élevages et met en péril les équilibres budgétaires. La principale réponse à la crise fut de vacciner les cheptels. Mais la vaccination a des limites, qui tiennent à la manière dont on la pratique ainsi qu'à la complexité épidémiologique de la maladie.

Pour que la vaccination contre un sérotype soit la plus efficace possible, il faut qu'elle concerne tous les sujets sensibles sur tout le territoire où peut sévir l'agent pathogène, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisqu'on procède par campagnes concentriques autour des cas repérés. La vaccination répond bien à une logique d'élevage, mais pour qu'elle empêche la circulation d'un virus, il faut qu'elle soit totale.

Les ruminants sauvages non vaccinables, comme les cerfs ou les chevreuils, pourraient être sensibles à la maladie et maintenir la présence du virus.

M. Paul Raoult.  - Tuons tous les sangliers !

M. Louis Pinton.  - La complexité épidémiologique tient à l'étiologie du virus : 24 sérotypes sont aujourd'hui connus. A chaque sérotype correspond un vaccin. Deux sérotypes sont apparus jusqu'ici en France, les sérotypes 1 et 8. D'autres apparaîtront sans doute : le 6 n'est pas loin. Dès qu'un sérotype nouveau apparaît, il faut fabriquer le vaccin qui lui correspond et l'administrer aux sujets susceptibles d'en être affectés. Au rythme de deux nouvelles apparitions par an, il faudra douze ans pour régler le problème ! La vaccination court derrière l'arrivée des nouveaux sérotypes.

En ce qui concerne la dissémination de la maladie, on croyait jusqu'à une date récente qu'elle n'avait qu'un seul vecteur, le moucheron culicoïde. Mais il en existe probablement beaucoup d'autres, parmi les insectes et les acariens. Voilà pourquoi la vaccination ne suffit pas, même si nous n'avons pas d'autre solution pour le moment. Toutes ces informations m'ont été confirmées par le Professeur Schelcher, qui enseigne la pathologie bovine à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, et qui fut mon condisciple. Il m'a cité l'exemple de l'Espagne, où une tentative d'éradication de la maladie par la vaccination a échoué.

Il faudrait réfléchir à d'autres logiques médicales, notamment pour les élevages de bovins allaitants. En cas d'épidémie incontrôlable par la vaccination, le seul recours est la quarantaine. Celle-ci est d'ailleurs conforme à la logique économique, qui veut que l'on maintienne les animaux sur place. Aujourd'hui les éleveurs des zones défavorisées produisent des broutards maigres et vont les faire engraisser en dehors des territoires où ils sont nés. Cette pratique cantonne les éleveurs dans le statut de producteurs de matière première, les broutards. Elle conduit aussi à la circulation des sujets et donc du virus. Pour parer aux conséquences sanitaires de cette circulation, il existe désormais toute une réglementation qui nuit gravement à la rentabilité des élevages. Ne serait-il pas plus efficace, en complément de la vaccination, de mettre en oeuvre une politique volontariste d'engraissement des animaux sur le lieu d'origine ?

Médicalement, cette politique satisferait au principe de la quarantaine et, économiquement, elle permettrait aux éleveurs d'accomplir la totalité du cycle de production, ce qui stimulerait nos territoires. Une telle politique ne serait-elle pas appropriée ? Il s'agit de préparer l'avenir, cet avenir auquel je m'intéresse beaucoup... car c'est là que je compte passer mes prochaines années. (Sourires et applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard Bailly.  - Deux heures viennent de sonner, je serai bref. Entre la conférence sur les revenus et le bilan de santé de la PAC, vous venez de vivre des semaines chargées, monsieur le ministre. Votre plan d'urgence a été le bienvenu : 250 millions iront aux exploitants, dont 50 millions aux éleveurs ovins, qui voient leurs revenus baisser depuis plusieurs années alors qu'ils sont confrontés à la hausse de l'énergie et des aliments, sans parler de la fièvre catarrhale que vient d'évoquer mon collègue. Je me contenterai donc de faire écho aux vétérinaires, qui demandent si le vaccin sera disponible et aux éleveurs, qui voudraient savoir qui le paiera. Les aides conjoncturelles annoncées le 12 novembre permettront d'attendre une réorientation des aides de la PAC. Je souscris à vos priorités que sont l'aide aux productions à l'herbe et à la production laitière de montagne.

On entend beaucoup parler des producteurs ovins. Nous avons, avec M. Fortassin, travaillé sur le sujet. Leur situation est proche du désespoir : de 13 millions de têtes en 1979, on est revenu à 8 millions. La fièvre catarrhale leur cause un souci tout particulier, mais il n'y a pas qu'elle : les éleveurs redoutent aussi cette calamité que sont les prédateurs, dont le nombre augmente. Des crédits d'indemnisation sont fléchés dans le budget du ministère de l'écologie. Nous veillerons à ce qu'ils soient suffisants. Mais une anecdote... Le Progrès titrait il y a peu sur la douzième attaque des lynx contre une exploitation à Mirebel, mais il y a quelques jours, on apprenait qu'une association qui soigne les animaux avait dépensé 1 500 euros pour recueillir un jeune lynx, que le préfet était allé ensuite relâcher clandestinement dans la forêt. (Mouvements divers) Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les élus répondent aux questions des éleveurs !

Les producteurs laitiers traversent une grave crise, eux qui ne sont plus que 87 500 contre 130 000 en 1998, tandis que le nombre de vaches laitières a diminué de 12 %. Ils ont subi la baisse du prix du lait et l'on comprend leurs inquiétudes quand le récent accord ne leur donne que 55 euros les 1 000 litres. Dès lors, l'amendement adopté à l'Assemblée nationale pour autoriser l'interprofession laitière à s'informer de la formation du prix est vraiment le bienvenu et il serait impensable de l'empêcher tant la transparence est nécessaire. J'attends beaucoup de l'observatoire que vous avez annoncé, car l'on aimerait bien connaître la part de chacun dans la formation des prix. Lorsque les prix du blé et du lait ont augmenté, l'an dernier, les journaux en ont fait leurs gros titres, mais l'on n'entend guère parler de la baisse des cours -à moins que les prix de détail n'aient pas diminué ?

Président du groupe d'étude de l'élevage je me dois d'évoquer cet autre sujet d'inquiétude qu'est l'équarrissage. Je sais que vous avez eu des discussions avec la profession. Que se passera-t-il après le mois de juillet ? Je souhaite que l'on s'abstienne de demander la moindre redevance aux éleveurs pour l'enlèvement des animaux. Ils ne pourraient l'accepter et l'on verrait des animaux morts devant les préfectures ou les permanences électorales... D'autant plus que le nombre d'animaux morts a explosé avec une augmentation de 23 % pour les bovins et de 60 % pour les ovins. Un mot encore pour regretter la baisse des crédits pour la génétique animale.

Je me réjouis du plan de compétitivité des scieries ainsi que des aides aux micro-exploitations forestières mais n'oublions pas les dessertes forestières -nous discuterons bientôt d'un amendement. Quand on veut exploiter le bois-énergie, le bois-résidu, il faut pouvoir aller le chercher au coeur de forêts profondes et pentues. Or le tiers d'entre elles sont encore inaccessibles : nous avons besoin de routes forestières.

Le vin nous réjouit tous. Je vous remercie du soutien que vous avez apporté à nos viticulteurs sur la question de la réclame sur internet. Vous avez travaillé à un plan de modernisation, c'était vital. On peut en effet lutter contre l'alcoolisme autrement que par le harcèlement. Je souhaite que l'on puisse voir de la publicité pour le vin du Jura, pour le vin de paille, pour le vin jaune...

M. Jacques Blanc.  - Pour le vin du Languedoc...

M. Gérard Bailly.  - ... pour le vin d'Arbois, sans encourir les remontrances de l'association pour la prévention de l'alcoolisme et je veux vous dire bravo pour votre soutien à cette filière. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - L'exercice est difficile à cette heure tardive... Je remercie les présidents et les rapporteurs des commissions de leur travail constructif et sans complaisance -c'est l'habitude de cette maison que je connais bien pour y avoir siégé.

Dans votre diversité, vous avez parlé de cette force que constitue l'agriculture au moment où nous devons, selon l'expression de M. de Montesquiou, relever les défis qui nous interpellent : la sécurité alimentaire, d'abord, avec 900 millions de personnes en danger de mourir de faim ; le réchauffement climatique, ensuite ; la nécessité, suivant le mot du président Obama, de se libérer de la tyrannie du pétrole ; la montée des risques sanitaires, enfin, avec des pathologies émergentes, prêtes à exploser. Pour relever tous ces défis et maintenir notre ligne d'horizon, il faut investir dans ce secteur que Mme Herviaux qualifiait justement de stratégique et préparer l'avenir, mais aussi l'accompagner de notre solidarité quand la crise le touche.

Dans l'incroyable tourmente qui emporte le monde à travers l'opacité du système financier, la force de notre appareil de production est l'appui le plus solide pour résister.

Bien sûr, l'agriculture n'est pas seule dans cette économie réelle, mais elle est la plus ancienne. Depuis dix-huit mois que je suis à la tête de ce grand ministère, je veux accompagner un secteur d'avenir qui concerne toute la société, pour l'alimentation, l'emploi, le développement durable. Bref, la question de l'agriculture est une question de société. C'est pourquoi je me suis efforcé de bâtir un budget pour l'avenir.

La mission obtient 3,4 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 2,72 % qui n'est pas négligeable ; mais les crédits alloués à l'ensemble du ministère de l'agriculture dépassent les 5 milliards. Les autorisations d'engagement atteindront 4,8 milliards. Certes, elles diminuent de 6,7 %, mais cette baisse est essentiellement due au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale, dont la plupart des contrats ont été engagés sur cinq ans en 2008. Les crédits d'intervention augmentent de 7,4 % à 2,2 milliards.

Ces crédits nationaux pour l'économie agricole doivent être comparés avec le budget agricole européen : la France doit bénéficier en 2009 de 10 milliards de crédits européens dans le budget de la PAC, dont 9 milliards au titre du premier pilier et le reste sur le deuxième pilier. Je suis le seul membre du Gouvernement dont la politique est à ce point mutualisée au niveau européen.

Le 20 novembre, les 27 ont conclu à l'issue d'un an de discussions, après une longue nuit de négociation, le bilan de santé de la PAC. C'est le premier accord à 27 sur la politique agricole. Il était indispensable pour adapter la PAC dans la perspective de 2013. En tant que présidence, nous avons cherché à construire un compromis qui ne soit pas le plus petit dénominateur commun entre nous. Le fil rouge, ce fut de conserver des outils d'intervention, de ne pas abandonner la gouvernance économique que la PAC a instaurée.

Je vous le dis avec objectivité et lucidité : c'est un accord solide. Il modifie substantiellement la proposition initiale de la Commission : les ministres et le Parlement européen ont fait bouger les lignes. Il consolide la dimension économique de la PAC et prend en compte les priorités que le Président de la République m'avait fixées.

Nous avons préservé l'efficacité des outils d'intervention. C'est le cas pour les céréales et les produits laitiers. Nous les utiliserons dès janvier pour le stockage privé du beurre afin d'atténuer l'excès sur le marché laitier.

Nous avons rééquilibré la proposition sur les quotas laitiers, alors que la Commission proposait une augmentation automatique des quotas laitiers de 5 % d'ici leur suppression. La fin des quotas a été décidée en juin 2003. Malgré le retournement des marchés, aucune majorité ne s'est exprimée pour revenir sur cette décision ; le débat a porté sur les conditions de sortie des quotas. Ma responsabilité a été d'encadrer cette sortie et d'obtenir des mesures d'accompagnement. Nous avons obtenu que deux rapports en 2010 et 2012 fassent le point sur l'état des marchés et procèdent à l'ajustement des quotas. Le lien entre l'évolution des quotas et celle des marchés a été réintroduit. Nous avons désormais un pilotage politique de la production laitière avec l'obligation de rouvrir le dossier en 2010 et en 2012. Le jeu reste ainsi ouvert : l'évolution des quotas laitiers n'est plus scellée dans le marbre.

Nous avons obtenu la mise en place de mesures d'accompagnement pour la production laitière que nous pourrons financer soit dans le second pilier soit au titre de l'article 68. Nous avons introduit dans le premier pilier des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. Nous avons également ouvert des voies pour la PAC de l'après 2013. Les outils de la PAC de demain ne peuvent se réduire à des aides découplées.

Nous avons une boîte à outils pour réorienter la PAC sur les productions et les territoires fragiles, et nous pourrons accompagner le développement d'une agriculture durable. Mon intention est d'arrêter nos choix d'ici la fin janvier et je vais ouvrir la concertation sans tarder avec le Parlement, les organisations syndicales et professionnelles et les associations. Je ne vais pas en préjuger le résultat mais je puis vous dire que je ne laisserai pas mourir la filière ovine ; l'accompagnement de la production laitière est une possibilité ouverte et j'ai l'intention de proposer un plan protéagineux qui concernerait la luzerne.

Cet accord était la condition pour pouvoir avancer sur la PAC de 2013. C'est le second objectif de la présidence française. Ouvrir cette réflexion stratégique est une urgence, si l'on ne veut pas que l'agriculture soit la variable d'ajustement du budget européen. Après 2013 ? Il était important d'avoir la boîte à outils. Pour le reste, il s'agit déjà de savoir si l'on gardera la politique agricole commune ! Il y a des gens qui voudraient la supprimer, parce qu'elle coûte trop cher, disent-ils. Éric Besson va faire une étude mais je suis convaincu que la suppression de la politique agricole commune coûterait plus cher qu'elle ne coûte. Beaucoup de gens voudraient une Europe qui soit un grand supermarché avec beaucoup de concurrence fiscale et sociale, et des portes grandes ouvertes sur l'extérieur. Le débat sera difficile mais comptez sur moi : où que je sois, j'agirai en ce sens ! Dans une démocratie, comme est l'Union européenne, le débat politique doit précéder le débat budgétaire, pas le suivre !

Les prochaines discussions seront celles des perspectives financières pour 2013-2020. Le débat va être difficile. Le dernier Conseil de vendredi, dont je vous ai informé personnellement, l'a confirmé. Les ambitieuses conclusions de la Présidence ont été soutenues par 24 des 27 !

Dans le prolongement du G20 à Washington, Pascal Lamy envisage de convoquer pour la mi-décembre une réunion ministérielle pour reprendre les négociations du cycle de Doha. Cette réunion sera celle de tous les dangers. La position de la France n'a pas changé : l'accord qui est sur la table est déséquilibré. Sur le volet agricole, nous sommes sur la ligne rouge. Et sur les services et les biens industriels, je crains que nous ne gagnions rien. J'ai mis ce point à l'ordre du jour à Bruxelles, vendredi ; nous avons été nombreux à rappeler à la commissaire le devoir de vigilance : l'offre européenne doit être intangible.

J'ai souhaité donner du sens à ce budget afin de le mettre en cohérence avec une stratégie que je défends depuis longtemps, celle d'une agriculture et d'une pêche durables et fortes.

Une agriculture durable, c'est le renouvellement des générations. C'est pourquoi, je tiendrai l'engagement de donner la priorité budgétaire à l'installation.

C'est un acte pour l'emploi dans les territoires : nous aidons 6 000 installations par an, les crédits augmentent de 13,3 % cette année et il faut y ajouter le plan de professionnalisation, qui concernera 7 500 personnes.

L'agriculture durable passe encore par la recherche agronomique : nous augmentons ses moyens de 15,8 millions. Nous allons créer des pôles de dimension européenne. Après vos débats de ce matin sur l'enseignement agricole, je veux rendre un hommage aux enseignants et aux personnels administratifs de cet enseignement.

Nous soutenons aussi, en aval, la filière agroalimentaire, en particulier les PME.

Nous sommes proactifs pour le Grenelle de l'environnement, mon action au ministère de l'environnement, il y a quinze ans, n'y est pas étrangère. De surcroît les agriculteurs, les éleveurs, les ostréiculteurs, les pêcheurs sont les premiers et les seuls à ne travailler qu'avec l'eau, l'air et la terre !

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Michel Barnier, ministre.  - Le plan agriculture bio est ambitieux : nous consacrons 12 millions par an à l'objectif du triplement de la surface agricole bio. Le plan eco-phyto se propose, lui, de réduire de moitié l'usage des phytosanitaires. Nous agissons également pour améliorer la performance énergétique des installations ; dans l'Aveyron, j'ai visité un regroupement de 100 jeunes éleveurs, qui sont autonomes avec les 33 000 mètres carrés de surface photovoltaïque qu'ils ont installés : c'est possible partout ! J'ai donc passé un accord avec Total et EDF-GDF, pour la réalisation de 100 000 diagnostics énergétiques dans le monde agricole.

S'agissant de la forêt, je n'ai nullement l'intention de démanteler ou de privatiser l'ONF : les 144 millions prévus pour cet établissement, en portent témoignage ! Notre objectif consiste à remettre en production 12 millions de mètres cubes supplémentaires de bois d'ici 2012, car le bois est le premier éco-matériau. Nous voulons également mieux exploiter la biomasse forestière, aider les travaux forestiers, améliorer la gestion des domaines forestiers.

D'une manière générale, j'attache une très grande importance au suivi des politiques, au-delà de leurs annonces. J'ai confié par exemple une mission sur la filière apicole à votre collègue député M. Saddier, je ferai très prochainement des annonces qui feront suite à ses propositions innovantes. Je me rendrai demain en Guadeloupe et en Martinique, où des terrains ont été contaminés après le passage des cyclones Dean et Omar, pour y promouvoir un projet de banane durable, dont la culture serait exempte de tout produit phytosanitaire.

S'agissant des mesures sociales pour le monde agricole, le Premier ministre a annoncé des décisions importantes pour réduire les situations de pauvreté indignes, notamment celles des veuves : 91 % des veuves d'agriculteurs sans droits propres touchent une pension de moins de 400 euros par mois. Nous avons décidé la garantie d'un montant minimum de retraite égal au minimum vieillesse, qui intéressera 233 000 personnes, dont 70 % de veuves. Nous mettons en place la réversion aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire, acquise à titre gratuit par leur conjoint. Cette mesure coûtera 40 millions et concernera 64 000 veuves. Enfin, l'État apportera sa garantie au Ffipsa pour pérenniser son financement.

Ce qui vaut pour l'agriculture durable vaut également pour la pêche, le métier le plus dangereux : hier encore un chalutier pêchant la coquille saint-Jacques en Bretagne a coulé, provoquant la mort d'un marin de Granville de 42 ans. La pêche est un métier vital pour l'activité des départements littoraux, elle une priorité du chef de l'État.

Les crédits de la pêche passent de 62 millions à 160 millions en 2009, c'est un effort sans précédent. Trois contrats bleus -forcément approuvés par la Commission de Bruxelles- sont déjà engagés pour 9,7 millions. Toutes les façades maritimes doivent être équitablement concernées par cette initiative novatrice.

Enfin, nous consacrons davantage d'argent à l'Ifremer, car le travail en commun des scientifiques et des marins-pêcheurs doit être renforcé pour disposer des données les plus objectives sur l'état des ressources halieutiques.

Pour la première fois, ce plan pour une pêche durable comprend un chapitre social et un chapitre sur la sécurité. Je souhaite équiper tous les marins-pêcheurs d'une balise individuelle. Une expérimentation concernera 800 à 900 marins, nous en tirerons le bilan à la mi-2009.

S'agissant de l'ancien Fonds de prévention des aléas à la pêche (Fpap), la Commission européenne a notifié en mai dernier aux autorités françaises sa décision négative. Ce n'est pas une surprise. Le remboursement des aides du Fpap doit donc être mis en oeuvre, selon des modalités pragmatiques et progressives qui ne pourront remettre en cause la pérennité des entreprises.

Dans la récente négociation du bilan de santé de la PAC, j'ai voulu trouver les outils d'une meilleure couverture des risques climatiques et sanitaires. Le bilan de santé portera ses effets en 2010. D'ici là, il nous faut travailler à des mesures plus conjoncturelles pour passer le cap. J'ai entendu l'appel digne et responsable des 20 000 éleveurs qui ont manifesté en septembre à Clermont-Ferrand.

L'élevage a pris de plein fouet la crise économique avec l'envolée du prix de l'énergie et des matières premières. J'ai engagé le 12 novembre un plan de soutien à la trésorerie des exploitations agricoles en difficulté de 250 millions, qui sera rapidement mis en oeuvre par les préfets : 70 millions réduiront la facture énergétique, 4 millions permettront de reconduire l'exonération des cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs, 75 millions iront à l'amélioration de la trésorerie des exploitations et à des allégements de charge, avec le concours des banques et de la MSA.

Le plan prévoit également 50 millions pour les éleveurs ovins -50 % de crédits communautaires, 50 % dans le projet de loi de finances rectificative- en attendant le rééquilibrage des aides. L'élevage français est en difficulté, notamment en montagne. J'ai lu les propositions du Comité des régions, monsieur Blanc : je ne suis pas choqué d'y retrouver le terme de « cohésion territoriale », que j'avais fait inscrire dans le traité de Lisbonne. Comme je m'y suis engagé à l'Assemblée nationale, je vous confirme la redotation de l'ICHN, dont 6 millions de crédits nationaux et 7 millions du Feader.

Sur l'équarrissage, je vous répondrai par écrit, mais je m'engage à couvrir la dette des éleveurs au service public de l'équarrissage à hauteur de 12 millions. La réforme prévue concerne l'ensemble des filières, y compris celle du cheval. Un groupe de travail a été mis en place pour identifier les besoins.

L'élevage est également fragilisé par la fièvre catarrhale ovine, la plus grave crise sanitaire que nous ayons eu à affronter. Avec les éleveurs, les vétérinaires, les laboratoires, nos services, nous faisons face : réunion de crise quotidienne ! Après une première vaccination massive -40 millions de doses- une deuxième sera engagée le 15 décembre pour les sérotypes 1 et 8, qui sera achevée en avril. Les doses nécessaires seront réparties département par département. Je me bats pour mettre en place une stratégie européenne. On vaccine contre les sérotypes 1 et 8 dans tous les départements où le 1 a été constaté. En Espagne, la vaccination contre le 8 est lancée ; elle a fait ses preuves. Je suis d'accord pour mener une réflexion sur la politique d'engraissement. Ces mesures sanitaires indispensables voient leurs crédits progresser de 2 à 13 millions. De son côté, la Commission européenne vient de doter de 100 millions supplémentaires le financement de la vaccination en 2009, et le cofinancement à hauteur de 50 % des doses vaccinales et de la vaccination. Enfin, nous avons ajouté 30 millions pour les mesures de soutien économique.

L'élevage est encore touché par la crise du prix du lait. Je suis attaché à l'organisation interprofessionnelle, qui a fait l'objet d'un mémorandum à Bruxelles. Le cadre de la discussion interprofessionnelle a été consolidé en première lecture par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale. Après plusieurs semaines de discussions, les négociations ont abouti lundi à un accord entre les trois familles professionnelles, dont je salue l'esprit de responsabilité. Je les invite maintenant à travailler ensemble à des propositions concrètes sur les modalités de contractualisation.

La viticulture représente le quart de nos exportations agricoles. Toutes les mesures conjoncturelles possibles ont été prises pour les exploitations en difficulté. Nous pouvons nous appuyer sur une OCM solide, correctement négociée, et sur le plan de modernisation de la viticulture, qui doit permettre à la viticulture française de retrouver sa place sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel.

Il n'est pas juste que les entreprises viticoles soient pénalisées par rapport à leurs concurrents étrangers, faute de pouvoir utiliser internet au motif que ce support n'existait pas lorsque la loi Évin a été votée. Après une concertation constructive avec Roselyne Bachelot, et avec le Parlement, nous allons mettre en place un système raisonnable tout en préservant l'esprit de la loi Évin.

Je confirme notre volonté de réformer l'indemnisation des calamités agricoles, avec la mise en place d'un véritable fonds sanitaire pour faire face aux risques, y compris les menaces nouvelles. La boîte à outils européenne nous permet de prélever dans le premier pilier les crédits nécessaires.

Une politique européenne plus préventive, plus équitable, qui reste une politique économique ; un modèle agricole et une pêche durables en métropole et outre-mer ; une agriculture économiquement productive, écologiquement et socialement responsable : voilà mes ambitions.

Je veux dire ma gratitude aux équipes de ce grand ministère, qui portent, assument, expliquent nos politiques, à Paris et sur le terrain, avec compétence et avec impartialité dans un contexte administratif profondément modernisé. Nous participons à l'effort national de maîtrise des dépenses publiques. La modernisation du ministère a été conduite avec la conviction que les enjeux dont nous avons la charge sont au coeur de la société, de ses attentes et de ses exigences. J'espère qu'un jour nous aurons un grand ministère de l'alimentation, du développement durable, de l'agriculture et de la pêche.

Dans la tourmente actuelle, le secteur agricole représente une chance et une force pour notre pays. Pour le soutenir, nous avons besoin d'un budget responsable et d'un ministère en mouvement, d'une politique européenne plus forte et plus équitable : j'y travaille avec vous. Nous devons aussi être vigilants dans les négociations commerciales. Nous avons enfin besoin d'une stratégie déterminée en faveur du développement durable. C'est l'intérêt national. (Applaudissements à droite et au centre)

Examen des crédits

Article 35 (Etat B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-208, présenté par le Gouvernement.

M. Michel Barnier, ministre.  - Comme je l'ai annoncé en début d'après-midi, cet amendement transfère 3 millions de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » à la mission interministérielle « Enseignement scolaire », afin de tenir compte des difficultés financières de l'enseignement agricole, soulignées notamment par Mme Férat.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission a donné un avis favorable cet après-midi à l'amendement qui a été voté. Dans la continuité, elle est donc favorable à celui-ci.

L'amendement n°II-208 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-31, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission souhaite diminuer de 700 000 euros les crédits destinés aux Cuma. Nous avons récupéré au cours de la discussion les crédits de l'Aficar qui s'est auto-dissoute cet été et nous avions pensé que ces crédits permettraient de réduire le déficit du budget de l'État. L'Assemblée nationale a réaffecté pour partie ces crédits pour financer les prêts bonifiés des Cuma, ce qui ne correspond pas à nos principes lolfiens.

En outre, il nous a semblé que les prêts bonifiés n'étaient pas un bon instrument et ils sont d'ailleurs critiqués par la Cour des comptes que nous avons reçue il y a une quinzaine de jours.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-132, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Cet amendement propose de prélever 500 000 euros à l'action 01 du programme 215, « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », vers le programme 154, « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires », où ils seraient ainsi répartis : 300 000 euros viendraient abonder, au sein de l'action 13, les crédits destinés à financer les charges de bonification des prêts consentis aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma). Alors que les taux d'intérêt remontent, il convient d'encourager la distribution de tels prêts.

Ce transfert venant en complément d'un amendement adopté par les députés, la dotation des Cuma en 2009 atteindra 4 millions ce qui permettra de mener une véritable action au profit du monde agricole.

En outre, 200 000 euros seraient redéployés vers l'action 11 pour être affectés au Centre national des expositions et des concours agricoles (Ceneca). Cette somme sera en fait confiée à la Direction générale des politiques agricoles, alimentaires et territoriales (DGPAAT) au titre de ses responsabilités en matière d'action internationale. Cette direction aura la charge de la verser au Ceneca, opérateur de la promotion et des salons agricoles, et d'en évaluer les effets.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Ces deux amendements sont antinomiques. Nous avons entendu les arguments de la commission des affaires économiques et observé qu'hier après-midi, trois millions avaient disparu de la mission. Partant de là, et en dépit des observations que j'ai pu formuler, nous retirons l'amendement de la commission des finances au profit de celui de la commission des affaires économiques.

L'amendement n°II-31 est retiré.

M. Michel Barnier, ministre.  - Je remercie M. Bourdin pour ses propos très sages et je suis favorable à l'amendement de la commission des affaires économiques. Naturellement, les crédits de l'Aficar sont supprimés ce qui implique une diminution des crédits de communication du ministère. Pour autant, il est assez légitime que si cet argent disparaît d'une ligne de communication, il puisse être utilisé pour d'autres actions qui en ont besoin. Les Cuma en font partie.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Tout à fait !

M. Michel Barnier, ministre.  - Elles font effectivement du bon travail.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Je tiens à remercier M. le rapporteur spécial d'avoir retiré son amendement au profit de celui de la commission des affaires économiques. Les Cuma ont joué un grand rôle dans la modernisation de l'agriculture ces quarante dernières années. Si nous voulons que les agriculteurs puissent bénéficier de la mécanisation, il faut leur en donner les moyens grâce à des prêts spécifiques. Avec notre amendement, nous atteindrons 4 millions ce qui permettra de moderniser les exploitations agricoles.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Nous nous associons à cette démarche de solidarité en faveur du monde agricole. Les Cuma permettent de rationnaliser les investissements nécessaires à la modernisation des exploitations. Mais ils offrent aussi la possibilité à des hommes et des femmes de travailler ensemble, ce qui est essentiel dans notre société individualiste. Notre groupe votera donc cet amendement.

L'amendement n°II-132 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-192, présenté par le Gouvernement.

M. Michel Barnier, ministre.  - Dans le cadre des transferts prévus dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les services de l'aménagement foncier quittent le ministère de l'agriculture pour rejoindre les conseils généraux. Ce transfert de compétence donne bien évidemment droit à compensation pour les départements concernés. Il convient donc d'ajuster le transfert de crédits qui avait été inclus dans le projet de loi de finances pour 2009. Compte tenu de la date limite d'exercice du droit d'option, deux personnes n'ont pas pu être prises en compte au moment de l'élaboration du projet de loi de finances.

L'amendement n°II-192, accepté par la commission, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-155, présenté par MM. Leroy, Gaillard, César, du Luart et Bailly.

M. Gérard Bailly.  - Les forêts jouent un rôle important dans nos territoires. Pour les exploiter convenablement et pour contribuer à atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement, il convient d'améliorer les dessertes. Comme le financement qui leur est affecté est en notable diminution, nous proposons d'abonder les crédits destinés au programme « Forêt » de 5 millions en diminuant d'autant les crédits du programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires »

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Cet amendement est conforme aux orientations du Grenelle de l'environnement et aux Assises de la forêt. Pourtant, il est gagé sur une baisse de 5 millions des crédits de l'action 14 du programme 154 qui a déjà subi une ponction de 2 millions. Ces 5 millions nous semblent quelque peu excessifs. Je me tourne donc vers le Gouvernement.

M. Michel Barnier, ministre.  - Pour atteindre les objectifs des Assises de la forêt et les ambitions du Grenelle, j'avais prévu dans le projet de loi de finances des mesures fiscales.

Je comprends l'objectif de cet amendement, mais ponctionner ainsi le programme 154 me poserait un gros problème ; je dépose un sous-amendement pour ramener la somme considérée à un million et je vous propose de vous associer au suivi des nouvelles mesures fiscales.

M. Gérard Bailly.  - Je me rallie au sous-amendement, mais croyez bien que nous débattrons à nouveau de gestion forestière et de bois énergie avec M. le ministre de l'écologie lorsque nous examinerons le Grenelle de l'environnement : il n'y a pas d'énergie du bois sans desserte !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Avis favorable au sous-amendement.

Le sous-amendement n°II-215 est adopté.

L'amendement n°II-155, sous-amendé, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-168, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Odette Herviaux.  - Cet amendement transfère 5 millions d'euros du programme 215 au programme 154 pour abonder les crédits destinés à l'animation rurale.

A la suite des travaux du Conseil de modernisation des politiques publiques, les crédits de soutien aux associations d'animation rurale sont supprimés ; on assiste à un repli sur le financement de nos obligations communautaires à hauteur de 1,1 million d'euros. La ligne « Animation et développement rural » ayant déjà été réduite de moitié en 2005, les associations n'ont pu trouver ailleurs les financements dont elles avaient besoin. Les actions ont été réduites, des emplois permanents ont disparu, et certaines fédérations ont dû cesser leur activité.

Or ces associations jouent un rôle fondamental dans un monde rural qui se sent abandonné et livré à la désertification. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, elles sauront assurer le lien entre les agriculteurs et les autres acteurs du monde rural. L'une de vos priorités, monsieur le ministre, n'est-elle pas le développement durable ? Vous avez laissé entendre que nombre d'associations rurales seront éligibles au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar). Mais il semble que le nouveau fonds ne permettra pas de financer des actions liées à l'animation rurale ; l'appel à projet du ministère est à ce titre explicite.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'effet de la baisse des crédits a été en partie amorti par un amendement de l'Assemblée nationale, qui a abondé la ligne « Animation rurale » de 700 000 euros, ce qui paraît suffisant. Je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Michel Barnier, ministre.  - La baisse des crédits est cohérente avec la révision générale des politiques publiques. Les associations ont été informées qu'elles peuvent bénéficier du financement du Casdar pour des montants qui ne sont pas négligeables ; quant aux crédits correspondant aux obligations communautaires, ils sont maintenus à hauteur de 1,1 million d'euros. Avis défavorable.

M. Jean-Marc Pastor.  - J'ai évoqué tout à l'heure les financements européens dans le domaine de l'aménagement et du développement rural. La France ne sait pas capter ces financements, au contraire de l'Espagne et de l'Autriche, par exemple. Plus de 37 % des crédits demandés par l'Espagne l'ont été par des associations d'animation rurale. Vous supprimez les crédits des nôtres, c'est bien dommage, elles sont la preuve du dynamisme de la ruralité française.

L'amendement n°II-168 n'est pas adopté.

Les crédits, modifiés, de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Développement agricole et rural » sont adoptés.

Article 59 A

Un rapport sur l'impact de la réorganisation de l'Office national des forêts sur le budget de l'État et des collectivités territoriales et la gestion forestière de la forêt française est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-5, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.

Rédiger comme suit cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 10 octobre 2009, un rapport évaluant l'impact de la réorganisation de l'Office national des forêts, du centre national et des centres régionaux de la propriété forestière sur la gestion de l'espace forestier en métropole et outre-mer, ainsi que sur les budgets de l'Etat et des collectivités territoriales.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Nous regroupons ici les rapports prévus aux articles 59 A, 59 B et 59 C.

L'amendement n°II-5, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient l'article 59 A.

Article 59 B

Un rapport sur l'impact de la réorganisation de l'Office national des forêts sur la gestion de l'espace forestier des départements d'outre-mer et sur le budget de l'État est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-21, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°II-21, accepté par le Gouvernement, est adopté ; l'article 59 B est supprimé.

Article 59 C

Un rapport sur l'organisation des centres régionaux de propriété forestière et l'impact budgétaire qui en résulte est remis avant le 10 octobre 2009 au Parlement.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-25, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°II-25, accepté par le Gouvernement, est adopté ; l'article 59 C est supprimé.

L'article 59 D est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-169, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste.

Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport sur l'évolution des enveloppes consacrées par l'Etat aux prêts bonifiés dont bénéficient les coopératives d'utilisation de matériel agricole est remis au Parlement avant le 1er septembre de chaque année.

Mme Odette Herviaux.  - M. Pastor a dit tout le bien qu'il pensait de l'amendement de M. César sur les Cuma. Un tel rapport serait intéressant.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Il y a déjà beaucoup de choses dans les rapports annuels de performance. Sagesse, cependant.

L'amendement n°II-169, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

L'article 59 est adopté, ainsi que les articles 59 bis, 59 ter et 59 quater.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-170, présenté par M. César.

Après l'article 59 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et dernier alinéas du 3° de l'article L. 13 du code forestier sont ainsi rédigés :

« Les procédures de certification de gestion durable des forêts sont reconnues bénéficier de la certification de conformité environnementale ou écocertification prévue par les articles L. 115-27 et suivants du code de la consommation.

« Les produits forestiers fabriqués à partir de bois récoltés dans le cadre de l'un des documents de gestion visé aux a, b, c et d de l'article L. 4 ou issus d'une forêt bénéficiant d'une certification de gestion durable des forêts peuvent prétendre à bénéficier d'une certification de conformité environnementale ou écocertification. »

M. Gérard César.  - Il s'agit de l'interprofession forêt.

Pour la reconnaissance des interprofessions spécifiques, il est notamment fait référence à la certification de conformité mentionnée à l'article L. 13 du code forestier.

La forêt du sud-ouest forme le plus grand massif forestier de France. L'interprofession du pin maritime mérite une reconnaissance analogue à celle dont bénéficient la viande, le vin ou le fromage. Pourquoi le pin maritime serait-il le seul à ne pas devenir une interprofession à part entière ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement à propos de cette disposition qui semble devoir dissiper une divergence d'interprétation entre la profession et le ministère.

M. Michel Barnier, ministre.  - La reconnaissance d'une interprofession régionale suppose qu'elle soit porteuse d'une certification ; or cet amendement propose de reconnaître la certification de gestion durable au titre de la certification de conformité. Le code de la consommation ne concerne que les produits destinés au consommateur final, ce qui n'est pas le cas de la forêt.

Il faut donc aplanir les difficultés juridiques soulevées par le sujet légitimement abordé par M. César, à qui je propose de retirer son amendement. Je m'engage à constituer un groupe de travail sur cette question.

M. Gérard César.  - Puisqu'un groupe de travail sera organisé, je souhaite y participer avec les professionnels concernés.

L'amendement n°II-170 est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 4 décembre 2008, à 15 heures.

La séance est levée à 3 heures 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du Jeudi 4 décembre 2008

Séance publique

À 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).

Rapport (n° 99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

Immigration, asile et intégration (+ articles 62 et 63)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 15) ;

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Immigration et asile - avis n° 102, tome VII) ;

MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome XI).

Politique des territoires

M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 19) ;

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome V).

Ville et logement (+ articles 82 et 83)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 32) ;

MM. Pierre André et Thierry Repentin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome VII) ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VIII).

Économie

Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ;

MM. André Ferrand et François Rebsamen, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 11) ;

MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome II).

Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 77, 78 et 78 bis

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 30) ;

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 100, tome VIII).

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- Mmes Alima Boumediene-Thiery, Marie-Christine Blandin, Dominique Voynet, MM. Jean Desessard et Jacques Muller une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance et la production d'effets en France des partenariats et unions civiles enregistrés à l'étranger.

- M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

- sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009),

- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et l'élection des députés (n° 106, 2008-2009).

- de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la législation funéraire (n° 108, 2008-2009).