Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Charge des poids lourds

Mme Nathalie Goulet.  - Ma question est liée au projet de loi sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement dont nous commencerons l'examen sous peu. De fait, porter la charge des véhicules routiers de 40 à 44 tonnes, comme me l'ont demandé certains industriels en s'appuyant sur l'exemple de la Suède ou des Pays-Bas qui autorisent respectivement-50 et 60 tonnes, permettrait d'éviter bien des gaspillages écologiques, outre que le prix du carburant augmente... Le ministre de l'écologie n'ayant pas donné suite à mes interventions du 27 juin 2007 et du 10 juillet 2008 sur le même sujet, j'espère que j'obtiendrai aujourd'hui une réponse du Gouvernement conforme à l'esprit du Grenelle de l'environnement.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Au nom de M. Jean-Louis Borloo, qui m'a demandé de le remplacer, je puis vous dire que le poids maximal autorisé de 40 tonnes, fixé à l'article R.312-4 du code de la route, retenu par la réglementation européenne pour le transport international, est appliqué en Allemagne ou encore en Espagne. Toutefois, la limite autorisée peut être portée à 44 tonnes lorsque la plus grande partie du trajet s'effectue par voie ferrée ou par voie navigable ainsi que pour la desserte des ports maritimes et des autoroutes ferroviaires, telle celle qui relie Perpignan à Luxembourg, dans un périmètre de 100 km. D'autres dérogations sont prévues pour répondre aux besoins de certains trafics, notamment celui du transport du bois -nous en aurions besoin dans les semaines à venir en Aquitaine !- ou encore des récoltes de betteraves.

A la suite du Grenelle de l'environnement, le ministre d'État a lancé une réflexion sur l'extension de la dérogation applicable aux ports maritimes aux dessertes des installations fluviales afin de rendre plus attractif ce mode de transport écologique. Enfin, la question des équilibres modaux sera sous peu abordée au niveau européen dans le cadre de l'évaluation de la directive de 1996 relative à la charge et aux dimensions des poids lourds demandée par la Commission européenne.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vous remercie infiniment de cette réponse. Mais, selon l'entreprise Roxane Nord dont vous savez l'importance dans le secteur du transport routier, le seul intérêt que le Gouvernement aurait à refuser cette modification serait de placer le chemin de fer dans une situation encore plus inconfortable... Revoyons donc cette décision à l'aune du Grenelle de l'environnement. Pour l'heure, la solution envisagée ne convient pas à un département enclavé comme l'Orne, fort éloigné des ports de pêche...

Liaison est-ouest d'Avignon

M. Alain Dufaut.  - Une fois de plus, j'attire l'attention du Gouvernement sur le retard pris dans la réalisation de la liaison est-ouest d'Avignon. Cette infrastructure routière, qui reliera à terme les autoroutes A7 et A9, décongestionnera la rocade urbaine et désenclavera la gare TGV d'Avignon, difficilement accessible au confluent du Rhône et de la Durance. A l'étude depuis vingt ans, le projet a bénéficié d'une déclaration d'utilité publique le 16 octobre 2003. Or un seul pont sur la Durance est en construction, alors que le contrat de Plan État-Région prévoyait à ma demande la construction simultanée de deux ouvrages. La suite des travaux n'a pas été planifiée au-delà de la livraison de la première tranche en 2009, ce qui menace le développement économique de tout un bassin de vie. Seul le recours à un partenariat public-privé prévoyant une contribution partielle des collectivités territoriales peut garantir la réalisation de la liaison car la solution de la concession nécessiterait de reprendre la procédure de déclaration d'utilité publique au début. Hélas, le préfet de la région Paca n'a toujours pas organisé de tour de table entre les collectivités territoriales concernées, pas plus que le partenariat public-privé n'a été inscrit à la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat.

Dans le cadre du plan de relance de 26 milliards, présenté par le Président de la République, une enveloppe de 10,5 milliards est prévue pour l'investissement. La réalisation des tranches suivantes de la liaison est-ouest, estimée à 250 millions, devra y faire figure de chantier prioritaire d'autant qu'elle ne représentera que 2,5 % seulement des crédits, 1,8 % si les collectivités territoriales contribuent pour moitié au projet. Monsieur le ministre, quand sera conclu le partenariat public-privé qui permettra de financer la suite des travaux ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - A l'occasion d'un déplacement à Châteaurenard, j'ai mesuré l'inquiétude des élus quant à l'avenir de ce projet incontestablement utile pour Avignon, Châteaurenard et tout ce bassin de vie.

Les travaux sur la section centrale ont été déclarés d'utilité publique le 16 octobre 2003. La première tranche, entre Courtine et Rognonas, sera en service fin 2009. L'achèvement de la section a été envisagé dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé. Des discussions ont été conduites par le préfet avec les collectivités territoriales, sans aboutir à un accord. La liaison est-ouest d'Avignon doit, conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, être réexaminée dans le cadre de la revue générale des projets. Après, les discussions sur le bouclage financier pourraient reprendre et, si elles aboutissent, la procédure d'évaluation préalable par la mission d'appui aux partenariats publics-privés pourra être achevée.

M. Alain Dufaut.  - Je sais que vous vous êtes rendu sur place avec le député M. Bernard Reynès et que vous êtes conscient de l'importance de cet ouvrage pour le bassin de vie d'Avignon. Mais votre réponse ne me satisfait pas : après l'achèvement de la première tranche, il y aura une rupture de continuité. Cela sera un dommage pour le Gard, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône. Il s'agit d'un élément essentiel d'aménagement du territoire et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour relancer et finaliser le projet.

Redevance d'assainissement

Mme Esther Sittler.  - La loi du 30 décembre 2005 relative à la redevance d'assainissement renvoie à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles les usagers du réseau d'assainissement doivent « installer un dispositif de comptage de l'eau qu'ils prélèvent sur des sources autres que le réseau de distribution ». Le décret fixe également les conditions dans lesquelles cette consommation d'eau est prise en compte dans le calcul de la redevance d'assainissement. Or, le décret du 11 septembre 2007 ne clarifie rien !

La loi sur l'eau créait une obligation, le décret offre une alternative à l'installation de dispositifs de comptage, en prévoyant que la redevance d'assainissement peut être calculée sur la base de critères tels que la surface de l'habitation et du terrain, le nombre d'habitants, la durée du séjour... Cela semble possible si l'alimentation en eau se fait entièrement à la même source, mais très difficile lorsque l'alimentation se fait pour une part seulement hors du réseau de distribution. Seul un dispositif de comptage permet d'évaluer les quantités rejetées dans le réseau de collecte des eaux usées. En outre, je souligne que le décret laisse l'autorité organisatrice fixer les conditions de transmission des relevés.

Depuis un arrêté du 21 août 2008, les propriétaires de bâtiments dotés d'un système de récupération des eaux de pluie et raccordés au réseau de collecte des eaux usées sont tenus de mettre en place « un système d'évaluation du volume » et de tenir à jour un carnet sanitaire comportant le relevé mensuel des consommations. Cependant, la déclaration des volumes en mairie est obligatoire une seule fois, au moment de la déclaration de l'installation d'un système de récupération des eaux de pluie !

Pourquoi le décret ouvre-t-il une possibilité non prévue par le législateur ? Comment les critères mentionnés sont-ils applicables en cas de prélèvement partiel ? Ne conviendrait-il pas de préciser les conditions de transmission des relevés ? La simple déclaration en mairie ne suffit manifestement pas. Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect de l'obligation de déclaration ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Le dispositif de comptage, généralement implanté au point de prélèvement, enregistre les volumes prélevés pour le logement, l'arrosage du jardin ou l'abreuvage d'animaux. Dans ce dernier cas, la pose de compteurs divisionnaires est obligatoire. En tout état de cause, le comptage n'est possible que sur de l'eau propre.

Dans l'intérêt des collectivités, il fallait prévoir une solution, en cas d'absence de compteur ou lorsque le compteur enregistre des volumes prélevés pour d'autres usages que ceux du logement raccordé au réseau d'assainissement. C'est pourquoi la possibilité d'évaluation forfaitaire de l'assiette a été maintenue. L'arrêté du 21 août 2008 a précisé les possibilités d'utilisation des eaux pluviales dans l'habitation. Il est très difficile d'estimer le volume récupéré. Le plus souvent, seule est possible une évaluation selon les caractéristiques de l'installation. En cas de comptage, les volumes annuels utilisés pourront être retenus pour le calcul de la redevance communale d'assainissement.

Il apparaît donc désormais possible de compléter la rédaction de l'article R. 2224-19-4 en précisant les données de comptage prises en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement. L'évaluation forfaitaire en l'absence de compteurs ou de compteurs aux normes doit être maintenue. Un projet de décret sera donc prochainement soumis à la concertation.

Mme Esther Sittler.  - Il est bon d'encourager comme vous le faites l'installation de dispositifs de comptage. Mais les collectivités, qui organisent le traitement des eaux usées, doivent aussi s'y retrouver financièrement.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Oui !

Liaison ferroviaire Belfort-Delle

M. Martial Bourquin.  - Je veux évoquer la réouverture de la ligne de chemin de fer Belfort-Delle. La ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône doit voir le jour en 2011. Il est indispensable de développer des transports collectifs en lien avec cette nouvelle gare, conformément aux objectifs du Grenelle de l'environnement. Cette ligne assurera l'intermodalité entre la LGV Rhin-Rhône et le réseau classique. Sept haltes pourraient être prévues entre Belfort et la Suisse, ce qui créerait un transport collectif performant, relié au réseau suisse et assurant l'accès des usagers suisses à la nouvelle gare LGV.

Pourtant, la concrétisation de ce projet est bien problématique ! Le financement est inscrit au contrat de projet État-région 2007-2013, il associe l'État, le conseil régional de Franche-Comté, RFF, le conseil général du Territoire de Belfort et l'État fédéral suisse. Le montant inscrit est de 64 millions d'euros, mais le coût désormais évalué se situe entre 84 et 90 millions d'euros. La région, ne pouvant envisager l'abandon du projet, est prête à assumer le surcoût au prorata de sa participation initiale. Mais elle ne peut faire d'effort seule. Faudra-t-il renoncer, faute de volonté politique ? Le Président de la République annonçait en décembre dernier un soutien massif de l'État aux investissements publics, en particulier de transport. Espérons qu'il ne s'agit pas d'un pur effet d'annonce... De quelle manière l'État prendra-t-il à sa charge une partie du surcoût ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - La ligne Belfort-Delle améliorera le trafic ferroviaire en Franche-Comté, avec une desserte de la gare TGV de Méroux, des liaisons TER, des correspondances avec le réseau classique et, vous l'avez souligné, avec la Suisse. Oui, ce projet fait partie des priorités de l'État en Franche-Comté. Il est inscrit au contrat de projet pour un montant de 64 millions sur lesquels l'État apporte 19,85 millions. L'État a confirmé son engagement en ouvrant dès 2007 les crédits nécessaires à la signature de la convention d'études d'avant-projet. Ces études ont montré que le coût final serait supérieur à celui qui avait été inscrit dans le contrat de projet. La deuxième phase des études va permettre d'approfondir les scénarios de dessertes en tenant compte de la suppression des passages à niveau. Quand le coût sera arrêté, le surcoût méritera d'être discuté lors de la révision à mi-parcours du contrat de projet. Il sera possible de redéployer des crédits prévus pour des opérations qui n'auront pas été réalisées.

M. Martial Bourquin.  - Vous me faites part de l'intérêt local, régional et international de cette opération. Vous mettez aussi en avant la mise en place des études mais la question du surcoût ne se pose pas dans les mêmes termes pour les collectivités territoriales et pour l'État : nous ne pouvons monter une opération que si nous avons les crédits correspondants. La question est donc extrêmement concrète et il serait bon de tenir prochainement une réunion opérationnelle afin de mettre le projet sur les rails dès maintenant. Les entreprises du bâtiment et des travaux publics ont besoin de travail : le chantier est prêt ; il ne reste plus qu'à déterminer à quel niveau l'État est prêt à prendre en compte le surcoût.

Redevance domaniale des sociétés autoroutières

M. Éric Doligé.  - La relance passe par l'investissement et le plan du Gouvernement favorise heureusement les infrastructures, qui conditionnent le développement et dont l'Agence pour le financement des infrastructures du transport de France finance la diversification. Alors que la baisse du trafic autoroutier déstabilise les recettes attendues, l'État a décidé d'augmenter de 300 millions la redevance domaniale des sociétés autoroutières. Même si, après discussion, nous sommes revenus à 200 millions, l'économie générale des concessions risque d'être déstabilisée. Le refinancement représentant 80 % du plan financier, c'est tout le projet A19 Artenay-Courtenay qui est compromis par la dégradation conséquente des comptes de la société concessionnaire, celle-ci risquant même la faillite. Le Gouvernement change les règles d'un contrat auquel les collectivités apportent 40 millions, comme l'État, mais avec une clause de retour à meilleure fortune, qui ne pourra plus jouer ; est-ce légal ?

Quelle appréciation portez-vous sur l'avenir des concessionnaires et le Gouvernement ne risque-t-il pas de fragiliser les partenariats public-privé faute de confiance en la pérennité juridique et fiscale des projets ? Je sais que l'État envisage d'allonger la durée des concessions mais il faudrait sans doute revoir l'adossement.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Vous évoquez le projet d'augmentation de la redevance domaniale sur les autoroutes afin de financer l'Agence de financement des infrastructures de transports de France. Je rappelle que la loi de finances pour 2009 prévoit une importante dotation budgétaire pour l'Agence en attendant qu'elle dispose de la ressource pérenne que sera l'éco-redevance sur les poids lourds utilisant le réseau national. Cette redevance va sensiblement modifier les choix des transporteurs ; d'après nos simulations, elle entraînera un report de trafic vers les autoroutes. Il est légitime de tenir compte de ce surcroît de recettes des sociétés autoroutières. Cela pourrait conduire à ajuster la redevance domaniale actuellement calculée en fonction du kilométrage multiplié par le nombre de voies et du chiffre d'affaires des sociétés concédantes. Il faudra examiner s'il y a lieu de modifier ces critères. Nous sommes attentifs à ne pas bouleverser les contrats de concession ; c'est particulièrement le cas de l'A19 qui doit garantir le financement de la dette contractée et est d'une ampleur plus limitée que d'autres contrats. Les ajustements ne rendront pas impossible le financement privé d'infrastructures que nous appelons de nos voeux.

M. Éric Doligé.  - Je vous remercie de cette réponse. Je suis tout à fait d'accord sur la nécessité de doter l'Agence d'une ressource pérenne et je n'ai pas de problème sur l'éco-redevance, dont on ignore encore le retour financier.

Des concours ont été négociés en fonction d'un niveau donné de taxe, un équilibre financier a été défini et un retour financier prévu pour les collectivités. Si l'État prélève plus, cela se traduira dans le compte d'exploitation et le retour financier sera moindre pour les collectivités : ce sont elles qui paieront indirectement l'augmentation de la redevance. J'insiste donc sur cette difficulté ainsi que sur l'éventuel déséquilibre des sociétés autoroutières concessionnaires de petites portions du réseau.

Petit éolien

M. Roland Courteau.  - Le petit éolien, c'est-à-dire les aérogénérateurs dont la puissance est inférieure à 36 KW, est encore accessible au monde rural et les agriculteurs y voient de plus en plus une forme de diversification de leurs activités. Cela représente un potentiel non négligeable de KWh verts pour les campagnes françaises avec un impact psychologique favorable. Plusieurs sources d'énergie renouvelables sont exploitables sur chaque territoire, de la biomasse au solaire, du vent à l'hydraulique ; l'essentiel est d'établir des complémentarités afin de répondre au mieux à la demande. Le petit éolien s'y adapte particulièrement bien, en complémentarité avec le photovoltaïque, tous deux permettant aux acteurs ruraux d'investir directement dans un outil de production de l'énergie renouvelable, à l'échelle d'un particulier, d'une exploitation agricole, d'une collectivité ou d'une collectivité locale. Or, faute de se situer en zone de développement éolien, les petites éoliennes ne bénéficieront pas de l'obligation d'achat et ne pourront donc être raccordées au réseau dans des conditions économiques acceptables. De ce fait, la pertinence économique d'une petite éolienne, déjà compromise par l'absence d'un tarif spécifique adapté, devient quasi nulle. Le Gouvernement veut-il atteindre les objectifs fixés pour 2020 et favoriser le développement de l'espace rural ?

Pour cela, il faut exclure les aérogénérateurs de moins de 36 KW de la réglementation lourde, même s'ils ne sont pas situés dans une ZDE. Il faut aussi réfléchir à la création d'un tarif d'achat adapté au petit éolien.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - M. Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a présenté le 17 novembre dernier le plan de développement des énergies renouvelables issu du Grenelle de l'environnement. Ce programme a pour objectif de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie à l'horizon 2020, grâce à une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production annuelle d'énergie renouvelable. II comprend 50 mesures opérationnelles, qui concernent l'ensemble des filières : bioénergies, éolien, géothermie, hydroélectricité, solaire, énergies de la mer. II a pour ambition un changement complet d'échelle : doublement de la production d'énergies renouvelables en douze ans, multiplication de la production par deux pour le bois-énergie, par six pour la géothermie, par douze pour les réseaux de chaleur, et un changement d'échelle sur le photovoltaïque : une production multipliée par 400.

M. Roland Courteau.  - Tout cela, nous le savons déjà !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce plan sera à haute qualité environnementale. Le développement de chaque source d'énergie devra respecter le paysage, le patrimoine, la qualité de l'air et de l'eau, la biodiversité. Les mesures trouvent leur traduction dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement qui sera prochainement débattu au Parlement, la loi de finances pour 2009, la loi de finances rectificative pour 2008 et des textes réglementaires. (M. Roland Courteau marque son impatience, son irritation, enfin son amusement)

Concernant le petit éolien, le comité opérationnel du Grenelle, auquel ont participé les professionnels des énergies renouvelables, estime que les petites éoliennes, même en grand nombre, ne participeraient que fort peu aux objectifs 2020 et que reste à conduire de nombreuses études de gisement, de performance, de longévité du matériel. Il faut aussi mener un travail de fond sur les autorisations d'édifier et d'exploiter pour mettre en oeuvre de façon satisfaisante la filière et décrire les moyens de la soutenir.

Compte tenu de ces conclusions, il a été décidé de ne pas créer un régime d'exception pour les petites éoliennes. Néanmoins, outre le tarif préférentiel d'achat de l'énergie éolienne quand elles sont situées en zone de développement éolien, les petites éoliennes intégrées aux résidences principales peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt de 50 %.

M. Roland Courteau.  - Je m'attendais à autre chose !Que vous dire ? Vous n'avez fait que lire un texte rédigé par les services de M. Borloo, que nous ne voyons guère dans cet hémicycle... A quoi bon polémiquer avec vous sur la base d'une telle réponse ? Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi sur le Grenelle de l'environnement ; nous verrons bien ce que sera la volonté du Parlement, qui seul peut décider.

Établissement public d'insertion de la défense

Mme Fabienne Keller.  - J'attire votre attention sur l'Établissement public d'insertion de la défense (Épide), appelé aussi « Défense deuxième chance », qui doit beaucoup à Mme Alliot-Marie, lorsqu'elle était ministre de la défense. Cet outil est de grande qualité est très efficace pour aider les jeunes adultes en difficulté. Ceux-ci sont structurés par l'accueil en internat, l'équilibre entre les enseignements, la pratique sportive et la démarche professionnelle, organisée autour de stages et de partenariats avec des entreprises. Ils peuvent ainsi retrouver un chemin constructif dans notre société. Cette structure, remarquable par la qualité de son encadrement, doit beaucoup au ministère de la défense et à son personnel d'encadrement, issu de l'armée française.

Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, de vous être déplacé ce matin pour répondre à cette seule question : le Gouvernement entend-il confirmer son soutien à ce dispositif, par la coordination entre les trois ministères de la défense, de l'emploi et de la ville ? Je souhaite aussi connaître précisément le devenir et les perspectives de développement de ce dispositif, qui lui paraît être un élément important de notre politique de cohésion sociale. Je m'inquiète pour l'établissement de Strasbourg, que j'ai vu se développer et qui est désormais particulièrement bien intégré dans les processus d'insertion des jeunes.

Le rapport remis au Conseil économique et social le 21 janvier a souligné la qualité de ce dispositif.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Je tiens tout d'abord à vous remercier pour cette question qui marque votre intérêt pour le dispositif « Défense deuxième chance » porté par l'établissement public d'insertion de la défense. Je vais vous répondre très directement : je m'exprime au nom du ministre de la défense, mais aussi en mon nom propre puisque j'avais personnellement souhaité que Mulhouse accueille un centre de la deuxième chance. Je suis responsable de ce dossier, dont je défends l'actualisation. J'étais la semaine dernière au Conseil économique et social pour y entendre l'excellent rapport de Mme Geng qui a dressé un bilan très positif, très réaliste et très constructif de cet excellent dispositif.

La Défense, tout comme les deux autres ministères de tutelle de cet établissement public, le ministère chargé de l'emploi et celui du logement et de la ville, soutient plus que jamais l'idée d'une insertion professionnelle des jeunes, sur une base volontaire à l'aide d'une pédagogie inspirée de la discipline militaire. La meilleure preuve de cet intérêt réside dans la validation, en novembre dernier, du premier contrat d'objectifs et de moyens de cet établissement public. Ce premier COM donne à l'établissement la visibilité nécessaire à sa stabilisation sur les trois prochaines années. Le format de 22 centres maximum est réaffirmé, ce qui permettra un redéploiement au profit de centres, déjà ouverts ou à ouvrir dans des bassins d'emploi et de vie adaptés à l'activité d'insertion professionnelle de jeunes en voie de marginalisation.

Les premiers résultats du centre de Strasbourg confirment la pertinence de son implantation. C'est un centre dont l'activité sera progressivement renforcée sur les prochaines années.

Mme Fabienne Keller.  - Je vous remercie pour votre implication personnelle dans ce dossier. Sans votre action, ce premier contrat d'objectifs et de moyens n'aurait peut-être pas été bouclé.

Chaque année, lors des journées d'appel et de préparation à la défense, on recense 60 000 jeunes en sérieuses difficultés. C'est peut-être sur cette base qu'on a évalué à 20 000 le nombre de places qui seraient utiles en Épide. On en est à dix fois moins... Il faut de nouvelles places pour donner une deuxième chance à ces jeunes, pour Mulhouse et pour Strasbourg !

CCEFP

Mme Claudine Lepage.  - J'attire votre attention sur les vives préoccupations que suscite dans l'Union européenne le devenir des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle. Leur fermeture évoquée éveille de grandes inquiétudes, exacerbées par la situation économique actuelle.

Il est ainsi question de fermer celui de Munich en 2010, voire dès 2009. Le bilan de ses activités est pourtant très satisfaisant : il comptabilise 112 embauches sur l'année 2008, malgré le ralentissement économique. Son taux de placement est comparable à celui de l'année précédente, pour un coût qui demeure bas : 300 euros en moyenne par placement.

On peut s'interroger sur la nécessité de transformer ces comités, pourtant performants, en services de type associatif. Cette mutation présente de multiples inconvénients. A service égal, le coût de ces nouvelles structures serait le double ! La philosophie même du service, qui évolue vers une logique d'aide à l'entreprise plutôt qu'aux candidats, suscite des interrogations et des préoccupations, au seuil d'une crise qui risque de durer et qui promet une recrudescence de licenciements économiques.

Certes, les Français établis à l'étranger peuvent se tourner vers les agences locales pour l'emploi. Mais le service offert leur est moins bien adapté : aucune information sur les spécificités du marché local de l'emploi ne leur est proposée. D'ailleurs les opérateurs locaux réorientent très souvent nos compatriotes vers les services des consulats, mieux aptes à leur répondre.

L'avenir des CCEFP suscite l'inquiétude de leurs employés, souvent recrutés localement par l'État français, et qui viendraient grossir les rangs des demandeurs d'emploi alors que les perspectives sont partout très sombres pour les années à venir.

Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.  - L'avenir des CCEFP suscite, vous l'avez dit, quelques inquiétudes ; mais nous devons y réfléchir pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la citoyenneté européenne et le principe de non-discrimination entre les ressortissants des pays membres de l'Union européenne nous conduit à nous interroger. Les enquêtes menées au cours de la présidence française ont révélé que la France était le seul pays de l'Union à intervenir à l'étranger en faveur de l'emploi de ses ressortissants : cela pose un problème de validité au regard du principe communautaire de non-discrimination. En outre, ces études ont montré que le droit européen était correctement appliqué à nos compatriotes, notamment en ce qui concerne l'accès aux services de placement.

Ensuite, le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé de réorganiser la carte des ambassades et des consulats et de réduire le réseau consulaire dans l'Union : cela se traduira par la suppression en trois ans de six postes en équivalent temps plein dans le domaine de l'emploi.

J'ajoute que les dotations inscrites dans la loi de programmation des finances publiques sur la période 2009-2011 conduiront à une forte pression sur les crédits sociaux de ce département, et donc à une réorientation des moyens en faveur de la formation professionnelle et du placement de nos ressortissants en Afrique, dans l'Océan indien et au Maghreb.

Enfin, sur les 41 comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle, seize sont implantés dans l'Union européenne. Ils ont réalisé en 2007 la moitié des placements et bénéficié de près de 44,5 % du montant des subventions attribuées par la commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle, contre 30,6 % pour le continent américain, 13,8 % pour l'Asie et 10 % pour l'ensemble formé par l'Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient.

Nous souhaitons mettre fin à l'activité de placement stricto sensu, mais les consulats généraux garderont un rôle de conseil et d'information. Pour les appuyer dans cette tâche, nos diplomates ont été invités à identifier des partenaires privés ou publics locaux avec lesquels ils pourraient travailler en partenariat. Une convention définissant les services attendus pourrait être signée entre le poste et le prestataire.

Les consulats généraux seront également invités à diffuser les informations utiles à nos compatriotes en les mettant en ligne ou en éditant des fascicules. Cela rejoint votre souhait de voir compléter l'activité des agences locales de placement par un service de conseil adapté au public français.

Nos ressortissants peuvent également avoir accès au réseau européen Eures, qui a pour objet de faciliter la mobilité des travailleurs en Europe et compte 700 conseillers, ainsi qu'au service international de l'ANPE et à l'Espace emploi international.

Le recours à des organismes de type associatif permet de réduire notablement les coûts de fonctionnement : 27 CCEFP sont hébergés par des structures associatives comme les chambres de commerce et d'industrie ou les associations consacrées à l'emploi. Le partenariat avec les chambres de commerce et d'industrie assure une plus grande proximité avec les entreprises et permet de réaliser des recettes grâce à la tarification du service rendu aux sociétés. La part d'autofinancement des centres progresse régulièrement depuis 2005 : 416 000 euros de recettes sont venus s'ajouter en 2007 aux 549 000 euros de subventions publiques. En outre, dix-sept chambres ont développé un service de l'emploi sans participation du ministère.

En ce qui concerne la situation des agents de droit local, le ministère s'attachera à organiser les suppressions de poste en prenant en compte les situations individuelles et en veillant à la stricte application du droit local. Il procédera par voie de consultation des CCEFP des ambassades et consulats.

Mme Claudine Lepage.  - Merci de votre réponse. La bonne application du droit européen aux ressortissants français est un voeu pieux : j'ai vécu 35 ans dans d'autres pays européens, et j'ai constaté que les discriminations prenaient parfois des formes insidieuses : on reproche à nos compatriotes de ne pas maîtriser assez bien la langue du pays, ou l'on refuse de reconnaître la valeur de leurs diplômes, surtout en ce qui concerne la formation professionnelle.

Je souhaite en outre que nos services conservent un rôle d'information sur les spécificités locales du marché du travail.

Création d'un "Pôle national de la statistique publique"

M. François Rebsamen.  - Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie sur le projet de création d'un « Pôle national de la statistique publique », décidé sans concertation préalable au cours de l'été 2008. Je m'interroge sur les effets néfastes de cette décision, d'une part sur le droit des citoyens, des acteurs économiques, sociaux, syndicaux, associatifs et politiques à une information objective sur les réalités économiques et sociales, d'autre part sur l'avenir des directions régionales, notamment celle de Dijon qui compte aujourd'hui 145 agents.

Présenté dans un rapport remis au Premier ministre comme une création et un regroupement, ce projet apparaît plutôt comme le démantèlement d'activités existantes par le transfert de 543 postes dont 310 seraient issus des directions générale et régionale de l'Insee et 142 des centres nationaux informatiques. Or les deux tiers du personnel de l'Insee travaillent aujourd'hui en région pour répondre aux besoins d'expertise des territoires, assurer le suivi des enquêtes et mettre à profit leur connaissance du terrain. II serait incohérent et dangereux d'imposer une délocalisation de tout ou partie de ces services par une décision prise dans l'urgence et sans concertation.

La production de statistiques de qualité repose sur le savoir-faire d'un personnel spécialisé. Une délocalisation exposerait l'Insee à de nombreux départs d'experts en poste, comme l'illustre l'exemple britannique.

Début septembre, le Président de la République annonçait à des élus de Moselle, département le plus touché par les restructurations dans l'armée, des mesures de compensation, parmi lesquelles la délocalisation d'un millier d'emplois de la statistique publique à l'horizon 2011. Mais l'Insee ne doit pas servir à compenser d'autres réformes ! Ce projet, s'il arrivait à terme, menacerait l'existence même d'établissements régionaux, comme celui de Dijon qui approcherait du seuil de viabilité d'un établissement régional fixé à 80 agents.

Une délocalisation coûterait sans doute très cher, mais les éléments de chiffrage du coût de l'opération ont été supprimés du rapport public : je souhaite que le Gouvernement nous donne des précisions à ce sujet, et nous fasse savoir si les bénéfices de la délocalisation ont été évalués. Quelles mesures d'accompagnement sont prévues pour les agents démissionnaires ?

Ce projet risque de porter atteinte à la qualité et à l'indépendance des travaux de l'Insee et aux conditions de vie et de travail des agents, et de se solder par le démantèlement du service statistique public. Je demande donc au Gouvernement de revenir sur sa décision.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Lagarde.

Le Président de la République a souhaité relancer une politique d'implantation d'emplois publics en région, afin de contribuer à l'activité économique de nos territoires, de réduire le coût de gestion des administrations, notamment en matière immobilière, et d'augmenter les synergies entre les services publics.

Compte tenu de la restructuration des forces armées, il a souhaité que cette politique s'applique prioritairement à l'agglomération de Metz. Située à proximité de l'Office statistique européen et desservie par le TGV, cette ville se prêtait particulièrement bien à accueillir le service statistique public.

Le Premier ministre a donc demandé à M. Jean-Pierre Duport, vice-président du Conseil national de l'information statistique, et à M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, de dessiner les contours de ce futur centre en prenant en compte les objectifs suivants : préserver la qualité de la production du service statistique public, apporter une valeur ajoutée au fonctionnement des administrations en exploitant toutes les synergies, créer à Metz un acteur important du service statistique public et un bassin d'emploi attractif pour les agents, et enfin faciliter l'installation des agents par des mesures d'accompagnement. MM. Duport et Cotis ont transmis le 2 décembre dernier leur rapport au Gouvernement, et le Premier ministre a rendu sa décision le 15 janvier.

Ce centre reposera sur quatre piliers : statistiques sociales et locales, produits de diffusion, ressources humaines et informatique. Il comptera environ 620 employés, dont 500 provenant du service statistique public -direction générale de l'Insee, directions régionales, centres nationaux informatiques, Dares et Drees- et 120 créés sur place, pour le centre d'enquêtes téléphoniques et le centre de formation aux statistiques européennes. La création du master de statistiques publiques européennes sera mise à l'étude, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les modalités de mise en oeuvre du projet et les mesures d'accompagnement feront l'objet de concertations avec les organisations représentatives dans les meilleurs délais.

Il s'agit là d'une mesure d'aménagement du territoire et de solidarité nationale envers les régions touchées par la réforme de la carte militaire. Croyez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est attentif à la qualité de la statistique publique et à ses personnels, qui remplissent leur mission avec une compétence et un dévouement exemplaires.

M. François Rebsamen.  - Je suis moi-même, comme tous les habitants du grand Est, très soucieux de voir compensé, à Metz, le retrait de certains éléments militaires. Reste que l'opération de rapprochement entre l'Insee et Eurostat ne saurait se faire au détriment des activités de l'Insee. La relation étroite entre l'Insee, les autres services du ministère et la recherche doit être préservée. J'observe enfin, madame la ministre, que vous n'avez pas apporté de réponse sur le coût de l'opération pour les finances publiques, notamment en termes de personnel. Je m'inquiète des menaces qui pèsent sur les directions régionales, qui contribuent grandement à l'expertise des territoires, tandis que les élus travaillent à partir des statistiques fournies par l'Insee.

La séance est suspendue pour quelques instants.

Application de la loi "handicap".

M. Jean-Pierre Michel.  - Il n'est pas de coutume de rappeler au Règlement lors de ces séances de questions orales, mais je souhaite néanmoins appeler l'attention du Bureau sur les conditions dans lesquelles se déroulent souvent ces séances. Si M. Marleix, qui vient de nous rejoindre, a toute légitimité pour répondre en lieu et place de Mme Alliot-Marie, j'observe que Mme Yade a dû répondre à une question adressée à Mme Lagarde, et que M. Marleix devra répondre tout à l'heure à une question d'importance adressée à Mme Dati. Tout cela n'est pas très correct et je me demande si l'on ne se moque pas des sénateurs.

J'en viens à ma question, qui porte sur les conséquences, pour les collectivités locales et en particulier les communes, de l'application de la loi handicap, qui leur impose de rendre accessibles les bâtiments et les espaces publics aux personnes handicapées et à mobilité réduite d'ici à 2015. Cette volonté politique, parfaitement légitime, et que je partage, répond à une exigence d'intégration sociale pour ceux qu'ont frappés les aléas de la vie.

La solidarité n'a pas de prix mais elle a un coût, qu'il convient de mutualiser. Dans mon département, la Haute-Saône, le conseil général a décidé d'aider les communes rurales à conduire les études et à réaliser les travaux nécessaires à cette mise en conformité des lieux publics. Les communes doivent, en effet, supporter des charges de plus en plus lourdes et souvent imposées par l'État -passeports biométriques ou service minimum d'accueil dans les écoles, pour citer deux exemples récents. Les maires, sont vivement préoccupés par les dépenses publiques nouvelles que la mise aux normes des bâtiments, trottoirs, voiries impliquera pour les budgets communaux. Pour les élus de proximité, concilier respect de la loi, effort de solidarité et modération fiscale est devenu le triangle introuvable.

Ne serait-il pas opportun de mettre en place une enveloppe exceptionnelle et bonifiée, dans le cadre de la dotation globale d'équipement (DGE) à l'occasion des prochaines lois de finances, pour que l'État appuie l'engagement des communes au profit de la lutte contre les handicaps ?

M. le Président.  - Je vous donne acte de votre observation.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Je vous prie d'excuser Mme Alliot-Marie, ainsi que mon retard : il est vrai que les travaux sur le boulevard Saint-Michel font un peu du Sénat une citadelle inaccessible !

Vous vous inquiétez des difficultés d'application de la loi du 11 juillet 2005, en particulier pour les petites communes. Rendre la cité véritablement accessible aux handicapés impose de fait de nouvelles charges à l'État, mais aussi aux collectivités locales et aux entreprises. Cette exigence n'ouvre pas droit à compensation, puisqu'il s'agit d'une mesure de caractère général. Je suis néanmoins attentif aux charges imposées aux communes. Le Gouvernement est déterminé à mieux associer les collectivités à l'élaboration des normes qui les engagent et c'est dans cette optique qu'il a mis en place la Commission consultative d'évaluation des normes, laquelle est préalablement consultée sur l'impact financier des mesures réglementaires qui créent ou modifient des normes à caractère obligatoire pour l'ensemble des collectivités. Les projets qui lui sont soumis doivent être accompagnés d'une analyse de ces incidences financières, directes et indirectes.

Dans le cas qui nous occupe, la Commission a évalué le 8 janvier dernier le projet de décret relatif à l'accessibilité et à l'aménagement des lieux de travail Elle a souhaité différer son avis dans l'attente d'un chiffrage plus précis. Je veillerai à ce que ses recommandations, dès lors qu'elles seront compatibles avec les obligations fixées par la loi, soient prises en compte. Je vous rappelle aussi que la DGE peut être mobilisée pour subventionner les travaux d'accessibilité, sachant cependant que les catégories d'opérations prioritaires éligibles dépendent des choix arrêtés dans chaque département par la commission d'élus compétente. Enfin, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009 pour la mise en oeuvre du plan de relance, en cours d'examen devant le Parlement, le Gouvernement a proposé une mesure de soutien à l'investissement local. Le versement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA constituera, en 2009, une recette supplémentaire importante pour les communes. Elle pourrait utilement être mobilisée pour réaliser les travaux d'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments publics. Croyez que le Gouvernement attache, comme nos concitoyens, la plus grande importance à ce dossier.

Vote électronique

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les dysfonctionnements survenus à Paris lors du vote électronique aux élections prud'homales incitent à s'interroger à nouveau sur un mécanisme électoral pouvant donner lieu, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, à des incidents risquant d'accroître la réticence psychologique des citoyens en raison de la rupture du lien symbolique entre ces derniers et l'acte électoral. Dans ses observations de septembre 2007 sur les élections législatives, il avait souligné les errements potentiellement inhérents aux machines à voter. Sans se poser en adversaire de principe des ordinateurs de vote, le juge suprême rappelait qu'il avait été saisi d'un certain nombre de réclamations portant, notamment, sur l'impossibilité d'effectuer des tests de bon fonctionnement et d'imprimer des procès-verbaux. Aucun de ces dysfonctionnements n'a donné lieu à examen, compte tenu des écarts de voix entre les candidats.

Cependant la dématérialisation du bulletin constitue une rupture radicale, aux conséquences considérables sur le processus de vote, et dont les risques ne doivent pas être sous-estimés. Dans le système actuel le citoyen est impliqué dans le processus électoral, notamment par l'intermédiaire du dépouillement public. La simplicité du processus de vote est un élément essentiel de la confiance que peuvent y mettre les citoyens. Les innovations techniques liées au fonctionnement de notre vie démocratique ne doivent pas être subies mais pensées par l'ensemble de la société. Un large débat public à ce sujet s'impose, avant les prochaines échéances électorales.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Mon département ministériel n'étant pas chargé de l'organisation des élections professionnelles, je ne me prononcerai pas sur les difficultés rencontrées lors des dernières élections prud'homales : c'est l'affaire du ministère du travail. Il n'en est pas moins vrai que le vote électronique représente un enjeu pour la vie démocratique d'une société où se diffusent sans cesse davantage les outils numériques.

A la suite des problèmes rencontrés lors de l'élection présidentielle de 2007, un groupe de travail a procédé à une série d'auditions sur le vote électronique. Dans son rapport, il a estimé qu'il fallait continuer à utiliser les machines à voter, tout en recommandant de modifier certaines dispositions législatives et réglementaires ainsi que le règlement technique qui leur est applicable. Ces adaptations sont en cours ; elles pourraient être insérées au projet de loi relatif à la modernisation de la vie démocratique locale qui pourrait, je l'espère, être débattu avant la fin de l'année. La révision du règlement technique a également été engagée avec le secrétariat général de la défense nationale.

Au cours des débats sur le « paquet électoral », devant les deux assemblées, la question du vote par internet pour l'élection des députés des Français de l'étranger a été soulevée. Là encore, la réflexion doit être poursuivie, et rapidement : je m'y suis personnellement engagé lors de la discussion parlementaire. Le Bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger, les associations qui les représentent et les parlementaires seront consultés et participeront à cette réflexion. Je note qu'au Sénat, le débat a été particulièrement dense et riche.

La fiabilité et la transparence des systèmes sont nécessaires. Nous avons donc besoin d'un débat objectif, c'est-à-dire éclairé par des avis techniques et scientifiques. Tel est le sens de l'action politique qui sera conduite, avec le souhait d'avancer dans ce dossier, car il n'est pas concevable qu'une société comme la nôtre, où les nouvelles technologies de l'information et de la communication se développent, en reste à des modes de votation obsolètes. La concertation se poursuivra.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - S'il est vrai que les nouvelles techniques imposent d'évoluer, il faut reconnaître que le vote électronique ne favorise pas la participation électorale. J'espère un débat qui parviendra à trouver un juste équilibre entre technologie et démocratie.

Fermetures de tribunaux dans l'Aveyron

M. Alain Fauconnier.  - Comme je l'ai dernièrement souligné dans cet hémicycle au sujet de la gendarmerie, le sud du département de l'Aveyron a connu, ces dernières années, une amputation brutale de ses services publics. Il n'est pas le seul à subir la politique purement comptable du Gouvernement. Mais la répétition des attaques contre l'hôpital, les écoles, la poste, la Banque de France, les trésoreries ou la gendarmerie font que, à la longue, les élus, de sensibilités différentes, comme la population, finissent par se dire que « trop c'est trop » !

La charge est aujourd'hui menée contre la justice. Au terme d'un processus commencé il y a deux ans, sans raison aucune, sans concertation et d'une manière toute souveraine, la garde des sceaux a décrété la suppression du tribunal de grande instance de Millau et celle du tribunal d'instance de Saint-Affrique, cité dont j'ai l'honneur d'être le maire ; cela, malgré les conséquences extrêmement néfastes pour le travail judiciaire comme en témoigne, par exemple, un fait divers tout à fait actuel, l'arrestation d'un criminel, à Millau, dont le tribunal instruit actuellement le dossier et dont on se demande à qui, après la fermeture, échoira cette mission. A Rodez ? A Montpellier ? A Toulouse ? Avec tout ce que cela impliquera de perte de temps et d'argent, dans un territoire particulièrement vaste où les gendarmes requis pour encadrer le prévenu passeront leur temps sur les routes, à moins que ce ne soit le juge d'instruction qui lui aussi se déplacera en permanence ! S'il reste encore un juge d'instruction...

En attendant la réponse aux légitimes recours déposés par les élus devant le Conseil d'État, la fermeture des tribunaux de Millau et de Saint-Affrique devait initialement être effective le 1er janvier 2011 ce qui, à défaut de satisfaire la population, les professionnels et les élus, leur laissait au moins un peu de temps pour se préparer. Or, récemment, ces derniers ont appris que, finalement, par une nouvelle décision aussi régalienne que la précédente, et qui n'est assortie d'aucune explication, cette fermeture vient d'être avancée au 1er octobre de cette année ! Qu'est-ce qui a motivé cette nouvelle décision, tout droit sortie du « bon plaisir » de l'Ancien Régime ? Qui l'a prise ? Et dans quel but ?

Le Gouvernement ne ferait-il pas mieux d'instituer un moratoire des services publics avant toute fermeture, cela afin de ne pas davantage « déliter » la Nation qui, au lendemain de la crise, a plus que jamais besoin de la présence de l'État ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, retenue par la séance solennelle d'ouverture de la Cour des comptes sur la réforme de la carte judiciaire.

La révision des implantations judiciaires doit prendre effet pour tous les tribunaux d'instance le 1er janvier 2010 et pour tous les tribunaux de grande instance le 1er janvier 2011. Toutefois, dans l'intérêt tant des justiciables que du bon fonctionnement des juridictions, il importe que cette réforme se mette en place de manière progressive et échelonnée tout au long de l'année. Et un juge d'instruction peut se déplacer ; ce n'est pas déchoir que de se déplacer...

Ainsi, lorsque les situations individuelles de chacun des agents concernés par la réforme sont réglées et que l'infrastructure immobilière de la juridiction de rattachement est prête à accueillir la juridiction regroupée, la date du transfert de l'activité peut être avancée, sur proposition des chefs de cours d'appel, après avis des assemblées des juridictions concernées, des structures locales de dialogue social et des auxiliaires de justice.

C'est le cas du tribunal de grande instance de Millau dont la suppression pourrait intervenir dès le 1er octobre 2009. Pour cette juridiction, les services de la Chancellerie se sont assurés que toutes les conditions nécessaires à la fermeture anticipée étaient réunies et ils ont procédé aux consultations nationales nécessaires. Un projet de décret permettant cette anticipation est en cours de signature.

En revanche, le reclassement des fonctionnaires du tribunal d'instance de Saint-Affrique n'ayant pas encore trouvé de solution, il n'est pas, en l'état, envisagé de modifier la date de suppression de cette juridiction, fixée par le décret du 30 octobre 2008, au 1er janvier2010.

M. Alain Fauconnier.  - Cette réponse ne me surprend pas ni ne me satisfait. Déjà il était inacceptable de fermer ces deux tribunaux en 2011, sans aucune concertation. Lorsque le président du TGI de Montpellier est venu à Saint-Affrique pour annoncer cette réforme, j'étais dans ma mairie : je ne l'ai jamais vu ! Et maintenant, on nous annonce que la fermeture est avancée au 1er octobre ! Le bâtonnier de Millau aurait déclaré y être favorable : en tout cas, il n'y a eu aucune réunion des avocats et ceux-ci ont vigoureusement protesté contre cette déclaration...

Cystite interstitielle

M. Michel Houel.  - La cystite interstitielle est une maladie inflammatoire chronique de la vessie extrêmement douloureuse, qui débute en moyenne entre 30 et 40 ans et touche essentiellement les femmes. Plus fréquente qu'on ne le croit, elle se caractérise par un besoin urgent et très fréquent d'uriner avec des douleurs au niveau du bas ventre.

Le manque d'autonomie qui en découle peut avoir des conséquences importantes sur la vie professionnelle, sociale et familiale. Les patients doivent adapter leur mode de vie et l'impact psychologique est considérable : plus de 50 % d'entre eux sont déprimés et le taux de suicide est quatre fois plus élevé que dans le reste de la population. Une majorité de malades ne peuvent plus travailler à temps plein et leur qualité de vie est comparable à celle des dialysés.

Le décret du 3 mars 2008 facilite la prise en charge des patients souffrant de maladies rares ou graves, et le plan de 2007 pour l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques vise à offrir des soins de qualité pour limiter la perte d'autonomie. Ce sont des avancées mais cela ne suffit pas : ces malades subissent un handicap quotidien, ils ne peuvent ni marcher ni rester debout très longtemps, ni rester en position assise.

Je demande à Mme la ministre de la santé de faire en sorte que ces malades disposent d'une carte officielle de priorité pour personnes handicapées, reconnaissant ainsi leur invalidité.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - La cystite interstitielle, qui provoque d'intenses douleurs ainsi que des mictions fréquentes et urgentes, de jour et de nuit, toucherait une femme sur 1 000 en France.

Son diagnostic, dit « d'exclusion », doit être établi dans une consultation spécialisée d'urologie. La prise en charge thérapeutique doit associer des mesures hygiéno-diététiques, un traitement médicamenteux ou neurophysiologique, des instillations vésicales et des séances de kinésithérapie.

Les personnes atteintes peuvent se prévaloir du décret du 3 mars 2008 qui organise la « prise en charge à titre dérogatoire de certaines spécialités pharmaceutiques, produits ou prestations ». Toute demande de carte d'invalidité est instruite par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, au sein de la Maison départementale des personnes handicapées. Cette carte est délivrée à toute personne dont l'incapacité permanente est au moins de 80 % et qui perçoit une pension d'invalidité classée en troisième catégorie par la sécurité sociale.

M. Michel Houel.  - Pour la première fois, j'entends que la carte d'invalidité peut être demandée auprès de la Maison départementale du handicap. Je m'en félicite car il est très désagréable, pour une personne touchée par cette maladie, de devoir se justifier dans un café pour aller aux toilettes sans consommer ou de faire admettre sa situation par son employeur. Je vous remercie.

Bruit nocturne à l'hôpital

M. Alain Gournac.  - Le bruit nocturne à l'hôpital est un sujet d'importance majeure.

M. René-Pierre Signé.  - Surtout dans les couloirs !

M. Alain Gournac.  - Avec M. Neuwirth, nous avons beaucoup oeuvré ici pour combattre la douleur à l'hôpital.

Aujourd'hui, il est presque impossible de dormir la nuit à l'hôpital. Je ne mets nullement en cause le personnel hospitalier, qui est remarquable et accomplit un travail formidable, mais les hospitalisés ont un besoin accru de silence pour dormir.

J'ai passé une nuit auprès d'un ami mourant. Tantôt une porte claquait, tantôt quelqu'un écoutait la radio, parfois un chariot roulait en grinçant, on entendait aussi le bruit de pas et les conversations, sans oublier les interpellations d'urgence « Va au 6 !», en attendant le passage des consignes lors de la relève des équipes. Je pensais qu'il n'y avait pas de visiteurs la nuit, mais on les entend parler...

Un ancien ministre de la santé avait rappelé la plaisante pratique de la distribution du thermomètre de 6 heures, qui réveille au moment où l'on essaye de récupérer après une mauvaise nuit.

Je le répète : je ne mets pas en cause le personnel, qui est admirable, mais il doit être possible d'éviter la plupart des bruits. Le personnel, qui doit peut-être faire vite parce qu'il n'est pas assez nombreux, ne se rend pas nécessairement compte de la situation.

Passifs et fatigués, les malades ne disent rien. Mon ami est décédé à 7 heures du matin. Je sais bien comment la nuit se passe.

Comme nous l'avons fait dans bien d'autres domaines, c'est à nous qu'il revient d'intervenir pour améliorer la qualité de vie à l'hôpital, avec des objectifs à moyen terme. Les bruits résonnent très forts lorsqu'on est malade, quand on vient d'être opéré ou en situation de détresse. (M. René-Pierre Signé félicite l'orateur)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - Les désagréments liés au bruit dans l'hôpital font l'objet d'une attention constante au sein des établissements de santé.

Des solutions techniques et architecturales existent pour réduire les nuisances sonores ; des actions de sensibilisation ont été également engagées. Des actions de formation continue du personnel, notamment paramédical, sont régulièrement conduites pour améliorer la prise en charge des malades, notamment en ce qui concerne le bruit. Un arrêté du 25 avril 2003 consacré au bruit dans les établissements de santé a précisé les seuils et les exigences d'isolement acoustique.

La circulaire d'application précise en outre les dispositifs qui doivent atténuer les bruits extérieurs liés à la vie normale de l'établissement, comme le passage des véhicules d'urgence, les mouvements d'hélicoptères, les livraisons ou la collecte des déchets.

Le code de la santé publique impose à chaque établissement d'évaluer régulièrement la satisfaction de ses patients. Les questions portent notamment sur les conditions d'accueil et de séjour. L'absence de nuisances liées au bruit, à l'éclairage ou aux odeurs est un indicateur important de satisfaction. Chaque patient reçoit un livret d'accueil, auquel est annexée la Charte du patient hospitalisé.

La qualité de la prise en charge globale des patients, vous le voyez, est une préoccupation constante pour tous les professionnels des soins.

M. René-Pierre Signé.  - Qui craignent des représailles ! On sait comment cela se passe.

M. Alain Gournac.  - Code, arrêtés et circulaires sont très bien, mais je demande que l'on évalue la réalité. Je n'ai pas mentionné les hélicoptères, car j'en suis volontairement resté aux bruits internes. Il doit être simple d'éviter que l'on entende les portes qui claquent !

Le livret remis aux malades hospitalisés, je le connais par coeur mais nous devons améliorer la situation concrète la nuit, à l'hôpital, pendant que les personnes hospitalisées ont besoin de se reposer et de dormir. A défaut, elles somnolent pendant la journée, puis ont encore plus de mal à dormir la nuit suivante.

J'espère ne pas être hospitalisé bientôt, j'interviens surtout pour les autres...

M. René-Pierre Signé.  - Il a raison !

Prestations sociales des vieux migrants

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je regrette l'absence de Mme Bachelot-Narquin, ministre de la santé, mais il est vrai que la situation des vieux migrants exige qu'ils fassent du sport...

Ceux que l'on appelle affectueusement les chibanis ont travaillé en France pendant des dizaines d'années, dans des conditions qui ont laissé des traces sur leur santé. Lorsqu'ils ont la chance d'arriver jusqu'à l'âge de la retraite, ils rencontrent des difficultés liées aux voyages qu'ils effectuent souvent entre les deux pays avec lesquels ils conservent des liens très forts. Même lorsqu'ils résident habituellement en France, les allers et retours dans le pays d'origine sont fréquents.

Plusieurs associations accueillant des chibanis ont attiré notre attention sur la précarité de ceux dont le relatif nomadisme compromet le versement de nombreuses prestations sociales, aggravant les difficultés dans l'accès au logement, aux soins et aux droits sociaux d'une population vulnérable particulièrement fragile.

Ainsi, le maintien des aides au logement est conditionné à l'absence de voyages d'une durée supérieure à trois mois. Conformément aux instructions données par l'assurance maladie aux pharmaciens, les traitements ne peuvent être délivrés que pour un mois, même lorsque l'ordonnance est renouvelable pendant une période bien plus longue. En cas de maladie chronique, les chibanis doivent donc rentrer en France après un mois d'absence pour suivre leur traitement. Les voyages étant onéreux, certains renoncent temporairement à se soigner, ce qui aggrave leur situation de santé, pourtant peu enviable, puisque l'on observe chez eux, dès l'âge de 55 ans, des pathologies observées chez les Français plus âgés de 20 ans.

De nombreux migrants n'ayant perçu que de très bas salaires perçoivent en outre le minimum vieillesse ou une retraite complémentaire, mais à condition de séjourner en France de façon stable et continue. Ils doivent parfois produire leur passeport pour prouver qu'ils ne se sont pas absentés pendant plus de deux mois. Ce contrôle est abusif pour les titulaires d'une carte de résidence « retraité ». On leur propose parfois une indexation de la retraite complémentaire sur la monnaie de leur pays d'origine, mais ils doivent alors commencer par perdre 90 % de leur pouvoir d'achat !

L'obligation de résidence imposée aux vieux migrants vulnérables ne doit plus être synonyme d'obligation continue.

Quelles dispositions compte prendre le Gouvernement pour garantir l'accès de ces personnes hautement vulnérables au logement, aux soins et aux prestations sociales ? Ne pensez-vous pas que ces personnes ont suffisamment cotisé par leur travail pour jouir du droit à la santé et aux soins durant leur retraite ?

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - S'agissant de la retraite, la pension contributive que perçoivent les chibanis est « exportable », c'est-à-dire qu'elle peut être intégralement perçue quel que soit le pays de résidence, contrairement à l'allocation différentielle versée au titre du « minimum vieillesse » à ceux qui remplissent la condition de ressources. De fait, cette prestation complémentaire, parce qu'elle assure aux retraités les plus modestes une vie décente sur notre territoire, n'a pas vocation à être versée aux personnes qui quittent durablement la France. La règle n'est donc pas propre aux chibanis.

Pour bénéficier des allocations logement, il faut justifier d'une résidence de huit mois sur le territoire français et ne pas séjourner plus de quatre mois à l'étranger. Pour prendre en compte la situation des chibanis, le Gouvernement a préféré mettre en oeuvre le dispositif d'aide à la réinsertion des migrants dans leurs pays d'origine, institué à l'article 58 de la loi Dalo, dans le cadre d'accords bilatéraux avec les pays les plus concernés.

Enfin, pour ce qui est du traitement des maladies chroniques, les pharmaciens n'ont pas le droit de délivrer de médicaments pour une durée supérieure à un mois, non en raison d'une instruction comptable de la caisse nationale d'assurance maladie, mais pour éviter tout gaspillage aux termes de l'article L.5123-7 du code de la santé publique. Toutefois, le Gouvernement est favorable au développement des exceptions existantes pour les médicaments en grand conditionnement, soit les traitements de trois mois, destinés à lutter contre les pathologies chroniques telles que l'hypertension artérielle, plus économiques pour le patient et l'assurance maladie. En outre, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, par une circulaire, a autorisé la prise en charge des médicaments des assurés obligés de se rendre à l'étranger pour des durées supérieures.

Madame la sénatrice, le Gouvernement apporte donc, à cette légitime question, des réponses adaptées !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Merci. Reste qu'avec votre système, le pouvoir d'achat de la pension exploitable est diminué par dix. Concernant les aides au logement, nous demandons que l'interruption de résidence, actuellement de deux mois renouvelable une fois, soit portée à quatre mois en tout. Enfin, l'autorisation permettant aux pharmaciens de délivrer des traitements de longue durée est particulièrement difficile à obtenir. Je suggère donc une circulaire auprès de la caisse nationale d'assurance maladie ainsi que des pharmacies.

Grand Prix de France

M. François Patriat.  - Les sénateurs MM. René-Pierre Signé et Didier Boulaud ainsi que le président du conseil général de la Nièvre, M. Marcel Charmant, qui assiste à cette séance, s'associent à cette question sur l'avenir du circuit de Formule 1 de Nevers-Magny-Cours.

Frappée par la crise, la Bourgogne perd 100 emplois par jour depuis novembre dernier, soit 3 000 suppressions de postes auxquels s'ajoutent 1 000 disparitions d'emplois intérimaires. Alors que nous entamons l'examen du projet de loi « Grenelle I » cet après-midi, un amendement, porté par un sénateur des Bouches-du-Rhône et un sénateur de Poitou-Charentes, a été subrepticement adopté vendredi soir au projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, amendement qui facilite l'installation d'un circuit de Formule 1 à Flins, dans les Yvelines. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase ! Pourquoi cette décision ? Le circuit de Magny-Cours est construit, il est associé à un technopôle de 425 emplois et de 3 250 emplois dans la filière automobile dans la Nièvre, il génère 30 millions de retombées économiques dans un département déjà sinistré, sans parler de l'installation de l'Institut supérieur de l'automobile et des transports à Magny-Cours, au financement duquel l'État, la région et le département ont participé et qui accueillera bientôt 500 élèves dans le cadre du Polytechnicom bourguignon. Une telle annonce ne va-t-elle pas remettre en question cette activité économique indispensable pour notre région ? A l'heure où les fonds publics sont difficiles à trouver, cette décision ne va-t-elle pas être coûteuse ? Certes, selon M. le ministre de la relance, le Premier ministre aurait apporté son soutien à la construction de ce circuit à proximité de Paris pour un coût de 120 à 150 millions. Mais est-ce la bonne solution quand la région et le département ont dépensé 3 millions pour l'organisation des derniers Grand Prix de France sur le circuit de Magny-Cours, un circuit parfaitement « grenello-compatible », accepté par les populations et facile d'accès, et alors que l'État n'a même pas honoré sa promesse d'engager 300 000 euros pour la dernière édition de cette course ? L'État soutiendra-t-il l'organisation d'un Grand Prix en 2009 et en 2010 dans notre région ? J'attends une réponse claire de la part du Gouvernement ! (M. René-Pierre Signé applaudit)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.  - Seule la Fédération française de sport automobile a le pouvoir de décider l'inscription de l'épreuve du Grand Prix de France au calendrier de la saison internationale. Celle-ci a décidé en octobre dernier d'y renoncer pour 2009, ce que je regrette en tant que secrétaire d'État chargé des sports. De fait, malgré l'aide des collectivités, l'organisation de l'épreuve à Magny-Cours s'est révélée structurellement déficitaire, ce qui explique que la Fédération ait accepté d'assumer exceptionnellement des responsabilités de promoteur. Mais, pour ne pas compromettre sa santé financière et satisfaire à la demande de l'organisateur international de l'épreuve, M. Ecclestone, la Fédération a exploré en 2008 toutes les solutions pour organiser un Grand Prix de France qui soit économiquement viable, dont celle d'un deuxième Magny-Cours. Le Gouvernement partage cette préoccupation : le nouveau circuit devra s'autofinancer en comptant sur la billetterie afin d'éviter l'impasse financière de ces dernières années.

Enfin, le Gouvernement n'est nullement inquiet pour l'avenir de Magny-Cours, car les circuits automobiles sont généralement très rentables et induisent, de manière stable et durable, une activité économique importante.

M. François Patriat.  - S'agissant de la billetterie, les résultats seront les mêmes quel que soit le circuit retenu. Précisons que le déficit constaté ces dernières années n'est pas le fait des collectivités territoriales, mais du retrait des partenaires, Renault, Total et Michelin, dont la participation était de 1,5 milliard. Bref, cette décision procède de la volonté de certains de construire un circuit près de Paris, même si cela doit être sur un terrain destiné à promouvoir l'agriculture biologique ! Cela coûtera cher à la Bourgogne et à la France tout entière !

M. René-Pierre Signé.  - Très bien !

Instruction comptable relative aux SPIC

M. Yves Détraigne.  - J'attire l'attention de M. le ministre du budget sur la difficulté qu'éprouvent certaines collectivités territoriales à équilibrer le budget de leurs services publics industriels et commerciaux. De fait, l'instruction budgétaire M4 oblige les collectivités qui gèrent un Spic tel qu'un service d'assainissement ou un service de distribution d'eau potable, à constituer des dotations d'amortissement en vue de provisionner le remplacement des ouvrages et équipements affectés au service. Afin de réaliser ces opérations budgétaires, les collectivités sont parfois contraintes d'augmenter les redevances.

Elles accumulent ainsi en section d'investissement des réserves importantes et peuvent, dans le même temps, avoir des difficultés à équilibrer les opérations de la section d'exploitation ! Cette dernière doit être équilibrée par la seule redevance : la reprise sur excédents de la section d'investissement est interdite. Certaines collectivités, dont la mienne, n'ont donc pas d'autre choix que d'augmenter chaque année le montant de la redevance, alors même que leurs budgets accumulent des excédents. L'augmentation est difficile à justifier dans les circonstances économiques et sociales actuelles.

L'instruction budgétaire et comptable M4 ne pourrait-elle être modifiée, pour autoriser sous certaines conditions les collectivités à différer la constitution de dotations d'amortissement ou à reprendre en section de fonctionnement les excédents accumulés en investissement ?

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Les Spic, qui interviennent dans un champ d'action ouvert à la concurrence, doivent tenir une comptabilité conforme au plan comptable général appliqué par les entreprises privées. La réglementation applicable aux Spic est conforme à l'objet de ces services, au respect des règles de concurrence et au principe de sincérité budgétaire et comptable. Le financement de l'activité est assuré par une redevance, laquelle couvre le coût complet des services aux usagers, y compris l'amortissement des équipements. Méconnaître l'obligation d'amortir ou différer la constatation des amortissements serait, monsieur Détraigne, vous qui appartenez à la Cour des comptes, source d'insincérité des comptes et de distorsion de concurrence.

La constatation des amortissements a un impact budgétaire. Elle crée une charge d'exploitation mais également une recette d'investissement, provenant directement de l'exploitation du service. Elle suffit généralement soit à financer de nouveaux investissements, soit à rembourser les emprunts en cours. Le suréquilibre de la section d'investissement dû à la constatation des amortissements, situation qui vous touche tout particulièrement, signifie que le Spic a totalement autofinancé l'acquisition de ses biens, qu'il ne procède pas à de nouvelles dépenses d'investissement et a peu de dette. Cette configuration fort atypique ne justifie pas une modification de la règle générale.

M. Yves Détraigne.  - Votre réponse est, d'un point de vue comptable, orthodoxe. Mais comment expliquer à nos administrés qu'au nom du purisme comptable, nous devons augmenter la redevance, quand nous ne manquons nullement d'argent ? Il faudra se pencher sur le problème, comme on l'a fait pour le cas des petites communes qui accumulent des excédents dont elles n'ont pas besoin en section d'investissement.

Aides directes à l'agriculture

M. René-Pierre Signé.  - Je veux attirer votre attention sur les difficultés dans le secteur de l'élevage, surtout dans le bassin allaitant. Le découplage des aides de la PAC, leur attribution sans obligation de produire -quel paradoxe-, la conditionnalité ont provoqué une baisse du nombre des agriculteurs, du nombre de têtes de bétail et une course à l'agrandissement. La répartition des aides est inégale selon les productions, les producteurs et les territoires.

Il convient de modifier le système d'attribution des aides, à la faveur de la révision de la PAC. La régionalisation de la gestion des aides semble envisageable, comme le maintien de la prime à la vache allaitante et de la prime à la brebis, comme aussi le découplage des deux. Une flexibilité serait introduite également dans l'utilisation de l'article 68, avec la possibilité d'augmenter de 2,5 à 3 % le plafond pour les aides couplées et de mobiliser la part non utilisée de l'enveloppe des aides directes de chaque État ainsi que la réserve.

Ces modifications seront-elles confirmées ? Si oui, elles vont dans le bon sens.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - L'élevage, notamment dans le bassin allaitant, connaît des difficultés. C'est la raison pour laquelle, sans attendre les résultats de la Commission des comptes de l'agriculture fin décembre, le Gouvernement a arrêté un plan d'urgence de 205 millions d'euros, complété par la Mutualité sociale agricole à hauteur de 15 millions et les établissements de crédit, avec 30 millions. Plus de la moitié est consacrée à l'allègement des charges financières et à la prise en compte des cotisations sociales. Les enveloppes ont été attribuées à plus de 80 % aux départements d'élevage. Les premières avances seront versées en février. Des aides exceptionnelles -50 millions d'euros- ont été dégagées pour les éleveurs ovins, dont la moitié leur est définitivement acquise.

En ce qui concerne les objectifs de la politique agricole commune, la présidence française s'est mobilisée pour obtenir un accord sur le bilan de santé de la PAC, prévu dans la réforme de 2003. L'accord du 20 novembre, le premier à 27, permet de préparer 2013. Lors du conseil des ministres de l'agriculture, les conclusions présentées par M. Michel Barnier ont été adoptées par 23 de nos partenaires. Elles réaffirment la nécessité d'une PAC ambitieuse. C'est une première étape, incontournable.

Les objectifs que vous mettez en avant sont précisément ceux qu'a défendus M. Barnier : une PAC plus réactive, plus équitable, au service d'une agriculture durable. Il a négocié « une boîte à outils » qui sera utilisée pour rendre cette politique commune plus légitime dans la perspective de 2013. Le ministre annoncera ses orientations à l'issue de la concertation, mi-février.

Selon vous, un transfert aux régions de la gestion des aides directes serait le meilleur moyen de soutenir l'agriculture française. Ce n'est pas l'analyse du Gouvernement. Aujourd'hui, il faut rééquilibrer les soutiens au profit des productions en difficulté, quelle que soit leur localisation. Je pense à la production ovine, à la production laitière en montagne, à la production de protéagineux. Il faut aussi mettre en place une couverture des risques climatiques et sanitaires -les entreprises agricoles, les plus vulnérables, sont les moins protégées.

Ces choix stratégiques ne peuvent se décliner en de multiples politiques régionales. Après consultation de l'ensemble des partenaires, dont les régions, la décision doit clairement appartenir à l'État. Cela n'exclut pas, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, des actions conjointes et largement déconcentrées relevant de la politique de développement rural, dont les moyens sont accrus.

C'est sur la régionalisation que nous avons un désaccord : j'en suis partisan.

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 heures.