SÉANCE

du jeudi 19 novembre 2009

30e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, Mme Sylvie Desmarescaux.

La séance est ouverte à 11 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances pour 2010

M. le président.  - Le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale, m'ayant été transmis par M. le Premier ministre, l'ordre du jour appelle son examen.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que ce projet de loi, dont la commission des finances est saisie au fond, est envoyé pour avis à leur demande à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

Discussion générale

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Face à une crise économique sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale, le Gouvernement veut être un acteur majeur de la reprise escomptée en 2010. Il faut agir plutôt que d'attendre un redémarrage providentiel de l'activité : ce budget se situe donc dans le prolongement de notre stratégie passée.

Il y a un an, notre priorité était d'éviter l'effondrement du système financier et de l'activité économique ; la même ambition a animé les collectifs budgétaires successifs. Aujourd'hui, il s'agit de préparer la sortie de crise et le renouveau de la croissance, par ce PLF comme par le PLFSS. Trois grandes décisions ont été prises pour lutter contre la crise : secourir les banques, accepter la diminution des recettes fiscales, relancer l'économie par l'investissement et la consommation. Les critiques formulées par l'opposition contre le plan de relance, prétendument mal bâti et coûteux, se sont révélées sans fondement. (On le conteste à gauche) Aujourd'hui, nous nous portons mieux que nos voisins : alors que l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni connaîtront cette année une récession de l'ordre de 4,5 ou 5 %, le PIB de la France ne reculera que de 2 %. (M. François Marc se récrie)

Même si l'avenir n'est pas assuré et si la situation de l'emploi est préoccupante, notre gestion en 2009 a été efficace : nous avons soutenu la consommation, limité la baisse de l'investissement, mené une politique de sauvetage des banques proportionnée au danger, qui a rapporté 1,4 milliard d'euros au budget de l'État.

Certes, le déficit de l'État s'est creusé de manière impressionnante : il devrait atteindre 141 milliards d'euros en fin d'année. Mais cette dégradation est due pour l'essentiel à la crise. Pour ce qui est des dépenses, nous avons tenu nos engagements : les dépenses hors plan de relance ont même connu une légère baisse par rapport à 2008 et sont inférieures aux crédits votés dans le cadre de la dernière loi de finances. Ce sont les ressources qui ont fondu : l'État a perdu 53 milliards d'euros de recettes fiscales, dont 30 milliards issus de l'impôt sur les sociétés : c'est considérable. Rappelons qu'en temps normal, les recettes augmentent de 10 à 12 milliards d'euros chaque année.

Au sujet de la sécurité sociale, le même constat s'impose : le déficit de 23,4 milliards d'euros est dû pour moitié à la crise. L'objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté en 2009 est presque atteint : les dépenses ne devraient augmenter que de 3,3 ou 3,4 %.

Qui pourrait se satisfaire d'un déficit atteignant 8 % du PIB ? Mais regardons autour de nous : alors que la dégradation des déficits est de sept points dans l'ensemble des pays industrialisés et de six points dans l'Union européenne, elle n'est que de 5,5 points en France, ce que confirment le FMI et la Commission européenne. Notre position relative s'est donc améliorée, ce dont témoigne l'augmentation du prélèvement sur recettes en faveur de l'UE.

Cependant, la situation reste fragile. Notre défi en 2010 sera de sortir durablement de la crise. Les mesures du plan de relance, dont le coût s'est élevé à 39 milliards d'euros en 2009, n'avaient pas originellement vocation à être reconduites en 2010 ; mais si nous y mettions fin brutalement, cela risquerait de mettre un coup d'arrêt à la reprise. C'est pourquoi les crédits de la mission « Relance » se montent encore à 4,1 milliards d'euros. Sont notamment prévues des mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi dans le cadre du Fonds d'investissement social et des exonérations de charges pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises. Afin de soutenir le secteur automobile, la prime à la casse sera prorogée mais progressivement réduite. Pour subvenir aux besoins de trésorerie des entreprises, diverses mesures comme le remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche seront maintenues.

Ces choix ont été longuement pesés. L'année 2010 sera une année charnière : il faut en tenir compte dans l'élaboration de notre budget. Les dernières réunions du G20 ont fait émerger un consensus sur la nécessité des politiques de relance.

La fin progressive du plan de relance conduira à une diminution de 25 milliards d'euros du déficit de l'État, qui passera en 2010 de 141 à 116 milliards. Les 16 milliards qui nous manquent pour franchir la barre symbolique des 100 milliards d'euros, c'est le coût des mesures indispensables pour sécuriser la reprise : crédit d'impôt recherche, suppression de la taxe professionnelle.

Restent quelques mois difficiles sur le front du chômage, même si la stabilisation au troisième trimestre est une bonne nouvelle. Cette situation pèse sur les rentrées de cotisations sociales. En dépit des efforts pour maîtriser les dépenses d'assurance maladie, le déficit du régime général atteindra 30,6 milliards d'euros ; celui des administrations sociales passera de 1,4 % à 2,3% du PIB. Au total, les déficits publics représenteront 8,5 % du PIB ; si l'on exclut le surcoût 2010 de la réforme de la taxe professionnelle, le solde est au même niveau que l'année dernière.

La dette publique atteint 84 % du PIB, soit plus de 20 points au-dessus de son niveau de 2007, progression comparable à la moyenne de la zone euro et inférieure à ce qu'elle est aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon.

Ceux qui pensent qu'on peut encore augmenter les impôts se trompent lourdement ; ce serait conduire la reprise dans une impasse. Croire, dans le pays qui est au cinquième rang mondial pour le niveau des prélèvements obligatoires, qu'on peut ainsi faire revenir les recettes est une hérésie économique et politique. Le Gouvernement ne soutiendra aucune mesure qui irait dans ce sens, d'autant que depuis 2007, les impôts ont été réduits de 16 milliards d'euros, dont 10 au bénéfice des ménages.

Mme Nicole Bricq.  - Lesquels ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Tout le budget repose sur une conviction : il faut tout faire pour encourager le retour de la croissance et poursuivre avec vigueur l'action de resserrement de la dépense. Réformes structurelles pour booster la croissance, réformes structurelles pour réduire la dépense, voilà le chemin. Le Gouvernement propose ainsi quatre orientations cohérentes et d'abord une réforme fiscale de grande ampleur, dont Mme Lagarde vous parlera. Puis une priorité donnée à la formation et à l'économie de la connaissance, avec par exemple 1,8 milliard d'euros supplémentaires pour l'enseignement supérieur et la recherche, ou l'intégration du plan Jeunes pour 500 millions d'euros. Nous entendons aussi tout faire pour valoriser le travail. C'était la ligne directrice de la campagne du Président de la République, c'est la ligne qui guide l'action du Gouvernement. Il s'agit par exemple de rétablir l'équité en taxant les revenus de remplacement comme ceux du travail ; le Gouvernement a ainsi accepté l'amendement déposé à l'Assemblée nationale pour fiscaliser les indemnités journalières (Exclamations sur les bancs socialistes, où l'on trouve la mesure honteuse)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Le Sénat s'est déjà prononcé favorablement à deux reprises sur le sujet !

M. Éric Woerth, ministre.  - Ces mesures d'équité ne méritent pas la caricature politique qui en est faite. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche) L'élargissement du financement de la protection sociale par les revenus du capital procède de la même logique.

Le Gouvernement agit également pour une croissance plus verte, en déplaçant une part de la fiscalité de la production vers la pollution, en ajustant les dispositifs fiscaux pour encourager les comportements écologiquement responsables. Favoriser le retour durable de la croissance, c'est aussi continuer à réformer le capitalisme (marques d'ironie à gauche) afin que les erreurs du passé ne se reproduisent pas. Nous poursuivons résolument la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude.

Du coté des dépenses, le comportement de l'État en 2009 a été exemplaire. (Mouvements divers à gauche) Malgré la violence de la crise, nous avons tenu nos deux objectifs, stricte maîtrise des dépenses de l'État et la plus forte maîtrise des dépenses d'assurance maladie depuis 2007. L'effort doit se poursuivre sans relâche. Les dépenses de l'État en 2010 ne progresseront pas plus vite que l'inflation, alors que l'hypothèse d'inflation est plus faible que dans le budget triennal ; que la crise nous conduit à augmenter certains postes par rapport à ce dernier, notamment pour l'emploi et les dotations sociales ; qu'enfin les charges contraintes progressent, notamment les pensions, d'1 milliard, et le prélèvement au profit de l'Union européenne, de 600 millions. Un effort encore plus exigeant est donc nécessaire sur les autres dépenses. Les effectifs de l'État diminueront de 34 000 postes en 2010, dont 16 000 à l'éducation nationale et 8 250 à la défense. Entre 2007 et 2010, nous aurons supprimé 100 000 postes dans la fonction publique d'État : c'est une économie brute de 3 milliards d'euros.

Les dépenses de fonctionnement diminueront en valeur de 1 % grâce à des réformes structurelles dans tous les ministères et la réduction du train de vie de l'État, dont témoignent les bons résultats de la politique immobilière. Enfin, les dotations aux collectivités locales augmenteront de 0,6 % -la DGF de 0,9 % et le FCTVA de 6 %.

Au-delà de 2010, je confirme l'analyse que j'avais faite lors du débat d'orientation budgétaire. La stratégie du Gouvernement doit permettre de réduire le déficit d'un point de PIB par an, ce qui sera possible avec un taux de croissance de 2,5 % à partir de 2011 et une augmentation de la dépense publique de 1 % en volume -l'amélioration sera même supérieure à un point en 2011 avec l'extinction du plan de relance et la disparition du surcoût de la réforme de la taxe professionnelle. La clé du succès réside dans notre capacité à booster la croissance grâce à la poursuite de réformes structurelles, autonomie des universités, loi de modernisation de l'économie, travail du dimanche, réforme de la taxe professionnelle... Autant de réformes qui transforment la société française et augmentent ses chances pour demain. Le grand emprunt se situe dans ce cadre. La détermination du Gouvernement est totale pour poursuivre les réformes en 2010, qu'il s'agisse de la modernisation du système hospitalier ou de la réorganisation administrative.

Certains veulent que nous allions plus vite ; Bruxelles souhaite que nous revenions sous les 3 % de PIB en 2013. Les objectifs ambitieux n'ont de sens que s'ils ne sont pas hors de portée... Nous débattons avec la Commission, si nous pouvons aller plus vite, nous le ferons. En matière de déficit, il faut descendre une marche après l'autre, sauf à tomber dans l'escalier de la crise.

Le budget 2009 était de gestion de crise ; celui de 2010 sera de gestion de sortie de crise. La reprise reste fragile, il faut tout faire pour la consolider. Ce qui impose de ne pas céder à la facilité de l'augmentation des impôts. Le Gouvernement a choisi une voie plus difficile mais bien plus prometteuse. MM. Juppé et Rocard vont remettre au Président de la République leurs conclusions sur le grand emprunt ; celui-ci illustre la volonté du Gouvernement de privilégier l'investissement : il ne sera en aucun cas un prétexte à l'augmentation des dépenses mais permettra d'accélérer la compétitivité de notre économie en sélectionnant des investissements à très forte rentabilité. Mais nous en reparlerons. Lorsque les modalités de l'emprunt seront décidées, le Parlement sera évidemment appelé à se prononcer sur son contenu dans le cadre d'un collectif budgétaire. (Applaudissements à droite ; M. Aymeri de Montesquiou applaudit aussi)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.  - Je ne répéterai pas ce que M. Woerth vient de dire excellemment, j'insisterai sur les deux axes de notre politique économique : l'investissement et l'emploi.

M. Charles Revet.  - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Cette politique, que nous avons menée en 2009, a porté ses fruits : nous faisons deux fois mieux que la moyenne de la zone euro. Nous sommes certes dans le négatif, avec - 2 %, mais la moyenne est à - 4 et l'Allemagne est à - 5. Notre plan de relance a porté ses fruits. Le tiers est d'ailleurs allé aux ménages modestes : 14 milliards sur 45.

Cela ne signifie certes pas que nous devrions perdre de vue les grands équilibres financiers ; leur restauration doit être un de nos objectifs à long terme. Pour un retour de la croissance en 2010, nous avons un élan plus fort que nos partenaires : notre taux d'activité a été supérieur ces deux derniers trimestres.

Notre plan de relance, engagé grâce au grand travail fourni par les parlementaires, avait un volet relatif aux banques, qui étaient atteintes de thrombose. Nous voulions renforcer leurs capacités par des prêts. Certains considèrent que nous aurions dû faire de la plus-value. C'était effectivement une hypothèse possible mais nous avons considéré que nous n'avions pas à spéculer avec l'argent des Français. En revanche, bien sûr, ces prêts ont rapporté des intérêts : 1,4 milliard sont ainsi rentrés dans les finances publiques et nous devrions encore en percevoir en 2010. La plupart des établissements bancaires ont d'ores et déjà remboursé leurs emprunts.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Notre budget est bâti sur une hypothèse de croissance de 0,75 %. Certains trouvent cette prévision exagérément conservatrice. C'est qu'ils ne regardent que l'Hexagone, alors que nous prenons en compte l'environnement international. Notre économie ne tourne pas en vase clos ! Le moteur de l'investissement fonctionne avec un seul cylindre sur deux : l'investissement public a tenu, pas le privé. Il faut maintenant que la croissance internationale le tire. Or, si la Chine, la Malaisie et les autres « dragons asiatiques » devraient avoir des taux de croissance élevés, il n'en va pas de même aux États-Unis, dont la croissance sera trop faible pour tirer l'économie mondiale. Voilà pourquoi nous nous en tenons à une prévision de 0,75 % même si la Commission européenne prévoit 1,2 % et l'OCDE 1,4. Ne révisons pas dès maintenant nos hypothèses !

Il y aura forcément un décalage entre le rebond de la croissance et les créations d'emplois. Ce décalage doit être géré avec une politique d'emploi très ciblée, solide et financée. C'est pourquoi nous maintenons notre dispositif zéro charge pour les TPE qui créeront des emplois d'ici le 30 juin : toute création d'emploi avant cette date donnera lieu à une exonération de charges pendant douze mois. Ce dispositif a permis de créer 500 000 emplois depuis le début de l'année et nous espérons arriver à 700 000.

Autre mesure très efficace : le soutien au chômage partiel, qui a concerné 319 000 personnes au deuxième trimestre, soit deux fois plus qu'au premier. Les Allemands ont un taux de chômage inférieur au nôtre grâce à ce mécanisme qui favorise la formation professionnelle et permet d'éviter des ruptures. Depuis le 1er avril, les partenaires sociaux ont renforcé la convention de reclassement personnalisé destinée à accompagner la reconversion des salariés en situation de licenciement économique. Ces conventions assurent un très haut niveau d'indemnisation des salariés dans ces conditions. Pour 25 bassins d'emploi particulièrement touchés par la crise, le contrat de transition professionnelle permet une meilleure indemnisation des licenciés économiques. J'ai encore quinze cartouches utilisables puisque le Parlement a voté un amendement en ce sens.

Vous voyez donc que l'emploi est notre objectif principal. Nous espérons une consolidation du mouvement de reprise observé fin 2009 mais ses effets ne se feront sentir sur l'emploi que courant 2010.

J'en viens à la taxe professionnelle. (Mouvements d'intérêt) Notre objectif est d'abord économique. Vous êtes nombreux à partager ce point de vue.

Mme Nicole Bricq.  - Non !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous voulons lever tous les obstacles à la création d'emplois. Pas une seule entreprise ne doit pouvoir utiliser l'alibi de la taxe professionnelle pour délocaliser. Pas un seul investisseur étranger ne doit pouvoir dire que la taxe professionnelle l'a dissuadé d'investir en France.

Mme Nicole Bricq et M. Jean-Jacques Mirassou.  - Personne ne dit cela !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - D'autres pays imposent plus lourdement que nous le foncier. Si vous en connaissez qui imposent l'investissement productif, présentez-les moi ! (Applaudissements sur certains bancs UMP)

François Mitterrand a qualifié la taxe professionnelle d'impôt « imbécile » ; M. Strauss-Kahn a jugé que le soutien de l'emploi exigeait qu'on supprime l'emploi de son assiette. Si l'on en supprime aussi l'investissement, que reste-t-il ? Ces vingt dernières années, l'industrie a perdu 500 000 emplois. Ce n'est pas la faute à la seule taxe professionnelle mais ça l'est aussi. (Exclamations sur les bancs socialistes)

Nous ne voulons pas éliminer tout lien territorial mais remplacer la taxe professionnelle par un impôt moderne, les yeux ouverts sur ce qu'est devenu notre PIB : la part des services s'est accrue et celle de l'industrie a diminué. Il est bon que nous ayons un débat approfondi là-dessus, grâce au président Arthuis.

Nous prendrons le temps de l'erreur : le Premier ministre a annoncé une clause de rendez-vous à mi-année pour apporter des corrections à la marge.

M. Charles Revet.  - Très bien, c'est important.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'objectif est double : soutenir l'industrie et les entreprises, créatrices d'emplois, et garantir les finances publiques des collectivités.

Nous remplaçons la taxe professionnelle par un impôt moderne, marchant sur deux jambes : la part foncière et la valeur ajoutée. Je suis prête à le voir rebaptisé. L'imposition des entreprises sera allégée de 4,3 milliards. II sera désormais moins coûteux d'investir et de créer des emplois en France.

J'espère répondre, dans le cadre d'un débat serein et technique, aux interrogations légitimes que suscite ce projet. Nous nous engageons à maintenir les recettes de toutes les collectivités territoriales (M. Charles Revet approuve), à respecter le principe d'autonomie financière, en transférant non des subventions mais des recettes fiscales pérennes et dynamiques. Les collectivités fixeront bien entendu le taux de l'imposition sur le foncier.

J'étais hier au congrès de l'Association des maires de France. Le parti pris du Gouvernement a toujours été le dialogue avec les parlementaires ; pour une réforme aussi importante, il n'y en aura jamais trop. Cette concertation a débuté il y a huit mois par la conférence nationale des exécutifs. Depuis, elle n'a pas cessé. (Exclamations à gauche) Je remercie les sénateurs qui y ont pris part et je salue le talent de M. de Montgolfier (applaudissements sur les bancs UMP), de M. Guéné (même mouvement), de M. Hervé. (Applaudissements sur les bancs socialistes et UMP)

M. Adrien Gouteyron.  - Nous, nous applaudissons aussi ceux de l'autre camp !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - J'ai été auditionnée à huit reprises par le comité des finances locales et par le Parlement, j'ai rencontré les associations d'élus, les entreprises, le groupe de travail parlementaire. La cotisation sur la valeur ajoutée, souhaitée de longue date, est une initiative des élus ; le découplage entre cette cotisation et la part foncière de la taxe professionnelle, également. Les représentants des entreprises n'en voulaient pas mais nous défendons l'économie, pas les intérêts des entreprises ! (Sarcasmes à gauche)

L'Assemblée nationale a prévu que 20 % du produit de la cotisation valeur ajoutée, initialement destiné exclusivement aux blocs régions et départements, iraient aux intercommunalités.

M. Yvon Collin.  - Ce n'est pas assez !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je sais pouvoir compter sur les sénateurs, qui ont à coeur de défendre les intérêts des collectivités territoriales (M. Charles Revet le confirme), pour améliorer encore le texte.

Il s'agit de faire cohabiter territorialisation et clé de répartition.

M. Charles Revet.  - La péréquation, grand sujet !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je m'engage à faire simple : ce texte est trop important pour que le débat reste entre experts.

Nous voulons une croissance plus durable, d'où le choix, difficile mais stratégique, de la taxe carbone. Réduire aujourd'hui nos émissions de CO2 nous coûtera moins cher que d'assumer demain les conséquences du changement climatique. M. Borloo plaide sans relâche au niveau international pour que l'on dépasse les clivages entre pays émergents et pays développés. Nous avons donné suite à la proposition de Michel Rocard et de Nicolas Hulot pour que personne ne puisse dégrader la planète sans en connaître le prix.

Mme Nicole Bricq.  - C'est raté !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Plus qu'une taxe, ne s'agit-il pas plutôt, comme l'a très bien dit votre rapporteur général dans une tribune, d'un signal prix ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument ! Ce n'est pas une taxe ! Il faut d'abord gagner la bataille des mots.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La taxe carbone est porteuse d'un double dividende : elle restructure le paysage de nos prélèvements obligatoires en taxant moins les investissements et les revenus et plus la pollution. La méthode a fait ses preuves : le bonus-malus automobile a quadruplé les ventes de véhicules propres. Ici, le malus, c'est la taxe carbone ; le bonus, la compensation forfaitaire redistribuée aux ménages.

Nous débattrons plus avant de ces deux modifications de notre paysage fiscal, qui visent à renforcer une économie fondée sur l'investissement et l'emploi, dans une perspective durable. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Dire que quand il vous a classée numéro un des ministres de l'économie, le Financial Times n'avait pas encore entendu votre discours !

M. Daniel Raoul.  - Flagorneur !

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - J'aborderai d'abord le contexte économique et financier, entre crise et reprise, puis le projet de loi de finances lui-même, entre relance et retour à la normal, voire entre relance et rigueur : dans ma bouche, ce n'est pas un gros mot ! Il exprime seulement le souci d'une saine gestion des deniers publics qui est notre devoir.

Nous manquons de repères dans la conjoncture actuelle. Selon les macro-économistes, la courbe de l'activité serait en V, en U, en W, voire en racine carrée...

M. François Marc.  - Pas en intégrale ? (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - En peu de temps, tout a changé d'échelle : le déficit, l'endettement de l'État, les bilans des banques centrales. La France ne fait pas exception : 116 milliards de déficit pour le budget de l'État en 2010, après plus de 140 milliards en 2009. Pour l'ensemble des administrations publiques, le déficit atteindrait 8,5 points de PIB en 2010 ! Nous sommes en état d'apesanteur financière.

Mme Nicole Bricq.  - 140 milliards, c'est plutôt du plomb !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La dette explose mais n'a jamais été aussi légère. (Sourires)

Mme Nicole Bricq.  - Un bonheur !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Si légère même que cette légèreté est, à l'évidence, insoutenable. (Sourires et murmures flatteurs)

M. Yvon Collin.  - Bravo !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A un moment ou à un autre, les choses vont changer, l'inflation va réapparaître et les taux d'intérêt remonter. La dette n'est pas magique : elle doit être remboursée.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - « Devrait » !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ces remboursements pèseront demain plus lourd.

Le volume sans précédent de liquidités mises sur le marché viendra alimenter de nouvelles bulles d'actifs, qu'il s'agisse de matières premières, d'immobilier ou tout simplement de titres. On observe un décalage, incompréhensible pour l'opinion publique, entre une sphère réelle encore à la peine et une sphère financière redevenue florissante.

En revanche, la sphère financière redevient florissante. Ce constat vaut pour tout l'Occident.

Ne pouvant, au paroxysme de la crise, faire autre chose que traiter le mal par le mal, gouvernements et banques centrales ont injecté dans l'économie une quantité considérable de liquidités, ce qui, avec la structure anormale des taux d'intérêt, a suscité des comportements paradoxaux. La rentabilité retrouvée des banques repose sur l'approvisionnement généreux en liquidités à coût quasiment nul. Nous observons un effet pervers semblable sur le marché des changes, où le dollar poursuit sa baisse.

Le Premier ministre a annoncé hier que la croissance pourrait excéder 1 % en 2010, bien que la loi de finances ait été fondée -à juste titre selon moi- sur une hypothèse prudente de 0,75 %. La reprise fera surgir de nouvelles difficultés puisque les banques centrales voudront combattre l'inflation, conformément au mandat qui est le leur. Elles devront donc bientôt durcir leur politique monétaire, a fortiori si les prix de l'énergie se mettent à frémir. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les anticipations de la banque centrale australienne. Le relèvement inévitable des taux d'intérêt -même si nous en ignorons le terme- se traduit déjà dans les options négociées sur les marchés. Il augmentera la charge de la dette. Et l'on ne peut exclure qu'il devienne bien plus difficile de placer dans ces conditions une dette publique dont les titres s'arrachent aujourd'hui.

On ne peut élaborer un chemin durable en se fondant sur les conditions sans précédent que nous connaissons aujourd'hui. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve) La sortie de crise sera un moment de vérité pour les modèles économiques nationaux. On a autrefois vanté à moult reprises les modèles économiques espagnol et britannique pour leur croissance et leur rigueur. Il est clair aujourd'hui que ces pays devront inventer autre chose. Au sein de l'Union européenne, nous connaissons le nom du vainqueur : c'est l'Allemagne, notre meilleur ami et partenaire, qui a su limiter son déficit et dont les exportations bénéficieront des premiers signes de reprise dans les zones émergentes.

Le niveau exceptionnellement bas des taux d'intérêt actuels ouvre une fenêtre d'opportunité qu'il faut ouvrir à bon escient, mais sans illusion, pour améliorer notre compétitivité.

J'en viens au projet de loi de finances.

J'aborderai successivement les principales dispositions fiscales, le financement des collectivités territoriales, le signal prix -terme que je préfère à « taxe carbone »-, le grand emprunt et la bonne tenue des dépenses publiques.

Commençons par la taxe professionnelle. (Mme Nicole Bricq marque son intérêt)

A titre personnel, je n'étais pas demandeur de cet exercice.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Moi non plus !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Peu de collègues le souhaitaient. Mais, puisqu'il est engagé, le Sénat doit jouer son rôle : être méthodique et expliciter.

Vous avez élaboré ce texte dans des conditions particulièrement difficiles. Je rends hommage à votre travail, car votre administration n'y était pas nécessairement préparée. Vous avez agi avec discipline (sourires) pour obtenir le meilleur résultat possible.

Sommes-nous en état de comprendre le dispositif, que l'Assemblée nationale a fait évoluer dans le bon sens ?

Mme Nathalie Goulet.  - Non !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Non, hélas !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Pour progresser et convaincre à l'extérieur, nous avons encore besoin de débattre.

L'article 2 comporte 135 pages.

M. François Marc.  - De la belle ouvrage...

Mme Nicole Bricq.  - C'est clair.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ne pouvant tout analyser d'emblée, je vous sais gré d'accepter que j'applique la méthode de Descartes, dont le second principe consiste à « diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre ». (On approuve vivement à droite)

M. Adrien Gouteyron.  - Excellente citation !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - En traduction moderne, ici et maintenant (mouvements divers sur les bancs socialistes) : un temps, deux mouvements.

Les dispositions ayant vocation à être opérationnelles dès le 1er janvier 2010 doivent figurer dans la première partie de la loi de finances. Je pense à la suppression de la taxe professionnelle, ainsi qu'au plan de relance et de soutien à la trésorerie des entreprises -soit 11 milliards d'euros l'an prochain- fort opportunément appliqué pour la deuxième année consécutive.

Viennent ensuite les nouvelles contributions. Il faut appeler un chat un chat : la prétendue cotisation locale d'activité est en réalité une cotisation foncière des entreprises. De même, la « cotisation complémentaire » n'étant complémentaire de rien du tout, c'est une cotisation assise sur la valeur ajoutée des entreprises, avec un seuil de 500 000 euros.

Le troisième élément à traiter dans la première partie de la loi de finances concerne la compensation relais, qui permettra aux collectivités territoriales de continuer à fonctionner. La situation de crise exposant à perdre des bases d'imposition plus qu'à en gagner, geler une situation de référence peut présenter quelques avantages. Un établissement de 1 200 salariés vient de disparaître dans mon agglomération, où je fais observer à mon opposition que cette réforme nous rendra bien service. (On approuve à droite) Ce cas de figure n'a rien d'exceptionnel.

En seconde partie de la loi de finances, il faudra en premier lieu répartir les nouvelles cotisations des entreprises entre les strates de collectivités. La commission des finances n'a pas totalement arrêté sa position. Je peux néanmoins préciser que nous raisonnons à compétences inchangées car la loi de finances ne peut préjuger de ce que sera la loi réformant l'organisation territoriale de la République, même si elle doit la préparer. Si nous ne le faisions pas, vous seriez fondés à nous critiquer encore plus. (Marques d'étonnement sur les bancs socialistes) L'opposition est dans son rôle quand elle critique la majorité ! (On approuve sur tous les bancs)

Vous seriez encore plus fondés à nous critiquer si nous abordions la loi territoriale sans simulations financières.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

Mme Nicole Bricq.  - Vous n'en avez pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Or nous pourrons les établir à partir de la loi de finances de telle sorte que l'on puisse, en connaissance de cause...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Et les compétences ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...faire jouer le curseur des compétences. D'où la nécessité de données chiffrées et méthodiques.

Ensuite, la compensation au-delà du 1er janvier 2011. Faut-il tout figer pour l'éternité des temps ?

M. Daniel Raoul.  - Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ce sujet devra être traité en toute transparence. En d'autres termes, comme le voulait Descartes, il faut bien comprendre ce que nous faisons.

M. François Marc.  - Et du temps !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le texte qui nous est transmis repose sur trop de choix implicites. Je ne jette la pierre à personne : ce texte infiniment difficile a été réalisé en peu de temps...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ça se voit !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Enfin, la péréquation. (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Elle est indispensable !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Tout le monde, dont votre serviteur, est attaché au lien territorial. Mais plus l'assiette est territorialisée, plus les différences de la nature et de l'économie jouent, donc plus la péréquation est nécessaire...

Mme Nicole Bricq.  - ...et doit être horizontale !

M. Yvon Collin.  - Nationale !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Si la territorialisation est intégrale, il n'y a pas de péréquation ; mais si la péréquation est un égalitarisme total, intégral, voire intégriste, il n'y a plus de territorialisation.

M. Charles Revet.  - Il faut viser le juste milieu !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il nous appartiendra donc, qu'il s'agisse du stock ou des flux, de trouver un juste arbitrage, en prenant le temps nécessaire.

Enfin, la taxe carbone. La commission, sous l'initiative de son excellent rapporteur spécial Mme Keller, aborde ce dispositif dans un esprit constructif. Toutefois, j'attire l'attention sur le chauffage individuel, sujet que n'ont pas abordé les députés, concentrés sur le problème des déplacements, et qui risque de peser lourd dans le budget des ménages.

M. Pierre Bernard-Reymond.  - Le chauffage n'est plus une difficulté avec le réchauffement climatique !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Même dans les Hautes-Alpes ?

Ce texte ne marque pas l'achèvement des travaux financiers de ce cycle. En janvier, madame la ministre, vous nous présenterez, avec M. Woerth, un texte relatif au grand emprunt. (« Ah ! » sur les bancs socialistes) Ce nouvel emprunt ne saurait être la session de rattrapage de dépenses tellement prioritaires qu'elles n'auraient pas trouvé place dans ce budget. L'emprunt générant des charges, il nous faudra trouver des produits porteurs de rentabilité. Or, même si les comptables ont mauvaise presse aujourd'hui, je veux rappeler que la rentabilité repose sur des chiffres et non sur des espoirs, des discours. (M. Nicolas About apprécie) J'y insiste, car l'information est indispensable pour nos partenaires et les analystes financiers. Notre dette est notée. (Mme Christine Lagarde, ministre, opine) Madame Lagarde, vous qui êtes la meilleure ministre des finances de l'Union européenne (vifs applaudissements à droite), vous savez combien il est difficile de traduire le langage français à l'international et l'opération inverse l'est plus encore. L'emprunt ne doit pas nous déprécier aux yeux de nos partenaires européens et de nos bailleurs de fonds.

Pour terminer, je tiens à souligner les efforts importants en matière de réduction de la dépense publique. Hors plan de relance et à périmètre constant, les dépenses de l'État ne progressent que de 1,1 %, soit une baisse en volume ! La loi de programmation pluriannuelle avait retenu pour 2010 un taux d'inflation de 1,75 % mais le Gouvernement a fait le choix, ce dont je le félicite, de limiter la progression de l'ensemble au taux d'inflation prévisionnelle de 1,2 % sans que cela ne remette en cause les enveloppes des missions. Ce satisfecit est, naturellement, balancé par quelques inquiétudes concernant le coût des crédits d'impôts qui devrait passer de 12,8 à 17,5 milliards de 2009 à 2010.

Mme Nicole Bricq.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il faudra, à l'avenir, appliquer à la dépense fiscale la même règle qu'à la dépense budgétaire. (M. Alain Gournac, M. Alain Lambert et quelques sénateurs UMP applaudissent ainsi que M. Jean-Jacques Jégou) Soulignons que la politique de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux dans la fonction publique porte ses fruits. Nous parvenons donc à faire bouger les lignes même sur les dépenses les plus rigides tout en valorisant le travail au sein de la fonction publique.

Avec espoir, mais non sans quelques inquiétudes, la commission aborde la discussion budgétaire dans un esprit constructif et pédagogique avec pour ambition de contribuer le mieux possible à l'élaboration de la position du Sénat. (Applaudissements à droite ; M. Yves Détraigne applaudit également)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Avant d'entamer l'examen de ce texte, il n'est pas inutile de rappeler l'état d'esprit dans lequel nous abordions la discussion budgétaire l'an passé. La crise économique menaçait les équilibres sociaux de notre pays et portait en germe la ruine de notre pacte républicain. Aujourd'hui, le Gouvernement évoque, à juste titre, un budget de sortie de crise. Avec une prévision de croissance de -2,2 % du PIB pour 2009, soit la pire récession enregistrée depuis 1945, nous réalisons des performances en moyenne deux fois moins mauvaises que celles des pays de la zone euro, dont notre principal partenaire, l'Allemagne, qui connaît une contraction de son PIB de 5 %, et que celles du Japon et à peu près identiques à celles des États-Unis. Cette relative maîtrise de la situation, nous la devons à l'action énergique du Gouvernement qui a rompu la paralysie qui menaçait le système bancaire et, donc, le financement de l'économie et donné un coup de fouet indispensable à l'activité économique à travers le plan de relance. A cet égard, je veux saluer le travail tout à fait déterminant du médiateur du crédit (M. Philippe Marini, rapporteur général, approuve) qui a mis là où il le fallait, quand il le fallait, les quelques gouttes d'huile nécessaires à la survie de nos entreprises. Il nous faudra continuer de surveiller, comme le lait sur le feu, la situation car nombre de nos PME sont à la limite du dépôt de bilan.

Veillons à ce que les gestionnaires de fonds publics ne confondent pas private equity et soutien à des entreprises menacées.

Le budget de l'État, ceux de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ont joué à plein leur rôle d'amortisseur. Les résultats sont là, incontestables. La richesse nationale a recommencé à progresser et 2010 sera une année de croissance. J'apprécie néanmoins la prudence du Gouvernement. En se situant en dessous du consensus des économistes, le budget gagne en sincérité et la Lolf en crédibilité. Il faudra néanmoins en vérifier les effets. Les déséquilibres gigantesques de nos finances publiques ont en effet été accentués. M. Woerth veut tenir les dépenses. Hors plan de relance et charges ponctuelles, les dépenses progressent de 1,1 %, soit une très légère réduction en valeur. Il faudra être attentif aux dépenses fiscales. Mais le passé, mais le passif accumulé ?

Nous avons le devoir d'envisager un scénario dans lequel notre potentiel de croissance serait durablement entamé : 2 % hier, 1 % aujourd'hui, et demain ? Un nouveau coup de torchon a été donné sur des pans entiers de notre industrie et l'on ne peut exclure des pertes pérennes de recettes d'impôts, notamment d'impôt sur les sociétés. En 2009, elles ne couvriront que 60 % des dépenses et le déficit, qui atteindra 140 milliards, sera de 110 milliards l'an prochain. A ce niveau de déficit, nous n'amortissons pas la dette qui vient à échéance. Pour l'éteindre en cinquante ans, il faudrait dès 2011 voter un budget en équilibre. Les marges dégagées par la revue générale des politiques publiques comme par le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux sont insuffisantes. Notre déficit atteindra 8 % du PIB et la Commission européenne nous somme de revenir à 3 % d'ici 2013. Le Gouvernement envisage 2014. Puisse-t-il avoir raison car serons-nous crédibles si nous différons les mesures structurelles qu'impose la situation de nos finances publiques ? J'approuve par avance la stratégie annoncée par le Premier ministre pour réduire les déficits publics. Avons-nous d'autre choix que de souscrire à cette ambition ? L'heure de vérité pourrait d'ailleurs sonner dans les prochains mois avec le retour des emprunts à moyen et long termes et la fin des emprunts à court terme à des taux anormalement avantageux. Quand on emprunte à moins de 0,4 %, les dettes augmentent mais pas leur charge. Quelle performance ! Reste qu'un quart de point d'augmentation des taux alourdira la charge de la dette de 600 millions en un an et de 3,75 milliards sur dix ans.

Dans ce contexte, le projet de budget ne doit pas viser que la sortie de crise mais ambitionner d'être porteur d'espoir et de préparer l'avenir. Le grand emprunt, qui sera traité dans un prochain collectif, relève des mêmes impératifs et d'enjeux identiques. Cependant, face à cette nouvelle injection de dépenses publiques, je ne peux pas ne pas avouer de fortes réserves devant le complément annoncé, comme si le texte d'aujourd'hui était incomplet. Pourquoi ne pas l'avoir inscrit dans le projet que vous défendez aujourd'hui ?

Notre appréciation porte sur un seul point : ce projet est-il de nature à améliorer la compétitivité des entreprises, à améliorer le cadre de vie des français, à restaurer nos finances publiques, à nous donner ce surcroît de croissance dont nous avons tant besoin et à favoriser l'emploi ? Au-delà des intentions que j'approuve sans réserve, j'éprouve quelques réticences sur la méthode. Disciple d'une méthode...

Mme Nathalie Goulet.  - Cartésienne ? (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - ...je ne doute pas que nous progresserons. Le débat, du moins, rapprochera les points de vue. Il ne suffira pas d'afficher des intentions louables, il convient de rendre clair ce que nous aurons voté pour que chacun puisse rentrer sereinement dans son département et en expliquer les bienfaits. La réforme doit être lisible pour être acceptée.

Conformément à la proposition que j'ai faite à la Conférence des Présidents, nous débattrons cet après-midi de la suppression de la taxe professionnelle. Cette réforme légitime met un terme à une situation anormale car cet impôt accentue les délocalisations...

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - ...que préparent les externalisations.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La France a déjà perdu de nombreux emplois. Peut-on continuer ainsi ? Cet allégement au 1er janvier 2010 répond donc à une nécessité. Cependant, trois écueils n'ont pas été évités. Je me réjouis que le ministre de l'intérieur ait pu vous apporter son aide. (Mme Nicole Bricq s'exclame) La substitution partielle d'une assiette fondée sur la valeur ajoutée marque le retour des salaires dans le calcul de la contribution.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est le retour de la TP d'avant 1999. (M. François Marc le confirme) J'ai bon espoir...

M. François Marc.  - Il ne faut pas le voter !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - ...qu'on puisse éviter ce risque de délocalisation du fait d'une charge salariale de 2,5 %.

Deuxième écueil, la réforme voulue par le chef de l'État coûte 4 milliards aux finances publiques, et 10 % du déficit l'an prochain. Enfin, sa lisibilité est faible. Ce texte abscons est difficilement abordable, même pour les parlementaires. Les élus locaux ne perçoivent pas la logique du dispositif.

Mme Nicole Bricq.  - Il n'en a pas.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Si l'envoi d'une lettre d'explication a été bienvenu mais tardif, votre propos d'hier, porte de Versailles, a été convaincant.

La taxe carbone a été au coeur des réflexions de notre commission et du rapport de Mme Keller. La France accomplit ainsi un geste à la veille de Copenhague mais le taux retenu est deux fois plus faible que le prix de démarrage retenu par les experts nommés par le Président de la République.

La trajectoire d'évolution de la taxe n'est pas fixée par la loi de finances et pourtant, nous avons besoin de prévisibilité et de lisibilité. Bien que son montant soit à faible rendement et que son impact sur les habitudes de consommation reste à démontrer, nous allons certainement assister à un défilé incessant pour obtenir de nouvelles niches fiscales tant le sujet s'y prête. Je compte sur la vigilance du rapporteur général pour que nous échappions à leur multiplication : certaines niches seront justifiées, d'autres beaucoup moins.

Il reste à régler le problème évoqué en termes convaincants par le Président de la République à Nîmes : la mise en place d'un mécanisme d'inclusion de la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Cette taxe serait un contresens lourd de conséquences si nous imposions à nos entreprises des règles environnementales particulièrement contraignantes tout en laissant entrer au sein de l'Union des produits qui ne les respectent pas. (M. Adrien Gouteyron applaudit) Il y aurait délocalisation d'entreprises et d'emplois sans rien changer à la pollution, planétaire : ce serait une situation d'un ridicule absolu.

J'en viens aux impératifs qui doivent guider notre action en ces temps difficiles où la France a l'ardente obligation de trouver sa place au sein d'un monde de plus en plus ouvert.

Premier impératif : assurer la compétitivité de notre économie que la crise a soumise à si rude épreuve. Ce projet de budget y parvient-il ? Globalement oui, en dépit de ses insuffisances et des incertitudes qu'il ne parvient pas à lever. Je souhaite que les propositions de la commission des finances soient prises en compte, notamment sur la réforme de l'impôt économique local.

Deuxième impératif : l'objectif de justice fiscale est la condition indispensable de notre cohésion sociale. Une réflexion sur l'impôt serait une contribution utile au débat sur l'identité nationale.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, nous nous étions donné rendez-vous, madame la ministre, sur un point qui me tient à coeur : celui du bouclier fiscal qui demeure une mauvaise réponse apportée à un mauvais impôt, l'ISF. La crise a rendu parfaitement caduc cet instrument et même si des progrès ont été réalisés à l'Assemblée nationale sur la définition du revenu fiscal de référence, le compte n'y est pas. Vous connaissez mes propositions sur le triptyque, suppression de l'ISF et du bouclier fiscal et institution d'une nouvelle tranche d'imposition à l'impôt sur le revenu ainsi qu'une hausse du barème d'imposition des plus-values mobilières et immobilières.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'y reviendrai avec, je le souhaite, plus de succès que les années précédentes.

Il faut refonder le pacte républicain sur l'impôt et permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Le budget de 2010 peut et doit y contribuer. Du moins ferai-je tout pour qu'il en soit ainsi. (Applaudissements au centre et à droite)

Un dernier mot sur l'organisation de nos travaux : trois motions de procédure ont été déposées. La commission des finances se réunira avant la reprise pour statuer sur leur sort de telle sorte que nous puissions les examiner immédiatement après la clôture de la discussion générale et avant l'ouverture du débat sur les collectivités territoriales qui devrait commencer en fin d'après-midi, nous permettant demain après-midi d'ouvrir la discussion sur les articles de la première partie sur l'article 2 qui porte sur la suppression de la taxe professionnelle et l'institution d'une contribution économique territoriale.

La séance est suspendue à midi cinquante.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 15 heures.