Protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de l'Albanie et de la Croatie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République d'Albanie et de la République de Croatie.

Discussion générale

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Comme vous le savez, les Alliés ont pris la décision, lors du sommet de l'Otan à Bucarest, d'inviter l'Albanie et la Croatie à les rejoindre en avril 2008. C'est là une nouvelle manifestation de la politique de « porte ouverte » de l'Alliance, qui a permis l'entrée dans l'Otan de dix pays depuis la fin de la guerre froide. L'Alliance assure ainsi l'extension de son aire de sécurité et contribue à la stabilisation globale de la zone euro-atlantique.

L'entrée de ces deux pays de la région des Balkans occidentaux, zone de conflit il y a encore dix ans, qui vont désormais participer à la sécurité de l'Europe, constitue un symbole fort et trace la voie pour leurs voisins.

Les gouvernements successifs, soutenus par la population, ont su mener à bien des réformes considérables, transformant en profondeur les institutions politiques et de sécurité de leurs pays. Ce travail de rapprochement avec les standards de l'Otan est le fruit d'un engagement dans la durée, puisque l'Albanie et la Croatie préparent activement leur intégration dans le cadre du plan d'action pour l'adhésion depuis, respectivement, 1999 et 2002.

La France soutient ce processus, tout en restant claire sur ses exigences. Ces deux pays ont démontré leur volonté de respecter les principes politiques fondateurs de l'Alliance -démocratie, liberté individuelle, État de droit- par des réformes d'ampleur de leurs institutions politiques et judiciaires. Car entrer dans l'Otan, ce n'est pas simplement entrer dans une alliance militaire, c'est aussi rejoindre une communauté de valeurs. Ils ont aussi réformé en profondeur leur outil de défense, non sans des efforts financiers considérables, qu'ils se sont engagés à poursuivre en même temps qu'ils assureront leur contribution aux budgets communs, civil et militaire, de l'Otan.

Ils avaient déjà entrepris de contribuer à la sécurité internationale et pris leur part du fardeau en participant aux opérations de l'Otan, notamment en Afghanistan.

Dans le cadre de leur rapprochement avec l'Union européenne, ils s'intéressent de près à la politique européenne de sécurité et de défense et partagent notre conception d'une complémentarité et d'un renforcement mutuel de l'Union européenne et de l'Otan. C'est ainsi qu'ils ont mis à disposition des personnels pour l'opération Eufor au Tchad.

Autant de témoignages d'une détermination sans faille à rejoindre l'Alliance et de preuves de leur volonté et de leur capacité à assumer pleinement l'ensemble des obligations découlant du Traité de l'Atlantique Nord. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Ladislas Poniatowski.  - Excellent !

M. le président.  - Je salue la présence dans nos tribunes de M. l'ambassadeur de la République d'Albanie et de M. l'ambassadeur de la République de Croatie. (Applaudissements)

M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Votre commission a pleinement approuvé ce projet de loi. L'intégration dans les structures européennes et euro-atlantiques est une priorité forte de la politique étrangère de l'Albanie comme de la Croatie.

Pour leur part, l'Union européenne, comme l'Otan, accordent depuis plusieurs années une attention soutenue à la stabilité et au développement de la région des Balkans occidentaux. Depuis la fin de la guerre froide, l'Alliance atlantique s'attache à mettre en oeuvre la politique de la « porte ouverte », en vertu de laquelle elle s'est déclarée disposée à accueillir en son sein les démocraties européennes désireuses et capables d'assumer les responsabilité et les obligations liées au statut de membre, conformément au principe posé dès 1949 dans l'article 10 du Traité de Washington. Cette politique repose, sinon sur des critères d'adhésion détaillés, du moins sur un certain nombre de principes permettant d'évaluer les pays candidats.

Le « Plan d'action pour l'adhésion » le MAP, qui fixe des objectifs adaptés à chacun de ces pays, comporte bien entendu un volet militaire, destiné à permettre aux nouveaux membres de contribuer aux missions de l'Alliance et à garantir l'interopérabilité avec les forces des autres pays alliés. L'Albanie et la Croatie ont engagé, avec le soutien de l'Otan, une profonde réforme de leur politique de défense et de leurs forces armées. En voie de professionnalisation, les armées albanaise et croate ont considérablement réduit leurs effectifs pour atteindre un niveau de mobilité, d'entraînement et d'équipement leur permettant de s'insérer dans les opérations multinationales menées avec les pays alliés. L'effort important consacré par les deux pays -1,8 % du PIB pour la Croatie et 2 % pour l'Albanie- a commencé à porter ses fruits et leur permet de contribuer à l'opération de l'Otan en Afghanistan, comme à l'opération européenne Eufor au Tchad.

Les pays candidats sont également évalués au regard d'objectifs politiques ou stratégiques portant sur le fonctionnement des institutions, sur l'état de droit, mais aussi sur le règlement pacifique de tout différend international, de toute querelle ethnique ou de tout litige territorial externe, de manière à ne pas importer dans l'Alliance un conflit préexistant. Là encore, les deux pays ont entrepris au cours des dernières années des efforts importants, les processus de rapprochement à l'Union européenne et à l'Otan se confortant mutuellement. Ces efforts ont permis à la Croatie d'obtenir en 2004 le statut de pays candidat à l'Union européenne et d'entrer dans la phase ultime des négociations d'adhésion, tandis que l'Albanie a signé en 2006 un accord de stabilisation et d'association.

Pour cet ensemble de raisons, l'adhésion de l'Albanie et de la Croatie à l'Otan a réuni un large consensus lors du sommet de l'Alliance à Bucarest l'an dernier. On ne peut évoquer ce sommet sans regretter qu'une décision analogue n'ait pu être prise en faveur de la Macédoine dont l'adhésion a été repoussée en raison du litige bilatéral avec la Grèce, alors qu'elle remplissait pleinement elle aussi les conditions requises. Une délégation de notre commission qui s'est rendue l'an dernier en Macédoine a conclu qu'un blocage durable de ses perspectives d'intégration ferait courir un grand risque à la stabilité de ce pays encore fragile. Il faut trouver une issue rapide à cette situation.

L'entrée prochaine de l'Albanie et de la Croatie dans l'Alliance atlantique revêt une portée symbolique importante. L'Albanie, après des décennies d'isolement qui ont accentué son retard sur le reste du continent, voit la première récompense de ses efforts. La Croatie, marquée par la guerre meurtrière qui s'est déroulée sur son sol de 1991 à 1995, s'engage désormais sur la voix de la paix et de la sécurité. Enfin, l'adhésion à l'Otan de ces deux pays est un jalon important vers la stabilisation et l'intégration des Balkans occidentaux. Elle s'inscrit dans un mouvement plus large impliquant la quasi-totalité des États de la région qui sont désormais impliqués, à des stades divers, dans un rapprochement avec les institutions européennes et euro-atlantiques. Au cours de ces dernières années la France a pleinement soutenu cette démarche et il est donc logique qu'elle ratifie rapidement les protocoles d'accession de ces deux pays. La commission des affaires étrangères et de la défense vous demande donc d'adopter le projet de loi autorisant cette ratification. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Quels objectifs poursuit l'Alliance atlantique en s'élargissant à l'Albanie et à la Croatie ? L'intégration de ces deux petites armées -respectivement 14 500 et 17 500 hommes- aux équipements obsolètes et dont l'entraînement laisse à désirer ne renforcera que marginalement la dimension militaire de l'Alliance. Non, les objectifs ne sont pas militaires mais politiques. En critiquant ces accessions, c'est à la politique de l'Otan, notamment dans cette région du monde, que nous nous opposons.

La ratification de ces deux protocoles d'adhésion est l'aboutissement d'un Plan d'action pour l'adhésion. Une invitation des pays membres a été adressée à l'Albanie et à la Croatie lors du sommet de l'Otan à Bucarest en avril 2008 de continuer les pourparlers en vue d'une adhésion à l'Alliance. Cette invitation s'est ensuite concrétisée, en juillet de la même année, par la signature à Bruxelles des protocoles d'adhésion au traité de l'Atlantique Nord. Ce processus est la traduction d'un nouveau concept stratégique défini en avril 1999 lors du sommet de Washington, concept qui légitimait alors les interventions militaires du début des années 90 en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, et préfigurait les opérations en Afghanistan à partir de 2001. Toutes ces interventions marquaient un tournant dans l'histoire de l'Otan et consacraient l'abandon de sa vocation initiale de défense du territoire de ses membres, pour lui substituer la gestion de crises se déroulant en dehors de ses frontières naturelles.

L'adoption de cette nouvelle stratégie sera précisément l'un des principaux enjeux du prochain sommet de l'Organisation prévu début avril à Strasbourg et à Kehl. Officialiser à cette occasion, comme le Président de la République a l'intention de le faire, le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'Otan, serait accepter ce changement de concept stratégique. Monsieur le ministre, avant que ces décisions ne soient officiellement annoncées, nous vous demandons, conformément aux nouveaux droits du Parlement en matière de défense, que le Gouvernement organise un débat sur la place et le rôle de notre pays dans cette organisation. Pour notre part, nous nous opposons au retour de notre pays dans le commandement militaire intégré, car cela limiterait notre souveraineté, serait le signe d'un alignement sur l'administration américaine et banaliserait la singularité de la France au plan international. En toute logique, nous nous opposons donc également au changement de vocation de l'organisation militaire de l'Alliance atlantique.

Mais d'autres raisons expliquent aussi que nous soyons contre l'adhésion de ces deux pays. Certains des critères militaires et politiques nécessaires à leur adhésion ne sont qu'imparfaitement respectés. Pour l'Albanie, bien qu'elle ait réalisé de réels progrès pour moderniser ses matériels et professionnaliser son armée, nous sommes encore loin du compte. L'explosion d'un dépôt de munitions qui, en mars 2008, avait fait neuf morts et 250 blessés civils alentour, en est un triste exemple. Quant à la lutte contre la corruption, les trafics et le crime organisé, il n'est qu'à voir le rôle joué par les mafias albanaises dans les réseaux de prostitution en Europe pour avoir quelques doutes sur l'efficacité des politiques menées dans ces domaines.

La Croatie est peut-être plus fiable d'un point de vue militaire, mais en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé et, surtout, de protection des minorités, nous sommes bien loin des critères européens.

Enfin, l'un des arguments invoqué pour justifier ces adhésions est que leur intégration à l'Alliance atlantique préviendrait de nouveaux désordres et consoliderait la paix dans les Balkans. Nous pensons, au contraire, que leur développement économique, l'instauration d'un véritable État de droit et la démocratisation de leurs institutions contribueraient plus efficacement à les stabiliser. Leurs réformes seraient grandement facilitées si leurs perspectives d'association, puis d'adhésion à l'Union européenne étaient plus nettes.

Ces deux adhésions risquent de provoquer dans la région de fortes tensions plutôt que la stabilisation attendue. Elles ne favoriseront pas la nécessaire reprise du partenariat entre l'Otan et la Russie, sérieusement mis à mal par le récent conflit avec la Géorgie. Le dernier sommet de l'Otan avait pourtant adopté une position de sagesse et d'apaisement en différant l'obtention du Plan d'action pour l'adhésion pour l'Ukraine et la Géorgie. Mes chers collègues, je vous invite à la même démarche. N'anticipons pas sur le débat que souhaitons avant le prochain sommet de l'Otan sur l'avenir de l'Alliance et sur la place de notre pays dans celle-ci.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

La discussion générale est close.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.

Explications de vote

M. Robert del Picchia.  - L'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Otan concrétise une politique d'élargissement mise en place à la fin de la guerre froide, notamment à l'issue du somment de l'Otan à Bruxelles en 1994. Cette politique d'ouverture s'est traduite par deux grands mouvements d'adhésion entre 1999 et 2004. De douze membres fondateurs en 1949, l'organisation est passée à 26 membres aujourd'hui.

Conformément à l'article 10 du traité de Washington, ces pays peuvent rejoindre l'Organisation sous réserve qu'ils se conforment aux principes fondamentaux de l'Alliance : la démocratie, le respect des libertés individuelles et de l'état de droit ; la contribution à la sécurité de la région nord Atlantique, à l'efficacité et à la cohésion de l'Alliance, et, enfin et surtout, à la défense commune. Ces principes ont été rappelés en 1999, lors du sommet de Washington, après que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque aient rejoint l'Organisation.

Un Plan d'action pour l'adhésion a été mis en place à l'intention des futurs candidats à l'accession. Les critères d'adhésion vont bien au-delà du seul volet militaire. Être capable d'assurer sa propre défense, disposer de capacités militaires suffisantes et fournir des forces pour les opérations de maintien de la paix ne saurait suffire. Les volets économiques, juridiques et politiques sont aussi déterminants.

Lors du sommet de Bucarest en 2008 la Croatie et l'Albanie ont été invitées à rejoindre l'Organisation sous réserve de la réalisation des objectifs qui leur ont été fixés. Aujourd'hui, ces deux pays les remplissent pleinement. L'Albanie a procédé aux réformes nécessaires tant dans le domaine politique que dans le domaine militaire. Depuis 2005, le gouvernement albanais a engagé de nombreux efforts pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée, pour améliorer son système judiciaire et il s'est engagé dans une future révision de son système électoral. Ce pays consacre 2 % de son PIB à la défense. Sa contribution dans les opérations de l'Otan en Afghanistan, et au Tchad dans les opérations européennes Eufor, est un argument à prendre en compte.

La République de Croatie a su répondre elle aussi aux critères nécessaires. Son gouvernement a mis en oeuvre une véritable réforme des ses armées en relevant son effort de défense à hauteur de 1,8 % de son PIB avec l'objectif d'atteindre les 2 % en 2010. Comme l'Albanie, la Croatie, a participé aux opérations de maintien de la paix en Afghanistan. Elle a fait de nombreux efforts pour améliorer ses relations avec la Serbie et pour favoriser la stabilité régionale.

Le groupe UMP est favorable à ce projet de loi. Ces accessions sont un symbole pour la paix dans les Balkans et en Europe.

Mme Michèle André.  - Rejoignant les propos du rapporteur et de notre collègue, je veux me féliciter, au nom du groupe socialiste, des efforts de l'Albanie et de la Croatie vers l'Union européenne, à laquelle elles appartiennent en réalité depuis longtemps par leur culture. Il faut les encourager et soutenir leur demande. Reconnaissons aussi les efforts accomplis depuis les combats dans les Balkans; la Croatie est d'ailleurs favorable à un débat avec ses voisins.

Le groupe socialiste votera le projet.

M. Adrien Giraud.  - Le groupe centriste, qui a participé aux débats en commission sur ce projet, le votera. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs à droite)

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Accords avec l'Australie et avec le Conseil fédéral suisse (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen selon la procédure simplifiée des projets de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière.

Les deux projets de loi sont successivement adoptés.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance, suspendue à 17h 35, reprend à 18 h 5.