Élection des députés (Urgence)

Mme la présidente.  - Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Discussion des articles

Article premier

I. - Le livre VIII du code électoral devient le livre IX et il est inséré dans ce code un livre VIII intitulé : « Commission prévue par l'article 25 de la Constitution », comprenant les articles L. 567-1 à L. 567-8 ainsi rédigés :

« Art. L. 567-1. - La commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution comprend :

« 1° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République ;

« 2° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de l'Assemblée nationale ;

« 3° Une personnalité qualifiée nommée par le Président du Sénat ;

« 4° Un membre du Conseil d'État, d'un grade au moins égal à celui de conseiller d'État, élu par l'assemblée générale du Conseil d'État ;

« 5° Un membre de la Cour de cassation, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élu par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;

« 6° Un membre de la Cour des comptes, d'un grade au moins égal à celui de conseiller-maître, élu par la chambre du conseil de la Cour des comptes.

« Les personnalités mentionnées aux 2° et 3° sont désignées par le président de chaque assemblée après avis de la commission permanente chargée des lois électorales de l'assemblée concernée. La désignation ne peut intervenir lorsque les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

« La commission est présidée par la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République.

« Art. L. 567-2. - Les membres de la commission sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

« La commission peut suspendre le mandat d'un des membres ou y mettre fin si elle constate, à l'unanimité des autres membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations.

« En cas de décès, de démission ou de cessation du mandat d'un membre pour l'un des motifs précédents, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat est renouvelable.

« Art. L. 567-3. - Les fonctions de membre de la commission sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif régi par le présent code.

« Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

« Art. L. 567-4. - La commission peut désigner en qualité de rapporteur des fonctionnaires de l'État ou des magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, en activité ou retraités.

« Elle peut entendre ou consulter toute personne ayant une compétence utile à ses travaux.

« Elle fait appel, pour l'exercice de ses fonctions, aux services compétents de l'État.

« Art. L. 567-5. - Les membres de la commission s'abstiennent de révéler le contenu des débats, votes et documents de travail internes. Il en est de même de ses collaborateurs et des personnes invitées à prendre part à ses travaux.

« Les membres de la commission ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la commission.

« Art. L. 567-6. - La commission ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents.

« Elle délibère à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

« Art. L. 567-7. - La commission est saisie par le Premier ministre des projets de loi ou d'ordonnance ayant l'objet mentionné au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution. Elle est saisie par le président de l'assemblée parlementaire dont elles émanent des propositions de loi ayant le même objet.

« La commission se prononce, dans un délai de deux mois après sa saisine, par un avis publié au Journal officiel. Faute pour la commission de s'être prononcée dans ce délai, l'avis est réputé émis.

« Art. L. 567-8. - Le président de la commission est ordonnateur de ses crédits. La commission n'est pas soumise à la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. »

II. - Par dérogation à l'article L. 567-2 du code électoral, la première commission prévue à l'article 25 de la Constitution comprend trois membres, autres que son président, dont le mandat est de trois ans non renouvelable. Ils sont tirés au sort par la commission lors de l'installation de celle-ci.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.

M. Bernard Frimat.  - Monsieur le ministre, vous dites attacher beaucoup de prix à la vérité. Eh bien, il n'est pas vrai que nous ayons déposé, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle, un amendement contraire à ce que nous demandons à présent. Notre amendement stipulait : « Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l'avis d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes. » J'ai le compte rendu analytique de cette séance sous les yeux.

Nous sommes favorables à la création d'une commission indépendante, mais nous ne voulons pas d'une pseudo-indépendance. Nous réclamons la suppression de l'alinéa qui prévoit la nomination par le Président de la République d'un membre de cette commission. Le Président de la République est un membre de l'exécutif, et n'a pas son mot à dire sur le mode d'élection des députés. Nous sommes attachés à la séparation des pouvoirs. En outre, nous souhaitons que le redécoupage des circonscriptions soit fait avec plus de rigueur que d'habileté. Or le Président de la République est aujourd'hui, non un arbitre, mais le chef d'un camp ! C'est pourquoi il ne lui revient pas de désigner un membre d'une commission qui doit être indépendante.

Nous avons salué la création d'une commission indépendante. Encore faut-il qu'elle le soit réellement ! Pour cela, les nominations en son sein doivent être consensuelles ; nous n'en prenons pas le chemin.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement est cohérent avec la position du groupe socialiste sur le projet de loi organique. Mais nous avons déjà adopté l'article 5 de ce texte, qui prévoit cette nomination. L'amendement n'a donc pas lieu d'être : avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Pour éclaircir un point d'histoire, je vous lirai le texte d'un amendement à l'article 10 du projet de loi constitutionnelle, présenté par M. Montebourg et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche : « Cette commission indépendante est composée et fonctionne dans les mêmes conditions que celles fixées par l'article 13 de la Constitution. » On ne peut être plus clair !

Mon argumentation est la même que sur votre amendement au projet de loi organique : la rédaction actuelle est équilibrée et garantit le pluralisme au sein de la commission. Le Président de la République a un pouvoir de nomination dans beaucoup de hautes autorités juridictionnelles et administratives, sans que cela nuise à la séparation des pouvoirs ni à la neutralité de ces instances ! D'ailleurs une majorité qualifiée de parlementaires pourra s'opposer à la nomination dont nous parlons. Une fois installée, la commission ne pourra ni être renouvelée, ni recevoir d'instructions.

M. Bernard Frimat.  - Je ne suis pas responsable des initiatives de M. Montebourg, même si j'ai beaucoup d'estime et d'amitié pour lui.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - L'amitié au parti socialiste, on sait ce que c'est !

M. Bernard Frimat.  - M. le rapporteur s'en est sorti par une pirouette, et j'admire ses talents d'acrobate. Quant à l'argument avancé par M. le ministre, selon lequel une majorité des trois cinquièmes des parlementaires pourra s'opposer à cette nomination, permettez-moi de dire que c'est un faux nez ! A voir votre enthousiasme à voter conformes les textes présentés par le Gouvernement, qui peut croire qu'il sera possible de réunir une telle majorité ? Votre crainte révérencielle met le Président de la République à l'abri de toute opposition : dès lors qu'il ouvre la bouche, vous tombez bras en croix, genoux en terre et dites : « Dieu le veut ! ». Il n'y a plus qu'à tirer l'échelle !

Nous avons une certaine idée de l'indépendance. Si l'on vous écoutait, il faudrait demander à l'Académie de revoir son dictionnaire et de définir désormais l'indépendance comme la qualité de ce qui est nommé par le Président de la République ! Belle innovation lexicale !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - C'est un peu facile...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Jolie pirouette !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 2° Deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

M. Bernard Frimat.  - Nous déclinons le même principe : il faut que la nouvelle commission soit pleinement indépendante. Mais je plaide coupable : mes arguments devaient être bien médiocres puisqu'ils n'ont pas convaincu un public si bien disposé...

Depuis sa prise de fonctions, M. le président du Sénat a fait de la transparence et du pluralisme des articles de foi : voici une occasion de mettre les actes en conformité avec les paroles.

Nos amendements n°s3 et 4 tendent à donner aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat le pouvoir de nommer chacun deux membres de la nouvelle commission, l'un à son gré, l'autre sur proposition conjointe des groupes d'opposition. Certes il existe au Sénat des groupes minoritaires...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Eh oui !

M. Bernard Frimat.  - ...mais nous pourrons définir sans difficulté les groupes d'opposition appelés à formuler cette proposition : nous avons tout de même une vague idée de qui appartient à la majorité ou à l'opposition sénatoriales !

M. Pierre Fauchon.  - Vous êtes bien vague !

M. Bernard Frimat.  - Nous aurons ainsi fait progresser le pluralisme, qui est un principe constitutionnel. Que l'on ne nous dise pas que ce seront des nominations partisanes, qui nuiront à l'indépendance de la commission ! Le pluralisme est la condition de l'indépendance ! D'ailleurs vous avez suffisamment d'intuition pour savoir que les groupes d'opposition auront en vue l'intérêt général.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 3° Deux personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

M. Bernard Frimat.  - Il est défendu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - M. Frimat a relevé le problème des groupes minoritaires -je n'insiste pas.

M. Bernard Frimat.  - Cela ne pose aucun problème !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le dispositif prévu par le texte est équilibré et conforme aux usages républicains pour beaucoup d'autorités administratives indépendantes. On ne peut pas accuser le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le Président de la République et les présidents des deux assemblées, d'être partisans ! (On le conteste à gauche) Les membres d'une autorité administrative indépendante ne sont soumis à personne et sont totalement libres de leurs décisions, à tel point que l'on peut parfois s'étonner de certaines manifestations d'indépendance !

L'opposition parlementaire pourra s'exprimer dans le choix des personnalités nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il suffit que court dans les couloirs un début de rumeur laissant penser qu'une candidature ne sera pas acceptée, un peu à l'américaine, pour que celle-ci soit retirée ! La commission des lois fera son travail, comme elle l'a fait pour le contrôleur général des prisons. Je fais confiance au dispositif figurant dans la loi : avis défavorable aux deux amendements.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable. L'idée peut paraître intéressante...

M. Bernard Frimat.  - Elle l'est !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - ...mais il est impossible de prévoir la présence au sein d'une telle commission de personnalités représentant des groupes ou des partis politiques.

M. Bernard Frimat.  - Ce n'est pas l'objet de mon amendement !

M. Pierre Fauchon.  - J'ai déjà dit tout le mérite que je trouve au mode de nomination avec comparution devant les commissions parlementaires. J'aurais pu être tenté de suivre M. Frimat, car je suis pour que l'on donne des gages concrets de pluralisme, mais dans ce cas, il faut faire confiance aux hommes, d'autant que l'on n'accèdera à la fonction qu'après la comparution devant la commission ! Le système proposé par M. Frimat risquerait de favoriser une bipolarisation, un membre se considérant chargé des intérêts de la majorité, l'autre, de ceux de l'opposition ! Mieux vaut en rester à ce que propose le texte.

M. Richard Yung.  - Nous aussi, nous faisons confiance aux hommes, et les exemples positifs sont nombreux. Mais si l'on veut que la commission soit hors du champ du combat politique...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - C'est le cas !

M. Richard Yung.  - ...il ne fallait pas prévoir la nomination de ses membres par trois autorités éminemment politiques ! Il fallait choisir des représentants de la société civile, des universitaires, etc. Les majorités changent : notre proposition est autant une garantie de pluralisme pour nous aujourd'hui que pour vous demain ! C'est un progrès dans l'expression de la démocratie ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les groupes d'opposition sont bien des groupes politiques. Or, selon l'avis constant du Conseil d'État, la notion d'indépendance est incompatible avec l'appartenance à un groupe ou à un parti politique, car il ne peut y avoir de mandat impératif.

M. Bernard Frimat.  - Je trouve votre argumentation extraordinaire ! Nous sommes d'accord que la personnalité qualifiée ne peut avoir de mandat électif. Mais vous déniez à l'opposition toute vision de l'intérêt général : sa proposition serait forcément partisane ! Il ne s'agit pourtant que d'une proposition, la nomination étant le fait du président de l'Assemblée ! Ne peut-on choisir des gens pour leur indépendance d'esprit ? Point n'est besoin d'aller chercher des missi dominici ou des rémouleurs chirurgiens : nous avons besoin de gens qui aient une véritable hauteur de vue, au-delà de toute appartenance politique.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est la position du Conseil d'État, pas du Gouvernement !

M. Bernard Frimat.  - Phénomène extraordinaire, les personnes proposées par trois autorités UMP seraient parfaitement indépendantes, celles proposées conjointement par l'opposition, l'incarnation de l'horreur partisane !

J'ai beaucoup d'amitié pour M. Fauchon, mais nous ne sommes pas dans une démarche partisane. Un système monocolore étouffe la démocratie : il faut une fenêtre de respiration ! Quel spectacle allons-nous donner ! A aucun moment nous n'avons mis en cause les magistrats. Pour nous conformer aux préoccupations exprimées lors du débat constitutionnel, nous voulons une commission qui ne soit composée que de femmes de César, puisqu'on ne soupçonne pas la femme de César...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je constate que vous êtes pour l'ouverture !

M. Bernard Frimat.  - Je n'ai pas voté la révision constitutionnelle ! Je ne m'appelle pas Jack Lang !

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°4

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ;

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Lors des débats sur la révision constitutionnelle, la garde des sceaux nous avait affirmé que cette commission serait composée d'experts : démographes, statisticiens, juristes, géographes. Voici que l'on nous annonce trois magistrats et trois personnalités nommées, dont le président de la commission, nommé par le Président de la République. Que je sache, ce dernier est UMP...

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Ça peut changer !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Tout comme le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ! Peut-on encore parler d'une commission indépendante et neutre ? Au lieu du tout UMP, le respect du pluralisme voudrait que chaque groupe parlementaire nomme une personnalité.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement aggrave le caractère politique de cette commission. De quels groupes parlementaires s'agit-il ? Ils ne sont pas des mêmes au Sénat et à l'Assemblée !

En outre, qui nous dit que les trois magistrats et les trois personnalités choisies ne seront pas des experts ? Sinon, leur nomination sera réfutée par la commission compétente ! Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Bernard Frimat.  - Nous nous abstiendrons sur cet amendement, non faute de partager la volonté d'indépendance qu'il exprime, mais parce qu'il aboutirait à une pondération entre sensibilités politiques et à une prise en compte des intérêts particuliers au sujet desquels le secrétaire d'État aurait passé, dit-on et cela m'inquiète, beaucoup de temps à rassurer. La perspective que nous avions proposée témoignait d'une autre ouverture d'esprit. Nous ne nous attendions pas à ce qu'elle soit partagée et nous n'avons pas été déçus.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.

M. Bernard Frimat.  - Le Gouvernement procède à un décalque de l'article 13 et reprend le faux-nez du vote négatif aux trois cinquièmes sur les nominations du Président de la République. Nous avons toujours dit que cela ne marcherait pas On m'a expliqué les implications d'un vote négatif et M. Gélard a même évoqué les rumeurs dont on sait comment elles courent dans le Sénat. Attaché à la défense des libertés comme je le suis, je ne voudrais pas que se reproduisent des affaires comme celle à laquelle il faisait allusion. Je vais retirer mon amendement car il était cohérent avec une double nomination. La commission aurait pu s'exprimer par un vote simple, mais c'eût été renoncer au rêve du vote conforme.

L'amendement n°5 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

La désignation ne peut intervenir que si les votes positifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le vote négatif des trois cinquièmes est la seule garantie du pluralisme de la commission, et elle est bien faible. Certes, les parlementaires pourront exprimer leur désaccord mais que de freins à cette expression ! La commission ne reflète pas le pluralisme, il faudra réunir les trois cinquièmes : le Président pourra nommer qui bon lui semble. Notre amendement instillerait un peu de démocratie en associant a minima l'opposition.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable, par cohérence avec le dispositif prévu, qui a été calqué sur l'article 13. L'amendement reviendrait à instituer un droit de veto.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Je rappelle que cet article constitue une avancée : en 1985, c'est dans la plus totale opacité que le président de la République de l'époque avait augmenté de plusieurs dizaines les nominations à sa discrétion. La réforme constitutionnelle du 23 juillet marque donc une grande avancée démocratique. La commission se met en place : le tiers de ses membres représenteront les plus hautes juridictions et il y aura des personnalités qualifiées. Vingt-neuf sénateurs pourront exercer leur droit de veto, et 44 députés, sur les nominations du président de leur Assemblée, ainsi que 72 députés et sénateurs sur les nominations du Président de la République. Les personnalités qualifiées seront soumises à leur appréciation et il sera difficile de maintenir des nominations qui recevraient un accueil défavorable. Enfin, la procédure que vous suggérez a été envisagée mais elle se heurte à une impossibilité juridique : elle ne peut être introduite que si elle est prévue dans la Constitution, ce qui n'est pas le cas.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission élit son président en son sein.

M. Bernard Frimat.  - Voici donc une commission pseudo-indépendante, (M. le président de la commission des lois s'étonne) dont toute l'indépendance réside dans le nom. Cerise sur le gâteau, son président sera nommé par le Président de la République ; qu'elle l'ait élu en son sein aurait fait peser sur elle un soupçon d'indépendance... Mais d'indépendance, il ne soufflera pas la plus légère brise et, au lieu du gage pas très coûteux que nous suggérions, le président recevra voix prépondérante. Après les nominations politiques par l'Elysée, le Palais Bourbon et le Luxembourg, la voix prépondérante de son président vient parfaire le verrouillage de la commission : circulez, il n'y a rien à voir ! Ce n'est pas notre conception de la transparence.

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission est présidée par un de ses membres élu en son sein.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, déclarait vouloir que toutes les nominations à des postes importants se fassent désormais sur des critères de compétence et non sur des critères politiques. Une fois élu, il décide de nommer le président de France Télévisions, renouant ainsi avec les pratiques de la vieille ORTF. Pour respecter ses promesses de candidat et par souci de l'indépendance de cette commission, nous proposons, nous aussi, que son président soit élu par ses membres.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - C'était en effet envisageable mais le Gouvernement a choisi une autre voie. Compte tenu de toutes les autres garanties d'indépendance de cette commission dont dispose le Parlement, la majorité de notre commission des lois a rejeté ces amendements.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je voulais faire plaisir à M. Frimat...

M. Bernard Frimat.  - Le pire n'est pas exclu !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous avions en effet initialement prévu une élection du président au sein de cette commission et cela figurait dans le projet déposé au Conseil d'État. Mais celui-ci l'a refusée estimant que cela exposait à un risque d'affrontement interne, préjudiciable au bon fonctionnement ultérieur de la commission. Il a notamment évoqué le cas de l'ancienne CNCL (Commission nationale de la communication et des libertés), mise en place en 1986, dont les travaux avaient été perturbés par l'élection interne de son président. Avis défavorable.

M. Bernard Frimat.  - Je ne peux rester indifférent aux intentions initiales du ministre et je lui en donne acte. Je lui en suis d'autant plus reconnaissant que nous avions souhaité que l'avis du Conseil d'État soit rendu public. Je le remercie donc de lever le voile. Mais j'imagine sans peine la signature du rapporteur qui s'est exprimé sur ce projet... Comme dit le proverbe, « quand on veut, on cherche un moyen, quand on ne veut pas, on cherche une excuse ».

M. Richard Yung.  - Merci de nous avoir donné les raisons du Conseil d'État. Loin de nous l'intention de les discuter, mais elles traduisent tout de même une curieuse conception de l'indépendance de cette commission.

L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-2 du code électoral par deux phrases ainsi rédigées :

Ils sont réunis en deux collèges, l'un composé par les magistrats et l'autre par les personnes qualifiées, élus dans les conditions prévues à l'article L. 567-1 du code électoral. Les membres de cette commission sont renouvelés par collège tous les trois ans, sous réserve des dispositions du paragraphe II de l'article 1er.

M. Bernard Frimat.  - Je le retire : il était cohérent avec nos autres amendements. Si, dans un moment de grande sagesse, vous les aviez adoptés, nous aurions eu une commission de sept membres, un nombre impair renouvelable par collège. Par respect pour les personnalités qualifiées, nous proposions de renouveler d'abord le collège des magistrats. Mais cette représentation par collège n'a plus grand sens. Nous cessons donc de tenter d'améliorer cette commission et de mettre de l'indépendance dans la dépendance.

L'amendement n°7 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Après le mot :

si

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-6 du code électoral :

la totalité de ses membres sont présents sauf cas de force majeure.

II. - Rédiger comme suit le second alinéa du même texte :

Elle délibère à la majorité absolue de ses membres.

M. Bernard Frimat.  - Cette commission est tellement petite et elle se réunit si peu fréquemment qu'elle risque souvent d'arriver, comme les carabiniers, après la bataille. Il est donc important que, sauf cas de force majeure -de vraie force majeure, pas comme dans les réunions de commission du Sénat...-, tous ses membres soient présents et qu'elle délibère à la majorité absolue desdits membres, tant est grande la sensibilité du sujet. Mais il vous faut un vote conforme pour que Xavier Bertrand retrouve son siège à l'Assemblée nationale. On dira que, involontairement, je me fais un peu ici le sous-marin de Jean-François Copé. Chacun a ses querelles, nous avons eu les nôtres, maintenant vous avez les vôtres... (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission  - Elles n'atteignent pas les sommets des vôtres !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Avis défavorable à une contrainte excessive et irréaliste.

L'amendement n°8, repoussé par le Gouvernement, est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la première phrase du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-7 du code électoral, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cet avis relate les positions divergentes éventuellement émises au sein de la commission.

M. Bernard Frimat.  - Cette commission à l'indépendance constitutionnellement proclamée, travaille sur une matière très délicate. Son avis rendu public sera enrichi s'il est éclairé par les problématiques soulevées en son sein. Nous ne réclamons pas un procès-verbal, mais il serait décent que la représentation nationale soit avertie des avis divergents et argumentés qui s'y sont fait jour. Sans rompre la confidentialité des débats, ce serait un progrès vers la transparence et la démocratie. Si d'aventure vous vous y opposiez, j'en conclurais que vous refusez la transparence.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Encore une fausse bonne solution ! C'est inutile. La tradition des opinions divergentes est anglo-saxonne ; elle est en vigueur à la Cour de justice de La Haye et à Strasbourg et a pour effet de rendre illisible toute décision de justice. Un exemple récent : dans le rapport Balladur sur la révision de la Constitution, les opinions divergentes -celle de Pierre Mazeau par exemple- n'avaient aucun rapport avec le sujet traité. Une telle commission ne peut parler que d'une seule voix, sauf à s'exposer à d'interminables contentieux. Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Même avis. Cette commission est un organisme collégial auquel la Constitution confie le soin de rendre un avis public.

Il n'est pas dans notre tradition que les opinions divergentes s'expriment. Voyez comment les choses se passent au Conseil d'État ou au Conseil constitutionnel.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Voilà !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - L'avis rendu collectivement pourra cependant être circonstancié et argumenté, dans les proportions que souhaiteront les membres de la commission.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 est retiré.

L'article premier est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.