Loi de programmation militaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°77 au sein de l'article 2.

L'amendement n°77 n'est pas défendu, non plus que les amendements nos78, 79, 37 rectifié et 76.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A la fin de la dernière phrase du premier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

notamment grâce au suivi et à l'actualisation des orientations du Livre blanc comme à l'information concernant les accords de défense

par les mots :

après débat, le Parlement vote le Livre blanc. Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères

M. Didier Boulaud.  - Foin de l'hypocrisie : donnons enfin au Parlement les moyens de contrôler non seulement les opérations extérieures mais l'ensemble de la politique de défense, en l'associant à la définition de la stratégie de sécurité et en soumettant à son accord d'éventuelles modifications du Livre blanc.

M. Josselin de Rohan, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Nous nous sommes expliqués sur le vote du Livre blanc et la transmission du texte des accords de défense. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Même avis.

L'amendement n°103 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A la fin du deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

aux exercices

par les mots :

à toutes les évolutions de la carte des implantations militaires et des plans de stationnement des forces

M. Didier Boulaud.  - C'est une exigence élémentaire que les élus, qui sont proches de la population, soient associés aux décisions sur l'évolution de la carte militaire, susceptibles de nuire gravement aux économies locales. Le lien entre les citoyens et l'institution militaire s'en trouverait renforcé.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - L'amendement n'a pas sa place dans un paragraphe relatif aux plans locaux de protection. Les élus locaux ont été consultés sur l'évolution du plan de stationnement, mais on ne peut subordonner toute évolution des implantations militaires à leur aval.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

M. Didier Boulaud.  - M. le président de la commission prétend que l'amendement n'a pas sa place dans cet article. Mais le rapport annexé est un véritable fourre-tout ! Je m'étonne que la commission trouve hors de propos cette disposition qui vise à associer les élus locaux aux évolutions de notre défense.

L'amendement n°104 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Compléter le deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé par les mots :

et informés, sans que puisse leur être opposé le principe de secret défense, du mouvement de troupes sur le territoire de leur commune

Mme Dominique Voynet.  - Je me trouve pénalisée pour avoir eu deux minutes de retard. Il grêle et, dans mon souci de l'intérêt général, j'ai pris le temps de fermer les fenêtres du troisième étage du bâtiment de la rue de Vaugirard... (Mme Brigitte Bout applaudit) Cela vous a privés d'entendre la défense des amendements nos77 et 78, qui étaient pour moi l'occasion de rappeler à M. de Rohan notre désaccord profond sur la dissuasion nucléaire.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Il ne m'avait pas échappé !

Mme Dominique Voynet.  - Quant à l'amendement n°79, relatif au laser mégajoule et au supercalculateur Tera... -(M. André Dulait manifeste son impatience) Je dispose de trois minutes, monsieur Dulait !- ...aujourd'hui utilisés à des fins exclusivement militaires, il indiquait qu'ils peuvent aussi avoir des applications civiles.

L'amendement n°76 était inspiré par l'idée qu'il ne faut pas encourager les exportations d'armes.

L'amendement n°74 concerne un sujet dont on parle rarement. Les maires sont responsables de la sécurité dans leur commune. Or ils ne sont pas toujours avisés des activités militaires qui se déroulent sur leur territoire ni des convois qui y transitent. Le matériel, les munitions et les déchets peuvent provoquer des accidents. Les maires doivent donc être informés des mouvements de troupes et de matériel qui ont lieu dans leur commune.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Les autorités militaires informent le plus souvent les maires des mouvements de troupes inhabituels ou importants. Mais il ne paraît pas souhaitable d'imposer aux armées une obligation d'information qui ne pèse pas sur d'autres secteurs d'activité. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre. - Même avis.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Dans la première phrase du dernier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

deviendront des conseillers de sécurité nationale et leur formation sera renforcée

par les mots :

verront leur formation renforcée

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le projet de loi substitue aux anciens correspondants de défense des « conseillers de sécurité nationale ». Pourtant, la défense et la politique de sécurité, malgré leurs liens, ne doivent pas être confondues. Cette assimilation risque de mettre à mal le consensus national sur la défense.

Je n'ai guère d'illusions sur le sort de cet amendement, mais vous regretterez ce choix !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet quand nous aborderons l'article 5. Tout comme la commission s'est opposée aux amendements de M. Chevènement à l'article 5 tendant à supprimer les références à la sécurité nationale, elle est défavorable à celui-ci.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce débat a déjà eu lieu. Avis défavorable.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Dans la première phrase du second alinéa du 5.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

volontariat de la sécurité nationale

par les mots :

volontariat de la défense nationale

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je répète que la confusion établie entre la défense et la sécurité nationale nuira à l'esprit de défense de la nation.

L'amendement n° 38 rectifié, rejeté par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le sixième alinéa du 6 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Un décret d'avance d'un montant de 245 millions d'euros permettra de faire la jonction avec ces futures recettes exceptionnelles.

M. Didier Boulaud.  - Suite au dépôt de cet amendement, le Gouvernement a publié un décret d'avance d'un montant de 245 millions d'euros. Nous avons donc été bien inspirés ! L'amendement est devenu sans objet, et nous le retirons.

M. le président.  - Vous voyez que le Gouvernement est très réactif à vos propositions !

L'amendement n°105 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer le 7 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :

Un projet de loi relatif à la réforme de l'ordonnance de 1959 et à l'organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense sera présenté au Parlement à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010.

M. Daniel Reiner.  - Le paragraphe 7 du rapport annexé concerne les suites du Livre blanc et le suivi de la loi ; il y est question en particulier du conseil de défense et de sécurité nationale et de la réforme de l'ordonnance de 1959.

Nous avons déjà exprimé le souhait que le Livre blanc fasse l'objet d'un véritable débat parlementaire et que l'ordonnance de 1959 soit réformée par la voie législative normale. Mais ce projet de loi consacre la prééminence du chef de l'État dans les affaires de sécurité, de défense et de renseignement. « Le pouvoir d'un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens ; (...) l'abus ne réside pas dans l'usage qu'il fait de son pouvoir, mais dans la nature même de ce pouvoir » : voilà ce qu'écrivait François Mitterrand dans Le coup d'Etat permanent. (M. Josselin de Rohan, rapporteur, ironise sur cette référence)

Notre amendement tend à replacer le Parlement au centre du débat démocratique sur l'organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Indépendamment de la question de la recevabilité de cet amendement qui tend à imposer au Gouvernement de déposer un projet de loi, la commission est défavorable à la remise en cause de la réforme de l'organisation des pouvoirs publics prévue par l'article 5, qui comprend en particulier la création d'un conseil de défense et de sécurité nationale.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté, ainsi que le rapport annexé.

L'article 3 est adopté.

Article 4

I. - Le plafond d'emplois de la mission Défense, à périmètre constant 2008, exprimé en milliers d'équivalents temps plein travaillé, évoluera de la façon suivante de 2009 à 2014 :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

314,2

306,2

298,5

291,0

283,5

276,0

Ce plafond inclut les emplois relatifs aux activités retracées dans les comptes de commerce.

II. - Les réductions nettes d'effectifs exprimés en équivalents temps plein seront les suivantes :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

- 7 999

- 7 926

- 7 577

- 7 462

- 7 462

- 7 462

M. le président.  - Amendement n°126, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Demessine.  - L'article 4 illustre dans toute sa sécheresse législative et budgétaire l'application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques dans le domaine de la défense. Le Gouvernement cherche à faire des économies en diminuant drastiquement les effectifs civils et militaires. Sans doute faut-il réduire certaines dépenses pour financer les programmes, améliorer l'équipement de nos forces et revaloriser la condition militaire. Mais ce que prévoit le projet de loi, c'est le plus grand plan social du pays qui concernera 75 % des emplois liés à l'administration, au soutien des forces et au personnel civil et 25 % des emplois touchant directement aux capacités opérationnelles, à quoi s'ajoutera la disparition de 16 000 emplois due à l'externalisation de certains services.

Sur le terrain, les économies escomptées ne seront pas faciles à réaliser ; le ministre vient d'ailleurs de réviser à la baisse le nombre de bases prévues. Vos objectifs de suppressions d'emplois sont irréalistes en période de crise. L'incitation financière au départ et les possibilités de reclassement dans les autres fonctions publiques ne sont pas à la hauteur.

L'avenir est tout aussi sombre pour les personnels civils des industries de défense dont les effectifs, passés de 145 à 72 000 en douze ans, vont subir une nouvelle saignée. Les fermetures se succèdent, à l'instar de Giat Industries, sans réelles possibilités de reclassement ; les salariés et les collectivités en supportent le coût. D'ailleurs, les mesures d'encouragement au départ volontaire des ouvriers de l'État n'anticipent-elles pas sur l'abandon de la maîtrise publique ? Nous refusons ces suppressions.

M. le président.  - Amendement identique n°82, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Didier Boulaud.  - Je regrette que nous n'ayons pu nous exprimer sur l'article 3 -que nous n'avons pas voté- car il est bien le seul à relever effectivement de la programmation...

La déflation des effectifs -non concertée avec les élus locaux- aura de graves conséquences pour les personnels civils et militaires. Vous lancez un emprunt pour soutenir l'investissement stratégique, et donc la création d'emplois, mais, dans le même temps, vous supprimez 54 000 emplois d'ici 2015, sachant que le reclassement des personnels sera difficile en période de crise.

Selon le modèle de la RGPP, imposé par le Président de la République, les suppressions de postes doivent permettre des économies qui seront reversées au budget de l'équipement. Cela reste à prouver.

Quel sera le coût réel de cette déflation des effectifs, son coût social en cette période de chômage ? La défense nationale est aussi composée de moyens humains ! Le Gouvernement prévoit désormais 639 000 chômeurs supplémentaires en 2009. Au rythme actuel, ils seront 820 000... On comprend l'inquiétude des personnels !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission ne peut qu'être défavorable à la suppression de la programmation des effectifs.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous en avons déjà débattu : avis défavorable.

L'amendement n°126, identique à l'amendement n°82, n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° L'article L. 1111-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-1. - La stratégie de sécurité nationale a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter.

« L'ensemble des politiques publiques concourt à la sécurité nationale.

« La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune. » ;

2° Aux articles L. 1111-3, L. 1122-1 et L. 1321-2, la référence au : « conseil de défense » est remplacée par la référence au : « conseil de défense et de sécurité nationale » ;

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-3 est ainsi rédigé : 

« Les décisions en matière de direction générale de la défense et de direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures sont arrêtées en conseil de défense et de sécurité nationale. » ;

4° L'article L. 1111-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « de », le mot : « la » est supprimé ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les orientations en matière de renseignement sont arrêtées en conseil national du renseignement, formation spécialisée du conseil de défense et de sécurité nationale.» ;

5° L'article L. 1121-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1121-1. - Le conseil de défense et de sécurité nationale, de même que ses formations restreintes ou spécialisées, notamment le conseil national du renseignement, sont présidés par le Président de la République, qui peut se faire suppléer par le Premier ministre. » ;

6° L'article L. 1121-2 est abrogé ;

7° L'article L. 1131-1 est ainsi modifié :

a) Au début de l'article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement en matière de sécurité nationale. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le Premier ministre prépare et coordonne l'action des pouvoirs publics en cas de crise majeure. Il coordonne l'action gouvernementale en matière d'intelligence économique. » ;

8° A l'article L. 1141-1, après le mot : « responsable », sont insérés les mots : « , sous l'autorité du Premier ministre, » et les mots : « de la défense » sont remplacés par les mots : « de défense et de sécurité nationale » ;

9° Le chapitre II du titre IV est ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions particulières à certains ministres

« Section 1

« Défense

« Art. L. 1142-1. - Le ministre de la défense est responsable de la préparation et de la mise en oeuvre de la politique de défense. Il est en particulier chargé de l'infrastructure militaire comme de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation des forces armées.

« Il a autorité sur les armées et leurs services. Il veille à ce que les armées disposent des moyens nécessaires à leur entretien, leur équipement et leur entraînement. Il est responsable de leur sécurité.

« Il est également chargé :

« - de la prospective de défense ;

« - du renseignement extérieur et du renseignement d'intérêt militaire ;

« - de l'anticipation et du suivi des crises intéressant la défense ;

« - de la politique industrielle et de recherche et de la politique sociale propres au secteur de la défense.

« Il contribue à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique d'exportation des équipements de défense.

« En matière de communication, de transports, et pour la répartition des ressources générales, le ministre de la défense dispose, dès la mise en garde définie à l'article L. 2141-1, d'un droit de priorité.

« Section 2

« Intérieur

« Art. L. 1142-2. - Le ministre de l'intérieur est responsable de la préparation et de l'exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale et il est, à ce titre, sur le territoire de la République, responsable de l'ordre public, de la protection des personnes et des biens ainsi que de la sauvegarde des installations et ressources d'intérêt général.

« A ce titre :

« 1° Il est chargé de l'anticipation et du suivi des crises susceptibles d'affecter la sécurité intérieure et la sécurité civile ;

« 2° Il contribue à la planification interministérielle en matière de sécurité nationale. Il prépare les plans à dominante d'ordre public, de protection et de sécurité civiles ;

« 3° Il assure la conduite opérationnelle des crises ;

« 4° Il s'assure de la transposition et de l'application de l'ensemble de la planification gouvernementale par les représentants de l'État dans les zones de défense et de sécurité, les départements et les collectivités d'outre-mer ;

« 5° Il est responsable du renseignement intérieur, sans préjudice des compétences des ministres chargés de l'économie et du budget.

« En matière de sécurité économique, sous réserve des compétences du ministre de la défense dans le domaine de l'armement, le ministre de l'intérieur assure la protection du patrimoine matériel et immatériel de l'économie française.

« Son action s'exerce sur le territoire en liaison avec les autorités militaires en s'appuyant sur le représentant de l'État dans les zones de défense et de sécurité.

« Section 3

« Économie et budget

« Art. L. 1142-3. - Le ministre chargé de l'économie est responsable de la préparation et de l'exécution de la politique de sécurité économique. Il prend les mesures de sa compétence garantissant la continuité de l'activité économique en cas de crise majeure et assure la protection des intérêts économiques de la Nation.

« Il oriente l'action des ministres responsables de la production, de l'approvisionnement et de l'utilisation des ressources nécessaires à la défense et à la sécurité nationale.

« Conjointement avec le ministre chargé du budget, il assure la surveillance des flux financiers.

« Art. L. 1142-4. - Le ministre chargé du budget contribue à la défense et à la sécurité nationale, notamment par l'action des services placés sous son autorité en matière de contrôle douanier.

« Art. L. 1142-5. - Le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé du budget arrêtent les mesures d'ordre financier que nécessite la conduite de la guerre.

« Section 4

« Affaires étrangères

« Art. L. 1142-6. - Le ministre des affaires étrangères traduit, dans l'action diplomatique au niveau européen et au niveau international, les priorités de la stratégie de sécurité nationale et de la politique de défense.

« Il anime la coopération de défense et de sécurité.

« Il coordonne la gestion des crises extérieures ainsi que la planification civile de celles-ci avec le concours de l'ensemble des ministères et des services de l'État concernés.

« Il continue d'exercer ses attributions en matière d'action à l'étranger dans les cas prévus à l'article L. 1111-2.

« Section 5

« Justice

« Art. L. 1142-7. - Le ministre de la justice assure en toutes circonstances la continuité de l'activité pénale ainsi que l'exécution des peines.

« Il concourt, par la mise en oeuvre de l'action publique et l'entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

« Section 6

« Autres ministres

« Art. L. 1142-8. - Le ministre chargé de la santé est responsable de l'organisation et de la préparation du système de santé et des moyens sanitaires nécessaires à la connaissance des menaces sanitaires graves, à leur prévention, à la protection de la population contre ces dernières, ainsi qu'à la prise en charge des victimes.

« Il contribue à la planification interministérielle en matière de défense et de sécurité nationale en ce qui concerne son volet sanitaire.

« Art. L. 1142-9. - Les ministres chargés de l'environnement, des transports, de l'énergie et de l'industrie sont responsables, chacun en ce qui le concerne, en matière de maîtrise des risques naturels et technologiques, de transports, de production et d'approvisionnements énergétiques ainsi que d'infrastructures, de la satisfaction des besoins de la défense et de la sécurité nationale et, en toutes circonstances, de la continuité des services. »

M. André Vantomme.  - Pour la première fois depuis longtemps, la gendarmerie nationale ne relève plus de la loi de programmation militaire, la primauté du ministère de l'intérieur l'ayant emporté sur celle de la défense. La dualité des forces de police était une garantie républicaine, un garde-fou. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur menace son existence même : il sera tentant de regrouper l'organisation de la sécurité et les moyens afférents...

Habitués à servir dans la loyauté républicaine, les gendarmes retiendront leur amertume. Mais, même si la loi de programmation militaire les ignore, il ne sera pas dit qu'il n'y avait pas de sénateurs pour leur adresser un message de sympathie et de respect. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Piras.  - Sur le site du ministère de la défense, on lit qu'une loi de programmation militaire est « l'acte solennel par lequel le Parlement, sur proposition du Gouvernement, consacre l'adhésion de la Nation à la constitution de l'instrument militaire de la politique de défense » et que « la programmation pluriannuelle des crédits permet de planifier l'acquisition des équipements nécessaires à l'accomplissement des missions des armées. » Que vient faire cet article 5, qui bouleverse l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité ? Il modifie le code de la défense suivant les orientations du Livre blanc, concentre les pouvoirs autour du Président de la République. L'adoption du concept américain de « sécurité nationale » conduit à restreindre le rôle du Premier ministre et du ministre de la défense au profit du ministre de l'intérieur, dont les compétences sont étendues en situation de « crises majeures » -notion qui reste à définir. Sera-t-on tenté d'employer différemment les forces armées en cas de crise intérieure ? Cela devrait faire réagir le RPR !

Ce chapitre mérite un débat ad hoc, d'autant qu'il modifie l'ordonnance de 1959, au coeur du consensus national sur la défense. Au lieu de chercher à faire adopter, sans débat, les préconisations du Livre blanc du Président, le Gouvernement devrait déposer un projet de loi sur la nouvelle organisation. La Constitution n'est pas modifiée mais sa pratique le sera. D'ailleurs, les parlementaires socialistes membres de la commission de rédaction du Livre blanc avaient démissionné pour protester contre l'ingérence du Président de la République dans ses travaux. Je vous mets en garde. Je sais que vous êtes tenus à un vote conforme, mais le sujet mérite débat !

M. le président.  - Amendement identique n°125, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Michelle Demessine.  - Cet article 5 réorganise les pouvoirs publics pour les adapter à la stratégie dite de « sécurité nationale ». On est loin de l'objet d'une loi de programmation militaire ! Mais celle-ci comprend également « diverses dispositions concernant la défense »...

La notion de « sécurité nationale », importée des États-Unis, inspire également la réflexion de l'Otan. Je doute néanmoins qu'elle corresponde à la vision française des risques et des menaces contre nos intérêts nationaux.

Nous sommes opposés aux modifications institutionnelles qu'elle implique, ainsi qu'à la concentration des pouvoirs qu'elle entraîne. La défense nationale devient un sous-ensemble de la sécurité. Les pouvoirs sont concentrés dans les mains du Président de la République : en matière de sécurité, tout remonte à lui et tout procède de lui. L'article 5 remplace ainsi l'actuel conseil de défense et le conseil de sécurité intérieure par un seul organisme.

Son champ de compétence sera très étendu puisqu'il couvrira toutes les questions politiques ayant trait à la défense et à la sécurité nationale. Ce nouveau conseil, présidé par le chef de l'État, se déclinera en formations spécialisées, toujours placées sous sa tutelle, en particulier en matière de renseignement. On mesure l'étendue du contrôle présidentiel. Pourquoi, d'ailleurs, parler au futur étant donné qu'une fois encore, on nous demande de sanctionner un fait accompli puisque nous débattons d'un organisme qui existe déjà, le Conseil national du renseignement étant en place, avec son coordinateur. Nous ne pouvons approuver un tel déséquilibre institutionnel.

M. Didier Boulaud.  - C'est ce qu'on appelle la monocratie.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission ne souhaite pas voir modifier l'article 5 tel qu'elle l'a approuvé et émettra donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements à cet article qui actualise, sans les bouleverser, les dispositions sur l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense datant de l'ordonnance de 1959.

On argue que la notion de sécurité nationale bouleverserait profondément notre conception politique sur cette question. Mais le Livre blanc stipule bien que notre stratégie de sécurité nationale prend en compte « tous les phénomènes, risques, menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation, quelle que soit leur nature, militaire ou non, quelle que soit leur origine, intérieure ou extérieure ». Il prend acte ainsi du fait qu'il n'y a plus de séparation tranchée entre sécurité intérieure et extérieure et que ceux qui entendent la mettre en péril n'usent plus de moyens classiques mais de modes opératoires destinés au contraire à contourner ces moyens. Il est donc nécessaire d'avoir une vision plus globale. C'est bien ce qu'attendent nos concitoyens, qui ne se soucient pas de savoir si les moyens destinés à assurer leur protection relèvent de la défense ou de la sécurité.

J'ajoute que la sécurité nationale ne se confond pas avec la sécurité intérieure. L'action de nos forces de police et de gendarmerie ne relève en rien de la sécurité nationale. Il n'y a pas de confusion possible.

A l'inverse, les moyens importants consacrés à la fonction connaissance et anticipation participent de la sécurité nationale au sens large. Tel est le cas du renseignement.

Je m'étonne, enfin, du trouble que suscite l'association des mots défense et sécurité alors que depuis des années, on parle de politique européenne de défense et de sécurité sans que personne s'en émeuve.

Autre argument : l'article entraînerait une concentration excessive des pouvoirs dans les mains du Président de la République. Mais la Constitution, sur ce point, n'a pas changé. Aux termes de l'article 5, le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. Tout ce qui touche à la défense et à la sécurité nationale le place donc dans une situation différente de celle qui est la sienne dans les autres domaines. Il est le chef des armées et préside, aux termes de l'article 15, les conseils de défense. L'élection au suffrage universel a renforcé sa responsabilité. Quant au Premier ministre, il est précisé qu'il est étroitement associé. Il n'y a pas lieu de voir là une quelconque dérive. Le conseil national du renseignement remplace le comité interministériel dont chacun s'accorde à penser qu'il ne jouait pas parfaitement son rôle. La coordination du renseignement, avec la mission confiée à l'ambassadeur Bajolet, est donc positive et l'inscription de ce conseil dans la loi est utile. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous avons abordé cette question a de multiples reprises. Il est heureux que le Gouvernement soit en cohérence avec le Livre blanc : c'est bien la moindre des choses. J'ai déjà dit, en répondant à M. Chevènement, que le Conseil national du renseignement assure une coordination nécessaire. Qu'existe un Conseil de défense et de sécurité nationale ne change en rien la responsabilité du Président de la République, éminente en ce domaine sous toutes les majorités. Il était, enfin, de bon sens de réviser une ordonnance vieille de cinquante ans.

M. Didier Boulaud.  - Il n'y aurait donc pas concentration des pouvoirs à l'Élysée ? Je dis que oui, et dans tous les domaines. J'ai lu aujourd'hui même dans un hebdomadaire que la flotte des avions du Gouvernement, gérée jusqu'à présent par Matignon, le sera désormais directement par l'Élysée. C'est dire jusqu'où vont les choses !

Nous ne sommes pas contre la création d'un conseil national du renseignement. Ce que nous contestons, ce n'est ni sa mise en place, ni son rôle, mais son rattachement à la présidence de la République, où il sera placé sous l'autorité du secrétaire général de l'Élysée. Le rôle du Premier ministre, dites-vous, est éminent ? Je dis, moi, que c'est le rôle du secrétaire général de l'Élysée qui l'est devenu. Certaines mauvaises langues vont même jusqu'à dire que le Gouvernement a changé de rive, pour aborder au 55 bis rue Saint-Honoré. Y compris le ministère de la défense.

Les amendements identiques nos83 et n°125 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

Le Gouvernement déposera, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010, un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense.

M. Michel Boutant.  - Les nombreuses modifications contenues à cet article imposent un débat en profondeur. On assiste à une concentration inédite des pouvoirs autour du Président de la République. Les rôles du Premier ministre et du ministre de la défense sont diminués ; le concept de sécurité nationale, mal défini et imprécis, prend la place de celui de défense nationale.

En revanche, le ministre de l'intérieur voit son champ de compétences élargi et hérite d'une force à statut militaire, la gendarmerie. La « sécurité nationale » sonne comme une nouvelle déclinaison de la « sécurité intérieure ». On crée de fait une zone commune, sans frontières nettes, où la politique de défense et la sécurité intérieure se confondent. Un vrai débat s'impose.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale a

par les mots :

Les stratégies de défense et de sécurité nationales ont

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'idée d'une stratégie de sécurité nationale, englobant défense et sécurité intérieure, procède d'une doctrine fort peu nationale : elle nous vient directement d'Amérique. Elle pourrait donner lieu à d'inquiétantes dérives, à un glissement de la notion d'ennemi vers celle d'ennemi intérieur. N'a-t-on plus le droit, en République, d'être contestataire ? Gardons-nous d'incriminer de simples attitudes.

Une telle confusion nous met à la remorque d'une politique chère à M. Bush, qui entendait « mener la guerre au terrorisme ». Irak, Iran, Afghanistan, Pakistan : sommes-nous en rien consultés sur les changements d'orientation de la politique américaine ?

Et quelle nécessité de ce Conseil de sécurité nationale et de défense ? Il n'était en rien interdit, dans les conseils de défense, d'inviter le ministre de l'intérieur.

Méfions-nous d'une conception qui se révèlera peu opérationnelle et pleine de risque.

M. le président.  - Amendement identique n°124, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale a

par les mots :

Les stratégies de défense et de sécurité nationale ont

Mme Michelle Demessine.  - Cet article entretient la confusion entre des notions et domaines différents.

Il réduit la notion de défense nationale à une simple composante de la sécurité nationale. Dans ce cadre, tout peut devenir une menace : la prolifération nucléaire et les attentats terroristes bien sûr, mais aussi les attaques informatiques ou les difficultés d'accès aux ressources naturelles. Faudra-t-il mettre sur ce même plan les pandémies et les catastrophes naturelles ?

Quand tout devient une menace, il est difficile de hiérarchiser l'action. Surtout, des menaces aussi multiformes peuvent provenir de partout, même de l'intérieur, voire de certaines catégories de la population ! (M. le ministre manifeste son indignation)

Pour éviter des dérives dangereuses pour la République et la démocratie, il faut distinguer clairement la sécurité et la défense nationales. (On approuve sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale

par les mots :

La stratégie de défense

M. André Vantomme.  - Il a déjà été dit que cet article opérait une concentration inédite des pouvoirs au profit du Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la défense étant marginalisés par la redistribution des pouvoirs inspirée de la « sécurité nationale », un concept américain vague que nous avions critiqué lors de la présentation du Livre blanc.

Celui-ci devrait être discuté et voté par le Parlement, afin d'avoir une vision globale de la défense et de la sécurité dans un cadre européen.

La sécurité nationale semble n'être qu'un nouvel habillage de la sécurité intérieure, qu'il ne faut pas confondre avec la défense sauf à créer une zone commune mal définie où les deux paraissent fusionnées.

L'article 15 de la Constitution dispose : « Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. » Il n'est question ni de sécurité nationale, ni de « conseil de défense et de sécurité nationale ». Les modifications proposées par le Gouvernement conduiront-elles à une nouvelle révision constitutionnelle ? (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Chevènement.

Dans première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, après les mots :

l'intégrité

insérer les mots :

et l'indépendance

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Avec cette rédaction, la politique de défense devra certes assurer l'intégrité du territoire, mais aussi l'indépendance -donc la souveraineté- de la France.

Ce rappel est particulièrement opportun après la réintégration de l'organisation militaire intégrée de l'Otan et l'adoption du concept de sécurité nationale, car la France aura de la peine à faire entendre sa voix dans ce contexte. Or, je souhaite qu'elle puisse continuer à le faire, même lorsqu'elle paraît isolée, comme ce fut le cas en 2003 avant l'invasion de l'Irak.

Avant de présenter mes autres amendements, je souhaite qu'un vote intervienne sur celui-ci, qui est très différent. (M. le président, M. le rapporteur et M. le ministre l'acceptent)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - J'ai déjà exprimé un avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Moi aussi.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer le 2° de cet article.

Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :

et de sécurité

Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

À la fin du second alinéa du b du 4° de cet article, supprimer les mots :

et de sécurité

Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le texte proposé par le 5° de cet article pour l'article L. 1121-1 du code de la défense, supprimer les mots :

et de sécurité nationale

Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

A la fin du second alinéa du a du 7° de cet article, remplacer les mots :

de sécurité nationale

par les mots :

de défense et de sécurité nationales

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Tous ces amendements ont pour objet de rétablir la distinction entre la défense et la sécurité nationales, car il ne faut pas confondre les militaires et les policiers : leurs métiers sont très différents.

Certes, le ministre de l'intérieur est vigilant à propos du terrorisme et des filières de recrutement, mais ces sujets l'occupent fort peu.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer le 8° de cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Chaque ministre est actuellement responsable des missions de défense nationale incombant à son département. Étendre cette obligation à l'ensemble de la sécurité nationale introduirait une confusion incroyable !

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-2 du code de la défense, remplacer le mot :

nationale

par le mot :

nationales

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-6 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il assure une veille permettant d'identifier les foyers de tensions potentielles et de mobiliser les outils de prévention des conflits dans un cadre multilatéral.

Mme Dominique Voynet.  - J'ai déjà souligné le rôle que le ministère des affaires étrangères pouvait jouer pour repérer les conflits à venir et les prévenir dans un cadre multilatéral.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-7 du code de la défense :

« Il concourt, par la mise en oeuvre de l'action publique et l'entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, contre la corruption et le blanchiment d'argent sale.

Mme Dominique Voynet.  - La corruption freine le développement, le déploiement des politiques publiques, l'essor de la démocratie mais nous ne sommes pas naïfs au point de croire que nos démocraties en soient exemptes, alors que les échanges économiques se déroulent à l'échelle internationale et que la dérégulation financière triomphe. Outre la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire, le ministère de la justice doit lutter contre la corruption et la délinquance financière.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - J'ai déjà donné un avis défavorable à l'ensemble des amendements en discussion sur cet article.

M. Hervé Morin, ministre.  - Moi aussi.

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos5 rectifié, 124, 91, 3 rectifié, 2 rectifié, 1 rectifié, 6 rectifié, 7 rectifié, 8 rectifié, 9 rectifié, 43 et 44

Mme Nathalie Goulet.  - En commission, je me suis prononcée contre l'article 5, que je ne voterai pas en raison de la confusion entre sécurité et défense. La fusion entre la police et la gendarmerie n'a pas encore été soumise aux députés.

La confusion des genres a déjà fait ses preuves un certain 16 juillet !

L'article 5 est adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 demeure supprimé.

Article 8

Le III de l'article 73 de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi rédigé :

« III. - Jusqu'au 31 décembre 2014, par dérogation aux dispositions de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles affectés au ministère de la défense peuvent être remis au service chargé des domaines en vue d'une cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles à l'État. »

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Boutant et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Michel Boutant.  - Cet article est en apparence secondaire par rapport au reste du projet de loi de programmation. Il s'agit en effet de la simple prorogation d'un régime dérogatoire dont bénéficient depuis le 1er janvier 1987 les immeubles appartenant au ministère de la défense au moment de leur cession par l'État. Mais ne convient-il pas de s'interroger sur la pertinence d'un dispositif qui permet au ministère de la défense de contourner un système qui s'impose pourtant à l'ensemble des autres administrations ?

Le code général de la propriété des personnes publiques prévoit en effet que lorsqu'un ministère souhaite vendre un immeuble dont il n'a plus besoin, il doit proposer aux autres services de l'État ledit immeuble avant de pouvoir procéder à la vente. Ce n'est que lorsque l'immeuble est reconnu inutile par tous les services de l'État que le ministère peut le remettre aux Domaines afin qu'ils procèdent à la vente.

En 1986, le législateur a jugé cette procédure trop longue et a estimé que la spécificité des immeubles détenus par le ministère de la défense devait l'autoriser à déroger à ces règles et à pouvoir remettre ces immeubles aux Domaines sans consulter au préalable les autres services de l'État. Cette dérogation était toutefois limitée à vingt-deux ans.

C'est cette dérogation que l'article 8 prolonge car, à compter du 1er janvier 2010, le ministère de la défense serait de nouveau soumis au droit commun des ventes d'immeubles par l'État, au moment même où la réorganisation du ministère va le conduire à libérer de très nombreuses emprises.

Le Gouvernement estime que, pour assurer au mieux la reconversion des sites concernés, il est indispensable de prolonger ce régime dérogatoire. Une bonne gestion des biens publics imposerait pourtant une concertation avec les autres administrations avant la cession d'immeubles appartenant à votre ministère, monsieur le ministre.

Au vu de certaines mésaventures intervenues ces dernières années, notamment le rachat par l'État du bâtiment de l'Imprimerie nationale pour 376 millions après l'avoir vendu 85 millions quelques années auparavant, il conviendrait que chaque cession d'immeuble soit mûrement pesée, car la vente précipitée d'un immeuble appartenant à l'État ne rapporte rien à ce dernier et risque même de lui coûter très cher.

C'est pourquoi nous refusons de prolonger ce système dérogatoire.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Boutant et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'est envisagée la cession d'immeubles affectés au ministère de la défense et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par le ministre de la défense, les organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation doivent être préalablement consultés par le service chargé des domaines sur les projets de cession, afin de leur permettre de soumettre une proposition d'acquisition. Un décret détermine les modalités de cette consultation et les conditions d'examen des propositions d'acquisition auxquelles elle donne lieu. »

M. Michel Boutant.  - Si cet article n'est pas supprimé, il convient de le compléter par cet amendement.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission souhaite le maintient de l'article 8 : elle est donc défavorable à l'amendement n°87.

Sur l'amendement n°86, le ministère de la défense à déjà pris des contacts pour transformer certains sites qu'il souhaite vendre en logements sociaux, notamment à Paris. En revanche, de nombreux bâtiments ne sont pas adaptés à une reconversion en logements. La commission estime que la consultation systématique n'est pas appropriée. En outre, cette disposition serait contraire au code des domaines, qui prévoit déjà une procédure de publicité, ainsi qu'aux dispositions spécifiques relatives aux cessions à l'euro symbolique : avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Le ministère souhaite pouvoir céder rapidement ses immeubles. Compte tenu de l'hétérogénéité de son parc, l'idée de consulter l'ensemble des services de l'État nous ferait perdre un temps précieux, notamment pour la reconversion des sites : je suis donc défavorable à l'amendement n°87.

En ce qui concerne l'amendement n°86, à chaque fois qu'une collectivité souhaite construire des logements sociaux, nous sommes les premiers à accéder à sa demande. Chaque ville a d'ailleurs un droit de priorité et de préemption pour faire du logement social là où elle le souhaite : avis défavorable.

L'amendement n°87 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°86.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Le deuxième alinéa de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° Les mots : « au préalable » sont supprimés ;

2° Les mots : « confier au futur acquéreur le soin d'y faire procéder » sont remplacés par les mots : « subordonner la cession à l'exécution, dans le cadre de la réglementation applicable, par l'acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux, ».

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Supprimer cet article

Amendement n°46, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai dans lequel l'État est tenu de procéder à la dépollution et à la remise en bon état de ces immeubles, dans le cas où ils ne seraient plus utilisés et dans l'attente de leur cession, est fixé par décret. ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Dominique Voynet.  - Cet amendement et le suivant ont fait l'objet d'une assez longue discussion en commission mais je n'ai pas été convaincue par les arguments de M. le ministre. La rédaction ambiguë de cet article en est en partie responsable.

Depuis 2007, le Président de la République et le Gouvernement se sont lancés dans une campagne de communication très efficace sur les questions environnementales, affichant des ambitions louables. Mais le Grenelle de l'environnement n'est pas encore voté qu'on l'érige déjà en texte sacré. Pourtant, le plan de relance de l'économie fait la part belle aux transports routiers.

Le secteur de la défense permettrait pourtant d'agir en faveur de l'environnement, notamment à l'occasion du démembrement d'infrastructures ou de la reconversion de l'arsenal militaire.

Hélas, il n'en est rien : cet article est l'antithèse même de ce que prétend être le Grenelle de l'environnement puisqu'il subordonne la cession d'un site à l'exécution, par l'acquéreur, des travaux de dépollution. Vous m'avez dit en commission, monsieur le ministre, que l'État ne fuyait pas ses responsabilités en se dédouanant des nuisances et des pollutions commises du fait de ses activités. Rien ne dit pourtant que l'État devra déduire du coût de cession du site le coût de la remise en état du site, qui excède souvent sa valeur même.

On court là le risque que les anciens sites militaires demeurent des sites pollués et non traités, portant atteinte à la santé des riverains.

Je veux évoquer le cas du polygone d'expérimentation de Pontfaverger-Moronvilliers qui est rattaché au CEA. A côté de ce polygone, plusieurs centaines de tonnes d'obus de la première guerre mondiale ont été stockées sans protection. En 1958, les premiers essais nucléaires ont été réalisés. Plus tard encore ont eu lieu des expériences de détonique et d'explosions chimiques avec des matériaux inertes. Alors que la fermeture du site est annoncée, comment envisage-t-on sa dépollution ? Le maire de la commune est très inquiet.

En décembre 2007, vous avez adressé, monsieur le ministre, le plan d'action environnement du ministère de la défense aux directeurs de l'administration centrale du ministère. Ce plan prévoit que chaque année, « le ministère préparera un bilan environnemental de ses activités, portant notamment sur ses rejets gazeux et liquides, ses productions de déchets, ses consommations d'énergies et d'eau, ainsi qu'un bilan carbone ». A ma connaissance, rien n'a été publié, notamment sur la remise en état des sites militaires.

Mon premier amendement vise à revenir au régime commun et mon second amendement fixe une échéance pour la remise en état de ces sites.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Lors de l'examen du texte en commission, le ministre nous a donné des exemples très concrets de blocages que l'article 9 permettra de lever, sans remettre en cause l'obligation légale de dépollution. Je suis donc défavorable à l'amendement n°45.

L'amendement n°46 est contraire à l'article 9 puisqu'il impose à l'État la dépollution préalable avant cession alors qu'il s'agit de permettre à l'acquéreur d'exécuter les travaux de dépollution.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous sommes encore aujourd'hui propriétaires de terrains qui datent des plans de restructuration de MM. Joxe et Léotard car l'État n'a pas de quoi financer les travaux de dépollution. Ce dispositif devrait faire l'unanimité puisque, sous le contrôle de l'État, nous permettons à l'acquéreur de procéder à la dépollution pour reconvertir le site le plus rapidement possible. Si le coût des travaux coûte plus cher que le site, l'État prendra à sa charge le différentiel. Cela permettra à de nombreux élus de procéder à des reconversions.

A La Londe, dans le Var, mon ministère possède 14 hectares en plein centre-ville. Le maire souhaite se débarrasser de cette verrue : avec cet article, il pourra lancer des travaux de dépollution.

Mme Dominique Voynet.  - Nous avons effectivement eu cette discussion en commission mais je ne suis toujours pas convaincue.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je n'y arriverai jamais !

Mme Dominique Voynet.  - Je souhaitais en effet qu'il soit précisé que le prix de vente serait amputé de celui de la remise en état du site...

M. Hervé Morin, ministre.  - C'est ce que je viens de dire !

Mme Dominique Voynet.  - Certes, mais l'article reste muet ! Lorsqu'un site est cédé à l'euro symbolique, il n'est pas prévu que l'État finance en partie la dépollution. Les communes seront donc soumises à une sorte de pression pour qu'elles fassent, à la place de l'État, ce qu'il n'a pas les moyens de faire ! Tous les gouvernements se sont effectivement heurtés à la même difficulté, mais une commune confrontée à une verrue n'aura guerre le choix : elle héritera du site pollué et devra s'en débrouiller ; c'est un cadeau empoisonné que vous leur faites.

De nombreux sites ont été utilisés par l'armée sans diagnostic préalable et ces terrains d'entraînement, de manoeuvre, n'ont à ma connaissance fait l'objet d'aucun bilan sérieux en matière de pollution.

L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que le n°46.

L'article 9 est adopté.

Article 10

I. - Les cinquième à neuvième alinéas de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n°2001-1276 du 28 décembre 2001) sont ainsi rédigés :

« Le transfert au secteur privé des filiales créées en application de l'alinéa précédent est autorisé dans les conditions prévues au titre III de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Les I à III de l'article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé.

« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert. Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées dans les conditions définies au présent alinéa bénéficient alors des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. Ils sont à ce titre électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société.

« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, moins de la moitié et plus du tiers du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert.

« Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées en application des dispositions prévues aux deux alinéas précédents bénéficient, au sein des sociétés à la disposition desquelles ils sont mis, des droits reconnus aux salariés par les titres Ier à V du livre III de la deuxième partie du code du travail ainsi que par le titre Ier du livre VI de la quatrième partie du même code.

« En dehors des cas d'apport ou de transfert d'activités à des filiales visés au sixième alinéa du présent article, les ouvriers de l'État mis à la disposition de l'entreprise nationale peuvent, sur leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être mis à la disposition de toute société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale, ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés énoncés dans le précédent alinéa. Lorsqu'ils sont mis à la disposition d'une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 précitée dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. A ce titre, ils sont alors électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société. »

II. - Le dixième alinéa de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale et employés à une activité transférée à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, au moins un tiers du capital et des droits de vote, sont détachés auprès de cette société dès la réalisation du transfert.

« En dehors des cas de transfert d'activité à des filiales visés à l'alinéa précédent, les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale peuvent, à leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être détachés dans une société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. »

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'année 2009 est à marquer d'une pierre noire pour le ministère de la défense, affecté à la fois par les propositions du Livre blanc et par la RGPP. Certaines évolutions sont certes nécessaires, mais nous ne partageons pas votre volonté d'externaliser les activités industrielles et de soutien -en supprimant au passage 54 000 emplois. Cela revient à démanteler l'outil de défense. DCNS n'échappe pas à la règle et doit revenir dans le droit commun des privatisations. J'étais hostile dès 2001 au changement de statut et j'ai réitéré mon opposition en 2004. Vous affirmiez alors que la création de filiales ne comportait aucun risque, le législateur ayant prévu des garde-fous. Ceux-ci vous semblent désormais des obstacles... Le rapporteur d'alors, M. Yves Fréville, jugeait les protections suffisantes, garanties par le recours au législateur au-delà de certains seuils. Le législateur vous semble aujourd'hui un obstacle.

Vous entendez gommer tout signe d'appartenance de DCNS au secteur public. Mais tous ceux d'entre vous qui avez jugé utile de prévoir en 2004 des dérogations au droit commun des privatisations lorsque les opérations de filialisation étaient assorties de transferts d'actifs se déjugent aujourd'hui en acceptant les dispositions de l'article 10. Les risques que vous évoquiez alors auraient-ils disparu ?

Je suis favorable à des coopérations industrielles ponctuelles, dans le respect du patrimoine et des missions de chacun. En 2004, les privatisations-filialisations ont ouvert la boîte de Pandore. C'est l'unicité de DCNS ainsi que son avenir qui ont été remis en cause. Depuis l'entrée de Thalès à son capital, la stratégie du groupe est claire : se recentrer sur l'ingénierie et le commerce, externaliser les moyens de production. Ce n'est pas là la politique industrielle dont notre pays a urgemment besoin. Voyez les déboires des chantiers civils qui sont allés trop loin dans l'externalisation. Dans le secteur électronique, on a inventé les entreprises sans salariés...

Monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de budget pour 2009, je vous avais interrogé sur le projet industriel de DCNS et vous aviez été embarrassé pour me répondre. Vous le serez encore aujourd'hui. Le contrat État-entreprise est arrivé à échéance en 2008, aucun autre n'a pris le relais. Du reste, ce contrat n'a pas été respecté, pas plus que l'engagement du Gouvernement de transmettre au Parlement chaque année un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la société. Nous sommes inquiets car l'article supprime l'un des derniers contrôles que pouvait exercer le Parlement.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est le sort fait aux personnels de tout statut. Vous voulez, précisément, faire sauter les verrous administratifs pour mettre à disposition les agents dans les filiales minoritaires. Le retour chez DCNS sera possible... si des postes se libèrent. La mobilité accrue rompra le lien entre les salariés, modifiera les contrats de travail et les accords collectifs. Il n'y aura pas de retour car le but est l'extinction du statut des ouvriers d'État. Cet article est à rapprocher de l'article 29 du projet de loi sur la mobilité et le parcours professionnel dans la fonction publique, que vous avez fait adopter en catimini à l'Assemblée nationale le 3 juillet dernier. Externaliser certaines missions du ministère en mettant du personnel civil ou militaire à disposition d'entreprises privées, c'est remettre en cause le statut des catégories concernées. Quant au volontariat, nous verrons une nouvelle fois la semaine prochaine, à propos du travail dominical, en quel sens il faut l'entendre.

Une fois la mission externalisée, le ministère n'a plus besoin des compétences mises à disposition ; en cas de difficultés de l'entreprise, ne restera que la solution du chômage.

Monsieur le ministre, vous vous êtes réjoui d'avoir redonné vie à l'École des mousses. J'aurais aimé que vous rendiez vie aux écoles des apprentis de la Marine, écoles républicaines du mérite mais qui avaient pour grave défaut de former des ouvriers d'État à statut et des ingénieurs des constructions navales militaires ! (Applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Comme vous, monsieur Godefroy, j'ai dans mon département un établissement de DCN. En 2001, quand vous vous êtes opposé au changement de statut proposé par le ministre Alain Richard, la situation était catastrophique. Ce service de l'État fonctionnait très mal.

M. Robert del Picchia.  - Il ne fonctionnait pas du tout.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le plan de charge étant vide, les collectivités locales, la région Bretagne notamment, ont dû fournir du travail et ont financé des plates-formes pétrolières, comme si telle était la vocation de DCN...

M. Robert del Picchia.  - ...Et des collectivités territoriales !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - MM. Sauter et Richard ont transformé le service en société anonyme détenue à 100 % par l'État. Je crois aux histoires qui réussissent et ce changement de statut a permis à DCN de se lancer sur des marchés très concurrentiels, d'y démontrer l'excellence de ses ouvriers et de ses ingénieurs. Le plan de charge s'est étoffé, DCN a beaucoup vendu et exporté -par exemple des sous-marins au Brésil.

La deuxième étape consiste à favoriser les regroupements et les synergies. DCN a pu acheter Thalès Naval, diversifiant ainsi sa gamme de produits ; réciproquement, Thalès est entré au capital de DCN, où l'État domine -tout est sous contrôle. Mais quand DCN veut créer des filiales communes avec d'autres groupes, elle ne peut le faire dans les mêmes conditions que les autres. Si nous voulons une Europe de la défense, il faut pouvoir nouer des partenariats. L'État disposera d'une golden share afin de contrôler l'activité de toutes les filiales, même minoritaires. Il n'y a pas de démantèlement et la formule n'a que des avantages. Le processus initié en 2001 par M. Richard doit être mené à son terme, c'est pourquoi je serai défavorable à tous les amendements à cet article. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ma circonscription, j'ose à peine l'avouer, ne compte pas d'établissement de DCNS... Quand on crée une filiale minoritaire, on n'en est plus le patron. M. le président de la commission évoque une golden share, je ne l'ai vue nulle part. Pour quel objet devons-nous créer ces filiales : pour nous défaire des sous-marins à propulsion classique ? (On se récrie au banc des commissions) Pour entrer dans un consortium à dominante anglo-saxonne ou allemande ? Monsieur le ministre, quelle politique industrielle voulez-vous mener ?

M. Didier Boulaud.  - Aucune !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - M. Tchuruk a inventé les entreprises sans salariés ; il fut un grand spécialiste de l'externalisation.

Il a si bien réussi dans ce fleuron de notre industrie qu'était Alcatel Alsthom qu'on s'y est passé de ses services. (Sourires à gauche) Ce précédent explique notre réticence sur des filiales minoritaires avec on ne sait qui pour faire on ne sait quoi. Si une alliance se propose, présentez un dossier au Parlement, les faits parleront d'eux-mêmes.

M. Didier Boulaud.  - Le meccano ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Où est le démantèlement s'il s'agit de créer une filiale minoritaire avec Veolia Environnement pour enlever les ordures ménagères des bases françaises ?

M. Bernard Piras.  - Il n'y a pas que ça !

M. le président.  - Amendement identique n°88, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - En 2001, quel qu'ait été mon avis personnel, le gouvernement de gauche avait pris la précaution judicieuse de prévoir que l'État conserverait 100 % du capital. Le changement de statut a-t-il permis d'entrer sur de nouveaux marchés ? Je crois que c'est plutôt la compétence des employés et ingénieurs, la qualité du travail fourni qui ont permis de gagner les contrats passés depuis 2001. Le Pakistan, l'Inde ont apprécié des sous-marins bien faits. Quant aux plates-formes pétrolières, ça a été un leurre. J'ai bien vu une tentative à Brest, mais ce n'était pas la solution, qu'une entreprise implantée à Cherbourg aurait aimé à l'époque offrir.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cela a coûté cher à la Bretagne !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce qui est dangereux, c'est que progressivement, le capital industriel de DCNS va disparaître, son coeur de métier, comme on aime à dire, ceux qui fabriquent et pas seulement ceux qui vendent. Nous serons dépendants d'autres, nous aurons perdu notre capacité de fabrication.

M. Jacques Gautier.  - Trois minutes !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On sait bien comment vous voulez faire des assemblages. Mais la DCNS reste indispensable. Cela méritait bien cinq secondes de plus pour le dire, mais peut-être cela vous gêne-t-il de l'entendre ?

M. le président.  - Amendement identique n°123, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Michel Billout.  - Il y a en effet des débats dont il faut prendre le temps et des chats qu'il faut appeler des chats. Sous prétexte de donner à DCNS les moyens de se développer, vous l'entraînez dans le droit commun des privatisations et autorisez les filiales minoritaires tout en modifiant les règles de mise à disposition des ouvriers d'État et des fonctionnaires. Nous entrons bien dans un processus rampant de changement de statut de cette société d'intérêt stratégique national. Cette souplesse dans la cession de branches d'activité annonce un démantèlement que facilitera la mobilité accrue de toutes les catégories de personnel. Ceux-ci et leurs syndicats s'inquiètent légitimement de voir ainsi la rentabilité prévaloir sur la production industrielle. DCNS peut déjà créer des filiales minoritaires pour rassurer des partenaires réticents. C'est le cas en Asie du sud-est ou en Italie. Je me méfie d'autant plus que l'information régulière prévue en 2001 n'a jamais été fournie.

M. Didier Boulaud.  - Évidemment !

M. Michel Billout.  - Vous pratiquez une politique au coup par coup au niveau européen. Je ne vois pas en quoi la cession de branches d'activité assurera la préservation de nos bases industrielles et technologiques, je perçois au contraire un danger pour la maîtrise de secteurs stratégiques. (« Très bien ! » à gauche)

M. Hervé Morin, ministre.  - Si M. Richard a massacré les crédits d'équipement de la défense (marques d'indignation sur les bancs socialistes), il a à son actif la belle réforme du changement de statut de DCN en société anonyme. Nous sommes aujourd'hui dans la même logique et je suis très heureux de porter la continuité d'une réforme engagée par le Gouvernement Jospin. Elle a permis que DCNS devienne la grande entreprise dont nous avions besoin. Les Européens sont en rivalité sur tous les marchés alors que nous connaissons le niveau de leurs crédits militaires comparés à leur grand concurrent. Grâce à cette évolution statutaire, DCNS pourra former un pôle majeur de l'industrie militaire en Europe et passer des accords avec des entreprises européennes, comme nous l'avons fait avec l'italienne Finmeccanica pour construire un acteur décisif en matière de torpilles.

M. Didier Boulaud.  - Alors, il ne s'agit pas seulement d'ordures ?

M. Hervé Morin, ministre.  - De même, pourquoi DCNS ne participerait-elle pas à la déconstruction de matériel naval, pour laquelle nous avons prévue 100 millions et que vous voudriez accueillir à Cherbourg ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On peut le faire !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous ne faisons que poursuivre une évolution nécessaire. On a tellement tergiversé pour Giat qu'il a failli disparaître. Heureusement, l'industrie d'armement terrestre renaît de ses cendres. DCNS a quatre années de chiffre d'affaires en commande. Combien d'entreprises européennes ont-elles aujourd'hui des programmes à dix ou quinze ans ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas grâce au changement de statut !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous en ferons le pivot de la reconstruction européenne. (« Très bien ! » à droite)

M. Didier Boulaud.  - On en reparlera !

Les amendements identiques nos10 rectifié, 88 et 123 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté.

Article 11

I. - L'article 3 de la loi n°70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives est ainsi modifié :

1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « nationale » et « et dont l'État détiendra la majorité du capital social » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le transfert au secteur privé des filiales constituées ou acquises par la société mentionnée au premier alinéa est autorisé dans les conditions prévues par la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

« Les I à III de l'article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application de l'alinéa précédent. »

II. - La liste annexée à la loi n°93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est complétée par un alinéa ainsi rédigé :

« SNPE ».

M. Xavier Pintat.  - Privatiser la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) et ses filiales est une opération qui va nous engager durablement. Elle nécessite des garanties et il y faut l'expliquer pour qu'elle réussisse. J'avais déposé en commission un amendement la retardant d'un an mais j'ai accepté de le retirer à la demande du président...

M. Didier Boulaud.  - Lequel ?

M. Xavier Pintat.  - ...pour permettre l'application rapide de la loi de programmation militaire. Le contexte économique et social est essentiel et la base aquitaine est fragile. Pouvez-vous, monsieur le ministre, renouveler les engagements que vous avez pris ? Pour que la réforme réussisse, elle doit être partagée. Prenons le temps de faire la clarté sur une solution globale.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ma réponse vaudra pour les amendements de suppression. Vous savez, pour suivre ce dossier de près, que la situation de la SNPE rappelait celle de Giat.

Cette entreprise connaît des pertes chroniques d'environ 10 % sur un chiffre d'affaires de 350 millions. Les seuls bénéfices enregistrés ces dernières années étaient liés à la cession d'actifs, et non à l'activité de production. Nous voulons reprendre le projet Hérakles d'Alain Richard...

M. Didier Boulaud.  - Eh bien !

M. Hervé Morin, ministre.  - ...qui consiste à réorganiser la SNPE autour de Safran pour la propulsion solide. Monsieur Pintat, je vous transmettrai un tableau montrant que neuf transferts de responsabilité interviennent entre les sociétés productrices dans la propulsion du M51 depuis le début jusqu'à l'achèvement de la construction de ce missile.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Est-ce bien raisonnable ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce document n'a rien de secret et M. Pintat est un parlementaire et, donc, un homme responsable.

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous allons mener cette réorganisation avec le souci de préserver les activités majeures comme celle de la propulsion solide à Saint-Médard-en-Jalles, de construire un pôle munitionnaire, qui nous manque, soit avec Nexter -j'ai rencontré les industriels ce midi pour leur indiquer les orientations de l'État-, soit avec les partenaires européens d'Eurenco. Concernant les activités civiles, nous avons également engagé des discussions avec les producteurs. Enfin, pas moins de 40 millions ont été investis dans le site de Sorgues, preuve que l'État veut consolider l'entreprise, et non la liquider. Soyez assurés que l'activité de Safran et de SNPE à Saint-Médard-en-Jalles sera consolidée par les évolutions en cours. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat en doute)

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - En somme, c'est une question de philosophie. Pour moi, l'industrie de défense doit rester autant que possible sous le contrôle de la puissance publique. La SNPE est constituée de quatre filiales, dont une entreprise chimique, la SNPE Matériaux Énergétiques, que vous voulez fusionner avec un mécanicien privé, Safran. Je ne vois pas quelle synergie industrielle va dégager ce rapprochement entre une entreprise chimique et un fabricant de tuyères ! Je veux bien regarder votre tableau (un huissier transmet ledit tableau à M. Chevènement) mais je ne suis pas certain de le comprendre immédiatement... Un mécanicien est un mécanicien, un chimiste est un chimiste... (Sourires) Je ne comprends pas dans ce tableau complexe ce qui conduit à cette fusion et à cette privatisation.

M. Didier Boulaud.  - Pourquoi Safran ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vous avez parlé de pôle « munitionnaire ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Savez-vous qu'on reprochait sous l'Ancien régime aux munitionnaires de s'enrichir aux dépens de la puissance royale ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est exactement ce qui va se passer !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous ne sommes pas à l'abri de surprises stratégiques. Ce pôle fera de très bonnes affaires, mais est-ce bien raisonnable ?

M. Hervé Morin, ministre.  - A qui Nexter appartient-il ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je ne connais pas précisément la composition de son capital...

M. Hervé Morin, ministre.  - Des capitaux publics à 100 % !

M. Didier Boulaud.  - Où est passé Manurhin ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Certes, mais la privatisation signifie que l'État ne reste pas propriétaire... Vous nous engagez dans un processus où les différentes filiales de la SNPE telles qu'Isochem ou encore Bergerac NC vont être privatisées. Il y a suffisamment de chômeurs et notre industrie connaît assez de difficultés pour ne pas se lancer, en sus, dans une telle opération ! Je suis défavorable à la privatisation, vous l'aurez compris. Maintenant, je vais essayer de comprendre votre tableau... (Sourires)

M. le président.  - Amendement identique n°89, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Daniel Reiner.  - Élu de Dordogne où sont installés des établissements de la SNPE, M. Cazeau est particulièrement attaché à cet amendement. Cet article 11 autorise le transfert au secteur privé de la société SNPE, de ses actifs et de sa filiale SNPE Matériaux Énergétiques (SME), nécessaires à la fabrication des propergols, utilisés comme carburant aussi bien pour les moteurs à propulsion solide des missiles balistiques de la force stratégique -programme M51- que pour ceux des lanceurs spatiaux civils -programme Ariane 5. Les actifs de SNPE et de la SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire, sont également inclus dans ce périmètre.

S'il est évident que la production de la SNPE est stratégique, la nécessité de privatiser l'entreprise l'est moins. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse à M. Pintat. Je note, d'ailleurs, que les parlementaires reçoivent un traitement différent selon les bancs sur lesquels ils siègent. Lors de la discussion générale, M. Cazeau n'a pas obtenu de telles informations.

M. Didier Boulaud.  - Eh oui !

M. Daniel Reiner.  - Vous préconisez un rapprochement avec Safran, mais d'autres motoristes utilisent le carburant en question. Pourquoi Safran et pas un autre ?

Nous voudrions donc obtenir des précisions sur la nature de votre projet industriel et l'avenir des salariés, sachant qu'une privatisation est irréversible. Nous ne sommes pas opposés au projet par principe mais nous manquons d'informations. En attendant, supprimons l'article 11.

M. le président.  - Amendement identique n°122, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Michel Billout.  - L'article vise à privatiser la SNPE, ainsi que sa filiale SME, dont l'État est encore actionnaire à 99,9 %. La SME est une entreprise hautement stratégique aux plans militaire et industriel, MM. Chevènement et Reiner l'ont souligné. La privatiser signifie que la fabrication du propergol serait assurée par le groupe aéronautique Safran. Sous couvert de créer un pôle français de carburants utilisés par nos forces de dissuasion nucléaire et nos lanceurs spatiaux, vous vous apprêtez, en fait, à céder ce secteur à un groupe dans lequel les intérêts privés américains, la société General Electric, sont loin d'être négligeables. Nous refusons que des intérêts privés étrangers pèsent sur des secteurs aussi décisifs pour la sécurité nationale qui, pour nous, a encore un sens. De plus, le manque de clarté du projet gouvernemental suscite l'inquiétude des salariés.

M. le président.  - L'amendement n°133 de M. Milon n'est pas défendu.

M. Didier Boulaud.  - Je le reprends.

M. le président.  - C'est impossible, son unique auteur n'est pas là.

M. Didier Boulaud.  - Comment l'ont-ils fait taire ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission approuve le principe de la privatisation de la SNPE dont il appartiendra au Gouvernement de fixer le calendrier et les modalités. Je ne vois aucune raison de conserver dans le giron de l'État des activités de chimie civile ou des entreprises de vernis pour peinture ! Les branches de la propulsion ainsi que de la poudre et des explosifs, qui présentent un intérêt stratégiques, doivent, en revanche, être préservées durablement. Il n'y a pas lieu de redouter les conséquences sur la dissuasion de l'adossement de l'activité de propulsion à un grand groupe privé de défense. Tous les grands groupes privés de défense français contribuent à la dissuasion sans que celle-ci en ait jamais souffert. Cette religion des entreprises publiques de défense est contestable : l'industrie de défense de la première puissance militaire du monde, les États-Unis, est presque entièrement privée, elle l'est complètement dans le cas de la Suède social-démocrate depuis cinquante ans ! (Protestations à gauche) Il n'y a donc rien à craindre. En outre, l'État dispose d'une large gamme de moyens de contrôle, notamment sa présence au capital, sa situation de client et de financeur de la recherche. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Également.

L'amendement n°11 rectifié, identique aux amendements nos89 et 122, n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera tous les deux ans au Parlement, un rapport sur les orientations de la politique industrielle dans le domaine de la défense et sur la situation de l'emploi dans ce secteur. Ce rapport fera l'objet d'un débat au Parlement.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Monsieur le ministre, la DCNS a obtenu un plan de charge sur quatre ans, sans filiale minoritaire ; preuve qu'un autre fonctionnement est possible...

Pour débattre de notre politique industrielle de défense, sur laquelle le Gouvernement ne semble pas avoir de vision d'ensemble comme le montrent les privatisations au coup par coup, le Parlement devrait disposer d'un rapport qui retracerait également la situation de l'emploi, élément-clé d'une technologie performante.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par les paragraphes 499 et 500 du rapport annexé aux termes desquels le rapport annuel sur la loi de programmation présentera les grandes orientations de la politique industrielle de défense. Retrait, sinon défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - En tant qu'ancien et, peut-être, futur parlementaire, je veux dire à M. Godefroy que je ne comprends pas l'idée consistant à demander au Gouvernement des rapports ! Dans une démocratie qui fonctionne, c'est le Parlement qui exerce sa mission de contrôle en produisant des rapports.

Quel sens cela a-t-il de demander au Gouvernement de faire le panégyrique de sa propre politique ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On ne peut faire autrement, monsieur le ministre. Le rapport sur DCNS, prévu par la loi, ne nous a jamais été remis.

M. Hervé Morin, ministre.  - Cela prouve bien l'inutilité de ce genre de dispositions !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est en enfreignant vos obligations que vous nous incitez à vous demander des rapports.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

Article 12

I. - Après l'article 56-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 56-4 ainsi rédigé :

« Art. 56-4. - I. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission ou par des délégués, dûment habilités au secret de la défense nationale, qu'il désigne selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. Le président ou son représentant peut être assisté de toute personne habilitée à cet effet.

« La liste des lieux visés à l'alinéa précédent est établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre de la justice, qui la rendent accessible aux magistrats de façon sécurisée. Le magistrat vérifie si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition figure sur cette liste.

« Les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale sont déterminées par décret en Conseil d'État.

« Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal.

« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite du magistrat qui indique au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Le président de la commission ou son représentant se transporte sur les lieux sans délai. Au commencement de la perquisition, le magistrat porte à la connaissance du président de la commission ou de son représentant, ainsi qu'à celle du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.

« Seul le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s'il y a lieu, les personnes qui l'assistent peuvent prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l'enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissées à leur détenteur.

« Chaque élément classifié saisi est, après inventaire par le président de la commission consultative, placé sous scellé. Les scellés sont remis au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale qui en devient gardien. Les opérations relatives aux éléments classifiés saisis ainsi que l'inventaire de ces éléments font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure et qui est conservé par le président de la commission consultative.

« La déclassification et la communication des éléments mentionnés dans l'inventaire relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.

« II. - Lorsqu'à l'occasion d'une perquisition, un lieu se révèle abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le magistrat présent sur le lieu ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les éléments classifiés sont placés sous scellés, sans en prendre connaissance, par le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts, puis sont remis ou transmis, par tout moyen en conformité avec la réglementation applicable aux secrets de la défense nationale, au président de la commission afin qu'il en assure la garde. Les opérations relatives aux éléments classifiés font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure. La déclassification et la communication des éléments ainsi placés sous scellés relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.

« III. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale dans les conditions définies à l'article 413-9-1 du code pénal, elle ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet.

« Le magistrat vérifie auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification.

« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition. Le magistrat transmet cette décision au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il la porte, au commencement de la perquisition, à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu.

« La perquisition doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire du lieu aux fins de perquisition et ne peut être entreprise que dans les limites de la déclassification ainsi décidée. A cette fin, le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par la décision du magistrat mentionnée à l'alinéa précédent, fait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire, totale ou partielle, du lieu aux fins de perquisition. L'autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. La déclassification prononcée par l'autorité administrative ne vaut que pour le temps des opérations. En cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative.

« La perquisition se poursuit dans les conditions prévues aux sixième alinéa et suivants du I.

« IV. - Les dispositions du présent article sont édictées à peine de nullité. »

I bis (nouveau). - Au premier alinéa de l'article 57 du même code, le mot : « précédent » est remplacé par la référence : « 56 ».

II. - Au quatrième alinéa de l'article 96 du même code, les références : «, 56-1, 56-2 et 56-3 » sont remplacées par le mot et les références : « et 56-1 à 56-4 ».

Mme Virginie Klès.  - Cet article 12 a déjà fait couler beaucoup d'encre, et il continuera à le faire. D'autres que moi se sont insurgés contre ces dispositions adoptées avant même d'avoir été débattues, et qui n'ont d'ailleurs nullement leur place dans une loi de programmation. Je ne rappellerai pas les vifs échanges qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ni l'opposition de sa commission de lois, preuve, s'il en était besoin, de l'absence de consensus.

Le projet de loi prévoit d'étendre la protection du secret défense à des lieux qui deviendront ainsi inaccessibles à la justice. Le contexte judiciaire n'est pas anodin : la perquisition à l'Élysée dans l'affaire Borel, celle qui eut lieu au siège de la DGSE dans l'affaire Clearstream et l'instruction de l'affaire des frégates de Taïwan ont incité le Gouvernement à édicter de nouvelles normes. Lors de son audition devant la commission des affaires étrangères le 1er juillet, M. le ministre a déclaré que cette initiative législative découlait de l'avis émis par la plus haute juridiction française, le Conseil d'État. C'est pour le moins contestable : le Conseil ne prévoyait pas de classifier des lieux mais de « permettre le recueil d'éléments utiles à la manifestation de la vérité sans enfreindre les dispositions du code pénal qui interdisent à toute personne non habilitée, y compris aux magistrats, de prendre connaissance d'éléments classifiés ». A cette fin, il suggérait d'étendre les compétences de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), non de son seul président. Un président en cacherait-il un autre ?

Le résultat auquel les députés sont parvenus n'est pas satisfaisant. Le rapport de la section française de l'association Tranparency International note que le projet de loi, au lieu de restreindre le champ du secret défense ou de mieux le définir, l'étend de manière très imprécise. Rappelons que la convention de l'OCDE ratifiée en 2001 interdit de recourir au secret défense pour protéger des faits de corruption. L'équilibre entre l'impératif de sécurité nationale et la nécessité d'un contrôle démocratique de l'exécutif est gravement mis en cause.

Plusieurs questions restent pendantes. La classification des lieux doit être soumise à des critères très restrictifs : lesquels ? La liste ne comprendrait pas plus de 19 sites à caractère technique ou opérationnel, mais comment seront-ils délimités ? Qui reverra cette liste ? Quels seront les tenants et les aboutissants de l'arrêté du Premier ministre ? Cette décision entre-t-elle dans le champ de ses attributions constitutionnelles ? Sera-t-il lié par l'avis de la CCSDN, et non de son seul Président ?

L'article 12 ne sécurise pas assez les opérations de perquisition. De l'avis même du rapporteur, l'Assemblée nationale n'est parvenue qu'à « un équilibre globalement satisfaisant ». Mais le diable se cache dans les détails. La création d'une incrimination pénale visant toute personne qui utiliserait les lieux classifiés en vue de rendre plus difficile la communication à un magistrat de documents n'ayant aucun rapport avec le secret de la défense nationale ne suffit pas à nous rassurer.

La discrétion nécessaire à l'efficacité et à la sécurité des perquisitions sera rendue impossible par l'obligation d'information préalable. Ces nouvelles règles compromettent d'ailleurs le secret de l'instruction, en un domaine où les affaires sont particulièrement sensibles et le risque de fuite élevé.

On veut nous faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes parce que le Premier ministre devra rendre publique sa décision de classification. Mais la liste restera très générale et doublée d'une annexe elle-même classifiée...

Refuser d'amender ce texte au motif que son examen a pris beaucoup de retard et que toute modification relancerait la navette parlementaire est indigne des législateurs que nous sommes ! A qui la faute si le texte a pris du retard ? Qui tente d'empêcher la lutte contre la corruption ?

Vous l'aurez compris : je m'opposerai à l'article 12 et à l'ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Badinter.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a urgence, nous dit-on. Eh bien, il aurait été judicieux, pour gagner du temps, de s'interdire d'inclure dans le projet de loi de programmation cet article 12 qui n'a rien à y faire !

« Naturellement, je lèverai le secret défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n'y a pas d'autre façon de faire la vérité » : ainsi s'exprimait le Président de la République le 7 juillet dernier à propos de l'assassinat en 1996 des moines de Tibhirine. Et pourtant, ce projet de loi étend considérablement le champ du secret défense, restreignant ainsi les pouvoirs d'enquête du juge d'instruction.

Le projet de loi initial était très inquiétant ; le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait pas caché son désaccord. La rédaction actuelle est, parait-il, le fruit d'un compromis mais elle reste très dangereuse et vise à empêcher la justice de faire toute la lumière sur des faits ou des événements qui embarrassent le pouvoir. Dans le cas d'une perquisition réalisée dans un lieu précisément identifié et abritant des éléments couverts par le secret défense, plusieurs problèmes se posent. Le juge d'instruction devra être accompagné du président ou d'un délégué de la CCSDN ; il devra lui indiquer la nature de l'infraction, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition. Une autorité administrative aura donc connaissance d'informations relevant d'une instruction judiciaire, ce qui lui donnera un pouvoir de contrôle a priori sur la pertinence de la perquisition. Le déséquilibre demeure entre les impératifs de protection des intérêts de la nation et de recherche des auteurs d'infractions pénales. En outre ces informations sont théoriquement protégées par le secret de l'instruction ; cette procédure augmente les risques de fuites, déjà élevés dans ces affaires très sensibles. Enfin, la liste de ces lieux sera fixée par le Premier ministre sans même que la CCSDN puisse donner son avis.

C'est dans le cas d'une perquisition dans un lieu classé au titre du secret défense que les entraves à la justice sont les plus graves. Le projet de loi initial créait de véritables zones de non-droit, inaccessibles à la justice ; la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne nous rassure guère. Dans ce cas, le magistrat devra également transmettre au président de la Commission consultative les raisons justifiant la perquisition, son objet, le lieu visé, la nature de l'infraction, etc. En outre, la perquisition devra être précédée de la déclassification des lieux par la Commission consultative et ne pourra avoir lieu que dans les limites de la déclassification. Elle sera donc soumise à l'avis d'une autorité administrative, ce qui constitue une entrave au cours de la justice et une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Nul ne peut contester notre volonté de débattre : nous nous sommes déjà expliqués à ce sujet lors de la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous ne nous avez pas convaincus !

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Quelle est la situation sur le terrain ? Lorsqu'un juge d'instruction se rend dans un lieu sensible et s'en voit refuser l'entrée, s'expose-t-il à des poursuites ? Je n'en sais rien : le droit est incertain sur ce point. S'il entre néanmoins, risque-t-il une condamnation ? Sans doute, s'il pénètre dans d'un lieu où le seul fait de voir un secret caractérise le délit de compromission. Ainsi, c'est l'incertitude du droit qui sanctuarise certains lieux.

Contrairement à ce que vous dites, l'avis du Conseil d'État fait expressément référence à ce genre de situation, précisant qu'il incombe au juge d'instruction par « nécessité impérieuse », lorsqu'il envisage de pénétrer dans une telle zone, d'éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone ».

L'article 13 reproduit cet avis en négatif. Il dispose que « seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Voilà une définition tout à fait claire.

Au cours de mes auditions, certains m'ont fait part de leurs réserves, au premier chef le syndicat de la magistrature. Mais nul ne conteste que ces lieux sensibles méritent d'être protégés : ni l'association des juges d'instruction, ni l'union syndicale des magistrats, ni le barreau.

J'ai été séduit hier par une expression de M. Badinter, qui disait que le secret défense ne devait pas s'exercer aux dépens du secret des affaires.

Mais le secret des correspondances, auquel fait référence l'avis du Conseil d'État, n'handicape-t-il pas parfois la recherche des secrets des affaires, quand le juge d'instruction s'entend dire par un avocat que toute correspondance est soumise au secret professionnel ?

Faut-il moins protéger le secret de la défense ? L'équilibre proposé est globalement satisfaisant, je l'ai dit, car il n'y a pas un seul modèle pour toutes les nations. Cet équilibre est-il constitutionnel ? En toute hypothèse, c'est une avancée de l'état de droit, modeste mais non négligeable. Libre aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel ; mieux, depuis la révision constitutionnelle, cette faculté est ouverte à tout citoyen ! Attendez-vous à savoir -comme disait une journaliste politique de jadis- que dans les temps qui vont venir, les avocats des victimes s'en saisiront en cas de problème lors d'une perquisition ! Bref, il n'y a pas lieu d'accepter les amendements proposés à cet article. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°121 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Après le mot :

précédent

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de la procédure pénale :

comporte la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction de la coopération et des relations internationales, la Direction du renseignement militaire, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, les cabinets du Président de la République, du Premier ministre, des ministres de la défense et de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le Gouvernement comprend-il lui-même son texte ? C'est une usine à gaz, qui ne relève en rien d'une loi de programmation mais de la procédure pénale. Le Gouvernement ne confondrait-il pas documents classifiés et lieux secrets ? (M. le ministre fait signe que non) J'admets qu'un juge d'instruction ne puisse saisir n'importe quel document lors d'une perquisition à la DGSE ou à la DCRI. Le faire escorter du président de la CCSDN ne me paraît pas monstrueux, dès lors que le secret de la perquisition est préservé.

Mais ne serait-il pas plus simple de fixer dès maintenant la liste des lieux qui font l'objet d'une protection spéciale, au lieu de s'en remettre à un décret en Conseil d'État, peu confidentiel ? On parle de 19 lieux, dont une entreprise aérospatiale... Bref, la confusion règne ! Mon amendement définit les lieux méritant une protection spéciale. Dans son sous-amendement, M. Charasse ajoutait la Direction générale des douanes, Tracfin, et, pour faire bonne mesure, nombre de services du ministère de l'économie et des finances.

Le sous-amendement n°136 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale par les mots :

sur avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale

M. Robert Badinter.  - J'ai retrouvé le talent du rapporteur pour avis, mais je crains de ne pas être d'accord avec lui sur l'interprétation de l'avis du Conseil d'État. L'imagination est le propre du vrai juriste, certes, mais je vous défie de trouver dans cet avis du Conseil d'État l'invitation à sanctifier des lieux pour protéger les magistrats ! Sa préoccupation était que les dispositions du code pénal sur l'appréhension de secrets et leur communication à des tiers soient résolues par le régime des perquisitions.

On a créé deux types de locaux protégés : les lieux qui abritent des documents relevant du secret de la défense nationale et les sanctuaires, qui sont les lieux classifiés. La première catégorie est très large : la loi -qui sera votée conforme- cite ainsi des services administratifs sensibles ou encore des locaux d'entreprises privées ; bref, un très large éventail de lieux.

On a beaucoup chanté les louanges, à juste titre, de la CCSDN, innovation essentielle de la loi de 1998. Il faut aller au-delà. Le Premier ministre suit presque toujours les avis de la commission, dit-on ? Pour éviter toute ambigüité, prévoyons donc que ces avis soient conformes ! Nous recherchons le consensus.

L'autorité administrative indépendante a été créée pour éviter l'arbitraire, inévitable quand la raison d'État se fait pressante : augmentons donc ses pouvoirs.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Robert Badinter.  - Deux systèmes existent dans les cinq puissances militaires européennes : en Allemagne, en Angleterre et en Espagne, ce sont les magistrats ou les autorités indépendantes qui décident de ce qui est classé. La France est seule, avec sa voisine latine, à prévoir que le Premier ministre -ou le Président du Conseil, M. Berlusconi- décide s'il y a lieu d'étendre le bouclier du secret de la défense nationale !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°12 rectifié, bien trop restrictif. L'Assemblée nationale prévoit une liste précise et limitative.

Défavorable à l'amendement n°116 : si son avis s'impose, la CCSDN cesse d'être consultative ! La liste résulte d'éléments objectifs. Sont visés les lieux où sont entreposés des documents classifiés : on voit mal comment la commission consultative empêcherait le ministre de la défense ou les administrations de disposer de documents classifiés.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Une telle extension des missions de la CCSDN empièterait sur la compétence de l'État. Surtout, elle modifierait l'équilibre du texte. Pourquoi alors ne pas obliger le juge à informer la CCSDN sur la raison de son inspection avant la visite du lieu ? On conduit la commission à cogérer l'instruction ! Nous ne sommes pas mûrs pour cette évolution.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°116.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer les quatrième et cinquième alinéas du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Dès lors que la loi définit des lieux, pas besoin de décret. Vous voyez que l'amendement est de simplification.

L'amendement n°40 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

I. - Supprimer les III et IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

II. - Supprimer les I bis et II de cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Toujours la simplification. Les procédures prévues ici n'ont plus lieu d'être.

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

M. Robert Badinter.  - Nous abordons le coeur du système, dans ce qu'il a de plus choquant. Jamais le Conseil d'État n'a évoqué la création de lieux classifiés où l'on ne pourrait plus pénétrer sans une décision préalable de déclassification. Comment cette décision sera-t-elle prise ? Par qui ? Dès lors que l'avis de la CCSDN reste consultatif, cette décision sera prise par le ministre. Le pouvoir politique pourra donc décider de rendre des lieux inaccessibles aux magistrats. Que faites-vous de la mission constitutionnelle de la justice, qui est la recherche de la vérité ? Je vous renvoie aux observations du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une simple question. Vous avez dit hier que la liste pourrait faire l'objet d'un recours devant une juridiction administrative. Pouvez-vous préciser votre pensée ? Pensez-vous sérieusement qu'un arrêté du ministre pourra être soumis, a posteriori, au contrôle du Conseil d'État ? Par qui ? Par ceux auxquels il aurait fait grief ? Par le maire de la commune ? A supposer qu'un juge d'instruction demande une déclassification et qu'on la lui refuse, ce magistrat pourra-t-il saisir le Conseil d'État, qui pourra lui-même annuler le refus de déclassification du Premier ministre ? Je serais fort intéressé d'entendre votre réponse, car le président Warsmann n'a pas manqué de rappeler le principe qui veut que le juge administratif et le juge judiciaire n'aillent pas très loin dans ces matières.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale, après les mots :

A cette fin,

supprimer les mots :

le président de

M. Robert Badinter.  - Cet amendement de repli prévoit que, lors de la demande de déclassification temporaire, la CCSDN formule son avis collégialement et non par la voix de son seul président.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable aux amendements n°41 et n°115. Contrairement à ce que l'on entend beaucoup dire ici, il existe déjà des lieux dans lesquels le seul fait de pénétrer donne accès à la connaissance d'éléments classifiés. Le Conseil d'État l'a rappelé.

La liste qui sera établie de ces lieux sera limitative, on a parlé de 19 sites. Et il sera désormais permis au juge de perquisitionner, ce qui est aujourd'hui inenvisageable.

Défavorable au n°117. Prévoir une décision collégiale contrevient à l'objectif de rapidité. On demande déjà au président de se rendre sur les lieux sans délai, et il faudrait attendre que le collège rende son avis ?

M. Hervé Morin, ministre. - C'est faire une grave erreur, monsieur Badinter, que de parler de sanctuarisation de certains lieux. Tout au contraire, ce texte permet au juge d'y accéder, ce qui ne lui est pas possible aujourd'hui.

M. André Vantomme.  - Mais de tels lieux n'existent pas !

M. Hervé Morin, ministre.  - Ils existent. Essayez donc d'aller à la direction des applications militaires, à Bruyères-le-Châtel. Un magistrat qui s'y introduirait serait passible du délit de compromission, comme le militaire à l'entrée ou le personnel de la DGA qui lui aurait permis d'y pénétrer. Et la procédure engagée par le magistrat serait frappée de nullité puisque le magistrat ne serait pas passé par la CCSDN.

Comprenez qu'au lieu de fermer des sites, on les ouvre.

Quant à votre question sur le recours, je ne suis pas membre du Conseil d'État mais j'ai enseigné le droit administratif, et il me reste quelques souvenirs. La liste publiée au Journal officiel -à moins que le Conseil ne considère qu'il s'agit d'un acte de gouvernement, ce dont je doute au vu de la jurisprudence- pourra bien évidemment faire l'objet de recours.

L'amendement n°41 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

L'amendement n°117 n'est pas adopté.

A la demande du groupe socialiste et apparentés et du groupe CRC-SPG, l'article 12 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 183
Contre 154

Le Sénat a adopté.

Article 13

I. - Les articles 413-9 à 413-11 du code pénal sont ainsi modifiés :

1° A chaque alinéa de l'article 413-9, le mot : « renseignements, » est supprimé et, après le mot : « documents, », sont insérés les mots : « informations, réseaux informatiques, » et aux deux premiers alinéas de l'article 413-10 ainsi qu'aux 1° à 3° de l'article 413-11, le mot : « renseignement, » est supprimé et, après le mot : « document », sont insérés les mots : « , information, réseau informatique » ;

2° Au premier alinéa de l'article 413-9, le mot : « protection » est remplacé par le mot : « classification » et sont ajoutés les mots : « ou leur accès » ;

3° Au deuxième alinéa de l'article 413-9, après le mot : « divulgation », sont insérés les mots : « ou auxquels l'accès » ;

4° Au premier alinéa de l'article 413-10, après les mots : « reproduire, soit », sont insérés les mots : « d'en donner l'accès à une personne non qualifiée ou » ;

5° Au deuxième alinéa de l'article 413-10, après le mot : « laissé », sont insérés les mots : « accéder à, » ;

6° Au 1° de l'article 413-11, après le mot : « possession », sont insérés les mots : «, accéder à, ou prendre connaissance ».

II. - Après les articles 413-9, 413-10 et 413-11 du même code, sont insérés respectivement les articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 ainsi rédigés :

« Art. 413-9-1. - Seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale.

« La décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

« Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de classification des lieux, sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

« Art. 413-10-1. - Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait, par toute personne responsable, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale d'en avoir permis l'accès à une personne non qualifiée.

« Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite.

« Lorsque la personne responsable a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. »

« Art. 413-11-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par toute personne non qualifiée :

« 1° D'accéder à un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;

« 2° De porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite ;

« 3° (Supprimé) »

III (nouveau). - Après le 5° de l'article 322-3 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Lorsqu'elle est commise à l'encontre d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale. »

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous avez un problème avec la séparation des pouvoirs : il n'est pas indifférent d'en passer par la loi ou par le décret. Cette distinction devrait être claire pour tous.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes un prestidigitateur mais le Conseil d'État n'impose nullement de déterminer ainsi les lieux.

Le dispositif proposé est parfaitement opaque. Ainsi, nous n'avons aucune idée quant aux conditions de classification, ni quant au nombre des lieux concernés. Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a dit qu'il ne serait pas étonné qu'il y en ait une centaine si l'exécutif peut agir à sa guise. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame) D'où vient le chiffre de 19 cités ici ? Lesquels ? Comment ? Pourquoi ? L'opacité est totale !

Ce projet de loi exprime une culture du secret d'État, particulièrement malvenue lorsque l'État devra s'expliquer sur ses choix antérieurs, dans un contexte où le juge d'instruction aura disparu. L'indépendance de la justice sera pour une autre fois !

Vous ne devriez pas vous obstiner de la sorte.

L'amendement n°120, repoussé par la commission le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer les II et III de cet article.

M. Robert Badinter.  - Je ne me suis déjà largement expliqué sur l'avis conforme de la CCSDN.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-9-1 du code pénal, après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

M. Robert Badinter.  - C'est le même sujet.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-11-1 du code pénal, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. 413-11-2. - Le fait de dissimuler dans des lieux classifiés au titre du secret défense des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal. »

M. Robert Badinter.  - Nous voulons combler un curieux manque dans la rédaction du projet de loi, qui sanctionne le fait de dissimuler des documents non classifiés dans des lieux susceptibles d'accueillir des secrets de la défense nationale mais ne comporte aucune sanction en cas de dissimulation dans les lieux classifiés, autrement plus sensibles ! Ce qui vaut pour les uns doit valoir pour les autres.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission est défavorable aux amendements nos114 et 113, conséquences des amendements nos115 et 117 déjà repoussés à l'article 12.

D'autre part, l'amendement n°112 est inutile car les règles de perquisition sont identiques dans les deux catégories de lieux envisagés.

M. Hervé Morin, ministre.  - En effet, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale s'appliquent dans les lieux spécifiquement destinés à abriter les secrets de la défense nationale et dans les endroits susceptibles de les abriter.

M. Robert Badinter.  - L'analogie ne vaut pas en droit pénal !

M. Hervé Morin, ministre.  - Mais les travaux préparatoires éclaireront les juges.

L'amendement n°114 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos113 et 112.

L'article 13 est adopté.

Article 14

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° L'article L. 2312-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou son représentant, membre de la commission, est chargé de donner, à la suite d'une demande d'un magistrat, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux ayant fait l'objet d'une classification. » ;

2° L'article L. 2312-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un magistrat, dans le cadre d'une procédure engagée devant lui, peut demander la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale au président de la commission. Celui-ci est saisi et fait connaître son avis à l'autorité administrative en charge de la classification dans les conditions prévues par l'article 56-4 du code de procédure pénale. » ;

2° bis (nouveau) Au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5, après les mots : « information classifiée », sont insérés les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » ;

3° Après le troisième alinéa de l'article L. 2312-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'accomplissement de sa mission, la commission ou, sur délégation de celle-ci, son président, est habilitée, nonobstant les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale, à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis. La commission en fait mention dans son procès-verbal de séance. Les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis. » ;

4° Après l'article L. 2312-7, il est inséré un article L. 2312-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2312-7-1. - L'avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale sur la déclassification d'un lieu aux fins de perquisition, dont le sens peut être favorable, favorable à la déclassification partielle ou défavorable, prend en considération les éléments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2312-7. »

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°119, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le début du second alinéa du 1° de cet article :

La Commission consultative du secret de la défense nationale est chargée de donner...

M. Robert Badinter.  - Amendement de coordination. J'ai déjà évoqué la nécessité que la CCSDN se prononce collégialement pour toute demande de déclassification.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 1° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Les 2° et 3° de l'article L. 2312-2 sont ainsi rédigés :

« 2° Deux députés, désignés pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale ;

« 3° Deux sénateurs, désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat, par le président du Sénat. »

M. Robert Badinter.  - Nous abordons la composition de la CCSDN. Comme pour la Cnil, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), le CSA et la Halde, la représentation parlementaire doit au moins être aussi nombreuse que les personnalités désignées par le Président de la République.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - A la fin de la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :

au président de la commission

par les mots :

à la commission

II - Au début de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

Celui-ci est saisi

par les mots :

Celle-ci est saisie

M. Robert Badinter.  - La CCSDN doit se prononcer de façon collégiale. Je m'en suis déjà expliqué.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Par cohérence, la commission est défavorable à l'amendement n°111.

L'amendement n°110 est identique à une disposition repoussée par l'Assemblée nationale, qui préfère un effectif restreint. Le président de la CCSDN partage cette opinion. Avis défavorable.

Enfin, avis défavorable sur l'amendement n°109.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis défavorable sur ces trois amendements.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Si nous acceptions la modification de la composition de la CCSDN, nous la transformerions en instance politique. Actuellement siègent trois magistrats et deux parlementaires. Si nous augmentions le nombre de parlementaires, nous enverrions un signal négatif aux magistrats qui n'auraient plus la majorité au sein de cet organisme.

L'amendement n°111 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos110 et 109.

L'article 14 est adopté.

L'article 15 est adopté, ainsi que l'article 16.

Article 16 bis (nouveau)

Pour les immeubles ou parties d'immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du domaine, la durée du délai prévu à l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques est fixée à six ans.

Mme Virginie Klès.  - Cet article concerne le patrimoine immobilier. Ces dispositions n'ont pas grand-chose à faire dans un texte consacré à la programmation militaire mais elles me donnent l'occasion de revenir sur un sujet que j'avais déjà évoqué lors de l'examen du texte sur la gendarmerie nationale, à l'occasion du nouvel article du code de la défense relatif au logement des gendarmes en casernes : ma question était restée sans réponse.

Vous nous avez annoncé hier, monsieur le ministre, que la gendarmerie ne concerne plus votre ministère. Pour autant, les locaux restent occupés par des militaires. Pour certains, la question est sans importance puisque dès lors que le casernement comprend plus de 40 gendarmes, l'État prend en charge les travaux. II en va tout autrement pour les élus des territoires ruraux auxquels la maîtrise d'ouvrage et le portage financier de ces dossiers sont délégués. Ces élus doivent se battre pour préserver le maillage territorial de ce service public essentiel et faire face à de lourdes dépenses incomplètement compensées par l'État. Pour ne pas grever budgets et capacités d'emprunt de ces collectivités locales, il ne faut plus subordonner le versement de la subvention d'État à une maîtrise d'ouvrage effective par une collectivité mais permettre le recours à une maîtrise d'ouvrage déléguée. Le partenariat public-privé, dont l'État ne se prive pas en matière de programmation militaire, devrait être envisagé, mais du fait du retard pris par la Lopsi II, cette faculté ne peut plus être mise en oeuvre. Depuis 2007, les autorisations de programme d'une durée limitée à deux ans tombent, sauf si les collectivités acceptent la maîtrise d'ouvrage déléguée et les coûts élevés attachés à ce montage juridico-financier.

Une solution transitoire serait envisageable : la prolongation du délai de l'autorisation de programme du ministère de l'intérieur jusqu'au vote de la Lopsi II. C'était le sens d'un amendement que j'avais déposé mais qui a malheureusement été frappé de l'article 40 pour des raisons d'ailleurs obscures. Cette disposition ne serait pourtant que justice. Je vous remercie, monsieur le ministre, de me dire ce que vous envisagez de mettre en oeuvre pour rester aux côtés des collectivités comme des gendarmes, qui appartiennent encore à l'armée dont vous êtes le ministre de tutelle, à moins que vous n'ayez définitivement décidé de les abandonner en vous en débarrassant sur le ministère de l'intérieur. (Exclamations à droite) Quelle que soit l'heure, il convient de se préoccuper du sort des gendarmes !

Je veux également revenir sur la politique quelque peu déroutante en matière de gestion du patrimoine immobilier du ministère de la défense. Le ministère irait même jusqu'à mettre en vente ses monuments aux morts... Sans doute une rumeur sans fondement ! (M. Robert del Picchia s'exclame)

En ce vue du regroupement des états-majors des trois armes dans le quartier de Balard, où se trouve déjà l'armée de l'air, la Marine quitterait le prestigieux hôtel qu'elle occupe, depuis 1792, place de la Concorde, l'armée de terre abandonnerait le boulevard Saint-Germain tandis que l'hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique, deviendrait un lieu de réception. Ces lieux sont chargés d'histoire : on brade bien légèrement le patrimoine de l'État !

Un Pentagone à la française, pourquoi pas, si le fonctionnement de nos armées en est amélioré. Cet immeuble, ou cette citadelle, sera-t-il un site administratif banalisé, un centre de commandement ou un site à vocation opérationnelle ? On ne construit ni au même endroit, ni de la même façon, ni selon les mêmes normes, ni avec la même organisation l'un ou l'autre des ces équipements. Or, ces variables ne semblent ni maîtrisées, ni même identifiées par les promoteurs du projet. La proximité de la Seine, de l'héliport et d'un habitat dense sont autant de contraintes dont nul ne sait si elles sont rédhibitoires.

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Virginie Klès.  - Le ministère de la défense compte sur la vente d'une partie de son riche patrimoine immobilier pour financer ce projet censé bénéficier d'une manne de 1,6 milliard. La crise n'arrange pas les choses mais, depuis de nombreuses années, le produit des ventes d'immeubles est très inférieur aux prévisions. Et ce n'est pas en mettant à la charge des acquéreurs la dépollution des sites que cette tendance va s'inverser !

M. le président.  - Il est temps de conclure !

Mme Virginie Klès.  - Quand on compte sur des recettes immobilières pour financer un projet, il est bon de gérer ce dossier en professionnel et non en amateur plus ou moins éclairé.

Les gendarmes et les militaires seront contents de savoir que vous préférez faire respecter le règlement plutôt que de leur consacrer quelques secondes supplémentaires ! (Applaudissements socialistes)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - C'est indigne !

L'article 16 bis est adopté.

L'article 16 ter est adopté, ainsi que les articles 16 quater et 16 quinquies.

Article 16 sexies (nouveau)

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la législation liées au transfert des attributions de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale à d'autres services du ministère de la défense, à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à l'Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.

L'ordonnance devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Michel Billout.  - Cet article, introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, lui permet de prendre par ordonnances les mesures liées au démantèlement de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale dont les missions seront confiées à d'autres services du ministère de la défense, comme l'Office national des anciens combattants, l'Institut national des invalides et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale. Cet article poursuit l'entreprise de sape du droit imprescriptible à réparation des anciens combattants et victimes de guerre.

La RGPP a déjà conduit à la suppression des directions interdépartementales des anciens combattants entraînant une refonte totale des tâches des services départementaux. Les services déconcentrés de l'Onac sont en train d'être réorganisés en services départementaux de proximité : ils comprendront trois agents pour assurer l'accueil, les renseignements, l'instruction des dossiers d'action sociale et la relation avec les partenaires. On peut douter que les délais de traitement des dossiers seront réduits... Ce « COM 2 » prévoit également des externalisations de tâches et des transferts vers des fondations. En d'autres termes, certains secteurs d'activité vont être transférés au privé, comme les maisons de retraite de l'Onac et les écoles de réinsertion professionnelle, sans parler de l'entretien et la gestion des nécropoles et des lieux de mémoire.

Nous sommes bien loin de ce qu'écrivait le Président de la République à l'Union fédérale des anciens combattants en avril 2007 : « La reconnaissance de la Nation, c'est également la garantie de l'existence des droits spécifiques des anciens combattants, tels qu'ils sont inscrits dans le code des anciens combattants et victimes de guerre, et un budget qui leur est consacré. Je n'ai pas l'intention de revenir sur l'ensemble du droit existant ». C'est pourtant bien ce qui se passe depuis l'élection présidentielle.

Non seulement, chaque année, le budget des anciens combattants et victimes de guerre se réduit comme peau de chagrin, mais des décisions insidieuses sont prises qui restreignent les droits des anciens combattants et de leurs veuves. Parmi les plus récentes, l'assujettissement des maisons de retraite de l'Onac à la taxe foncière, ce qui majorera les prix de journée, ou le refus de considérer comme ressortissantes de l'Onac certaines veuves d'anciens combattants en leur déniant le droit de faire valoir l'attestation à titre posthume selon laquelle leur défunt mari aurait pu bénéficier de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation de son vivant !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le contexte a radicalement évolué depuis la mise en place de l'administration des pensions qui date de la première guerre mondiale. Il est nécessaire de simplifier et de rationnaliser ces structures : avis défavorable.

L'amendement n°118, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 16 sexies est adopté.

L'article 17 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Robert del Picchia.  - Nous venons de terminer l'examen de ce projet de loi de programmation militaire dont les enjeux sont majeurs pour l'avenir de nos armées.

Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier les rapporteurs et le président de la commission des affaires étrangères et de la défense pour leur excellent travail et le ministre pour ses explications.

Cette loi de programmation militaire présente plusieurs novations.

Sur le plan financier, nous saluons l'augmentation des crédits ainsi que les recettes exceptionnelles générées par les restructurations engagées par le ministère dans le cadre de la RGPP.

En cette période de crise, nous nous félicitons de la sincérité budgétaire et de la crédibilité financière de cette loi de programmation militaire.

Le groupe UMP se félicite de la cohérence du volet législatif. La loi pallie le vide législatif relatif au secret défense auquel l'autorité judiciaire était confrontée. En plus de la traditionnelle adaptation de notre outil de défense, cette loi traduit notre volonté de protéger nos concitoyens sur le territoire national et à l'étranger.

Le groupe UMP, dans sa totalité, votera le texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le groupe du RDSE déplore les conditions de ce débat et le vote bloqué imposé à notre assemblée. Une nette majorité au sein du RDSE, 15 sur 17 membres, a voté contre l'article 12. Ce qui nous pose problème, c'est la confusion entre un texte de programmation et l'application des principes de ce Livre blanc dont M. Morin nous dit qu'il constitue sa feuille de route. Finalement, 4 sénateurs RDSE voteront tout de même pour ce projet de loi, prenant en considération avant tout les objectifs et les moyens accordés aux armées ; d'autres seront plus réservés et réticents, 7 d'entre nous s'abstenant et 6 votant contre en raison de la philosophie du Livre blanc, en rupture avec l'indépendance nationale et promouvant la doctrine de la sécurité nationale, après la réintégration de l'organisation militaire de l'Otan. Mais tous, nous reconnaissons certains aspects positifs à ce projet de loi.

Mme Michelle Demessine.  - Le débat a été tronqué car il n'y a pas eu de véritable discussion, les sénateurs de la majorité ayant subi les pressions de l'Élysée et accepté de voter conforme. Spectacle dérisoire mais dangereux pour la démocratie, le ministre ne s'est pas donné la peine de répondre à nos arguments, contrairement au rapporteur et au rapporteur pour avis qui ont été d'une grande courtoisie.

Notre opposition demeure, sur les conceptions stratégiques comme sur les moyens. La logique comptable de la RGPP imprime sa marque. La réintégration dans l'Otan sans condition a été imposée par le Président de la République ; le Livre blanc élabore le concept de « sécurité nationale », qui n'est pas compatible avec le modèle républicain. Le Président de la République concentre désormais tous les pouvoirs, provoquant un déséquilibre institutionnel. Le secret défense est étendu à des lieux. Encore une mesure dangereuse pour la démocratie et qui n'a pas sa place dans une loi de programmation.

Comment les dépenses militaires seront-elles financées ? Par des suppressions d'emplois et des cessions immobilières et de fréquences hertziennes. Nous déplorons aussi le manque de perspectives cohérentes tracées pour la politique industrielle. Enfin, nous sommes hostiles à la privatisation de DCNS et SNPE. Nous ne pouvons que voter contre.

M. Didier Boulaud.  - Le débat a apporté quelques précisions utiles, non sur le texte mais sur la capacité du Gouvernement à imposer ses points de vue à sa très docile majorité. Après les avoir fait lanterner des mois durant, il demande aux sénateurs de voter au canon le texte des députés, eux-mêmes pilotés par l'Élysée. Deux courageux sénateurs UMP ont rédigé deux amendements, l'un retiré, l'autre non défendu. L'histoire a connu un Sénat conservateur ; voici le temps du Sénat conformiste, qui se plie à voter conforme sans barguigner. Notre assemblée doit être un lieu de débat, non le théâtre d'ombres d'une majorité trop sûre et dominatrice !

La forme est peu démocratique et risque d'alimenter la méfiance des citoyens à l'égard de nos institutions. Sur le fond, nous n'avons pas été entendus, le vote conforme ayant été décidé a priori. Nous ne voterons pas ce texte parce que certaines de ses mesures, issues du Livre blanc, sont contestables. Je songe bien sûr à la réintégration dans le commandement de l'Otan. Nous ne sommes pas non plus favorables au concept de sécurité nationale, qui supprime la frontière entre défense nationale et sécurité intérieure. Le Président de la République a tout le pouvoir, sur le renseignement comme sur les forces de l'ordre.

M. Badinter a dit ce qu'il fallait penser du secret défense : les plus éminents juristes de la droite n'ont-ils aucun doute à ce sujet ? Ont-ils voté ces articles sans un pincement au coeur ? Le projet de loi n'est pas non plus sincère dans son architecture budgétaire. Le ministre a dit hier : « il n'y a pas de vie sans aléas ». Mais point de hasard ici : des événements très prévisibles vont mettre à bas ce texte, surévaluation des recettes exceptionnelles de cessions d'actifs, dont on n'a pas tiré encore un euro, sous-évaluation du plan social, sous-évaluation du coût des Opex et programmes d'équipement mal calibrés. La crise économique va aggraver les problèmes sociaux et budgétaires : vous serez ensevelis sous une montagne de dette et de déficit. Nous avons salué le professionnalisme de nos militaires et leur capacité d'adaptation. Mais bientôt, la déception va les gagner, lorsque se sera déchiré le voile des promesses non tenues. Je vous donne rendez-vous lors du prochain débat budgétaire... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Merci aux commissions des lois et des finances, pour leurs éclairages précieux, merci à tous ceux qui ont participé à ce débat, vivant et riche. Le Président de la République a pris un engagement exceptionnel et il maintient un effort considérable en faveur de la défense. En période de crise, il aurait pu avoir la tentation d'utiliser, comme dans des temps pas si éloignés, le budget de la défense comme variable d'ajustement. Il n'en est rien : 186 milliards d'euros consacrés essentiellement à l'équipement, c'est une novation heureuse. Nos armées en sont conscientes.

C'est au Président de la République qu'il revient naturellement de donner les orientations et de veiller à ce que tous travaillent dans le même sens.

Les cloisonnements seront corrigés grâce aux réformes organiques, qui n'augmentent pas les pouvoirs du Président de la République mais les redéfinissent.

Il nous appartiendra de contrôler l'exécution de cette loi de programmation en veillant à ce que chaque année, le budget en retienne fidèlement les orientations. Nous serons très vigilants car il s'agit de donner à ceux qui exposent leur vie sur des théâtres d'opérations extérieurs les moyens de se défendre et d'accomplir leur mission. Nous leur faisons confiance pour employer au mieux les crédits que nous venons de voter ; nous leur témoignons estime et reconnaissance. Ils accomplissent un effort d'adaptation difficile, et parfois douloureux ; nous admirons leur discipline et leur sens de la République. Au-delà des clivages, ce sont eux que nous avons tous en tête parce que nous partageons la conviction que la France, pour demeurer forte et respectée, doit disposer de forces bien équipées et confiantes en leur avenir. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Morin, ministre.  - Je remercie les sénateurs de la majorité, qui ont soutenu le texte, et ceux de l'opposition, qui ont participé au débat. Cette loi de programmation est le résultat d'un énorme travail mené depuis deux ans, commencé par un état des lieux et poursuivi jusqu'à la révolution copernicienne des structures du ministère. Trois chiffres la résument : 372 milliards sur douze ans, 186 milliards sur la durée de la loi et 18 milliards en 2009, soit 3 milliards supplémentaires par rapport à l'annuité 2007. En dépit des difficultés budgétaires du pays, la défense reste une priorité majeure pour le Président de la République, le Gouvernement et la majorité car une défense qui ne se modernise pas, qui ne s'adapte pas aux nouvelles menaces, est en danger. Nous voulons permettre à la France de rester un grand pays au service de ses valeurs. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 186
Contre 145

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Prochaine séance, lundi 20 juillet 2009, à 16 heures.

La séance est levée à 2 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 20 juillet 2009

Séance publique

A SEIZE HEURES ET LE SOIR

1. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (n°247, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°520, 2008-2009).

Texte de la commission (n°521, 2008-2009).

2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (n°451, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°522, 2008-2009).

Texte de la commission (n°523, 2008-2009).

3. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (Procédure accélérée) (n°452, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°523, 2008-2009).

Texte de la commission (n°524, 2008-2009).

4. Projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (n°333, 2008-2009).

Rapport de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°528, 2008-2009).

Texte de la commission (n°529, 2008-2009).

5. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n°334, 2008-2009).

Rapport de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°538, 2008-2009).

Texte de la commission (n°539, 2008-2009).

6. Projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (n°390, 2008-2009).

Rapport de M. Jacques Blanc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°526, 2008-2009).

Texte de la commission (n°527, 2008-2009).

7. Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n°315, 2008-2009).

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°494, 2008-2009).

Texte de la commission (n°495, 2008-2009).

8. Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n°391, 2008-2009).

Rapport de M. Jean Milhau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°496, 2008-2009).

Texte de la commission (n°497, 2008-2009).

9. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (n°356, 2008-2009).

Rapport de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°540, 2008-2009).

Texte de la commission (n°541, 2008-2009).

10. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (n°515, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°535, 2008-2009).

Texte de la commission (n°536, 2008-2009).

11. Proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat (n°394, 2008-2009).

Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°559, 2008-2009).

Texte de la commission (n°560, 2008-2009).