Plan Autisme (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Bernadette Dupont (UMP) à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur le plan Autisme 2008-2010.

Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.  - Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard.

Le 18 mai 2008 était annoncé le plan Autisme 2008-2010. Où en sommes-nous aujourd'hui ? II y aurait en France plus de 100 000 personnes autistes, dont un quart a moins de 20 ans ; 75 % ont besoin d'établissements spécialisés. Si l'on peut espérer en intégrer un quart, 80 0000 personnes resteraient dans leurs familles, avec parfois une prise en charge en hôpital de jour.

On sait aujourd'hui que l'autisme n'est pas un trouble d'origine psychiatrique ni affective, mais un trouble neuro-développemental, entraînant des troubles envahissants du développement et du comportement. Les familles sont trop souvent seules à supporter la pénibilité d'un enfant incompréhensible, imprévisible, incontrôlable, l'impuissance s'accompagnant parfois d'une culpabilité dont on sait aujourd'hui qu'elle n'a pas lieu d'être.

Des études ont démontré la nécessité d'une prise en charge éducative spécifique, avec suivi médical. Des résultats très positifs sont obtenus sur les jeunes enfants : le diagnostic précoce reste le meilleur atout pour améliorer la vie des malades, à défaut de guérison. Notre pays est en retard, la médecine et les éducateurs spécialisés pas ou peu formés, et très peu informés des avancées. Le plan Autisme a suscité les espoirs les plus grands. Nous n'avons pas le droit de les décevoir. La solidarité nationale doit se transformer en actes. Ce n'est pas simple. Les propositions de pratiques éducatives sont diverses, parfois controversées. II faut travailler avec les associations, élaborer une prise en charge -hors champ psychiatrique- s'appuyant sur un socle commun.

Madame la ministre, les structures innovantes seront-elles offertes à un plus grand nombre de familles dès la rentrée 2009 ? Seraient-elles liées à la loi hôpital, patients, santé et territoires ? Comment l'éducation nationale pourra-t-elle assurer l'intégration en milieu scolaire ordinaire, très insuffisante aujourd'hui ? Les groupes de travail sont nombreux, mais leurs effets aléatoires. Les processus sont trop longs, les promesses ne suffisent plus à ces familles qui attendent dans la souffrance et sont victimes de leur discrétion. En leur nom, je vous prie de m'indiquer les moyens mis en oeuvre pour parvenir dans des délais acceptables à réaliser vos engagements. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Jacqueline Alquier.  - La table ronde organisée par la commission des affaires sociales du Sénat a révélé que la méconnaissance de l'autisme et le manque de formation des professionnels pouvaient entraîner des formes de maltraitance. Le film retraçant le parcours dramatique de la soeur de Sandrine Bonnaire illustre la méconnaissance de ce trouble, longtemps confié exclusivement à la psychiatrie. Ce n'est que récemment que l'on s'est tourné vers le secteur médico-social. L'état des lieux est préoccupant, tant au niveau de l'accompagnement et de l'accueil que du manque de formation des personnels. Si des progrès ont été réalisés sur les causes de l'autisme et l'intérêt d'un diagnostic précoce, la France est en retard en matière de prise en charge et n'offre pas aux familles un choix adapté à la situation de leur enfant.

L'autisme se caractérise par trois manifestations : troubles des interactions sociales liés à la difficulté à intégrer les codes sociaux et trouble de la communication verbale et non verbale ; comportements stéréotypés et intérêts sélectifs ; étroitesse des intérêts mais avec des compétences développées dans des domaines précis. Les symptômes associés sont très divers et plus ou moins handicapants : déficience intellectuelle, épilepsie, troubles de l'attention, anxiété, troubles alimentaires. Il n'y a pas un autisme mais des autismes.

Les professionnels insistent tous sur la nécessité d'une éducation structurée. Les apprentissages doivent se faire le plus tôt possible, car la plasticité cérébrale est d'autant plus importante que l'enfant est jeune. La récupération est possible si la rééducation est précoce. Pour cela, il faut une véritable intégration en milieu scolaire, des structures d'accueil adaptées et suffisamment nombreuses pour éviter d'avoir à recourir à l'hôpital psychiatrique. Nous avons besoin de personnel dans les Maisons départementales des personnes handicapées pour accueillir et orienter des familles très démunies, besoin de places d'accueil adaptées et diversifiées, besoin d'accès à des méthodes d'éducation, le plus possible en milieu ordinaire.

Depuis 2005, la loi prévoit la scolarisation de droit de tout élève handicapé dans l'école de son village ou de son quartier. Or les inscriptions sont parfois fictives, faute de moyens et de possibilités d'accueil dans des conditions satisfaisantes. Le rôle des assistants de vie scolaire, créés en 2003, est primordial pour accompagner ces enfants, mais quelle est leur formation, et quelles perspectives professionnelles leur offre-t-on ?

Nous avons souvent interpellé le ministre de l'éducation nationale sur la précarité de ces emplois. Cette année, les premiers embauchés vont arriver en fin de contrat.

Certains peuvent valider ces acquis professionnels et obtenir des équivalences dans des filières reconnues ; mais c'est loin d'être le cas de tous. Le plan Autisme devrait donc pérenniser ces emplois, prévoir une formation qualifiante et un statut de fonctionnaire. La politique menée actuellement est un véritable gâchis humain et financier : quel mépris pour les élèves et les accompagnateurs ! Comment afficher, avec le deuxième plan, une prise de conscience et maintenir un dispositif indigne ? Chacun sait que l'accueil en milieu scolaire ordinaire est une garantie de progrès et de qualité de vie, pour l'enfant comme pour son entourage. Après un an d'application du plan 2008-2010, les attentes demeurent et le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure de la situation. Seulement 4 100 places prévues, quand 5 000 à 8 000 cas de syndrome autistique se développeront chaque année. Environ 10 000 personnes sur 80 000 bénéficient d'un accompagnement -parfois partiel.

Les ressources existantes pourraient également être mieux utilisées. Des autistes sont pris en charge à l'hôpital et l'on dépense beaucoup en médicaments et soins psychiatriques, alors que l'autisme ne se soigne pas. Transférons les moyens vers des structures spécialisées ou vers les familles. Le Comité européen des droits sociaux observe que fin 2005, seules 38 % des 801 places financées cette année-là étaient effectivement créées. Arrêtons de promettre, réalisons ! Un effort considérable doit encore être fourni pour que les structures spécialisées ne soient plus des ghettos. Ce serait aussi montrer notre intérêt pour les personnes autistes que d'offrir à leurs accompagnants de vie scolaire un statut et une formation à la hauteur des enjeux.

Les familles ont besoin d'aide concrète pour remplir des dossiers complexes, obtenir des informations. Ce pourrait être le rôle des associations locales. Aujourd'hui l'aide à l'éducation d'un enfant handicapé est de 120 euros par mois, auxquels peuvent s'ajouter des aides compensatrices, au maximum 1 100 euros. C'est trop peu lorsqu'il faut s'occuper à plein temps d'un enfant qui réclame une attention constante. Cette allocation doit être revalorisée.

Nous suivrons avec vigilance l'avancée du plan.

M. Paul Blanc.  - Je salue la mobilisation du Gouvernement et votre volonté, madame la ministre, de faire bouger les choses. Un premier plan Autisme de 2005 à 2007 a permis la création de 2 600 places en établissements. Le second apporte des solutions quantitatives -4 100 places supplémentaires- mais également qualitatives : dépistage, accompagnement, prise en charge. C'est que la France accuse un dramatique retard dans la prise en charge de l'autisme, qui concerne plus de 100 000 personnes.

J'avais déjà évoqué les difficultés des familles lors de la présentation de mon rapport préalable à la loi du 11 février 2005. L'autisme peut être détecté dès l'âge de 18 mois, mais les médecins ne sont pas suffisamment formés, ce qui est très grave puisqu'une prise en charge précoce conditionne les progrès en matière d'apprentissage, de socialisation et surtout de langage. Un autre problème crucial est bien sûr le manque de places en établissements. Les résultats sont encore très insuffisants. Nombre de familles placent leur enfant en Belgique, malgré la distance : c'est indigne d'un pays comme le nôtre. En mars dernier, la députée Cécile Gallez a publié un rapport sur la question. Elle décrit un accompagnement belge bien plus efficace. L'orientation des enfants autistes vers des écoles spécialisées est beaucoup plus rapide. En France, les maîtres ne sont pas assez formés, les auxiliaires de vie pas assez nombreux et dépourvus de connaissances sur les spécificités de l'autisme. Si le nombre d'inscriptions à l'école a augmenté en France en application de la loi du 11 février 2005, la scolarisation effective reste trop rare. A Paris, ville de plus de deux millions d'habitants, le nombre d'enfants autistes scolarisés est le même qu'à Mons, en Belgique, qui ne compte que 97 000 habitants ! D'autres pays ont mieux aménagé que nous la scolarisation des enfants autistes : l'Italie a choisi de diviser par deux les effectifs des classes qui accueillent ces enfants. En Belgique, les classes sont au maximum de huit enfants. En Suède, tous les enfants autistes sont scolarisés.

Nous manquons également d'instituts médico-éducatifs. On sait l'importance cruciale de la famille dans les progrès de l'enfant. Or les institutions belges s'ouvrent aux familles. Et elles peuvent accueillir l'enfant en internat en période de crise puis soutenir un retour dans la famille quand cela va mieux. Elles tendent à assurer une prise en charge à long terme et recherchent une solution pour l'avenir de l'enfant. Inspirons-nous du système belge !

Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître qu'il n'existe pas une méthode unique. Du reste, existe-t-il un autisme ou des autismes ? Sur 100 adultes autistes, 15 mènent une vie normale, 30 à 35 peuvent exercer une activité dans un lieu protégé, 30 ont une activité non rentable et ont besoin d'aides ponctuelles, 20 sont très dépendants. Il faut pouvoir répondre à ces diverses situations. Il faut également que les parents soient rassurés sur la prise en charge de leur enfant quand ils ne seront plus là. Le plus grave est en effet, selon moi, les lacunes terribles de la prise en charge des autistes adultes. Il n'y a pratiquement pas d'établissement spécialisé pour eux en France ! Or, sans accompagnement éducatif et social, les autistes régressent. Moins de 10 % d'entre eux ont accès à des centres d'aide par le travail. Le dernier recours reste l'hôpital psychiatrique, inadapté. (« Tout à fait ! » sur les bancs UMP) Les traitements fondés sur l'apprentissage sont méconnus. L'OMS ne classe pas l'autisme dans les maladies psychiatriques mais dans les troubles d'origine neurobiologique. Pourquoi se priver des méthodes pratiquées avec des résultats à l'étranger ? Pourquoi refuser obstinément des méthodes de communication alternatives telles que l'ABA, ou « analyse appliquée du comportement », qui vise à modifier les comportements de la personne autiste ? La méthode du packing, cet enveloppement de la personne dans un linge froid pour lui rendre la conscience de son corps, sera bientôt l'objet d'une évaluation. Certaines associations s'indignent de son emploi sans le consentement des familles, dénoncent une maltraitance et attendent donc beaucoup de cette expertise. Quand les résultats seront-ils connus ?

Enfin, il est indispensable de mieux informer les parents sur l'autisme et les différentes structures d'accueil. Pour le moment, ce sont surtout les associations qui le font. Les familles attendent beaucoup de l'amélioration des connaissances médicales relatives à l'autisme, elles attendent beaucoup du plan Autisme. Aussi, nous vous écouterons attentivement, madame le ministre, présenter les récents résultats du plan et les avancées à venir. Il est de notre devoir de reconnaître la souffrance des familles et de tout faire pour les aider. (Applaudissements à droite)

Mme Gélita Hoarau.  - Les troubles envahissants du développement sont très difficiles à vivre, pour les enfants atteints comme pour les parents, brutalement plongés dans le désarroi lorsque s'impose la réalité du handicap. Or ce désarroi s'accentue lorsque débute la recherche d'une structure d'accueil : absence d'accueil et de concertation, refus implicite ou explicite d'appliquer la circulaire du 8 mars 2005, besoin d'accompagnement minimisé ou nié, ignorance ou refus d'appliquer des techniques qui ont pourtant fait leurs preuves ailleurs, violences sur les enfants faute de formation adaptée. Combien de portes fermées et de murs institutionnels !

Ces carences ne sauraient nous faire oublier le travail quotidien et la combativité des familles, associations, professionnels. Le plan Autisme 2008-2010 ambitionne de remédier à ces manquements. Et nous vous en félicitons. Le bilan du 28 mai dernier annonce une suite prometteuse. Toutefois, je voudrais formuler quelques interrogations. La Réunion compte environ 3 700 personnes atteintes ; et les structures pour accueillir les enfants, adolescents et adultes font cruellement défaut. Il n'y a pas non plus d'alternative en matière de prise en charge ; aucun traitement comportemental n'est proposé.

C'est pourquoi, en septembre 2008, l'association Autisme Bel Avenir a soumis au comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) de la Réunion un projet de structure mettant en oeuvre des méthodes de traitement comportemental, élaboré sur le modèle de celui de l'association Pas-à-Pas de Villeneuve-d'Ascq et en collaboration avec elle. Ce projet est cohérent avec le plan 2008-2010. Le président de l'université de la Réunion s'est dit prêt à plaider en faveur de la création d'une licence en analyse des comportements, en partenariat avec Lille III. En 2007, l'association a en outre exposé son projet au président des Seychelles, de passage à la Réunion, qui a dit son intérêt. Le CROSMS a émis un avis favorable -c'était une première en France- en s'interrogeant toutefois sur son coût. Il semble qu'il y ait une certaine inadéquation entre votre détermination, madame la ministre, à privilégier l'expérimentation et les moyens mis en place. Comment comptez-vous remédier à ce décalage ? Demander aux porteurs de projet de revoir à la baisse le coût de la prise en charge, c'est faire fi de celui de certaines méthodes expérimentales. L'enveloppe nationale mise en réserve vient-elle en complément du financement de la Ddass ? Selon quels critères pourra-t-on en bénéficier ? Toutes les régions pourront-elles y prétendre ?

La question de l'évaluation est enfin cruciale pour la pérennisation des traitements innovants. L'expérimentation de nouvelles méthodes n'a de sens que si on peut les comparer aux méthodes classiques, avec une grille d'évaluation unique prenant en compte toutes les données pertinentes.

Votre réceptivité à l'innovation et votre capacité d'écoute, madame la ministre, permettront, j'en suis convaincue, d'apporter des réponses satisfaisantes. Et j'espère que vous serez attentive aux projets présentés à la Réunion. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini.  - Le plan Autisme 2008-2010 marque un vrai tournant dans la prise en charge de ce handicap dans notre pays. Les familles l'ont perçu ainsi, car il apporte, enfin, des réponses à nombre de leurs attentes, alors qu'il y a encore un an le retard de la France était patent.

« Les personnes, enfants et adultes, atteintes de syndromes autistiques et leurs proches sont aujourd'hui encore victimes en France d'une errance diagnostique, conduisant à un diagnostic souvent tardif, de grandes difficultés d'accès à un accompagnement éducatif précoce et adapté, d'un manque de place dans des structures d'accueil adaptées, de l'impossibilité pour les familles de choisir les modalités de prise en charge des enfants, de la carence de soutien aux familles, et de la carence d'accompagnement, de soins, et d'insertion sociale des personnes adultes et âgées atteintes de ce handicap ». Tel est le cinglant constat que faisait le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans un avis du 8 novembre 2007.

Les choses ont heureusement évolué. Lors du lancement du plan, vous reconnaissiez vous-même, madame la ministre, que nous partions de très loin ; et vous souligniez l'ambition du Gouvernement. Le plan 2008-2010 est de fait marqué par une réelle volonté politique, ouvert, tolérant et sans a priori. Le professeur Jean-Claude Amelsen, rapporteur de l'avis du CCNE, a même évoqué un dispositif qui a le mérite « d'inscrire l'autisme dans une vision plus humaine et plus moderne et d'amorcer une véritable évolution culturelle ».

Lors de la table ronde sur l'autisme organisée par notre commission des affaires sociales, le 28 mai 2008, le professeur Catherine Barthélémy, chef de service de pédopsychiatrie du CHU de Tours, a relevé qu'un consensus était établi pour dire que l'autisme est un trouble neuro-comportemental, qui atteint la capacité des personnes à dialoguer avec leur entourage, une incapacité qui serait due à des anomalies de fonctionnement de certaines zones du cerveau. Un diagnostic précoce permet la mise en place, dès l'enfance, d'une rééducation, en un temps où le cerveau est encore malléable.

J'ai eu l'occasion de rencontrer le professeur Van der Gaag, professeur de pédopsychiatrie de l'Université de Radboud, aux Pays-Bas, enseignant à l'université du Mirail, qui conduit depuis de nombreuses années des travaux sur le dépistage très précoce et la stimulation de l'attention conjointe des enfants. La France a pris dans ce domaine beaucoup de retard, qu'il est urgent de rattraper. Pour ce faire, le plan met l'accent sur le développement de la recherche, l'élaboration d'un corpus des connaissances, la formation initiale et continue des professionnels de santé et du secteur médico-social.

Les spécialistes soulignent d'autre part que l'accompagnement doit être éducatif, comportemental et psychologique, individualisé, impliquant le plus possible la famille. Ce qui plaide pour la mise en place de méthodes dont l'efficacité est prouvée depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, mais peu reconnue en France où l'approche psychiatrique est encore privilégiée -je pense au programme éducatif Teacch et à la méthode ABA. Le plan répond à cette attente par la promotion et le financement d'expérimentations de ces méthodes comportementales.

Autre élément d'une prise en charge efficace, le développement de structures éducatives et d'accueil adaptées. En Suède, les internats destinés aux enfants atteints d'autisme ont été remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires ; et les résidences pour enfants et adolescents ont été fermées au profit notamment de petites structures de quatre enfants maximum. Le plan s'inspire de cet exemple.

Le dernier impératif, et non des moindres, est le soutien psychologique et social apporté aux familles. Le plan met l'accent sur l'information, l'orientation et l'accompagnement des proches.

Les demandes des familles ont ainsi été entendues. Mais, à mi-parcours du plan Autisme, elles s'impatientent et vous demandent, madame la ministre, de passer à la vitesse supérieure. Je sais que vous ne ménagez pas vos efforts, notamment pour financer l'ouverture de structures innovantes. D'avance nous vous remercions des réponses que vous nous apporterez. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Daudigny.  - Une évolution se dessine au travers du plan Autisme 2008-2010 dans l'approche de l'autisme et des troubles envahissants du développement. Cette prise de conscience doit nous permettre d'adopter, avec modestie, une approche plus transversale des différentes manifestations d'autisme, notamment par l'expérimentation. Encore faut-il que les mesures d'accompagnement suivent : or nous sommes encore loin du compte. Ni les moyens, ni l'implication des ministères concernés ne sont au rendez-vous.

Vous parlez d'insuffisances, madame la ministre ; cette lucidité vous honore, mais le mot est faible au regard du désarroi des familles. Vous évoquez la création de 1 158 places nouvelles autorisées et financées sur un programme de 4 100 places. Mais ce nombre apparaît dérisoire au regard des 180 000 personnes souffrant de trouble envahissant du comportement (TED) selon l'Inserm -600 000 selon le Comité national d'éthique- et aux 5 000 à 8 000 nouveaux-nés concernés.

Le plan 2008-2010 est certes ambitieux, mais nous nous interrogeons sur l'ampleur des recherches envisagées, nous nous inquiétons de la formation et nous ne trouvons pas les postes indispensables au dépistage précoce, à l'accueil, à l'information et à l'accompagnement des familles. Les maisons départementales des personnes handicapées manquent déjà de personnel et les postes vacants ne sont pas toujours pourvus.

L'importance de la scolarisation dans le processus de socialisation des enfants est avérée : la disparition des auxiliaires de vie scolaire ne peut que nous inquiéter. Pourquoi n'avoir pas anticipé le terme de leurs contrats ? Que vont devenir les enfants et leurs familles ? N'y a-t-il pas là une nouvelle « maltraitance par défaut » pour laquelle la France a déjà été condamnée en 2004 par le Conseil de l'Europe ? Pourquoi ne pas suivre l'exemple de l'Italie, où l'effectif d'une classe qui accueille un enfant handicapé est automatiquement divisé pax deux et où l'enseignant est assisté d'une personne spécialisée ?

Il y a peu, dans l'Aisne, l'ouverture d'un centre de prévention et de diagnostic, espérée de longue date, a été brutalement compromise faute de versement de la moitié du financement prévu. Le constat des familles, des associations et des professionnels est amer : la reconnaissance des droits n'a pas été suivie d'effet. Des projets aboutissent cependant grâce à la bonne volonté de tous ; j'ai eu ainsi le plaisir et l'émotion d'inaugurer un foyer d'accueil pour adultes autistes de 27 places à Villequier-Aumont le 16 mai dernier. Mais il est le seul de mon département.

Dans ce contexte de retard et d'urgence, que dire du plan Autisme ? Comment pouvez-vous agir sans les budgets nécessaires ni les moyens d'action sur ceux de vos collègues ? Il faudrait un calendrier des priorités et un échéancier des principales mesures. Pourquoi ne pas envisager la tenue d'états généraux ? Ils ne pourraient que favoriser auprès du plus grand nombre une meilleure acceptation de la différence.

Car la douleur, la solitude et le désarroi des familles viennent, bien sûr, de l'ignorance et de la peur que génère l'a-normal.

Les syndromes des TED heurtent nos schémas sociaux et les remettent directement en cause dès lors qu'ils n'y trouvent pas leur place. Nous ne savons pas encore ni en identifier les causes ni soigner ou accompagner les souffrances qu'ils génèrent. Mais, en plus, vous développez un modèle social qui porte en lui-même cette exclusion. Où trouverez-vous le temps, la patience d'accepter des bénéfices immédiatement inquantifiables dans un monde normé par la compétitivité et la performance, soumis aux grilles d'évaluation, conditionné par les primes au mérite... toutes règles érigées en instruments impérieux de la réussite sociale ? Comment intégrer ces besoins à la seule aune d'enveloppes financières fermées ? La dépense, là plus qu'ailleurs, n'est-elle pas pondérée par l'investissement qu'elle réalise ?

Serait-il envisageable, puisque nous travaillons à budget contraint, d'intégrer à l'évaluation du coût d'une décision -par exemple celle de reconduire tous les contrats d'AVS- non seulement les économies réalisées en termes d'Assedic, de formations, de stages, de subventions au travail précaire, mais aussi les économies que génère, pour les enfants handicapés et leurs familles, l'absence de souffrance et d'angoisse ? (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Il y a un peu plus d'un an, le 16 mai 2005, j'annonçai, avec Roselyne Bachelot, le plan Autisme 2008-2010. Je suis donc heureuse de cette question orale qui me donne l'occasion de faire le point sur sa mise en oeuvre.

Ce handicap encore trop méconnu et qui alimente encore trop de fantasmes, concerne au moins 400 000 de nos compatriotes si l'on se réfère aux statistiques de prévalence de l'OMS.

La création de places. Le premier centre spécialisé ne date que de 1984 ! Les besoins sont donc immenses et c'est pourquoi le Gouvernement a jugé bon de lancer ce deuxième plan Autisme. Le premier plan 2005-2007 avait prévu de créer 1 950 places : en réalité 2 600 ont été réalisées. Ce second plan en prévoit 4 100 en cinq ans. L'effort financier, monsieur Daudigny, est de 187 millions... Pour fixer ce volume de places, nous nous sommes fondés sur le recensement des besoins établi par les Priac. Sous-estiment-ils les besoins ? C'est possible : c'est pourquoi le nombre de 4 100 places est pour nous un plancher et, depuis 2008, les préfets ont autorisé la création de 1 200 places -dont 500 pour les adultes- au lieu des 900 prévues chaque année. Le rythme de croisière désormais atteint permet d'espérer que les 4 100 places seront réalisées en trois ans, et non en cinq, et, donc, de revoir à la hausse le nombre de places créées. Nous sommes ainsi en passe de dépasser l'objectif du plan dès la première année.En 2009, nous voulons poursuivre ce mouvement et tenir le même rythme qu'en 2008.

Au-delà des créations nettes de places, il est nécessaire de requalifier des places existantes parce que, aujourd'hui, la majorité des personnes autistes est accueillie dans des établissements non spécialisés, où leur prise en charge est inadaptée. Nous avons donné instruction aux Ddass d'accompagner ces structures pour qu'elles adaptent leurs prises en charge à la spécificité de l'autisme. Plusieurs d'entre vous ont souligné le grand nombre de familles obligées d'aller en Belgique pour trouver des solutions pour leurs enfants. C'est d'ailleurs l'un des enseignements du rapport que j'avais confié l'année dernière à Cécile Gallez, députée du Nord, et qui m'a été remis en février. Cet accueil en Belgique est dû au manque de places en France, mais aussi à des méthodes de prise en charge qui n'existent pas en France : les classes ABA ou Teacch, que les parents français souhaitent voir se développer dans notre pays. Nous y travaillons.

J'ai voulu répondre au problème spécifique des régions frontalières : plus de 70 % des autistes français accueillis en Belgique viennent de la région Nord-Pas-de-Calais. Un plan d'urgence pour cette région est appliqué depuis trois ans pour un montant de 6 millions, qui a porté à 1 400 le nombre de places créées dans la région -tous handicaps confondus- pendant cette période. Il faut poursuivre ce rattrapage de l'offre. Les besoins de créations de places dans le Nord-Pas-de-Calais vont être remis à plat. En attendant et dès maintenant, la région va bénéficier d'une prolongation d'un an du plan d'urgence, doté de 2 millions et je souhaite qu'il soit particulièrement orienté vers les besoins des personnes autistes et de leurs familles.

Plusieurs d'entre vous ont souligné les difficultés rencontrées par les familles pour faire admettre leur enfant à l'école ordinaire. C'est une préoccupation du Gouvernement. Pour améliorer la scolarisation, la priorité doit être la formation. C'est ce que prévoit le plan : sensibilisation des enseignants pendant leur formation initiale, formation continue pour les enseignants accueillant des enfants autistes dans leurs classes, formation aussi des auxiliaires de vie scolaire. L'accompagnement par des Sessad est également essentiel : le plan prévoit au moins 600 places supplémentaires dans ces services. Et, plus généralement, la parution, le 2 avril, du décret sur la coopération entre école ordinaire et établissements adaptés va permettre à l'éducation nationale de mieux mobiliser les compétences du monde médico-social pour intégrer ces enfants.

On compte actuellement 170 000 enfants handicapés scolarisés dans des établissements ordinaires, soit 30 % de plus qu'en 2005, et 10 000 de plus chaque année. C'est un grand acquis de la loi de 2005, un défi que l'éducation nationale a su relever en consacrant 570 millions chaque année aux Avsi dont le nombre a augmenté. Aux deux dernières rentrées, 4 700 ont été recrutés, soit plus de 50 %.

Mais, surtout, la mise en relief de l'exigence de qualité implique pour ces auxiliaires d'être formés et de savoir s'adapter aux situations particulières, toutes différentes. C'est pourquoi quasiment tous ont bénéficié d'une formation, alors que 30 % d'entre eux n'en avaient aucune en septembre 2007. Cette formation repose sur un cahier des charges et sur une convention conclue aves les associations de parents d'enfants handicapés.

La fin du contrat de nombreux AVS et Avsi en juin pose le problème de la création d'une véritable filière professionnelle, ce à quoi nous réfléchissons avec Xavier Darcos et les missions parlementaires spécialisées. Nous envisageons la mise en place d'un service d'accompagnement à l'école et à domicile qui ne se substituera pas à l'existant -Sessad et AVS- mais constituera l'outil manquant répondant au besoin de continuité dans l'accompagnement. Cela offrirait aux AVS en fin de contrat ainsi qu'aux personnels médico-sociaux une véritable filière et un véritable métier. Notre objectif quantitatif, c'est donc d'avoir, à la prochaine rentrée, comme la loi nous y oblige, un nombre de contrats au moins égal au nombre actuel, tandis que notre objectif qualitatif, pour la rentrée suivante, est de travailler sur des mesures législatives innovantes qui institueraient une telle filière, ce que nous ferons en concertation, notamment avec vos commissions.

Vous êtes plusieurs à m'avoir demandé pourquoi expérimenter des méthodes qui sont largement reconnues ailleurs. Ce ne sont pas les méthodes elles-mêmes que nous expérimentons puisqu'elles sont en effet pratiquées depuis longtemps hors de nos frontières, en Belgique notamment.

C'est leur transposition concrète au sein des structures médico-sociales avec les ajustements par rapport au droit commun que cela suppose. Tout ne sera pas possible sans contrôle. Les expérimentations seront encadrées et évaluées de manière à ne généraliser que les meilleures pratiques. Un cahier des charges sera publié d'ici l'été ; le suivi des enfants sera assuré par une équipe extérieure, hospitalière ou universitaire.

Cela a provoqué un foisonnement de projets. Le premier centre expérimental a été inauguré le 14 novembre à Villeneuve-d'Ascq et sept projets ont été déposés en Ile-de-France. Leur examen par le CROSMS du 14 mai a montré que des réticences demeurent quant aux nouvelles méthodes et à leur coût, ce qui a motivé les avis défavorables. Nous avons besoin de progresser sur la voie du dialogue. Tous les garde-fous ont été prévus et les Ddass sont très vigilantes. S'agissant du coût, l'expérimentation ne se fera pas au détriment des établissements actuels. Je n'ai pas souhaité retenir seulement un ou deux projets car, sans tomber d'un extrême à l'autre, il faut que les expérimentations atteignent une dimension significative, une masse critique. Je n'ai pas voulu que les projets pèsent entièrement sur les Ddass, et j'ai mobilisé des crédits supplémentaires de sorte que les 162 places concernées, soit 13 % des places autorisées, viennent bien en sus.

Les appels à projet seront la règle ; on sélectionnera ceux qui répondent le mieux aux besoins de chaque région, mais, dans cette diversification de l'offre, nous n'oublions pas les adultes, monsieur Blanc et travaillons avec le ministère du logement à des logements accompagnés pour des adultes autistes.

Comment les futures agences impacteront-elles la mise en oeuvre du plan autisme ? Elles permettront d'aller plus vite en sélectionnant d'emblée les projets répondant le mieux aux besoins, qui obtiendront autorisation et financement. Les promoteurs n'attendront plus et la fongibilité asymétrique facilitera la reconversion des lits là où c'est nécessaire - Mme Dini y a insisté. Nombre d'autistes occupent en effet des lits sanitaires faute de place en milieu médico-social.

Le plan Autisme ne se résume pas aux projets expérimentaux et au nombre de places. Vous avez évoqué la méconnaissance des dernières avancées de la médecine. Non, elles sont bien là, mais mal diffusées, elles souffrent de querelles de chapelle entre praticiens. Nous avons donc cherché à objectiver les connaissances sur l'autisme par l'élaboration d'un socle commun qui fasse enfin consensus. La Haute autorité de santé a arrêté son protocole et confié sa direction à deux personnalités de référence, M. Aussillou et Mme Bartélémy, que vous avez auditionnée. Nous voulons une triple approche, internationale, scientifique, pluridisciplinaire et un document sera arrêté avant la fin de l'année.

Il convient d'améliorer la formation des professionnels. C'est particulièrement vrai outre-mer pour l'accès aux nouvelles méthodes. Nous en avons fait une priorité et avons voulu anticiper sur le socle commun des connaissances. Les professionnels de santé ont reçu une plaquette résumant les recommandations de la Haute autorité de santé en matière de diagnostic. Les parents pourront également bénéficier d'une formation. Le premier appel à projets pourra être lancé en 2010 et les enseignants recevront à la rentrée un guide sur l'intégration des enfants dans leur classe.

Améliorer le diagnostic est le point central. Nous voulons faciliter l'accès au diagnostic, accroître sa qualité et renforcer l'accompagnement des familles. Trois millions iront au renforcement des équipes, ce qui permettra à chacune de recruter trois personnes et accélèrera les prises en charge. Nous lançons en septembre une expérimentation sur le diagnostic et son annonce. Nous avons déjà reçu 50 projets. Une classification franco-française inscrit l'autisme parmi les maladies psychiatriques, ce qui culpabilise les mères ; il faut donc recourir à la classification de l'OMS : l'autisme est un trouble d'origine neurologique.

Les bonnes pratiques permettront de lutter contre les dérives. Un référentiel sera publié d'ici la fin de l'été. Nous réfléchissons sur le packing que certains médecins emploient contre des troubles sévères du comportement afin d'éviter les médicaments psychotropes. Il faut l'évaluer. Un protocole de recherche impose des règles, à commencer par l'information des parents et leur accord exprès. L'on doit en rester là en attendant une évaluation. L'absence d'accord des parents peut donner lieu à un signalement voire à la saisine du juge. Mme Bachelot-Narquin considèrera s'il y a maltraitance et des instructions seront données aux Ddass pour qu'elles s'assurent que cette méthode n'est pas employée dans les établissements médico-sociaux. On ne laissera pas développer des pratiques contraires aux intérêts et au bien-être des personnes concernées.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner toute sa mesure au plan autisme. Malgré les difficultés, les mentalités changent, la prise de conscience est générale. Nous avons mis chacun autour de la table pendant six mois et, au-delà de ce premier succès, nous voulons construire l'établissement de demain, qui assure à chacun une prise en charge individualisée et sécurisée. Nous poursuivrons ce travail pour traduire dans les faits cette révolution et prolonger cette dynamique qui répond aux légitimes espérances de familles qui n'ont que trop attendu.

Nous en rencontrons tous sur le terrain, des familles qui ont la douleur de ne pas trouver de prise en charge. C'est pourquoi nous sommes tous convaincus de la nécessité d'avancer.

Je vous remercie pour votre contribution à la réflexion sur le plan que nous préparons. Je compte sur votre soutien et espère qu'à la fin nous aurons fait un grand pas. (Applaudissements)

Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.  - Je remercie Mme Létard. C'est en général aux familles qu'il revient de faire bouger les choses en la matière ; cette fois, elles ont réussi à en faire prendre conscience à la ministre.

Il me semble toutefois que certains dossiers pourraient avancer assez vite. Requalifier les places existantes pourrait ainsi se faire sans délai. Il existe déjà des formations sur l'autisme à l'Unapéi ; il faut motiver les professionnels pour instaurer ce que j'appellerai la « bien-traitance ». Cela pourrait passer par la création, dans les écoles d'éducateurs spécialisés, d'un module sur l'autisme. Ce qui, là encore, ne prendrait pas beaucoup de temps. Il faudrait également inciter les établissements à une véritable coopération avec les familles demandeuses.

Pour le suivi extra-médical, il serait bon de créer des commissions paritaires car actuellement -c'est frappant dans les Yvelines- on se contente d'envoyer les autistes en hôpital psychiatrique, sans contact avec l'hospitalisation universitaire.

Il y a, dites-vous, 170 000 enfants handicapés dans les écoles, soit 10 000 par an depuis 2005. Fort bien, mais il ne faut pas se cacher que, pour certains d'entre eux, cette scolarisation ne représente qu'une ou deux heures par jour. Il y aurait lieu aussi de sensibiliser l'éducation nationale à la question car la plupart des professeurs des écoles concernés sont plus contraints que volontaires. Il faudrait les responsabiliser.

Pourquoi est-il si long de changer les contrats des AVS et des Avsi ? On pourrait le faire à l'occasion du RSA et prolonger le contrat des personnes qui s'occupent déjà des enfants en difficulté. Pourquoi attendre ? Les AVS sont pour la plupart des femmes qui ont autour de 50 ans or, si le contrat a été conclu avant leurs 50 ans, il ne peut pas être prolongé alors qu'il le peut dans le cas contraire. Ce n'est pas sérieux ! C'est l'enfant autiste qu'il faut mettre au coeur de la réflexion. (Applaudissements)

Le débat est clos.