Rappels au Règlement

Mme Nathalie Goulet.  - Nous assistons depuis douze jours, totalement impuissants, comme la communauté internationale, aux attaques israéliennes sur Gaza. La situation humanitaire y est absolument catastrophique, la disproportion des forces est patente et il serait tout à l'honneur de notre Assemblée d'organiser un débat sur cette situation.

Je souhaiterais que la Conférence des Présidents examine ma demande car ce débat est d'une urgence absolue dans un Moyen-Orient si prompt à s'enflammer.

M. le président.  - La Conférence des Présidents se réunira ce soir à 19 heures : elle examinera cette demande et échangera avec le président de la commission des affaires étrangères. Ce sujet suscite chez nous tous un sentiment de souffrance et de douleur. Nous devons également répondre à cette situation qui pourrait déstabiliser le Moyen-Orient, et même l'ensemble du monde.

M. Jack Ralite.  - Nous allons aborder l'important débat sur la nouvelle télévision publique, que le Président de la République a qualifié de réforme « historique ». Historique, nous verrons, hystérique, nous l'avons déjà vu ! (Rires et applaudissements à gauche)

Nous sommes le 7 janvier. Or, avant-hier, à 20 h 35, la loi était appliquée ou, plutôt, imposée. Le fait accompli passe avant l'examen minutieux et l'étude contradictoire des textes par notre Assemblée.

Voix à gauche.  - C'est honteux !

M. Jack Ralite.  - C'est très grave car cela revient à dédaigner, insulter, humilier les sénatrices et les sénateurs. (Applaudissements et « Très bien !» à gauche) C'est ensuite une incivilité du pouvoir, voire, et je pèse mes mots, une pratique gouvernementale délinquante. C'est enfin un tripatouillage, un déchirement du droit, un basculement du travail législatif à partir d'une pensée unique et dominatrice.

Au temps du CPE, on avait vu une loi votée, promulguée mais pas appliquée. Aujourd'hui, on voit une loi appliquée mais ni votée ni promulguée ! (Applaudissements prolongés sur les mêmes bancs)

J'espère qu'on entendra ici autre chose qu'une indignation timorée, autre chose qu'un tonnerre de silence ! Si nous nous taisions, le pouvoir prendrait rapidement l'habitude de se passer du Sénat. Notre présidence, qui affiche son désir de changement, doit s'exprimer publiquement et fortement. Autrement, nous serions des élus hallucinés et orphelins de légitimité, mais, pour ce qui nous concerne, décidés à nous battre jusqu'au bout. (Applaudissements prolongés à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - Comme Mme Goulet, nous estimons qu'un débat sur la situation au Proche-Orient est indispensable. Mais mon propos, qui se fonde sur l'article 42 du Règlement, est autre.

Il n'est pas dans mes habitudes de rappeler la Constitution : d'autres collègues le font bien mieux que moi. Néanmoins, l'article 34 de la Constitution dit que la loi est votée par le Parlement. La révision constitutionnelle de juillet 2008 a même ajouté, à l'initiative de notre collègue Assouline et contre l'avis du Gouvernement, que la loi fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias.

Il est donc bien dans la compétence du législateur de fixer les règles qui concernent l'indépendance des médias, notamment dans le secteur de l'audiovisuel. Or cette indépendance tient en grande partie à la capacité des médias à se financer, et donc à ne pas dépendre du bon vouloir du pouvoir.

Madame la ministre, vous avez choisi de faire nommer le président de France Télévisions et de Radio France par le Président de la République et de supprimer la publicité dans les chaînes publiques. Certains d'entre nous estiment que nous entrons dans une sorte de berlusconisation de notre système audiovisuel.

Avec ce rappel au Règlement, je m'élève contre une pratique sans précédent : on nous demande de débattre d'un texte dont une des principales dispositions est d'ores et déjà en application !

M. Guy Fischer.  - C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Bel.  - Notre rôle consisterait donc à entériner des décisions déjà prises ! Il y a là une atteinte aux droits fondamentaux du législateur, du Parlement, et même aux principes de notre République.

Madame la ministre, vous n'avez pas voulu nous entendre sur un sujet essentiel pour tous les démocrates. C'est pourquoi, dans un instant, nous nous retirerons de l'hémicycle lors de votre discours pour marquer notre indignation. Rassurez-vous, nous participerons ensuite au débat pour faire entendre nos positions. (Applaudissements prolongés à gauche)

M. le président.  - Je vous renvoie, monsieur Ralite, aux propos que j'ai tenus sur une radio hier matin. J'ai rappelé que la loi était votée par le Parlement et seulement par lui.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a contradiction !

M. le président.  - C'est donc à ce débat serein et constructif que je vous appelle dans les jours qui viennent : ce projet de loi sera amendé par le Sénat et ensuite, il reviendra à l'Assemblée nationale et à nous-mêmes de voter la loi définitive. Mais c'est à vous d'en décider et c'est à cela que nous sommes appelés. (Exclamations prolongées à gauche ; M. René Garrec applaudit)