Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Suppression de la taxe professionnelle

M. Jacques Mézard .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur les conséquences pour les collectivités locales de la suppression annoncée de la taxe professionnelle.

Le 5 février dernier, non sans rappeler l'annonce faite il y a un an de la suppression de la publicité sur le service public de l'audiovisuel, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2010. Depuis, plus rien. Cette annonce a plongé dans l'inquiétude les collectivités et les élus locaux qui craignent une nouvelle improvisation intempestive.

Cette suppression profitera évidemment aux entreprises assujetties à un impôt sur lequel tout le monde, à commencer par ses concepteurs, s'accorde à dire depuis des années que son mode de calcul doit être revu, qu'il s'agisse de son assiette ou de son taux. Mais il n'est pas envisageable que cette ressource fiscale ne fasse l'objet d'aucune mesure de compensation dans des conditions qui préservent les collectivités locales. Sur la compensation, comme en son temps sur le remplacement des ressources de la publicité, le chef de l'État a été très flou, se contentant d'évoquer « des possibilités autour de la taxe carbone ».

Dans un contexte de crise grave qui amène le Gouvernement à solliciter les collectivités pour financer son plan de relance, l'enjeu est de taille : il y va de la survie et du maintien des politiques de proximité menées par les collectivités. Elles ont perçu l'année dernière plus de 28 milliards au titre de la taxe professionnelle, dont 17 milliards sont allés aux communes et aux EPCI. Cette taxe représente ainsi, à elle seule, 43 % de ce que leur rapportent les impôts directs locaux.

On comprend donc aisément l'émoi suscité, par l'annonce de sa disparition, chez les élus locaux de tous bords, comme le montrent les réactions de toutes les associations d'élus. Ces inquiétudes sont ici partagées sur tous les bancs. Trouver en un an un impôt de substitution ne sera pas chose facile !

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement envisage toujours de supprimer la taxe professionnelle ? Si oui, quelles sont vos intentions pour garantir la compensation des pertes de recettes ? Disposez-vous d'un calendrier précis ? De quelle façon le Parlement sera associé à ce chantier ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Votre question contient déjà un certain nombre d'éléments de la réponse que je peux vous donner. Nous allons associer sénateurs et députés à une réflexion sur les possibles substituts à la taxe professionnelle, qui n'est pas un bon impôt, chacun le reconnaît, et dont la disparition partielle ne peut qu'accroître la compétitivité de nos entreprises et l'attractivité du territoire, étant entendu que la base foncière de cet impôt doit demeurer, pour assurer le lien entre les entreprises et les territoires. Les 22 milliards de recettes ainsi perdues par les collectivités territoriales seront intégralement compensés collectivité par collectivité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Comment ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il faudra, je l'ai dit, conserver un lien entre l'entreprise et le territoire, et explorer d'autres directions.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Lesquelles ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - On peut penser à une fraction supplémentaire de la TIPP ou de la taxe sur les contrats d'assurance ; on peut penser aussi aux bases foncières industrielles comme à la valeur ajoutée.

Voici quelques-unes des pistes que nous allons explorer dans un esprit de concertation et de coopération, et sur lesquelles reviendra la conférence nationale des exécutifs que va prochainement réunir le Premier ministre. (Applaudissements à droite)

Paradoxe de la crise automobile

M. Yves Détraigne .  - Les chiffres publiés en début de semaine sur l'activité du secteur automobile en France semblent indiquer que l'effet de la prime à la casse est en train de s'estomper et que les stocks de véhicules augmentent à nouveau chez les constructeurs. Le marché des véhicules particuliers a reculé de 13 % le mois dernier par rapport à février 2008. Dans le même temps, l'activité redémarre fortement en Allemagne où les immatriculations ont bondi de 22 % le mois dernier.

Du fait de l'importance de ses stocks et de la faiblesse de son activité, l'industrie automobile française a considérablement réduit sa production. La plupart des entreprises de ce secteur ont mis un terme à leurs contrats d'intérim, n'ont pas renouvelé les contrats de leur personnel en CDD et sont passées d'une organisation de leur production en 3 x 8 à une organisation en 2 x 8. Les sous-traitants de l'industrie automobile sont les premiers touchés et les plans sociaux s'y multiplient.

Or, alors qu'il est possible de prendre livraison, en France, d'une automobile de marque étrangère trois à quatre semaines après sa commande, ce délai, que l'on peut considérer comme normal, est de trois à quatre mois lorsqu'il s'agit de prendre livraison d'un véhicule de marque française. Ce, dans toutes les régions, quel que soit le constructeur et quelle que soit la gamme du véhicule commandé. C'est incompréhensible.

Cette différence est inquiétante parce qu'elle aggrave la situation du secteur et va entraîner davantage encore de suppressions d'emplois. Comment expliquer ce hiatus entre les faits et les discours des constructeurs et comment allez-vous remédier à un comportement qui incite à l'achat de véhicules étrangers ? (On applaudit au centre)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - Vous avez raison, la prime à la casse voulue par le Président de la République a connu un extraordinaire succès ; aussi a-t-elle été imitée par nos partenaires et c'est ainsi que le marché allemand a fait un bond de 20 %. Nos constructeurs n'ayant pas anticipé un tel succès, des tensions sont apparues.

Cette prime ne peut cependant tout résoudre à elle seule. C'est pourquoi, dès le 9 février, le Président de la République a annoncé un pacte automobile. La réactivité en est le maître-mot. Nos constructeurs ont ainsi bénéficié de prêts et de soutiens, l'État ayant débloqué 6,5 milliards à leur intention et 2,5 milliards pour les banques des constructeurs. Oseo apporte sa garantie jusqu'à 90 % des crédits aux sous-traitants de la filière. Enfin, l'indemnisation du chômage partiel a été élargie.

L'avenir s'articule autour du plan « véhicules décarbonés », 250 millions étant consacrés aux projets « verts ». Le crédit impôt recherche est l'outil le plus puissant des pays développés parce que l'innovation est la clef de la croissance. La suppression de la taxe professionnelle, que vient d'évoquer Mme Lagarde, jouera aussi en faveur de nos constructeurs.

M. le président.  - Concluez.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est mobilisé. Il ne laissera pas tomber l'industrie française.

Emploi et plan de relance

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Jour après jour, la France bat de tristes records. Les déficits sont abyssaux, le chômage explose ; 300 000 emplois ont été détruits depuis six mois, dont 90 200 en janvier, soit le tiers de vos prévisions pour l'année.

M. Éric Doligé.  - Et ailleurs ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ne dites pas que la France résiste mieux que les autres à la crise...

M. René-Pierre Signé.  - Car ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Notre résistance n'est due qu'à un service public fort et à un système de protection sociale que vous n'aviez de cesse de détruire. Vous avez tardé à réagir et vos réponses demeurent décalées. (Protestations à droite) Au lieu de multiplier les annonces, il faudrait supprimer la loi Tepa, ce boulet pour les finances publiques. Le bouclier fiscal coûte cher et favorise l'évasion fiscale, sans effet sur l'économie ; leur détaxation n'a pas fait augmenter les heures supplémentaires et s'est réduite à un effet d'aubaine. Il est catastrophique en temps de récession de gaspiller ainsi 3,5 milliards. Il ne s'agit plus de travailler plus pour gagner plus, mais d'être plus nombreux à travailler. (Approbations sur les bancs socialistes) Et quand la reprise sera là, ce sera un frein à l'embauche.

En ce qui concerne le Fonds d'investissement social que vous avez créé sous la pression des syndicats, on voit en l'examinant de près que vous ne mettez sur la table que 800 millions sur les 2,5 milliards annoncés, et, qui plus est, ce sont des sommes réaffectées.

M. le président.  - Posez votre question. (Approbation à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les salariés licenciés n'ont qu'à s'aider eux-mêmes... Votre plan est en décalage total. Dès lors, ma question (« Ah ! » à droite) est la suivante : allez-vous enfin orienter les efforts de la Nation vers la relance de la consommation ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Reprenons les chiffres précisément et rectifions-les si nécessaire. L'économie française ne détruit pas 600 000 emplois, ce chiffre est celui des demandeurs d'emploi. En réalité, notre économie détruira 350 000 emplois. Faut-il privilégier la consommation ? Mais quel est le secteur qui a progressé en janvier : l'exportation, l'investissement ? Non !, c'est la consommation qui a augmenté de 1,8 %. Ce n'est donc pas là qu'il faut intervenir prioritairement, mais pour l'investissement et en faveur des populations les plus touchées par la crise. Nous avons pris de multiples mesures à cet effet.

Le chômage a sensiblement progressé au quatrième trimestre. Du chiffre le plus bas depuis 27 ans, 7,2 %, nous sommes passés à 7,8 % en raison du freinage brutal de l'économie française, qui a connu une croissance négative de 1,2 %.

Nous ne restons toutefois pas les deux pieds dans le même sabot : l'indemnisation du chômage partiel augmente progressivement pour atteindre 75 % et 1 000 heures par entreprise. Nous avons encouragé les très petites entreprises à embaucher en franchise totale de contributions sociales : elles recrutent ainsi 2 000 personnes chaque jour depuis quinze jours. Voilà deux des mesures que nous avons prises pour l'emploi.

M. le président.  - Concluez...

Mme Christine Lagarde, ministre.  - A l'initiative du Gouvernement, les partenaires sociaux vont débattre de l'amélioration de l'indemnisation du chômage. Voilà comment nous luttons contre des chiffres dégradés par le freinage brutal de l'économie. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - La loi Tepa, voilà le péché originel !

Réforme des collectivités locales

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Ma question s'adresse au Premier ministre.

Nous savons maintenant que le Président de la République et M. Balladur sont sur la même longueur d'onde pour ce qui est de la reprise en main des collectivités territoriales par l'État et de la réduction des dépenses publiques. Car ce sont là les principales caractéristiques des propositions de M. Balladur : transformation des collectivités locales en services déconcentrés de l'État, plan social territorial -ou étranglement financier. En supprimant la compétence générale des départements, des régions et des communes membres de « métropoles », l'État sera en effet seul à disposer du pouvoir de dire qui a le droit de faire quoi dans chaque collectivité locale. Ce faisant, vous niez les libertés locales et le fait que les élus locaux sont mandatés pour appliquer les politiques souhaitées par la population. Le projet de Grand Paris est caricatural, qui sera directement géré par l'Élysée. (M. Philippe Dallier s'exclame) On a beaucoup pratiqué la démagogie pour convaincre l'opinion qu'il fallait mettre fin à un prétendu « mille-feuille » territorial qui rendrait les collectivités « inefficaces et coûteuses ». Le mille-feuille, c'est bien vous qui l'avez créé, avec la « décentralisation Raffarin », chef-d'oeuvre d'émiettement des compétences conjointes, concurrentes ou fragmentés.

M. Philippe Dallier.  - Justement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Financièrement, vous avez chargé la barque des collectivités sans compensation réelle et, pour couronner le tout, avant même le rapport Balladur, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle. Curieuse façon de soutenir l'investissement quand on sait que les trois quarts de l'investissement public sont le fait des collectivités locales ! Mais sans doute préférez-vous privilégier les grands groupes financiers. (« Ah ! » à droite)

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vous a demandé d'élaborer un texte reprenant les propositions Balladur. La plupart des associations d'élus ont émis des critiques globales ou partielles au fur et à mesure que les intentions de M. Balladur étaient dévoilées.

M. René-Pierre Signé.  - Balladur, à la retraite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comment allez-vous organiser une véritable discussion avec les élus et, surtout, un débat public avec la population sur la démocratie locale, sur le rôle de chacune des collectivités et sur les moyens financiers leur permettant de répondre aux besoins de la population ? (Applaudissements sur les bancs CRC et sur certains bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Si je vous ai bien comprise, madame Borvo Cohen-Seat, tout va bien et rien ne doit changer.

M. Bernard Frimat.  - Il faut surtout changer de Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Il serait, selon vous, inutile de donner davantage de lisibilité à notre organisation administrative, inutile d'améliorer la rapidité et l'efficacité des décisions ?

M. René-Pierre Signé.  - Pas comme ça !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ne soyez pas si conservatrice, madame la sénatrice ! (protestations à gauche, rires à droite) et convenez qu'il faut davantage de lisibilité dans les prises de décision et la répartition des compétences. L'opposition participait d'ailleurs au comité Balladur...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas nous !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...et seize de ses propositions ont été adoptées à l'unanimité.

Le rapport Balladur sera l'objet d'une vaste concertation (« ah ! » ironique à gauche) qui permettra d'examiner le bien-fondé de certaines critiques. Le Premier ministre réunira une conférence des élus locaux, un projet de loi-cadre sera déposé devant le Parlement et suivi d'un ou de plusieurs projets de loi. Il faut rechercher le consensus le plus complet possible, en oubliant les égoïsmes particuliers et en ne se souciant que de l'intérêt général. (Applaudissements à droite).

Fusion de la Banque populaire et des Caisses d'épargne

M. Jean-Pierre Fourcade .  - La semaine dernière, la fusion des deux entités, Caisses d'Épargne et Banque populaire, a donné naissance à la deuxième banque française. Forte d'environ 34 millions de clients, de plus de 7 millions de sociétaires, de 7 700 agences et de 110 000 collaborateurs, cette nouvelle structure bancaire se met en place avec quelques handicaps : d'abord les pertes constatées en 2008 pour les deux réseaux et pour leur filiale commune Natixis ; ensuite, l'effet sur leurs dépôts de la banalisation des livrets d'épargne. Le gros des pertes ne concerne pas la clientèle traditionnelle...

M. René-Pierre Signé.  - C'est pourtant elle qui va payer !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - ...mais les opérations de diversification, de marché ou de grande clientèle à l'international auxquelles cette filiale s'est risquée.

Il importe de redonner confiance aux millions de porteurs de livret A, de rassurer les quelque 110 000 salariés du groupe, ainsi que les sociétaires et les emprunteurs. Le Gouvernement se doit d'apporter des réponses positives aussi bien sur les fonds propres de la nouvelle banque que sur son organisation. Comment sera conçu l'organe central des deux réseaux ?

M. François Marc.  - A l'Élysée !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Comment ces derniers fonctionneront-ils à l'avenir et dans quelle mesure sera protégé le statut mutualiste actuel ? Sous quelle forme se traduira le soutien du Gouvernement à ces banques ? (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Sous la forme de nos impôts !

M. Didier Boulaud.  - Comment disait Poniatowski, « les copains et ... » ? Je perds la mémoire...

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Vous avez dit, monsieur le sénateur, les raisons pour lesquelles la Banque populaire et les Caisses d'épargne ont fusionné. Il faut y ajouter leur histoire commune, leur culture mutualiste à laquelle le Gouvernement est attaché et qui sera maintenue, je l'espère, dans le projet de loi de fusion. Cette perspective de fusion occupait les deux groupes depuis dix ans mais ce dossier progressait si lentement que je leur ai demandé d'accélérer leurs négociations et de conclure avant le 26 février, date de la publication de leurs bilans. Quand deux si grands établissements projettent de se réunir, il ne faut pas tergiverser !

M. Didier Boulaud.  - Il fallait caser quelqu'un.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je suis également intervenue afin de consolider les fonds propres et de conforter l'épargne des particuliers et le crédit aux entreprises, les deux métiers complémentaires de la nouvelle banque.

M. Didier Boulaud.  - Tous à La Poste !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'État se devait de les consolider et de participer à la nécessaire redéfinition de la stratégie de Natixis. Il contribuera donc pour un maximum de 5 milliards sous forme de titres superprivilégiés ou sous forme d'actions préférentielles éventuellement convertibles en actions ordinaires assorties du droit de vote, si nécessaire, ce qui donnera à l'État un maximum de 20 % du capital des deux établissements ainsi réunis.

De cette affaire, vous déciderez lors de l'examen du projet de loi qui viendra devant vous dans les mois qui viennent. (Applaudissements à droite)

Fracture territoriale

M. Simon Sutour .  - A l'heure où la mode est aux métropoles, je veux vous parler des territoires ruraux. Qu'il est loin le temps où la fracture territoriale était un des thèmes majeurs du débat public ! Je me fais ici, devant le grand conseil des collectivités territoriales, l'écho du découragement et de l'exaspération des élus des zones rurales, qui ne sont plus en mesure de répondre aux besoins élémentaires de leurs administrés en termes de services publics, alors que la crise appelle une intervention publique plus forte en direction des plus fragiles.

L'évolution des services publics ne doit pas être un tabou, mais de nombreux élus ont le sentiment d'une politique purement comptable, conséquence de la révision générale des politiques publiques, et non d'une politique de fond ; il n'est que de voir ce que sont les réformes des cartes judiciaire, militaire ou hospitalière. La situation est aussi préoccupante dans les services postaux et de télécommunications. Il n'est pas un jour sans que nous soyons alertés, les uns et les autres, de la dégradation du service postal ou du service téléphonique, concrétisée par la fermeture de bureaux ou la coupure intempestive de lignes. La fracture numérique demeure, et les zones blanches ne sont toujours pas couvertes. On ne compte plus les fermetures de tribunaux de proximité, de bases militaires, de trésoreries, d'hôpitaux ruraux et même d'agences EDF-GDF. (M. Alain Fouché le conteste)

M. le président.  - Veuillez poser votre question !

M. Simon Sutour.  - Des sous-préfectures vont fermer, d'autres seront maintenues mais sans sous-préfet ; ce sera le cas dans mon département, au Vigan. Quant aux brigades de gendarmerie, deux d'entre elles pourraient y disparaître.

Pouvez-vous m'indiquer les intentions du Gouvernement ? Plus largement, quelle politique entendez-vous mener en direction des territoires ruraux afin que la fracture territoriale ne se transforme pas en gouffre ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Il faut demander à Balladur, c'est un grand spécialiste de la ruralité.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Vous savez combien je suis attachée au monde rural et à la présence de l'État sur tout le territoire. (On en doute sur les bancs socialistes) Mais cet attachement n'est pas nostalgie. (Mouvements divers à gauche) Peut-on ignorer qu'il existe de nouvelles façons de travailler ? Lorsque trois personnes seulement fréquentent chaque jour un bureau de poste, on peut s'interroger sur la bonne gestion des deniers publics. Il peut donc y avoir rationalisation, pourvu que le service rendu reste identique.

Je suis très attachée au maillage du territoire par la gendarmerie.

M. Didier Boulaud.  - Vous l'étiez, vous ne l'êtes plus !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ce maillage sera préservé, ce qui n'empêche pas de réfléchir à un meilleur fonctionnement des brigades. Lorsqu'on trouve, monsieur Sutour, trois brigades en quinze kilomètres sur un axe routier de votre département, il paraît sage de se poser des questions...

M. René-Pierre Signé.  - C'est faux. Venez voir sur le terrain !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Situation exceptionnelle !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Tout sera fait de toute façon en concertation avec les élus.

M. Didier Boulaud.  - Comme pour les radars !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - J'ai déjà eu l'occasion d'affirmer mon attachement à la présence des sous-préfectures dans les territoires les plus fragiles, (M. Christian Poncelet approuve) là où le besoin de l'autorité de l'État est le plus fort. Ce qui n'empêche pas de réfléchir à de nouvelles formes d'organisation, s'agissant notamment du contrôle de légalité.

M. le président.  - Je vous prie de conclure.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Vous savez que des personnels n'appartenant pas à la carrière préfectorale peuvent être nommés sous-préfet, ce qui se pratique depuis des années. Une quinzaine de conseillers d'administration pourront ainsi être promus. Je vous croyais plus soucieux de promotion sociale ! (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

Statut d'auto-entrepreneur

M. Philippe Dallier .  - La loi LME a créé le régime d'auto-entrepreneur, qui est opérationnel depuis le 1er janvier 2009 ; ce régime permet de créer une entreprise sans autre formalité qu'une déclaration et de ne payer cotisations sociales et impôts qu'après que l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires et non, comme cela se passait auparavant, avant même que le premier euro ne soit rentré dans les caisses.

Ce dispositif a été critiqué par la gauche, ce qui n'étonnera personne, mais aussi par nombre d'artisans. On craignait le manque de soutien aux auto-entrepreneurs et le peu d'expérience de ces derniers. Pour autant, le dispositif est un franc succès. Pouvez-vous en faire le bilan ? Quelles mesures envisagez-vous pour accompagner les auto-entrepreneurs dans les premières années ? Ne serait-il pas opportun que les chômeurs indemnisés puissent bénéficier de tous les avantages de ce régime ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Question téléphonée !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - Vous avez raison de dire que le régime de l'auto-entrepreneur connaît un franc et plein succès.

Ce sont plus de 81 000 inscrits depuis le 1er janvier 2009. L'extrême simplicité est facteur de succès. Beaucoup de Français ont saisi cette opportunité pour créer leur activité, transformer leur projet en revenus. (M. Jacques Mahéas s'exclame)

Il faut néanmoins un accompagnement plus important. Les chambres consulaires doivent notamment se pencher sur les exigences de qualification professionnelle et d'assurance. Le régime est bien entendu perfectible. Une mission d'évaluation proposera des améliorations avant la fin de l'année. Dans quelques semaines, nous annoncerons que les demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise pourront s'inscrire comme auto-entrepreneurs avec un taux de prélèvements inférieur au taux commun.

A côté de la réponse collective des pouvoirs publics, il y a une réponse individuelle des Français, qui se saisissent de cet outil supplémentaire pour lutter contre la crise. (Applaudissements à droite)

M. Didier Boulaud.  - C'est beau ! N'en jetez plus !

M. René-Pierre Signé.  - De quoi se plaint-on ?

Politique en faveur des jeunes

M. Christian Demuynck .  - Monsieur le haut commissaire, le 12 janvier à Saint-Lô, le Président de la République vous a chargé d'une nouvelle politique pour la jeunesse.

M. René-Pierre Signé.  - Il a été bien reçu !

M. Christian Demuynck.  - Il a insisté sur le besoin d'autonomie des jeunes, soulignant que la responsabilité est le nécessaire corollaire à cette liberté.

Le 18 février, lors des rencontres avec les partenaires sociaux, le Président et le Premier ministre ont souhaité des propositions rapides pour la jeunesse et l'organisation d'une grande concertation.

M. Didier Boulaud.  - Une table ronde, par exemple !

M. Christian Demuynck.  - Le 17 février, devant notre commission des affaires culturelles, vous avez évoqué les pistes de cette concertation.

M. René-Pierre Signé.  - Non balisées !

M. Christian Demuynck.  - Vous avez rappelé la volonté du Président de la République de relancer le service civique. Depuis votre nomination, vous avez multiplié les échanges avec les acteurs du secteur.

Quelles seront les grandes lignes de cette concertation ? Comment comptez-vous associer la représentation nationale à ce rendez-vous que vous donnez à la jeunesse ? (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse .  - Quand j'ai défendu le projet de loi instaurant le RSA, vous étiez nombreux, sur divers bancs, à vous interroger sur le sort des moins de 25 ans. Je m'étais engagé, au nom du Gouvernement, à ne pas laisser cette question sans réponse, non pas en étendant le RSA, mais en inventant autre chose.

La vaste concertation entamée lundi n'est pas une perte de temps : quand cette phase a été oubliée, on a mis les jeunes dans la rue ! (Exclamations à gauche) Nous mettons autour de la table les partenaires sociaux, les syndicats étudiants, les collectivités territoriales, les acteurs du service public de l'éducation et de l'emploi, afin d'aboutir à des propositions permettant d'avancer. La représentation nationale est associée : le président du Sénat a désigné deux sénateurs, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, pour travailler ensemble sur ce sujet. Je suis tout disposé au débat.

Est-il normal qu'un jeune soit suivi par l'éducation nationale jusqu'au 30 juin, puis lâché dans la nature jusqu'à ce qu'une mission locale le récupère trois jours, trois mois ou trois ans après ? Non ! Est-il normal de payer les choix d'orientation faits à 11 ans, sans possibilité de rattrapage ? Non ! (Mme Catherine Procaccia applaudit) Est-il normal qu'un jeune qui a tout réussi se retrouve sur le carreau ? Non ! (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à droite) Que chacun se renvoie la balle ? Non ! Je m'engage à faire des propositions pour le long terme, et à trouver des réponses adaptées à la crise. (Applaudissements à droite)

M. Didier Boulaud.  - Sept ans que la droite est au pouvoir !

M. le président.  - La Conférence des Présidents a décidé hier de créer une mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes. (Marques d'approbation à droite)

Avenir des véhicules décarbonés

M. Louis Nègre .  - Jour après jour se confirme l'extrême gravité de la crise qui frappe le secteur automobile.

M. Didier Boulaud.  - M. Novelli disait le contraire il y a un instant !

M. Louis Nègre.  - Nos champions nationaux sont victimes de la récession, avec des conséquences désastreuses pour l'emploi.

M. Didier Boulaud.  - Accordez vos violons !

M. Louis Nègre.  - Le modèle économique de la voiture thermique du XXe siècle, grosse consommatrice de carburant, est brutalement devenu obsolète, d'autant que, face à la crise environnementale, les mentalités évoluent très rapidement.

Le Gouvernement a réagi vigoureusement. Outre le plan de soutien de 8 milliards, trois actions phares : l'allocation de 400 millions à la recherche et au développement des véhicules à faible émission de CO2, annoncée par le Président de la République lors du Mondial de l'automobile...

M. René-Pierre Signé.  - Il est partout !

M. Louis Nègre.  - ...les États généraux de l'automobile organisés le 20 janvier 2009, et une réunion, le 17 février, avec les acteurs de la filière décarbonée.

M. Didier Boulaud.  - Et les ministres à vélo !

M. Louis Nègre.  - Le but est de définir une « stratégie nationale de déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables ».

M. le président.  - Votre question ?

M. Louis Nègre.  - Quel est l'avenir de la filière du véhicule décarboné et notamment électrique ?

Quelle crédibilité, madame la ministre, faut-il accorder à ce que d'aucuns ont appelé un énième plan ? Existe-t-il une vraie volonté d'établir une politique pérenne dans ce domaine ? Compte tenu du défi technologique que représente cette nouvelle filière, ne risque-t-on pas, enfin, de lever de faux espoirs ? Au vu de la concurrence exacerbée qui s'annonce entre constructeurs, quel calendrier entendez-vous fixer pour que notre pays entre de plain-pied dans le marché du véhicule propre ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Simon Sutour.  - Il en a pris tout à son aise !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Vous avez raison, monsieur le sénateur, le soutien à la filière décarbonisée est un enjeu d'avenir. Enjeu écologique, puisque le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre, alors que l'on sait déjà faire des véhicules trois fois moins polluants ; enjeu économique, puisque l'industrie automobile représente 10 % de nos emplois ; enjeu social dès lors que la hausse du pétrole est inéluctable et que nos concitoyens ne doivent pas être les victimes : je rappelle que 60 % d'entre eux se servent de leur automobile tous les jours.

Nos constructeurs se situent aux deuxième et troisième rangs européens pour la mise sur le marché de véhicules à faible émission, et c'est aussi pourquoi nous sommes moins touchés par la crise. Conformément au voeu du Président de la République (Mme Nicole Bricq se gausse), des objectifs ont été fixés à l'horizon 2012 ; 400 millions ont déjà été débloqués pour la recherche ; un plan spécial de 80 millions, placé sous la responsabilité de l'Ademe, doit permettre de développer des expérimentations en site réel ; deux autres plans public-privé sont à l'oeuvre sur la question spécifique des batteries.

Le bonus de 5 000 euros pour les véhicules émettant moins de 60 grammes de gaz à effet de serre, étendu aux véhicules utilitaires légers, doit soutenir la demande, tandis que la commande groupée associant grandes collectivités et grandes entreprises de 100 000 véhicules décarbonisés, annoncée le 17 février, favorisera l'offre.

Un groupe de travail a également été mis en place sur les infrastructures de recharge, car nous savons que l'échec des plans précédents est largement imputable au manque de développement des services corollaires. Il fera des propositions courant 2009, à intégrer dans le programme législatif avant la fin de l'année.

Nous sommes bien face à un défi sans précédent car l'avenir sera, par définition, sans carbone. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Conclusions du comité Balladur

M. Jean-Claude Peyronnet .  - Le rapport remis ce matin par M. Balladur entre les mains du Président de la République ne manque pas d'inquiéter. Sous les apparences d'une évolution tranquille se cache une révolution brutale qui aboutirait à une architecture territoriale très simplifiée, supprimant le département, regroupant les 36 000 communes en 2 500 communes nouvelles et ramenant les régions métropolitaines à 15 au lieu de 22.

La période transitoire dessine une France à peu près ingouvernable, faite de territoires plus enchevêtrés encore qu'aujourd'hui. Car si le rapport Attali proposait la suppression du département, le rapport Balladur le fait mourir à petit feu, pour éviter une révision constitutionnelle impossible. Car comment cette institution pourrait-elle vivre alors que toutes ses compétences seraient transférées aux onze métropoles à statut particulier, puis à d'autres agglomérations et, pourquoi pas, aux 2 500 communes nouvelles ?

Les maires de 34 000 communes en seraient réduits à ne s'occuper plus que de l'état civil, de la police et des cas sociaux.

Nous ne sommes pas opposés à toute évolution.

M. Ladislas Poniatowski.  - Ah bon !

M. Jean-Claude Peyronnet.  - La création de grandes métropoles serait une bonne idée, pour peu que leur soient donnés les moyens d'un véritable développement économique. Mais en quoi la gestion des routes départementales et celle de la sécurité civile renforcerait-elle leur puissance dans la compétition européenne ? Qui, enfin, dans cet empire romain reconstitué, s'occupera de la péréquation et de la solidarité entre les territoires ?

Nos concitoyens, légitimement préoccupés par la cherté de la vie et le chômage, semblent peu mobilisés. Mais gardez-vous d'oublier qu'ils ont toujours manifesté un fort attachement identitaire à la commune, au département et, plus récemment, à la région.

Comment le Gouvernement reçoit-il ces propositions ? Est-il prêt à voir 34 000 maires cantonnés à la gestion des cimetières ? (Exclamations à droite) Estime-t-il que le partage des mêmes compétences entre agglomérations et conseils généraux amènera une simplification ?

Alors que le chômage explose, que le pouvoir d'achat s'effondre et que l'État fait appel aux collectivités pour l'aider dans son plan de relance, cette question reste-t-elle une priorité ? Ne craint-il pas de susciter une instabilité qui gênerait les collectivités dans leur appui à la relance ? (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Si le Président de la République a demandé au comité Balladur de plancher sur les structures institutionnelles, c'est que nous voyons bien, comme nos concitoyens, que se pose un problème de clarification et d'efficacité. Faut-il rappeler que ce comité est composé de personnalités, de droite comme de gauche, dont on ne peut nier la compétence en matière de gestion des collectivités. N'est-ce pas leur faire injure que de dire que leurs propositions ne tiennent pas compte des réalités ou qu'elles ne visent qu'à compliquer l'organisation territoriale ? Où sont les arrière-pensées électoralistes dès lors que MM. Vallini et Mauroy reconnaissent ce matin même qu'ils approuvent 80 % de ces propositions ? (On le conteste sur plusieurs bancs socialistes)

Vous réglerez vos problèmes entre vous. Quant à nous, ce que nous cherchons, dans le cadre de la conférence des exécutifs réunie par le Premier ministre, c'est l'efficacité, y compris sur la question de la fiscalité. Nous ne sommes animés par aucune arrière-pensée mais par une seule ambition : améliorer, pour le bien de nos concitoyens, le fonctionnement de l'ensemble des collectivités. (Protestations à gauche ; applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)