Immigration, asile et intégration

Mme la présidente.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et les articles rattachés 62 et 63.

Orateurs inscrits

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La France a désormais une politique claire en matière d'immigration, d'asile et d'intégration, une politique beaucoup plus équilibrée que ne le laisse croire la chronique médiatique. C'est une politique réaliste et généreuse, ferme et ouverte. Réaliste, parce qu'un pays soucieux de bien accueillir ne peut recevoir indistinctement tout le monde. Ferme, parce qu'un pays démocratique doit faire respecter le droit, y compris par ceux qui s'introduisent illégalement sur son territoire. Généreuse, parce que notre pays est attaché à ses traditions d'accueil et la France délivre une carte de réfugié sur les 3,5 titres délivrés dans l'Union européenne. Ouverte, parce que nous cherchons la meilleure intégration possible de ceux que nous accueillons ; ouverte, également, par le dialogue et les accords passés avec les pays d'origine. Bref, nous voulons de plus en plus offrir un accueil de qualité à ceux que nous pouvons accueillir.

En moins d'un an, la nouvelle administration a accompli une tâche importante. Je me réjouis des réussites de la présidence française de l'Union européenne en la matière. La fraction de notre opinion publique, prompte à considérer que notre politique était une exception française critiquable, doit aujourd'hui constater que cette politique est européenne. Avec la conclusion du pacte européen sur l'immigration préparé à Cannes, la définition d'une politique d'intégration européenne à Vichy et l'établissement d'une politique contractualisée avec les pays d'origine à Paris, nous avons posé les fondements d'une politique commune pour la prochaine décennie.

Autre motif de satisfaction : la mise en place rapide et efficace du nouveau ministère. Cette administration d'état-major compte 613 agents seulement, dont la moitié en province, qui proviennent d'administrations aux cultures administratives différentes. Leur regroupement sur un site unique contribuera à une meilleure intégration. Par ailleurs, ce ministère travaille par délégation avec l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'Anaem, qui s'autofinance ; et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'Ofpra, qui est subventionnée. Enfin, en raison des dimensions nationales et internationales, administratives et judiciaires des problèmes traités, ce ministère travaille étroitement avec neuf autres ministères, ce qui ajoute à la complexité.

Les résultats chiffrés qu'il a obtenus au bout de quelques mois, même s'ils ne constituent qu'une partie du bilan, sont significatifs. Le nombre de visas de long séjour accordés pour motif professionnel a augmenté de 20,6 %, ce qui constitue un premier pas dans le développement de l'immigration de travail à laquelle notre commission a consacré un récent rapport. Sur les 21 236 étrangers reconduits à la frontière depuis le début de l'année, un tiers l'ont été volontairement. En un an, les diplômes initiaux de langue française ont augmenté de 400 %. Enfin, sept accords ont été signés avec des pays d'émigration, ils seront bientôt ratifiés par le Parlement. A ces résultats tangibles, j'ajoute l'intégration de la Cour nationale du droit d'asile au Conseil d'État, qui réjouira tous ceux qui sont attachés à la séparation des pouvoirs, qui permettra de réduire les délais de jugement. En matière d'asile, une bonne justice ne saurait être lente.

J'en viens aux centres de rétention, qui occupent injustement l'essentiel de la revue de presse concernant ce ministère. Plus leur gestion sera irréprochable, plus ceux qui critiquent leur fonctionnement seront contraints de dévoiler leur hostilité au principe même du retour.

Au plan budgétaire, la France consacre 2,6 milliards à sa politique de l'intégration et de l'immigration en 2009. Le ministère en gère 20 %, ce qui souligne son rôle de coordination. Quand le budget du ministère de l'immigration consacre 513,8 millions à sa politique, on recense 490 millions pour l'aide médicale d'État, gérés par le ministère de la santé. L'asile est le premier budget du ministère, il représente 53 % des crédits, contre 16 % pour la lutte contre l'immigration irrégulière. En 2008, le nombre de demandeurs de statut de réfugié devrait atteindre 15 % et les délais de la Cour nationale du droit d'asile sont passés de 357 jours à 415 jours. Si la situation était semblable en 2009, le besoin complémentaire serait de l'ordre de 45 millions par rapport au présent budget. En revanche, si la demande d'asile progressait de 10 %, il faudrait prévoir 56 millions supplémentaires. Conformément au principe de sincérité de la Lolf, il aurait donc fallu déposer un amendement prévoyant des crédits supplémentaires.

Ensuite, toute politique a un coût. Or les estimations sur le coût des reconduites à la frontière sont encore imparfaites. Notre commission a donc mis au point une première estimation, qui sera complétée par la Cour des comptes. Cette estimation permet de justifier l'effort consacré par le ministère aux retours volontaires.

L'aide financière au retour des immigrés en situation irrégulière est significative mais c'est là l'intérêt bien compris de l'État et des intéressés.

Elle invite à la réflexion sur les conditions de la rétention administrative, avec le transfert de la gestion des centres à une entité unique, la police de l'air et des frontières.

Une large part de l'action d'intégration est prise en charge par l'Anaem. Pour la commission des finances, les documents budgétaires des opérateurs doivent permettre au Parlement de constater la nécessité du versement d'une subvention ou du relèvement des taxes affectées. La transformation de l'agence améliorera la qualité de la prévision.

Poursuivre l'organisation et l'intégration du ministère ; réussir la fusion de l'Anaem et de l'Acse et passer un contrat d'objectifs avec le nouvel organisme ; faire plus de place à l'immigration professionnelle ; développer encore notre politique d'intégration ; encourager les retours volontaires et se donner des objectifs chiffrés en ce domaine ; améliorer le fonctionnement des centres de rétention ; rester fidèles à nos traditions d'accueil pour les réfugiés -et je salue l'attribution du prix Goncourt au réfugié Afghan Atiq Rahimi, comme la nomination du préfet Pierre N'Gahane dans le département des Alpes de Haute-Provence- ; réduire les délais pour statuer sur le cas des demandeurs d'asile ; poursuivre notre action d'impulsion en Europe, au-delà de la présidence française ; élargir le nombre de pays d'origine avec lesquels nous souhaitons conclure des accords : autant de perspectives susceptibles de doter notre pays d'une politique d'immigration, d'asile, d'intégration et de coopération conforme aux traditions d'accueil de la France, respectueuse du droit international, des droits de l'homme et de la dignité humaine.

Sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Depuis la création de la mission « Immigration, asile et intégration », notre commission, qui souhaite continuer d'examiner le fonctionnement de l'Ofpra et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), s'en saisi pour avis.

L'Ofpra, dont l'activité s'est considérablement améliorée ces dernières années, grâce à un renforcement notable de ses moyens en personnels, a toujours constitué un service à part au sein du ministère des affaires étrangères. Ses personnels ne sont pas des diplomates, mais des spécialistes des pays d'origine des réfugiés dont ils doivent examiner les demandes d'asile.

Sur les 370 équivalents temps plein travaillé affectés à l'Ofpra, 137 emplois viennent de la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France.

L'augmentation des moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile formulées en France, qui avaient régressé de 58 000 en 2004 à 26 000 en 2006 pour les personnes majeures, avait permis de réduire la durée d'instruction des dossiers, passée, en moyenne, de 130 jours en 2004 à 110 jours en 2007. Le stock des dossiers en instance avait également été significativement réduit, pour s'établir à environ deux mois d'activité en 2006. Mais l'année 2008 a vu un nouvel allongement des délais d'examen, proches de deux mois devant l'Ofpra, plus longs encore devant la CNDA. Il est prévu que les magistrats temporaires présidant les formations de jugement soient renforcés par des magistrats à plein temps, originaires, comme les premiers, du Conseil d'État ou de la Cour des comptes. Les demandes d'asile ont crû, en effet, de 7,5 % de janvier à août 2008, et cette hausse pourrait s'amplifier en 2009.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques, réuni le 4 avril 2008, a décidé que la mise en oeuvre opérationnelle de la politique des visas relèverait à l'avenir de la responsabilité du ministère de l'immigration. A compter de 2009, les crédits de fonctionnement et d'investissement consacrés aux applications informatiques lui seront donc transférés, pour un total de 2,6 millions, les personnels chargés de l'instruction des demandes de visas restant cependant relever du ministère des affaires étrangères. Votre commission se félicite de ce maintien, indispensable à la bonne intégration de ces personnels au sein de nos consulats, sous l'autorité de nos consuls, bons connaisseurs des pays où ils exercent. Le quai d'Orsay doit rester un acteur majeur dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de délivrance des visas, qui relève des priorités de notre action internationale.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a adopté les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La politique d'immigration et d'intégration menée depuis plusieurs années nous permet de rester fidèles à notre tradition d'accueil, élément essentiel de notre identité nationale. En un an, le ministère de l'Immigration, nul ne peut le contester, a su s'imposer comme son organisateur et son coordonnateur. Régalien à part entière, il a pourtant su se faire avant tout administration d'état-major.

Nous ne pouvons que saluer le succès de la politique européenne, qui a débouché sur le « Pacte ». Aurait-elle était possible sans l'existence de ce ministère ? Car c'est bien lui qui fut l'âme des différentes conférences menées sous la présidence française.

Je ne m'attarderai pas sur la question de la prévision budgétaire relative à l'asile et aux moyens du futur Office français de l'immigration et de l'intégration, dont nous traiterons plus au fond avec les amendements déposés par la commission des finances, dont la commission des lois partage les inquiétudes, constatant que la hausse des demandes d'asile en 2008 fragilise les prévisions tandis qu'augmente le coût de l'hébergement d'urgence et celui de l'allocation temporaire d'attente.

Ce budget 2009 est resserré, stable et s'inscrit dans une perspective de pilotage jusqu'en 2011. Son périmètre est modifié. Nous sommes satisfait du transfert de dotation, pour 17 millions, à la CNDA, qui devient une juridiction de plein exercice : il était nécessaire de mettre fin, ainsi que le ministre s'y était engagé, à la confusion. Les arbitrages ont eu lieu sur la responsabilité opérationnelle des visas, transférée au ministère de l'Immigration : c'est un point positif pour la cohérence du dispositif.

Le document de politique transversale créé sur la politique de l'immigration permet d'avoir une approche « consolidée » des moyens mis en oeuvre par l'État.

Trois questions restent à poser. Celle de l'aide juridique dans les lieux de rétention, tout d'abord. La volonté de l'ouvrir à davantage d'associations est une bonne chose, mais a suscité des inquiétudes. Il conviendra de s'assurer que les associations qui prendront ces responsabilités travaillent en bonne intelligence, afin de donner toutes leurs chances à ceux qu'elles accompagnent.

Deuxième question, celle du retour volontaire. Leur augmentation montre que ce n'est pas en vain que l'on a demandé aux préfets, en 2007, d'insister sur ce point. Les retours à caractère humanitaire sont les plus nombreux. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'autre volet ?

Troisième question, celle de la répartition des effectifs des services des visas, qui fera l'objet, chaque année, d'une décision conjointe du ministère de l'immigration et de celui des affaires étrangères. Il conviendra d'être attentif aux conditions dans lesquelles sera prise cette délicate décision.

Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Je ferai entendre une musique un peu différente. Vous l'aurez compris, mon point de vue est plus critique que celui des trois orateurs qui m'ont précédé...

Le moins que l'on puisse dire est que, depuis un an et demi, vous n'avez pas ménagé vos efforts pour remplir la mission que vous a confiée le Président de la République, mission avant tout idéologique : après avoir fait peur aux Français, vous vous offrez à les rassurer...

Ce projet de budget consacre cette politique en donnant la priorité à la chasse aux étrangers et à la promotion de l'immigration économique. En 2009, 81 millions seront alloués à la lutte contre les irréguliers - soit 2 % de hausse- contre 78 à l'intégration et à l'accès à la nationalité - en baisse de 57 % ! Deux poids, deux mesures : la priorité, ce n'est pas l'intégration, c'est le renvoi !

En 2009, la politique du chiffre et ses conséquences dramatiques continueront de prévaloir. Comme en 2008, vous souhaitez reconduire 30 000 personnes à la frontière au nom de la préservation de l'identité nationale. Le coût moyen d'une reconduite à la frontière devrait s'élever à 2 450 euros en 2009 mais ce montant n'inclut que les frais de billetterie et les dépenses hôtelières -si l'on ose dire...- et ne tient pas compte des moyens humains mobilisés lors de ces expulsions musclées. Le coût total serait en réalité de 20 000 euros par expulsion soit 600 millions pour les 30 000 réalisées dans l'année. Combien de choses intelligentes et utiles à l'intégration on pourrait financer avec tous ces millions !

On mesure également les limites du slogan de l'immigration dite choisie et, d'abord, l'échec de la carte de séjour « compétences et talents » -que c'est joliment dit...- qui était la mesure phare de la loi Sarkozy de juillet 2003. Au 30 septembre 2008, seules 160 cartes avaient été délivrées alors que l'objectif de votre Gouvernement était d'en accorder 2 000 !

Même chose pour les accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Vous vous targuez d'avoir signé sept accords bilatéraux depuis votre prise de fonction. Or, à l'heure actuelle, seul l'accord avec le Gabon est en vigueur -le pays d'Omar Bongo, c'est une référence ! Mais personne n'arrive chez nous en provenance de Libreville ! En revanche, le Mali, pays des fiers Toucouleurs, Mandingues et Sarakolé, a refusé.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - C'est totalement faux !

M. Richard Yung.  - Le mois dernier, deux rapports ont une nouvelle fois dénoncé les mauvaises conditions de la rétention administrative dans notre pays. Le nouveau commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et le contrôleur général des lieux privatifs de liberté incitent votre Gouvernement à humaniser les conditions de rétention. Malheureusement, votre projet de budget augure mal des suites qui seront données à ces rapports. Votre Gouvernement va continuer à enfermer davantage d'étrangers. Pour preuve la hausse de 4 % des crédits alloués aux centres de rétention. Au total, environ 2 000 places devraient être disponibles en 2009 contre 773 en 2003, soit une augmentation de 163 % en six ans !

L'assistance juridique accordée aux étrangers placés en rétention administrative est remise en cause. Cette difficile mission était jusqu'à présent remplie par le Service oecuménique, la Cimade parce que, à l'origine, personne d'autre ne voulait s'en charger. Forte de sa longue expérience, cette organisation effectue un travail remarquable qui est aujourd'hui menacé. Sous prétexte de vouloir mettre un terme à sa position de monopole, vous cherchez à réduire son rôle dans les centres de rétention administrative. Contrairement à ce que vous voulez faire croire, la Cimade ne souhaite pas conserver sa situation de monopole : depuis déjà deux ans, elle travaille en partenariat avec le Secours catholique et elle souhaite généraliser ce travail collectif avec d'autres associations, des syndicats, des avocats, etc. L'appel d'offres a été annulé par le tribunal administratif de Paris. Le contrat de la Cimade vient à expiration à la fin de l'année. Vous avez déclaré vouloir prolonger sa mission. Le mieux à faire serait de mettre en place une délégation de service public.

Les crédits alloués à l'intégration et à l'accès à la nationalité diminueront de plus de 50 %. Vous envisagez de créer un nouvel opérateur unique responsable de l'intégration des primo-arrivants, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Je suis satisfait de constater la suppression de la taxe de 45 euros perçue en faveur de l'Anaem lors de la demande de validation d'une attestation d'accueil. En revanche, un amendement supprime 1,5 million des fonds de l'Agence. Contrairement au rapporteur de la commission des affaires étrangères, je pense que ce n'est pas bon : la formation professionnelle des Français de l'étranger est une des tâches de cette agence, ne serait-ce que pour éviter d'avoir à les rapatrier dans l'hexagone.

Je m'inquiète également de la suppression de la sous-direction de l'accès à la nationalité. Le transfert intégral aux préfectures de la charge des naturalisations ralentira les délais de traitement et rompra l'égalité de traitement entre les demandeurs qui se déplaceront alors d'une préfecture à l'autre. Les décisions varieront en fonction du lieu où elles sont prises alors qu'aujourd'hui la sous-direction garantit leur homogénéité. Cette réforme n'est pas non plus pertinente car la mission effectuée par les services préfectoraux n'est pas comparable au travail d'instruction assuré par les agents de la sous-direction. Je vous appelle donc à la maintenir.

Nous voulons une autre politique, ferme avec les immigrés illégaux, accueillante avec les autres et ouverte au regroupement familial. Nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Sous présidence française, les membres de l'Union se sont prononcés en faveur d'une législation sur le renvoi des migrants, le renforcement des contrôles aux frontières, la sélection de travailleurs hautement qualifiés, les régularisations en fonction des exigences du marché du travail, l'interdiction des régularisations collectives. La politique européenne de l'immigration oscille entre instrumentalisation du codéveloppement et répression. Lors de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine de la semaine dernière sur la migration et le développement, l'Europe a confirmé sa vision des migrations essentiellement axée sur la sélection. La conférence a adopté un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, contrecarrer l'illégale et organiser le développement solidaire.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires que vous faites signer aux pays africains vous permettent de faire pression sur eux. Vous leur promettez des possibilités de migrations légales, toutefois limitées, et une aide au développement et, en échange, vous leur demandez de contrôler les flux migratoires dans les pays de départ et de transit et de faciliter les réadmissions des expulsés. Vous leur demandez ainsi d'être les gendarmes de l'Europe. Sans doute espérez-vous faire de substantielles économies en sous-traitant ainsi la gestion des flux migratoires ? Plusieurs accords ont été signés avec des pays de l'Afrique subsaharienne à l'exception du Mali. Pourtant, pour l'essentiel, les migrations se font davantage du Sud vers le Sud plutôt que du Sud vers l'Europe : 70 % des migrations se font du Mali vers le Ghana, le Niger, ou la Gambie. Et la proportion d'étrangers présents sur le sol européen reste faible : 5,1 % de la population totale. On est loin de l'invasion que vous semblez craindre.

Vous persistez cependant à interdire le mouvement des personnes alors que vous prônez la mondialisation et la libre circulation des capitaux et des marchandises. Et ce, alors que les migrants envoient dans leurs pays d'origine des sommes bien supérieures à celles prévues par le budget de l'aide publique au développement. Ils participent ainsi au développement sur place des villages et de projets locaux et font vivre leurs familles restées au pays.

L'immigration choisie passe également par le projet de « Carte bleue européenne » dont l'adoption finale a été différée au 8 décembre. Ce permis de travail destiné aux immigrés autrement qualifiés contribuera à la fuite des cerveaux.

Les candidats devront justifier d'un contrat de travail prévoyant un salaire minimum d'au moins 1,5 fois le salaire brut moyen du pays, soit 3 850 euros. Ces fuites de matière grise entraînent pour les pays d'origine un manque de personnel qualifié et la perte de recettes fiscales. Quant à l'Europe, elle se fait de plus en plus forteresse -certains parlent de « bunkerisation »- alors que sa population vieillit et que ses besoins en main-d'oeuvre vont augmenter considérablement dans la période 2015-2030, avec un pic en 2018.

Les centres de rétention, ces machines à expulser, coûtent très cher. Il y des investissements plus utiles ! D'autant que les centres de grande capacité, celui de Vincennes, celui du Mesnil-Amelot -sans compter les deux projets, deux fois 120 places, que vous envisagez au même endroit- ne peuvent qu'engendrer des tensions. Il convient de limiter la capacité des centres, comme l'a recommandé M. Delarue. Mais vous préférez poursuivre votre politique d'expulsion à tout crin et entendez disposer de 2 326 places à l'été 2010.

Les mineurs étrangers ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, ni d'une reconduite à la frontière, encore moins, par conséquent, d'un placement en rétention. Or cette règle n'est pas respectée ; nous n'avons cependant aucune idée du nombre de mineurs placés en rétention, ni des conditions dans lesquelles ils y sont maintenus. La transparence s'impose !

Nous ne sommes pas opposés à la présence d'autres associations que la Cimade dans ces lieux... à la condition qu'elles soient compétentes en matière juridique et disposent de personnel formé et expérimenté.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Bien sûr ! Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - En effet, le droit des étrangers est une matière complexe, la législation change sans cesse -délais à respecter, recours possibles. Il ne s'agit pas seulement d'aide humanitaire. Je serai vigilante quant à la future organisation de l'aide juridique aux étrangers.

Vous prévoyez en 2009 30 000 expulsions. Sur quelle base ce chiffre a-t-il été déterminé ? Les retours volontaires, liés à l'aide au retour et concernant des ressortissants européens, roumains ou bulgares en particulier, représentent un peu plus du tiers du nombre des éloignements du territoire. En les comptabilisant, vous faussez la donne.

Le nombre des expulsions, brandi comme un record, vous sert à manipuler l'opinion publique : au moins un domaine où le Gouvernement obtient des résultats ! Notre rapporteur de la commission des lois suggère de renvoyer les parents en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés, en leur proposant une aide au retour volontaire, moins onéreuse et plus commode qu'un retour forcé, qui mobilise la société civile et qui peut échouer... On nous dit qu'une expulsion coûte 2 800 euros, ramenés à 2 450 euros l'an prochain ; mais vous ne prenez pas en compte les dépenses des autres ministères impliqués dans ces opérations. Il serait temps que les parlementaires connaissent le coût moyen complet d'une reconduite à la frontière. La commission des finances l'évalue à 20 970 euros. Les 42 millions d'euros inscrits dans votre budget seront très insuffisants. Allons-nous un jour connaître le coût exact d'une expulsion du territoire ?

Un mot enfin du droit d'asile. Malgré vos lois restrictives et bien que vous considériez l'asile comme un simple flux migratoire, les demandes sont en hausse en 2008. La situation dans le monde ne s'est guère améliorée. Du reste, tous les demandeurs d'asile n'ont pas accès à la procédure -tel était le but de vos réformes.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre le budget de la présente mission. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dominati.  - Je rends hommage aux rapporteurs qui ont évoqué des points très techniques. Ce ministère a douze mois d'existence. Il avait été voulu par le Président de la République...

Mme Éliane Assassi.  - C'est indéniable !

M. Philippe Dominati.  - ...et nous avons observé sa mise en place avec espoir mais aussi angoisse. Un premier bilan politique est aujourd'hui possible. Il y a un an, on annonçait que la France serait montrée du doigt, que son image internationale allait être altérée. Or, la consécration est déjà là ! En effet, le pacte européen signé il y a deux mois par les 27 États membres reprend les cinq engagements définis par la France ; il étend à l'Europe la politique que notre pays a choisie. Concernant le droit d'asile, il faut tout de même préciser qu'en 2005, notre pays enregistrait autant de demandes que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada réunis ! A Vichy, en novembre dernier, la conférence européenne sur l'intégration a décidé la création d'un bureau européen et d'une politique commune.

Au plan national, c'est aussi le succès. Un objectif de taux d'immigration professionnelle a été défini, qui doit être atteint pendant la présente mandature : 50 %. Or le taux est déjà monté de 7 % à 25 %. La société française comprend la nécessité de cette politique, tant sur le plan économique que pour des raisons humaines. La lutte contre l'immigration clandestine a été elle aussi productive : 100 filières démantelées, 450 interpellations d'employeurs.

La création d'un nouveau ministère, dans un pays où l'administration est déjà si étoffée, pouvait nous inquiéter. Or elle se traduit par des économies de 5 millions d'euros : car vous avez opté pour une administration d'état-major, 600 fonctionnaires qui ont autorité sur deux opérateurs de l'État. Ce ministère est une structure moderne. Et vous n'avez pas hésité à revoir rapidement son champ d'intervention : le droit d'asile par exemple sort de votre budget. Les centres de rétention, contrairement à ce que certains prétendent, font l'objet d'un effort particulier, 100 places créées l'an dernier, 125 cette année. Je salue aussi les efforts de gestion ainsi que la lutte contre les doublons administratifs -sur les visas par exemple. La politique de partenariat avec des pays africains me satisfait également.

Ce budget est conforme avec notre volonté de rester attentifs à la dépense publique ; et notre groupe est enthousiaste devant les résultats de votre politique. Je viens d'apprendre qu'on vous a décerné une « Victoire de la modernisation administrative » : j'avoue que je ne le savais pas !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous non plus !

M. Philippe Dominati.  - Cela prouve que vous avez relevé un véritable défi. Vous en relèverez d'autres ! (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette discussion engage notre responsabilité d'hommes et de femmes appartenant à une République dont la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » résonne dans cet hémicycle. Nous savons tous combien derrière la sécheresse des chiffres il y a de tragédies, de folles espérances, de souffrances physiques et morales, de désillusions ou de bonheurs indicibles, et toujours de victoires sur soi. Je ne reviendrai donc pas sur les chiffres mais sur ce qu'ils révèlent du visage d'une France que je voudrais généreuse mais réaliste, accueillante mais équitable, solidement ancrée dans la tradition du pays des droits de l'homme, telle que la rêvait Jacques Pelletier.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je m'étais interrogée, comme beaucoup d'autres, sur l'opportunité de créer un ministère réunissant dans la même main des attributions jusque là dispersées entre plusieurs administrations. Mais vous avez su bâtir une administration de mission, qui s'attache à mettre de la cohérence là où il y avait du désordre et de la stratégie là où il y avait de l'improvisation. Il n'en demeure pas moins que la concentration de pouvoirs menace l'indispensable équilibre entre des objectifs parfois contraires, nationaux ou supranationaux.

Je ne peux qu'adhérer à votre volonté de mettre en oeuvre une gestion concertée des flux migratoires avec les autres pays d'Europe et d'ailleurs. Je salue également vos efforts pour clarifier les compétences, en matière de visas par exemple, et pour simplifier les procédures de naturalisation. C'était indispensable, tant l'accumulation des lois et des règlements avait fait du droit des étrangers une jungle où ne se retrouvaient plus que les initiés : on avait ainsi assisté à la floraison de personnes qui avaient fait métier du détournement de la loi.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Absolument.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Mais je voudrais dire aussi mon inquiétude face au « tragique de répétition », pour reprendre l'expression de votre collègue Martin Hirsch, du traitement des étrangers sans papiers. Quand, monsieur le ministre, imposerez-vous un accueil humanisé des étrangers qui s'égrènent aujourd'hui en interminables files d'attente devant les préfectures ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce n'est plus le cas.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Quand imposerez-vous que l'on accorde un regard bienveillant, et non plus systématiquement méfiant, aux étrangers qui se présentent aux guichets pour obtenir les renseignements qui leur sont dus ? Quand refuserez-vous que l'on vienne chercher au petit matin un couple pour le conduire en centre de rétention administrative en confiant son bébé à des voisins éberlués ? Quand refuserez-vous que les sorties d'école soient mises à profit pour interpeler des étrangers en situation irrégulière ?

Certes, il ne devrait pas y avoir d'étrangers en situation irrégulière ; on estime aujourd'hui leur nombre à 400 000. Mais ne sommes-nous pas en partie responsables de leur existence ? Les consignes données aux services chargés d'examiner les demandes d'admission sur le territoire français sont formulées en termes principalement quantitatifs, ce qui rend impossible la prise en compte d'éléments individualisés. Est-il raisonnable de fixer un objectif national chiffré de reconduites à la frontière et d'expulsions ? C'est décider à la place de celui qui en a la compétence légale, et lui imposer une réponse politiquement correcte. Le zèle n'ayant pas de limites, les fonctionnaires sont zélés, d'où l'accumulation dramatique de recours gracieux et de recours devant les tribunaux encombrés du contentieux des étrangers, au point que l'on projette de créer un tribunal supplémentaire en Ile-de-France.

Les responsables sont en plein désarroi et s'interrogent sur la possibilité d'appliquer équitablement la loi. L'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) a depuis longtemps montré ses limites, et doit être remplacée par un outil plus performant et compatible avec les données de la police et de la gendarmerie. Pourriez-vous nous indiquer quand l'application « Grégoire » sera disponible ?

Les centres de rétention administrative ont fait l'objet de rapports plus alarmants les uns que les autres. Je sais qu'ils sont au nombre de vos préoccupations : il faut en faire des sites d'accueil provisoire et éviter que ces lieux de rétention ne deviennent en fait des lieux lieu de détention.

En ce qui concerne le droit d'asile, je mesure les efforts qui ont été faits pour réduire les délais de réponse, mais ceux-ci restent trop longs et maintiennent dans des situations ubuesques des étrangers ballottés de non-réponse en non-réponse et qui, avec le temps, entrent dans le cortège des sans-papiers.

Quant au contrat d'accueil et d'intégration, le principe en est très bon. Mais j'aurais aimé trouver dans ce contrat un engagement mutuel, à la manière du pacte qui lie parrain et son filleul, le tuteur et son pupille. Au lieu de cela, j'ai trouvé la remise d'un diplôme après une sorte d'examen de passage. Est-ce là la relation que l'on souhaite établir entre la France et un étranger qui, demain peut-être, demandera à devenir français ? Réduire l'intégration à une feuille de papier n'est pas digne du pays de Voltaire.

Même si j'ai parfaitement conscience de l'immense difficulté du problème de l'immigration, même si j'entends vos arguments, je m'opposerai de toutes mes forces, de toute mon énergie à une politique qui ne magnifie pas la dignité humaine. C'est pourquoi je ne voterai pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », pas plus qu'une grande partie du groupe RDSE, car nous ne retrouvons pas dans votre politique le respect des valeurs républicaines auquel nous sommes attachés depuis toujours. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Richard Yung.  - Très bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Contrairement à sa volonté affichée de concentrer ses efforts humains et matériels en faveur d'une meilleure intégration des familles issues de l'immigration de longue date, le Gouvernement consacre l'essentiel de ses moyens à la lutte contre l'immigration irrégulière. Ce projet de budget accentue le déséquilibre entre la chasse aux étrangers irréguliers, et le délaissement des étrangers en situation régulière.

Les reconduites à la frontière constituent le seul poste de dépenses en hausse alors que les autres actions sont laissées pour compte. Avec une dotation en baisse de 50 %, le programme 104, consacré à l'intégration et à l'accès à la nationalité, est le parent pauvre de ce budget. Pour la seule action 11, relative à l'accueil, à l'intégration des étrangers primo-arrivants et à l'apprentissage de la langue française, la chute des crédits est vertigineuse, puisque l'on passe de 43,4 millions d'euros en 2008 à 15 millions d'euros seulement.

Lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration, vous déclariez, monsieur le ministre, que « pour réussir l'intégration, il faut d'abord maîtriser l'immigration ». Or la maîtrise de l'immigration, au moyen d'un politique fondée sur la frénésie du chiffre, ne sert à rien si elle n'est pas accompagnée d'une politique volontariste d'accueil et d'intégration des étrangers en France.

Vous organisez l'autofinancement généralisé des politiques d'intégration par les migrants eux-mêmes. A la difficulté pour tout étranger de se faire une place dans notre société, vous ajoutez des obstacles administratifs et juridiques. Que dire de la réduction de 43,5 à 15 millions d'euros du budget de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (Anaem) ? Que dire de la diminution du personnel, qui passe de 920 à 890 équivalents temps plein ? Comment pouvez-vous supprimer 30 postes, alors que vous créez une nouvelle structure, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ? M. Jean-Marie Delarue, contrôleur des lieux de privation de liberté, nous a pourtant alertés lors de son audition sur les besoins de l'Anaem, notamment en matière de formation des intervenants au droit des étrangers.

Le sort réservé aux étrangers en situation irrégulière est encore plus navrant. Le programme 303 relatif à l'immigration et à l'asile montre que la lutte contre l'immigration illégale vous préoccupe davantage que le respect des droits des étrangers. L'action 2a de ce programme traduit votre méfiance à l'égard des associations de soutien aux demandeurs d'asile : le financement des plates-formes d'accueil et des associations a diminué de 45 %, passant de 5,28 millions à 3 millions d'euros. Neuf fermetures de plates-formes sont annoncées pour 2009. Il n'y a pourtant déjà plus d'interprètes dans les centres de rétention administrative, alors que les demandes d'asile et les recours doivent impérativement être rédigés en français.

Nous refusons, monsieur le ministre, que sous prétexte de rationalisation budgétaire vous portiez le coup de grâce à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, et limitiez leur chance de se voir accueillis et accompagnés dans le respect du droit international. Vous vous attaquez à la Cimade en ouvrant à la concurrence le marché de l'assistance aux étrangers dans les centres de rétention, à seule fin de déterminer quelle organisation sera la moins chère et sans vous préoccuper de la compétence ou de l'expérience de chacune. Cela revient à niveler par le bas la protection due aux étrangers.

Il ne faut pas s'étonner que le Conseil d'État ait annulé le décret de mise en concurrence de l'aide aux étrangers. Il est inconcevable que, par souci d'économie, on mette en péril les garanties fondamentales dont doivent bénéficier les immigrants car, même illégaux, ils demeurent des sujets de droit et quand les droits fondamentaux d'une personne sont niés, c'est sa dignité qui l'est aussi.

Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a invité récemment la France à revoir la situation dans les centres de rétention administratifs et le Contrôleur des lieux privatifs de liberté est allé jusqu'à parler d'atteinte à la dignité humaine à propos de celui de Choisy-le-Roi. Mais vous proposez de réduire de moitié l'assistance en centre de rétention administrative. Mais vous construisez de nouveaux centres, ou les agrandissez, plutôt que de changer de politique. Au Mesnil-Amelot, un des trois bâtiments accueillera même les enfants, comme si leur place était d'attendre leur sort dans un centre de rétention... Ce ne sont pas des criminels, une assignation à résidence aurait pu suffire !

Réduites à un rôle d'observateurs impuissants, les associations ne pourront plus aider à constituer les dossiers. Vous allez jusqu'à leur interdire de communiquer...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Où ça ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La politique du chiffre déshumanise et empêche d'apporter conseil et solidarité, bref un peu d'humanité à des êtres en souffrance. Votre budget a relégué l'homme au second plan car seul le chiffre des refoulés lui importe. Il n'y a plus d'êtres humains mais des chiffres.

Mme Christiane Kammermann.  - Vraiment...

M. Alain Gournac.  - Tout ce qui est excessif...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG ; M. Edmond Hervé applaudit aussi)

M. Dominique Braye.  - Votre groupe ne vous applaudit même pas !

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - A 513,8 millions, les crédits de la mission marquent une petite baisse par rapport aux 602 millions en crédits de paiement de l'an dernier. Le programme 303 « Immigration et asile » reçoit 436 millions ; le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » se voit attribuer le solde, soit 177,8 millions.

Le phénomène de l'immigration irrégulière est massif outre-mer, en particulier en Guyane, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et à Mayotte, qui est sans doute le territoire de la République connaissant la situation la plus critique. Sur une population de 186 402 personnes, on dénombrait en 2007 60 000 étrangers, soit le tiers du total, dont 50 000 à 55 000 Comoriens, pour la plupart en situation irrégulière. Selon un récent rapport interministériel, le nombre de naissances au centre hospitalier de Mamoudzou augmente régulièrement, passant de 7 179 en 2005 à 7 779 en 2006 et 7 903 en 2007, 68 % des mères n'étant pas affiliées à notre régime de sécurité sociale, autrement dit en situation irrégulière. (Mme Éliane Assassi s'exclame) Le taux de fécondité des Comoriennes est de 5 enfants par femme alors qu'il est tombé à 3,5 enfants chez les Mahoraises.

D'après les estimations de M. Torre, les élèves étrangers, dont 85 % seraient en situation irrégulière, forment 22,5 % des effectifs dans le premier degré et 30 % dans le second.

L'on sait aussi que les clandestins forment 75 % de la population carcérale et que 90 % des affaires traitées aux assises de Mayotte mettent en cause des clandestins.

Lors de son passage à Mayotte, la commission d'enquête sénatoriale sur le travail clandestin a évalué à 10 000 sur 23 634 salariés le nombre des étrangers en situation irrégulière, ils forment même plus de la moitié des effectifs dans les PME du bâtiment.

Le nombre des reconduites à la frontière est passé de 7 714 en 2005 à 13 300 en 2007 et 16 000, dont 2 000 mineurs, en 2008. Si 30 % des clandestins éloignés récidivent, l'amélioration de la surveillance radar a permis d'intercepter 200 embarcations depuis le début de l'année. Malheureusement, les naufrages se multiplient car, pour y échapper, les passeurs choisissent des trajectoires de plus en plus longues et périlleuses : c'est ainsi que le 20 novembre, on a déploré quatorze morts et sept disparus au sud de Mayotte. La lutte contre l'immigration clandestine a coûté en 2007 2,3 millions à la police de l'air et des frontières et 941 000 euros à la gendarmerie. Malgré les naufrages et les interceptions, les kwassas continuent de charrier primo-arrivants et récidivistes. Le nombre des reconduites à la frontière n'endigue donc pas leur flux.

Le centre de rétention administratif de Pamandzi, qui a une capacité d'accueil de 60 places, est vite surchargé et peut compter jusqu'à 200 personnes, de sorte qu'il faut ou libérer les clandestins ou renoncer à les appréhender. La commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé ce centre « indigne de la République ». Qu'en est-il, monsieur le ministre, du projet de construction d'un nouveau centre ?

Pour réduire la pression migratoire, il faut appuyer sur les leviers du codéveloppement et de la coopération régionale. Or jamais les relations avec les Comores n'ont été aussi chaotiques parce que le Président Sarkozy est déterminé à organiser le 29 mars une consultation pour transformer Mayotte en département d'outre-mer. La quatrième rencontre du groupe de travail de haut niveau qui devait se tenir à Moroni les 19 et 20 novembre a été reportée alors que la signature solennelle de l'accord de coopération bilatérale est prévue pour 2009.

De quels moyens budgétaires disposez-vous pour répondre à ces inquiétudes ? Nous avons bien noté les 23 millions prévus pour la police nationale et les 14 millions affectés à la gendarmerie nationale mais rien n'est prévu sur l'aide publique au développement, non plus que sur le programme « Accueil des étrangers ». Enfin, quelle sera la part de Mayotte dans le milliard du Fonds de coopération régionale ?

Je voterai les crédits de la mission, monsieur le ministre. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Je suis heureux de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, le budget de mon ministère. Je remercie tout d'abord l'ancien rapporteur spécial, André Ferrand : à son initiative, le Gouvernement a publié un document transversal consacré à l'immigration et à l'intégration. J'ai par ailleurs repris l'essentiel des recommandations de son rapport sur l'immigration professionnelle dans le cadre de la création, en 2009, de l'OFII. Le travail de M. Bernard-Reymond a été tout aussi constructif et le Gouvernement donne d'ores et déjà un avis favorable aux quatre amendements de la commission des finances. Je félicite également les rapporteurs pour avis, M. Trillard et M. Buffet, pour leur excellent travail.

A l'heure de la réforme de l'État et dans le contexte économique actuel, un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente optiquement : ce serait trop facile ! (M Alain Gournac approuve) Il ne s'agit pas de dépenser plus, mais mieux. Un bon budget, c'est un budget efficace ! (Marques d'approbation à droite) N'en déplaise à certains, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi, ce budget me fournit les moyens de mon action, tout particulièrement en matière d'intégration. Les autorisations d'engagement reculent de 6,9 % -on est loin de 53 % ; les crédits de paiement, à périmètre constant, de 5,1 %. Les crédits du programme « Immigration et asile » augmentent de 7,3 %, à périmètre constant.

Première évolution majeure, un transfert de 17,5 millions au programme du Conseil d'État pour assurer l'indépendance fonctionnelle et budgétaire de la Cour nationale du droit d'asile, comme je m'y étais engagé l'an dernier.

Que de mauvaise foi à gauche sur le transfert de 40 millions au programme « Politique de la ville » ! Me serais-je mal exprimé devant la commission des lois ? J'ai souhaité que soit partagées les responsabilités entre mon ministère et le secrétariat d'État à la ville car il n'y a pas pire que l'empiètement des ministères dans leurs compétences. L'efficacité passe avant les considérations de préséance ! Fadela Amara m'a demandé 48 millions ; je lui en ai transféré 40 millions. Ces sommes n'ont pas disparu ! (Marques d'approbation à droite)

Enfin, nous réduisons fortement la subvention budgétaire versée à l'Anaem car son fonds de roulement est très important et la réforme des taxes qui lui sont affectées lui procurera plus de 20 millions de recettes supplémentaires l'année prochaine ; autant de crédits qui ne sont pas inscrits au budget du ministère mais qui financeront l'intégration des étrangers légaux.

Au total, la capacité d'action en propre de mon ministère en matière d'intégration sera équivalente à celle de 2008, autour de 76-77 millions.

Première priorité : poursuivre notre effort de promotion de l'immigration professionnelle en tenant compte de la situation économique et des évolutions des besoins en matière d'emploi. (Mouvements à gauche) Si cela ne vous plaît pas, allez donc discuter au sein de l'Internationale socialiste avec les ministres britanniques ou espagnols, qui ont été catégoriques ! (Applaudissements à droite ; M. Richard Yung s'exclame)

Nous voulons aussi améliorer l'efficacité de la politique d'éloignement, financer l'acquisition du matériel biométrique pour les consulats, enfin, renforcer notre partenariat avec les pays d'origine et de transit. De nouveaux accords seront conclus avec l'Égypte -qui en a formulé la demande !-, Haïti, le Burkina, le Cameroun, les Philippines et le Mali. Pourquoi n'avoir pas rappelé que le Sénégal, pays d'origine de la première communauté subsaharienne en France, a conclu un accord ?

M. Richard Yung.  - Le Mali a refusé de signer ! (M. Dominique Braye s'exclame)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - C'est totalement faux ! Vous êtes mal informé : sans doute étiez-vous trop préoccupé par les soubresauts de votre famille politique ? (Rires et applaudissements à droite)

Deuxième priorité : réussir le parcours d'intégration lors des cinq premières années du séjour avant de passer le relais au secrétariat à la ville. Troisième priorité : mieux remplir nos obligations en matière d'asile. Enfin, poursuivre la modernisation des structures et des procédures.

Je salue la qualité des analyses et des propositions de M. Bernard-Reymond. Merci d'avoir souligné l'ambition de la politique que je conduis en matière de lutte contre l'immigration clandestine, de contrôle des flux migratoires, de droit d'asile, d'intégration des étrangers légaux et d'identité nationale.

Nous sommes une administration d'état-major, grâce à laquelle nous avons pu relever le défi de la présidence de l'Union européenne, comme en témoigne l'adoption, à l'unanimité des Vingt sept, du Pacte européen sur l'immigration et l'asile.

Il y a un an, ce ministère n'existait pas administrativement. Il a fallu tout créer, en recevant des compétences du ministère de l'intérieur, du ministère des affaires sociales et du ministère des affaires étrangères. Nous avons su en parallèle mener à bien l'exercice exigeant que constitue la révision générale des politiques publiques. Les quatorze mesures structurelles qui nous concernent sont à un stade très avancé, comme l'a souligné Éric Woerth. Le système automatisé de contrôle dans les aéroports fera de la France un leader dans le domaine du contrôle biométrique : 27 sas seront installés à Roissy et à Orly dès 2009.

Après trois années de baisse continue, la demande d'asile est repartie à la hausse, avec une augmentation de 14,7 % des premières demandes fin octobre. La Russie est au premier rang. Cette évolution pèse sur les dépenses relatives à l'asile, qui représentent 53,4 % de mon budget. Il nous appartiendra, avec le ministre du budget, de rechercher les solutions adaptées pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Nous sommes déterminés à réduire les délais de procédure, pour passer de 17 à 9 mois en 2010, comme le préconise le rapport Richard. La réforme de la Cour nationale du droit d'asile sera mise en oeuvre dès 2009, avec la création de dix formations de jugement présidées par des magistrats professionnels.

Ensuite, nous gèrerons le dispositif d'accueil des Cada de la manière la plus rigoureuse possible : tel est l'objet du contrat d'objectif et de moyen avec l'Ofpra qui sera prochainement signé. D'ailleurs, le taux d'occupation des Cada est de l'ordre de 96 %, ce qui est tout à fait satisfaisant.

En matière d'éloignement, M. le rapporteur spécial souhaite que l'aide au retour volontaire soit confortée. C'est le cas puisque nous terminerons l'année avec un taux qui sera au-delà du tiers. Il y a deux ans, nous n'en étions qu'à 7 %. Il s'agit donc d'une véritable rupture. Nous poursuivrons sur cette voie en 2009. M. le rapporteur a estimé le coût de l'éloignement à près de 21 000 euros par personne. Il a d'ailleurs précisé qu'il s'agissait d'une simple estimation provisoire. Nous devons avancer sur cette question en prenant en compte les données disponibles. Je saisirai rapidement l'inspection générale de l'administration pour en calculer le coût. Nous devrions aussi nous interroger sur le coût net des dépenses évitées du fait de la diminution de l'immigration clandestine, qui a baissé d'environ 8 %. (On en doute sur les bancs socialistes)

Nous évoquerons les politiques d'intégration à l'occasion de l'examen des amendements de la commission des finances. Je proposerai à l'Agence et au futur Office de signer avec l'État un contrat d'objectif et de moyens.

Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des lois d'avoir souligné que ce nouveau ministère avait su s'imposer rapidement dans le paysage ministériel. Il a, à juste titre, évoqué une administration en ordre de marche. Il a également souligné les effets budgétaires de la hausse de la demande d'asile en rappelant qu'un décret d'avances de 36 millions avait été publié afin de faire face aux dépenses d'hébergement d'urgence. Nous avons totalement autofinancé cette mesure sur les crédits de la mission.

J'en viens aux étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA). Cette réforme sera conduite à son terme : rien ne justifie qu'une seule association, en situation de monopole, intervienne au sein des CRA. En tant qu'élu du Rhône, vous savez combien une association importante -et éloignée politiquement de nous- souhaite s'investir dans les CRA. Un nouvel appel d'offres sera prochainement publié à cette fin.

S'agissant des agents des consulats en charge des politiques de visa, il a été convenu qu'ils continueraient à relever du Quai d'Orsay mais la coordination sera très étroite entre mon ministère et celui de M. Kouchner afin de prévoir la meilleure affectation possible de ces agents en fonction de nos priorités.

M. le rapporteur m'a interrogé sur les aides au retour autres qu'humanitaires ; il en existe deux, dont l'aide au retour volontaire créée en 2005 ; son montant est de 2 000 euros par personne, de 3 500 euros par couple et 1 000 euros par enfant jusqu'au troisième. C'est à peu près ce qui se fait chez nos voisins, notamment en Grande-Bretagne. L'an passé, 2 000 personnes ont bénéficié de cette aide. Il existe aussi une aide à la réinstallation qui encourage les migrants à créer une entreprise dans leur pays d'origine. Le montant de ces aides est de l'ordre de 7 000 euros et hier, Michel Charasse a souhaité qu'elles soient augmentées pour atteindre 10 à 15 000 euros. Je suis assez favorable à cette proposition que je vais faire examiner par mes services. Mais il faut bien évidemment que les projets soient sérieux et qu'ils participent à la circulation des compétences.

J'en viens aux observations du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Ainsi qu'il l'a signalé dans son rapport, les moyens de I'Ofpra vont être confortés. Le plafond d'emplois de l'Office restera stable sur la durée du budget triennal avec 412 équivalents temps plein. Nous augmenterons la subvention pour charge de service public à l'Ofpra de 1,5 million en soutenant l'amendement du rapporteur spécial, ce qui portera la subvention à 30,5 millions, soit plus de 5 millions par rapport à 2008.

Nos moyens d'action en matière de délivrance des visas et de circulation des étrangers vont être renforcés. Dix agents de la Commission de recours contre les refus de visa seront transférés du Quai vers mon ministère, qui est désormais en charge de la politique des visas.

M. Yung a reconnu que je ne ménageais pas mes efforts et, à titre personnel, je lui suis reconnaissant de ce jugement. Mais il faut aller un peu plus loin : si je ne ménage pas mes efforts, c'est pour mettre en oeuvre la politique que les Français ont choisi en 2007. Ces efforts répondent à la demande de la majorité de nos concitoyens !

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vous êtes très cordial en commission, monsieur le sénateur, mais un peu plus excessif en séance publique. (M. Richard Yung le conteste)

M. François Marc.  - C'est l'excès qui est au pouvoir !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Quelle drôle d'idée de parler de chasse aux étrangers et d'une politique de chiffres ! Ce n'est pas du tout cela !

M. Richard Yung.  - Ah bon ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je cherche à obtenir des résultats, c'est vous qui parlez des chiffres ! Nous avons trois principes : la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le haut et fort aux Français ! Un étranger en situation légale doit avoir les mêmes droits économiques et sociaux qu'un citoyen français. Enfin, un étranger en situation irrégulière, c'est-à-dire un étranger qui a menti (exclamations à gauche) sur le motif de sa venue sur le territoire, doit être condamné. (Mêmes mouvements) Accepteriez-vous que quelqu'un vienne chez vous sans votre autorisation ? (On s'indigne sur les mêmes bancs)

Vous vous trompez en ce qui concerne les accords bilatéraux, monsieur le sénateur : les ratifications ont bien été engagées et je regrette que, pour l'instant, il n'y ait qu'un seul pays où les accords aient été totalement ratifiés. Mais les projets de loi sur les accords avec le Bénin, la République du Congo, la Tunisie et le Sénégal sont sur le bureau de la Haute assemblée. Les projets relatifs à l'île Maurice et au Cap-Vert, ce dernier ayant été signé la semaine dernière, seront prochainement transmis au Conseil d'État.

Quant au Mali... (Exclamations à droite)

M. Richard Yung.  - Enfin !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...il souhaitait signer pendant la conférence euro-africaine sur le développement. Le ministre malien des affaires extérieures a indiqué publiquement qu'il n'y avait aucun problème technique mais qu'il restait un sujet à régler sur la situation des vieux travailleurs maliens de retour. En outre, il y a aussi une difficulté concernant le retour d'immigrés maliens non pas du continent européen mais africain. Je n'en dis pas plus pour ne pas gêner les autorités maliennes.

Sur la Cimade et les centres de rétention, je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit devant la commission, encore que comme cela n'a servi à rien, je serais prêt à recommencer. (Exclamations à gauche)

M. Henri de Raincourt.  - C'est ça, la pédagogie !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Selon tous les experts, la seule procédure possible est celle d'un marché de prestations de services, c'est-à-dire d'un marché public. J'ai donc décidé de mettre fin à une situation de monopole de fait, sans que cela remette en cause le sérieux et l'honnêteté de la Cimade dont je reçois régulièrement les responsables. Certes, ils ne sont pas totalement d'accord avec la politique que je mène (sourires) mais ce n'est pas pour cette raison que j'ai mis fin au monopole.

M. Richard Yung.  - Un peu, quand même !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - A partir du moment où on a lancé ce nouvel appel d'offres, après avoir tenu compte des remarques faites par le tribunal administratif, six associations ont déposé leurs candidatures. Or, la plupart d'entre elles ne partagent pas nos objectifs, mais cela n'a aucune importance : il faut de la diversité ! Tâchez d'ailleurs de vous en inspirer dans ce domaine comme dans d'autres ! (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Nous, nous ne sommes pas frileux, recroquevillés, cramponnés à une position idéologique.

M. Dominique Braye.  - Soyez ouverts !

M. Richard Yung.  - Et vous donc !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Nous voulons simplement que cela fonctionne et je préfère la diversité au monopole. Je rappelle les associations candidates : le collectif Respect, le Forum réfugiés, France Terre d'Asile, l'Association service social familial migrants, ou Asfam, et l'Ordre de Malte. Espérons que, cette fois, j'aurai été entendu.

M. Alain Gournac.  - Rien n'est moins sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Madame Assassi, je vous écoute toujours avec attention car j'ai la volonté de comprendre vos arguments, même s'il s'y mêle beaucoup d'idéologie.

Oui, la présidence française de l'Union européenne a été un grand succès. Je m'étonne d'ailleurs que vous ne partagiez pas cet avis. Ne discutez-vous donc pas entre camarades ? Le ministre de l'intérieur chypriote, M. Silikiotis, était permanent du parti communiste. C'est le plus enthousiaste, c'est le plus élogieux ! Si je comprends bien, vous avez autant de mal à vous mettre d'accord avec les partis frères qu'entre vous... (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - « Soyez ouverts », venez-vous de dire...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Pourquoi votre camarade soutient-il ce pacte, adopté à l'unanimité ? Parce qu'il a parfaitement compris qu'il permettait d'atteindre un point d'équilibre en les deux écueils que sont l'Europe bunker et l'Europe passoire. Les socio-démocrates allemands, les communistes chypriotes et les travaillistes britanniques l'ont voté.

M. Dominique Braye.  - Des gens raisonnables, quoi !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Auriez-vous raison seuls contre tous, y compris contre vos propres amis ? Ce n'est pas faire preuve d'humilité que de le penser. (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac.  - Belle démonstration !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Concernant le codéveloppement, je n'ai pas bien saisi votre argumentation. (Mme Éliane Assassi s'exclame) Nous ne voulons pas instrumentaliser mais partager et aider les pays d'origine. Quant aux centres de rétention, encore une fois, discutez entre vous ! J'avais cru comprendre que M. Braouezec, député communiste, avait considéré, sur France Inter, que c'était un moindre mal car cela permettait d'éviter la prison...

Mme Éliane Assassi.  - Eh bien, voyez-vous, c'est la diversité au sein du parti !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - S'agissant de la transparence dans les centres, dois-je rappeler que c'est notre majorité qui a créé le contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous y étiez obligés par l'Europe !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sur les centres toujours, mettez-vous d'accord avec Harlem Désir, qui a écrit sur son blog que la Cimade ne pouvait seule assumer cette tâche. Donc, soyez cohérents !

M. Dominique Braye.  - L'incohérence, c'est la raison pour laquelle il n'y a plus de gauche !

M. Richard Yung.  - Arrêtez ce baratin...

M. François Marc.  - Nous ne sommes pas à la kermesse !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sur le nombre d'éloignements, nous n'avons pas encore fixé d'objectifs pour 2009. Les éléments qui apparaissent dans le budget sont, comme l'an passé, de simples références techniques.

Monsieur Dominati, je vous remercie de votre soutien sur la dimension européenne de notre politique, les progrès de l'immigration professionnelle ainsi que d'avoir indiqué que le ministère a obtenu le prix de la modernisation de l'État.

Madame Escoffier, je salue également la mémoire de Jacques Pelletier et ses travaux sur l'aide à l'épargne des migrants : le dispositif proposé n'est pas totalement satisfaisant, ce qui ne nous empêche pas d'avancer sur ce dossier. Vous avez cité la devise de la République. En la matière, mon principe est simple : on ne peut respecter que ce que l'on comprend. Il faut donc mieux expliquer les valeurs de la République aux migrants. Vous souhaitez que je veille à la situation humanitaire, je m'y emploie justement. S'agissant des consignes aux préfectures, dont vous venez de quitter le corps -je vous félicite d'avoir été élue-, je dis et répète que j'ai adressé une circulaire à tous les préfets, il y a dix jours, pour éviter les situations que vous avez évoquées. Ceci devrait satisfaire vos préoccupations. S'agissant de l'accueil des primo-arrivants, la fusion du visa de long séjour et du titre de long séjour sera un progrès. Concernant la régularisation des clandestins, il faudrait, m'avez-vous dit, travailler au cas par cas. C'est justement la politique que j'ai suivie en régularisant 1 000 personnes en Ile-de-France. Un syndicat, qui ne partage pas ma position politique, m'en a d'ailleurs donné acte.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez bien compris qu'il ne s'agit pas d'une diminution du budget de 40 millions mais d'un transfert. Vous devriez vous réjouir que la CNDA soit dotée d'un budget autonome et devienne indépendante, c'est une avancée ! Sur les centres de rétention et l'accueil des familles, vous parliez de populisme, mais attention lorsque vous évoquez la situation des enfants. Voudriez-vous vraiment qu'on les sépare de leurs parents ? Au-delà des postures idéologiques, il faut considérer les situations concrètes... (Mmes Alima Boumediene-Thiery et Nathalie Goulet s'exclament) Sur la possibilité de publier des rapports sur les centres, pardonnez-moi l'expression, mais vous êtes complètement à côté de la plaque ! (M. Dominique Braye rit) J'ai précisé à toutes les associations, dans le cadre du marché public, que cela était possible et qu'elles pouvaient soulever des cas individuels quand les personnes concernées en étaient d'accord. Je suis trop attentif à la liberté d'expression pour la condamner.

Monsieur Ibrahim Ramadani, Mayotte est effectivement soumis à une forte pression migratoire. Je ne me suis pas rendu dans l'île mais le cas est comparable à celui de la Guyane. Des efforts ont été consentis, un troisième radar est opérationnel depuis juillet 2008. Avec une meilleure coordination des moyens entre la gendarmerie et la douane, nous avons obtenu des résultats : 225 kwassas ont été interceptés, autant de drames humains évités... Par parenthèse, j'apprends que nous avons ce matin intercepté un autre bateau à bord duquel se trouvaient seize personnes, dont quatre femmes et deux enfants. Je vais proposer de porter la capacité du centre de rétention de 60 à 140 places d'ici le premier semestre 2011.

Un dernier mot, enfin, sur l'opinion publique de laquelle tout le monde se réclame. L'opinion publique comprend, partage, approuve notre politique (Mme Éliane Assassi le conteste vivement) parce qu'elle est équilibrée, cohérente et juste ! (Vifs applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Examen des crédits

Mme la présidente.  - Amendement n°II-190, présenté par M. Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron.  - Pour mettre en valeur la politique du Gouvernement en matière du droit d'asile, je propose de créer un programme intitulé « Garantie de l'exercice du droit d'asile » auquel seraient transférés les 287,6 millions qui y consacrés dans le programme 303 « Immigration et asile » ; lequel serait renommé, par coordination, « Immigration ».

Je remercie M. le rapporteur spécial d'avoir accepté que je présente cet amendement de clarification politique que la commission aurait pu reprendre.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La commission est très favorable à cet amendement qui évitera ces amalgames auxquels d'aucuns se livrent.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Appliquer cet amendement dès ce budget me semble difficile. Je serais favorable à une telle évolution à condition que Bercy en soit d'accord. Et l'on sait combien le ministère du budget est réservé sur toute modification de la maquette budgétaire. Sagesse.

M. Richard Yung.  - Je vais vous surprendre : je soutiendrai cet amendement car il permet de souligner les crédits consacrés au droit d'asile. Ainsi preuve sera faite que nous ne cherchons pas à instrumentaliser le débat parlementaire.

M. Charles Pasqua.  - Nous ne parlions pas de vous... (Sourires)

M. Richard Yung.  - Ce serait une bonne chose que d'isoler ces crédits dès ce budget.

M. Adrien Gouteyron.  - Je suis prêt à rectifier mon amendement pour tenir compte des observations du ministre, en prévoyant la création du programme, sans transfert de crédits dès 2009. Il serait alors rédigé comme suit : « A compter du projet de loi de finances pour 2010, créer le programme : Garantie de l'exercice du droit d'asile. » En même temps que l'intention politique serait là, on tiendrait compte des difficultés pratiques d'une mise en oeuvre dès 2009.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Même avis : sagesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je me réjouis de la convergence de vues entre le ministre et le rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », qui ayant, à ce titre, longtemps suivi ces questions, tant qu'elles relevaient du ministère des affaires étrangères, a acquis des convictions fortes. J'étais cependant tenté de demander au Sénat de voter l'amendement initial qu'il avait proposé, étant entendu que la commission mixte paritaire a rendez-vous dans deux semaines, ce qui nous laisse le temps de voir si nous devons ou non le valider. Auquel cas nous vous aurions proposé un sous-amendement, pour prendre en compte l'amendement que se proposait de défendre notre rapporteur spécial, ajoutant un million et demi aux crédits déplacés par l'amendement Gouteyron, étant entendu que je m'engagerai, dans ce cas, à faire ce qu'il convient en CMP pour que le Gouvernement ne soit pas gêné dans la conduite de sa politique.

M. Adrien Gouteyron.  - Je souscris à cette proposition et laisse mon amendement en l'état.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-9 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Ce redéploiement, de 1,5 million, du programme « Intégration et accès à la nationalité française » vers l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303, en autorisations d'engagement et crédits de paiement, vise à prendre en compte l'augmentation des demandes d'asile constatées en 2008. Cette somme doit permettre de réduire les délais d'instruction des dossiers en maintenant la qualité de leur traitement. Elle est prélevée sur le fonds de roulement de l'Anaem, qui n'a pas vocation à financer l'aide à l'expatriation des travailleurs français et l'aide à l'emploi des Français établis hors de France, missions déjà assurées soit par l'ANPE ou la Maison des Français de l'étranger, en France, soit par les consulats, à l'étranger. Les 29 emplois concernés seront plus utiles ailleurs.

M. Richard Yung.  - Autant j'étais favorable à l'amendement de M. Gouteyron, autant je ne puis souscrire à ce transfert, qui ne fait que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les Français de l'étranger en seront les victimes, alors que les crédits de formation qui leur sont consacrés ont déjà été réduits de moitié. Si ce sous-amendement était adopté, je ne pourrais voter l'amendement.

Le sous-amendement n°II-9 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°II-190, ainsi sous-amendé, est adopté.

Les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » sont adoptés.

Article 62

I.  -  Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions fiscales

« Art. L. 311-13.  -  A.  -  La délivrance d'un premier titre de séjour figurant parmi ceux mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 311-2 donne lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est fixé par décret entre 200 € et 340 €. Ces limites sont respectivement ramenées à 55 € et 70 € pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour au titre des articles L. 313-7 et L. 313-7-1, du 9° de l'article L. 313-11, du 3° de l'article L. 314-11, ainsi que la carte de séjour portant la mention ?salarié? ou ?salarié en mission? prévue aux 1° et 5° de l'article L. 313-10. Elles sont ramenées à 100 € et 170 € pour les étrangers entrés en France au titre du regroupement familial en tant qu'enfants mineurs.

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers qui sollicitent un titre de séjour au titre des 10° et 11° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-13 et des 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L. 314-11 ni aux travailleurs temporaires et saisonniers mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 313-10. La délivrance d'un visa de long séjour valant ou dispensant de titre de séjour donne lieu, outre les droits de visa prévus par la réglementation en vigueur, à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, de la taxe correspondant au titre de séjour que ce visa remplace.

« B.  -  Le renouvellement des titres de séjour ainsi que la fourniture de duplicata donnent lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est fixé par décret entre un minimum égal à 55 € et un maximum égal à 110 €. Ces limites sont respectivement ramenées à 15 € et 30 € pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour au titre de l'article L. 313-7. La taxe de renouvellement n'est acquittée qu'une fois par période d'un an. Elle n'est pas exigée des réfugiés et des étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire.

« C.  -  La délivrance, le renouvellement et la fourniture de duplicata des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs au titre des articles L. 321-3 et L. 321-4 donnent lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est de 30 €.

« D.  -  Les taxes prévues aux A, B et C  sont acquittées soit au moyen de timbres mobiles d'un modèle spécial à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou à l'établissement public appelé à lui succéder, soit par la voie électronique au moyen d'un timbre dématérialisé, dans les conditions prévues au chapitre II du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts.

« E.  -  Les modalités d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret.

« Art. L. 311-14.  -  L'article L. 311-13 est applicable à la délivrance, au renouvellement et à la fourniture de duplicata des titres de séjour et des documents de circulation pour étrangers mineurs prévus par les traités ou accords internationaux, sauf stipulations contraires prévues par ces traités ou accords.

« Art. L. 311-15.  -  Tout employeur qui embauche un travailleur étranger acquitte, lors de la première entrée en France de cet étranger ou lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié, une taxe au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder.

« Lorsque l'embauche intervient pour une durée supérieure ou égale à douze mois, le montant de cette taxe est de :

«  -   900 € lorsque le salaire versé à ce travailleur étranger est inférieur ou égal à une fois et demie le montant mensuel à temps plein du salaire minimum de croissance ;

«  -   1 600 € lorsque le salaire versé à ce travailleur étranger est supérieur à une fois et demie le montant mensuel à temps plein du salaire minimum de croissance.

« Lorsque l'embauche intervient pour un emploi temporaire d'une durée supérieure à trois mois et inférieure à douze mois, le montant de cette taxe, fixé par décret, varie selon le niveau du salaire dans des limites comprises entre 50 € et 300 €.

« Lorsque l'embauche intervient pour un emploi à caractère saisonnier, le montant de cette taxe est modulé selon la durée de l'embauche à raison de 50 € par mois d'activité salariée complet ou incomplet. Chaque embauche donne lieu à l'acquittement de la taxe.

« La taxe prévue au présent article est perçue comme en matière de recettes des établissements publics nationaux à caractère administratif.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret. »

II.  -  La sixième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 311-9 du même code est ainsi rédigée :

« Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement et financées par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou par l'établissement public appelé à lui succéder. »

III.  -  La section 4 du chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts et l'article L. 5221-10 du code du travail sont abrogés.

IV.  -  Le premier alinéa de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable avant le 31 décembre 2011 aux conjoints et aux enfants d'étrangers dont la demande de regroupement familial a été autorisée avant la publication de la présente loi et ayant acquitté à ce titre la redevance prévue par la réglementation en vigueur.

V.  -  L'article L. 311-15 du même code s'applique aux demandes d'autorisation de travail présentées par l'employeur postérieurement à la publication de la présente loi.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-186, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Sous couvert de simplifier le régime des taxes affectées à l'Anaem, vous supprimez un certain nombre d'exonérations dont bénéficiaient les étrangers dans le cadre du regroupement familial, les étudiants, les salariés, les retraités ou encore les étrangers titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle avec plus de 20 % d'incapacité permanente.

Alors que le rendement de ces redevances a atteint 90 millions en 2008, au lieu des 72 millions prévus en loi de finances, il est inacceptable de supprimer des exonérations et d'augmenter le montant des redevances pour financer l'aide au retour des étrangers en situation irrégulière.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Le budget pour 2009, élaboré dans un contexte de crise internationale de première ampleur, n'autorise pas à renoncer à des recettes dont l'Anaem aura besoin pour faire face à l'augmentation de ses tâches. Je n'ai entendu, venant de vos bancs, que complaintes sur l'insuffisance du budget, et voilà que vous demandez une diminution de recettes ! (Mme Éliane Assassi proteste) Il est pourtant légitime que celles et ceux qui sont accueillis dans notre pays participent un tant soit peu aux charges que crée leur venue. Défavorable.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-17 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

(article L. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)

Après le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2010, le montant de cette taxe est égal à 60 pour cent du salaire versé à ce travailleur étranger, pris en compte dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La taxe versée par l'employeur au titre de l'embauche d'un travailleur étranger, composée de deux paliers, comporte un effet de seuil important à 1,5 Smic. Nous avons voulu le lisser en substituant au tarif actuel un taux proportionnel, jusqu'à 65 % du salaire, dans la limite, cependant, de 2,5 fois le Smic, pour ne pas dissuader l'embauche de travailleurs qualifiés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-28 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. - Les montants prévus aux articles L. 311-13 et L. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont revalorisés tous les trois ans dans la même proportion que l'évolution des prix à la consommation constatée sur la période et arrondis à l'unité supérieure. Il en est de même pour les montants prévus à l'article L. 311-15 au titre de l'embauche pour un emploi temporaire ou saisonnier. La revalorisation triennale prend effet au premier janvier de l'année concernée.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Les droits de timbre présentent le défaut, en fiscalité, de n'être que rarement actualisés. Il s'ensuit des tarifs souvent datés, voire archaïques, sans rapport avec les politiques poursuivies par les organismes qui en bénéficient. Lorsqu'une revalorisation intervient, elle est souvent brutale, afin de compenser le retard pris dans l'actualisation du tarif. En conséquence, il est proposé une indexation automatique des droits de timbre applicables aux étrangers en fonction de l'inflation. Cette revalorisation, périodique, serait appliquée tous les trois ans.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-32, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I ter.- L'article L. 8253-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « ou de l'établissement public appelé à lui succéder » ;

2° Dans la seconde phrase, le montant : « 500 fois » est remplacé par le montant : « 1000 fois ».

M. Pierre Bernard-Reymond.  - L'employeur qui a employé un travailleur étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France peut être condamné à une amende de 1 655 euros. Ce montant n'est pas sensiblement différent de la taxe acquittée par un employeur qui respecte ses obligations légales lorsqu'il emploie un salarié étranger, et qui peut aller de 900 à 1 600 euros. Il serait plus normal qu'un employeur indélicat doive s'acquitter d'un montant double.

La contribution spéciale employeur a longtemps été mal recouvrée. Le législateur a, en 2007, donné de nouveaux moyens à l'administration financière. Ont-ils été, monsieur le ministre, suivis d'effet ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Très défavorable à l'amendement n°II-186. La réforme que nous proposons est cohérente et répond à un principe d'équité, d'efficacité et de transparence. Elle permettra de doter l'Anaem de 20 millions de ressources propres supplémentaires.

Très favorable, en revanche, aux trois amendements présentés par la commission.

L'amendement n°II-186 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-17 rectifié est adopté, ainsi que les amendements nsII-28 rectifié et II-32

L'article 62, modifié, est adopté.

L'article 63 est adopté.