Victimes des essais nucléaires français (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Discussion générale

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Il y a treize ans, la France mettait fin à ses essais nucléaires et ratifiait le traité d'interdiction. Le présent projet de loi vise à clore sereinement ce chapitre de notre histoire, en s'adressant aux victimes qui trouvent profondément injuste que l'État ne réponde pas à leurs requêtes. La plupart ont pourtant répondu avec enthousiasme quand la France a décidé de se doter d'une force de dissuasion indépendante afin de lui permettre de retrouver sa place dans le concert des nations. C'était au temps de la guerre froide et il fallait relever un immense défi scientifique -210 essais ont été nécessaires en Algérie et en Polynésie-, national -toutes les majorités, sous la IVe comme sous la Ve République, ont adhéré à ce projet- et stratégique puisqu'il s'agissait de protéger les intérêts vitaux de notre pays et de lui rendre un rôle international de premier plan aux côtés des autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies.

La communauté nationale s'est engagée tout entière pour mener à bien ce projet, qu'il s'agisse de la population des atolls polynésiens ou des 150 000 travailleurs militaires et civils métropolitains, Polynésiens et Algériens. L'immense majorité d'entre eux n'ont subi aucun dommage. Mais pour répondre à ceux qui ont été exposés aux rayonnements ionisants, j'ai voulu, dès mon arrivée à l'Hôtel de Brienne, faire en sorte que la France assume ses responsabilités.

Ce projet de loi repose sur trois principes. Le premier, c'est la justice. Le régime d'indemnisation actuel est lourd, injuste et coûteux, puisqu'il introduit des différences selon le statut des victimes -personnels civils et militaires de la défense, personnels du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et des entreprises présentes sur les sites, populations civiles- et selon les organes saisis. Désormais, toutes les victimes auront accès à un guichet unique -le comité d'indemnisation- et seront indemnisées pour la totalité du préjudice subi, y compris le préjudice moral ou esthétique, selon le même régime d'indemnisation.

Les ayants droit pourront présenter une demande de réparation par subrogation en cas de décès de la victime. Ils disposeront même, pour ce faire, d'un délai de cinq ans si la victime est décédée avant la promulgation de la loi. En revanche, il ne saurait être question d'indemniser le préjudice propre des ayants droit : ce serait contraire à l'esprit d'un texte qui vise à indemniser les conséquences sanitaires des essais. Cela ne créerait d'ailleurs aucun droit nouveau...

M. Daniel Raoul.  - Justement !

M. Hervé Morin, ministre.  - ...puisque les ayants droit peuvent déjà demander la réparation d'un préjudice personnel devant les juridictions de droit commun. Des amendements en ce sens ont donc été déclarés irrecevables par l'Assemblée nationale et votre commission.

Les demandeurs pourront se faire assister par une personne de leur choix tout au long de la procédure, qui sera écrite. Enfin la procédure sera contradictoire, les demandeurs ayant le droit d'accéder à tout moment à leur dossier.

Le deuxième principe qui nous a guidés, c'est la rigueur. Il n'est légitime d'indemniser que les personnes dont l'affection est liée à l'exposition, ce qui ne peut être déterminé qu'au cas par cas. Nous avons décidé d'introduire la notion de présomption simple, au lieu de la présomption irréfragable, ce qui a pour corollaire le renversement de la charge de la preuve : jusqu'à présent, il appartenait au requérant de prouver que sa maladie était due à l'exposition aux rayonnements ionisants ; désormais, il reviendra à l'État de prouver le contraire.

M. Marc Daunis.  - C'est heureux !

M. Hervé Morin, ministre.  - Le demandeur devra seulement justifier qu'il est atteint de l'une des maladies radio-induites figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État, qui reproduira celle du Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR), et qu'il a séjourné dans les zones concernées pendant les périodes des essais.

Les demandes seront examinées par un comité scientifique indépendant, présidé par un magistrat. Conformément au souhait de votre rapporteur, ses membres seront désignés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé, sur proposition du Haut conseil de la santé publique -il paraît que cela apporte des garanties supplémentaires.

Mais il ne saurait être question d'y faire siéger des représentants des associations...

M. Guy Fischer.  - C'est regrettable !

M. Hervé Morin, ministre.  - ...d'abord parce que ce comité est composé d'experts, ensuite parce qu'il examine des dossiers individuels et médicaux, enfin parce que les associations, qui sont autorisées à accompagner les demandeurs, ne sauraient être à la fois juges et parties.

M. Guy Fischer.  - C'est l'État qui le sera !

M. Hervé Morin, ministre.  - Le comité présentera au ministre de la défense une recommandation portant à la fois sur le principe et le montant de l'indemnisation. La décision du ministre sera naturellement motivée, notamment en cas de rejet, sur le fondement de cette recommandation. Monsieur Fischer, vous êtes républicain. Pourquoi soupçonnez-vous l'État de ne pas vouloir respecter la volonté du législateur, alors qu'il a lui-même décidé d'indemniser les victimes ?

Mme Michelle Demessine.  - Il a nié si longtemps ses responsabilités !

M. Hervé Morin, ministre.  - Il ne les reconnaissait pas davantage quand vous étiez ministre, madame.

Mme Michelle Demessine.  - Cela ne change rien au problème !

M. Hervé Morin, ministre.  - Notre troisième principe, c'est l'équilibre. Les députés ont décidé de créer une commission de suivi réunissant les représentants des associations et des élus, qui aura un rôle consultatif et sera chargée de faire des propositions sur l'évolution de la liste des maladies. Mais son rôle ne sera pas élargi aux conséquences environnementales des essais ni au suivi médical des populations : des dispositifs sont déjà prévus à cet effet, et il n'est envisageable de modifier ni les périodes -elles ont été définies aussi largement que possible, depuis les premiers essais jusqu'à la fin du démantèlement- ni les zones concernées -elles ont été délimitées sur le fondement d'analyses scientifiques approfondies et exhaustives.

Nous avons agi dans le souci de la concertation : le texte qui vous est proposé est le fruit d'un travail collectif de plusieurs mois, qui a associé des parlementaires de tous les groupes politiques, des représentants d'associations, des juristes, des experts médicaux et des industriels du nucléaire. Les six sénateurs qui ont participé à ces réunions -MM. Dériot, Fischer, Pintat, Vantomme, Flosse et Tuheiava- peuvent témoigner du fait que nous avons recherché le consensus le plus large possible.

Je vous rends également hommage, mesdames et messieurs les sénateurs, pour les améliorations que vous avez introduites à chaque étape du texte. Je remercie chaleureusement le rapporteur, M. Marcel-Pierre Cléach, pour sa coopération avec le ministère de la Défense, ainsi que le président de la commission, M. Josselin de Rohan, grâce auquel le texte a été examiné en commission dans des conditions très satisfaisantes.

Notre seconde exigence, c'est la simplicité, gage d'efficacité et de rapidité dans la mise en oeuvre. C'est pourquoi nous sommes fermement opposés à la création d'un fonds d'indemnisation. Il a fallu plus de deux ans après la promulgation de la loi pour que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante soit opérationnel. En outre, un fonds spécifique n'est pas un outil juridique adapté. Pour cette aventure nucléaire, qui visait à doter notre pays de sa force de frappe et de dissuasion, il est normal que l'indemnisation soit supportée par le budget de la Défense. 10 millions d'euros avaient déjà été provisionnés pour les premières indemnisations susceptibles d'intervenir en 2009. Le reste sera prévu dans le budget 2010. Nous sommes donc prêts à agir dans les meilleurs délais.

Ce texte nous dote d'un dispositif juste, rigoureux et équilibré. Soyons à la hauteur des attentes des victimes, soyons au rendez-vous de la modernité pour permettre à notre pays de tourner la page et rejoindre les autres grandes démocraties qui nous ont précédés dans cette voie. Je suis fier, deux ans et demi après mon arrivée à ce ministère, de présenter, enfin, un texte qui met fin à un trop long vide juridique. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Si nous sommes ici cet après midi, c'est qu'il y a cinquante ans, des hommes se sont engagés dans l'aventure nucléaire française pour construire notre force de dissuasion. Grâce à eux, nous avons la garantie qu'en toutes circonstances, la France, son territoire, son peuple, ses institutions républicaines sont à l'abri d'une agression les mettant directement en péril, comme ce fut le cas en 1940. Grâce à eux, notre pays peut jouer le rôle qui est le sien dans le cercle très restreint des puissances nucléaires. Ce texte est, de la part de notre République, un texte de reconnaissance des souffrances que supportent aujourd'hui ceux qui l'ont servie hier et du travail accompli par ces hommes et ces femmes qui ont contribué à assurer sa sécurité et sa grandeur. A ce titre, monsieur le ministre, je vous demanderais de bien vouloir réfléchir à une ouverture des règles d'attribution de la médaille « de la reconnaissance de la nation » afin de pouvoir y inclure les vétérans des essais, auxquels on doit non seulement une juste réparation mais également une légitime gratitude.

Mais, si nous sommes ici cet après-midi, c'est aussi parce que l'État a sa part de responsabilité dans les préjudices subis non seulement par ses serviteurs mais également par les populations civiles de Polynésie et du Sahara qui vivaient à proximité des expérimentations et nous avons une dette à leur égard. Même si elle a indéniablement trop tardé, c'est l'honneur de la République de reconnaître sa responsabilité et de l'assumer.

Si nous sommes ici, c'est aussi parce que la loi ne permet pas aujourd'hui aux victimes des essais nucléaires d'être décemment indemnisées, les dispositions en vigueur étant différentes selon le statut des victimes, inadaptées aux maladies en cause et, en définitive, injustes.

Si nous sommes ici, c'est aussi grâce au travail et à la conviction des associations de victimes et je salue la pugnacité et la compétence de l'Aven, de Moruroa e tatou, de l'Anven et d'autres encore : je ne peux les citer toutes.

Nous ne serions pas ici non plus sans les 18 propositions de loi et de résolutions ainsi que les nombreux rapports parlementaires -je pense à celui de l'Office des choix scientifiques et technologiques de notre collègue Revol- qui ont préparé le chemin pour ce texte.

Si nous sommes ici cet après-midi, c'est enfin grâce à vous, monsieur le ministre, grâce à la détermination et au courage avec lesquels vous avez imposé ce texte, et cela n'avait rien d'évident.

Les maladies provoquées par les rayonnements ionisants dus aux essais sont essentiellement des cancers. Ce sont, comme le disent les médecins, des maladies sans signature et sans étiquette : autrement dit, en l'état des connaissances scientifiques, aucune analyse biologique ne permet aujourd'hui de déterminer de façon certaine l'origine de ces cancers. De plus, rien ne les distingue de cancers qui proviendraient d'autres causes. Nous touchons là du doigt les difficultés rencontrées par les victimes lorsque les tribunaux des pensions militaires leur demandaient d'apporter la preuve impossible que leur maladie avait pour cause les essais nucléaires. C'est ce qui explique que, sur 355 demandes d'indemnisation de militaires, 21 seulement aient été accordées. C'est à cette situation que ce texte va mettre fin.

Nous touchons également du doigt la difficulté du Gouvernement et du législateur qui doivent définir un dispositif qui, d'un côté, n'exclut aucune victime des essais nucléaires et, de l'autre, n'engage la responsabilité de l'État que pour ces seules victimes. Si tous les cancers survenus dans les zones concernées ont vocation à être pris en charge par les régimes de sécurité sociale, seuls ceux qui sont attribuables aux essais nucléaires engagent la responsabilité du ministère de la Défense. Avec le mécanisme de présomption de causalité, nous avons surmonté cette difficulté pour aboutir à un texte d'équilibre, réponse concrète aux difficultés rencontrées par les victimes pour faire valoir leurs droits.

Un système d'indemnisation efficace et juste est fondé sur des critères clairs et objectifs ; il instaure une procédure rigoureuse et transparente et définit une indemnisation juste et proportionnée aux préjudices subis. Clarté, objectivité, transparence, proportionnalité : j'ajouterai à ces critères traditionnels en matière de droit de la responsabilité deux critères propres aux victimes des essais nucléaires : le système doit être efficace et inattaquable.

Un dispositif efficace doit pouvoir rapidement être mis en oeuvre. Le premier essai nucléaire français a eu lieu il y a près de cinquante ans. Ce texte est, pour certains, la dernière chance d'obtenir réparation de leur vivant. Faisons bien, mais faisons vite. Les États-Unis ont adopté un dispositif comparable, il y a près de vingt ans...

Le système doit être inattaquable pour permettre à la France de tourner la page des essais nucléaires, et le faire de façon incontestable. Pour mettre fin aux contentieux, aussi bien pour les victimes que pour l'État, le dispositif doit reposer sur des bases juridiques indiscutables.

Le projet de loi propose un régime d'indemnisation unifié, un régime unique, un guichet unique, un comité d'indemnisation pour l'ensemble des victimes. Ce comité instruira les demandes, émettra une recommandation au ministre et celui-ci notifiera son offre aux demandeurs.

Le projet de loi instaure une procédure simplifiée. Contrairement à la situation actuelle où les militaires doivent apporter des preuves du lien entre les maladies et les essais, il leur suffira d'attester de deux conditions : avoir résidé ou séjourné dans des zones potentiellement contaminées pendant les périodes d'expérimentation ; avoir contracté une maladie radio-induite inscrite dans une liste établie par le Conseil d'État.

Le projet de loi prévoit une spécialisation du comité d'indemnisation. Le Gouvernement a choisi de ne pas intégrer ce dispositif dans un mécanisme existant, comme celui de l'Oniam ou du Fiva, mais de créer un comité spécialisé, composé principalement de médecins, spécialisés en radiothérapie et habilités à connaître des informations classifiées.

Le projet de loi prévoit enfin une réparation intégrale des préjudices, patrimoniaux ou économiques, extrapatrimoniaux ou personnels, moraux ou physiques. Il constitue, par rapport au droit existant, un progrès indéniable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Considérable !

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Les députés ont apporté à ce texte des modifications utiles et je salue ici le travail de leur rapporteur, M. Calméjane -un fils de sénateur... L'Assemblée a mieux encadré la procédure et a instauré un suivi de l'application du projet de loi. Nos apports sont complémentaires.

Votre commission des affaires étrangères et des forces armées a auditionné, par le biais de son rapporteur, pendant plusieurs semaines, les associations de victimes, les services de l'État évidemment, des juristes, des scientifiques, des médecins et de simples vétérans. Elle a reçu de nombreuses contributions de Polynésie, de Bretagne et d'ailleurs. J'ai tiré de ces auditions le sentiment qu'il restait encore des ambiguïtés et des équivoques qu'il convenait de lever.

Votre commission a d'abord introduit clairement dans le dispositif un système de présomption de causalité parce que le texte qui nous était transmis comportait des ambiguïtés. D'un côté, le dispositif semblait organiser un système de présomption de causalité : on ne demandait plus aux victimes de prouver que leur maladie provenait des essais nucléaires. D'un autre côté, une fois les conditions remplies, on ne présumait rien. Le terme de « présomption » ne figurait pas dans le projet de loi. On était, selon une expression utilisée lors des débats à l'Assemblée nationale, dans une « quasi-présomption » : une catégorie juridique nouvelle, inconnue des livres de droit où existent la présomption simple, la présomption irréfragable mais non la quasi-présomption.

En outre, le texte prévoyait que le comité examinait si, « compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie et les essais pouvait être regardé comme possible ». Autrement dit, quand vous remplissiez les conditions, vous aviez droit à ce que votre dossier soit étudié par un comité qui décidait souverainement du caractère possible ou non de la causalité.

A l'article 3, on était encore dans la logique d'une présomption de causalité, dans l'article 4, on n'y était plus. Votre commission a adopté une rédaction qui réconcilie l'article 3 et l'article 4, associant un principe de présomption à une étude au cas par cas, c'est-à-dire, d'une certaine façon, la générosité avec la rigueur. Aux termes de notre texte, si vous remplissez les conditions, vous bénéficiez d'une présomption de causalité, sauf si le comité, compte tenu des caractéristiques de la maladie et des conditions d'exposition, évalue que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable. C'est une clarification importante. Si on remplit les deux conditions -souffrir d'un cancer, avoir été dans des zones de retombées radioactives aux dates précisées par le texte-, le doute doit bénéficier aux victimes. C'est là la vraie rupture avec le système actuel.

Mais il me semblait juste de définir les modalités de la preuve contraire de façon à ce que celle-ci soit possible. L'introduction de la notion de risque attribuable correspond à la volonté de coller au plus près de la réalité de l'examen des dossiers et de fonder l'élaboration de la preuve contraire sur une analyse scientifique afin d'éviter tout arbitraire. La démarche à laquelle invite le texte de la commission consiste à évaluer, au regard des connaissances épidémiologiques, dans quelle mesure l'exposition de la victime a accru son risque de cancer. Lorsque ce risque attribuable à l'exposition aux rayonnements ionisants est tellement faible que le lien entre la maladie et l'exposition n'est plus vraisemblable, la présomption pourra être écartée. A l'inverse, si ce risque n'est pas négligeable ou s'il y a un doute, la victime bénéficiera d'une présomption et sera indemnisée.

Sur l'organisation du comité d'indemnisation, votre commission n'a pas bouleversé l'architecture du texte et elle n'a pas souhaité transformer le comité en un établissement public autonome. On a créé un fonds pour l'amiante parce qu'il y avait des responsabilités partagées, des ressources financières venant du privé comme du public.

Il n'y a dans ce dossier qu'un responsable, le ministère de la défense ; qu'un budget, celui de la défense. La création d'un fonds n'est donc pas nécessaire, qui risquerait en outre de retarder la mise en place du dispositif. Souvenons-nous que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a mis deux ans à voir le jour. Le texte, lui, sera opérationnel dès janvier prochain.

La commission a été saisie d'une demande des associations qui souhaitent faire partie du comité d'indemnisation, qui fonctionnerait ainsi en quelque sorte sous la surveillance des demandeurs et bénéficierait de leur connaissance des réalités du terrain. Mais le texte a une vraie cohérence : le rôle des associations est de soutenir les victimes et d'assurer le suivi, non de se substituer aux experts pour instruire les dossiers.

La commission a en revanche été sensible à la nécessité d'accroître l'indépendance du comité vis-à-vis du ministère. Il n'y a ici aucun procès d'intention, mais un certain passif... Nous avons ainsi prévu que les experts médicaux seront nommés conjointement par les ministres de la défense et de la santé sur proposition du Haut conseil de la santé publique et non plus par le seul ministère de la défense. Pour conforter le rôle de soutien aux victimes des associations, la commission a prévu que les demandeurs puissent être assistés par la personne de leur choix et que le comité de suivi, dont les associations sont membres, puisse s'autosaisir sur demande de la majorité de ses membres. Ainsi chacun est-il dans son rôle.

La commission s'est d'autre part attachée à asseoir le dispositif sur des bases juridiques indiscutables. Si l'on veut que le texte mette fin aux soupçons et aux contentieux, il doit s'inscrire dans le droit commun de la responsabilité. Dans cette perspective, la commission aurait souhaité que l'article premier prévoie l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit -celui de la femme qui doit s'occuper de son mari handicapé par la maladie ou encore la douleur d'un enfant qui a perdu son père à l'adolescence. Ce sont de vrais préjudices, des situations de détresse qui trouvent leur origine dans le même fait générateur, l'exposition à des rayonnements ionisants. Notre amendement a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Il me semblait pourtant régler un problème moral et un problème d'équité. Comment justifier que l'on indemnise les victimes par ricochet de l'amiante et pas celles des essais nucléaires ? (M. Daniel Raoul approuve) Je veux toutefois rassurer les familles des victimes qui pourront, sur le fondement de l'indemnisation obtenue, requérir devant le juge, dans un deuxième temps, la réparation de leurs préjudices propres. Ce texte, qui permet un examen plus rapide et plus juste du préjudice des victimes directes, leur facilitera la tâche.

Quelques inquiétudes subsistaient après les débats à l'Assemblée nationale, sur les recours juridictionnels, les délais de réponse et les droits de la défense. Certaines peuvent être apaisées par le rappel du droit commun, d'autres ont conduit la commission à adopter quelques modifications pour faciliter le travail du comité ou renforcer les droits de la défense. Elle a en particulier prévu que le décret d'application devra préciser les modalités assurant le respect du contradictoire et des droits de la défense. Elle a également souhaité que la décision de rejet du ministre soit motivée.

Au total, nous avons consolidé le texte, nous avons préservé l'équilibre et l'efficacité du dispositif et nous en avons assuré la sécurité juridique. Mettre fin aux contentieux pour les victimes comme pour l'État : voilà la ligne de crête sur laquelle nous avons essayé de tracer notre chemin.

Il vous reviendra, monsieur le ministre, de publier les décrets d'application. Dois-je insister sur le pluralisme qui doit présider au choix des cinq sièges dédiés aux associations de victimes dans la commission de suivi ? Pour établir la liste des cancers susceptibles d'être radio-induits, la loi vous invite à vous appuyer sur les travaux de l'Unscear ; je relève que le groupe 3 de la liste de l'Unscear comporte le myélome et le lymphome, que retient le système américain. Qu'en sera-t-il de la liste française ?

Cette loi peut faire date et tourner la page des essais nucléaires dans l'honneur. La France a été grande dans le défi scientifique, technologique et humain. Elle a été grande dans le défi politique et stratégique, elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs. Le Sénat peut et doit y contribuer.

Je remercie les représentants des associations, les services de l'État ainsi que le président de la commission et les membres de celle-ci. Je remercie tous ceux qui, tout à l'heure, voteront un texte très attendu, qui est à l'honneur de notre pays. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ce texte traite d'un sujet complexe qui mêle santé, science et défense. Il doit permettre de réparer les erreurs d'hier et de prévoir les évolutions qui pourraient survenir demain. C'est un texte délicat car il a à voir avec la construction de la puissance française, avec le progrès technique, avec des drames humains. C'est un texte important pour la France, qui s'honore en reconnaissant sa responsabilité dans les souffrances que subissent aujourd'hui ceux qui l'ont servie hier ; important vis-à-vis des autres puissances nucléaires qui se sont déjà dotées d'un dispositif d'indemnisation efficace ; important surtout pour les victimes. Après des années d'opacité et de tabou, c'est un texte de reconnaissance des conséquences sanitaires des essais, de reconnaissance aussi à l'égard de ceux qui ont contribué à assurer la sécurité du pays. La France leur doit juste réparation et gratitude. L'insertion par l'Assemblée nationale du mot « reconnaissance » est lourde de sens.

Texte de portée symbolique, il apporte aussi une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les victimes pour faire reconnaître leurs droits. Le système actuel de prise en charge est long et complexe ; plus grave, il laisse peu de chances aux victimes de voir leurs demandes aboutir. Militaires et personnels civils sont d'ailleurs traités différemment : je sais, monsieur le ministre, que vous voulez mettre un terme à cette situation inique. Les démarches aujourd'hui sont difficiles ; la plupart des demandeurs sont déboutés, qui ne peuvent établir un lien de causalité inattaquable entre leur maladie et l'exposition à des rayonnements ionisants. Il est insupportable que seules 21 pensions soient versées sur les 355 demandes de pensions militaires d'invalidité au titre de maladies liées aux essais nucléaires ; 134 demandeurs vivent actuellement un recours contentieux épuisant et douloureux.

Ce texte est l'aboutissement de très nombreux travaux, des initiatives des associations de vétérans, des propositions de loi, des efforts du Médiateur de la République et surtout de la volonté de l'État. Il unifie les procédures quels que soient la nationalité, le rôle ou la profession du demandeur. C'est un grand progrès. Il crée un seul comité d'indemnisation spécifique et indépendant pour l'ensemble des victimes. Surtout, innovation majeure, il inverse la charge de la preuve : les demandeurs devront seulement attester de leur présence dans les zones potentiellement contaminées et de l'existence d'une maladie radio-induite. Le dispositif permet enfin une réparation intégrale.

La déclaration d'urgence était nécessaire pour les victimes, qui n'est cependant pas précipitation. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale renforcent la portée du texte : modification de la liste des pathologies visées et des zones susceptibles d'avoir été exposées, meilleur encadrement de la procédure, renforcement des droits des demandeurs -notamment le respect du principe du contradictoire. La participation des associations de victimes au comité de suivi est en outre très opportune.

Certains points ont fait débat en commission. Il me semble d'abord qu'on ne doit pas renoncer à la création d'un comité composé de personnalités indépendantes et financé au sein d'un programme du ministère de la défense. Contrairement à l'indemnisation des victimes de l'amiante, il n'y a ici qu'un seul responsable, le ministère ; le nombre de demandeurs est en outre limité. Le dispositif proposé devrait permettre de répondre efficacement et rapidement aux demandes sans passer par la création d'un fonds spécifique.

La nomination conjointe des experts médicaux par les ministres de la Défense et de la Santé, sur proposition du Haut conseil de la santé publique, apportera une garantie satisfaisante d'indépendance.

La commission des affaires étrangères a apporté au texte des modifications bienvenues, notamment le droit pour tout demandeur d'être accompagné par la personne de son choix. J'approuve également la rédaction de l'article 4 créant une présomption de causalité pour toutes les victimes remplissant les conditions de l'indemnisation, sauf lorsque le comité estime négligeable le risque lié aux essais nucléaires. Cette rédaction claire et équilibrée est cohérente avec les articles 1 et 3.

Ce texte comporte un dispositif d'indemnisation efficace et rapide.

Pour conclure, je salue la mobilisation des associations de vétérans et de victimes, les initiatives parlementaires et le travail du Médiateur de la République, sans méconnaître votre engagement, monsieur le ministre. Avant même d'occuper vos fonctions, vous vous étiez investi pour réparer l'inacceptable oubli longtemps réservé aux victimes. Avec ce projet de loi, la Grande Muette reconnaît solennellement qu'en agissant pour la France, elle a meurtri ceux qui l'ont servie ainsi que les populations civiles. La publication en 2006, par le ministère de la défense, de l'ouvrage intitulé La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie a brisé un tabou et mis fin à une opacité qui avait trop duré. Le discours sur la prétendue innocuité des essais a ulcéré les victimes, qui exigent une juste réparation mais aussi la vérité.

Ce geste de reconnaissance, qui honore le ministère, est le signe d'une évolution pérenne vers une défense professionnalisée, ouverte et transparente, donc soutenue par la population.

Le groupe de l'Union centriste soutiendra ce projet de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Vantomme.  - La France a trop longtemps nié les conséquences graves pour la santé humaine et pour l'environnement des essais nucléaires...

M. Hervé Morin, ministre.  - Pas de tous !

M. André Vantomme.  - ...réalisés pendant la seconde moitié du XXe siècle. Ainsi, la République a méconnu le prix de la force de dissuasion nucléaire. Pourtant, les femmes et les hommes ayant participé -directement ou non, volontairement ou non- aux évolutions de cette force ont risqué gros. Certains ont contracté une maladie radio-induite.

Nous connaissons tous l'histoire commencée le 13 février 1960 avec l'explosion de Gerboise bleue, qui a permis à la France d'intégrer le groupe des puissances nucléaires. C'était le premier d'une série de 45 essais atmosphériques. Entre 1960 et 1996, la France a réalisé 210 essais atomiques, d'abord sur des sites sahariens, puis en Polynésie française. En 1992, le président Mitterrand a décidé un moratoire, puis le président Chirac a ordonné une dernière campagne d'essais souterrains en 1995. Depuis son adhésion, en 1996, au traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la France s'est limitée à des simulations informatiques.

Pendant toutes ces années, les conséquences sanitaires et environnementales des essais ont été un sujet tabou. Après de longues années de déni, la vérité est aujourd'hui mieux connue. Les associations de victimes, les populations polynésiennes et les élus ont réclamé avec force que l'État change d'attitude. Le temps de la reconnaissance et de la réparation est venu. Collectivement, nous aurions dû agir plus tôt.

Aujourd'hui, la République ne doit plus fuir la réalité : elle doit dire la vérité, assumer les douleurs endurées par les victimes et leur rendre justice. Le moment est venu d'en finir avec le silence sur cette douloureuse question.

Je suis d'accord avec le rapporteur lorsqu'il se prononce pour un système d'indemnisation efficace et juste, fondé sur des critères clairs et objectifs permettant à une procédure rigoureuse et transparente de déterminer une indemnisation proportionnée au préjudice subi.

Le projet de loi remplit-il ces conditions ? Pas totalement car le ministre n'a malheureusement pas accepté toutes les bonnes orientations du rapporteur, notamment l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit, que nous voudrions formellement reconnaître.

Je vous proposerai aujourd'hui des amendements qui tendent à corriger certaines carences flagrantes du projet pour affirmer non seulement une reconnaissance symbolique mais aussi le droit à l'indemnisation.

Il ne me semble ni étrange ni déplacé qu'après tant d'années, les associations éprouvent une méfiance certaine envers notre État, qui a si souvent méconnu leurs souffrances. Les États-Unis et le Royaume-Uni disposent de procédures d'indemnisation. En France, tous les gouvernements sont restés sourds sur ce dossier si bien que nous devons le débat d'aujourd'hui à deux associations : Aven, en métropole ; Mururoa e tatou, en Polynésie. Ce texte a déjà parcouru un long chemin jalonné par de nombreuses propositions émanant des associations, de parlementaires, d'élus polynésiens et même du Médiateur de la République. Quatre propositions de loi ont été déposées au Sénat depuis 2002, outre une demande de création de commissions d'enquête parlementaire.

Je dois aussi reconnaître la contribution du ministre de la défense.

M. Hervé Morin, ministre.  - Merci.

M. André Vantomme.  - Je m'associe aux propos tenus par le rapporteur sur ce point car vous avez levé, au sein du ministère, les obstacles qui avaient paralysé vos prédécesseurs. Aujourd'hui, je vous demande encore un effort pour apporter enfin justice et vérité aux victimes.

En effet, l'attribution d'une pension aux personnes souffrant d'une maladie radio-induite est par trop complexe. S'ajoute une sensible différence de traitement entre militaires et civils.

Cette loi doit créer un droit à réparation intégrale des préjudices subis par les participants aux essais mais aussi par les populations victimes de maladies radio-induites ; plusieurs milliers de personnes pourraient être concernés.

Les vétérans et leurs descendants doivent être indemnisés. Il faut donc en finir avec les obstacles que les victimes doivent surmonter pour faire valoir leurs droits. Lourd, coûteux, injuste et aléatoire, le système actuel introduit des différences selon le statut des victimes et les juridictions saisies.

Nous voulons instaurer un régime d'indemnisation juste, rapide et facile à mettre en oeuvre. Or, le mécanisme proposé est par trop ministériel. Les associations de victimes doivent intégrer le comité d'indemnisation. Pendant trop d'années, elles ont eu l'impression que l'État leur tournait le dos, qu'au lieu de les protéger, il tendait à les enserrer dans un labyrinthe de procédures longues, pénibles et injustes. Il faut comprendre ce sentiment né d'une pratique affligeante. Doit-on s'étonner qu'elles dénoncent un schéma qui persiste à les exclure ? Il faut écarter les doutes pouvant planer sur le comité chargé d'instruire les demandes, donc garantir l'indépendance de leurs membres envers les ministères concernés. Le Médiateur de la République l'a réclamé.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce n'est pas une référence absolue...

M. André Vantomme.  - C'est pourquoi je souhaite rééquilibrer la composition du comité. De son côté, la commission de suivi devrait s'intéresser, avec la participation de représentants des associations, aux conséquences médicales et environnementales des essais nucléaires.

En outre, je suis favorable à la présomption du lien de causalité entre la maladie et les essais nucléaires. Ainsi, nous proposons d'inscrire clairement dans la loi la présomption de lien de causalité entre la pathologie et la présence dans des zones de retombées radioactives, comme l'ont décidé les pays anglo-saxons.

Nous demandons aussi la création d'un fonds d'indemnisation doté de la personnalité juridique.

Pour que ce projet de loi apporte une réponse concrète aux victimes, il doit mettre à leur disposition un dispositif efficace et simple que le ministère de la Défense ne pourra utiliser pour contenir le nombre des demandes acceptées. Pour les victimes, être indemnisé est un droit, non une possibilité !

Nous approuvons que la commission créée à l'article 7 suive les modifications apportées à la liste des maladies radio-induites.

Il est nécessaire de vérifier régulièrement que le dispositif tienne compte de l'évolution des données scientifiques et médicales afin d'adapter en conséquence la liste des maladies radio-induites. Cette commission devrait également assurer un contrôle continu des conséquences environnementales sur les lieux concernés et veiller à la mise à jour des zones et des périodes visées par la loi.

Les ayants droit doivent obtenir réparation en tant que victimes d'un préjudice propre. Nous déplorons que cette disposition ait été écartée en commission en vertu de l'article 40. Monsieur le ministre, comment allez-vous prendre en compte le droit à réparation pour les préjudices personnels et économiques éprouvés par les proches des victimes ? Par un amendement, je souhaite que soit créé un titre de reconnaissance de la Nation pour les personnels militaires et civils ayant participé aux essais nucléaires.

Pour ce qui est de la délimitation des zones et des périodes, nous désirons éviter tout effet réducteur excluant certaines victimes du dispositif d'indemnisation. Grâce aux amendements proposés par le rapporteur, le texte a été amélioré en commission. Toutefois, la démarche du ministre de la Défense et du Gouvernement au sujet de la présomption ne nous satisfait pas. J'espère que nos propositions et celles des associations, souvent concordantes, seront entendues afin que nous aboutissions à une procédure efficace au service des victimes. Ce sera justice. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Yvon Collin.  - La politique géostratégique de la France d'après-guerre a justifié un programme d'essais nucléaires au Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996, au cours duquel 210 tirs ont été réalisés. II ne s'agit pas aujourd'hui de remettre en question cette politique de défense dans le contexte particulier de la guerre froide. Elle a été confirmée par tous les présidents de la République jusqu'à la décision prise par Jacques Chirac d'interrompre les essais après une dernière campagne en 1995 et 1996. Ce partage des responsabilités présente au moins l'avantage de n'exonérer personne du devoir de reconnaissance et d'indemnisation.

En revanche, nous pouvons nous interroger sur la légèreté de la protection des personnes. Nul n'ignorait les risques que ces essais pouvaient faire peser sur les militaires et les civils. En 1958, le ministère de la Défense a créé une commission consultative de sécurité et des normes d'exposition ont été définies dès 1954. Ces dispositifs témoignent bien d'une conscience des risques sanitaires encourus par les populations. II est difficile de concevoir que l'État ne savait pas. Le rapport sur les essais nucléaires de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie fait pourtant état de témoignages édifiants sur le caractère dérisoire des abris antiradiations conçus pour la population civile -parfois de simples hangars agricoles !

Des incidents et des accidents se sont produits : le 1er mai 1962, un nuage radioactif s'est échappé de la galerie de tir ; entre 1961 et 1966, 4 tirs en galerie n'ont pas été totalement confinés. Les retombées radioactives sur les archipels habités de la Polynésie française ont forcément eu des répercussions sanitaires. Mais il aura fallu attendre treize ans après le dernier essai pour que le Parlement soit enfin saisi d'un projet de loi. Ce projet était très attendu par les parlementaires de tous les bancs, et notamment les radicaux de gauche, et par les victimes des essais, dont beaucoup se sont engagées dans des procédures judiciaires longues et coûteuses.

La jurisprudence est de plus en plus convaincue du lien de causalité entre l'exposition aux rayonnements et les pathologies radio-induites. Les victimes ont-elles d'autres choix que celui d'aller devant les tribunaux ? La lourdeur et la complexité des dispositifs d'indemnisation sont décourageantes. Plusieurs systèmes coexistent : celui du personnel civil relevant du régime général de la sécurité sociale, celui des agents relevant du régime de sécurité sociale de la Polynésie française ou celui des militaires. Ainsi se crée une ligne de fracture entre des catégories de victimes qui partagent pourtant la même souffrance.

II est plus que temps d'instaurer un dispositif d'indemnisation unique et de confirmer le lien de causalité entre les essais et les maladies radio-induites. Ce projet de loi reconnaît la responsabilité de l'État, ce que d'autres pays ont fait bien avant nous -l'Australie, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Et on ne peut que regretter que ce texte soit, une fois de plus, l'aboutissement de la combativité des victimes, de la pugnacité des associations et de la mobilisation des élus. Longtemps, le Gouvernement a prétexté le manque de données scientifiques sur ce lien de causalité, mais il existe aujourd'hui un consensus en faveur de la création d'un système d'indemnisation.

A l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le texte a évolué favorablement, notamment sur le principe du débat contradictoire, l'encadrement des délais d'instruction des dossiers et la création de la commission consultative. Au Sénat, la légendaire sagesse des membres de notre assemblée devrait nous permettre d'aller encore plus loin. La commission des affaires étrangères a fait quelques pas, mais des petits pas, en posant le principe de présomption de causalité. Nous en sommes satisfaits.

En revanche, de nombreux amendements déclarés irrecevables seraient allés au bout de la reconnaissance et de l'indemnisation des victimes. L'équité serait mieux assurée si vous teniez compte des ayants droit et des personnes qui ont séjourné ou travaillé sur les sites après les essais. La justice serait plus certaine si vous amélioriez la délimitation des zones géographiques concernées, tel l'atoll de Hao, que vous morcelez. L'indépendance serait mieux garantie si vous acceptiez l'idée d'un fonds spécifiquement dédié à l'indemnisation des victimes plutôt qu'une structure étatique dans laquelle le décisionnaire est le payeur.

Nous n'aurons malheureusement pas la possibilité de discuter de tous ces points. C'est bien dommage car il est question ici d'humanité, de souffrances, de douleurs, de drames ayant affecté les populations civiles et les vétérans, qui ne pourront jamais être réparés. Nous ne pourrons pas non plus revenir sur la détresse des veuves, des enfants et de tous ceux qui perdu un proche ou un ami. Nous ne pouvons pas refaire l'Histoire, mais nous pourrions au moins apporter une juste réparation et une véritable reconnaissance des conséquences des essais nucléaires. C'est pourquoi, si nous devons en rester là, mon groupe, dans sa très grande majorité, s'abstiendra sur un texte qui ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité. (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)

M. Guy Fischer.  - Le temps me manque pour rappeler l'ampleur de la mobilisation qui a abouti, presque cinquante ans après le premier essai nucléaire, à la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi a minima. Il aura fallu le regroupement des victimes au sein d'associations telles que l'Association des vétérans des essais nucléaires, l'Aven, le travail des parlementaires, la création, en juin 2008, du comité « Vérité et justice » avec Hélène Luc, des personnalités comme Raymond Aubrac, Mgr. Gaillot, le professeur Parmentier, Simone de la Bollardière, Abraham Béhar, le soutien d'organismes comme l'Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (Ufac), l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (Arac), Handicap International, l'investissement du Médiateur de la République pour qu'éclate la vérité. Il aura fallu que la presse, les artistes, les cinéastes s'en emparent pour que votre Gouvernement accepte de considérer les souffrances des 150 000 travailleurs présents sur les sites d'expérimentation. Notre pensée va aussi aux populations polynésiennes et du Sahara.

Vous êtes cependant, monsieur le ministre, resté dans le déni, y compris en présentant votre projet de loi.

A l'Assemblée nationale, vous affirmiez que la plupart des personnels n'avaient souffert d'aucune exposition. N'est-ce pas là ajouter aux souffrances physiques et psychiques vécues par ces vétérans, une sorte de culpabilité engendrée par le déni ? De telles souffrances ne peuvent être atténuées que par la reconnaissance et la réparation. Car c'est un véritable droit à réparation qu'exige la situation des victimes des essais nucléaires.

J'ai eu de multiples occasions de m'en entretenir avec ces victimes, avec des veuves, des orphelins. J'ai connu l'Aven, association née à Lyon en 2001, à ses débuts, et je tiens à saluer ici la ténacité de son actuel président, Michel Verger, qui a succédé au président Jean-Louis Valatx, malheureusement décédé d'un cancer radio-induit, de Bruno Barillot, qui a participé activement à la commission d'enquête décidée par le président Témaru et Maître Jean-Paul Teissonnière, leur avocat. Je voudrais également souligner le rôle important joué par Mururoa e Tatou, seule association représentative de la population polynésienne, son président, Roland Holdham, et le Pasteur John Doom. Je me suis investi à leurs côtés, avec les collègues de mon groupe. Je salue le travail précurseur de ma collègue Marie-Claude Beaudeau et l'action exemplaire d'Hélène Luc, présente dans notre tribune. Elles eurent l'initiative, dès 2003, des premières propositions de loi. D'autres ont suivi, émanant de toutes les familles politiques. Elles déboucheront, chose rare, sur une proposition de loi commune. Nous avons même travaillé avec le ministère et les échanges, parfois, furent vifs...

Hélas, monsieur le ministre, dès la présentation de votre texte, les intéressés ont vite compris que ce projet de loi n'était pas à la hauteur. Certes, il avait le mérite d'inverser la charge de la preuve mais ne créait pas pour autant un véritable droit à réparation. Certes, les travaux de l'Assemblé nationale l'ont amélioré -dates, périodes et conditions d'indemnisation, délimitation des zones concernées, possibilité donnée aux ayants droit de déposer un dossier, liste des maladies, création d'un comité de suivi dont feraient partie les associations.

Quant aux travaux de notre commission, outre quelques avancées mineures, ils auront essentiellement permis la suppression du terme « directement » concernant l'exposition aux radiations et l'introduction d'une présomption de lien de causalité entre certaines maladies et les essais. Mais les questions essentielles ne sont pas prises en compte. La présomption d'un lien de causalité ne sera pas inscrite formellement dans la loi, au risque d'une multiplication des recours. Vous persistez à refuser la création d'un véritable fonds d'indemnisation autonome doté d'une capacité juridique propre et incluant en son sein les associations de victimes. Vous avez opposé l'article 40 aux amendements concernant la réparation des préjudices propres pour les veuves et les ayants droit et la création d'un dispositif de retraite anticipée. Vous rejetez tout élargissement des compétences de la commission de suivi aux conséquences épidémiologiques et environnementales des essais. Quel mépris pour les victimes ! Et la somme inscrite au projet de loi de finances -10 millions d'euros- laisse présager que le nombre de dossiers estimés recevables sera limité.

Ce texte, prétendez-vous, assure réparation intégrale des préjudices. Toutes les victimes seront prises en considération sans discrimination. Je le conteste. Que faites-vous des souffrances des populations sahariennes et polynésiennes. Ces dernières méritaient un article spécifique. Comment ces personnes, sans même parfois d'acte de naissance, pourraient-elles prouver avoir séjourné sur les territoires visés ? Où sont les moyens pour établir un bilan de santé d'une population restée en contact avec le matériel contaminé laissé sur place. Même leur barrière de corail a été fragilisée par les essais sous-marins. Et dire que les Polynésiens n'ont pas été reçus par notre commission ! Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour réparer les dommages à l'environnement ?

En opposant l'article 40 aux amendements relatifs aux préjudices propres des ayants droit, que faites-vous sinon renvoyer les familles au droit commun, autrement dit devant les tribunaux dont les rares décisions favorables aux plaignants faisaient l'objet, jusque très récemment, d'appels systématiques du ministère dé la défense, ainsi que l'a rappelé Yvon Collin ?

Réparation intégrale, dites-vous ? Mais pourquoi donc ne pas donner au comité la charge d'organiser un suivi médical indépendant des victimes ?

Selon notre rapporteur, c'est « l'honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l'État dans la souffrance que supportent aujourd'hui ceux qui l'ont servie hier ». Las, l'honneur est bien entaché, depuis cinquante ans que dure le mensonge d'État. Alors que le 13 février prochain marquera l'anniversaire de l'opération Gerboise bleue, premier essai nucléaire français dans le Sahara, que de temps perdu pour les victimes et leurs ayants droit, qui se sont sentis abandonnés après avoir accompli leur devoir et dont un grand nombre est déjà décédé. Car nul n'a pu ignorer les conséquences des essais sur la santé des vétérans et des populations alentour. On ne sert jamais la grandeur de l'État au mépris des victimes.

Si ce texte était adopté tel quel, l'État demeurerait juge et partie, procédant, avec ses experts, à un examen au cas par cas des dossiers. Cela serait inacceptable et c'est pourquoi, en notre âme et conscience, nous ne pourrions pas l'adopter. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Tuheiava.  - Reconnaître que les essais nucléaires français réalisés en Algérie et en Polynésie, trop longtemps qualifiés d'« essais propres », ont eu des conséquences sanitaires sur les populations locales et les travailleurs des sites est heureux et je vous remercie, monsieur le ministre, de nous permettre de débattre de ce grave sujet.

Je suis né à Tahiti quelques mois seulement avant l'avant-dernier essai thermonucléaire en milieu atmosphérique, dit Centaure, en 1974, qui a eu des retombées jusqu'à Tahiti, j'appartiens à cette jeune génération de ceux que l'on appelle les « enfants de la bombe », qui a vécu la transition d'une société traditionnelle à une modernité marquée par l'arrivée massive de flux financiers en provenance de ce qu'on appelait encore la métropole. Vous comprendrez donc la passion qui anime mes propos.

A partir de la création du centre d'expérimentation du Pacifique, en 1963, et de l'ouverture concomitante de l'aéroport international de Tahiti Faa'a, la Polynésie a connu des bouleversements économiques et sociaux sans précédent, qui n'ont du reste été possibles qu'après que les autorités de l'époque eurent prématurément écarté, dans des conditions infâmes, une figure emblématique du paysage politique polynésien de ces années-là, je veux parler de Pouvanaa Oopa qui avait siégé dans cet hémicycle de 1971 à 1977. Voilà une première vérité.

Entre 1966 et 1996, la France a procédé, en Polynésie, à 193 tirs, soit 46 essais aériens et 147 essais souterrains en trente ans.

Ce sont donc 46 déflagrations thermonucléaires atmosphériques suivies de champignons qui se sont élevés à plusieurs centaines de mètres d'altitude entre 1966 et 1974, alors même que la Grande-Bretagne et les États-Unis avaient cessé ce type d'essais dès 1963, auxquelles s'ajouteront 147 puissantes secousses géologiques qui ont écumé les magnifiques lagons de Mururoa et Fangataufa pendant trente longues années.

Certains haut personnages politiques de l'époque n'hésitèrent pas à qualifier de « magnifique » un spectacle qu'ils étaient venus admirer sur place avant de plier bagages dès après le premier tir, qui devait, hélas, inaugurer une longue série. Et de Papeete, l'on entendait, venant de plusieurs milliers de kilomètres, un amiral assurer, à la télévision, que toute insinuation sur les retombées nocives des essais nucléaires n'était que « faribole, voire propagande, ce qui serait plus grave ». De qui se moquait-on ? Voilà une deuxième vérité.

Notre débat d'aujourd'hui marque bien évidemment un progrès, c'est un beau jour pour l'association Moruroa e Tatou et l'Église protestante M àhi qui l'appuie, pour l'association des vétérans des essais nucléaires, pour le comité de soutien Vérité et Justice, pour toutes les associations qui oeuvrent depuis des années et dont la persévérance et le courage méritent d'être saluées.

Votre texte, monsieur le ministre, vise à mettre fin à un système procédural long, donnant lieu à des jurisprudences différentes, dans lesquelles la faute de l'État n'est parfois même pas reconnue.

Il est louable de vouloir parvenir à un système équitable mais, dans sa rédaction actuelle, le texte n'y parvient pas. Il ne faut pas non plus oublier les hommes, les femmes et les enfants, tous blessés dans leur éthique et meurtris dans leur chair au nom d'une grande Nation dont ils attendaient qu'elle puisse un jour leur reconnaître leur attachement, leur loyauté, mais aussi leur silence. A la veille de présenter votre projet de loi, vous avez estimé, monsieur le ministre que 150 000 travailleurs civils et militaires, sans compter les populations, avaient été victimes de ces essais.

Il est impossible de recenser les travailleurs civils des sites d'expérimentations sans une liste des salariés ayant travaillé à Moruroa, Fangataufa et Hao de 1966 à 1998. Par une question écrite du 23 juillet, j'en ai demandé la communication mais ma demande est restée à ce jour sans réponse.

Quant aux populations touchées, je me refuse à croire que les retombées radioactives s'arrêtent là où l'on prétend qu'elles se sont arrêtées. Il faut en finir avec l'idée que les particules radioactives ont volé d'un endroit à l'autre, en choisissant de ne pas se poser sur telle ou telle île en chemin. Deux rapports publics du ministère de la défense et du Commissariat à l'énergie atomique, de 2007, démontrent d'ailleurs que des retombées radioactives ont été enregistrées sur l'ensemble du territoire de la Polynésie française.

Durant les huit années d'essais nucléaires atmosphériques en Polynésie, la population a inhalé des particules radioactives durant plus de 230 jours ! Dès lors, ce projet de loi, qui détermine des zones géographiques restrictives sur Mururoa, Fangataufa, certaines zones sur Hao et sur Tahiti, relève de l'aberration la plus absolue et de l'injure intellectuelle à l'égard des victimes que l'État est censé reconnaître et indemniser.

Nous demandons aussi l'équité entre les citoyens français, qu'ils soient de métropole ou de Polynésie française. En matière d'assurance maladie, la caisse de prévoyance sociale de Polynésie supporte aujourd'hui les soins des victimes des essais nucléaires. Les dépenses de santé comprenant des prestations en nature et en espèces très onéreuses participent pourtant bien de la réparation intégrale des conséquences sanitaires de ces essais. Ces dépenses sont supportées par la caisse des Polynésiens et par la solidarité des cotisants polynésiens. Dans un courrier adressé au président de l'Assemblée de la Polynésie française, vous aviez confirmé, monsieur le ministre, « qu'il sera possible de rembourser les dépenses effectuées par la Caisse de prévoyance sociale au profit de personnes pour lesquelles le comité d'indemnisation aura reconnu le caractère radio-induit de leur maladie ». Malheureusement, nos amendements en ce sens ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Mais la Polynésie attend que vous confirmiez cet engagement.

Il est de notre devoir de parlementaires de proposer une solution simple pour les victimes. Les essais nucléaires ont laissé des séquelles sur les populations, sur leur mode de vie, mais aussi sur leur environnement. La vérité, c'est que la Polynésie française a été victime des essais nucléaires. C'est la troisième vérité.

Outre la menace de pollution radioactive directe, l'existence de failles dans le sous-sol de Mururoa représente une menace pour l'existence de l'atoll. Quel sera l'impact sur l'éco-système des cavités creusées pour les essais souterrains ? Dans les rapports de surveillance de l'atoll de Mururoa, publiés par le CEA, on peut y lire « qu'une déformation lente de la pente externe [de l'atoll] a été mise en évidence dès la fin des années 70 ».

Dans les stations de surveillance radiologiques des deux atolls de Mururoa et Fangataufa, on a frôlé la panique lors de l'alerte donnée à la suite du tremblement de terre au large des îles Samoa il y a une semaine, non pas à cause du tsunami qu'il a causé mais des risques géologiques encourus par une secousse qui a atteint 8,5 sur l'échelle de Richter. Qui était au courant ? Allons-nous attendre patiemment un nouveau désastre sanitaire à grande échelle à partir de ces deux atolls dans les prochaines décennies en cas de secousse sismique ? Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de traiter cette question de manière préventive avec la même détermination dont vous avez fait preuve sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires ? Voilà la quatrième vérité.

Dans les prochaines semaines, je soumettrai à la commission de l'économie une proposition de résolution tendant à créer une mission d'information sur les conséquences environnementales des essais nucléaires français sur les atolls de Polynésie et j'espère que le Sénat me soutiendra.

Grâce aux essais réalisés en Algérie et en Polynésie française, la France a gagné le statut de puissance nucléaire et disposé des moyens d'assumer un rôle influent dans le concert des Nations. En partie grâce au Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), la France a aussi développé un complexe militaro-industriel de première importance, ce qui lui a permis de vendre des centrales nucléaires dans le monde entier. Le CEP a donc permis à la France de récolter des centaines de millions de commandes de toutes sortes. Il s'agit de la cinquième vérité.

Pourtant, j'attends toujours une réponse à ma question écrite du 23 juillet 2009 sur une analyse chiffrée des retombées financières et économiques des essais nucléaires français. La France ne s'est-elle jamais penchée sur ces chiffres ? Nous ne le pensons pas. La France ayant gagné beaucoup d'argent grâce à ses essais nucléaires, les victimes de ces essais n'ont donc pas à rougir de solliciter la réparation de leur préjudice ! Les autres grandes puissances nucléaires ont déjà reconnu leur responsabilité envers leurs victimes. Il est grand temps aujourd'hui que cesse ce mythe entretenu pendant quarante ans d'essais « propres » et que la France rende justice aux travailleurs mais aussi aux populations qui en ont subi les conséquences. Georges Pompidou, alors Premier ministre, a déclaré le 25 juillet 1964 devant l'Assemblée territoriale de Polynésie : « Il est bien entendu que la France n'entreprendra jamais, nulle part, et notamment pas dans ses territoires de Polynésie, la moindre expérience nucléaire si elle devait présenter un danger quelconque pour la santé des populations de ces territoires ». L'histoire a montré qu'il n'en a rien été. Les Algériens et les Polynésiens ont été mis en danger en toute connaissance de cause. Voilà la sixième vérité !

Cela fait beaucoup de vérités enfouies. Mais nous savions qu'aborder un tel sujet, c'était ouvrir la boîte de Pandore. Chantre des droits de l'Homme dans le monde, notre Nation admet aujourd'hui que ces essais ont fait des victimes. Elle doit donc indemniser les vétérans civils et militaires et les populations voisines de ces anciens sites. Des considérations budgétaires ne seraient pas de mise, du fait des retombées économiques de ces essais.

Il reste une septième vérité : tiendrez-vous, monsieur le ministre, les engagements qui figurent dans le décret d'application que vous annoncez ? L'honnêteté intellectuelle et le sens des responsabilités économiques de mes collègues du groupe socialiste militent pour que je ne conteste pas le mérite de ce projet de loi. Mais certaines insatisfactions en matière de délimitation de zones géographiques et l'absence de reconnaissance des préjudices propres des ayants droit, deux points fondamentaux, me poussent à m'abstenir. (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. André Dulait.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite) Comme l'a dit notre rapporteur, après une longue période d'attente, ce texte honore le Parlement, le Gouvernement, mais aussi vous-même, monsieur le ministre...

M. Hervé Morin, ministre.  - Merci !

M. André Dulait.  - ...qui avez eu le courage d'aller jusqu'au bout de cette démarche qui n'avait, jusqu'à présent, jamais abouti.

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. André Dulait.  - Il est important de rappeler les nécessités et les impératifs stratégiques qui ont conduit la France à adopter une politique de défense fondée sur le développement de son arsenal nucléaire. Il y a quarante ans, notre pays a forgé sa stratégie de défense sur une volonté d'indépendance. Dans un contexte géopolitique aussi complexe et mouvant que celui que nous connaissions à l'époque, le choix de se doter de l'arme nucléaire était le bon.

Cette politique de défense nous a permis d'occuper une place reconnue sur la scène internationale, notamment au sein des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle nous a garanti également la préservation des intérêts vitaux de notre pays. Pour y parvenir, la France a procédé à des essais nucléaires dans le Sahara algérien et en Polynésie française. En tout, 210 essais atmosphériques ou souterrains ont été réalisés. Ils ont participé à l'élaboration d'une véritable force de dissuasion nucléaire, pilier de la sécurité de notre pays et de nos concitoyens.

Cependant, dès que cela a été techniquement possible, la France a eu recours aux simulations informatiques. Parallèlement à ce programme de simulation, la France s'est investie dans le désarmement en adhérant au traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Depuis, elle a arrêté sa production de matière fissile et a engagé le démantèlement des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique.

Cette page de l'histoire nucléaire française ne doit pas être appréhendée à la légère. Un simple raccourci entre essais et indemnisation ne correspondrait pas à la réalité. Notre pays n'a pas joué à l'apprenti sorcier. A l'époque, des relevés radiologiques ont été effectués après chacun des essais, des précautions ont été prises et les effets ont été mesurés, recensés et archivés. Des protocoles de protection des personnels ont été mis en place, mais en fonction des données scientifiques disponibles et de l'état d'avancement des connaissances de l'époque.

Des protocoles de protection du personnel ont été mis en place mais les données relatives aux rayonnements ionisants étaient alors loin d'atteindre le niveau des connaissances dont disposent les experts onusiens aujourd'hui. Dès la fin des essais, le Gouvernement a entrepris une évaluation de leurs effets en Polynésie et a lancé de lourds travaux de dépollution des sites d'expérimentation.

En janvier 2004, le Président de la République a souhaité, à la suite de la décision conjointe des ministères de la Défense et de la Santé, la création du Comité de liaison pour le Suivi Sanitaire des Essais Nucléaires (le CSSEN), chargé de dresser le bilan des données disponibles sur les expositions aux rayonnements ionisants durant les essais ; de caractériser les pathologies susceptibles d'être radio-induites ; de définir les catégories des personnes ayant pu être exposées aux rayonnements ionisants.

La Polynésie a connu deux grandes campagnes de réhabilitation des installations de l'ex-direction des expérimentations nucléaires. Ces sujets sont graves et ne doivent pas être abordés sous le prisme réducteur des relations de la métropole avec une collectivité territoriale ultramarine. La première tranche de travaux concernait les atolls de Réao, Tureia et les îles Gambiers, situés à proximité des sites de Fangataufa et de Mururoa. Engagés en mai 2007, les travaux ont duré deux ans pour un coût global de 5 millions prélevés sur le budget de la défense. Les travaux sur l'atoll d'Hao, qui doivent durer sept ans, ont débuté en avril dernier et coûteront 63 millions. Ce grand chantier bénéficiera de la logistique des armées en vue de valoriser les potentialités de l'atoll ; un accompagnement médical sera assuré par la Marine nationale.

En janvier 2009, un comité de suivi du chantier de réhabilitation a été installé par le Haut-commissaire de la République en Polynésie française, le commandant supérieur des forces armées et le vice-président de la Polynésie française. Cinq groupes de travail sont mis en place. Cette opération phare est totalement intégrée au débat engagé en Polynésie française dans le cadre des états généraux de l'outre-mer. Le Gouvernement franchit aujourd'hui un pas supplémentaire, un pas attendu et légitime, en posant le principe du droit à la reconnaissance pour les victimes.

Il ne s'agit pour l'État ni de se dédouaner ni de nier sa responsabilité mais de regarder le passé en face. L'heure est à une reconnaissance officielle, accompagnée par la mise en place d'un mécanisme d'indemnisation des victimes aussi juste que rigoureux. Le chemin aura été long et difficile, tant pour les militaires en poste à l'époque -dont certains ne sont plus des nôtres- que pour les civils. Contrairement aux nombreuses propositions de lois déposées par différents groupes politiques de l'Assemblée nationale ou du Sénat, ce projet de loi concerne les fonctionnaires militaires ou civils ainsi que toute personne ayant séjourné dans ces zones, qui souffrent de pathologies dues à une exposition aux rayonnements ionisants.

Ce texte répond aussi aux difficultés de procédure que pouvaient rencontrer les victimes. A ce titre, je me réjouis du travail du rapporteur de notre commission et du ministre de la Défense, qui ont souhaité traduire dans notre droit commun cette reconnaissance légitime des victimes et rendre plus efficace la procédure d'indemnisation en instaurant un comité d'indemnisation spécialisé dont les membres seront des experts nommés par les ministres de la Défense et de la Santé.

Contrairement à ce qui s'est fait à propos de l'amiante, aucun fonds d'indemnisation ne sera créé. Cela évitera aux victimes, pour qui le temps est déjà assez long, les lenteurs inhérentes à ce type de structure. Il a fallu deux ans pour que le Fiva se mette en place ! L'installation d'une commission consultative de suivi démontre l'implication des associations et des élus à l'origine du texte.

Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. Il y va de l'honneur de la République envers ceux qui l'ont servie. Voilà un acte assumé, juste et rigoureux, qui met fin à un tabou. Aussi permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, pour votre méthode : vous avez entrepris une véritable coproduction législative, comme en témoignent les réunions de travail organisées depuis décembre 2008 avec les parlementaires de la majorité et de l'opposition ainsi qu'avec les associations et le gouvernement de Polynésie. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Voynet.  - Nous sommes ici pour établir une vérité et honorer une dette. La vérité, ce sont des faits trop longtemps dissimulés sur les conséquences des choix militaires de notre pays et sur les expérimentations inspirées par ces choix -que je ne partage pas mais là n'est pas la question aujourd'hui. Il me paraît hasardeux d'affirmer que la grandeur de la France serait proportionnelle à son arsenal nucléaire. Son image a même été sérieusement écornée quand le Président Chirac a repris les essais en 1995.

Il y a eu des essais nucléaires au Sahara et en Polynésie, dont ont été victimes des hommes et des femmes. Après trente ans de déni et dix ans supplémentaires d'atermoiements, voici qu'un projet de loi reconnaît ces faits. C'est son premier et principal mérite, même si son titre eût plutôt dû parler de « certaines des » victimes.

Plus de cinquante ans après les faits, la France doit reconnaître la réalité, toute la réalité de son action, et assumer totalement ses responsabilités. Reconnaître que ces essais ont été conduits sans prêter attention à leurs conséquences sur la santé et sur l'environnement, à une époque, il est vrai, où les ministres ne dédaignaient pas de poser virilement devant un champignon nucléaire. Reconnaître que l'armée française a exposé aux radiations trop de ses soldats, sacrifiant leur intégrité physique sous couvert d'intérêt national. Reconnaître qu'avec les retombées radioactives dans l'environnement, ce sont aussi les populations civiles qui ont été sacrifiées, même si l'on fait mine de croire qu'elles étaient informées et consentantes. Reconnaître que la France s'est comportée au Sahara et en Polynésie comme une puissance coloniale, faisant peu de cas du sort de ceux qui avaient le tort de vivre là, et même comme une puissance corruptrice déversant des sommes considérables pour étouffer les scrupules de ceux qui en avaient et trouver en Polynésie même des alliés, qui ont ainsi assuré leur mainmise sur le territoire.

M. Didier Boulaud.  - Des noms !

Mme Dominique Voynet.  - Je mesure la portée de ce texte et combien le rappel de ces fautes est douloureux à entendre. M. Morin l'a rappelé à juste titre : tous les gouvernements successifs ont buté sur ce point. Cela a été objecté à Mme Demessine. J'appartenais au même gouvernement qu'elle et je puis vous parler de la brutalité avec laquelle le ministère de la Défense d'alors refusait même de communiquer les dossiers médicaux des personnes touchées.

J'ai compris qu'on aurait aimé un vote tranquille, sobre et consensuel, qui s'en tienne à traiter presque cliniquement le sujet, avec la retenue qui convient pour donner le sentiment de racheter la faute sans avoir à évoquer les agissements du fautif. Mais une part de la dette que notre pays doit honorer tient aux mots que nous saurons trouver ici pour dire ce qui s'est passé durant ces décennies, de la mise en danger des victimes à la dénégation, au mépris des malades, au refus de reconnaître la réalité, armé par la puissance du secret défense. Chacun doit mesurer ce qu'il a fallu de temps, d'énergie et de ténacité pour que les victimes voient enfin ce jour. Certains de ceux qui vont voter ce texte considéraient, il n'y a guère, les victimes avec l'indifférence polie qu'on réserve aux affabulateurs, aux hypocondriaques et tenaient ceux qui les défendaient pour des manipulateurs et des procéduriers. Ces affabulateurs et ces manipulateurs, je les salue, ils sont là aujourd'hui, dans les tribunes, ils sont médecins, avocats, syndicalistes, journalistes, représentants des églises polynésiennes.

Certains refusent une législation mémorielle. Leurs préventions sont légitimes : le Parlement ne légifère pas pour la mémoire mais pour la justice. Cela requiert d'abord de reconnaître la vérité. Ce n'est pas Jacques Chirac qui a décidé de mettre fin aux essais nucléaires, comme nous l'avons entendu dire, mais François Mitterrand. (M. Didier Boulaud le confirme et applaudit) M. Chirac a recommencé les essais, avant des les arrêter devant l'ampleur des protestations en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Europe. Il faut aussi reconnaître le préjudice moral, sanitaire et environnemental subi par la population polynésienne et par le personnel civil et militaire des sites et répondre favorablement à la demande des victimes de se voir témoigner la reconnaissance de la Nation : un amendement en ce sens a été accueilli avec sympathie par M. le rapporteur ; souhaitons qu'il soit unanimement approuvé.

Il faudrait également élargir le champ de ce projet de loi et passer, comme le demande avec insistance le Médiateur de la République, d'une logique d'indemnisation financière à une logique de réparation. Le Gouvernement et la majorité s'y refusent et s'en tiennent aux mesures qui relèvent strictement de la responsabilité de l'État employeur.

Je regrette que ce texte ne prenne pas suffisamment en compte la situation des ayants droit et fais miennes les remarques de M. le rapporteur sur la détresse et la solitude des veuves, des orphelins et des parents qui donnent naissance à un enfant présentant une déficience immunitaire ou une poly-malformation. Il avait déposé en commission un amendement qui visait à combler ces lacunes et avait recueilli l'assentiment de tous les groupes ; mais cet amendement a été déclaré irrecevable en vertu de l'article 40, au motif qu'il créait une nouvelle charge pour l'État. Cette décision fut prise sans donner lieu à aucun débat ni être susceptible d'appel, alors même que la commission des finances ne siège pas ! Il suffit donc qu'un fonctionnaire invoque l'article 40 pour que l'on abandonne une mesure souhaitée par tous les parlementaires ! Mais l'objet même de ce projet de loi n'est-il pas d'augmenter les charges de l'État en l'obligeant à indemniser toutes les victimes des essais ? M. le ministre dit que les ayants droit pourront saisir le tribunal administratif. Croit-il que cela ne coûte rien à l'État ? Faisons donc une étude d'impact : mettons en place pendant quelques années deux procédures d'indemnisation, l'une devant les tribunaux administratifs, l'autre devant le comité d'indemnisation, et nous retiendrons le dispositif le plus efficace et le moins coûteux !

M. Didier Boulaud.  - Bravo !

Mme Dominique Voynet.  - Les associations de victimes partagent cette analyse, ainsi que le Médiateur de la République.

Il faudrait également assurer un suivi médical régulier du personnel civil et militaire des sites -qui comprend, dit-on, 150 000 personnes- et de la population exposée afin de diagnostiquer le plus tôt possible les pathologies et de préserver les chances de survie, voire de guérison des malades. Nous avons aussi besoin d'études épidémiologiques prenant en compte non seulement la radioactivité observée à tel moment et dans tel milieu mais aussi le mode de vie et les habitudes alimentaires des habitants, ou encore certains événements : des matériaux radioactifs ont parfois été réutilisés. Cela permettrait d'en finir avec les caricatures ou les fausses évidences, comme celle qui veut qu'il y ait moins de radioactivité à Mururoa qu'en Bretagne...

Les implantations militaires échappent aux règles régissant les sites nucléaires civils. Souhaitons que cela n'autorise pas une nouvelle fois l'État à nier ses responsabilités puis à indemniser les victimes dans dix ou quinze ans, quand elles auront pris de l'âge. Car il faudra bien un jour reconnaître que des appelés jeunes et peu avertis ont été incités à manipuler du matériel radioactif ! Mais pour l'heure, nous ne savons pas ce qui est stocké dans ces sites.

Cette loi est un tout premier pas. Souhaitons qu'elle soit bientôt suivie d'avancées plus significatives. (Applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Permettez-moi de relire, à l'intention de Mme Voynet, l'article 45 de notre Règlement : « La commission des finances contrôle la recevabilité financière des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution. Les amendements déclarés irrecevables ne sont pas mis en distribution. » Je ne peux pas laisser dire qu'un simple fonctionnaire décide de l'application de l'article 40 : c'est le président de la commission des finances qui en porte la responsabilité, conformément à la Constitution. Vous êtes libre de vouloir changer de Constitution mais tant que celle-ci sera en vigueur, nous l'appliquerons ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - Vous ne l'appliquez pas pour le vote public !

Mme Dominique Voynet.  - Le président de la commission des finances n'est même pas là !

M. Robert Laufoaulu.  - Aujourd'hui nous apportons notre pierre à l'édification d'une grande loi : la reconnaissance du préjudice causé par les essais nucléaires et sa réparation sont une décision qui nous honore et correspond à l'idée que nous avons de la France. Certains diront que notre pays a tardé à regarder en face les conséquences des essais mais aujourd'hui, nous allons par un acte solennel réparer de profondes injustices et sceller, je l'espère, une réconciliation nationale qui nous permettra d'aller de l'avant.

Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir mené à bien ce projet malgré les obstacles. L'Assemblée nationale a apporté au texte initial des améliorations et notre rapporteur, après avoir entendu les associations de victimes et les élus polynésiens, a proposé d'autres avancées. Elles paraîtront insuffisantes aux yeux de certains, mais les attentes des associations, dont je salue la persévérance, ont réellement été prises en compte.

Notre commission, dans le souci de permettre une juste réparation des préjudices subis, est parvenue à un consensus. Elle a rejeté les mesures susceptibles de retarder l'indemnisation.

C'est une loi majeure qui manifeste la noblesse des intentions de ceux qui l'ont élaborée et la grandeur de notre pays, qui sait tourner une page difficile de son histoire. C'est une profonde satisfaction de savoir que nos soldats et de nombreux civils exposés pourront être indemnisés. Mais je pense qu'ils seront surtout satisfaits de voir la Nation leur manifester sa reconnaissance. Je suis sûr que de très nombreuses victimes souffraient tout autant du sentiment de culpabilité d'avoir participé à des actions néfastes aux personnes et à l'environnement que de leur maladie. Rendons hommage à tous ceux, militaires ou civils, qui ont assuré à notre pays une place prépondérante dans le concert des puissances mondiales. (M. André Dulait se joint à cet hommage)

Nous devons tout particulièrement témoigner notre reconnaissance à la Polynésie française, qui a accueilli les expériences nucléaires. Après le général de Gaulle et le Président Mitterrand, j'ai entendu le Président Chirac déclarer, le 23 juillet 2003 à Papeete, lors du Sommet France-Océanie : « La France ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est sans la Polynésie française. »

Ces essais ont été dommageables aux personnes et à l'environnement. Le préjudice sanitaire est en voie de réparation mais la question du préjudice environnemental demeure pendante. Outre la résurgence possible d'émanations toxiques ou nuisibles provenant des déchets nucléaires enfouis dans les puits d'expérimentation, il faut penser aux dégâts causés par la décontamination et les grands travaux connexes à la construction du centre d'expérimentation.

L'immense zone économique exclusive de la Polynésie française -5 millions de kilomètres carrés, près de la moitié de l'ensemble du domaine maritime de la France- est un patrimoine important pour notre pays et un sujet de fierté pour nous tous. Les habitants de Polynésie française, surtout les plus modestes, tirent une grande part de leur nourriture de la mer. Au cours d'un bref séjour aux îles Gambier en 1988, j'ai eu la tristesse de constater, à Mangareva, Taravai, Aukena comme à Akamaru, que les principaux poissons entrant dans la consommation habituelle des ménages étaient empoisonnés. J'ai entendu pour la première fois des récriminations contre les essais et contre la France : je me souviendrai toujours de cette vieille femme, digne dans son port mais violente dans ses propos, qui accusait la France d'avoir empoisonné les poissons des platiers de son île.

Notre dette à l'égard de ces hommes et de ces femmes qui souffrent dans leur chair est immense : ils paient cher le prix de la grandeur de la France. « II n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance », écrivait La Bruyère. Soyons donc reconnaissants à l'excès envers les victimes afin que nous puissions, une fois le passé assumé, regarder tous ensemble vers l'avenir. (Applaudissements au centre et à droite)

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