Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

Article 2 bis

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans cet article, remplacer le mot :

contrôle

par les mots :

ou ses collaborateurs contrôlent

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La loi doit mentionner les collaborateurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, auxquels les articles 4 et 5 de la loi du 30 octobre 2007 font déjà référence.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - La référence au Contrôleur général, voulue par la commission, inclut ceux qui l'assistent. Notre position sera différente s'agissant du Médiateur dont seuls les délégués ont compétence pour les prisons. Avis défavorable, car la précision est inutile.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Défavorable : c'est superfétatoire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous m'assurez que la référence au Contrôleur général concerne également ses collaborateurs ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Absolument.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'article 2 bis est adopté, ainsi que les articles 2 ter et 2 quater

Article 2 quinquies

Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.

M. le président.  - Amendement n°219, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'instauration d'un rapport sur le taux de récidive par établissement pour peines risque d'entraîner une compétition entre les établissements et de conduire à des transferts arbitraires de prisonniers, visant uniquement à améliorer la performance...

La lutte contre la récidive ne doit pas se limiter à une vision carcérale : elle dépend avant tout des aménagements de peine, des moyens consacrés à la réinsertion et à l'individualisation des parcours de peine. Si l'on multipliait les aménagements de peine et si l'on élaborait des projets de réinsertion le plus en amont possible, ces statistiques sur la récidive seraient inutiles !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'Observatoire national centralisera l'ensemble des statistiques relatives à l'activité pénale. L'étude du taux de récidive par établissement pour peines permet de mesurer l'impact des conditions de détention sur la récidive. J'ai visité la prison de Casabianda, sans mur ni mirador, où les détenus, essentiellement des délinquants sexuels interfamiliaux, travaillent, ou encore celle de Mozac. Intuitivement, je pense que le taux de récidive doit y être moindre qu'à la prison de Caen... L'administration pénitentiaire mène des expérimentations intéressantes, mais peine à les généraliser. Ne pourrait-on avoir davantage de prisons sur le modèle de Casabianda ? Le rapport de l'Observatoire sera un outil précieux pour affiner notre législation : avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous manquons d'indicateurs empiriques sur les aménagements de peine. L'Observatoire permettra de mesurer leur impact de ces aménagements de peine, leur valeur ajoutée en matière de réinsertion et de récidive. Avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je maintiens l'amendement, d'autant que la création de cet Observatoire est renvoyée à un décret...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous n'avons pas déposé d'amendement sur cet article car nous jugeons utile d'observer les conséquences des politiques menées en termes de récidive. Toutefois, nous partageons la préoccupation exprimée par Mme Borvo : va-t-on aboutir à l'un de ces palmarès dont nos hebdomadaires sont si friands ? Si Louis-le-Grand est régulièrement en tête du classement des meilleurs lycées, c'est qu'il accueille les meilleurs élèves !

Mais tel lycée de banlieue, qui figure dans le bas du classement, et où pourtant les élèves progressent et réussissent, a tout autant de mérite ! Les types d'établissements comme les personnes « accueillies » sont divers. Un palmarès des prisons serait un outil de stigmatisation. Nous avons besoin d'un outil d'évaluation des politiques publiques au regard de l'objectif de lutte contre la récidive, pas d'un classement démagogique et pernicieux. La politique pénale actuelle, par exemple, qui se traduit par un taux d'incarcérations très élevé, fait de la prison une école de la récidive.

L'amendement n°219 n'est pas adopté.

L'article 2 quinquies est adopté, ainsi que l'article 2 sexies.

Article 3

L'État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de ce dispositif.

M. Alain Anziani.  - L'article consacre le rôle des régions dans le financement et l'organisation de la formation professionnelle des détenus. Il est paradoxal de remettre en cause le rôle de telle ou telle des collectivités locales et de lui demander dans le même temps de suppléer l'État dans le financement de certaines missions. Nous ne refusons pas les responsabilités mais soulignons le manque de cohérence.

Quatre régions dont l'Aquitaine ont, avant même le vote de la loi, conduit des expériences et signé des conventions, pour mettre en place des formations qualifiantes et des contrats de professionnalisation avec des groupements d'employeurs. Je profite de l'occasion pour préciser que ce ne sont pas des formations « sur tout et n'importe quoi » : le programme est arrêté par la Chancellerie et s'il y a des incohérences, à elle de les corriger ! Les principaux secteurs sont la restauration et le bâtiment.

Restent deux interrogations : la première touche les financements, car tous ne sont pas assurés. Environ 40 à 50 % des sommes proviennent du fonds social européen, or les crédits n'ont pas été transférés aux régions. Celles-ci devront-elles payer sur leurs deniers -chez moi, la dépense est de 80 000 euros- ou l'Etat transférera-t-il la totalité des crédits ?

La seconde question concerne le calendrier, car la loi s'appliquera au 1er janvier prochain. La mise en route de la formation professionnelle nécessite des négociations avec l'État, des appels d'offre, etc. Les régions pourront-elles être prêtes au 1er janvier ?

L'article 3 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une fois par an une visite dans chacun des établissements pénitentiaires situés dans le ressort de leur juridiction.

M. Nicolas About, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'article 727 du code de procédure pénale fait déjà obligation aux magistrats de visiter les établissements, mais peu le font. Et certains se rendent seulement dans le bureau du directeur. Or la décision d'incarcération est prise par des juges et la confrontation directe avec la réalité carcérale favorisera les peines alternatives à l'emprisonnement. Les psychiatres disent tous que l'absence d'humanité dans les relations avec certains magistrats augmente le risque de crises chez certains détenus ou prévenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La possibilité pour les parlementaires de visiter les prisons fut une bonne chose. Renforcer les visites des procureurs, procureurs généraux et juges d'instruction est également positif. Je connais des magistrats très présents dans le milieu carcéral, mais d'autres le sont moins... Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Excellent amendement ! Les magistrats qui vont déjà en prison continueront à y aller, ceux qui n'y vont pas iront au moins une fois par an. Favorable.

M. Richard Yung.  - Comment ne pas être favorable à cet amendement ? Mais encore faut-il que les visites servent à quelque chose, soient suivies de rapports et de recommandations : car beaucoup de gens se rendent dans les prisons, celles-ci sont un peu la gare de l'Est à l'heure de pointe ! On ne peut certes préciser dans le texte que les visites doivent être utiles, mais ne le perdons pas de vue. Les comités de surveillance des prisons, dans le passé, ne servaient à rien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Cela va changer !

M. Richard Yung.  - Oui. C'est ce que j'espère.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il est important que les magistrats connaissent les conditions de vie en prison et que les juges d'instruction, du reste, puissent se déplacer en prison pour éviter des transférements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il y a la visio-conférence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il y a aussi des salles permettant de recevoir les juges d'instruction...

M. Richard Yung.  - Il n'y en a plus ! (M. Charles Gautier renchérit)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais un travail de long terme est engagé depuis l'instauration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ; des contrats sont passés avec les établissements pour améliorer les choses peu à peu.

La commission d'enquête de 2000 a consulté de nombreux magistrats dont certains nous ont dit : « nous n'avons rien à faire là-bas... ». C'est grave ! Après les visites, les magistrats doivent adresser un rapport à la Chancellerie : nous avons constaté que peu d'entre eux respectaient cette règle légale. Mais à la suite de notre commission d'enquête, ils ont été plus nombreux à le faire et c'est tant mieux, car leurs regards de magistrats sur les prisons sont utiles. L'amendement constitue un rappel bienvenu.

L'amendement n°187 est adopté et devient article additionnel.

M. Alain Anziani.  - Sur l'article 3, j'ai posé des questions qui, je le crois, méritent une réponse : celle-ci viendra, je l'espère, au cours du débat...

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.

M. Claude Jeannerot.  - Notre amendement reprend la règle pénitentiaire européenne n°8.

En effet, lorsque le personnel pénitentiaire est choisi ou affecté à un poste, chacun doit disposer des aptitudes nécessaires à l'exercice de sa tâche. La formation doit être développée, notamment pour inclure le respect des règles pénitentiaires européennes et des normes juridiques énoncées dans la Convention internationale des droits de l'homme.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Sur le fond, rien ne s'oppose à cet amendement, avec lequel nous retrouvons le débat sur la vocation relative des règles pénitentiaires européennes à figurer dans la loi ou à l'inspirer.

En l'occurrence, nous devons concrétiser le « haut niveau de prise en charge des détenus » en rédigeant le code de déontologie, dans le texte du serment prêté, ainsi que dans la formation initiale et continue dispensée.

Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis défavorable à cet amendement dépourvu de portée normative.

A propos de la formation professionnelle des détenus, je précise à M. Anziani que l'État versera sa part. Pour le reste, il appartient aux régions de solliciter des fonds.

M. Serge Andreoni.  - Les crédits du FSE sont gérés par l'État !

M. Claude Jeannerot.  - Nous maintenons l'amendement qui réaffirme des principes...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il ne sert à rien !

M. Claude Jeannerot.  - ... dont la présence est essentielle dans le socle de la loi.

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

Article 4

L'administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d'insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques.

Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d'État, fixe les règles que doivent respecter ces agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2.

Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles les agents de l'administration pénitentiaire prêtent serment ainsi que le contenu de ce serment.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans l'accomplissement de leurs missions, les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont intègres, impartiaux, disponibles et respectent les droits fondamentaux des personnes sous leur responsabilité.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Un certain nombre de principes que les agents de l'administration pénitentiaire devront respecter dans l'exercice de leur mission doivent figurer dans la loi, pas seulement dans le code de déontologie institué par l'article 4.

Pourquoi inscrire dans ce texte plusieurs principes relatifs au service public pénitentiaire, en omettant leurs corollaires immédiats ?

J'aurais d'ailleurs souhaité pouvoir examiner le projet de code déontologie, car il appartient à la loi de consacrer les règles qui s'imposent à l'administration pénitentiaire. C'est une simple question de contrôle parlementaire.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont tenus à l'impartialité, sans aucune distinction tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - C'est la même logique.

L'exigence fondamentale de l'égalité de traitement doit figurer dans la loi. La commission a accepté d'ajouter au texte le respect de l'intégrité physique des détenus, tout comme l'encadrement du recours à la force.

Je regrette que l'interdiction de toute discrimination n'y laisse aucune trace, alors que le phénomène est très répandu dans les prisons, ne serait-ce que sous forme de comportements, certes isolés mais fautifs, d'agents qui abusent de leur situation.

Un détenu homosexuel m'a raconté avoir été mis au ban de l'établissement, en raison de son orientation sexuelle. Pour la même raison, il a été privé de promenades et de douche ; il a subi des pressions constantes et des insultes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Mme Boumediene-Thiery pose des questions et réfute par avance la réponse...

Les articles premier et 10 du texte disposent déjà que l'administration pénitentiaire garantit le respect de tous les droits des détenus. Les qualités professionnelles du personnel relèvent du code de déontologie. La commission souhaite donc le retrait ou le rejet de l'amendement n°6 rectifié.

L'amendement n°7 rectifié relève d'une analyse analogue, puisque le respect des droits des détenus interdit toute discrimination. Une énumération alourdit inutilement la rédaction du projet de loi, au risque d'être incomplète. Ainsi, les discriminations selon la nationalité ne sont pas mentionnées, alors qu'elles sont à l'évidence prohibées.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le code de déontologie, qui sera fixé par décret en Conseil d'État s'inspirera du code de déontologie de la police nationale, qui énonce déjà les principes figurant à l'amendement n°6 rectifié. Au demeurant, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, comporte déjà ces exigences. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°6 rectifié.

Il en va de même pour l'amendement n°7 rectifié, qui tend à interdire de commettre certaines infractions. La discrimination est une infraction pénale. Nous pourrions donc la poursuivre même si elle ne figurait pas dans le code de déontologie.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous savons ce qu'il en est ! Il y a bien des bavures dans l'action de la police ! La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a précisément été créée pour y remédier.

D'où l'importance de ne pas omettre l'interdiction des discriminations dans une loi qui doit rappeler les principes fondamentaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Hélas ! Les discriminations sont fréquentes dans les lieux de détention, mais en insistant sur certains aspects plus que sur d'autres, le code de déontologie risque d'être peu clair.

Améliorer la situation : telle est la mission du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté, dont nous souhaitons qu'il exerce une action approfondie.

En l'occurrence, il faut se garder de toute précision excessive, car de nombreux aspects régissent les droits et devoirs du personnel pénitentiaire.

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces règles précisent l'obligation pour les personnels de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.

M. Charles Gautier.  - Lorsqu'elle a conclu ses travaux le 6 mars 2000, la commission Canivet a insisté sur un point majeur : dès lors que « la peine d'emprisonnement a pour finalité la réintégration dans la société d'une personne condamnée », un détenu « conserve tous les droits puisés dans ses qualités de citoyens » à l'exception « de la liberté d'aller et venir ». De même, « faisant partie du territoire de la République » la prison doit être régie « selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu'exige la privation de liberté ».

La jurisprudence développée par la Cour européenne des droits de l'homme suit la même philosophie.

« L'article 3 de la Convention impose à l'État de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate. »

Pour la commission Canivet, les insuffisances de notre droit et de son application ne sauraient être justifiées par « l'argument de sécurité, constamment avancé pour faire obstacle à l'évolution des prisons ».

Le Conseil constitutionnel considère quant à lui que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'avilissement et de dégradation est un principe indérogeable qui n'a pas à être concilié avec d'autres principes : c'est le sens d'une décision de 1994.

Afin que ces principes soient respectés, nous ne devons pas laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir la déontologie du personnel de l'administration pénitentiaire : le législateur doit au moins en fixer les grands principes, au nombre desquels doit figurer le respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique conformément à la règle pénitentiaire européenne n°72-1.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est au moins en partie satisfait : l'article 4 bis, introduit à l'initiative du groupe CRC-SPG, dispose que « les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire (...) veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté », l'article 19 bis que « l'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels », et l'article premier, conformément au souhait de M. Portelli, que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ».

Le personnel pénitentiaire refuse d'être tenu responsable des mauvaises conditions de détention, essentiellement dues à la vétusté des bâtiments et à la surpopulation carcérale : lorsque quatre détenus sont obligés de cohabiter dans une cellule de 9 mètres carrés, que peut faire le personnel ?

Retrait, sinon rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les articles premier et 10 garantissent le respect des droits fondamentaux et de la dignité des détenus, et les articles 4 bis et 19 bis celui de leur intégrité physique. Les deux volets de l'amendement sont donc satisfaits. Retrait, sinon rejet.

M. Charles Gautier.  - Compte tenu des observations de M. le rapporteur et de Mme la ministre -nous ne faisons pas de procès d'intention...- nous retirons l'amendement.

L'amendement n°77 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d'un programme de prise en charge et d'assistance.

M. Charles Gautier.  - Cet amendement reprend la règle pénitentiaire européenne n°72, qui souligne l'aspect éthique de l'administration pénitentiaire. Dans les prisons, un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre groupe, ce qui peut conduire à des abus, faute d'une éthique exigeante. Les membres du personnel pénitentiaire sont tenus au respect de la déontologie dans leur comportement à l'égard des détenus, mais aussi les responsables des établissements pénitentiaires dans leur gestion qui exige discernement et détermination. L'administration pénitentiaire doit agir avec humanité, impartialité et justice.

Il est important que cette règle soit transposée dans notre législation.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'article 4 bis dont je viens de parler, ainsi que par l'article 4 ter qui dispose que les personnels des services pénitentiaires « mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des détenus ».

En outre, cet amendement serait source d'insécurité juridique. Il dispose que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens » : quelle est la portée juridique de cette expression ? Il n'existe d'ailleurs plus de « gardiens » dans l'administration pénitentiaire.

Retrait, sinon rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le service public pénitentiaire est déjà régi par des règles déontologiques précises, et le Gouvernement préfère que la loi définisse concrètement ses missions.

D'ailleurs les membres de l'administration pénitentiaire n'aiment pas le mot « gardien » : il vaut mieux les désigner par leur statut. Retrait, sinon rejet.

M. Charles Gautier.  - Depuis hier, la majorité nous rétorque qu'il est inutile d'inscrire dans la loi des principes fondamentaux : cela irait sans dire. Mais cela va encore mieux en le disant ! Nous maintenons l'amendement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Patrice Gélard.  - Le rapport du comité présidé par Mme Veil vient d'être publié : il conclut que notre droit -qu'il s'agisse des déclarations ou de la jurisprudence- garantit déjà le respect des libertés et des droits fondamentaux et qu'il n'y a pas lieu de le compléter à cet égard.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes parfaits !

M. Patrice Gélard.  - L'opposition propose de répéter dans la loi un ensemble de dispositions qui ont déjà valeur juridique, et même le plus souvent valeur constitutionnelle : cela alourdirait inutilement la loi. Si nous vous suivions, il faudrait énumérer dans chaque loi les principes fondamentaux reconnus par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil d'État ou la Cour de cassation ! (M. Jean-Jacques Mirassou : « Et alors ? »)

Il est bon de rappeler les grands principes, de faire pour ainsi dire des piqûres de rappel. Mais ils n'ont pas à figurer dans la loi. (M. René-Pierre Signé le conteste)

D'ailleurs, comme je l'ai dit hier, la recommandation du Conseil de l'Europe sur les règles pénitentiaires a été mal traduite : nous en avons une nouvelle illustration avec le mot « gardien », qui n'a aucune réalité en droit français. Il faut se méfier comme de la peste des textes juridiques anglais où règne un véritable flou artistique, contrairement aux textes français qui se caractérisent au moins par la précision de l'expression. (Protestations à gauche ; applaudissements sur de nombreux bancs à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous pourrions aussi bien décliner les 172 règles européennes !

Mme Virginie Klès.  - Il n'y en a que 106.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce que nous devons faire, c'est vérifier que tous ces principes sont effectivement garantis par la loi.

Je rappelle d'ailleurs que le Conseil de l'Europe est composé de pays extrêmement divers ; dans certains d'entre eux on n'a jamais entendu parler de réinsertion des détenus... Ces règles ont été édictées afin d'encourager tous les pays membres à compléter la surveillance des détenus par des actions de réinsertion : les surveillants ont leur rôle à jouer dans ce domaine, ainsi que les services spécialisés au sein des prisons et les intervenants extérieurs.

L'opposition est d'accord avec les positions de la commission, mais il lui fallait bien déposer des amendements... (Protestations à gauche) La loi n'a pas pour vocation de décliner des grands principes, mais d'édicter des normes précises et contraignantes. Ce débat peut continuer jusqu'à ce que vous ayez épuisé toutes les règles pénitentiaires européennes...

M. Charles Gautier.  - Il continuera jusqu'à la fin de l'examen du projet de loi.

M. Alain Anziani.  - Nous nous attendions à une réplique telle que celle de M. Gélard : il est seulement étonnant qu'elle ne soit pas venue plus tôt. Ainsi la France n'aurait pas à tenir compte des règles européennes...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Josselin de Rohan.  - Nous disons justement le contraire !

M. Alain Anziani.  - Notre pays a pourtant approuvé la recommandation du Conseil de l'Europe, et M. Sarkozy, lorsqu'il était candidat à la Présidence de la République, avait promis que notre droit s'alignerait sur les normes européennes.

M. Charles Gautier.  - C'était avant...

M. Alain Anziani.  - La France a été condamnée à plusieurs reprises par les instances européennes pour sa politique pénitentiaire. Dans ces conditions il est difficile de prétendre que les règles vont de soi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quelle mauvaise foi !

M. Alain Anziani.  - Nous avons besoin de ces règles, y compris dans cette loi pénitentiaire puisqu'elles la fondent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on pense, comme Pangloss, que tout est pour le meilleur, nous n'avons plus besoin de siéger : tout est écrit au mieux, décliné de la meilleure façon et appliqué magnifiquement.

Si j'ai bien compris l'intervention de M. Gélard, celui-ci nous dirait que le français serait apte au droit alors que l'anglais y serait inapte. Il existe effectivement une littérature abondante prétendant démontrer que telle langue serait apte à la spéculation, à la philosophie, au droit, et telles autres non. Je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses ; je pense pour ma part que toutes les langues humaines sont également aptes à tout exprimer, même si, naturellement, chacune le fait à sa manière. Je me permets donc de relativiser quelque peu le propos de M. Gélard.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On peut rire de tout... Si nous souhaitons faire figurer dans la loi les règles européennes, c'est qu'elles ne sont pas appliquées en France. Et cela dure depuis la Déclaration des droits de l'homme, que les Constitutions successives ont reprise sans pour autant qu'elle soit entièrement appliquée : le droit au logement n'est pas effectif, le droit au travail non plus.

Qu'elles soient en anglais ou pas, les règles européennes appellent interprétation. Le respect de la dignité ? Quand on est obligé de déféquer devant quelqu'un d'autre, la dignité n'est pas respectée. Quand on est fouillé au corps, elle ne l'est pas davantage. Or ce projet de loi ne suffira pas à faire appliquer ce principe. On peut certes nous répéter qu'en matière de droits la France a déjà tout dit...

M. Hugues Portelli.  - Je suis d'accord avec M. Anziani sur le fond et avec M. Gélard sur la forme. Je verrais assez bien que l'on fasse préciser à cet article que, parmi ces règles déontologiques, figurent celles qui ont été édictées par le Conseil de l'Europe. Ce serait une manière de les intégrer dans la loi et cet article 4 s'y prête bien.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il y a des limites ! Votre attitude me fait penser à celle qui consisterait à vouloir introduire dans un projet de loi sur l'enfance l'ensemble de la convention de l'ONU. Je comprends que vous déposiez des amendements pour vérifier que des choses auxquelles vous tenez sont bien dans la loi. Nous sommes d'ailleurs prêts à intégrer des amendements de ce genre, Mme Borvo Cohen-Seat le sait bien : nous avons intégré son amendement sur la dignité. (Celle-ci le confirme)

Vous semblez oublier qu'on est devant une loi nouvelle. Vous attaquez celle qui existe, dont nous sommes les premiers à reconnaître qu'elle n'est pas satisfaisante.

Moi, je tiens à ce que la législation soit claire. Je suis hostile à ces déclarations de principes sans portée normative qui rendent les lois bavardes.

M. Charles Gautier.  - De votre fait.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Certainement pas. Cela fait des années que je me bats pour que la loi soit vraiment normative.

M. Josselin de Rohan.  - Les déclarations de principes bavardes, c'est un travers des socialistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Bien sûr, il faut aussi que l'on ait les moyens d'appliquer les lois. Je ne suis pas de ceux qui rêvent d'une loi merveilleusement inapplicable !

Nous voulons que nos prisons soient vraiment dignes d'une démocratie comme la France. On peut polémiquer sur certaines choses mais, là, c'est une erreur que je dénonce, et depuis très longtemps.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Sur les 108 règles pénitentiaires européennes, la moitié sont reprises dans ce projet de loi et un grand nombre sont déjà mises en oeuvre. J'ai demandé que soient labellisés une vingtaine d'établissements.

N'oubliez pas que ces règles s'appliquent aussi à des pays où il n'y a pas de Spipp (Service pénitentiaire d'insertion professionnelle et de probation).

M. le président.  - Monsieur Gautier, je ne peux pas vous donner la parole, vous l'avez déjà eue.

M. Charles Gautier.  - C'était pour présenter mon amendement. Je voudrais maintenant expliquer mon vote.

M. le président.  - Vous ne l'avez pas déjà fait ?

M. Charles Gautier.  - Je vous assure que non.

M. le président.  - Bien. Sans doute devrais-je noter chaque prise de parole.

M. Charles Gautier.  - Je vous y invite.

Si, hier, nos collègues présents avaient accepté que les grands principes européens soient rappelés à l'article premier, nous n'aurions pas à les décliner article par article. Mais tout cela nous fut refusé. Cet acharnement à refuser que soient rappelées les règles européennes nous porte à penser qu'on les juge belles et bonnes mais inapplicables à l'Hexagone.

Nous ne sommes pas d'accord sur cette conception des choses, d'où notre amendement, mais si une majorité se ralliait à la proposition intermédiaire de M. Portelli, nous la soutiendrions assez facilement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le conseil des ministres du Conseil européen recommande aux gouvernements des États membres de suivre ces règles dans l'élaboration de leur législation et dans leur pratique, mais il ne s'agit pas de les transposer systématiquement ni directement, comme vous le proposez, ni indirectement comme le suggère M. Portelli.

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 4 bis

Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure.

Dans le cadre de leur mission de sécurité, ils veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l'individualisation de leur peine ainsi qu'à leur réinsertion.

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Au début du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

Dans le cadre de leur mission de sécurité,

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet article est issu d'un amendement du rapporteur que nous avions souhaité compléter sur deux points. Nous souhaitions que l'on précise que les gardiens veillent au respect de l'intégrité physique des détenus parce que cela obligera à des recrutements ambitieux : les gardiens ne manquent pas de conscience professionnelle ; ils ne sont pas assez nombreux ! Nous trouvions un peu rude de mettre en avant la mission de sécurité. Nous avons été entendus sur le premier point, pas sur le second, d'où cet amendement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission des lois a reconnu que les personnels pénitentiaires forment la troisième force de sécurité de l'État. Nous avons intégré la référence à l'intégrité physique des détenus mais il faut prévenir toute confusion entre la mission du personnel de surveillance et celle du personnel de probation et d'insertion. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le personnel de surveillance a pour l'essentiel une mission de sécurité, que nierait l'amendement.

L'amendement n°220 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

l'intégrité physique

insérer les mots :

et de la dignité

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Eh oui, la notion de dignité humaine est totalement absente du texte. Elle y est apparue fugitivement puis a été supprimée au motif que cela allait de soi. Pourquoi alors le Conseil constitutionnel lui a-t-il consacré toute sa décision du 27 juillet 2004 et pourquoi le code pénal y consacre-t-il tout un chapitre ? Je crains que cette omission soit volontaire et destinée à éviter que les détenus puissent contester des conditions de détention contraires à la dignité par le biais de l'exception préjudicielle et faire ainsi condamner l'administration pénitentiaire. La Cour européenne des droits de l'homme a développé une jurisprudence sur les conditions de détention inadaptées au bien-être des détenus et la France a déjà été condamnée sur ce fondement. L'omission de cette notion est destinée à assurer l'immunité de l'administration pénitentiaire mais ce n'est pas ainsi que les prisons cesseront d'être une honte pour la République. N'empêchez pas le droit d'entrer en prison, affirmez-le solennellement ! Il doit être proclamé et protéger ces personnes fragiles.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Votre préoccupation est fondée et l'on pourra trouver à la satisfaire ailleurs car, comme pour l'amendement n°77, je vois difficilement comment l'introduire ici puisque le personnel de surveillance n'est pas responsable des conditions de détention ou de la surpopulation carcérale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je répondrai comme sur les deux amendements précédents tout en rappelant la rédaction des articles premier et 10. Avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On nous a déjà opposé un refus dans les autres articles et cette notion doit apparaître quelque part dans le texte, il y va du droit des détenus.

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.

M. Alain Anziani.  - Qu'il n'y ait aucune ambiguïté : cet amendement n'est en rien défavorable au personnel pénitentiaire qui mérite tout notre respect. Il est néanmoins nécessaire d'encadrer l'usage de la force en en définissant les conditions puis en posant le principe de proportionnalité. Je voudrais rappeler, sans déclencher de nouvelle furie, que l'amendement reprend les règles pénitentiaires européennes n°s64 et 65 et un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. le président.  - Amendement identique n°10 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous souhaitons inscrire dans la loi le principe de la limitation du recours à la force en précisant les cas dans lesquels celle-ci est justifiée. En outre, elle ne peut être employée que dans la mesure où elle est strictement nécessaire du fait du comportement du détenu, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ces amendements visent à définir le cadre légal de l'usage de la force par l'administration pénitentiaire, comme l'a souhaité en 2000 la commission présidée par Guy Canivet. J'ai renoncé à présenter un amendement similaire car une réflexion serait en cours avec le ministère de l'intérieur sur la possibilité d'utiliser une arme à feu en dehors des prisons, notamment dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (Uhsi) et les unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa). Toutefois, comme nous venons de voter une disposition similaire dans la loi sur la gendarmerie nationale, rien ne justifie plus de différer cette inscription dans la loi pour l'administration pénitentiaire. Avis favorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet amendement tend à donner valeur législative à des dispositions réglementaires figurant dans le code de procédure pénale. Le Gouvernement souhaitait attendre pour cela le projet de loi interministériel sur l'usage des armes à feu afin de disposer d'un texte unique. Comme nous l'avons déjà fait, effectivement, pour la gendarmerie, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°79 rectifié, identique à l'amendement n°10 rectifié, est adopté.

L'article 4 bis, modifié, est adopté.

Article 4 ter

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

À cette fin, ils mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.

M. le président.  - Amendement n°221, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation participent à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles. Ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulons renforcer l'article 4 ter rédigé par la commission en inscrivant dans la loi les missions fondamentales des Spip. Celles-ci supposent la recherche de sanctions adaptées, si possible dès le début de la détention. Cette individualisation des peines s'oppose à l'automaticité encouragée par les derniers textes votés.

Les personnels des Spip jouent un rôle actif dans l'aide à la décision du magistrat en lui donnant des informations essentielles sur le détenu ou prévenu : ils font des enquêtes rapides avant comparution et peuvent être chargés des mesures pré-sententielles. Un conseiller traite ainsi 120 à 180 dossiers.

Confirmer cette mission signifie leur donner les moyens de la mettre en oeuvre : l'effort engagé depuis quelques années doit être intensifié pour répondre aux exigences de ce projet de loi. On peut notamment s'inquiéter, avec la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de la délégation de tout ou partie des fonctions d'insertion et de probation à des personnes de droit privé, au risque d'affaiblir la mobilisation des acteurs de droit public dans ce domaine.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable : ces objectifs sont largement satisfaits par l'amendement de la commission, qui est en outre plus concis. Les mesures pré-sententielles ne figurent d'ailleurs pas dans les codes ; il n'est pas souhaitable d'introduire dans la loi une complexité supplémentaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article premier répond pleinement à l'objectif recherché par cet amendement en définissant les missions du service public pénitentiaire. Quant à la seconde phrase de l'amendement, elle ne fait que rappeler en quoi consiste l'individualisation de la peine. Avis défavorable.

L'amendement n°221 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

oeuvre

insérer les mots :

, par des programmes appropriés,

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement procède du même esprit que les amendements 3 et 4 rectifiés que j'ai défendus hier, adapté aux missions des Spip. La notion de programme est encore plus justifiée ici, car les Spip se trouvent au premier plan pour la réinsertion du détenu. Si celle-ci passe nécessairement par des programmes, il est utile d'envisager ces derniers au niveau national, en concertation avec tous les acteurs de la réinsertion, et de les réactualiser régulièrement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ma réponse est la même qu'hier : cette précision est inutile. Il est évident que les Spip mettront en oeuvre les programmes appropriés... En outre, la prise en compte de la situation de chaque détenu impose de préserver une certaine souplesse du dispositif. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les programmes appropriés font partie des modalités d'intervention des Spip. Ainsi, la prison de Melun, qui reçoit principalement des délinquants sexuels, adapte ses interventions à leurs cas. Cette précision n'est pas utile dans la loi : avis défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'un n'empêche pas l'autre ! Le programme peut être approprié au détenu et coordonné au niveau national. Ainsi, le détenu qui change de prison continuerait à bénéficier des mêmes dispositions.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 ter est adopté.

Article 4 quater

Au début de l'article 3 de l'ordonnance n°58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits d'expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, sous réserve de l'alinéa suivant. »

M. le président.  - Amendement n°288, présenté par le Gouvernement.

Rédiger comme suit cet article :

Les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire exercent leurs droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Par cet article, la commission des lois souhaite que le droit d'expression et de manifestation des personnels de l'administration pénitentiaire relève désormais du statut général des fonctionnaires. Or, comme la police, du fait des missions qui leurs sont confiées, ces personnels sont régis par un statut spécial fixé par une ordonnance du 6 août 1958. Nous ne souhaitons pas que ce statut soit modifié sur ce point.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la fin de la seconde phrase du même article, les mots : « en dehors des garanties disciplinaires » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des garanties disciplinaires fixées par le statut général de la fonction publique ».

M. Alain Anziani.  - Nous défendons une thèse contraire à celle du Gouvernement. Nous ne contestons pas le statut particulier des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, mais sur une question aussi importante que le droit d'expression et de manifestation, nous souhaitons que les garanties disciplinaires se rapprochent du droit commun.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'ordonnance du 6 août 1958 permet au Gouvernement de déroger par décret au statut général de la fonction publique. Or, l'introduction du droit commun dans les prisons est le fil directeur des travaux de la commission des lois sur ce texte -et du Gouvernement par ailleurs. L'article 4 quater consacre donc la soumission au droit commun du statut des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire pour leurs droits d'expression et de manifestation, sous réserve du maintien de la prohibition de toute cessation concertée du service et de tout acte collectif d'indiscipline caractérisée.

Sauf dérogation, le statut général des fonctionnaires s'applique aux personnels de l'administration pénitentiaire.

Il en va de même de tous les fonctionnaires soumis à un statut spécial. Il est vrai que la position interdisait au pouvoir réglementaire d'apporter des restrictions autres que celles prévues par l'ordonnance. En tout état de cause, le droit d'expression et de manifestation des personnels reste inscrit dans la loi. Sagesse.

Ce que je viens de dire de l'article 3 de l'ordonnance de 1958 vaut pour l'amendement n°80. Comment imaginer une administration pénitentiaire à éclipses ? On ne peut se permettre de laisser les détenus livrés à eux-mêmes. Il n'est donc pas souhaitable d'aligner, en cette matière, le statut des personnels pénitentiaires sur le statut général de la fonction publique. J'ajoute que les contraintes du statut spécial trouvent leur contrepartie dans des avantages en termes de retraite et de traitement. Résolument défavorable, donc, à l'amendement n°80.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La commission des lois avait trouvé une rédaction protectrice des droits des personnels pénitentiaires, sans soulever de problème quant à leurs responsabilités et aux exigences de sécurité. Dès lors qu'existe l'article 3 de l'ordonnance du 6 août 1958, qui limite très précisément les conditions d'exercice de toute manifestation particulière, on ne voit pas bien à quoi, madame la ministre, vise votre amendement... Nous ne le voterons pas, en soutien à la rédaction de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - N'est-ce pas tautologique, au fond, de renvoyer explicitement au statut général ? Le statut des personnels pénitentiaires comporte des éléments du statut général. A quoi bon répéter dans chaque nouvelle loi ce qui existe déjà dans d'autres ?

M. René Garrec.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous est-il jamais venu à l'esprit, pour la police nationale, d'entrer dans ces considérations ? On ne va pas redécliner, dans chaque statut particulier, ce qui relève du statut général.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne faisons que défendre la rédaction de la commission des lois. Il est paradoxal que son président vienne nous le reprocher !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je peux avoir mon avis. Quant à émettre des paradoxes, je vous fais le pari, monsieur Sueur, que j'aurai trouvé mon maître avant jeudi soir !

Mieux aurait valu, au fond, supprimer cet article, pour nous éviter ce débat absurde.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le président Hyest a été très clair. L'amendement du Gouvernement ne vise qu'à lever une ambiguïté dans la rédaction de la commission des lois, qui risque de susciter un contentieux. Nous ne revenons pas, pour autant, sur l'esprit de ce qui a été voté en commission.

M. Richard Yung.  - J'écoute toujours avec beaucoup d'attention ce que dit le président Hyest. Il nous explique depuis hier qu'il ne sert à rien, dans la loi, de répéter des précisions sans caractère normatif. Allons-nous donc voter une rédaction qui ne dit rien d'autre, en somme, sinon que le statut de la fonction publique pénitentiaire s'applique à la fonction publique pénitentiaire ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est bien pourquoi mieux aurait valu retirer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous ne le pouvez pas ! La commission a voté un texte !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On peut toujours voter contre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si l'on adopte l'amendement du Gouvernement, on ne le pourra plus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La rédaction de la commission des lois a un sens, bien différent de celui que propose le Gouvernement. Ceux qui ont soutenu cette rédaction en commission peuvent continuer à le faire, en dépit des palinodies de M. Hyest.

L'amendement n°288 est adopté et l'article 4 quater est ainsi rédigé.

L'amendement n°80 devient sans objet.

L'article 4 quinquies est adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice, ainsi que de coopération internationale.

La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire.

Un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.

M. le président.  - Amendement n°82 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Cet article crée une réserve pénitentiaire, composée de volontaires en retraite issus du corps de l'administration pénitentiaire, pour assurer une mission de sécurité à l'entrée des tribunaux.

La coopération internationale, c'est l'image de la France. Il est pour le moins curieux de confier à des retraités, qui ne sont pas au fait des dernières techniques, la tâche de diffuser notre savoir-faire à l'étranger !

La solution à la situation catastrophique des établissements pénitentiaires est connue : recruter et former de nouveaux personnels, et réviser en amont la politique pénale. Ce n'est pas la création d'une réserve qui règlera le problème !

M. le président.  - Amendement identique n°222, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Éliane Assassi.  - La création d'une réserve civile pénitentiaire, sur le modèle de la réserve civile de la police nationale instaurée par la loi du 18 mars 2003, vise à pallier le manque de personnel pénitentiaire en permettant à l'administration de faire appel à des retraités.

Si les effectifs sont insuffisants pour assurer la sécurité, pourquoi ne pas recruter davantage, ou alors vider les prisons en stoppant l'escalade sécuritaire ? (Exclamations à droite)

La création d'une réserve constituée de retraités risque également de remettre en cause, à terme, l'âge de départ à la retraite des personnels pénitentiaires, aujourd'hui fixé à 55 ans. C'est une faille dans la reconnaissance de la pénibilité de la profession. Nous demandons donc la suppression de l'article 6, ainsi que des articles 7, 8 et 9.

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

de renforcement de la sécurité

par les mots :

d'insertion, de formation, d'encadrement des activités sportives, d'extractions

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°281, présenté par le Gouvernement.

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice,

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'expérimentation en cours porte sur la mission de renforcement de la sécurité dans les tribunaux. J'ai souhaité que cette réserve civile soit consacrée dans la loi, au même titre que la réserve de la police nationale. Cette nouvelle mission en dénaturerait l'objet initial. La surveillance de personnes écrouées, sous surveillance électronique, ne doit être confiée qu'à des personnels en activité.

M. le président.  - Amendement n°289, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement vise à répondre à certaines craintes. La réserve sera composée exclusivement de volontaires, qui devront remplir des conditions d'aptitude précisées par décret en Conseil d'État ; un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour un motif incompatible avec l'exercice des missions de la réserve ne pourra être engagé.

La commission est favorable à la création de la réserve, dont elle a même étendu les missions. Ce système existe déjà pour la police nationale. L'avis est donc défavorable pour les amendements de suppression n°s82 rectifié et 222.

Défavorable à l'amendement n°83 rectifié : il est singulier d'exclure la participation de la réserve au renforcement de la sécurité des tribunaux mais de lui confier l'extraction des détenus, mission ô combien plus dangereuse, et qui plus est compétence régalienne !

Les mesures de surveillance électronique sont en forte hausse, et vont encore se développer avec ce projet de loi. Le contrôle de leur exécution n'expose pas les réservistes à des risques particuliers et libèrerait les surveillants en activité pour d'autres tâches. Enfin, ces réservistes sont encore jeunes : l'âge de départ à la retraite est de 55 ans, voire de 50 ans pour ceux qui comptent 25 ans de service !

Où commence et où finit le caractère régalien d'une mission ? L'extraction des détenus est une fonction plus régalienne que le suivi, derrière un écran, des personnes sous surveillance électronique ! Les réservistes peuvent d'ailleurs être cantonnés à cette tâche, et les vérifications à domicile être confiées à des personnels en activité.

« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux... » La gauche est contre la réserve, le Gouvernement veut en limiter le champ d'action à la portion congrue... Je me contenterai donc d'un avis de sagesse sur l'amendement n°281.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Poser un bracelet électronique peut être dangereux. Si la surveillance électronique révèle un problème, il serait bien complexe de renvoyer la vérification sur place à un autre service... On ne peut pas diviser ainsi la mission de sécurité.

Les réservistes de la police nationale accompagnent le Tour de France ; ils n'assument pas de missions régaliennes.

En revanche, le placement sous surveillance électronique mobile concerne des délinquants lourds, pédophiles par exemple, qui peuvent être extrêmement dangereux.

Avis défavorable à l'amendement n°82 rectifié, la création de la réserve vise à accroître la sécurité des bâtiments du ministère de la justice ; le bilan des expérimentations est, après un an, très positif et les réservistes, grâce à leur savoir-faire, sont désormais reconnus par le milieu judiciaire. Depuis 2006, dans les trois cours d'appels de l'expérimentation, puis dans d'autres tribunaux à mesure de la généralisation, 140 agents de sécurité par an sont intervenus sur le terrain. Et je ne vois pas ce qu'il y a de déshonorant à envoyer des directeurs, jeunes retraités, à l'étranger pour faire partager leurs connaissances et leur expérience.

M. Richard Yung.  - Pendant un an, soit, mais pas plus !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis défavorable, donc, au n°82 rectifié et au n°222. Mêmes observations sur le n°83 rectifié. L'insertion et l'encadrement exigent du personnel...

M. Richard Yung.  - Comme dans le Tour de France !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce sont des missions très importantes pour la sécurité de nos concitoyens et il convient de les confier aux professionnels. Favorable en revanche à l'amendement n°289.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous flottons dans une très grande incertitude : qui seront les réservistes ? Quelles seront leurs missions ? Leur statut ? Vous nous dites qu'une expérimentation existe : comment les retraités sont-ils recrutés ? Sur quelle base juridique fonctionne cette expérience ? Si des dispositions législatives n'ont pas été nécessaires, pourquoi les introduire à présent ? Et si elles sont nécessaires, c'est que le système actuel fonctionne en toute illégalité !

Les retraités de la réserve assureront-ils des missions de sécurité ? Non, car celles-ci sont régaliennes. Seront-ils armés ? Vraisemblablement pas. Notre rapporteur, qui perçoit bien dans quel embrouillamini nous nous trouvons, invoque le code de déontologie, auquel les réservistes seraient soumis. Mais ces derniers seront-ils recrutés selon la loi ou selon une circulaire ? Il est vrai que Mme la ministre affectionne les circulaires, tant elle en expédie aux procureurs en leur accordant force de loi... Les retraités seront-ils toujours membres du personnel de surveillance ? Si oui, le code de déontologie leur est applicable ; si non, ils ne pourront exercer aucune mission de sécurité ni de contrôle, mais pourront se voir confier l'accompagnement, la surveillance d'activités sportives, culturelles, etc.

Quant à les envoyer à l'étranger dispenser des formations, pourquoi pas ? Je sais bien que le rapport Hyest qualifiait les prisons françaises de honte pour la République mais notre administration reste encore meilleure que dans certains pays.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous parlions d'humiliation et je n'ai jamais visé le personnel, qui exerce un métier difficile. Nous en avons fait l'éloge, au contraire, et ne les avons jamais mis en cause.

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est vrai.

M. François Zocchetto.  - La réserve me semble une belle idée. Pourquoi se priverait-on des compétences de jeunes retraités, sélectionnés sur des bases incontestables ? Sur le statut, tout est dit dans la loi. Mais les réservistes feront-ils partie du corps ? J'avais pour ma part compris que le port d'arme ne posait pas de difficulté.

M. Jean-Pierre Michel.  - Bref, personne ne sait...

M. François Zocchetto.  - J'ajoute que pour moi, la création de la réserve se justifie par la nécessité d'assurer une mission régalienne. On ne saurait découper entre aspects régaliens et non régaliens. Cependant, le bracelet électronique est encore en phase expérimentale et la vigilance doit être sans faille, car le moindre incident créerait bien des problèmes dans l'opinion. Or les réservistes, à mi-temps, auront un lien plus distendu avec leur hiérarchie. Le risque de relâchement disciplinaire sera peut-être plus grand que parmi le personnel à temps complet. Je ne prendrais pas ce risque ! Bref, l'amendement du Gouvernement me paraît judicieux. Il sera toujours possible d'ajouter des missions par la suite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il ne faut surtout pas voter la réserve civile. Pourquoi faire appel à des retraités alors que tant de jeunes sans emploi veulent travailler ? Et le flou est total, à l'issue du débat, sur le contenu des missions. Nous sommes en pleine confusion.

Les amendements n°s82 rectifié et 222 ne sont pas adoptés, non plus que le n°83 rectifié.

L'amendement n°281 est adopté.

L'amendement n°289 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Les amendements de suppression n°s84 rectifié et 223 sont retirés.

L'article 7 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les agents mentionnés à l'article 6 participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous sommes hostiles à la réserve civile mais puisqu'elle existe, améliorons-la.

Ces volontaires seraient exclusivement d'anciens agents retraités de l'administration pénitentiaire, dont les liens avec celle-ci auraient été rompus depuis cinq ans au maximum.

Or, la prison peut beaucoup changer pendant ce délai. Nous souhaitons que cette loi y contribue.

Les réservistes devront donc assimiler ces évolutions, si possible à l'école nationale de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette rédaction est le décalque de celle retenue pour le quatrième alinéa de l'article 4 quinquies, applicable aux fonctionnaires en activité.

L'engagement contractuel étant souscrit pour un an minimum renouvelable, délivrer une formation peut être utile.

L'amendement n°57 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.

Article 8

Le réserviste qui effectue les missions prévues à l'article 6 au titre de la réserve civile pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, de conventions conclues entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les conditions d'aptitude ainsi que le délai de préavis de la demande d'accord formulée auprès de l'employeur en application du présent article ainsi que le délai dans lequel celui-ci notifie à l'administration son refus éventuel.

Les amendements identiques n°s85 rectifié et 224 sont devenus sans objet.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Les périodes d'emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.

Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences résultant des présentes dispositions.

Pendant la période d'activité dans la réserve, l'intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.

Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.

Les amendements identiques n°s86 rectifiés et 225 sont devenus sans objet.

L'article 9 est adopté.

Division additionnelle

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Des lieux de détention

M. Claude Jeannerot.  - Cette division additionnelle améliorera la lisibilité de la loi.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Les préoccupations ayant justifié cet amendement et les trois suivants sont déjà satisfaites par le texte de la commission, qui est donc défavorable.

L'amendement n°87, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des établissements pénitentiaires situés près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°88, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°89, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment.

Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.

M. Claude Jeannerot.  - Il a déjà été présenté.

L'amendement n°91, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 10

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

M. Louis Mermaz.  - Dans un instant, nous présenterons un amendement relatif à l'état de santé des détenus.

Cet article concerne les restrictions aux droits des détenus. Nous ouvrons donc les deux oreilles !

Les contraintes inhérentes à la détention, à la sécurité et au bon ordre des établissements relèvent du bon sens, mais leur énoncé flou confère depuis longtemps une autonomie considérable aux établissements pénitentiaires, qui peuvent en déduire ce qu'ils souhaitent. En effet, malgré les progrès récents du contrôle exercé par le juge administratif, celui-ci n'intervient que bien trop tard après les faits pour peser sur la vie carcérale. Nous retrouvons une situation analogue à celle qui prévaut lorsque l'expulsion d'un étranger est examinée par la justice alors que l'intéressé a quitté depuis longtemps le territoire national.

A ces restrictions, le projet de loi ajoute la prévention de la récidive et l'intérêt des victimes. Quel est le rapport avec les droits reconnus aux détenus ?

Enfin, le texte précise que ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus. Nous demandons également que l'état de santé soit pris en considération, ce qui n'est pas assez le cas, faute de moyens.

Nous sommes gênés par l'absence de tout distinguo entre des droits absolus et ceux dont l'exercice quotidien peut subir des restrictions.

En juillet 2008, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a salué « les efforts notables entrepris par la France pour rénover les bâtiments pénitentiaires » et augmenter le nombre de places pour les prévenus Il y a donc parfois de bonnes nouvelles, mais la surpopulation atteint tout de même 136 %. Le Comité a également mentionné les « mesures de substitution à l'incarcération ». En ce domaine, cela commence à bouger, mais à un rythme trop lent. Toutefois, le Comité a regretté que les « projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants des forces de l'ordre » ne permettent pas toujours d'y voir clair. Nous rendons hommage -ce qui est normal- à la police et au personnel pénitentiaire, mais il y a parfois des brutalités et des violences. Le savoir ne porte pas atteinte à l'honneur de la plupart des intéressés. Le Comité des droits de l'homme a relevé que certains comportements non déontologiques laissaient à désirer, notamment « le recours inapproprié à l'isolement cellulaire et les violences à l'intérieur de la prison », ce qui justifie de renforcer énergiquement le contrôle des prisons. C'est le travail du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ; M. Delarue est soucieux d'y parvenir.

Mais le Comité des droits de l'homme de l'ONU s'est également inquiété des « allégations indiquant que » des « demandeurs d'asile, détenus dans des prisons » -où ils ne devraient pas être !- « sont l'objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l'ordre » et il relève que « la France n'a pas ouvert d'enquête sur ces violations des droits de l'homme, ni sanctionné comme il convient leurs auteurs ». Nous avons souvent évoqué ici le sort des demandeurs d'asile, qui nuit tant à l'image de la France.

M. Thomas Hammarberg, commissaire européen aux droits de l'homme, a souligné que la réforme de la législation pénitentiaire ne devait pas occulter le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Il a constaté que diminuer la durée de placement en quartier disciplinaire était urgent. Ni le Gouvernement ni la commission ne vont assez loin sur ce point, ni pour assurer l'effectivité du droit de vote ou des liens familiaux. Le commissaire européen a insisté sur l'enseignement individuel et l'amélioration des conditions de détention. Nous savons de quoi il s'agit : la promiscuité, la vétusté des installations et les mauvaises conditions d'hygiène.

Le Comité national consultatif des droits de l'homme a rappelé que le rapport de la commission Canivet, remis le 6 mars 2000, avait déploré « la trop grande marge d'appréciation » que les règles législatives ou réglementaires applicables laissent à l'administration pénitentiaire. Fidèle à cette mauvaise tradition, le flou de l'article 10 n'apporte pas à l'encadrement juridique de la détention la précision et la prévisibilité nécessaires.

Nous souhaitons que le rapporteur, dont nous connaissons la vélocité de plume, ajoute à cet article que les droits des détenus sont respectés sans discrimination d'aucune sorte, car les améliorations proposées pour certaines personnes ne doivent pas porter atteint à l'universalité des droits. Il est temps d'encadrer les pouvoirs du service pénitentiaire afin qu'ils puissent agir de façon discrétionnaire. Il en va de l'honneur de notre administration !

M. Alain Anziani.  - Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux excellents propos de M. Mermaz sur l'article 10, qui m'avait fait l'impression d'être beau comme une règle pénitentiaire européenne.

Monsieur le président, vous avez déclaré sans objet des amendements qui, à mon sens, auraient mérité un scrutin.

M. le président.  - Leurs auteurs, qui les avaient présentés par anticipation, ont constaté avec moi que les amendements étaient devenus sans objet.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage l'avis de M. Mermaz. Si nous avons aujourd'hui ce débat, c'est parce que les prisons ont longtemps été des zones de non-droit. Une peine d'emprisonnement consiste en la privation du droit d'aller et venir, rien d'autre. M. Giscard d'Estaing s'était déjà ému au début de son septennat de la condition faite aux détenus. Non que je sois une « groupie » de M. Giscard d'Estaing... (Marques d'amusement à droite) Mais c'était en 1974 ! Je ne suis pas sûre que nous ayons encore assimilé cette leçon...

M. Bernard Saugey.  - La gauche a été aux affaires depuis lors !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Certes il y a eu des avancées, notamment au niveau européen. Quant au Conseil d'État, il a rendu le 17 décembre 2008 plusieurs décisions très importantes, qui complètent notre jurisprudence et améliorent la protection des droits des détenus. Le commissaire du Gouvernement, dans un exercice de communication inhabituel, a déclaré : « Le juge administratif prend ses responsabilités de juge. Il y avait des zones de non-droit parce qu'il ne jouait pas son rôle. Plus rien ne doit lui échapper en prison. »

La première de ces décisions énonce qu'une faute simple de la part de l'administration pénitentiaire ayant entraîné le décès d'un détenu suffit pour mettre en cause la responsabilité de l'État ; la deuxième, que tout placement en isolement à titre préventif est susceptible de recours ; la troisième, que l'administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus par toutes les mesures appropriées.

Entre octobre et décembre 2008, le Conseil d'État a renforcé le contrôle du juge administratif sur l'administration pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les fouilles et la gestion des biens des détenus.

Le 6 janvier dernier M. Delarue, Contrôleur général, a émis plusieurs recommandations après une visite à la prison de Villefranche, tout en précisant qu'elles pouvaient s'appliquer à d'autres établissements précédemment visités. Il a relevé en particulier que les cours de promenade sont de véritables zones de non-droit où le personnel de l'administration ne s'aventure jamais, des lieux de tous les dangers où les prisonniers reçoivent parfois des blessures graves. (M. Nicolas About, rapporteur pour avis, acquiesce) Cette violence sans cesse latente provoque chez certains d'entre eux des tendances dépressives, voire suicidaires. Les possibilités de recours contre les décisions de l'administration sont insuffisantes, ainsi que la prise en charge sociale des détenus. Certaines pratiques de l'administration pèsent lourdement sur l'état psychologique de ces derniers, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres, destinée à parer aux jets de pierre mais qui plonge les cellules dans une obscurité permanente. Certains ont le sentiment de n'être plus traités comme des êtres humains.

L'institution du Contrôleur général est donc essentielle, mais elle ne suffit pas. Pour mettre fin à ces dérives, il faut garantir par la loi les droits fondamentaux des détenus. Voilà pourquoi la rédaction actuelle de l'article 10 ne nous convient pas : elle laisse à l'administration toute latitude pour restreindre les droits des détenus lorsqu'elle l'estime opportun. Nous insistons au contraire pour que toute atteinte aux droits des détenus soit ponctuelle et expressément motivée. On ne nous fera pas croire qu'une telle précision est inutile parce qu'il y a déjà des règles européennes, que la rédaction actuelle du projet de loi assure des droits aux détenus... Il faut asseoir ces principes.

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant du maintien de la sécurité, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.

Elle est tenue à l'impartialité, sans distinction aucune tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux moeurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°94 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

âge

insérer les mots :

, de l'état de santé

M. Alain Anziani.  - Cet amendement devrait faire consensus : nous proposons que l'administration pénitentiaire doive tenir compte de l'état de santé des détenus lorsqu'elle décide de restreindre leurs droits.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le premier alinéa de l'amendement n°226 ne mentionne ni la prévention de la récidive, ni la protection de l'intérêt des victimes, ni le principe selon lequel les restrictions des droits des détenus doivent tenir compte de leur âge et de leur personnalité. Quant au second alinéa, comme toute énumération il comporte des lacunes. La commission préfère donc s'en tenir à son propre texte. En garantissant les droits des détenus, il interdit toute discrimination. Avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°94 rectifié : il est légitime de moduler les restrictions des droits des détenus en fonction de leur état de santé.

Je propose en outre de rectifier l'article 10 pour y introduire la notion de dignité. Sa dernière phrase serait ainsi rédigée : « Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé et de la personnalité des personnes détenues, sans porter atteinte à leur dignité. »

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article 10 renforce les droits des détenus et encadre les restrictions qui peuvent y être apportées. Il énonce un principe général, et il ne me semble pas bon de décliner l'ensemble des droits des détenus ou des motifs possibles de discrimination, comme le fait l'amendement n°226. Avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n°94 rectifié, il est évidemment souhaitable de prendre en compte l'état de santé des détenus, mais je ne suis pas très favorable au fait de dresser une liste de caractéristiques et de droits. Je découvre avec vous le nouveau texte de la commission. Le respect de la dignité ne recouvre-t-il pas celui de tous les droits fondamentaux ? Sagesse.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - C'est le dernier lieu du texte où nous pouvons introduire le mot « dignité ». C'est presque une lapalissade : les restrictions apportées aux droits des détenus ne doivent pas porter atteinte à leur dignité. Il en va ainsi des fouilles.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Ce sera difficile...

M. Louis Mermaz.  - Je suis sensible aux préoccupations de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux. Ne serait-il pas plus judicieux d'écrire au début de l'article : « L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits et de sa dignité » ? Ainsi cette règle ne s'appliquerait pas aux seuls détenus âgés ou malades. Nous sommes ici encore favorables à l'inscription dans la loi d'un principe général.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'ai envisagé cette rédaction. Mais elle laisserait à penser que l'administration pénitentiaire peut non seulement restreindre les droits, mais aussi porter atteinte à la dignité des détenus, ce qui est évidemment exclu. Je remercie cependant M. Mermaz pour son ingéniosité, qui me fait regretter qu'il n'appartienne pas à la commission des lois.

M. Louis Mermaz.  - Je comprends les arguments de M. le rapporteur. Ne pourrait-on pas ajouter à la fin de l'article une phrase supplémentaire, afin de garantir le respect de la dignité de tous les détenus ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je veux bien croire que l'énumération contenue dans notre amendement est incomplète. Mais il ne me paraît pas inutile d'inscrire dans la loi que les restrictions apportées aux droits des détenus « doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché » : cela renforcerait les pouvoirs de contrôle du juge.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La commission demande une suspension de séance afin de décider de quelle manière introduire dans l'article la notion de dignité. Peut-être nos collègues qui ont déposé des amendements pourront-ils alors se ranger à notre texte.

M. le président.  - Votons d'abord sur l'amendement n°226.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non car la suspension de séance doit précisément nous servir à nous mettre d'accord sur une rédaction.

M. le président.  - Soit.

La séance, suspendue à 18 heures, reprend à 18 h 10.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous proposons d'ajouter au début de l'article 10 la phrase : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette suspension de séance nous a permis d'avancer. Je m'en réjouis.

Mais à la suite de ce qu'a dit M. Mermaz, l'amendement n°226 contient un certain nombre de précisions auxquelles nous attachons une grande importance et qui ne sont pas reprises dans la rédaction qui nous est proposée pour l'article 10.

Puisque nous disons l'importance des droits de la personne et affirmons que tout détenu est d'abord un être humain, la rédaction de l'amendement n°226 est plus en harmonie avec ce principe et définit mieux les restrictions.

M. Robert Badinter.  - Seuls la commission et le Gouvernement ont le droit de déposer des amendements à ce stade du débat. Il est essentiel d'introduire le mot « dignité ». On dit que le détenu a droit au respect de ses droits, mais la version initiale de l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme, texte sacré, disait : « tous les êtres humains naissent égaux en droits  » et René Cassin a ajouté « en dignité et en droits ». Il est infiniment préférable de reprendre cette formulation en disant qu'on « garantit le respect de sa dignité et de ses droits ». Cela apparaît naturel, légitime, et cela vaut mieux que de reproduire un principe général.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'ai le rôle ingrat de dire à quel point je suis convaincu par vos arguments sans pouvoir me résoudre à les suivre. Oui, la référence à la proportionnalité est intéressante...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Importante !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous avons essayé de la décliner article par article, par exemple à l'article 24 sur les fouilles : la philosophie de cet amendement ne nous est donc pas étrangère.

Quant au président Badinter, j'ai envie de lui dire : « un peu à la fois ! » Nous nous rapprochons progressivement et la procédure n'est pas finie. Il aurait été dommage de ne pas inscrire la notion de dignité et de laisser passer la dernière occasion de le faire de manière cohérente. Certes, votre présentation est plus belle, plus séduisante et mieux pensée, mais elle présente deux inconvénients : premièrement, les restrictions que l'on envisage ensuite ne s'appliquent qu'aux droits, car on ne restreint pas la dignité ; deuxièmement, si nous donnons cette mission à l'administration pénitentiaire, que nous respectons, que répondrai-je aux gardiens qui me diront que ce n'est pas leur faute s'ils sont entassés à quatre par cellule ? Je préfère m'en tenir à notre rédaction. 

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulions que les restrictions soient justifiées et proportionnelles. Il importe de donner à cet article introductif une forme plus générale. Nous pourrions d'ailleurs éviter l'énumération en écrivant « sans distinction et sans discrimination ».

M. Alain Anziani.  - Ne donnons pas l'impression de jouer à cache-cache avec la dignité ; ce serait une erreur grave de céder aux 36 objections qui s'élèvent à chaque fois contre son maintien. Je ne comprends pas la logique qui consiste à affirmer que tout le monde a droit à la dignité : c'est une évidence. L'important, c'est de la garantir ; voilà pourquoi notre rédaction ajoute beaucoup. Notre rapporteur a fait un aveu considérable : il a dit qu'il ne fallait pas inscrire certains principes, car ils ne seraient pas respectés ». A-t-il vu les conséquences de cette logique sur la suite du texte ? Il y a des droits et ils s'imposent à tous.

L'amendement n°226 n'est pas adopté.

L'amendement n°94 rectifié est adopté.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je me bats depuis le début pour que la dignité figure dans ce texte ; la Déclaration universelle des droits de l'homme ne rappelle-t-elle pas que tous les hommes y ont droit, donc les détenus ? Ne pas exiger son respect de l'administration pénitentiaire me semble grave car si personne n'en est responsable, la déclaration reste vide de sens. Ce retrait est inapproprié.

M. Louis Mermaz.  - Nous constatons que le rapporteur et la garde des sceaux ont fait un effort et je suis satisfait que la dignité trouve place dans le texte mais le vague, le flou des restrictions laisseront l'administration pénitentiaire libre de faire ce qu'elle veut. Dès lors, il est logique de ne pas voter ce texte.

M. Robert Badinter.  - Par définition, tout homme a droit à la dignité. Dire que tout détenu a droit au respect de sa dignité, c'est rappeler qu'il est un être humain. Pour être constructif, il faut aller au-delà de cette évidence et écrire que l'administration pénitentiaire garantit à chaque détenu le respect de sa dignité et de ses droits.

Si la majorité campe sur la position du rapporteur, si le mot dignité est de trop, alors nous nous abstiendrons. Comment faire oeuvre constructive dans ces conditions ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est dommage de ne pas trouver un accord sur ce minimum ! En outre, je regrette que l'on n'ait pas retenu notre proposition de motiver précisément les restrictions à l'exercice des droits fondamentaux de la personne humaine.

M. Claude Jeannerot.  - Confier à l'administration pénitentiaire une mission aussi fondamentale la grandit et la magnifie. Nous lui donnons ainsi l'occasion de se valoriser.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il me semble qu'au fond nous sommes tous d'accord. Toute personne a droit au respect de sa dignité, mais l'administration pénitentiaire n'en a pas toujours les moyens. Nous pouvons rapprocher les deux points de vue...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous n'allons pas refaire encore le texte !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - ... en précisant que l'administration pénitentiaire contribue par tous ses moyens au respect de la dignité de la personne détenue.

M. Marc Laménie.  - Je suis pour l'inscription de la notion de dignité, mais un droit s'accompagne généralement de devoirs... Jean-Jacques Hyest et le rapporteur l'ont rappelé : n'oublions pas les personnels qui oeuvrent au quotidien dans les prisons. Cet article est très complexe.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le respect de la dignité est une responsabilité collective qui ne repose pas seulement sur l'administration pénitentiaire ; c'est d'abord la nôtre. Si nous étions plus nombreux à visiter les prisons, les choses iraient peut-être mieux ! En précisant que chaque personne détenue a droit au respect de sa dignité, nous nous engageons tous à garantir ce droit.

M. le Président.  - Je rappelle que M. le rapporteur a rectifié l'article 10 en ajoutant au début la phrase : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité ».

L'article 10 rectifié, modifié, est adopté.