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Table des matières



Loi de finances pour 2010 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Articles additionnels après l'article premier

Article 4

Articles additionnels

Engagement de procédure accélérée

Renvoi pour avis

Loi de finances pour 2010 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 4 bis

Article 5

Mises au point au sujet de votes

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 5 (Suite)

Articles additionnels

Articles additionnels après l'article 8 bis (appelés en priorité)

Article 5 bis

Article 6




SÉANCE

du lundi 23 novembre 2009

33e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances pour 2010 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles de la première partie, nous en revenons à l'article premier, les articles 2 à 3 et 13 à 20 ayant été examinés par priorité.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°I-283, présenté par M. P. Dominati et Mlle Joissains.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les documents émanant du gouvernement et engageant les fonds publics, les rapports budgétaires ministériels et les formulaires d'envoi concernant les déclarations d'impôt doivent être assortis de la mention suivante : « Le crédit nous engage, il doit être remboursé. L'Etat vérifie ses capacités de remboursement avant de s'engager ».

M. Philippe Dominati.  - Cette année, beaucoup d'orateurs l'ont souligné, est exceptionnelle par l'importance du recours à l'emprunt pour combler le déficit public. Par cet amendement, nous souhaitons que l'État, comme le législateur l'a voulu pour protéger le consommateur lors des débats sur la réforme du crédit à la consommation au Sénat, appose un message d'avertissement sur les documents publics concernant notre situation budgétaire délicate. Outre cet amendement, comment comptez-vous, monsieur le ministre, sensibiliser les agents publics à cette question ? Allez-vous, à l'instar des ministres de l'intérieur et de la santé, organiser des réunions régulières ? Dernière précision, je n'ignore pas la difficulté de sélectionner les documents publics concernés par une telle mesure. Je reprends, dans cet amendement, une idée du président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - L'amendement procède d'une heureuse pédagogie, mais est-il juridique ? La commission sympathise, mais s'en remet à l'avis du Gouvernement pour les aspects opérationnels.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Je ne suis pas favorable à l'amendement, tout en l'étant à l'état d'esprit...

M. Denis Badré.  - L'amendement est sympathique !

M. Eric Woerth, ministre.  - ...car l'État ne peut vivre à crédit ! La pédagogie commence d'abord entre nous. Le recours massif à l'endettement appelle une réponse massive du Gouvernement. A cet égard, nous avons déjà commencé à prendre le taureau par les cornes et nous continuerons de le faire, comme dans la plupart des pays du monde qui sont très endettés. Bref, ajouter une mention sur un document ne me semble pas approprié. Retrait ?

M. Philippe Dominati.  - Soit, le moment n'est pas venu. Mais j'aurais aimé savoir, monsieur le ministre, quelles actions pédagogiques vous entendez mener en cette année historique.

M. Michel Charasse.  - L'intention est louable, mais l'amendement relève du règlement. La solution serait que le ministre s'engage auprès de M. Dominati à faire figurer ladite mention sur la lettre qui accompagne systématiquement depuis quelques années la déclaration de revenus.

M. Eric Woerth, ministre.  - Le sénateur Charasse a raison, la mention pourrait être ajoutée au document joint à la déclaration. Concernant l'organisation de rendez-vous, monsieur Dominati, le Président de la République a annoncé la réunion de la Conférence des finances publiques et le Parlement abordera la question de l'endettement lors du collectif pour le grand emprunt et de la révision des projections pluriannuelles des finances publiques.

L'amendement n°I-283 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-223, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 278. - À compter du 1er janvier 2009, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 17,60%. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés.

M. Thierry Foucaud.  - La TVA est un impôt profondément injuste et paradoxalement dégressif -10 à 12 % du salaire pour une personne au Smic, contre 6 à 7 % pour une personne aux revenus de 10 000 euros- dont le rendement est deux fois supérieur à celui de l'impôt sur le revenu, notamment à cause du bouclier fiscal. En 2008, M. Fillon avait refusé de baisser la TVA au motif qu'il ne fallait se priver d'aucune ressource en période de crise. Nous approuvons mais à condition de viser toutes les ressources, y compris celles des plus riches. La concurrence n'a pas entraîné la baisse des prix escomptée, les acteurs de la distribution s'étant entendus pour conserver leurs marges et rémunérer grassement leurs actionnaires. Pour nous, il revient à l'État d'augmenter le pouvoir d'achat en réduisant la TVA.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission ayant une analyse diamétralement opposée à celle de M. Foucaud, son avis est, sans surprise, très défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Thierry Foucaud.  - Le groupe CRC-SPG vous cite rarement en exemple la Grande-Bretagne... Le Premier ministre anglais a consenti en novembre dernier une baisse de la TVA de 2,5 % qu'il annonçait vouloir accompagner par une hausse de 5 % sur l'imposition des revenus les plus riches.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Dans ce cas, il faut tout prendre !

M. Michel Charasse.  - Y compris la reine ! (M. Philippe Marini, rapporteur général, renchérit)

M. Thierry Foucaud.  - Il faut impérativement réformer la TVA pour la rendre plus juste.

Et ce d'autant plus que depuis sa création en 1954, les choses ont bien changé : la valeur ajoutée n'est plus répartie de la même manière puisqu'elle s'est progressivement déplacée des salaires vers les dividendes des actionnaires. Par ailleurs, comment refuser une baisse généralisée de la TVA alors que votre majorité a consenti, sans aucune contrepartie obligatoire, une baisse de la TVA à la restauration ? La baisse que nous proposons est attendue par l'immense majorité de nos concitoyens, à commencer par les plus modestes.

L'amendement n°I-223 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-436, présenté par M. Cambon et Mme Procaccia.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au huitième alinéa du 1° de l'article 1382 du code général des impôts, après les mots : « les hospices », sont insérés les mots : « à hauteur de 90 % de leur base d'imposition »

M. Christian Cambon.  - Le département du Val-de-Marne est riche en hôpitaux. Or depuis la suppression de la taxe sur les salaires, aucune fiscalité ne relie plus les hôpitaux avec les communes qui les accueillent et qui en supportent pourtant les charges : demandes de logements -plus de 200 dans ma commune, qui ne sont imputables ni sur le 1 %, ni sur le contingent préfectoral- places en crèches, voirie etc... Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les hôpitaux mais de prendre en compte un phénomène nouveau. Désormais les hôpitaux vendent fréquemment des terrains, y compris des terrains à bâtir à des sociétés privées, qui y construisent des immeubles ou des résidences de retraite ; ou bien ils sont subventionnés pour être traversés par des canalisations. Il serait donc naturel de mettre à contribution ces établissements en limitant l'exonération à 90 % de la base imposable. D'après les contacts que j'ai eus, les hôpitaux seraient prêts à contribuer ainsi à la vie locale.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Maire d'une ville qui abrite un centre hospitalier, je suis sensible à l'argument mais il y a là un phénomène de vases communicants entre l'assurance maladie et l'État. On pourra examiner une mise au droit commun lorsque les comptes de la sécurité sociale seront revenus à l'équilibre mais, dans l'immédiat, ce serait difficile à imaginer. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Je ne suis pas opposé à l'idée d'apporter des ressources supplémentaires aux collectivités locales mais, in fine, il faut bien que quelqu'un paye et cette imposition serait répercutée dans le prix de journée ou ailleurs. On ne peut reporter les charges des communes sur des organismes qui ont déjà des difficultés budgétaires. Avis défavorable.

M. Christian Cambon.  - Je suis sensible aux paroles du rapporteur général. C'était un amendement d'appel pour attirer l'attention sur un phénomène nouveau, la vente de terrains par les hôpitaux. Comme ils en tirent un bénéfice, pourquoi ne contribueraient-ils pas au budget des collectivités ? Il s'agit souvent de terrains à bâtir et les sommes en jeu sont considérables. Je peux vous faire une liste des opérations conclues dans mon département.

L'amendement n°I-436 est retiré.

L'amendement n°I-82 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-228, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - A compter du 1er janvier 2010, pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts, les personnes morales sont assujetties à une contribution égale à 10 % de l'impôt sur les sociétés, calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 du même code.

II. - La contribution est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.

Pour les entreprises dont l'exercice est clos en 2010 avant le 1er juin, la contribution due au titre de cette année est payée au plus tard le 15 septembre 2010.

Pour les exercices arrêtés au cours des mois de mars à décembre ou pour la période d'imposition mentionnée au I, la contribution donne lieu, au préalable, à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, avant la clôture dudit exercice ou la fin de ladite période ; la somme due est alors égale à 10 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats de l'exercice ou de la période qui précède, imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 du code général des impôts.

Lorsque la somme due au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application de l'alinéa précédent est supérieure à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut réduire ce versement à concurrence de l'excédent estimé. Elle remet alors au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du versement anticipé, une déclaration datée et signée.

Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 du code général des impôts est appliquée aux sommes non réglées.

III. - La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

IV. - Pour les personnes mentionnées au I qui sont placées sous le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223 D du même code.

V. - Pour les personnes mentionnées au I qui sont placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies du code général des impôts, la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime. La contribution n'est ni imputable ni remboursable.

Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies du code général des impôts et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies du même code ne sont pas imputables sur cette contribution.

VI. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article.

M. Thierry Foucaud.  - Depuis plus de vingt ans, on a réduit la contribution des entreprises au financement des dépenses de l'État et de la sécurité sociale dont on a aussi a aggravé les déficits. Des milliards ont été distribués aux entreprises, dans le cadre du plan de relance, sous toutes les formes possibles et imaginables. On a ainsi remboursé des acomptes d'impôt sur les sociétés sans limite et sans contrôle excessif, et il semble bien qu'on ait donné en ce sens des instructions à la direction générale des finances publiques. Bilan : 24 milliards d'acomptes, 4 de crédit d'impôt, plus de 20 milliards en deux ans exonérés d'imposition au titre de la suppression de la taxation des plus-values de long terme. Tout cela a certes amélioré la trésorerie des entreprises, mais n'a ni résolu la question du sous-emploi, ni enrayé la chute des investissements productifs. Cela a surtout profondément dégradé la situation des comptes publics. Le déficit budgétaire, qui excède largement le coût du seul service de la dette, appelle des décisions importantes parmi lesquelles le relèvement du taux d'imposition sur les bénéfices des sociétés, en remettant en place le dispositif que la majorité sénatoriale avait dû voter, en des temps aussi troublés, à l'été 1995. Le redressement des comptes publics est une nécessité. La mesure que nous proposons dégagerait plus de 6 milliards de ressources nouvelles, avec lesquelles l'État pourrait revenir sur les mesures de réduction massive d'emplois publics.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet amendement procède d'une vision doctrinale de la situation. J'apprécie la cohérence et la persévérance du groupe CRC-SPG ; il est naturel que la majorité de la commission fasse preuve des mêmes qualités. Avis très défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Notre taux d'imposition sur les bénéfices, et notre taux global de prélèvement sur les entreprises sont déjà plus élevés que ceux de la plupart de nos partenaires. Avis défavorable.

M. Thierry Foucaud.  - Avec 6 milliards de ressources nouvelles, l'État pourra se dispenser d'émettre de nouveaux titres de dette publique, notamment des ressources de trésorerie. Alors qu'on parle de plus en plus du grand emprunt, on semble oublier que, durant le seul mois de juin 2009, plus de 50 milliards de bons du Trésor de court terme ont été émis !

M. Jean Desessard.  - Je voterai cet amendement. Monsieur le ministre, vous opposez l'argument de la concurrence de nos principaux partenaires. A ce sujet, quelles démarches votre ministère entreprend-il pour harmoniser les fiscalités européennes ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Sans vouloir excéder ma condition, je vous signale qu'il y a, au niveau européen, une démarche d'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés. Maintenant que l'Europe a un président et une gouvernance plus efficace, on peut espérer que le commissaire en charge de la fiscalité impulsera le mouvement d'harmonisation de l'assiette de cet impôt, plus prioritaire que l'harmonisation des taux...

M. Michel Charasse.  - M. Desessard est très européen !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Tant mieux !

L'amendement n°I-228 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 199 ter B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les huitième et neuvième alinéas du I sont supprimés ;

2° Il est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV.  -  Par exception à la troisième phrase du premier alinéa du I :

« 1° Les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date du jugement qui a ouvert ces procédures. Ce remboursement est effectué sous déduction d'un intérêt appliqué à la créance restant à imputer. Cet intérêt, dont le taux est celui de l'intérêt légal applicable le mois suivant la demande de l'entreprise, est calculé à compter du premier jour du mois suivant la demande de l'entreprise jusqu'au terme des trois années suivant celle au titre de laquelle la créance est constatée ;

« 2° La créance constatée par les petites et moyennes entreprises mentionnées à l'article 220 decies au titre des années au cours desquelles elles bénéficient de la réduction d'impôt prévue au même article ou celle constatée par les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l'article 44 sexies-0 A est immédiatement remboursable ;

« 3° Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009 et l'excédent est immédiatement remboursable.

« Les entreprises peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2009.

« Le montant de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 et utilisé pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre de cette année est diminué du montant du remboursement mentionné au deuxième alinéa du présent 3°.

« Si le montant du remboursement mentionné au même deuxième alinéa excède le montant du crédit d'impôt prévu au troisième alinéa, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009 est majoré de cet excédent.

« Lorsque le montant du remboursement mentionné au même deuxième alinéa excède de plus de 20 % la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009, cet excédent fait l'objet :

« a) De la majoration prévue, selon le cas, à l'article 1730 ou à l'article 1731 ;

« b) D'un intérêt de retard dont le taux correspond à celui mentionné à l'article 1727. Cet intérêt de retard est calculé à partir du premier jour du mois qui suit le remboursement mentionné au deuxième alinéa du présent 3° jusqu'au dernier jour du mois du dépôt de la déclaration de crédit d'impôt calculé à raison des dépenses engagées au titre de 2009. »

M. le président.  - Amendement n°I-186, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Les articles 69 et 70 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 sont abrogés.

M. Thierry Foucaud.  - Ainsi, le crédit d'impôt recherche (CIR) aura vécu.

Depuis le 1er janvier 2008, l'assiette de cette niche fiscale inclut la totalité des dépenses de recherche des entreprises, cependant que le taux du crédit impôt atteint 50 % la première année, puis 40 % l'année suivante pour les entreprises qui n'en avaient pas bénéficié au cours des cinq précédents exercices.

La Cour des comptes estime que le nouveau dispositif simplifie le système et améliore sa sécurité juridique, mais elle demande une évaluation sérieuse de ses effets, notamment pour les PME.

Les premières études disponibles étaient peu probantes quant à l'effet incitatif, puisque un euro de CIR n'induit qu'un euro de dépense en recherche et développement. Il apparaît en outre que les principaux bénéficiaires sont des entreprises employant plus de 250 salariés. Enfin, on ne constate aucun effet d'entraînement à moyen et long terme.

Les seules évaluations économétriques disponibles portent sur le régime antérieur à 2008, ce qui n'autorise pas à les extrapoler au système en vigueur.

Autant dire que le Parlement est encore une fois invité à voter une mesure dont il ignore les effets.

Plus préoccupant, le rapport de M. Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, établit que les deux tiers du crédit d'impôt bénéficient au secteur tertiaire, notamment aux banques, aux assurances et aux conseils d'entreprises. Le Gouvernement incrimine le changement de la nomenclature utilisée par l'Insee depuis 2008, mais la recherche industrielle n'a bénéficié que marginalement du dispositif entre 2004 et 2007, elle qui réalise 90 % de la recherche privée en France, tandis que le crédit d'impôt a triplé dans le tertiaire ! Le CIR remontant des filiales industrielles jusqu'au groupe à sa tête, le soutien financier à la recherche privée se mue en subventions aux holdings financières, sans lien avec le terrain. (M. Jean Desessard applaudit)

M. le président.  - Amendement n°I-281, présenté par M. Philippe Dominati, Mlle Joissains et M. Revet.

I. - Alinéas 7, 8, 9, 10 et 11

Supprimer l'année :

2009

II. - Alinéas 8 et 13, seconde phrase

Remplacer les mots :

au titre de 2009

par les mots : au titre de l'année

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Dominati.  - Amortisseur en temps de crise et tremplin de la relance, le CIR est un incontestable succès à pérenniser.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Aucun des deux amendements n'a convaincu la commission. In medio stat virtus.

Le CIR est globalement efficace, mais on ne peut reconduire un plan de relance ad vitam aeternam.

M. Eric Woerth, ministre.  - Le Gouvernement n'est favorable ni à l'un, ni à l'autre des amendements.

Le CIR a tenu ses promesses, puisque de nombreuses entreprises en ont bénéficié, au point que certaines relocalisent cette activité dans notre pays, qui devient très compétitif.

Les holdings interviennent via leur participation dans des entreprises, souvent industrielles, éligibles au CIR. Il y a aussi de la recherche dans le tertiaire, notamment en matière informatique. Le dispositif n'est donc pas détourné de son objet. Voyez dans vos départements des entreprises en bénéficient !

Il serait bien sûr très coûteux de pérenniser un plan de relance... Nous devrons examiner l'avenir de ce dispositif lors de la sortie de crise.

Mme Nicole Bricq.  - Le CIR date des années 1980.

M. Jean Desessard.  - Des années fastes !

Mme Nicole Bricq.  - Il a été remodelé par la loi Tepa au nom de la compétitivité fiscale.

M. Christian Gaudin, rapporteur spécial, a fait un point d'étape en commission des finances. Il était prudent, faute d'évaluation des effets d'une dépense fiscale représentant 4 milliards d'euros en année pleine. (M. Jean Desessard applaudit) Ce montant est considérable !

Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les dépenses fiscales.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très juste !

Mme Nicole Bricq.  - Nous ne leur sommes pas systématiquement hostiles, à condition qu'elles aient une utilité économique ou sociale.

En l'occurrence, l'assiette inclut des dépenses de marketing, qui concourent peu à la recherche.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Le CIR a fait venir dans les Hauts-de-Seine Microsoft et douze entreprises de biotechnologie auparavant localisées à Londres.

M. François Marc.  - Ce n'est pas lui qui les attire !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Il ne faut donc pas toucher trop vite à un dispositif qui participe à l'attractivité de notre territoire.

De façon générale, la stabilité législative est nécessaire. En matière fiscale, on n'obtient rien si la règle change chaque année !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je suis également défavorable aux deux suggestions.

M. Christian Gaudin a montré que le CIR constituait un puissant levier pour la recherche, mais nous souhaitons évaluer la relation entre recherche et production : perfectionner nos connaissances est très bien, mais nous nous heurtons à une véritable difficulté si le processus induit est délocalisé en Europe centrale ou en Asie.

M. Thierry Foucaud.  - La majorité sénatoriale se félicite lorsqu'une incitation fiscale est attractive pour les investisseurs ; elle prend prétexte des délocalisations pour demander des cadeaux supplémentaires aux entreprises !

Dans son dernier rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires estime que le CIR n'a qu'une faible incidence sur la recherche et développement. Il a doublé entre 2002 et 2006, alors que la part des financements privés dans la recherche et développement est passée de 54,2 % en 2002 à 52,2 % en 2006, malgré une part inférieure de dix points à la moyenne de l'OCDE. La participation accrue des finances publiques n'a pas enrayé la diminution globale des dépenses, alors que celles-ci augmentent en moyenne dans l'OCDE.

Il faut donc s'interroger sur la pertinence d'un dispositif dont le coût augmente chaque année. Avec le plan de relance, il progressera encore de 1 530 millions d'euros l'année prochaine !

Le crédit impôt recherche est utilisé par les grandes entreprises comme un outil d'optimisation fiscale -et elles suppriment des postes de chercheurs !

M. Jean Desessard.  - Je voterai l'amendement n°I-186.

On fait un cadeau de 4 milliards aux entreprises sans qu'aucune étude précise ne montre ce qu'il rapporte à la collectivité.

M. Philippe Dominati.  - J'ai été amené à connaître le dossier Microsoft, qui a un certain nombre de bureaux à Paris. Nous étions en compétition avec plusieurs villes allemandes et avec Londres. Grâce au crédit impôt recherche, nous avons réussi à convaincre Microsoft de conserver des activités commerciales et de recherche en France, et ainsi 1 700 emplois ont été conservés. Cela montre l'efficacité du crédit impôt recherche.

L'amendement n°I-281 est retiré.

L'amendement n°I-186 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°I-300, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :

« 2 ter. Pour l'application du 1 et du 2 de cet article, les charges d'intérêts liées à l'émission d'emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 66 %.

Mme Nicole Bricq.  - Le LBO permet de racheter une entreprise, parfois beaucoup plus importante que celle qui sert de base à l'opération, sans en avoir les moyens ; d'où le recours à l'emprunt. Ce type de rachat est plutôt motivé par des objectifs financiers que proprement industriels. A rechercher ainsi une haute rentabilité à très court terme, on a déchiré notre tissu industriel. Depuis qu'a éclaté la crise, nous sommes un peu moins seuls à dénoncer ces pratiques qui mettent de nombreuses sociétés en situation de surendettement. Les banques quant à elles se font généreusement rétribuer pour ces opérations qui ne contribuent pas au financement de l'économie réelle.

Selon l'assureur crédit Coface, sur les 1 600 entreprises en LBO en France, 900 sont en zone de surveillance, et plusieurs en zone d'alerte. Certes, les LBO ne sont pas à l'origine des difficultés des entreprises, mais elles les aggravent. En effet, les banques ont octroyé des crédits allant jusqu'à 80 % de la valeur de la société cible. L'entreprise rachetée par un fonds est censée rembourser la dette grâce au résultat qu'elle génère mais le ralentissement de l'économie rend la dette insupportable.

Notre amendement vise à décourager les opérations LBO les plus risquées, en supprimant l'avantage fiscal dû à la déductibilité des intérêts d'emprunts, lorsque le rapport entre les capitaux propres et la dette financière est inférieur à 66 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission est sensible au problème mais elle ne pense pas que cette solution soit opérationnelle. Cet amendement n'est pas d'une clarté complète.

Mme Nicole Bricq.  - Certes.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Si je le traduis bien, il faudrait considérer que, pour une dette de 66, il faut avoir un capital propre de 33.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Non : 40 face à 60.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ces 40 que je dois avoir en poche, d'où viennent-ils ? Ce peut être d'une holding qui se serait elle-même endettée dans ce seul but. Il nous semble donc que cet amendement est à la fois trop général et trop rigide, sans être assez verrouillé. Nous ne pouvons donc l'accepter en l'état.

Reste que la question de cet avantage fiscal doit être traitée. Faut-il faire preuve de malthusianisme ? Non. Faut-il restreindre les avantages fiscaux des opérations les plus risquées ? Oui. Je serai donc heureux d'entendre le Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - De fait, le problème est important. Mais un dispositif du 1er janvier 2008 traite de la déductibilité de ces charges financières, et un amendement Charasse, aménagé en 2005 et 2006, de leur déductibilité en cas d'achat de dettes à soi-même.

Votre amendement ne tourne pas du fait qu'il est généralisé à tous les types d'entreprises alors que les situations sont très différentes selon les secteurs. Ce n'est pas le LBO qui fait problème mais l'abus qui en est fait.

Notre avis est évidemment défavorable.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Mme Bricq a posé un vrai problème à propos des LBO exagérément mis en oeuvre : les taux d'intérêt très faibles ont permis des effets de levier excessifs et le régime fiscal du carried interest a été utilisé dans des conditions très contestables. Nous avons tenté de corriger ce dispositif il y a un an et Mme Lagarde a sorti un décret cet été. Il est perfectible mais il devrait déjà calmer le jeu. Avec des acteurs très déterminés comme les gérants de fonds, les garanties n'ont pas bien fonctionné. Ce levier fiscal doit donc être mis sous contrôle.

Mme Nicole Bricq.  - Je constate que vous ne contestez pas la nocivité de cette disposition qui aboutit au surendettement des entreprises au détriment de leurs investissements dans l'économie réelle. Vous reprochez à notre amendement d'être trop général. J'accepte cet argument et j'en déduis que nous devons travailler sur ce sujet. Bercy devrait expertiser les choses avec les moyens dont il dispose et que nous n'avons pas au groupe, ni peut-être à la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Le décret de Mme Lagarde répondait à une bonne inspiration ; je vous soumettrai ultérieurement un amendement afin de mieux distinguer entre jeunes entreprises innovantes, qui prennent des risques, et LBO strictement financiers.

M. Eric Woerth, ministre.  - Je suis favorable à l'idée de travailler sur cette question du rapport entre capital et dette, sans diabolisation de l'emprunt mais en prévenant les abus.

M. François Marc.  - Si le pourcentage de 66 % pose problème, je suggère que la commission sous-amende...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Trop complexe pour être fait dans l'instant !

M. François Marc.  - Nous maintenons tout de même l'amendement car l'effet de levier qui engendre des profits peut aussi jouer négativement et entraîner une désagrégation du système. Nous recherchons des garde-fous à un système spéculatif et dérégulé. En voici un. Les LBO comportent des risques pour l'avenir. Par principe, nous voulons donc que l'amendement soit soumis au vote.

M. Jean Desessard.  - Bravo.

M. Gérard Longuet.  - Je ne le voterai pas. Je comprends votre préoccupation et les excès ont été nombreux. Mais les situations sont infiniment diverses et l'on ne peut interdire à un vendeur de céder son entreprise à qui veut l'acheter ; c'est une nécessité absolue pour la vitalité du tissu économique. Ce qui est choquant, c'est que certains fassent prendre des risques aux autres sans les assumer eux aussi. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs et il arrive que des acheteurs dans le cadre d'un LBO soient incités à s'endetter excessivement. Mais on a le droit d'être intelligent ; et l'on peut se garder d'anticiper des profits déraisonnables ! Sinon on s'expose à devoir pallier les défaillances résultant de la cupidité et du suivisme extrêmes. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle André.  - Nous maintenons l'amendement et serons attentifs à l'amendement du président de la commission.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est un sujet sur lequel nous travaillons mais il n'y aura pas d'amendement à ce projet de loi de finances car nous ne serons pas en mesure d'en présenter un si tôt. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, le levier de l'emprunt est utile dans bien des situations. Nous allons réfléchir avec l'administration et les professionnels et nous vous soumettrons le moment venu un mécanisme équilibré.

L'amendement n°I-300 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-303, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 206 du code général des impôts, il est inséré un article 206 bis ainsi rédigé :

« Art. 206 bis. - Il est établi une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour l'année 2010. Son taux est fixé à 10 %. Sont redevables de cette taxe les établissements de crédit agréés par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement. ».

M. François Marc.  - Nous instaurons, pour 2010, une taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés, pour les établissements de crédit. En effet, l'État a joué le rôle d'assureur dans la crise bancaire en 2008 ; 75 milliards d'euros de titres de dette ont été émis par la société de financement de l'économie française, afin d'accorder des prêts aux banques et 20 autres milliards ont financé des opérations de renforcement des fonds propres, par l'intermédiaire de la Société de prises de participations de l'État. Les banques ne sont pas directement à l'origine de la crise financière mais elles ont été parties prenantes d'un système qui favorise la prise de risques extrêmes. Elles n'ont pas évité les actifs toxiques et ce sont les contribuables qui paient les conséquences de ces pratiques aventureuses : 500 000 chômeurs de plus en un an, des déficits publics à 8,7 % du PIB et une dette de 84 % du PIB !

Le type d'opération choisi, la souscription d'actions préférentielles, laisse à la seule initiative des emprunteurs le remboursement des prêts et prive l'État de toute rémunération automatique -à la différence des titres subordonnés. Les établissements décident de ce qu'ils versent à leurs actionnaires ordinaires. Les banques font à nouveau des bénéfices importants, parce qu'elles ont obtenu de la puissance publique une assurance tous risques et parce qu'elles ont relevé leurs marges de crédit. Elles considèrent aussi que les marchés sont revenus à la normale...

Nous proposons une taxe pour l'instant limitée à 2010, afin de ménager l'avenir. Il est juste que l'État et les contribuables participent à la santé retrouvée des établissements bancaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Si vous pénalisez les banques, il en résultera une pression sur leurs fonds propres et elles feront moins de crédit.

Mme Nicole Bricq.  - Moins qu'aujourd'hui ? Difficile !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cela aura un effet malthusien sur l'économie.

M. Jean Desessard.  - Attendons la prochaine crise...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'intérêt de notre économie est d'avoir des banques solides.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous préférons une taxe pérenne sur les établissements, pour financer la nouvelle autorité de marché : cette taxe rapportera entre 100 et 150 millions d'euros par an. Défavorable.

Mme Nicole Bricq.  - Quel rapport entre la contribution au fonctionnement de la nouvelle autorité et la contrepartie au soutien accordé par l'État et donc par les contribuables ? Ce n'est pas une question de montant mais de principe. Les entreprises et les particuliers ont toujours les plus grandes difficultés pour obtenir du crédit, alors que les banques ont eu accès à d'importantes liquidités, la BCE ayant fait le nécessaire. Une bulle pourrait en chasser une autre... Les banques doivent prendre conscience que le Parlement ne laissera pas faire.

M. François Marc.  - La puissance publique a apporté des liquidités et les profits iront aux actionnaires...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il n'y a qu'à nationaliser !

M. François Marc.  - L'amendement a une valeur symbolique. C'est une question d'éthique. Il faut restaurer la crédibilité des établissements. (M. Jean Desessard applaudit)

L'amendement n°I-303 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-301, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 209 du code général des impôts est complété par un IX ainsi rédigé :

« IX. Le montant de l'imposition due par l'entreprise au titre de la contribution économique territoriale visée à l'article 1447-0 du présent code n'est pas déductible des bases retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu. »

M. François Marc.  - Cet amendement tire les conséquences de ce qui a été voté sur la taxe professionnelle. Il vise à rendre non déductible de l'impôt sur les sociétés la nouvelle contribution économique territoriale versée par les entreprises.

Alors que notre déficit public dépasse 8 %, que notre dette publique avoisine les 90 %, il serait irresponsable de ne pas prévoir le financement d'une réforme qui coûtera, en régime de croisière, 5 milliards par an. Cela conduirait inévitablement à une hausse des charges pesant sur les ménages.

Nous proposons ici une forme d'autofinancement de la réforme, qui, faisant reposer l'essentiel de son financement sur les entreprises ne réinvestissant pas leurs bénéfices, limiterait son coût à 1,5 milliard.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet amendement n'est pas acceptable. C'est un principe constant du droit fiscal que sont déductibles les charges se rapportant à l'exploitation des entreprises et tel est bien le cas avec cette CET. On ne peut pas charcuter à sa guise le droit fiscal. Le résultat en serait incompréhensible.

Mme Nicole Bricq.  - Il est plaisant de vous entendre parler de charcutage alors que nous avons assisté, trois jours durant, au désossage des collectivités locales !

M. Jean Desessard.  - Après avoir évité l'étripage à droite...

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis.

Mme Nicole Bricq.  - Nous maintenons cet amendement, dont nous faisons aussi une question de principe.

L'amendement n°I-301 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-187, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est complété par les mots : « et à 46 % sur les dividendes versés aux actionnaires ».

M. Thierry Foucaud.  - La France est un pays de bas salaires. Le Cerc en a fait, en 2002, la démonstration, en constatant que les salaires du privé n'y dépassent pas 1 200 euros nets mensuels, que plus du tiers sont inférieurs au Smic et que plus de la moitié restent en deçà de 1,6 Smic, seuil limite des allègements de charges. De là à considérer que les employeurs maintiennent les salaires en dessous de ce seuil pour bénéficier des exonérations, il n'y a qu'un pas, que nous franchissons. La Cour des comptes elle-même définit ces mécanismes comme des trappes à bas salaires.

La France n'est pourtant pas, d'après Eurostat, le pays où le travail coûte le plus cher : quatre points de moins qu'au Royaume-Uni, deux points de moins qu'en Belgique, même s'il coûte deux points de plus qu'aux Pays-Bas et quatre points de plus qu'en Allemagne.

La part des salaires dans la valeur ajoutée ne cesse de se réduire. Avant la récession, elle était supérieure de cinq points à ce qu'elle est aujourd'hui, et de dix points par rapport au PIB de 1982. Corrélativement, les dividendes, assis sur la faiblesse des salaires ne cessent de croître : 25 % aujourd'hui contre 5 % en 1982.

Les salariés sont ainsi deux fois pénalisés : la faiblesse des salaires n'empêche pas les délocalisations.

Nous proposons donc de geler les dividendes plutôt que les salaires, et de les verser à un fonds de mutualisation sur l'usage duquel les salariés pourront exercer leur contrôle, le but étant de pousser les entreprises à investir. (M. Jean Desessard approuve)

M. le président.  - Amendement n°I-302, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le troisième alinéa de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... Le taux fixé au présent article est fixé à 31 % pour la fraction du bénéfice imposable mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Il est fixé à 49 % pour la fraction du bénéfice imposable distribuée. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. François Marc.  - Cet amendement vise à moduler les taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de l'affectation du bénéfice réalisé, pratique qui existe déjà chez certains de nos voisins européens. L'idée est de privilégier les entreprises qui contribuent à réduire le marasme.

La distribution de dividendes n'est sans doute pas le meilleur moyen de développer les capitaux des PME, bridées dans leur développement, en France, par manque de fonds propres. Les politiques jusque là menées par le Gouvernement pour les aider à se développer, comme les fonds d'investissement ou l'action d'Oseo n'ont pas donné les fruits escomptés. Les successions et les cessions en ont plus bénéficié que le développement. Les entreprises, pour réduire l'assiette de l'impôt sur les sociétés, restent sous-capitalisées.

La voie de réforme que nous proposons réduirait le coût de la constitution de fonds propres tout en la rendant endogène, la décision revenant à l'entrepreneur. Depuis quelques années, les bénéfices distribués ne font que croître. Il est temps de mener une politique incitative pour que les capitaux restent dans les entreprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission est évidemment hostile à une disposition qui figurait d'ailleurs déjà dans la proposition de loi du groupe socialiste fort bien rapportée par le président Arthuis, et dont M. Rebsamen était le premier signataire.

Hormis l'Estonie, seul pays de l'Union européenne à distinguer le taux de l'impôt sur les bénéfices selon l'affectation du résultat, tous les pays de l'OCDE pratiquent un seul et même taux d'imposition des profits.

L'Allemagne différenciait autrefois, mais elle a aboli cette disposition en 2000 ou 2001, et je ne crois pas me tromper en disant qu'elle l'a fait à l'initiative d'un ministre social-démocrate. Son taux, quelle que soit l'affectation des profits, est aujourd'hui de 25 %. (Mme Nicole Bricq le conteste) C'est une donnée législative que chacun peut vérifier.

Les actionnaires doivent être rémunérés quand les résultats sont bons, pour participer à l'heureuse évolution de l'entreprise, (exclamations à gauche) mais ils doivent l'être aussi quand les résultats sont mauvais, en remerciement de leur fidélité. (Vives exclamations à gauche)

M. Eric Woerth, ministre.  - Les dispositions que vous préconisez ont été supprimées en 2000, car elles n'ont pas donné les résultats escomptés. Au reste, il existe d'autres moyens d'aider au développement des entreprises que les incitations à développer leurs fonds propres. Le crédit impôt recherche en est un exemple.

Mme Michèle André.  - Nous ne faisons ici que reprendre une proposition de M. de Montesquiou, qui militait soit pour une contribution additionnelle exceptionnelle, soit pour une incitation fiscale plus partenariale. C'est là l'objet de cet amendement « bonus-malus », déjà présenté en loi de finances rectificative : le ministre avait alors dit que le débat méritait d'être approfondi...

Vous venez de le redire. Vous deviez interroger le Trésor et la Législation fiscale et recueillir leur expertise d'ici le budget 2010. Nous y sommes, où en êtes-vous ? Il est important de donner des marques de justice aux citoyens confrontés à la crise et que le spectacle de dividendes mirifiques et autres retraites chapeaux condamne à la double peine. Ce sont les consommateurs qui font les frais de la politique peu vertueuse de certaines entreprises, eux encore qui subissent les retombées des failles qu'elles exploitent sur les conseils de leurs armadas d'experts financiers. La multiplication des dérogations accroît les difficultés méthodologiques des comparaisons internationales qu'avait soulignées le Conseil national des impôts. La France n'a pas rattrapé son retard en la matière mais l'on sait qu'aux États-Unis, le tax gap atteint 210 milliards de dollars sur dix ans. Lancera-t-on une réforme contre les montages ingénieux que la direction générale des impôts qualifie d'abus de droit ? Osons donc un dispositif vertueux qui favorise le réinvestissement des bénéfices. N'est-ce pas le Président de la République qui trouvait choquant qu'on demande des efforts aux salariés face à la crise mais qu'on ne partage pas les profits quand tout va bien ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Marc.  - Mme André a fort bien illustré notre argumentation. Le rapporteur général a tenu des propos inappropriés, voire inadmissibles. Pour lui, il y aurait ceux qui comprennent l'économie de marché et les autres.

Mme Nicole Bricq.  - C'est vexant !

M. François Marc.  - On a déjà entendu ce genre de discours avant la crise. Ici même, en 2003, quand nous avions évoqué la régulation de la sphère économique et demandé des garde-fous, on avait dénoncé notre méconnaissance des mécanismes spéculatifs qui créent la richesse. On en voit les dégâts aujourd'hui. Il y a en réalité deux catégories d'investisseurs, les entrepreneurs d'une part, les spéculateurs et les prédateurs de l'autre. Les entrepreneurs sont prêts à laisser de l'argent dans la société. Nous voulons donc favoriser une économie d'entrepreneurs et développer l'esprit d'entreprise plutôt que soutenir une économie de spéculateurs.

M. Thierry Foucaud.  - Je rejoins ces propos. Nous assistons à une politique de classe : tout pour les uns, rien pour les autres.

M. Jean Desessard.  - Absolument !

M. Thierry Foucaud.  - Renault met ses ouvriers au chômage mais distribue des dividendes à ses actionnaires ; comme Peugeot, le constructeur automobile reçoit des aides de l'État mais supprime des milliers d'emplois. Or 1 % de cette aide aurait suffi pour empêcher le chômage technique. J'ai rappelé dans la discussion générale les déclarations de Carlos Ghosn qui veut profiter de la crise pour dégraisser. Oui, c'est bien cette politique de classe qui conduit à supprimer la taxe professionnelle...

M. Jean Desessard.  - Toujours pareil !

M. Thierry Foucaud.  - ...et inspire les mêmes arguments à la commission et au Gouvernement. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ce débat tout à fait intéressant reprend les arguments importants que l'on trouve dans le compte rendu de la discussion de la proposition de loi de M. Rebsamen, mais est-ce en marchant à sept amendements l'heure que nous aurons quelque chance d'arriver au rendez-vous du vote sur la première partie mercredi soir ?

L'amendement n°I-187 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-302.

M. le président.  - Amendement n°I-203 rectifié bis, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les deuxième et troisième alinéas du a. du I de l'article 219 du code général des impôts sont supprimés.

M. Thierry Foucaud.  - Le président de la commission des finances est sur son terrain quand il parle du temps du débat mais, sur le fond, nous ne bougeons pas. Cet amendement revient sur l'amendement de M. Marini qui a permis à 6 200 sociétés de bénéficier d'une exonération presque totale d'impôt sur les sociétés et cela en pleine période de crise. Il faudrait au contraire préserver les recettes publiques car ce n'est pas d'une explosion des dépenses dont souffre notre pays, mais bien d'un manque de financement.

M. le président.  - Amendement n°I-427 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Vall, Charasse et Tropeano.

Après l'article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Le I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du a. est supprimé.

2° Le a quinquies est ainsi rédigé :

« a quinquies Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 10 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable.

« Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a.

« La fraction des moins-values à long terme existant à l'ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010 afférente à des éléments exclus du bénéfice des taux définis au premier alinéa demeure imputable sur les plus-values à long terme imposées au taux visé au a, sous réserve de justifier la ou les cessions de ces éléments. Elle est majorée, le cas échéant, des provisions dotées au titre de ces mêmes éléments et non réintégrées à cette date, dans la limite des moins-values à long terme reportables à l'ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010.

« La fraction des moins-values à long terme existant à l'ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010, non imputable en vertu des dispositions du quatrième alinéa, peut être déduite des plus-values à long terme afférentes aux titres de participation définis au troisième alinéa imposables au titre des seuls exercices ouverts en 2010. Le solde de cette fraction et l'excédent éventuel des moins-values à long terme afférentes aux titres de participation définis au troisième alinéa constaté au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2010 ne sont plus imputables ou reportables à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. »

M. Michel Charasse.  - Il s'agit de limiter les effets du dispositif voté en 2004 sur proposition de notre commission des finances. Les intentions qui s'étaient manifestées ont été tellement dépassées par les résultats que la perte de recettes atteint 20 milliards, ce qui est considérable en ces temps d'impécuniosité de l'État. Ce résultat n'est pas celui qu'avaient voulu les auteurs de la proposition et M. Collin a souhaité que nous proposions un aménagement de nature à en limiter les effets.

M. le président.  - Amendement n°I-419 rectifié bis, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « participation » sont insérés les mots : « détenus depuis plus de cinq ans ».

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, une quote-part de frais et charges égale à 20 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. »

3° À la première phrase du dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

4° Aux première et dernière phrases du dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

II. - Après le a quinquies du I du même article, il est inséré un a quinquies A ainsi rédigé :

« a quinquies A. Le montant net des plus-values à long terme mentionnées au a quinquies est soumis aux dispositions du deuxième alinéa du I lorsque celui-ci porte sur les titres d'une entreprise ou d'une entité juridique établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, ou que cette entreprise ou entité juridique est établie ou constituée dans un État ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. »

III. - Le I s'applique aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2011.

M. François Marc.  - Il est défendu.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je voudrais apporter une réponse argumentée.

M. Michel Charasse.  - A 20 milliards !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'objet du premier amendement est de supprimer le régime de taxation des plus-values à long terme sur les titres de participation et de revenir à la situation antérieure à 2005, c'est-à-dire à un taux de 19 %. L'amendement de M. Charasse propose un taux de 10 % et celui de M. Marc est de même esprit, quoique de rédaction plus complexe. Il est inopportun de revenir sur cette réforme, malgré l'exploitation qu'en a faite Marianne.

M. Jean Desessard.  - Bonne lecture...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Préconisée par le Conseil des impôts dans son rapport 2004, cette mesure, outre qu'elle facilite la restructuration du capital des grands groupes, nous a permis de nous aligner sur nos principaux partenaires : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède... La France était isolée dans la compétition fiscale et il fallait en tirer les conséquences. En octobre 2009, le Conseil des prélèvements obligatoires a rappelé que 21 des 29 pays de l'OCDE appliquaient ce régime.

Le régime français n'est d'ailleurs pas le plus favorable, en raison de l'existence de la quote-part de 5 % qui est, elle, imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés. Il prévoit également un niveau minimum de participation, ce que ni l'Allemagne, ni la Belgique, ni l'Italie n'imposent, ainsi qu'une durée de détention des titres de deux ans, plus longue que dans les autres pays -aucune durée minimum n'est imposée en Allemagne et en Belgique. Le dispositif a été conçu par la commission des finances du Sénat en étroite concertation avec le Gouvernement -il n'a pas été porté par un parlementaire pour le compte de celui-ci. Je rappelle aussi qu'une période transitoire avait été prévue, accompagnée d'une taxe exceptionnelle qui a rapporté 1,5 milliard d'euros en 2006 et 2007.

Il s'agit plus en l'espèce d'un manque à gagner que d'une perte nette de recettes. (Mme Nicole Bricq s'exclame) On a jeté des chiffres à l'opinion, mais rien ne dit que toutes les transactions constatées l'auraient été sous le régime antérieur ; l'assiette aurait très vraisemblablement été inférieure. Enfin, le retour au régime antérieur créerait un double avantage : les plus-values qui se reconstituent avec la hausse des cours de bourse viendraient s'imputer sur les moins-values et échapperaient ainsi en partie à l'impôt...

Le nouveau régime n'est pas un cadeau aux grands groupes financiers, mais une mesure de compétitivité indispensable pour éviter que les holdings ne désertent le territoire. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis pour les mêmes raisons. Les modalités de calcul sont hautement discutables. Je ne crois pas une seconde que l'État aurait encaissé 20 milliards d'euros sous le régime antérieur, parce qu'une bonne partie de l'assiette aurait disparu. Dans tous les pays les plus-values à long terme sont exonérées. On peut toujours jouer à se faire peur... Le régime d'exonération est soumis à des conditions précises souvent plus sévères que dans les autres pays, comme une durée minimum de détention des titres, qui interdisent les simples jeux de trésorerie ou la spéculation.

Le nouveau régime, que l'ancien conseil des impôts comme la Cour des comptes avaient incité le Gouvernement à adopter, n'est pas hors norme, puisque seuls un ou deux pays ne l'ont pas. Le rapport Charzat de 2000 était lui aussi très clair. On sait que les holdings sont extraordinairement mobiles. Les 20 milliards d'euros, c'est de la fausse monnaie ! Si le chiffre était exact, le ministre du budget serait beaucoup plus agité qu'il ne l'est aujourd'hui... (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La France était dans l'obligation de se mettre à parité. S'il n'y avait plus d'imposition des plus-values, on pourrait imaginer que certains groupes, dans l'euphorie du moment, seraient tentés de surévaluer les titres qu'ils détiennent... Un peu d'harmonisation européenne ne ferait pas de mal...

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est la déductibilité des moins-values qui coûterait cher en période de crise boursière...

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Très cher !

Mme Nicole Bricq.  - Manque à gagner, pertes de recettes : in fine tout cela pèse le même poids... Ce que nous souhaitons, c'est une évaluation de la dépense fiscale ; 12 milliards d'euros en 2008, c'est énorme, un tiers du produit 2008 de l'impôt sur les sociétés ! Et 8 milliards en 2009, alors que l'impôt sur les sociétés s'est effondré... La crise a bon dos ! Je maintiens qu'en Allemagne l'impôt sur les sociétés est acquitté différemment selon que les bénéfices sont ou non réinvestis.

Je ne vous demande pas de vous justifier, monsieur le rapporteur général, on ne parlait pas encore de « coproduction législative » en 2004 ; le fait est que votre dispositif avait été sous-amendé par le Gouvernement pour en lisser les effets dans le temps, et qu'une taxe exceptionnelle avait été prévue qui a rapporté 1,4 milliard d'euros. Mais d'évidence le compte n'y est pas. Nous ne voulons pas supprimer cette niche fiscale, mais la contenir en portant la quote-part de 5 % à 20 %, ce qui correspondrait à un taux d'impôt sur les sociétés de 6,8 %. Ce n'est pas si horrible... Et nous proposons d'allonger à cinq ans la durée de détention des titres, ce qui découragerait les opérations de court terme. Le groupe dit G24 de députés et de sénateurs qui se réunit avant chaque G20 a collectivement et avec force condamné « le diktat du court terme ». Et notre amendement propose, dans la droite ligne des intentions du dernier G20, d'exclure les titres des sociétés constituées ou établies dans des territoires non coopératifs ou fiscalement privilégiés.

Quant aux chiffres, je ne les ai pas lus dans Marianne mais sous la plume du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont on peut penser qu'il dispose d'une administration aussi efficace que celle du Sénat.

Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale n'a rien inventé... Bref, dans ce contexte, notre amendement se justifie pleinement.

M. Thierry Foucaud.  - Cet amendement était tout à fait dans la philosophie de votre politique de classe et, monsieur Marini, n'y voyez pas une attaque personnelle, même s'il était bien déposé en votre nom. Ensuite, les explications données par M. le ministre ne m'ont pas convaincu : la mesure qui, aux dires du ministre du budget d'alors, devait coûter environ 1,5 milliard, représente aujourd'hui plus de 20 milliards de manque à gagner !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Arrêtez de tout mélanger !

M. Thierry Foucaud.  - Plus inquiétant, cette manière de vider les caisses de l'État justifie votre politique de révision générale des politiques publiques et de réduction des effectifs dans la fonction publique comme son application aux collectivités dont vous réduisez les ressources avec la réforme de la taxe professionnelle. D'où les amendements de notre groupe pour augmenter les ressources de l'État et obtenir des explications sur la différence de coût constatée.

L'amendement n°I-203 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements nos I-427 rectifié et I-419 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°I-305, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB - Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution exceptionnelle de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 du code général des impôts quand ceux-ci font apparaitre des bénéfices supérieur de 10 % à ceux de l'exercice précédent.

« Cette fraction est égale à 5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011 inclus. Elle est réduite à 2,5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012 inclus.

« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros et qui occupent moins de 250 salariés. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaire réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux même conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques.

« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies du Code général des impôts entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds ».

M. Bernard Angels.  - Comme M. Rebsamen l'avait proposé dans une récente proposition de loi, nous souhaitons instaurer, à partir du 1er janvier 2010 et pour trois ans, une contribution exceptionnelle de solidarité, à l'instar du gouvernement Jospin en 1997, portant sur les entreprises ayant dégagé des bénéfices au moins supérieurs de 10 % à ceux de l'année précédente, à l'exclusion des PME, au sens communautaire. Les grandes entreprises, qui font de larges bénéfices en temps de crise, doivent concourir davantage à la solidarité nationale plutôt que d'optimiser leurs profits au bénéfice des seuls actionnaires. Pour exemple, GDF Suez a dépassé tous ses objectifs cette année au moyen d'une politique des prix supportée par les consommateurs, puisque la baisse de 10 % sur les tarifs du gaz, intervenue après la saison hivernale, n'a pas correspondu à un gain de pouvoir d'achat.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission est évidemment hostile à cet amendement purement idéologique...

Mme Nicole Bricq.  - Parce que vous n'en présentez pas, vous, des amendements idéologiques ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je n'ai rien contre les idéologies en tant que telles ! Que vous en reveniez à vos fondamentaux contribue à une heureuse clarification du débat... Le Sénat ayant rejeté la proposition de M. Rebsamen en mai dernier, je l'invite à maintenir sa position.

M. Eric Woerth, ministre.  - Avis défavorable. Les entreprises sont loin de voir leurs bénéfices augmenter. L'an dernier, nous avons enregistré 30 millions de moins d'impôt sur les sociétés. Laissons les entreprises se refaire une santé pour retrouver un produit d'impôt sur les sociétés comparable à celui d'avant la crise.

M. François Marc.  - Je veux saluer la persévérance de M. Rebsamen, auteur de cet amendement n°305 et du n°302, à promouvoir un meilleur partage des profits. M. le rapporteur général nous renvoie à l'idéologie, mais le Président Sarkozy, dans son discours de septembre dernier à Nice, n'a-t-il pas affirmé que les profits avaient atteint un niveau inadmissible, que les comportements spéculatifs étaient à l'origine d'une dégénérescence du capitalisme et, en bref, qu'il fallait mieux partager le gâteau ? De deux choses l'une : ou l'on met en application son idéologie ou l'on pense que les propos n'engagent que ceux qui les écoutent... Quant à nous, nous n'avons pas attendu ces déclarations pour défendre depuis de longues années une plus juste répartition des profits.

L'amendement n°I-305 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-194 rectifié, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 235 ter ZB du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 235 ter ZB. - À compter du 1er janvier 2010, lorsque le bénéfice imposable est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés se livrant à titre principal à des opérations de mise à la consommation sur le marché intérieur de produits pétroliers et assimilés énumérés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, sont assujettis à une contribution égale à 50 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

M. Thierry Foucaud.  - Il faut taxer les bénéfices supplémentaires réalisés par les compagnies pétrolières du fait de l'augmentation du prix du pétrole. Cette proposition, qui a été rejetée à l'Assemblée nationale sans aucune explication, ne devrait pas être traitée à la légère. Les Français peinent de plus en plus à payer leur plein d'essence ainsi que leur facture de gaz, dont le tarif est indexé sur celui du baril du pétrole, à la hausse rapidement, mais plus lentement à la baisse : en cas de diminution du prix du baril, la révision du prix de l'essence et du gaz est abusivement différée, voire inexistante. Récemment, Mme Lagarde, rappelait mon collègue député Muzeau, s'est réjouie que Total ait réalisé en 2008 le plus gros bénéfice jamais enregistré par un groupe français -13,9 milliards- grâce à la flambée des prix du pétrole -97 dollars en moyenne cette année-là. Ces bénéfices ne risquent pas de diminuer, compte tenu de la politique contradictoire de ce Gouvernement qui institue une taxe carbone au moment où l'on envisage la circulation des camions de 60 tonnes et où la SNCF supprime une grande partie de son activité fret.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Thierry Foucaud.  - Il serait injuste de faire payer les erreurs de l'État aux ménages les plus modestes, contraints de recourir à des modes de transports individuels coûteux, après qu'ils ont été chassés des centres-villes par des politiques urbaines soumises à la spéculation foncière et immobilière. Taxons plutôt ceux qui tirent profit de ces politiques contraires au développement durable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit)

M. Jean Desessard.  - Bravo ! Toute la gauche devient écolo !

M. le président.  - Amendement n°I-344 rectifié, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 235 ter ZB du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 235 ter ZB. - À compter du 1er janvier 2010, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l'article 209 est, au titre de l'année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l'année précédente, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

II. - Après l'article 39 ter C du même code, il est inséré un article 39 ter D ainsi rédigé :

« Art. 39 ter D. - 1. Les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont autorisées à déduire de leur contribution à l'impôt sur les sociétés, dans la limite de 25 % de cette contribution, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.

« 2. Les bénéfices affectés à cette provision à la clôture de chaque exercice doivent être employés, dans un délai de deux ans à partir de cette date, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.

« 3. À l'expiration du délai de deux ans, les sommes non utilisées dans le cadre prévu au 2 sont rapportées au bénéfice imposable de l'exercice en cours. »

M. Bernard Angels.  - Même esprit que l'amendement n°194 rectifié, mais nous proposons un taux différent. M. Foucaud a bien défendu cette proposition, je n'y reviens pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A amendement récurrent, réponse récurrente : rejet.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quelle explication !

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Nous examinons une série d'amendements dont le but est identique : ajouter des impôts aux impôts en fonction de la conjoncture ! (M. Alain Gournac acquiesce) Or je veux rappeler à mes collègues qu'avec le développement de la mondialisation...

M. Jean-Pierre Fourcade.  - ...les entreprises, si elles sont davantage imposées en France, auront tout intérêt à s'établir hors de France.

M. Alain Gournac.  - Et voilà ?

M. François Marc.  - Et les banques ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat renchérit)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - En revanche, ce point a été souligné par le rapporteur général, nos entreprises doivent renforcer leurs fonds propres pour mieux résister à la crise.

M. François Marc.  - C'est ce que nous avons proposé !

M. Jean Desessard.  - M. Fourcade oublie une chose, c'est que nous avons un déficit ! S'il n'y a plus d'impôt, comment le résorber ? On nous dit qu'il ne faudrait pas imposer les entreprises au motif qu'elles risqueraient de délocaliser leur siège social en Roumanie ou en Bulgarie... Mais que fait l'UMP au niveau européen pour faire avancer l'harmonisation fiscale ? Vous appartenez au groupe majoritaire au Parlement européen et la France est un pays qui compte en Europe... Alors ? Nous serions obligés de suivre le mouvement de dumping social au lieu de prendre les décisions politiques qui s'imposent ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous sommes 27 États membres et il faut que nous soyons unanimes !

M. Jean Desessard.  - Nous nous obligerions à toujours moins imposer sans même nous poser la question d'une fiscalité européenne harmonisée ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'unanimité est nécessaire !

M. Michel Charasse.  - Moins d'impôts et moins de dépenses : c'est la doctrine européenne.

Mme Nicole Bricq.  - Tous ces amendements que vous venez de repousser prennent acte de l'existence de dépenses fiscales peut-être injustifiées et qu'il conviendrait de raboter ou de supprimer.

Monsieur Fourcade, ce que nous défendons, justement, c'est l'augmentation des fonds propres des entreprises !

Sur l'impôt sur les sociétés, j'aimerais qu'on mène un travail de fond. Vous ne retenez toujours que son taux et non son assiette. Or, une fois pris en compte le taux et l'assiette, il n'est pas sûr que nous soyons les moins concurrentiels. Alors, cessez de nous envoyer l'argument de la compétitivité à la figure. Il y a quelques années, avant que l'Union européenne ne tombe en panne, on y avait dit que l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés était une priorité, la condition sine qua non du marché unique. Regardez où en est l'Irlande qui a pratiqué un dumping fiscal record : si elle n'était pas dans l'Europe, elle serait à la dérive... (M. Jean Desessard applaudit)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il est vrai que notre fiscalité est illisible. Les barèmes sont élevés, mais comme l'assiette est limitée de toutes parts, les contributions effectives sont faibles.

M. Thierry Foucaud.  - J'ai posé des questions et l'on ne me répond pas ! Pourquoi le prix de l'essence augmente-t-il quand celui du baril augmente, alors qu'il ne baisse pas dans le cas inverse ? C'est une question de bon sens que se posent les Français.

M. Michel Charasse.  - C'est le capitalisme !

M. Eric Woerth, ministre.  - Le prix à la pompe baisse quand celui du baril baisse. (Protestations à gauche) Comparez avec les prix de l'an dernier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ils baissent avec six mois de retard mais ils augmentent immédiatement après la hausse du baril !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Dans le monde pétrolier, l'essentiel des compagnies sont anglo-saxonnes et on en compte aujourd'hui une chinoise. Une seule compagnie a son siège à Paris : Total. Et vous seriez heureux qu'il n'y en ait plus du tout ! A l'échelle mondiale, Total n'est pas une très grande société, c'est une société moyenne, et nous avons un intérêt économique et géopolitique à la conforter, car c'est un instrument de la puissance de la France dans le monde ! (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Total détient de nombreuses participations industrielles en France, qui sont créatrices d'emplois. Évitons de tirer sur cette société... (Applaudissements à droite)

L'amendement n°I-194 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-344 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°I-278, présenté par M. P. Dominati, Mlle Joissains et M. Revet.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le e) du II est ainsi rédigé :

« e) Les frais de prise et de maintenance de brevets, marques, dessins et modèles, droits d'auteurs et droits voisins ; »

2° Le e bis) du II est ainsi rédigé :

« e bis) Les frais de défense de brevets, marques, dessins et modèles, droits d'auteur et droits voisins ; »

II. La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Dominati.  - Si l'Union européenne ne nous écoute pas, c'est parce que nous avons les prélèvements obligatoires les plus forts.

M. Jean Desessard.  - C'était vrai il y a dix ans mais plus maintenant !

M. Philippe Dominati.  - Mon amendement vise à étendre le champ d'application du crédit d'impôt recherche (CIR)...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quand on voit les résultats de ce crédit d'impôt !

M. Philippe Dominati.  - ...aux dépenses exposées, non seulement en matière de brevet, mais aussi pour les autres titres de propriété intellectuelle, tels que les marques, les dessins et modèles. Cela encouragerait l'innovation, vitale pour les PME.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'initiative est intéressante mais coûteuse. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - Avis défavorable. Il faut bien définir et distinguer ce que sont la recherche et l'innovation et ne pas étendre ce crédit d'impôt à toutes les entreprises qui ont des problèmes de marges. Il faut s'en tenir à ce qu'est la recherche au sens où l'entend l'OCDE, et qui n'inclut pas l'innovation. Le CIR coûte déjà 3,6 milliards que nous espérons récupérer sous forme de croissance, et je ne souhaite pas étendre l'éligibilité à ce crédit d'impôt.

M. Michel Charasse.  - Cet amendement est un peu large mais il serait tout de même bon que le Gouvernement examine la possibilité d'étendre le champ des déductions. J'ai visité dernièrement le Centre anticancéreux de Clermont-Ferrand, un organisme privé qui a inventé des tas de choses pour lesquelles il n'a pas pris de brevets. « C'est beaucoup trop lourd et compliqué » m'a-t-on affirmé. On m'a dit exactement la même chose au centre de recherche de Michelin, autre entreprise qu'il faut tuer parce qu'elle marche bien... Tous préfèrent payer des systèmes de protection des secrets-maison plutôt que de se lancer dans les démarches administratives pour l'obtention d'un brevet...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Mais les frais de brevet sont déjà pris en compte ! Là il s'agit d'aller plus loin. « Toujours plus ! ».

Mme Nicole Bricq.  - On subventionnerait leurs démarches de marketing !

M. Michel Charasse.  - Je parlais pour ma part des brevets.

M. Philippe Dominati.  - Pour beaucoup de PME, le dépôt de brevets est l'étape ultime et ce serait bon pour elles qu'on étendît la défiscalisation à la recherche d'un modèle, d'un dessin. On me dit que ce serait coûteux mais peut-on le chiffrer ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Je ne le peux pas du tout parce que le champ de cet élargissement est large et flou. Une entreprise textile, par exemple, renouvelle tous les ans ses dessins : c'est de l'innovation, mais c'est aussi l'objet même de son activité.

M. Michel Charasse. - Le dessin des cravates !

M. Eric Woerth, ministre.  - Non, le dessin de la nouvelle cravate n'entre pas dans le champ du crédit impôt recherche, car nous appliquons la définition de la recherche utilisée par l'OCDE.

Toutes les entreprises doivent innover, mais les dépenses engagées à ce titre sont déductibles dans le cadre fiscal ordinaire. Le crédit impôt va plus loin, afin de soutenir la recherche, en espérant bien sûr qu'il y aura des prolongations industrielles sur notre territoire.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - On ne peut demander toujours plus à l'État !

Le crédit impôt recherche n'est la meilleure réponse qu'en raison de l'archaïsme du système fiscal. Par nature, l'idéal est d'alléger toutes les charges ! (Vives réactions à gauche)

M. Alain Gournac.  - Oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - En réalité, tous les impôts sont acquittés en définitive par les consommateurs. Mettons-nous cela en tête pour pouvoir enfin débattre différemment un jour des prélèvements obligatoires !

M. Gérard Longuet.  - Les dépenses de recherche représentent une forme d'immobilisations ; M. Dominati nous invite à leur assimiler des dépenses de fonctionnement, déjà déductibles par nature. Délimiter exactement les unes et les autres est un travail de commission.

L'amendement n°I-278 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-149 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 244 quater H du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« Les dépenses éligibles sont les dépenses exposées pendant quarante-huit mois à la suite du recrutement de la personne mentionnée au III ou la signature de la convention prévue à

M. Gérard César.  - L'article 244 quater du code général des impôts institue un crédit d'impôt export en faveur des petites et moyennes entreprises réalisant certaines dépenses de prospection commerciale internationale, à condition de recruter une personne affectée au développement des exportations ou un volontaire international en entreprise (VIE).

L'ensemble est plafonné à 40 000 euros par entreprise et soumis à de multiples conditions, dont une éligibilité des dépenses pendant 24 mois au maximum, à compter de l'embauche.

Les démarches de prospection commerciale à l'étranger sont extrêmement diverses. L'appréhension et la conquête d'un nouveau marché réclament beaucoup de temps, notamment pour comprendre les besoins des consommateurs locaux, si bien que 24 mois sont souvent insuffisants. Faute de crédit d'impôt export adapté, les entreprises prospectent mal -ou pas du tout- les nouveaux marchés. Il vaudrait mieux porter le délai à 48 mois.

Je tiens à souligner l'action conduite par UbiFrance pour soutenir le recrutement de volontaires internationaux. Cette agence veut passer l'an prochain de 6 000 volontaires à 10 000.

M. le président.  - Amendement n°I-150 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le f du II de l'article 244 quater H du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les dépenses liées aux activités de conseil fournies par des consultants. »

II. - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gérard César.  - Il s'agit toujours du crédit d'impôt export, dont le champ devrait être étendu aux activités de conseil.

M. le président.  - Amendement n°I-151 rectifié, présenté par MM. César et Alduy, Mme Bruguière, MM. Doublet et Dufaut, Mmes Dumas et Goy-Chavent, M. Grignon, Mlle Joissains, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Pointereau, Revet, Bailly, Beaumont, Chauveau, B. Fournier, Gilles, Huré, Laurent, Leroy et Trillard, Mmes Des Esgaulx, Férat et Sittler et M. Pintat.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le g) du II de l'article 244 quater H du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dépenses liées à la souscription d'une assurance crédit à l'export. »

II. - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gérard César.  - Les primes d'assurance crédit à l'exportation ne sont pas prises en compte dans le crédit d'impôt export, alors que les montants sont parfois très élevés, surtout lorsque le cocontractant exerce dans un pays en développement. Il convient donc d'étendre le dispositif en ce sens.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je formulerai un avis global sur les trois amendements.

Nous abordons un dispositif intéressant destiné à valoriser les efforts d'exportation.

Est-il opportun d'accroître les dépenses fiscales ?

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Faut-il aller plus loin dans les niches fiscales ?

Mme Nicole Bricq.  - Non. Ce n'est pas le moment !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je suis enclin à répondre comme Mme Bricq. Sous réserve de l'avis du Gouvernement, le contexte actuel ne me paraît pas inciter à l'extension des dispositions exceptionnelles.

Nous connaissons l'intérêt des volontaires internationaux en entreprise, mais nous ne disposons pas d'indicateur de performance ; ont-ils une influence mesurable sur nos exportations ?

M. Michel Charasse.  - Sûrement pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Avant de doubler la durée d'une mesure, il faut s'interroger sur son efficacité.

Connaissant l'attachement de M. César à nos exportations, je m'en veux de lui faire une réponse qui n'est pas très ouverte, mais j'espère qu'il pourra retirer ses amendements si le ministre partage l'avis de la commission.

M. Eric Woerth, ministre.  - Je me réjouis de l'action conduite par M. César en faveur de nos exportations.

Faut-il en l'occurrence développer une niche fiscale ? Je comprends que l'on puisse le souhaiter, mais le temps n'est pas à l'extension de dispositifs qui fonctionnent déjà convenablement.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous ne pouvons simultanément critiquer les niches et les étendre.

Sur le fond, j'observe premièrement que notre balance commerciale se détériore. Ma deuxième observation est qu'augmenter la production intérieure destinée au marché domestique peut avoir le même effet sur la balance commerciale que l'essor des exportations. Enfin, pour vendre à l'étranger, il faut habituellement y produire.

M. Gérard César.  - Le rapporteur général s'interroge sur le rôle des volontaires internationaux en entreprises. Il serait difficile de quantifier précisément leur incidence, mais s'ils n'existaient pas, nombre d'entreprises le regretteraient. C'est pourquoi UbiFrance va recruter 10 000 volontaires l'année prochaine. Peut-être que passer directement de 24 mois à 48 serait excessif, mais il faudra sans doute étendre le dispositif à 36 mois. J'y reviendrai.

Les amendements nosI-149 rectifié, I-150 rectifié et 151 rectifié sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°I-304 rectifié, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement doit, dans un délai de six mois, fournir au Parlement un rapport dans lequel il exposera les modalités concrètes de la mise en place d'une taxe assurantielle sur les activités des banques, en fonction du risque qu'elles prennent sur les marchés financiers.

Cette taxe devra être en adéquation avec la proposition d'une taxe assurantielle pour les banques, faite par le président du Fonds monétaire international lors de la réunion du G20 Finances des 24 et 25 septembre 2009.

Le dispositif mis en place ne devra pas prévoir de compensation au moyen d'une baisse de la taxe sur les salaires acquittée par les banques.

Mme Nicole Bricq.  - Lorsque le G20 finances s'est réuni à Saint-Andrews, le directeur du FMI (mouvements divers au centre et à droite) a évoqué une assurance couvrant les banques en fonction des risques pris sur les marchés financiers. Nous avions proposé -en vain- un dispositif similaire dans le cadre d'une proposition de résolution européenne sur le projet de directive du 13 juillet 2009, relative aux fonds propres des banques.

Lors du dernier G20, Mme Lagarde a jugé intéressante la suggestion de M. Strauss-Kahn, tout en estimant qu'il faudrait du temps pour la mettre en place. Or, si l'on veut que les contribuables ne soient plus les assureurs en dernier recours du risque systémique -comme ce fut le cas l'an dernier avec l'intervention massive des banques centrales- il est indispensable qu'un fonds de réserve intervienne en cas de crise.

Les banques ont pour fonction de financer l'économie réelle. Dans le cadre de la reprise économique espérée, il y a là une impérieuse nécessité.

Les activités spéculatives qui comportent un risque systémique doivent être découragées au moyen d'une exigence supérieure sur les fonds propres. Les règles de Bâle II doivent assurer une égalité de concurrence entre tous les pays partie au Comité. Une assurance sur le risque systémique renforce l'appréciation qualitative du risque. Pour chaque activité, l'autorité prudentielle doit définir un seuil de risque acceptable, au-delà duquel l'établissement verse la taxe assurantielle au fonds de garantie.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je propose que nous en rediscutions lorsque nous examinerons l'amendement n°I-518 de la commission.

Mme Nicole Bricq.  - Il faut tout de même voter le mien !

M. Jean Arthuis.  - Nous sommes pris par le temps et cet après-midi, Mme Lagarde sera là pour en débattre avec nous.

M. Eric Woerth, ministre.  - Ces deux amendements méritent d'être examinés ensemble et ils relèvent de la compétence de Mme Lagarde, qui vous donnera tous les éléments d'explication que vous pourriez souhaiter. La proposition de réserve me paraît judicieuse.

Mme Nicole Bricq.  - Uniquement s'il s'agit formellement d'une réserve !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est le cas !

La réserve est de droit.

La séance est suspendue à midi cinquante.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 14 h 50.

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif au Grand Paris, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2009.

Renvoi pour avis

M. le président.  - Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Loi de finances pour 2010 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles de la première partie, nous sommes parvenus à l'examen de l'article 4 bis.

Article 4 bis

I. - Sont assujettis à une contribution pour frais de contrôle au profit de la Banque de France pour l'application de l'article L. 613-7 du code monétaire et financier :

1° Les établissements de crédit non prestataires de services d'investissement ;

2° Les personnes dont l'activité est liée aux marchés financiers :

a) Les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ;

b) Les entreprises de marché ;

c) Les adhérents aux chambres de compensation ;

d) Les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers ;

3° Les établissements de paiement ;

4° Les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes ;

5° Les changeurs manuels.

Les personnes et organismes mentionnés au présent I ayant leur siège social dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et exerçant leur activité en France par l'établissement d'une succursale ou par voie de libre prestation de services ne sont pas assujetties à la contribution.

II. - Le fait générateur de la contribution pour frais de contrôle mentionnée au I est la situation des personnes assujetties au 31 décembre de l'année civile précédente.

III. - L'assiette est définie de la manière suivante :

1° Pour les personnes mentionnées aux 1° à 4° du I, l'assiette est constituée par :

a) Les exigences minimales en fonds propres permettant d'assurer le respect des ratios de couverture des risques prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier définies au cours de l'exercice clos l'année civile précédente. Les exigences minimales en fonds propres sont appréciées sur base consolidée pour les personnes relevant des articles L. 511-41-2, L. 533-4-1, L. 517-5 et L. 517-9 du même code. Aucune contribution additionnelle sur base sociale n'est versée par les personnes qui appartiennent à un groupe pour lequel une assiette est calculée sur base consolidée. Les autres personnes versent une contribution calculée sur base sociale ;

b) Les normes de représentation de capital minimum permettant de répondre aux exigences posées par les articles L. 511-11 et L. 532-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l'exercice clos l'année civile précédente, lorsque les exigences minimales en fonds propres ne sont pas applicables ;

2° En raison des modalités de contrôle spécifiques dont elles font l'objet, les personnes suivantes acquittent une contribution forfaitaire dont le montant, compris entre 500 € et 1500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie :

a) Les personnes ne devant respecter ni ratio de couverture au titre des articles L. 511-41 et L. 533-2 du code monétaire et financier, ni normes de représentation de capital minimum au titre des articles L. 511-11 et L. 532-2 du même code ;

b) Les personnes mentionnées aux 5° et 7° de l'article L. 542-1 du même code ;

c) Les personnes mentionnées au 5° du I du présent article.

IV. - Le taux applicable aux assiettes mentionnées au 1° du III est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Ce taux est compris entre 0,40 et 0,80 pour mille selon le besoin de financement. Toutefois, la cotisation des personnes mentionnées au 1° du III ne peut être inférieure à une contribution minimale, dont le montant, compris entre 500 € et 1500 €, est défini par arrêté du ministre chargé de l'économie.

V. - Pour les personnes mentionnées au 1° du III, la Banque de France liquide la contribution sur la base des documents fournis par les assujettis dans le cadre du contrôle des ratios de couverture prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier et des normes de représentation de capital minimum nécessaires au respect des articles L. 511-11 et L. 532-2 du même code, arrêtés au 31 décembre de l'année précédente.

VI. - La Banque de France envoie un appel à contribution à l'ensemble des personnes mentionnées au III au plus tard le 15 avril de chaque année. Les personnes concernées acquittent le paiement correspondant auprès de la Banque de France au plus tard le 30 juin de chaque année.

VII. - En cas de paiement partiel ou de non-respect de la date limite de paiement mentionnée au VI, la Banque de France adresse au redevable par courrier recommandé avec accusé de réception une lettre de rappel motivée. Celle-ci l'informe que la majoration mentionnée à l'article 1731 du code général des impôts est applicable aux sommes dont le versement a été différé. L'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du même code est automatiquement appliqué.

La majoration est prononcée à l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la date de notification au redevable de la lettre de rappel établissant le montant de la contribution supplémentaire. Le contribuable est informé de la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations dans ce délai.

VIII. - Dans un délai de trois ans suivant la date de déclaration, la Banque de France peut réviser le montant de la contribution après procédure contradictoire si un écart avec les documents permettant d'établir sa liquidation, mentionnés au V du présent article, est mis en évidence. Elle en informe le redevable par courrier recommandé avec accusé de réception, ce dernier précisant que la révision de la contribution à la hausse entraîne l'application automatique de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts et de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du même code.

IX. - À défaut de paiement dans le délai de trente jours à compter de la date de notification au redevable de la lettre de rappel établissant le montant de la contribution supplémentaire ou du courrier recommandé établissant le montant révisé de la contribution, la Banque de France émet un titre de perception, envoyé au comptable compétent de la direction générale des finances publiques. Ce dernier émet un titre exécutoire, recouvré selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. Les sommes ainsi recouvrées sont reversées à la Banque de France. Pour frais de recouvrement, l'État prélève 1 % des sommes recouvrées pour le compte de la Banque de France.

X. - L'ensemble des opérations liées au recouvrement de la contribution pour frais de contrôle par la Banque de France est suivi dans un compte spécifique au sein des comptes de la Banque de France.

XI. - Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article.

XII. - La contribution est due dès l'année 2010 en fonction de la situation constatée au 31 décembre 2009.

M. le président.  - Amendement n°I-428 rectifié, présenté par M. Charasse.

Alinéas 17 et 21

Remplacer les mots :

, compris entre 500 € et 1 500 €, est fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie

par les mots :

est fixé à 25 000 €

M. Michel Charasse.  - J'ai déposé cet amendement dans un mouvement d'humeur, car il me déplaît fortement que l'impôt soit fixé par voie réglementaire. Ici, le législateur se défausse sur l'exécutif pour déterminer le montant de la cotisation obligatoire pour les frais de contrôle des banques. Je propose un montant volontairement provocateur de 25 000 euros, mais si le rapporteur général suggérait un chiffre compris dans la fourchette du texte, je m'en contenterais.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je ne céderai pas à la provocation... (Sourires)

M. Gérard Longuet.  - Grossière !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - J'apprécie le fait que Michel Charasse se préoccupe du respect des principes constitutionnels, mais il y a déjà eu des cas de renvoi au pouvoir réglementaire pour préciser un barème, et notamment pour le financement de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.  - Je ne peux être favorable à cette proposition : il n'y a pas d'obstacle juridique à ce que la loi autorise le pouvoir réglementaire à intervenir à l'intérieur d'une fourchette.

Cette taxe forfaitaire concerne les acteurs des marchés financiers non soumis à une obligation de fonds propres, dont les chiffres d'affaires sont très variables. Il peut s'agir de changeurs manuels, qui transfèrent des sommes allant de 50 000 à 10 millions d'euros, d'entreprises de marché, d'adhérents des chambres de compensation, de personnes exerçant une activité de conservation. Les établissements bancaires versent, quant à eux, une cotisation dépendant de leur obligation de fonds propres, et qui varie de 0,4 à 0,8 pour mille. Ainsi, la cotisation de BNP-Paribas représente 25 à 30 millions d'euros.

Si cela peut améliorer votre humeur, monsieur Charasse, vous pouvez proposer pour la taxe forfaitaire un montant compris entre 500 et 1 500 euros, mais une cotisation de 25 000 euros serait excessive comparée au chiffre d'affaires de certaines des professions concernées.

M. Michel Charasse.  - Pourquoi pas 1 000 euros ? Je rectifie mon amendement en ce sens.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La somme de 1 000 euros ne me choque pas, mais le législateur peut tout à fait laisser le pouvoir réglementaire choisir un taux compris dans une certaine fourchette.

M. Michel Charasse.  - Il s'agit d'un problème de fond touchant aux compétences du Parlement. Si cette contribution est un impôt, son assiette et son taux doivent être déterminés par la loi. S'il s'agit d'une redevance, la compétence relève du domaine réglementaire. Ici, nous pourrions prévoir un arrêté du gouverneur de la banque de France, mais je préfère que la loi fixe un montant de 1 000 euros sans qu'un arrêté soit nécessaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous ne pouvons improviser, sur un coin de table, un barème pour cette taxe. Il faut tenir compte pour cela de la diversité des professions contrôlées.

M. Michel Charasse.  - Alors, prévoyez un arrêté du gouverneur de la Banque de France !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous ne pouvons fixer un taux maintenant : la nouvelle autorité de régulation prudentielle n'étant pas constituée, nous ne connaissons pas encore ses besoins.

Nous aurons d'autres rendez-vous : la loi de finances rectificative, ainsi que la loi sur la régulation qui viendra en début d'année prochaine. On ne peut décider, avec les seuls moyens parlementaires, quel doit être ce barème. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Charasse.  - C'est une question de principe... mais je n'ai rien contre un renvoi au collectif.

Mme Nicole Bricq.  - M. Charasse s'est montré raisonnable en rectifiant son amendement : il tient simplement à ce que le Parlement débatte de cette question. Nous comprenons que le ministre souhaite négocier avec ceux qui seront soumis à la contribution, mais pourquoi ne pas renvoyer la question à la deuxième partie de la loi de finances, comme nous le faisons pour la taxe professionnelle, plutôt que d'attendre une loi de finances rectificative ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je ne souhaite pas que cet amendement soit adopté. La fixation du tarif à l'intérieur d'une fourchette -étroite- est parfaitement légitime : la mesure s'adresse à des acteurs financiers divers et variés, ce qui suppose une modulation, et il y a un précédent, à l'article L. 621-5-3, concernant la supervision par l'AMF.

M. Michel Charasse.  - Cet article est fagoté comme l'as de pique : s'agit-il d'un impôt ou d'une redevance ? La Banque de France assure le recouvrement ; si le contribuable est réticent, elle saisit la direction des finances publiques. Tout cela est bien pagailleux. Si l'on qualifie tout simplement cette contribution de redevance, il n'y aucun inconvénient à ce que son tarif soit fixé par arrêté du gouverneur de la Banque de France. Mais puisque je n'arrive manifestement pas à convaincre, je retire l'amendement... (Protestations à gauche, où l'on se dit convaincu)

L'amendement n°I-428 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-138 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Alinéa 21, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, à l'exception de celui applicable à l'assiette des entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille, qui est compris entre 0,30 et 0,60 pour mille

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les entreprises d'investissement seront soumises à un contrôle mixte, tantôt de la nouvelle autorité de contrôle prudentiel, tantôt de l'AMF. Ne faudrait-il pas dès lors fixer un taux spécifique pour cette catégorie de professionnels ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le contrôle en termes de commercialisation est assuré par l'AMF. Dorénavant, ces activités seront également soumises à un contrôle de supervision prudentielle, assuré par la Banque de France. Cela justifie qu'elles soient soumises à deux types de contribution. La Banque de France évalue la charge de la taxe pour ces 42 établissements à moins de 130 000 euros, soit 0,1 % du coût total de la supervision bancaire. Retrait ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Merci de ces précisions.

L'amendement n°I-138 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-304 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement doit, dans un délai de six mois, fournir au Parlement un rapport dans lequel il exposera les modalités concrètes de la mise en place d'une taxe assurantielle sur les activités des banques, en fonction du risque qu'elles prennent sur les marchés financiers.

Cette taxe devra être en adéquation avec la proposition d'une taxe assurantielle pour les banques, faite par le président du Fonds monétaire international lors de la réunion du G20 Finances des 24 et 25 septembre 2009.

Le dispositif mis en place ne devra pas prévoir de compensation au moyen d'une baisse de la taxe sur les salaires acquittée par les banques.

Mme Nicole Bricq.  - Je l'ai défendu ce matin.

M. le président.  - Amendement n°I-518, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

XIII. - Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 juin 2010, un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'une taxe ou prime d'assurance systémique, à laquelle seraient assujettis les établissements financiers et selon une hypothèse de rendement constant des prélèvements sur le secteur financier. Ce rapport traite plus particulièrement les aspects suivants afférents à cette prime ou taxe :

- ses avantages et inconvénients, notamment au regard des autres instruments de régulation, et l'issue des réflexions de même nature conduites dans d'autres pays et aux niveaux européen et international ;

- les conditions dans lesquelles elle peut se substituer à la taxe sur les salaires acquittée par les établissements financiers ;

- le périmètre de ses redevables et la notion d'établissement financier à caractère systémique ;

- la définition de son assiette, unitaire ou mixte, en distinguant différents critères, le cas échéant pondérés, tels que les fonds propres réels, les effectifs, le produit net bancaire, la part que représentent les activités de négociation dans les revenus de l'établissement, et l'exposition à des facteurs de risque communs à l'ensemble du système financier ;

- les modalités d'utilisation de son produit en tant que recettes budgétaires ou aux fins d'abondement d'un fonds de réserve qui serait mobilisé en cas de défaillance d'un des établissements assujettis ;

- ses effets potentiels sur les fonds propres, la structure des activités et le modèle économique des principaux établissements financiers français. 

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le président Arthuis et moi-même avons déjà pris position à plusieurs reprises sur cette question. En période de crise, l'État se comporte en garant du bon fonctionnement du système financier. Dès lors, il est fondé à prélever sur le système bancaire une ressource, assimilée à une prime d'assurance systémique. L'État demeurerait son propre assureur, mais serait encouragé dans l'exercice de cette responsabilité par cet abondement budgétaire.

Par souci de continuité, nous proposons que ce dernier se situe au niveau de la fraction de la taxe sur les salaires qu'acquitte le secteur financier, qui était de 2,4 milliards en 2007. Ce « swap » budgétaire paraît raisonnable au regard des enjeux de l'assurance systémique.

La suppression de la taxe sur les salaires pesant sur le secteur financier permettrait sa suppression générale hors secteur financier. La taxe sur les salaires existe, mais est compensée ; elle bénéficie aux comptes de la sécurité sociale. On veillerait à ne pas déplacer de charge entre le budget de l'État et le budget de la sécurité sociale. Nous aurions donc gagné sur deux tableaux : celui de l'affichage de la responsabilité de l'État à l'égard de l'économie et du système financier, et celui de la simplification du système fiscal.

Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement avant le 30 juin 2010 afin de répondre aux nombreuses questions qui se posent : comment apprécier le champ de cette prime d'assurance ? Quels critères pour caractériser la taille, les activités, l'exposition au risque ? Comment répartir la prime entre les établissements ? Quelle formule retenir ? La prime doit-elle abonder le budget de l'État ?

Faut-il imaginer une entité spécifique sous la forme d'un fonds d'indemnisation ? Cela supposerait que soient définis ses objectifs et des moyens. Quelle répartition, enfin, entre établissements, et quel impact sur l'évolution du secteur financier ?

Nous croyons beaucoup en cette orientation, mais bien des éléments manquent pour établir un dispositif opérationnel. La commission des finances, sur rapport de M. Lambert, avait en son temps suggéré la suppression de la taxe sur les salaires, l'un des impôts les plus archaïques de notre système, mais dont le rendement est loin d'être négligeable, en particulier appliqué au secteur financier.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le Gouvernement est sensible à votre proposition et lui donnera un avis favorable, pour témoignage de sa volonté de mener un travail de concert. J'ajouterai cependant deux observations.

Il ne faudra pas oublier que ce système assurantiel doit s'appliquer dans un contexte international. S'il ne s'applique pas à l'ensemble des établissements financiers, nous mettrions les nôtres en difficulté. J'attire également votre attention sur la nécessité de construire le système de telle sorte que les établissements bancaires n'aient pas le sentiment qu'ils sont à l'abri de tout aléa grâce à l'assurance, ce qui pourrait les conduire à prendre des risques inconsidérés. (M. Nicolas About approuve)

Trois initiatives sont en cours, l'une, sous l'autorité du FMI, l'autre, à la demande de M. Gordon Brown lors du dernier G20 financier à Saint Andrews, la troisième enfin, à l'initiative de la Commission européenne, qui n'est pas directement dans ce fil, puisqu'il ne s'agit que de rectifier la directive sur la garantie des dépôts, mais qui nous a été l'occasion de demander à la BCE de réfléchir, en cohérence avec le FMI, à un mécanisme d'assurance systémique.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je vous remercie, madame la ministre, de cette marque d'encouragement. Ce que nous voulons, c'est accompagner la volonté du Gouvernement de freiner tout ce qui serait de nature à favoriser les délocalisations. Or, s'il est une taxe qui peut en être le déclencheur, c'est bien la taxe sur les salaires, qui peut rapidement atteindre 14,5 % du salaire brut : c'est considérable. Sa suppression ferait immédiatement baisser notre taux de prélèvements obligatoires de 0,2 à 0,3 %. Se pose bien sûr la question de l'assurance, de la santé et du monde associatif, qui vit pour l'essentiel de subventions votées soit par l'État, soit par les collectivités locales. Il est urgent de clarifier les choses. La taxe sur les salaires est là où n'est pas la TVA : voilà sa seule justification, elle est un peu courte. Pendant la crise, c'est l'État, donc le contribuable, qui a dû jouer le rôle d'assureur de dernier ressort.

Mme Nicole Bricq.  - Nous partageons certes l'objectif : nous ne voulons pas que le contribuable, via l'intervention de la puissance publique, soit l'assureur de dernier recours. Le rapporteur général demande un rapport, fort bien, mais nous ne pouvons tomber d'accord sur le codicille : la suppression de la taxe sur les salaires, vieille revendication du monde bancaire, comme le monde financier demandait celle de l'impôt de bourse, dont on a vu le résultat.

Dans notre proposition de résolution européenne, nous préconisions la mise en place d'une taxe assurantielle. Vous nous aviez alors répondu que la contrepartie devait en être la suppression de la taxe sur les salaires, soit un produit de 2,4 milliards, équivalent à celui de la nouvelle taxe : mais si l'opération est blanche pour les établissements, où est la dissuasion ?

Ce que nous recherchons en dernière analyse, c'est bien que les établissements relèvent leurs fonds propres en fonction du risque qu'ils prennent, afin que l'État ne soit pas, en dernière instance, leur assureur.

Toute crise favorise les concentrations ; c'est à quoi l'on assiste aussi bien en Europe qu'outre Atlantique. Si l'on ne fait rien, les mêmes causes produiront les mêmes effets : plus les établissements seront gros, plus les États seront pris en otage.

A Saint Andrews, M. Strauss Kahn avait avancé cette idée. Vous avez répondu qu'il fallait avancer ensemble et attendre un certain temps : cela me rappelle le temps mis par un fût de canon à se refroidir selon Fernand Reynaud... (Sourires)

En tout état de cause, nous ne pouvons accepter la contrepartie que vous prévoyez : nous ne voterons pas l'amendement.

M. Thierry Foucaud.  - Nous rejoignons les propos de Mme Bricq : nous partageons l'esprit de votre proposition, mais pas toutes les finalités que vous lui donnez...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous ne désespérons pas de vous convaincre, madame Bricq, et espérons que vous participerez à nos travaux.

Mme Nicole Bricq.  - Plutôt deux fois qu'une.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est bien parce que l'État sera assureur systémique qu'il pourra poser des règles prudentielles. Ce que nous proposons, c'est un peu une Haute autorité de la concurrence pour les banques. La crise a montré que plus elles sont puissantes, plus on est contraint de les aider en cas de difficultés. Les établissements à échelle mondiale, qui comptent de nombreuses filiales, y compris dans des espaces non coopératifs, doivent savoir que le prix à payer sera fonction de leur taille, et du risque pris. C'est aussi une façon de s'opposer à la concentration.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ce qui nous réunit est la démarche de construire un système d'assurances contre les risques spécifiques du secteur financier, et la nécessité d'assoir les primes de la manière la plus précautionneuse et la plus utile possible, afin que l'État dispose de moyens supplémentaires pour garantir la sécurité globale. Ce qui nous sépare est la question de savoir s'il faut rester à prélèvement constant. Vous souhaitez augmenter celui-ci, vous nous l'avez dit avec la majoration de 10 % de l'impôt sur les banques, vous nous le confirmez en demandant une prime supplémentaire sans réaliser que plus les efforts demandés aux banques sont grands et plus ils ont une influence restrictive sur le crédit : vous exercez une action malthusienne sur le crédit et la responsabilité ne sera pas prise à l'extérieur des établissements bancaires. Vous manifestez presqu'autant d'attachement à la taxe sur les salaires que le groupe CRC, alors que la suppression de cet archaïsme provoquerait une grande simplification. Travaillons ensemble, les réflexions initiées en France sont aussi très présentes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans les enceintes internationales. Il est utile que la France participe à ce mouvement.

Mme Nicole Bricq.  - Nous voulons bâtir un système de prévention. Qui le gèrera ? La ministre en a parlé, ce peut être l'État, une autorité prudentielle, comme nous le souhaitons, ou la Banque centrale. Quel que soit son détenteur, cet outil s'inscrit dans une logique de dissuasion : c'est l'arme nucléaire ! Le capitalisme évolue toujours de crise en crise, de bulle en bulle. Pour éviter qu'il s'en forme de nouvelles, le montant de la taxe doit être modulé : ça doit coûter ! Je ne veux pas taxer davantage les banques mais éviter qu'elles ne prennent des risques excessifs.

Après une épreuve à main levée, déclarée douteuse, l'amendement n°I-304 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°I-518 est adopté, ainsi que l'article 4 bis modifié.

L'amendement n°I-382 n'est pas soutenu.

Article 5

I.  -  A.  -  Après l'article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies C, ainsi rédigé :

« Art. 266 quinquies C.  -  1. Il est institué au profit du budget de l'État une taxe carbone sur les produits énergétiques repris au tableau suivant, mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible. Les tarifs sont fixés comme suit :

Désignation des produits

Indices d'identification du tableau B de l'article 265

Unité de perception

Tarif (en euros)

White spirit :

4 bis

Hectolitre

4,02

Essences et supercarburants utilisés pour la pêche :

11, 11 bis et 11 ter

Hectolitre

1,03

Essences et supercarburants (hors utilisation pour la pêche), autres huiles légères, sauf carburéacteurs et essence d'aviation :

6, 11, 11 bis, 11 ter, 15 et 55

Hectolitre

4,11

Essence d'aviation :

10

Hectolitre

3,93

Pétrole lampant, carburéacteurs autres huiles moyennes :

13,13 bis, 13 ter, 15 bis, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18

Hectolitre

4,25

Huiles lourdes, fioul domestique :

20, 21

Hectolitre

4,52

Gazole :

-utilisé pour la pêche ;

-autres

22

Hectolitre

1,13

4,52

Fioul lourd :

24

100 kg net

5,30

Gaz de pétrole liquéfiés :

30 bis, 30 ter, 31 bis, 31 ter, 33 bis et 34

100 kg net

4,84

Gaz naturel à l'état gazeux :

36 et 36 bis

100 m3

3,65

Émulsion d'eau dans du gazole :

52 et 53

Hectolitre

3,93

Gaz naturel repris aux codes NC 2711-11 et 2711-21 de la nomenclature douanière, utilisé comme combustible :

Mégawattheure

3,14

Houilles, lignites et cokes, repris aux codes NC 2701, 2702 et 2704 de la nomenclature douanière :

Mégawattheure

6,23

« Tout produit autre que ceux prévus au tableau du présent 1, destiné à être utilisé, mis en vente ou utilisé comme carburant pour moteur ou comme additif en vue d'accroître le volume final des carburants pour moteur, est assujetti à la taxe carbone au tarif applicable au carburant équivalent ou au carburant dans lequel il est incorporé.

« À l'exclusion de la tourbe reprise au code NC 2703 de la nomenclature douanière, tout hydrocarbure autre que ceux prévus au tableau du présent 1, mis en vente, utilisé ou destiné à être utilisé comme combustible, est soumis à la taxe carbone au tarif applicable pour le combustible équivalent.

« 2. La taxe carbone ne s'applique pas aux produits :

«  -  destinés à être utilisés par des installations soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu par la directive n° 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté et modifiant la directive n° 96/61/CE du Conseil ainsi que par des installations visées à l'article 27 de la directive précitée ;

«  -  destinés à être utilisés par des installations mentionnées au premier alinéa du 2 de l'article 9 bis de la directive n° 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, précitée, exploitées par des entreprises au sens du 2 de l'article 11 de la directive n° 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production, ou dont le montant total des taxes intérieures de consommation dues sur les produits énergétiques et l'électricité qu'elles utilisent est d'au moins 0,5 % de la valeur ajoutée ;

«  -  destinés à être utilisés par les installations des entreprises mentionnées au 4° du 5 de l'article 266 quinquies B ;

«  -  destinés à un double usage au sens du 2° du I de l'article 265 C ;

«  -  utilisés dans un procédé de fabrication de produits minéraux non métalliques mentionné au 3° du I de l'article 265 C ou au c du 1° du 4 de l'article 266 quinquies B ;

«  -  utilisés dans les conditions prévues au III de l'article 265 C et au b du 3 de l'article 265 bis ;

«  -  utilisés par des aéronefs, à l'exclusion des aéronefs de tourisme privés ;

«  -  utilisés pour les transports internationaux et intracommunautaires maritimes, autres qu'à bord de bateaux ou navires de plaisance privés ;

«  -  utilisés dans les départements d'outre-mer jusqu'au 30 juin 2010.

« 3. La taxe carbone est due par les mêmes personnes que celles qui sont redevables des taxes intérieures de consommation mentionnées aux articles 265, 266 quater, 266 quinquies et 266 quinquies B. Le fait générateur et l'exigibilité sont ceux applicables auxdites taxes intérieures de consommation. » 

B.  -  Au sixième alinéa de l'article 265 septies du même code, le montant : « 39,19 € » est remplacé par le montant : « 37,59 € ».

C.  -  Au troisième alinéa de l'article 265 octies du même code, le montant : « 39,19 » est remplacé par le montant : « 34,67 ».

D.  -  Au premier alinéa du 1 de l'article 267 du même code, la référence : « et 266 quinquies B », est remplacée par les références : «, 266 quinquies B et 266 quinquies C ».

E et F.  -  (Supprimés)

G (nouveau).  -  Au premier alinéa du VI de l'article 266 quindecies du même code, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2013 ».

II (nouveau).  -  Dans les trois mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, une commission de suivi de la taxe carbone est instituée. Elle a notamment pour mandat d'évaluer l'efficacité de cette taxe et de donner un avis sur la détermination de son assiette et l'évolution de son taux. La composition et les missions de la commission sont précisées par décret en Conseil d'État.

M. Thierry Foucaud.  - Le réchauffement climatique dû à l'utilisation de combustibles fossiles est une responsabilité majeure de notre société. Si la conscience partagée est positive, votre taxe carbone est décevante car son mécanisme s'inscrit dans la continuité des dispositifs existants. Elle représentera 300 euros supplémentaires sur le chauffage des ménages, 18 centimes par litre d'essence et 15 % d'augmentation pour le gaz. Une nouvelle fois, le principe pollueur-payeur est mis en avant : plus on pollue et plus on serait taxé mais l'on ne change pas les modes de consommation et l'on n'incite pas à la révolution énergétique. C'est injuste et insupportable ! Pourquoi en rester à ce bricolage ? Indubitablement nécessaire pour atteindre les objectifs que la France s'est fixés, elle est improductive car trop limitée dans son prix et dans son assiette, elle ne permettra pas de diviser par quatre nos émissions à effet de serre. L'exclusion complète de la consommation d'électricité n'incite nullement à réduire la consommation d'électricité ou l'utilisation de chauffages électriques, cette aberration énergétique. On alourdit la facture des plus modestes sans modifier les comportements énergétivores de ceux qui peuvent s'en acquitter. Le chèque vert, enfin, n'autorisera nulle redistribution.

Alors que nous voulons développer les offres alternatives et préparer la transition énergétique, vous proposez un dispositif injuste et qui exclut les industries les plus consommatrices d'énergie : sous prétexte de leur éviter la double peine, vous leur permettez de spéculer sur le prix de la tonne carbone jusqu'en 2013. Il est contraire à la logique de peser de la sorte sur le consommateur final sans réorienter les modes de consommation d'énergie ni se donner des moyens pour les énergies alternatives. Vous jouez contre les salariés et l'emploi au lieu de concilier progrès écologique et progrès social. Les collectivités, enfin, seront pénalisées puisque non seulement leur contribution ne leur sera pas remboursée, mais celle des entreprises sera déduite de la base de leurs impôts locaux. Nous ne pouvons le tolérer.

M. Jean Desessard.  - L'article 5 fait écho à l'engagement 65 du Grenelle de l'environnement, qui prévoyait une contribution climat-énergie. Le ministre du budget l'a réaffirmé dans la discussion générale, le débat sur la taxe carbone est enfin ouvert, un signal est donné à nos concitoyens. Oui, mais lequel ?

En ménageant la chèvre et le chou, vous brouillez le message. Il faut dépasser le discours simpliste anti-taxes au regard de l'urgence écologique. Pour sauver le climat, les pays développés doivent, d'après les experts du Giec récompensés par le prix Nobel en 2007, réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % d'ici 2020. Avec une sobriété énergétique devenue vitale pour le devenir de notre petite planète, la création d'une contribution climat-énergie efficiente constitue, pour les parlementaires, une ardente obligation au sens gaullien du terme. Or la « taxe Sarkozy carbone » trahit l'engagement pris durant le Grenelle : fixée à moins de 32 euros par tonne, le signal prix, inaudible, n'entraînera pas de modification des comportements. En outre, sans affichage précis de la progression du prix du carbone censé atteindre 100 euros par tonne d'ici 2030, les entreprises ne pourront pas programmer les investissements nécessaires à la « décarbonation » de leurs activités sans compter que l'électricité, notamment d'origine nucléaire, est exclue du dispositif. Enfin, cette taxe pèsera davantage sur les plus modestes, la fameuse compensation forfaitaire ne prenant pas en compte les revenus, et les ruraux contraints de se déplacer en voiture quand de nombreux secteurs, gros émetteurs de gaz à effet de serre, bénéficient de nombreuses dérogations. Cette taxe étant aussi inefficace qu'injuste, la Haute assemblée doit rectifier le tir pour éviter qu'elle ne devienne le meilleur vaccin contre toute contribution climat-énergie ! (M. Jacques Muller et M. Jean-Claude Frécon applaudissent)

Mme Nicole Bricq.  - La taxe carbone, novation fiscale de ce budget, est loin de la contribution climat-énergie, dont l'instauration a été approuvée lors du Grenelle et à laquelle le groupe socialiste du Sénat a beaucoup travaillé. Je salue la qualité du rapport de Mme Keller sur cette question. Hélas !, bien qu'il y ait consensus sur l'objectif et que l'idée soit intéressante -à condition, M. Foucaud l'a dit, de repenser toute notre architecture fiscale-, le Gouvernement a réussi à transmuter de l'or en plomb. En l'absence d'un signal prix suffisant et d'informations sur sa progression, rien ne garantit l'efficacité écologique de cette taxe. Pour les Français, votre taxe carbone ne sera qu'un impôt de plus, supporté par les plus modestes pour lesquels les dépenses énergétiques représentent une part considérable du budget familial : toutes les études le disent, y compris celles du Centre d'analyses stratégiques, l'ancien Commissariat au plan. Enfin, le groupe CRC-SPG l'a légitimement souligné, il est incompréhensible de prévoir des compensations pour les entreprises, et non pour les collectivités territoriales, au moment où vous supprimez leur principale ressource, la taxe professionnelle, quand elles réalisent la plupart des investissements pour la réduction de la facture énergétique ; investissements qui, entre parenthèses, participent du soutien à l'activité économique. Compte tenu des nombreuses exonérations votées à l'Assemblée nationale et, bientôt peut-être au Sénat -je constate que chacun passe au guichet- et de l'assiette très réduite de cette taxe, cet impôt est déjà un gruyère : le bébé aura du mal à survivre à sa conception par le Gouvernement !. Par nos amendements, nous nous emploierons à l'y aider !

M. le président.  - Amendement n°I-188, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud.  - Cette taxe, je l'ai dit, est injuste et inefficace. Quid des locataires qui acquitteront une taxe dont le montant dépend de travaux dont ils n'ont pas la maîtrise ? Pourquoi exclure les entreprises des secteurs les plus fortement émetteurs, précisément celles qui bénéficieront le plus de la suppression de la taxe professionnelle ? La spéculation sur le marché du carbone étant une activité rentable pour beaucoup d'entre elles, il faudrait parler plutôt que de double peine, pour reprendre vos termes, de double bénéfice ! (M. Jean Desessard apprécie) La taxe devrait être négociée au niveau européen. Comment expliquer au particulier qu'il sera taxé sur l'essence, mais pas les camions et ceux qui prennent l'avion ? Pour Mme la ministre de l'économie, cette taxe, malgré ses défauts, a le mérite de verdir notre paysage fiscal. Mais la fiscalité ne saurait être un paysage que l'on agrémente de quelques touches de vert pour toucher l'électorat écologiste ! Cette taxe étant marquée par trop d'injustice, nous sommes contraints de nous y opposer.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Pour rendre justice au travail approfondi de nos collègues sur la contribution climat-énergie -je préfère éviter le terme de taxe carbone- et débattre de leurs amendements, évitons de supprimer l'article ! (M. Jean Desessard s'exclame) De surcroît, ce serait envoyer un signal très négatif à l'opinion publique et internationale. Avec ce dispositif, nous nous mettons sur un chemin. Si le Sénat s'y refusait, on lui reprocherait une vision quelque peu statique et passéiste. L'avis est donc tout à fait défavorable, le débat doit avoir lieu.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Avis défavorable. Nous tenons, non seulement à examiner cet article 5 mais à le faire en lien étroit avec l'article 6. C'est un signal adressé à nos concitoyens sur ce que coûtent les émissions de carbone. Le Président de la République avait, durant sa campagne, signé la charte de Nicolas Hulot : il respecte ses engagements. Nous discuterons des modalités de cette taxe dans les autres amendements mais je tiens à lier ces deux articles puisque l'objectif est de restituer à nos concitoyens le montant de ce qu'ils auront payé, les plus modestes bénéficiant d'un plus fort remboursement. (Mme Nicole Bricq le conteste)

L'amendement n°I-188 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-247, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

taxe carbone

par les mots :

contribution climat-énergie

II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble de l'article.

M. Jacques Muller.  - Cet amendement invite le Gouvernement à respecter les préconisations du Grenelle de l'environnement et les lois qui en découlent. L'article 2 de la loi Grenelle I dispose que « L'État étudiera la création d'une contribution dite climat-énergie en vue d'encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. » Je vous propose de ne pas vous dédire. Le Parlement a voté le principe d'une contribution climat-énergie. La conférence des experts, présidée par Michel Rocard, employait également cette expression dans ses conclusions. Quant à Olivier Godard, président de l'un des ateliers de réflexion, il affirmait : « Le mot taxe suscite le rejet. Le mot contribution sonne mieux ». Les deux mots n'ont pas la même signification. Le but est d'instaurer une fiscalité écologique susceptible de faire basculer vers un nouveau modèle de société, fondé sur la sobriété énergétique.

M. le président.  - Amendement n°I-445, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UC.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

taxe carbone

par les mots

Contribution Climat Energie

M. Yves Détraigne.  - Le terme « contribution » correspond mieux à cette mesure incitative et c'est bien pour le climat que cette contribution vise à améliorer nos comportements énergétiques. Enfin, le champ de cette contribution pourrait être étendu à l'avenir à d'autres gaz que le gaz carbonique, comme le méthane et le protoxyde d'azote, qui sont aussi à effet de serre.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Maintenant que nous avons maintenu l'article 5, reste à nommer la chose. (Sourires) On peut juger l'intitulé proposé selon ce qu'il contient et selon ce qu'il ne contient pas. Ce qu'il contient : le mot « contribution ». Bien des impôts sont appelés « contributions » ! Quelle différence de nature entre une taxe et une contribution ? Dès lors que l'une et l'autre sont des prélèvements obligatoires, je ne vois pas ce que l'un a de plus sympathique que l'autre. Certes le mot « taxe » est bref, brutal, mais la différence de contenu n'est pas considérable.

Ce que ne contient pas l'intitulé proposé, c'est le mot « carbone », et cela me gêne car le but est d'améliorer notre bilan carbone, non de taxer la consommation d'énergie. Certains de ceux qui préconisent cette appellation veulent en réalité un dispositif qui s'appliquerait à toutes les énergies. Or, notre stratégie est de tenir compte de la caractéristique de la politique énergétique française qui, depuis des lustres, est très avant-gardiste quant au bilan carbone, quant à l'origine de notre électricité, si bien qu'en la matière il n'y a pas en Europe de pays plus vertueux que le nôtre ! L'appellation proposée n'est donc pas plus vertueuse et elle est plus ambiguë. La commission sera attentive à l'avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je rejoins votre objectif de ciblage. Ce que nous voulons c'est réduire les émissions de CO2, c'est nous concentrer sur le carbone, non poursuivre des visées climatiques ou géopolitiques plus vastes. A quelques jours de Copenhague, il est important de pouvoir dire que la France a adopté, non une « contribution climat-énergie » -expression difficilement traduisible dans toutes les langues- mais une taxe carbone, référence à quelque chose de bien connu et qui nous permettra d'avoir un rôle moteur. Avis défavorable.

M. Yves Détraigne.  - Je ne suis pas convaincu. D'abord, une taxe, contrairement à une contribution, n'est pas affectée. Ensuite, la réaction spontanément négative de la population montre que ce n'est pas le meilleur moyen de faire passer cette bonne idée. Enfin, le but, ce n'est pas le carbone, c'est l'amélioration du climat.

M. Nicolas About.  - Chacun doit contribuer à proportion de sa pollution. La notion de carbone me surprend ici. D'accord pour l'hydrate de carbone, le dioxyde de carbone, l'hydrogène carboné. Mais on sera bien embêté dès qu'il faudra taxer le protoxyde d'azote, qui ne contient pas de carbone mais qui est un gaz à effet de serre des plus toxiques -il reste plus de120 ans dans les couches basses de l'atmosphère. Vous dites, madame la ministre, que l'appellation que nous proposons n'est pas facile à traduire. Nul doute qu'avec votre don pour les langues, vous parviendrez à vous faire comprendre. Notre appellation, moins restrictive, traduit la volonté de lutter contre tous les gaz à effet de serre.

M. Jacques Muller.  - Je suis surpris par le blocage du Gouvernement et du rapporteur général, car un consensus était apparu sur les bancs de la Haute assemblée pendant le Grenelle de l'environnement, pour affirmer que la meilleure énergie renouvelable est celle que l'on n'a pas consommée !

Dans ces conditions, pourquoi ne pas inscrire dans la loi une priorité aux économies d'énergie ? L'expression « contribution climat-énergie » désigne bien le sens de nos efforts.

D'autres amendements aborderont la filière électronucléaire.

D'autre part, comment rallier nos concitoyens à une taxe ? Pour eux, ce mot évoque une spoliation.

M. Gérard Longuet.  - M. Muller m'a totalement convaincu de ne pas voter l'amendement que M. About venait de défendre avec brio, car si tous deux souhaitent la même rédaction, leurs motivations sont contraires : l'Union centriste préfère la dénomination contribution climat-énergie pour désigner clairement l'ensemble des gaz à effet de serre, alors que M. Muller condamne toute augmentation de consommation d'énergie, quelle que soit son origine. J'observe que M. Marini a rappelé l'absence presque totale d'empreinte carbone de notre production électrique.

Si l'amendement de l'Union centriste était adopté pour approuver les motivations de M. Muller...

M. Nicolas About.  - Dieu nous en préserve !

M. Gérard Longuet.  - ...cela exprimerait la volonté de mettre fin à toute nouvelle consommation d'énergie.

Il me semble donc nécessaire de revenir au texte du Gouvernement. Bien sûr, il convient d'économiser l'énergie, ce que j'essaye de faire -d'ailleurs sans succès- lorsque j'enjoins à mes enfants d'éteindre la lumière en quittant une pièce, mais il ne faut condamner aucune perspective.

Mme Fabienne Keller.  - Je souhaite réconcilier les points de vue.

Le mot « taxe » est clair pour tous. La médiatisation ayant fait son effet, nos concitoyens savent que le carbone est le principal polluant atmosphérique.

Nous sommes à l'aube d'une nouvelle fiscalité, écologique. La contribution climat-énergie est un beau concept, mais il est plus clair de mentionner la « taxe carbone ».

Mme Nicole Bricq.  - Le groupe socialiste votera l'amendement déposé par nos amis Verts pour revenir à l'esprit du Grenelle de l'environnement.

Au demeurant, en parfait connaisseur de l'énergie, M. Longuet sait fort bien que l'électricité consommée par nos concitoyens est partiellement obtenue à partir de turbines à gaz...

M. Gérard César.  - En période de pointe !

Mme Nicole Bricq.  - ...ou de centrales à charbon.

En outre, il ne faut pas raconter aux Français que le prix de l'énergie baissera, nul ne le croirait.

M. Gérard Longuet.  - Tant mieux !

Mme Nicole Bricq.  - L'énergie est en phase d'enchérissement. Pour assurer l'acceptabilité sociale de notre travail, il faut accompagner les Français dans la mutation énergétique, pas leur raconter des fariboles.

M. Gérard César.  - Instituons donc une taxe !

Mme Nicole Bricq.  - Le mot « contribution » exprime une adhésion au processus, mais vous avez malheureusement fait l'inverse de ce qui aurait suscité l'acceptation sociale !

M. Jean Desessard.  - Le Gouvernement a carbonisé une bonne idée ! (Rires sur de nombreux bancs)

Une taxe est un impôt, or j'ai cru comprendre que celle-ci serait restituée aux citoyens. Ce n'est donc pas un impôt comme les autres, chargé d'alimenter les caisses de l'État, qui en ont il est vrai grand besoin après toutes les dépenses votées ce matin en faveur des entreprises !

Nous devons montrer que les contribuables récupéreront en l'occurrence ce qu'ils auront payé en consommant l'énergie. Cette dimension disparaît avec le mot « taxe ».

M. Nicolas About.  - Je voudrais réconcilier tout le monde. En fait, nous voulons tous la même chose, mais pas au même rythme.

M. Longuet propose de mentionner le carbone, qui apparaît en effet dans le gaz carbonique et dans le méthane. (Mme Nicole Bricq : « Il faut abattre toutes les vaches ! ») Nous aurons peut-être une méthataxe, en attendant que le protoxyde d'azote soit visé par une prototaxe. Au demeurant, l'ozone, de formule chimique O3, ne comporte pas non plus de carbone alors qu'il s'agit d'un gaz à très fort effet de serre.

Mais pour éviter toute ambiguïté quant aux intentions de l'Union centriste, nous retirons notre amendement.

L'amendement I-445 est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Dans son excellent rapport, Mme Keller a rappelé que le Conseil constitutionnel avait censuré l'article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000, qui étendait la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à la production d'électricité, parce que la production électronucléaire n'émettant pas de gaz à effet de serre, il n'était pas légitime de la soumettre à la TGAP.

Lui infliger la contribution climat-énergie pourrait nous exposer à des difficultés analogues.

En outre, on instituerait une double peine pour l'électricité, puisque l'éventuelle consommation de gaz ou de pétrole pour sa production serait déjà soumise à la contribution carbone.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous cherchons une appellation synthétique. Et « contribution » évoque une action, « taxe », une punition !

M. Nicolas About.  - Vous êtes centriste ! Rejoignez-nous ! (Rires)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Avec le temps, je me suis acclimaté à cette maison. (Même mouvement) La taxe professionnelle est devenue « cotisation complémentaire ». Avec une « contribution carbone », nous serions à la tête de deux « CC ». Mais il faudrait pour cela présenter un amendement.

Mme Catherine Procaccia.  - Rectifiez le n°I-445 !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il a été retiré.

M. Jacques Muller.  - Je rectifie le mien, pour faire un pas vers vous. Je remplace « taxe » par « contribution » ; mais je trouve dommage de laisser l'énergie de côté ! Je remplace donc « contribution climat-énergie » par « contribution énergie-carbone ». (« Non ! » à droite)

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°I-247 rectifié.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je le sous-amende, en remplaçant « contribution énergie-carbone » par « contribution carbone ».

M. le président.  - Ce sera le sous-amendement n°I-550. (« Voilà ! » à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Sagesse !

Le sous-amendement n°I-550 est adopté.

L'amendement n°I-247 rectifié, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-415 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Le Grand et Richert, Mme Sittler et M. Grignon.

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pour l'année 2010

II. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs de la contribution carbone sont révisés à la hausse chaque année de telle sorte qu'ils atteignent un prix de la tonne de C02 compatible avec les objectifs quantifiés de réduction des émission de gaz à effet de serre qui figurent à l'article 2 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

III. - Alinéa 22, deuxième phrase

Remplacer les mots :

l'évolution de son taux

par les mots :

le rythme d'augmentation de son taux sur une base pluriannuelle

Mme Fabienne Keller.  - Il s'agit d'inscrire dans la loi le principe d'une évolution des tarifs, progressive et fonction des objectifs du Grenelle de l'environnement. Faut-il des chiffres, à ce stade ? Le rapport Quinet fixe un objectif de 100 euros la tonne en 2030. Il serait à mon sens prématuré de prévoir une progression, fixe ou non, en pourcentage ou en montant absolu... Mais posons l'idée.

L'amendement n°I-251 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-252 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, un nouveau tableau de perception sera présenté indiquant les différents tarifs applicables selon une progression linéaire de 4,15 euros par an du prix de la contribution carbone afin de parvenir à l'objectif de 100 euros en 2030. »

II. - En conséquence, compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.

.... - La disposition du paragraphe précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »

... - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

M. Jacques Muller.  - De 17 euros aujourd'hui, nous passerons à 100 en 2030. Il convient de prévoir la progression à respecter pour y parvenir. Nous proposons une progression linéaire...

M. Michel Charasse.  - Injonction au Gouvernement !

M. Jacques Muller.  - ...pour ne pas reporter les responsabilités sur les gouvernements et les contribuables futurs. Mieux vaut aussi avoir des perspectives claires des évolutions de prix à venir ; la hausse fixe annuelle de 4,15 euros est certes importante, par rapport à 17 euros, mais elle sera de moins en moins sensible à mesure que le prix augmentera. Nos concitoyens comprendront parfaitement cette démarche responsable si on la leur explique.

M. le président.  - Amendement n°I-339, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Après l'alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs du présent tableau sont revalorisés, chaque année, pour atteindre en 2030 le tarif de 100 € par tonne de CO2. »

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« III. - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.

« L'alinéa précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Nicole Bricq.  - D'où vient ce niveau de 17 euros ? D'un arbitrage rendu par le Premier ministre, pardon, par le Président de la République, pour mettre un terme à la cacophonie gouvernementale. M. Borloo voulait un prix élevé, conformément à la position des commissions Quinet et Rocard. M. Woerth souhaitait un prix très bas, 10 à 15 euros la tonne. Le Président de la République a tranché en faveur... du niveau actuel du marché, 12 à 13 euros en ce moment -le prix est logiquement faible, en période de crise économique. Le plan français présenté à Bruxelles est très généreux à l'égard des entreprises, ce qui fausse la donne.

Et pourquoi nous en remettre entièrement à une commission dont nous ne connaissons même pas la composition ? Que les experts présentent leur analyse et fassent des propositions, très bien : mais c'est au Parlement de fixer à cette commission des orientations et l'objectif chiffré à terme.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A titre personnel, j'ai toujours considéré que la loi de finances était annuelle. Je ne prise guère la pluri-annualité, ni les lois de programmation, ni tout ce qui aliène la liberté du législateur en matière budgétaire. Cela me paraît dangereux. Enjoindre au Gouvernement de faire progresser la contribution de telle ou telle façon chaque année n'est pas de bonne méthode. Les circonstances pourraient nous contraindre à revenir sur un tel affichage ! La commission des finances se prononcera sur ces amendements après avoir entendu l'avis du Gouvernement. Quoi qu'il en soit, un objectif à terme et une progression annuelle impérative ne sont pas équivalents...

Je note que dans le Grenelle I l'objectif à 2020 était exprimé en pourcentage de réduction -20 % et 30 dans certains cas- des émissions de gaz à effet de serre.

Cette formulation est la plus proche de celle du Grenelle I. L'amendement n°I-339 ne prévoit pas la date de 2020, mais 2030, avec un objectif quantitatif de 100 euros par tonne de CO2. Le Gouvernement peut-il éclairer notre choix ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Dans l'exposé des motifs, nous faisons référence à 2030 et à un signal prix qui devrait alors atteindre 100 euros.

Mme Nicole Bricq.  - Nous sommes tous d'accord.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ces 100 euros ne constituent pas un objectif en soi, mais un moyen d'atteindre notre objectif.

M. Michel Charasse.  - Que vaudra l'euro à ce moment-là ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Où en sera le pacte de stabilité ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Si le signal prix est efficace, nous ne devrons pas nécessairement atteindre le seuil de 100 euros. En outre, d'autres techniques peuvent permettre de réaliser les objectifs, soit le facteur 4 pour 2050 ou une réduction de 21 % d'ici 2020. Ne nous condamnons pas à un rendez-vous annuel ou à une augmentation du prix, proportionnelle ou en valeur absolue, qui nous lieraient les mains. Enfin, il n'est pas constitutionnel de donner des injonctions au Gouvernement. (M. Michel Charasse approuve)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je demande le retrait de ces amendements.

Mme Fabienne Keller.  - L'efficacité de cette contribution dépend de la perception immédiate de son évolution future par les acteurs économiques. L'amendement n°I-415 rectifié trace une orientation claire afin que les entreprises et les particuliers comprennent bien les objectifs fixés pour 2030, et investissent de façon à limiter l'émission de CO2. La solution proposée est prudente en ce qu'elle ne fixe pas un objectif trop précis et lointain, tout en donnant un signal politique clair et quantifié. Cet amendement ne remet pas en cause le dogme de l'annualité budgétaire, mais donne une orientation dont les marchés de la taxe carbone et des quotas ont besoin. Nous préciserions ainsi la formulation plus littéraire du Grenelle de l'environnement. Je maintiens cet amendement, en espérant convaincre la commission. (Sourires)

Mme Nicole Bricq.  - L'amendement n°I-339 fixait un objectif chiffré. Nous le retirons en signe de bonne volonté pour voter l'amendement n°I-415 rectifié défendu par Fabienne Keller.

Le rapporteur général n'aime pas les lois de programmation, mais qu'a-t-on fait d'autre pour la suppression de la taxe professionnelle ? L'amendement n°I-415 rectifié donne une orientation, et nous aurions pu, comme pour la taxe professionnelle, renvoyer à la seconde partie de la loi de finances

L'amendement n°I-339 est retiré.

M. Jacques Muller.  - Nous retirons nous aussi notre amendement au profit de la proposition de Fabienne Keller. Le prix de départ, de 17 euros la tonne, est trop modeste pour être incitatif. Afin d'atteindre les objectifs fixés par le Grenelle, nous devons amener les entreprises à anticiper dès maintenant la hausse du prix de l'énergie. Il faut agir vite, car nous n'avons qu'une dizaine d'années pour inverser la courbe.

L'amendement n°I-252 rectifié est retiré.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'amendement n°I-415 rectifié ne contient pas de références chiffrées, mais renvoie aux objectifs définis par la loi Grenelle I. Il incorpore ces dispositions en loi de finances, ce qui peut sembler vertueux : nous avons souvent débattu avec Éric Woerth pour savoir si les dispositions financières doivent être inscrites dans la loi de finances suivante.

Mme Nicole Bricq.  - Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il nous est donc demandé ici d'inscrire dans une loi de finances un objectif figurant dans une loi sectorielle.

Est-on certain de devoir augmenter chaque année la contribution carbone ? Les marchés pétroliers ne peuvent-ils jamais fluctuer à la baisse ? Je ne maîtrise pas cette question.

Mme Fabienne Keller.  - Il faut évaluer l'impact des externalités, qui ne peut qu'augmenter. Nous devons également anticiper la hausse de la demande des pays émergents asiatiques afin de limiter les tensions sur le marché de l'énergie, qui pourraient avoir un effet dévastateur. Les externalités qui iront en s'accroissant sont actuellement sous-évaluées. (Mme Nicole Bricq approuve) Selon le Giec, elles nous couteront cinq à dix points de croissance en 2050.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je suis sensible à vos arguments sur le coût des externalités, mais nous disposons d'ici 2030 d'une échelle de temps assez longue pour espérer un meilleur fonctionnement du marché. Imaginons que le Gouvernement doive, pour des raisons sociales, réviser la contribution à la baisse durant une année.

Mme Nicole Bricq.  - C'est une fable !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Non, les externalités pourraient être prises en compte par le mécanisme de l'offre et de la demande. Si vous maintenez votre amendement, il serait préférable d'employer le terme « révisés » sans « à la hausse ».

Mme Nicole Bricq.  - Il ne faut pas mentir.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Les objectifs du Grenelle ont été très clairement communiqués au public.

Mme Michèle André.  - A 17 euros la tonne, la contribution carbone part d'une base faible, qui ne peut qu'augmenter.

M. Jacques Muller.  - Je rejoins Mme Keller. Le marché n'intègre pas ces externalités : c'est aux pouvoirs publics de le faire. Ce qui n'est pas intégré dans le prix, nous le supportons à travers les budgets publics. Il est essentiel de prévoir une revalorisation « à la hausse ». En cas de baisse du prix du pétrole, monsieur le rapporteur général, il faut au contraire prendre de l'avance ! On ne peut pas caler une politique de long terme sur des variations erratiques.

M. Gérard Longuet.  - Je souhaite que l'on s'en tienne à la formulation réaliste du Gouvernement. Cette contribution carbone est une création franco-française, dont l'objectif est de montrer notre bonne volonté. Mais cette bonne volonté ne doit pas être durablement solitaire. Il faudra laisser les parlementaires adapter cette contribution à la réalité de l'intérêt européen et mondial sur la taxation du carbone.

Restons modestes. Le CO2 contribue peut-être au réchauffement de la planète, mais l'énergie, c'est le transport, la fin de l'isolement et de la famine, la clé du développement mondial ! Cessons de pénaliser le progrès et d'ouvrir à chaque amendement un débat que les Grenelles I et II n'ont pas épuisé. Le plus prudent est d'avancer au rythme des autres pays européens. (M. Adrien Gouteyron applaudit)

M. Michel Charasse.  - Je m'abstiendrai sur l'amendement de Mme Keller. Soit il est purement déclaratif, et n'a pas sa place dans la loi, soit il comporte une injonction au Gouvernement, et est inconstitutionnel. Il conduit le Parlement à se lier les mains, ce que le Conseil constitutionnel réprouve. Ce n'est pas parce que l'on est écolo que l'on est autorisé à écrire n'importe quoi !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°I-415 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté

M. le président.  - Amendement n°I-250, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Alinéa 3, tableau

Rédiger ainsi ce tableau

Désignation des produits

Indices d'identification du tableau B de l'article 265

Unité de perception

Tarif (en euros)

White Spirit

4 bis

Hectolitre

7,57

Essences et super-carburants utilisés pour la pêche

11, 11 bis et 11 ter

Hectolitre

1,94

Essences et super-carburants (hors usage pour la pêche), autres huiles légères, sauf carburéacteurs et essence d'aviation

6, 11, 11 bis, 11 ter, 15 et 55

Hectolitre

7,74

Essence d'aviation

10

Hectolitre

7,4

Pétrole lampant, carburéacteurs autres huiles moyennes

13, 13 bis, 13 ter, 15 bis, 16, 17, 17 bis, 17 ter, 18

Hectolitre

8

Huiles lourdes, fioul domestique

20, 21

Hectolitre

8,51

Gazole : utilisé pour la pêche

Autres

22

Hectolitre

2,13

8,51

Fioul lourd

24

100 kg net

9,98

Gaz de pétrole liquéfiés

30 bis, 30 ter, 31 bis, 31 ter, 33 bis, 34

100 kg net

9,11

Gaz naturel à l'état gazeux

36, 36 bis

100 m3

6,87

Emulsion d'eau dans du gazole

52, 53

Hectolitre

7,4

Gaz naturel repris aux codes NC 2711-11 et 2711-21 de la nomenclature doua-nière, utilisé comme combustible

 

mégawatheure

5,91

Houilles, lignites et cokes, repris aux codes NC 2701, 2702 rt 2704 de la nomenclature douanière

 

mégawatheure

11,73

Déchets ménager et assimilés destinés à l'incinération ou à la coincinération

 

mégawatheure

7,8

M. Jacques Muller.  - Cet amendement fixe la contribution carbone à 32 euros, comme le proposent MM. Quinet et Rocard ainsi que le Centre d'analyse stratégique. Selon le comité Rocard, avec une valeur partant de 32 euros la tonne et croissant dans le temps pour atteindre 100 euros la tonne en 2030, l'État contribuerait pour une large part au respect de ses objectifs environnementaux. Le « signal prix » doit être suffisamment clair pour modifier les comportements. En l'Allemagne, la taxe carbone, sous-évaluée, n'a pas eu d'effet sensible ; a contrario, la Suède, qui a instauré une taxe à 80 euros dès les années 1990, a obtenu les meilleurs résultats en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour arriver à Copenhague avec des propositions fortes, nous ne pouvons pas descendre en deçà de ce prix.

M. le président.  - Amendement n°I-337, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 3, tableau, première colonne

À la quatrième ligne, supprimer les mots :

, sauf carburéacteurs et essence d'aviation

II. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Claude Frécon.  - Le transport aérien bénéficie déjà d'une exonération de TIPP qui coûte 3,5 milliards par an au budget de l'État. Si cette exonération était légitime dans les années 1920 pour favoriser le développement de l'aviation, elle ne l'est plus aujourd'hui. Avec l'exonération de contribution carbone, ce n'est pas la double peine, mais le double bonus !

Le transport aérien est le mode de déplacement le plus polluant : pour un voyage de 1 000 kilomètres, une voiture émet en moyenne 144 kilos de CO2, un TGV 14 kilos, l'avion 205 kilos ! Cette exonération va à l'encontre du Grenelle de l'environnement, qui proposait « d'établir le vrai coût du transport aérien ».

Vous nous opposerez les contraintes européennes, notamment la directive de 2003 qui fixe les règles de taxation applicables aux accises. Reconnaissez au moins que l'on ne peut continuer à donner un avantage indu à l'avion au détriment des autres modes de transports. Si ce n'est la taxe carbone, il faut imaginer un autre système qui permette au transport aérien de payer ses externalités négatives. L'argument de la concurrence internationale n'est pas recevable : on ne s'est pas gêné, il y a quelques années, pour instituer une taxe sur les billets d'avion !

L'amendement n°I-271 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-140, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

I. - Alinéa 3, tableau, septième ligne

Remplacer cette ligne par deux lignes ainsi rédigées :

Huiles lourdes, fioul domestique (hors usage pour le transport fluvial de marchandises)

20,21

Hectolitre

4,52

Fioul domestique utilisé pour le transport fluvial de marchandises

21

Hectolitre

2,92

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant, pour l'État, de l'instauration d'un tarif réduit de taxe carbone au bénéfice du transport fluvial de marchandises sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'article 11 de la loi dite Grenelle I souligne le caractère prioritaire du développement du transport fluvial. Il est paradoxal de prôner le report modal tout en octroyant à la route des avantages fiscaux dont le fluvial serait privé. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de consentir au transport fluvial de marchandises une atténuation de taxe carbone au moins égale à celle dont bénéficie le transport routier.

L'amendement n°I-395 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-248, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Alinéa 3, tableau

Compléter ce tableau par la ligne suivante :

Électricité

 

mégawatheure

5,91

II. - En conséquence, après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant :

« Sont exonérés de la taxe carbone les distributeurs d'électricité d'origine exclusivement solaire, éolienne, houlomotrice, marémotrice ou géothermique, hydraulique produite dans des installations hydroélectriques ou bien produite à partir de la biomasse ou de produits issus de la biomasse. »

M. Jacques Muller.  - Le Gouvernement se trompe et tente de tromper les Français. Il exclut l'électricité de l'assiette de la taxe carbone au motif que le nucléaire, principale source d'électricité, n'émettrait pas de carbone.

Si l'on raisonne sur l'ensemble de la filière, de l'extraction à l'utilisation et au retraitement, il est clair qu'elle est émissive. Comme la chaleur dégagée par la production n'est pas récupérée, il faut produire de l'électricité supplémentaire pour le chauffage. En témoignent les pointes de consommation en période d'hiver, qui nous obligent même à recourir à la production de centrales étrangères.

Le groupe de recherche d'Oxford relève que, si l'on poursuit au rythme actuel, la filière nucléaire produira autant de gaz à effet de serre que les centrales au gaz les plus performantes.

Le prix Nobel d'économie Josepj Stieglitz déclarait récemment que l'empreinte carbone de l'énergie nucléaire n'est pas si avantageuse et qu'il serait bon de se tourner prioritairement vers les énergies renouvelables.

M. le président.  - Amendement n°I-249, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Alinéa 3, tableau

Compléter ce tableau par la ligne suivante :

Électricité

Mégawatheure

3,14

II. En conséquence, après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant :

« Sont exonérés de la taxe carbone les distributeurs d'électricité d'origine exclusivement solaire, éolienne, houlomotrice, marémotrice ou géothermique, hydraulique produite dans des installations hydroélectriques ou bien produite à partir de la biomasse ou de produits issus de la biomasse. »

M. Jacques Muller.  - Amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°I-336, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 3, tableau

Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :

Électricité

 

Mégawatheure

1,3

II. - Aux alinéas 2, 4, 5, 6, 16 et 22

Remplacer les mots :

taxe carbone

par les mots :

contribution climat-énergie

Mme Michèle André.  - La question de l'inclusion de l'électricité dans l'assiette de la taxe est délicate : nous nous souvenons tous de la censure du Conseil constitutionnel, en 2000, sur l'extension de la TGAP à l'électricité, au motif que cela revenait à taxer de la même manière l'électricité, les énergies renouvelables et le gaz naturel. Nous apprenons de nos erreurs.

Les ressources fossiles ne sont pas inépuisables et il est indispensable que les plus gros consommateurs limitent leur consommation. C'est bien l'ambition de la contribution énergie-climat telle que l'avait pensé le Grenelle de l'environnement. M. Borloo avait déclaré alors devant la commission des finances qu'il devenait indispensable de réformer la tarification d'EDF aux heures de pointe. Rien n'a avancé depuis. Pour que le Grenelle ne reste pas lettre morte, nous vous invitons à adopter cet amendement.

L'amendement n°I-413 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°I-414.

M. le président.  - Amendement n°I-417, présenté par Mme Keller et M. Richert.

Alinéa 3, tableau

Compléter ce tableau par une ligne ainsi rédigée :

Electricité

 

mégawattheure

 1,3

Mme Fabienne Keller.  - Cet amendement, certes audacieux, s'appuie sur les engagements pris en décembre dernier à Kyoto : réduction de 20 % des gaz à effet de serre, mais aussi de 20 % de la consommation en énergie et augmentation de 20 % de la part des énergies renouvelables.

La contribution carbone n'intègre pas l'électricité au motif que sa production n'entraîne pas d'émission de carbone. C'est exact, mais cette exclusion entraînera mécaniquement une déformation des prix relatifs : ce serait donner un mauvais signal aux acteurs économiques. Elle encouragera de surcroît l'effet de pointe en encourageant l'usage de l'électricité pour le chauffage.

L'électricité est une énergie noble, transportable, il serait regrettable de l'utiliser pour la dégrader en chaleur. Alors que deux logements neufs sur trois sont chauffés à l'électricité, il n'est souhaitable ni d'aggraver l'effet de pointe, ni de dégrader l'économie-bilan de cette énergie.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission n'est pas favorable à l'inclusion de l'électricité dans l'assiette de la contribution carbone, pour des raisons de principe et qui tiennent à la politique énergétique voulue par le Gouvernement, qu'elle soutient. Elle est donc défavorable à tous les amendements allant dans ce sens.

Elle ne peut non plus être favorable à l'amendement n°337, qui assujettit le carburant utilisé par les aéronefs, malheureusement contraire au droit international, en particulier à l'article 24 de la convention de Chicago, ainsi qu'au droit communautaire. Le transport aérien sera partie intégrante du système communautaire de plafonnement et d'échange de quotas d'émission, à compter de 2012. On ne saurait lui faire payer double prix : le coût d'acquisition des quotas et la contribution carbone.

Quant à l'amendement n°250, il est beaucoup trop ambitieux sur le tarif puisqu'il prévoit un quasi doublement dès 2010. Compte tenu des difficultés de la conjoncture, la commission ne peut lui être favorable.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Défavorable à l'amendement n°250. Le prix qui a été fixé n'est pas celui du marché ; un point médian a été retenu entre le plus haut et le plus bas de la cotation sur la tonne de CO2. Ce n'est pas l'ampleur du signal qui modifie les comportements : voir le « bonus-malus » automobile, qui, bien que d'un montant peu élevé, a eu un effet considérable sur le parc.

Même avis que le rapporteur sur l'amendement n°337 : la convention de Chicago et la directive de 2012 l'interdisent.

L'amendement n°140 de la commission transpose au fluvial le régime institué pour le transport routier de marchandises. Mais il était destiné à mettre nos transporteurs en meilleure position dans la concurrence internationale, ce qui est moins vrai pour le fluvial, qui bénéficie d'ailleurs déjà d'une réduction sur la taxe intérieure de consommation sur les carburants. Retrait ?

Pour ce qui est des autres amendements, soit les nos417, 250, 337, 248 et 249, qui tendent à inclure l'électricité dans la taxe, le Gouvernement leur est totalement défavorable. L'une des forces de notre pays réside bien dans une production électrique très peu émettrice de CO2. Le Gouvernement partage, madame Keller, votre objectif de réduire la production d'électricité thermique. C'est pourquoi cette production est incluse dans la directive de 2003 sur les quotas, avec cette conséquence que le plan national d'allocation des quotas resserre l'allocation consentie aux centrales thermiques pour les pousser à des investissements de modernisation.

M. Jacques Muller.  - Je n'ai pas été convaincu par les arguments du Gouvernement. La ministre retient l'imposition moyenne suggérée par le marché alors que les experts s'accordent unanimement pour considérer qu'en dessous de 32 euros, la taxe n'est pas crédible. Ne confondez pas le comportement d'un automobiliste achetant un véhicule et dont le coup de coeur peut être affecté par le bonus-malus et un industriel qui n'investit qu'au terme de calculs très fins. Le signal prix est trop faible. Au-delà de 32 euros, nous aurions, assurez-vous des difficultés d'acceptabilité sociale.

M. Gérard Longuet.  - Et oui !

M. Jacques Muller.  - La Suède, le Danemark sont à 80 euros la tonne.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Sans la TIPP !

M. Jacques Muller.  - Comment ? Parce qu'ils ont une politique de redistribution plus favorable aux ménages modestes. Les pays les moins inégalitaires ont pu mettre un place une contribution carbone répondant aux enjeux. En refusant toute politique de redistribution, vous vous condamnez à l'impuissance. Il est vrai que quand on défend le bouclier fiscal, on renâcle devant la redistribution. La conclusion est très grave : le Giec nous dit que nous disposons de dix ans pour inverser la courbe des gaz à effet de serre. N'arrivons pas à Copenhague à reculons : il s'agit d'une lourde responsabilité pour l'avenir de la planète. (M. Jean Desessard applaudit)

Mme Fabienne Keller.  - Si, j'en conviens, la solution pour les aéronefs n'est pas nationale, il est incroyable que ce secteur ne soit absolument pas taxé. La mise sous quotas n'est qu'une solution extrêmement partielle : il faudra remettre la convention de 1946 sur la table.

J'insiste sur l'intérêt d'intégrer l'électricité dans la contribution énergie-climat. L'électricité est une énergie comme une autre et le nucléaire a besoin d'uranium qui n'est disponible qu'en quantités limitées, comme les énergies fossiles. Si, ainsi que le dit Hubert Reeves, la bonne énergie est celle que l'on ne consomme pas, la plus noble est l'électricité, que l'on peut déplacer et qui peut servir aux transports. Sans remettre en cause les choix stratégiques de la France, je plaide pour que l'énergie soit employée utilement.

M. Jean-Claude Frécon.  - Je comprendrais mieux les objections juridiques si celles-ci n'avaient été surmontées naguère. La pollution par les aéronefs est la plus importante, au point que le Grenelle de l'environnement a estimé qu'il fallait établir le vrai coût du transport aérien ! On ne peut pas ne rien faire sur l'aviation. Il faudra y revenir. Cela va changer en 2012, me dit-on. Je l'avais déjà signalé et l'on dispose de deux ans pour agir, à supposer qu'il n'y ait pas de changement d'ici là. Quant à la directive européenne n°23, je voudrais en toute innocence savoir si elle ne s'appliquait pas lors de l'instauration de la taxe Chirac sur les billets d'avion.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Elle n'était pas assise sur les carburants !

M. Jean-Claude Frécon.  - Certaines mesures sont à géométrie variable, et cela surprend les citoyens.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

L'amendement n°I-250 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°I-337 rectifié.

M. René Beaumont.  - Je soutiens l'amendement du rapporteur général, qui, en sa qualité de maire de Compiègne, est naturellement concerné par la grande liaison Seine-Nord-Europe. Défenseur du transport fluvial, j'ai été désagréablement surpris par l'argumentation de la ministre. Elle invoque des difficultés par rapport à la fiscalité qui pèse sur les carburants des routiers. Mais le transport fluvial est plus écologique : un convoi poussé de 4 000 tonnes est l'équivalent de 210 camions avec un seul moteur de 600 chevaux, et ne pas accepter l'amendement, c'est défavoriser nos transporteurs fluviaux par rapport à leurs concurrents hollandais, allemands ou belges, c'est faire en sorte que les gros porteurs déchargent à Rotterdam ou Anvers plutôt qu'à Dunkerque ou au Havre. L'équilibre des charges des carburants doit s'apprécier au niveau européen. Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame, de vous en remettre à la sagesse. Vous donneriez ainsi un signal fort, cohérent avec les Grenelle I et II.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Thierry Foucaud.  - Le débat nous conforte dans notre position. Votre proposition est insuffisante d'un point de vue écologique mais totalement injuste d'un point de vue social. La TIPP n'est-elle pas faite pour lutter contre la pollution ? Dans ce débat contradictoire, certains veulent diminuer le prix du fioul, ce qui serait légitime, et d'autres veulent augmenter le prix du kérosène, ce qui est justifié. Puisqu'il y a eu débat au sein du groupe de travail, pourquoi ne pas faire ressortir certaines propositions et commencer par aider d'abord ceux qui s'engagent à moins polluer ? S'agissant de l'amendement du rapporteur général, il est vrai que le transport fluvial est moins polluant que le transport routier. Nous partageons son souci mais nous interrogeons sur ce qu'il est advenu de la promesse du Président de la République d'investir dans les voies navigables pour qu'il y ait un million de camions en moins sur les routes d'ici 2020.

Encore une fois, le discours n'est pas suivi d'actes. Le transport fluvial doit être renforcé quand sa part modale se situe entre 2 et 3 %, contre 14 % en Allemagne et 47 % en Hollande. Pour autant, nous ne voterons pas l'amendement n°I-140 (M. Philippe Marini, rapporteur général, s'exclame) car nous nous interrogeons sur ses motivations profondes. Le Président de la République et la majorité ne tenant pas leurs engagements -plus de fluvial, moins de route-, ce ne peut être qu'un amendement de circonstance.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je suis très choqué !

L'amendement n°I-140 est adopté.

L'amendement n°I-248 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-249 rectifié, I-336 rectifié et I-417.

M. le président.  - Amendement n°I-253, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

À l'exclusion de la tourbe reprise au code NC 2703 de la nomenclature douanière,

M. Jacques Muller.  - Les tourbes participent au dérèglement climatique. Selon une récente étude, près de 1,3 milliard de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l'atmosphère en 2008, suite à la dégradation ou à l'assèchement des zones humides. En excluant les tourbes de l'assiette de la contribution carbone, vous refusez de répondre à une demande des écologistes.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'amendement est conforme au bon sens, mais non au droit communautaire... Aux termes de l'article 2 de la directive 2003/96/CE, la tourbe est exclue des hydrocarbures assujettis, peut-être sous l'influence de nos amis écossais, gaéliques ou irlandais...

M. Nicolas About.  - Il ne faut pas mettre la main à la tourbe ! (Sourires à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Avis également défavorable.

M. Jacques Muller.  - Une fois n'est pas coutume, je suis convaincu par l'argumentation du rapporteur général.

M. Jean Desessard.  - Jacques Muller est fair play avec les Irlandais...

L'amendement n°I-253 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-254, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Muller.  - L'amendement poursuit deux objectifs : mettre en place un système efficace contre les gaz à effet de serre et prévenir les distorsions de concurrence entre grandes et petites entreprises. La directive ETS -Emissions Trading Scheme- concerne 12 000 établissements européens, responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. L'exonération prévue à l'alinéa 8 revient, selon le député François de Rugy, à exonérer de la taxe carbone 93 % des émissions industrielles de dioxyde de carbone ; exonération qui profite aux entreprises bénéficiant déjà de quotas gratuits jusqu'en 2013. Autrement dit, ce n'est pas la double peine, mais le double bonus ! Ce n'est plus le principe pollueur-payeur, mais le principe pollueur-payé... Il y a de quoi s'interroger quelques jours après la relaxe incompréhensible de Total dans l'affaire AZF...

M. Gérard César.  - Cela n'a rien à voir !

M. Jacques Muller.  - En bref, la contribution carbone ne pèsera que sur les petites entreprises. En 2013, 60 % des quotas seront soumis à la procédure de mise aux enchères. Résultat, seuls certains paieront quand d'autres spéculeront sur le dos de la planète et des salariés pour tirer des bénéfices de la revente de leurs quotas. Je m'interroge sur la constitutionnalité d'une telle disposition.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Contribution carbone et quotas sont des instruments économiques d'effet équivalent, qui n'ont donc pas vocation à se superposer. Que certains quotas soient attribués gratuitement durant la phase transitoire ne change rien, puisque l'opérateur devra acquérir des quotas supplémentaires sur le marché si ses besoins excèdent son allocation. Ce mécanisme, qui permet de valoriser les quantités de CO2, commence à être mis en place. Au reste, la commission des finances a exprimé, à plusieurs reprises, ses préoccupations concernant la régulation de ce marché. Celui-ci doit être au moins aussi transparent, sinon davantage que les autres marchés en raison de son caractère moderne et de sa finalité environnementale. L'avis de la commission ne peut pas être favorable, d'une part, parce que nous sommes sur un chemin -le niveau de la contribution est, pour l'heure, faible de l'aveu même de M. Muller- et, d'autre part, parce que le marché des quotas commence à s'animer avec 2,8 millions de tonnes échangées en 2008, soit dix fois plus qu'en 2005, année de sa mise en oeuvre. On ne peut demander à une certaine catégorie d'entreprises d'acquitter la contribution carbone quand elles auront besoin de financer l'acquisition de quotas sur le marché.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - A l'instar de M. le rapporteur général, je pense que l'on ne peut pas appliquer aux entreprises le double système des quotas d'émissions prévu par la directive ETS et celui de la contribution carbone. Évitons de pénaliser nos entreprises à forte intensité capitalistique, soit celles qui nécessitent de lourds investissements telles que les entreprises de sidérurgie ou de raffinerie, par rapport à leurs concurrentes européennes qui, hormis celles de trois pays, ne sont pas soumises à une taxe carbone. En conclusion, parce qu'il en va de la compétitivité de notre territoire et que le système des quotas s'applique, fût-ce à titre gratuit, rejet.

M. Jacques Muller.  - Le raisonnement ne tient pas : exonérer de la contribution carbone les entreprises les plus grosses émettrices de gaz à effet de serre, comme ArcelorMittal et GDF Suez, durant la phase transitoire, c'est leur accorder une prime tout à fait choquante quand les PME devront, elles, contribuer ! C'est même scandaleux d'un point de vue écologique !

M. Michel Charasse.  - L'écologie, on s'en fiche !

M. Thierry Foucaud.  - La première mesure dérogatoire à l'article 5 concerne les énergies soumises au système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Cette dérogation serait justifiée, selon le rapporteur, par le souci de ne pas « imposer à l'industrie française sous quotas une double taxation préjudiciable à sa compétitivité ». Jusqu'en 2013 on ne va rien imposer aux entreprises visées. Ni taxe carbone ni quotas ! C'est pourquoi nous voterons l'amendement de M. Muller. Nous avons déjà dit notre opposition à un marché des droits à polluer. Une liste a été fixée au niveau communautaire, de secteurs et de sous-secteurs qui courent, un risque de « fuite de carbone », c'est-à-dire de délocalisation vers des pays tiers où la réglementation sur la protection du climat est moins stricte. Ces secteurs pourraient se voir accorder jusqu'à 100 % de leurs quotas d'émissions gratuitement jusqu'à 2020 sous certaines conditions. Ceux qui ne sont pas sur cette liste devront acheter leurs droits d'émissions aux enchères. L'article 5 est critiquable : on ne voit pas pourquoi il ne serait opposable qu'aux contribuables et pas aux entreprises.

Mme Fabienne Keller.  - M. Muller pose un vrai problème -les grosses entreprises sont, de fait, exonérées- mais il y apporte une réponse inadaptée. Dans le monde de la pollution, on compte deux grands secteurs : celui qui relève de la directive de 2003 et les autres, soumis à la contribution carbone. La réponse à la question qu'il pose passe par la bonne application de la directive -rendre ces quotas tous payants-, et, pour ne pas nuire à notre compétitivité, par l'instauration d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.

L'amendement n°I-254 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-255, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - destinés à être utilisés par des installations visées à l'article 266 quinquies A, bénéficiant d'un contrat d'achat d'électricité conclu dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ou mentionné à l'article 50 de cette même loi, en proportion de la production d'électricité par rapport à la production totale d'énergie ; »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jacques Muller.  - Les centrales de production d'énergie qui alimentent des réseaux de chaleur et qui ne sont pas soumises au régime des quotas vont être soumises à la contribution carbone sur leurs achats de combustibles. Une soixantaine de ces réseaux sont équipés de centrales de cogénération permettant, à partir principalement de gaz naturel, la production simultanée, et avec une haute efficacité énergétique, de chaleur et d'électricité. Cette dernière est vendue à un prix unitaire défini par un arrêté et la chaleur est livrée aux abonnés du réseau, à un prix déterminé, de façon à équilibrer le compte de résultat du réseau de chaleur. L'application de la contribution carbone sur la totalité des achats de gaz naturel de ces centrales va induire une charge supplémentaire sur le budget des réseaux concernés, qui auront le prix de vente de la chaleur comme seule variable d'ajustement pour leurs recettes. Les usagers de ces réseaux, souvent de condition très modeste -le logement social représente 60 % des ventes de chaleur de ces réseaux- vont être doublement affectés par la contribution carbone sur leurs achats de chaleur, le prix de celle-ci devant intégrer, d'une part, les achats de gaz imputables à la production de chaleur, ce qui est cohérent avec le mécanisme global de la contribution carbone, mais également les achats de gaz supplémentaire utilisé pour la production d'électricité dans la mesure où le tarif d'achat de l'électricité n'intègrera pas la contribution carbone. Notre amendement exonère donc les achats de gaz imputables à la production d'électricité pour les centrales de cogénération qui ne sont pas soumises au régime des quotas.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission a adopté un amendement n°I-141 qui n'est pas identique mais voisin, et qui concerne la contribution carbone sur le prix facturé aux abonnés dans un réseau de chaleur. Le plus souvent, ces abonnés sont locataires de logements sociaux, ou ce sont des copropriétaires modestes. On n'a pas anticipé cette charge supplémentaire dans les délégations de service public et cela fait courir un grand risque à leur pouvoir d'achat. Aussi la commission recommandera-t-elle, dans son amendement n°I-141, d'exonérer de contribution, pour un an, les réseaux de chaleur non soumis aux quotas. Je suggère donc le retrait du n°I-255 qui lui est proche, au bénéfice de notre amendement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ces entreprises de cogénération non soumises aux quotas doivent, elles aussi, contribuer à la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Retrait ou rejet.

M. Jacques Muller.  - Nous discuterons de l'amendement de la commission en temps voulu. Je maintiens celui-ci. La cogénération est une voie d'avenir pour la production d'énergie. Son bilan gaz à effet de serre est optimal, meilleur même que celui du nucléaire et, lorsqu'elle s'appuie sur une collecte sélective des déchets, elle produit, en outre, un compost de qualité. La cogénération doit être reconnue comme une filière d'excellence et je ne comprendrai pas qu'on ne lui donne pas un signal d'encouragement.

Mme Nicole Bricq.  - Le groupe socialiste a toujours défendu ces réseaux de chaleur. Nous voterons cet amendement. Et si celui de la commission est identique...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il est plus large.

Mme Nicole Bricq.  - ...rien ne nous empêchera de le voter aussi.

L'amendement n°I-255 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-256, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Muller.  - Il faut soumettre à la contribution carbone les entreprises qui n'entreront dans le système communautaire d'échange des quotas qu'à compter de 2013. Sinon, pendant trois ans, ces entreprises ne seront ni intégrées dans ce marché, ni assujetties à la contribution. Il y aurait là une distorsion de concurrence, inégalité de concurrence et, donc inconstitutionnalité...

M. le président.  - Amendement identique n°I-338 rectifié, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Mme Nicole Bricq.  - Il est important, alors que nous créons un nouvel impôt, de limiter au maximum les exonérations, sous peine de réduire fortement le signal prix. Nous proposons donc de supprimer l'exonération prévue pour les entreprises qui n'entreront dans le marché européen d'échange des quotas d'émission qu'en 2013. Il s'agit des industries chimiques dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production. Il en va de même lorsque le montant total des droits d'accises payés sur les produits énergétiques et l'électricité utilisés, est d'au moins 0,5 % de la valeur ajoutée.

Leur exonération de taxe carbone sera justifiée à compter du 1er janvier 2013, pas avant.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'exonération dont bénéficieront les industries chimiques se justifie par leur future intégration au système des quotas européens de gaz carbonique. Devant acheter sur le marché 20 % des quotas de carbone, calculés en se fondant sur le premier décile des installations les plus performantes, ces entreprises subiront une forte contrainte.

La compétitivité des activités intensives en énergie est un sujet complexe. Il y a quelques années, nous avions dû donner à la hussarde un feu vert au consortium d'achat de l'électricité. La commission est défavorable aux deux amendements.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - A compter de 2013, les industries intensives en énergie seront soumises au système européen d'échanges de quotas.

Vous invoquez l'égalité devant les charges publiques pour leur refuser cette exonération. Or, traitées autrement, des situations différentes n'opèrent aucune rupture d'égalité. Ces entreprises subissent des contraintes spécifiques en raison d'une consommation énergétique sans commune mesure avec les autres activités. Et elles doivent se préparer aux enchères d'allocations de quotas, qui entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2013.

Il n'y a donc pas à hésiter pour l'exonération. La taxe carbone n'a pas pour objet de pénaliser les entreprises sur le marché international. Enfin, nos partenaires européens appliquent cette exonération.

M. Jacques Muller.  - Je n'ai pas été convaincu. Les entreprises intensives en énergie seront donc exonérées jusqu'à l'entrée en vigueur du marché de quotas, le 1er janvier 2013. Idem pour celles qui bénéficieront de quotas gratuits. Bref, ceux qui réussissent à se faire entendre sont exonérés, les autres passeront immédiatement à la caisse !

M. Bernard Vera.  - Concrètement, il s'agit des entreprises chimiques, exonérées de taxe carbone en raison des quotas qui leur seront imposés à partir de 2013.

Nous comprenons la volonté de ne pas pénaliser un secteur industriel qui subit déjà la hausse exponentielle des tarifs énergétiques, mais comment ne pas voir l'inégalité induite par l'exonération des industries les plus polluantes ? Une fois de plus, les ménages supporteront seuls cette taxe injuste. Il faudrait au moins ajouter une mesure incitative.

Les amendements identiques nosI-256 et I-338 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°I-185, présenté par Mme Henneron.

I. - Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - destinés à être utilisés dans les conditions définies au 3° du 5 de l'article 266 quinquies B ;

II. -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Françoise Henneron.  - La taxe carbone est censée adresser un signal prix au consommateur pour l'inciter à de nouveaux comportements et à investir pour réduire sa consommation. Or, quelque 300 000 tonnes de charbon sont consommées en France pour chauffer 120 000 foyers, dont 60 % à 70 % sont situés dans le Nord-Pas-de-Calais. Le tonnage de charbon à usage domestique régresse de 15 % à 20 % par an. Ce marché est donc voué à une disparition proche. Il serait vain de pénaliser davantage les consommateurs de charbon domestique, pour l'essentiel des retraités des mines ayant toujours connu ce mode de chauffage. Il apparaît illusoire d'attendre un effort financier de ces consommateurs aux moyens très modestes, trop préoccupés de satisfaire les besoins de première nécessité.

La consommation de charbon par les particuliers est exonérée de la taxe intérieure sur la consommation de charbon en raison des faibles volumes concernés. La taxe carbone doit connaître le même sort.

Je m'étonne de constater, et je le regrette, que ne figurent pas sur la liste des signataires certains collègues qui m'avaient promis leur appui.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le sujet est sensible pour une catégorie de la population à qui beaucoup d'efforts sont demandés par ailleurs.

Je rappelle toutefois que les intéressés bénéficient d'une exonération de TICC sur leurs achats de houille, de lignite et de coke.

D'autre part, les ménages peuvent bénéficier du crédit d'impôt institué par ce projet de loi. Nous ignorons seulement s'ils seront considérés comme « ruraux » ou « urbains », tant le critère de distinction, le périmètre de déplacement urbain, paraît incertain.

J'observe que les combustibles dont il s'agit sont parmi les plus forts émetteurs de gaz carbonique, mais que la consommation se réduit au rythme particulièrement soutenu que vous avez rappelé.

Quelles aides pourrait-on attribuer à cette partie de la population pour qu'elle se chauffe autrement ? Embarrassée, la commission se tourne vers le Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je comprends Mme Henneron, qui demande une exonération en faveur de personnes pour qui le chauffage au charbon est une tradition familiale. Nous avons eu des discussions comparables avec nos homologues polonais, qui ont toutefois admis la nécessité d'agir.

Les ménages concernés peuvent bénéficier de toute une série d'exonérations et d'incitations fiscales, outre le prêt à taux zéro développement durable.

Je vous propose de retirer l'amendement et de créer un groupe de travail, avec votre participation, pour étudier le meilleur moyen d'inciter à un chauffage moins polluant.

Mme Françoise Henneron.  - Vous me mettez dans l'embarras, car il s'agit d'une population à revenus particulièrement modestes. J'approuve la création d'un groupe de réflexion mais celle-ci ne doit pas nous empêcher de voter mon amendement !

L'amendement n°I-185 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-440, présenté par MM. Revet, Bécot, Trillard, Bizet, Magras, Pointereau, Cléach, Merceron, Grignon, Nègre et César et Mme Henneron.

I. - Après l'alinéa 9, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - destinés à être utilisés par des installations soumises volontairement au régime d'un projet relevant d'une méthodologie référencée conformément aux dispositions des articles 6 à 12 du protocole de Kyoto ;

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Michel Magras.  - Prenons en considération les initiatives prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d'un « projet domestique CO2 » prévu par le protocole de Kyoto. Cette démarche innovante, qui a été lancée par la France, souligne notre détermination à lutter concrètement contre le changement climatique. L'objectif des projets domestiques est de contribuer à une diminution des émissions par quatre d'ici à 2050. Cette démarche volontariste doit être encouragée par une exonération de la contribution carbone.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'intention est louable mais il y aurait un paradoxe à exonérer totalement de contribution des installations qui, émettant moins de CO2, sont soumises à une moindre contribution carbone. La mesure serait contreproductive, car les opérateurs n'auraient plus d'incitation à réduire leurs émissions. Retrait.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°I-440 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-257, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Muller.  - Le transport aérien émet 3 % des émissions des gaz à effet de serre dans l'Union européenne. Le volume de CO2 émis par l'aviation internationale a augmenté de 87 % entre 1990 et 2004 ; et en dépit du ralentissement dû à la crise, la courbe reste croissante.

Le transport aérien engendre la plus grande quantité d'émissions de CO2 par passager au kilomètre et par tonne de fret au kilomètre. Soit, pour les passagers, deux fois plus qu'en voiture, six fois plus qu'en train, en métro ou en bus ; et pour les marchandises, six fois plus qu'en camion et 80 fois plus qu'en train ou bateau. Sans parler de la pollution sonore, les avions émettent aussi des oxydes d'azote, des particules et de la vapeur d'eau qui engendre la formation de cirrus, avec un impact non négligeable sur le réchauffement climatique. Supprimons l'exonération de taxe carbone dont bénéficie le secteur : il est grand temps de faire reculer la part du transport aérien. Moi qui prends régulièrement le TGV, je vous affirme que cela est possible.

M. le président.  - Amendement n°I-387, présenté par M. Beaumont.

I. - Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - utilisés pour la navigation fluviale et maritime dans les eaux communautaires, y compris la pêche, les transports internationaux et intracommunautaires, à l'exclusion des bateaux de plaisance privés ; »

II. - Alinéa 3, tableau, huitième ligne

Rédiger ainsi cette ligne :

Gazole :

22

Hectolitre

1,13

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. René Beaumont.  - Le Sénat a voté un amendement du rapporteur général ramenant le taux de la taxe carbone applicable à la navigation fluviale à un niveau égal à celui du transport routier. Nous allons plus loin, afin de préserver toutes les chances du transport fluvial français face à la concurrence des pavillons belge, hollandais, allemand. La contribution carbone a certes été réduite mais la part résiduelle suffit à pénaliser nos transporteurs par rapport à leurs concurrents étrangers, qui ne sont soumis à aucune taxe de ce genre. Les gros porteurs qui traversent les océans ne déchargeront plus leurs cargaisons à Dunkerque ou au Havre, mais à Anvers et Rotterdam, où ils paieront le carburant moins cher pour le transport fluvial. Les compagnies étrangères réalisent déjà plus de 35 % du transport sur nos fleuves, avec du carburant détaxé acheté à l'extérieur : voulons-nous que ce mouvement s'amplifie ?

Le volume de carburant concerné n'est pas énorme, cent fois moins que pour le transport routier. Le Grenelle de l'environnement a décidé de privilégier le transport fluvial. Le privilégier en paroles, c'est bien ; en actes, c'est encore mieux.

M. le président.  - Amendement n°I-420, présenté par MM. Lambert et Garrec.

I. - Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - utilisés pour les transports maritimes, autres qu'à bord de bateaux ou navires de plaisance privées ;

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Lambert.  - Si le transport maritime n'est pas exonéré de contribution carbone, le coût de la vie des îliens se renchérira et nos armateurs subiront une distorsion de concurrence par rapport à leurs concurrents étrangers. En outre, un dispositif international sera bientôt mis en oeuvre et il n'est pas bon d'empiler les mesures.

M. le président.  - Sous-amendement n°I-549 rectifié à l'amendement n°I-420 de M. Lambert, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Amendement n° I-420

I. - Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

; pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale, l'exonération s'applique que ces transports soient gérés en régie directe ou qu'ils aient reçu délégation de service public maritime

II. - Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

La perte de recette pour l'État résultant de la non application de la contribution carbone aux produits utilisés pour les transports nationaux assurant la continuité territoriale est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Claude Frécon.  - Précision, concernant les îles : les transports nationaux qui assurent la continuité territoriale doivent être exonérés, qu'ils opèrent en régie directe ou par une délégation de service. Le conseil général du Finistère leur verse déjà 3 millions d'euros de subvention d'équilibre. S'ils sont soumis à la contribution carbone, la subvention devra être augmentée !

L'amendement n°I-179 n'est pas soutenu. En conséquence, le sous-amendement n°I-548 devient sans objet.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je ne peux être favorable au n°I-257 en raison d'une erreur de référence. L'amendement n°I-387 tend à exonérer de contribution les transports maritime, fluvial, ainsi que la pêche, mais il comporte hélas également une erreur, de référence tarifaire : cela nous interdit, techniquement, d'accompagner M. Beaumont... Néanmoins, je crois qu'il a satisfaction grâce à l'amendement de la commission et à l'amendement n°I-420, qui étend au transport maritime national l'exonération consentie aux transports international et intracommunautaire ; je conseille à notre collègue de s'y rallier. Je remarque que les liaisons avec la Corse sont considérées comme internationales, contrairement à la liaison entre la Tour Fondue et Porquerolles, par exemple. (Sourires)

M. Lambert a été très convaincant au sujet des distorsions de concurrence entre les armateurs nationaux et ceux qui opèrent dans tout le continent.

Le fait que le transport régional soit traité différemment selon qu'il dessert la Corse ou des îles plus proches des côtes témoigne de l'imperfection du dispositif. Madame la ministre, la commission comprend la préoccupation des auteurs de cet amendement et souhaite que cette contradiction soit résolue.

Le sous-amendement n°I-548 rectifié précise que cette exonération devrait concerner les transports en régie directe ou bénéficiant d'une délégation de service public. Je n'ai pas bien compris si l'exonération prévue ne concerne que cette catégorie de transport.

M. Jean-Claude Frécon.  - Il s'agit des transports assurant la continuité territoriale -ceux qui desservent les îles bretonnes, par exemple.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'amendement n°I-420 me semble englober ces liaisons. S'agit-il de limiter les exonérations aux transporteurs ayant passé un contrat avec une collectivité publique ? Sinon, ce sous-amendement n'est pas indispensable.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'amendement n°I-257 propose de supprimer les dispositions exonérant les aéronefs de taxe carbone. Avis défavorable, car ces exonérations relèvent d'une convention internationale et d'une directive européenne.

Même avis que le rapporteur général sur l'amendement n°I-387. Au fond, il serait satisfait par l'amendement n°I-420, qui propose d'exclure le cabotage maritime de la contribution carbone. Ces liaisons présentent beaucoup d'intérêt pour les courtes distances, mais nous ne souhaitons pas créer une taxe souffrant de multiples exceptions. Le signal prix pour les émissions de CO2 doit être le plus général possible. En outre, du fait de ses avantages environnementaux, la navigation maritime bénéficie déjà d'une exonération de TIPP.

Il serait tentant de multiplier les exonérations, pour le chauffage au charbon dans le Nord, pour le transport fluvial, etc. Nous obtiendrions alors une très belle dentelle au profit des catégories ayant le mieux plaidé leur cause. Retrait ou avis défavorable, ainsi qu'au sous-amendement n°I-548.

L'amendement n°I-257 n'est pas adopté.

M. René Beaumont.  - Le rapporteur général m'a demandé de retirer l'amendement n°I-387 au profit de l'amendement n°I-420, qui risque d'être refusé... Madame la ministre, il faudrait étudier les multiples taxes qui touchent les transports fluvio-maritimes, maritimes et fluviaux européens : avec un système plus cohérent, nous éviterions la concurrence sauvage, et aboutirions à une vraie politique des carburants pour la navigation commerciale et de plaisance.

L'amendement n°I-387 est retiré.

M. Alain Lambert.  - J'ai bien suivi le cours de fiscalité de Mme la ministre car j'ai été à bonne école, celle de la commission des finances ! La meilleure imposition consiste à appliquer un taux bas à une large assiette. Avant même notre amendement, nous créons une contribution qui fait dans la dentelle -celle d'Alençon étant d'ailleurs la plus belle... (Sourires) Or nous ne faisons ni de la dentelle ni de la fiscalité à l'aveugle, mais de l'économie. Les armateurs français reçoivent des aides pour le cabotage, mais ils cotiseront à la contribution carbone alors que les armateurs anglais y échapperont. Comment, dans ces conditions, les transporteurs maritimes français pourront-ils être plus compétitifs que leurs concurrents ?

M. Jean-Claude Frécon.  - Je souscris à la démonstration d'Alain Lambert. Ne créons pas de nouvelles distorsions de concurrence entre entreprises fournissant des prestations similaires, au détriment de l'économie française. Le raisonnement doit être le même pour le transport maritime et pour le transport aérien. Il faut être cohérent, on ne peut trancher une fois dans un sens, puis une fois dans l'autre, au nom du même principe.

Notre sous-amendement précise l'amendement n°I-420 en ajoutant la notion de continuité territoriale.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Monsieur Lambert, j'aimerais vous convaincre... Vous avez déjà reconnu les vertus d'une imposition à taux bas et large assiette, avec le moins de dérogations possible. Poursuivons dans cette voie. Je doute que l'on crée beaucoup de distorsions de concurrence avec d'éventuels armateurs étrangers pour le cabotage entre Nantes et Bordeaux ou Le Havre et Cherbourg... L'application générale de la taxe est souhaitable. A défaut, le système sera très complexe car l'imposition différera selon le tonnage, le parcours. Je vous demande de retirer votre amendement.

M. Jean Desessard.  - Au début de l'examen de cet article, Mme la ministre nous a expliqué que la France allait pouvoir présenter pour la première fois cette proposition environnementale au sommet de Copenhague.

Dès qu'une économie est captive, au plan national, on taxe ; dès qu'il y a concurrence internationale, on exonère pour ne pas pénaliser nos entreprises ! J'espère qu'à Copenhague, la France demandera que tous les secteurs, tous les échanges économiques soient taxés, et pas seulement les petits artisans nationaux ! Si nous ne montrons pas l'exemple, qui le fera ?

M. Alain Lambert.  - S'il ne s'agissait que de faire plaisir à Mme la ministre, j'aurais accédé immédiatement à sa requête, mais je n'ai pas été convaincu. Cette contribution est mal née. (Mme Nicole Bricq approuve) Mon amendement est bien modeste pour prétendre la parfaire... Je refuse de porter le péché des pertes d'emplois dans le secteur maritime. Au Gouvernement de l'assumer ! Nous sommes face à de graves problèmes économiques. Le transport maritime sera prochainement intégré à un dispositif international : attendons donc ! Pourquoi nous précipiter, donner des leçons de vertu au monde entier, au prix de pertes d'emplois ? Pour ma part, je n'en ai pas la force...

M. Michel Magras.  - Avec les directives européennes, l'imposition de l'essence a augmenté à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, creusant l'écart de prix avec la partie hollandaise de l'île. Depuis, la crise guadeloupéenne a atténué les choses, mais si la contribution carbone était appliquée sur ces territoires, nombre de stations de carburant seraient condamnées à fermer.

M. Jean Desessard.  - C'est 4 centimes ! N'exagérons rien !

Le sous-amendement n°I-549 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°I-420 est adopté.

L'amendement n°I-397 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°I-141, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

I. - Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - utilisés, jusqu'au 31 décembre 2010, par des réseaux de chaleur non soumis au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu par la directive n° 2003/87/CE précitée, en proportion de la puissance souscrite destinée au chauffage de logements. 

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant, pour l'État, de l'exonération temporaire de taxe carbone au bénéfice des réseaux de chaleur sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission souhaite exonérer de taxe carbone, jusqu'au 31 décembre 2010, les produits énergétiques utilisés par les réseaux de chaleur, afin de préserver le pouvoir d'achat des abonnés au chauffage urbain. Nous voulons prendre le temps d'examiner le problème.

A la lecture des débats à l'Assemblée nationale et des travaux préparatoires, j'ai le sentiment que la question du chauffage est passée au second plan. Je n'ai pas eu de preuve matérielle chiffrée montrant que les « ristournes » restituées aux particuliers incorporent l'estimation des surcoûts chauffage. Comment faire évoluer les comportements quand il s'agit de s'alimenter en eau chaude et en chauffage individuel ? Le temps que l'exploitant de chaufferie urbaine prenne des mesures, l'usager individuel paye ! La contribution carbone n'est certes pas le seul facteur d'augmentation de la facture, mais doit pouvoir être contrôlée. Nous ne cherchons pas à détricoter le dispositif, mais à en connaître avec certitude les effets.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ces réseaux de chaleur bénéficient déjà d'un régime favorable de TVA. L'exonération de taxe carbone serait en contradiction avec le principe d'égalité devant l'impôt, ainsi qu'avec la directive 2003-96 qui ne prévoit d'exonération qu'en cas de cogénération. Elle irait en outre à l'encontre de l'objectif de la taxe, alors que les émissions du secteur résidentiel constituent un enjeu important.

Ces ménages bénéficieront de la redistribution prévue à l'article 6. La question du chauffage est bien prise en compte : en milieu rural, pour le premier décile, en milieu urbain, pour les quatre premiers déciles, il y a bien un gain net. Les ménages les plus modestes ne seront pas pénalisés. Retrait ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Notre amendement n'est sans doute pas parfait, mais il nous paraît souhaitable de poursuivre la discussion avec les députés en commission mixte paritaire.

Mme Fabienne Keller.  - Je m'inquiète des exonérations multiples que nous validons, les unes après les autres, au risque de transformer cette nouvelle fiscalité en dentelle d'Alençon...

S'agissant des réseaux de chaleur, je m'inquiète des pratiques des sociétés de chauffage urbain, qui comparent souvent leurs prix aux évolutions des prix de l'énergie. Un décalage dans le temps créerait une incohérence. La formation des prix est d'une transparence toute relative. (M. Philippe Marini, rapporteur général, approuve)

On a déjà vu des annonces d'augmentation supérieure à la taxe carbone. S'agissant de l'habitat social, les réseaux de chaleur n'alimentent pas que des logements sociaux et MM. Juppé et Rocard ont annoncé une mesure spécifique à cet égard.

Certes, son locataire ne peut isoler un logement social, mais il peut fermer ses volets et être vigilant. Chaque kilowattheure économisé, c'est une économie de taxe carbone, c'est surtout une économie d'énergie, un pas vers l'équilibre que nous recherchons. La taxe carbone n'est pas forte, gardons-lui sa pureté.

M. Bernard Angels.  - A défaut du précédent, nous voterons cet amendement en rappelant que bien sûr, il n'y a pas que des familles modestes qui sont concernées mais que l'an dernier, avec la TGAP, les prix ont explosé.

L'amendement n°I-141 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-442, présenté par MM. Revet, Marini, Détraigne, Bécot, Beaumont et Magras.

I. - Après l'alinéa 16

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

A bis. - Après le 1 bis de l'article 265 bis A, il est inséré un 1 ter ainsi rédigé :

« 1 ter. La réduction de taxe intérieure de consommation visée au 1 est majorée :

« 1° Pour les produits visés aux 1, 2 et 5 du tableau du 1 du présent article, de 65,79 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés ;

« 2° Pour les produits visés aux 3, 4 et 6 du tableau du 1 du présent article, de 66,44 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Yves Détraigne.  - L'instauration de la taxe carbone serait compensée pour les biocarburants par plus de réduction de TIPP. L'idée est en effet d'encourager les énergies renouvelables, comme les biocarburants, qui produisent moins de gaz à effet de serre que les carburants fossiles. Selon la récente étude de l'Ademe, les réductions atteignent 65,79 % pour les biodiesels et 66,44 % pour les éthanols. Il n'y a pas photo et il faut être logique.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet amendement souligne une vraie difficulté. Il y a un problème de cohérence quand d'un côté la fiscalité encourage les biocarburants et que de l'autre la taxe carbone renchérit les coûts. On les traite comme les autres moyens énergétiques sans tenir compte de leur spécificité, alors que l'an dernier, on avait calibré les incitations fiscales, d'ailleurs en les réduisant.

Je suis un peu gêné vis-à-vis de l'amendement car la commission ne m'a pas suivi lorsque je le lui avais soumis. Je suis néanmoins heureux d'accompagner les cosignataires pour poser la question de l'encadrement du nouveau dispositif pour les biocarburants grâce à une rédaction qui se fonde sur la réalité des gains en CO2 sur tout le cycle de vie. La commission m'a demandé de solliciter l'avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous parlons d'un secteur qui bénéficie de mesures de soutien pour 620 millions. Le vote de l'amendement rajouterait 200 millions qui n'iraient pas dans la poche des ménages mais dans la bourse des pétroliers. Il n'y a nulle incohérence. La France a souhaité développer les biocarburants pour des raisons économiques -c'est une source de revenu pour les agriculteurs- mais aussi environnementales et géostratégiques. On a utilisé deux moyens pour cela : une incitation financière directe grâce au remboursement de la TIPP en fonction du volume de biocarburant incorporé et une obligation d'incorporation. Nous manions la carotte et le bâton puisqu'il y a une sanction financière si l'objectif d'incorporation n'est pas réalisé.

La question du niveau de défiscalisation a été largement débattue et tranchée l'an dernier en faveur des biocarburants de nouvelle génération, plus efficaces. Le mécanisme en place est incitatif et il s'inscrit dans la longue durée. Point n'est besoin d'en rajouter. L'introduction de la taxe carbone ne change rien à cette problématique. L'augmentation de la défiscalisation profiterait aux pétroliers et non aux ménages, qui paient à la pompe. Il n'y aurait pas de signal prix. De surcroît, si les émissions des biocarburants sont moindres que celles des carburants fossiles, il y a une incertitude sur les émissions « du puits à la roue », d'où d'ailleurs, la préférence pour ceux de deuxième génération. Dans ces conditions, il serait souhaitable que l'amendement soit retiré. Je suis cependant prête à reconnaître que l'inclusion des biocarburants pose un problème et je suis disposée à étudier avec M. Borloo le soutien fiscal que nous apportons à cette filière avec un objectif économique qui demeure.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je vous remercie de cette réponse argumentée, même si elle renforce mon inquiétude. Vous nous dites que le soutien à la filière représente 620 millions, que l'amendement coûterait 200 millions. Sans l'amendement, la filière ne recevrait donc plus que 420 millions. Est-ce bien cela que l'on veut faire ? Ce serait remettre en cause ses conditions économiques.

La filière, qui a engagé des investissements, ne peut pas s'adapter aussi vite à des fluctuations économiques aussi importantes décidées d'une année à l'autre, de surcroît sans concertation. Au reste, l'estimation de 200 millions ne correspond-elle pas à une exonération totale quand l'amendement n°I-442 propose seulement une exonération à proportion des gains de CO2 ? Madame la ministre, je vous crois mais nous ne disposons pas des éléments de calcul. Il serait donc utile que le débat se poursuive.

M. Yves Détraigne.  - J'ajoute, madame la ministre, que ce prétendu bénéfice serait, selon vous, accordé aux producteurs, mais les pétroliers ne sont que les distributeurs de biocarburants. Si j'étais malicieux, je soulignerais que les principaux producteurs de biocarburants sont des sociétés dépendantes des coopératives agricoles ; coopératives dont vous avez refusé, il y a quelques jours, la fiscalisation proposée par notre président de commission parce qu'elles se situent dans le prolongement de l'activité agricole. Il s'agit seulement de conserver le même niveau de fiscalisation, et non de faire un cadeau à des pétroliers qui, au reste, sont loin d'être favorables à des produits qui leur font concurrence ! D'où l'instauration d'une TGAP en cas de non-respect des obligations communautaires d'incorporation des biocarburants. Ensuite, le bilan énergétique des biocarburants n'est pas sujet à débat. L'Ademe a publié une analyse complète de leur cycle de vie, conforme aux recommandations de l'Union européenne, sur son site, le 9 octobre, pour tordre le cou à ces affirmations. Curieusement, cinq jours après, elle n'était plus disponible. A croire que ses conclusions gênaient certains... Quelles étaient-elles ? Entre autres, l'éthanol permet, par rapport à l'essence, un gain de 60 % en termes d'utilisation d'énergie non renouvelable et un gain de 63 % en termes d'émission de gaz à effet de serre. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, dit le proverbe... Enfin, le développement des biocarburants est plus créateur d'emplois en France que le secteur de la raffinerie.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je veux rendre hommage à Mme la ministre car l'instauration de la contribution carbone est une tâche extrêmement délicate : au fil des amendements, on voit se multiplier allègements et exemptions. Certains opposent le prélèvement sur les entreprises à celui sur les ménages sans voir que le prélèvement sur les entreprises sera supporté, en fin de compte, par les consommateurs. Pour construire une disposition opérationnelle sur les biocarburants, nous avons besoin d'une expertise complète. Mieux vaut donc repousser le traitement de cette question au collectif de mi-décembre plutôt que d'avoir des remords. (Mme Christine Lagarde, ministre, acquiesce)

M. Yves Détraigne.  - Suggestion retenue !

L'amendement n°I-442 est retiré.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je remercie le président de la commission de cette courtoise suggestion et l'auteur de l'amendement de s'y être rangé. Je m'engage à travailler cette question avec les ministres de l'écologie et de l'agriculture d'ici le collectif.

M. le président.  - Amendement n°I-258, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

M. Jean Desessard.  - Par cet amendement, nous voulons supprimer le remboursement de 36 % de la contribution carbone au bénéfice du transport routier de marchandises. Avec constance, ce Gouvernement -car, au début, vous défendiez une exonération totale de la contribution- refuse de passer aux actes dès lors qu'il s'agit de taxer ce secteur. Autre exemple, cette exonération partielle serait consentie pour quatre ans. Mais pourquoi refuser de l'inscrire dans la loi ? Le Président de la République voulait doubler la part modale du fret ferroviaire. Quand celle-ci continuera de reculer avec la suppression du wagon isolé, cet engagement restera-t-il d'actualité ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission souhaite en rester à l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale. La profession du transport routier est très diverse, composée de PME (M. Gérard César approuve) aux marges très faibles et soumises à une concurrence exacerbée. Ne touchons pas à cet utile dispositif transitoire !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Avis également défavorable.

M. Jean Desessard.  - La taxe carbone va finir par ressembler à notre couche d'ozone, pleine de trous ! (On apprécie l'image) Soit, la France arrivera à Copenhague en se targuant d'avoir adopté un beau concept. Mais que valent les concepts quand ils sont mal utilisés ? Faire de l'écologie, ce n'est pas saupoudrer un peu au hasard et, surtout, refuser de passer aux actes à cause de la situation économique de tel ou tel secteur. Le fret ferroviaire est-il bon pour l'environnement ? Oui, et il l'est tellement que le Président de la République le reconnaît. Être écologiste, c'est affirmer qu'il faut prendre des mesures d'urgence si nous ne voulons pas connaître une situation catastrophique dans dix à vingt ans.

Ce n'est pas ainsi que nous parviendrons à modifier nos modes de production et à respecter notre environnement. Et à Copenhague, votre contribution carbone ne sera qu'un coup de bluff ! Votre saupoudrage n'est pas un projet politique.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je ne peux pas vous laisser dire cela. Depuis le début de l'après-midi, je me suis systématiquement opposée aux amendements qui visaient à creuser un « ptit trou, un moyen trou ou un gros trou » comme le dit la chanson, dans cette contribution carbone ! Mme Keller a fait un vibrant plaidoyer en faveur d'une contribution forfaitaire, générale et sans exemption. En cela ce Gouvernement est bien audacieux comparé à ce qu'aurait été celui d'un autre candidat ou d'une autre candidate à la Présidence de la République. Il n'y a pas une écologie de droite et une écologie de gauche, il y a des citoyens responsables et un Gouvernement qui s'engage -le ministre n'est pas là aujourd'hui parce que, justement il prépare Copenhague- et qui s'engagera pleinement là-bas à faire prévaloir une nouvelle logique de production afin de sauver un patrimoine collectif auquel nous sommes tous attachés.

M. Jacques Muller.  - D'après le rapporteur général, le secteur du transport routier est composé de PME fragiles qui ne supporteraient pas la contribution carbone. Il faut savoir qu'au Grenelle ce lobby a fait d'incessantes pressions et a obtenu la transposition a minima des directives. Ici, cela continue et l'objectif climatique s'éloigne de plus en plus !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - On n'est pas là pour détruire des emplois !

M. Thierry Foucaud.  - Plusieurs rapports de cette Haute assemblée concluent qu'une maîtrise publique des transports et de l'énergie est décisive pour l'environnement. Or, le fret ferroviaire est, depuis de nombreuses années, laminé par les plans de restructuration et aucun crédit n'est prévu pour lui dans le grand emprunt national. De nombreuses gares ont fermé, et vous proposez même, dans la dernière loi ferroviaire, que RFF abandonne les tronçons de réseau servant au transport de marchandises qui ne seraient pas assez rentables. Il ne suffit pas de dire : « Le Gouvernement fait tout pour l'écologie et évite les petits trous »... Si vous voulez éviter les petits trous, que le Président de la République respecte ses discours, notamment sur le transport fluvial !

Votre Gouvernement a refusé de déclarer d'intérêt général l'activité de wagon isolé. Mais, à l'inverse, les aides au secteur routier sont de plus en plus importantes : le remboursement d'une partie de la TIPP ou, aujourd'hui, l'exonération de contribution carbone pour les camions de plus de 7,5 tonnes. Loin de favoriser l'indispensable report modal, cela confère à la route, une nouvelle fois, un avantage concurrentiel déterminant. Vous vous gargarisez de l'économie de marché : commencez par respecter la concurrence !

Nous voterons cet amendement contre un lobby routier puissant et de plus en plus pollueur.

L'amendement n°I-258 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 22 h 10.

Mises au point au sujet de votes

M. Hervé Maurey.  - Lors du scrutin public n°90 portant sur les amendements de suppression de l'article 2, M. Christian Gaudin a été signalé comme n'ayant pas pris part au vote alors qu'il souhaitait voter contre. M. Jean-Léonce Dupont souhaitait au contraire voter pour.

M. Albéric de Montgolfier.  - Lors du scrutin public n°91 portant sur l'amendement n°I-1 rectifié au sein de l'article 2, M. André Lardeux souhaitait s'abstenir et non pas voter pour.

Acte est donné de ces mises au point.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 5 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°I-416 rectifié, présenté par Mme Keller, M. Richert et Mme Sittler.

Alinéa 17

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

C. - Le troisième alinéa de l'article 265 octies du même code est ainsi rédigé :

« - soit en appliquant au volume de gazole utilisé comme carburant dans des véhicules affectés à ce transport, acquis dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, la différence entre un montant et le tarif applicable au gazole en application de l'article 265. Ce montant est égal à 37,59 euros par hectolitre en 2010, 38,12 euros par hectolitre en 2011, 38,65 euros par hectolitre en 2012 et 39,19 euros par hectolitre à compter de 2013 ; ».

Mme Fabienne Keller.  - Mme la ministre s'est engagée à ce que la réduction de 35 % de la taxe carbone dont bénéficieront les transporteurs routiers soit progressivement supprimée en quatre ans. Je souhaite que nous le prévoyions dès à présent. Nous avons voté tout à l'heure un certain nombre d'exonérations. Soyons cette fois-ci fiscalement vertueux, et envoyons un signal aux transporteurs pour les engager à se doter de moteurs moins polluants.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'intention de cet amendement est excellente, mais j'en crains une mauvaise perception par la profession. Si la dégressivité de l'avantage est acquise, la concertation engagée avec la profession doit se poursuivre pour examiner tant l'évolution de la compétition intermodale que la situation financière des entreprises de transport routier ; les pouvoirs publics pourraient à cette occasion être amenés à envisager d'autres formes d'encouragements... Il ne faudrait pas que les transporteurs eussent le sentiment que leur rentabilité va inévitablement s'éroder dans les années à venir. Je serais heureux d'entendre le Gouvernement, mais j'invite à la plus grande prudence.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le Gouvernement est à la fois prudent et déterminé. Il souhaite conserver une certaine marge de manoeuvre dans les négociations aves la profession, l'objectif restant de l'amener à modifier ses pratiques et ses techniques. J'ajoute que tel qu'il est rédigé, l'amendement s'appliquerait à la fois au transport routier et au transport de marchandises. Retrait, sinon rejet.

Mme Fabienne Keller.  - Le transport routier est la forme de transport la plus polluante et la plus accidentogène. On lui applique cette année un taux réduit pour lui permettre de s'adapter ; en prévoir l'extinction va dans le sens d'une fiscalité carbone transparente. Ne pas le faire enverrait un signal très négatif. Négocier, c'est ouvrir la porte à toutes les niches et exonérations. L'inventivité des secteurs économiques en la matière est telle que la substance du prélèvement pourrait en souffrir.

M. Jacques Muller.  - Je voterai l'amendement. M. le rapporteur général a jeté le masque en évoquant la rentabilité du secteur.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Et pourquoi non ? Songez aux pertes d'emplois et aux faillites !

M. Jacques Muller.  - Je croyais que l'objectif était un transfert de la route vers le rail...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je m'adresse aux membres de la majorité. Nous avons pour 2010 un dispositif de transition, qui laisse le temps au Gouvernement de se concerter avec la profession. Chacun voit dans son département que les entreprises de transport routier sont en difficulté ; si on veut plus de désordre et des faillites, il suffit d'agiter le chiffon rouge de la hausse des prélèvements sans contrepartie ! Il ne serait pas sage de procéder ainsi. Raison pour laquelle j'ai demandé le retrait.

Mme Nathalie Goulet.  - La compétition est dure, et beaucoup d'entreprises de transport sont fragilisées par la baisse de leur activité. Quelle que soit ma sympathie pour les objectifs du Grenelle de l'environnement, je ne souhaite pas qu'on aggrave leurs difficultés.

M. Albéric de Montgolfier.  - L'Alsace sera la première région où va entrer en vigueur, avant sa généralisation, l'éco-redevance « poids lourds », dont l'objectif est le transfert des marchandises vers le rail. Ce sera déjà une taxe supplémentaire sur les transporteurs.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le tiers de la taxe qui sera remboursé aux transporteurs se négociera de façon intelligente. Le Gouvernement souhaite une mise en oeuvre de la taxe carbone la plus uniforme possible. Je rappelle que vous avez voté cet après-midi un encouragement massif au chauffage au charbon... J'appelle chacun au sens des responsabilités.

L'amendement n°I-416 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-554 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... - Au 6° de l'article 427 du même code, les mots : « ou 266 quinquies B » sont remplacés par les mots : « , 266 quinquies B ou 266 quinquies C ».

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il s'agit de garantir que les procédures de contrôle et de sanction qui régissent la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sont bien applicables à la taxe carbone.

L'amendement n°I-554 rectifié bis, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-341 rectifié, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 22, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle est chargée du suivi de l'évolution de la recette de la contribution et, notamment, d'identifier la part respective des ménages, des entreprises et des administrations publiques, et de donner un avis sur l'évolution du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts.

M. Bernard Angels.  - Le Président de la République, dans son discours du 10 septembre dernier dans l'Ain, avait repris la recommandation du rapport Rocard de la création d'une commission de suivi de la taxe carbone, mais le Gouvernement ne l'avait pas inscrite dans le projet de loi de finances -lacune que les députés ont comblé. Nous souhaitons que la loi en précise les missions. Le Président de la République avait indiqué qu'elle serait chargée « de suivre l'évolution des recettes » et « d'identifier la part respective des ménages et des entreprises », afin de garantir une compensation à 100 %. Il nous semble essentiel qu'elle suive l'évolution des recettes pour réfléchir ensuite, soit à sa redistribution, soit à une autre utilisation.

Le Président de la République avait en outre indiqué que la commission serait composée de représentants indépendants de la société civile, d'experts, de membres d'association de défense de l'environnement, de représentants des principaux secteurs contributeurs et d'élus choisis paritairement entre opposition et majorité. L'article 5 renvoie à un décret. Mme la ministre peut-elle nous donner des précisions et nous dire en particulier si des parlementaires et des élus locaux siégeront à la commission ?

M. le président. - Amendement n°I-259, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 22, dernière phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

« Cette commission a pour missions le suivi de l'évolution des recettes et le respect de la compensation. Elle est composée de façon paritaire par des représentants du Gouvernement, du Parlement, de représentants d'organisations de défense de l'environnement et de représentants des principaux secteurs contributeurs. Chaque année, cette commission présente un rapport devant le Parlement. »

M. Jacques Muller.  - On mesure bien, à l'aune des débats sur cet article, l'importance qu'aura la commission de suivi. Comme j'ai repris la composition évoquée par le Président de la République dans son discours du 10 septembre, je ne doute pas que la majorité me suivra...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ces amendements aident à mieux comprendre ce que peut être la commission de suivi.

Les deux amendements présentent de grandes similitudes, bien que le second paraisse moins contraignant. Ils nous offrent une bonne occasion de questionner le Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ces amendements, très peu différents, tendent quelque peu à se substituer au pouvoir réglementaire.

Les missions dévolues à cette instance seront très voisines de celles suggérées notamment par l'amendement n°I-341, en ajoutant une appréciation de la vitesse à laquelle nous nous rapprochons de nos objectifs. La composition sera, elle aussi, analogue à ce qui nous est suggéré, puisque l'on trouvera des représentants des deux assemblées parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, aux côtés de représentants d'associations, de consommateurs, d'entreprises, d'organisations syndicales et de la communauté scientifique.

Je suggère de retirer ces amendements afin de préserver les domaines respectifs de la loi et du règlement.

Mme Nicole Bricq.  - Où est l'empiètement sur le pouvoir réglementaire ? Il s'agit de définir l'impôt ! S'il ne relève pas du Parlement, que faisons-nous ici nuit et jour ? La commission doit évaluer l'effet d'une fiscalité carbone.

Tout à l'heure, nous avons soutenu un amendement déposé par Mme Keller portant sur la prévisibilité de la fiscalité carbone au fil du temps. Vous vous êtes opposée à cette disposition, qui n'a pas été adoptée par égalité des voix. Il s'agissait de permettre au Parlement de définir un cap éclairant le travail de la commission.

Je n'admets pas votre argument tiré d'un prétendu empiètement sur le pouvoir réglementaire. Lorsque le Gouvernement prend des ordonnances, il arrive que le Parlement les encadre.

Vous renvoyez au décret le soin de déterminer la composition de la commission. Mais y aura-t-il des parlementaires ou simplement des élus locaux ? Il est normal que nous soyons informés.

Sans nous substituer au pouvoir réglementaire, nous devons pouvoir lui donner des orientations.

Vu le décalage entre le discours prononcé par le Président de la République et le projet du Gouvernement -qui n'en reprenait rien- le pouvoir réglementaire ne nous inspire pas une confiance aveugle.

L'amendement n°I-341 n'est pas adopté.

L'amendement n°I-259 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-340, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Il est créé un prélèvement sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, destiné au financement des plans climat-énergie territoriaux tels que définis à l'article 7 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Son montant est égal au produit de la taxe carbone qu'elles acquittent. Un décret définit les conditions dans lesquelles ce prélèvement est réparti sous la forme d'une contribution locale carbone entre les collectivités concernées par lesdits plans.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Claude Frécon.  - Les collectivités territoriales subiront la contribution carbone, qui augmentera considérablement leurs charges de fonctionnement. Ce nouvel impôt grèvera donc leur budget, alors qu'on les sollicite beaucoup en vue du développement durable.

Selon la conférence des experts présidée par Michel Rocard, les administrations publiques acquitteront un dixième de la nouvelle taxe, soit 450 millions d'euros, alors que les collectivités territoriales agissent déjà pour réduire la consommation énergétique de nos concitoyens. Qui leur a demandé d'élaborer des plans énergie-climat ? Qui a voulu les « agendas 21 » ? Qui a soutenu la rénovation thermique des bâtiments publics ? Qui leur a demandé de développer les transports collectifs ? Les collectivités territoriales ont agi, et l'État va les faire payer !

Le Premier ministre a promis de créer auprès de l'Ademe un fonds dont les ressources seraient identiques aux versements assumés par les collectivités territoriales, mais qui financerait exclusivement des dépenses d'investissement. Ainsi, le Gouvernement joue un double jeu : il critique les hausses d'impôts décidées par les collectivités territoriales, mais il les sollicite sans cesse !

M. Patriat a dénoncé jeudi la situation des régions, qui pourront accroître leur part dans la TIPP pour financer des lignes à grande vitesse, qui dépendent en fait de l'État ! Il ne suffit pas de publier un nouveau Livre noir des régions à la veille des élections, il faut voir la réalité en face : l'État contraint les collectivités territoriales à augmenter les charges fiscales pesant sur nos concitoyens, surtout depuis la suppression de la taxe professionnelle.

Ce piège politique ne trompe personne. Il vaudrait mieux appuyer l'action conduite par les collectivités territoriales pour diminuer la consommation d'énergie. Seront-elles exonérées de taxe carbone pour leurs activités de transport, comme il a été dit à l'Assemblée nationale ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet amendement est semblable aux amendements nosI-170 et I-244, déposés respectivement par MM. Alduy et Béteille après l'article 5 bis.

Le Premier ministre a déclaré qu'un fonds sera créé au sein de l'Ademe afin de restituer aux collectivités territoriales leur contribution carbone en finançant des investissements permettant d'économiser l'énergie.

Comment ce fonds va-t-il fonctionner ? Faudra-t-il attendre la fin de l'année pour définir ces crédits ? Le fonds sera-t-il doté d'un conseil de gestion ou d'un comité d'orientation où siégeraient des représentants des diverses strates de collectivités territoriales et du Parlement ? Sera-t-il saisi de propositions de politique à conduire ? Se prononcera-t-il sur les critères d'éligibilité des investissements ? Assurera-t-on un suivi de ces opérations, pour vérifier qu'elles correspondent bien à la finalité de cette structure ?

Toutes ces questions sont importantes pour que l'engagement du Premier ministre ait un plein effet. Ces trois amendements fournissent un bon support pour interroger le Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - Le Premier ministre a annoncé devant les maires la création au sein de l'Ademe d'un fonds destiné à financer les projets des collectivités en matière d'économies d'énergie. Ce fonds sera doté par la taxe carbone payée par les collectivités : c'est une avancée par rapport à la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, où j'avais résisté à l'idée d'une restitution aux collectivités locales. La dotation serait de 70 millions d'euros, en tenant compte de l'exonération sur les transports collectifs. Des crédits seront ouverts en deuxième partie et ils seront bien distincts des autres crédits alloués à l'Ademe, bref, l'étanchéité que vous appelez de vos voeux sera garantie. Sur l'emploi des fonds -diagnostic énergétique, élaboration du plan climat, etc.- les échanges se poursuivent, entre les ministres de Bercy mais aussi avec le ministère de l'environnement. Les collectivités seront associées à la gestion du fonds selon un modèle à définir. La commission nationale d'aides territoriales au sein de l'Ademe comprend déjà des représentants de l'AMF, de l'ARF et de l'ADF.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Dans ces conditions, les amendements peuvent sans doute être retirés ?

Mme Nicole Bricq.  - Soit. Mais le montant de 70 millions d'euros m'étonne, j'avais lu et entendu le chiffre de 150.

M. Jean-Claude Frécon.  - Il y a les frais de gestion. (Sourires)

M. Eric Woerth, ministre.  - Le montant que j'ai donné s'entend hors transports exonérés -transport scolaire par exemple- et comprend le chauffage, etc. Nous verrons tout cela en seconde partie.

L'amendement n°I-340 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-390, présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

... - Sont exonérés de la taxe carbone les collectivités territoriales ou leurs groupements qui s'engagent, dans un contrat avec l'État, à une réduction significative de leurs émissions de gaz à effet de serre sur délivrance annuelle d'un certificat.

Un décret précise les modalités d'application de l'alinéa précédent.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Hervé Maurey.  - Les communes pourraient être exonérées de contribution carbone lorsqu'elles se sont engagées par contrat dans des processus vertueux, puisque la finalité de la taxe n'est pas de trouver des recettes, mais de susciter des comportements vertueux, selon un système de bonus-malus. Avant les annonces de cette semaine, aucun remboursement n'avait été évoqué en faveur des collectivités.

Mme Nicole Bricq.  - Oui !

M. Hervé Maurey.  - Le rapporteur général a récemment invoqué Descartes ; je me réclamerai de Rousseau pour vous proposer un contrat entre les collectivités et l'État, afin de promouvoir de bonnes pratiques, ouvrant droit au remboursement. Ayant entendu le ministre, je suis prêt à retirer mon amendement mais je souhaiterais en savoir plus sur les sommes allouées aux collectivités -prêts ou subventions ?- et sur les projets éligibles.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Monsieur le ministre, par une synthèse réussie entre des positions diverses, nous avons renommé la taxe « contribution carbone ». Cette contribution sera une dépense de fonctionnement et représentera un surcoût pour les collectivités. En contrepartie, elles recevront des aides pour financer des investissements via le fonds logé au sein de l'Ademe. M. Maurey propose un circuit plus court qui aurait pour intérêt d'éviter des montages complexes. La confiance entre les collectivités et l'État est, dans la période actuelle, essentielle. Il faut avancer dans l'évaluation de la dépense globale due à la contribution, dans la mise en place du fonds, la définition des procédures et des modalités, subventions, majorées par des prêts... La déclaration du Premier ministre a débloqué les choses ; à présent, il faut résoudre tous les problèmes pratiques dans les semaines qui viennent, puisque la contribution sera à la charge des budgets locaux dés le 1er janvier prochain.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous avons choisi une autre voie que M. Maurey, mais la nôtre n'est pas si indirecte. Elle fonctionne comme le crédit d'impôt accordé aux particuliers. Les collectivités seront incitées à investir dans les réductions de consommation d'énergie. Notre mécanisme encourage plus à l'investissement que ne saurait le faire un simple contrat. Mais nous ne sommes pas si loin les uns des autres dans l'esprit ! Retrait.

M. Hervé Maurey.  - J'ai confiance dans un système qui cependant reste à préciser, car nous ne savons toujours pas s'il s'agit de prêts ou de subventions, mais nous faisons crédit à l'État.

Mme Nicole Bricq.  - Il en a bien besoin.

L'amendement n°I-390 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-391, présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

... - Sont exonérés de la taxe carbone les entreprises ou groupes d'entreprises qui s'engagent, dans un contrat avec l'État, à une réduction significative de leurs émissions de gaz à effet de serre sur délivrance annuelle d'un certificat.

Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Hervé Maurey. - Il s'agit toujours de contrat destiné à promouvoir les pratiques vertueuses, mais cette fois avec les entreprises. Nous appliquons le modèle suédois : les entreprises s'engagent sur des objectifs de réduction des émissions de CO2 et sont remboursées de leur contribution si elles atteignent ces objectifs. Et je n'ai rien entendu dans les annonces du Premier ministre qui justifierait un retrait de cet amendement.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je comprends que le Premier ministre n'ait rien annoncé à ce sujet car, avec la suppression de la taxe professionnelle, les entreprises seront déjà très bénéficiaires... (Mme Nicole Bricq renchérit) Votre proposition est intéressante mais fort complexe à mettre en oeuvre. Les entreprises seront incitées à réduire leurs émissions pour diminuer le montant de leur contribution. Il en résultera une baisse de la pression fiscale et je ne crois pas indispensable d'ajouter un autre processus interventionniste au profit des entreprises. Défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je n'y suis pas non plus favorable. Retrait. Nous demandons aux entreprises de suivre un chemin vertueux en investissant dans la bonne direction.

Les entreprises soumises au système de l'ETS disposeront de deux ans pour se mettre aux normes et seront soumises aux quotas d'émissions à titre onéreux à partir de 2013.

M. Gérard Longuet.  - Mme la ministre a dit mieux que moi ce que je voulais exprimer.

M. Hervé Maurey.  - Je ne suis pas convaincu. Si la suppression de la taxe professionnelle avait une motivation économique, la contribution carbone a une motivation écologique : il ne s'agit pas de créer des recettes supplémentaires mais d'inciter à un comportement écologiquement responsable.

L'amendement n°I-391 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article 5.

Mme Nicole Bricq.  - L'introduction d'une taxe carbone est la première novation fiscale depuis la création de la CSG il y a vingt ans. Cela fait longtemps que le groupe socialiste proposait une telle taxe, dont une partie du produit aurait été affectée aux collectivités pour les encourager à investir dans le logement et les transports.

Nous sommes très déçus par votre contribution carbone, qui n'est, à l'arrivée, qu'une « taxe additive à la TIPP », selon le mot du rapporteur général. Loin de doter la puissance publique d'une arme efficace pour lutter contre le réchauffement climatique, que proposez-vous ? Un tarif insuffisant, une assiette étroite, une compensation injuste. Plutôt que de multiplier les exonérations, il aurait fallu prévoir une compensation pour les secteurs structurellement émetteurs -transports, agriculture, pêche- afin de les aider à se moderniser. Comment cette taxe carbone peut-elle accompagner les mutations énergétiques ? Les ménages en paieront 60 % -c'est beaucoup, surtout vu l'allègement général déjà consenti aux entreprises !

A la veille du sommet de Copenhague, dont le succès est loin d'être assuré, la France et le Brésil ont proposé une taxation de 0,01 % des transactions financières pour aider les pays en développement à entrer dans le dispositif. Notre position aurait été bien plus forte si nous avions mis en place une taxe carbone ambitieuse ! Nous ne pourrons pas voter cette novation fiscale, dont les modalités sont insatisfaisantes.

M. Gérard Longuet.  - La présence du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable a manqué au cours de ce débat. (On renchérit à gauche) Certes, les dispositions fiscales doivent être étudiées dans le cadre du projet de loi de finances, mais la plupart des amendements interrogeaient le Gouvernement sur ce qu'il entend faire de cette contribution carbone. Nous n'avons pas toujours eu de réponses ; j'étais d'ailleurs tenté de voter les amendements de M. Maurey, qui posaient de bonnes questions. Nous voterons cet article 5, mais, je souhaite que soit ouvert le débat sur la contribution carbone dont nous avons été frustrés.

M. Thierry Foucaud.  - La captation des électeurs ou des ressources fiscales semble plus assurée que celle du CO2... La droite instrumentalise les préoccupations écologiques pour accroître la défiscalisation. Créer la taxe carbone au moment où l'on supprime la taxe professionnelle, c'est la disqualifier d'entrée de jeu !

On entend punir les Français, incorrigibles pollueurs, même lorsque la tension de l'immobilier les contraint à habiter à 60 kilomètres de leur travail ! Cette pédagogie de la pénalisation des comportements est détestable, et d'autant moins productive que la taxe sera partiellement remboursée -mais pas la TVA qui grèvera ce nouveau droit d'accise, à l'instar de l'antique gabelle ! La taxe ne servira donc qu'à économiser quelques menues charges de trésorerie courante, et non pas à développer les indispensables transports alternatifs à la route ou les transports en commun en site propre.

La TIPP rapporte aujourd'hui plus de 25 milliards : ces sommes devraient servir à financer une vraie politique de transport, au lieu d'être rétrocédées aux départements pour financer APA, RSA et autres charges transférées. Pourquoi ne pas confier à la sécurité sociale le soin d'assurer l'égalité de traitement des allocataires ? Pourquoi ne pas mieux centraliser l'épargne populaire auprès de la Caisse des dépôts pour financer de grands projets structurants en matière de transport ? Autant de raisons qui nous conduisent à rejeter l'article 5, en dépit des modifications apportées.

M. Jacques Muller.  - Nous avons vu se multiplier les exonérations, véritables niches environnementales, que le Gouvernement et la commission ont refusé de supprimer pour les carburants des aéronefs, les transports routiers ou encore les entreprises intenses en énergie. Les dix entreprises les plus polluantes sont toutes exonérées de taxe carbone ; les trois premières émettent 55 millions de tonnes de CO2 par an, tout en dégageant un bénéfice net de 24 milliards d'euros... Et elles vont bénéficier pendant trois ans d'un tel cadeau fiscal !

Dans le même temps, le Gouvernement refuse d'exonérer le transport fluvial ou la cogénération. Quelle logique vous guide ? Manifestement pas la lutte contre le changement climatique. Les transports, qui représentent 36 % des émissions, sont soulagés.

Dans le secteur industriel, 24 % des émissions, la charge pèse sur les PME et les TPE, les grandes entreprises étant exonérées. Dans l'habitat, 21 % des émissions, les ménages sont pleinement mis à contribution.

Vous avez très fermement refusé de fixer un prix supérieur au niveau minimal, de sorte que le signal restera inaudible pour les investisseurs. La ministre a pris l'exemple du bonus-malus, alors que l'on achète une voiture sur un coup de coeur, sans calculette.

M. Gérard Longuet.  - Si !

M. Jacques Muller.  - En revanche, les investisseurs ont besoin de visibilité et de rentabilité. La ministre a encore expliqué que le marché donnait un signal mais, à ce niveau, la taxe relève du symbole et condamne à l'impuissance. Lorsque M. Longuet a demandé un débat national, il en a avoué l'inadaptation.

J'avais proposé une contribution énergie-carbone et l'on nous propose une taxe Sarkozy-carbone. Cette posture d'affichage décrédibilise la démarche, elle fracasse le concept de contribution écologique. C'est une erreur et une faute. A la veille de Copenhague, les pays riches étaient tentés de tricher mais la France, elle, arrivera en trichant. Nous voterons contre la taxe Sakozy-carbone.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission appelle à voter l'article. Je le voterai pour ma part sous bénéfice d'inventaire car une série de sujets devra être suivie attentivement. Influencer les comportements suppose d'y voir clair sur la part de la contribution devant faire l'objet d'une restitution : plus on rembourse, moins on influence les comportements...

Mme Nicole Bricq.  - C'est clair !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les agents économiques peuvent être plus ou moins en mesure d'ajuster leur comportement, ils n'ont pas tous le choix et les questions ne se posent pas dans les mêmes termes pour toutes les entreprises et pour tous les ménages. Il faut prendre garde à la ponction sur le pouvoir d'achat de ces derniers : je redis mes doutes sur le calcul de la restitution et les conditions de prise en compte du chauffage ou encore des déplacements urbains. Du point de vue des entreprises, il convient de veiller à l'emploi comme à la compétitivité. Oui, nous devrons assurer un suivi très précis.

Nous avons voulu être empiriques : une progression devra être engagée mais nous avons choisi de ne pas créer de rigidités. La contribution s'appliquera à des entreprises qui ne sont pas sur un marché des quotas satisfaisant. Celui-ci porte sur des quantités physiques et pourrait donner lieu à des produits dérivés. Le grand avenir qui lui est promis accentue le besoin de régulation.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je voterai l'article 5 par solidarité mais sans conviction. Si le dispositif est destiné à modifier les comportements, j'avoue ma perplexité sur le jeu des prélèvements et des restitutions. On a multiplié les exceptions, les exonérations, les niches, partant la complexité et l'arbitraire.

M. Michel Charasse.  - C'est du gruyère !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je ne vois pas poindre la réalité d'un droit de suite aux frontières pour les entreprises. Si les activités se développent hors de nos frontières, nous perdrons des emplois. Cessons enfin d'opposer ménages et entreprises ! (« Oui ! » à droite) Cette facilité de langage nous égare et nous empêche de donner à l'économie sa compétitivité. (Mme Nicole Bricq s'exclame)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le changement d'assiette est d'importance : il ne s'agit pas des éléments traditionnels que sont le travail, ou le patrimoine mais la pollution. Il correspond à un engagement du Président de la République à la demande de Nicolas Hulot -d'autres candidats ou candidates auraient certainement renié leur signature. La modification des comportements s'inscrit dans la durée avec l'objectif de 100 euros d'ici 2030. Je regrette moi aussi que nous ayons émaillé le dispositif d'accrocs, de petits coups...

Mme Nicole Bricq.  - Ce ne sont pas de petits coups !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous serons amenés à revoir cette dentelle.

Mme Nicole Bricq.  - Du crochet !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Vous pouvez voter l'article 5 avec enthousiasme.

M. Gérard Longuet.  - Il ne faut pas exagérer...

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Il ne pourra que faire du bien.

M. Hervé Maurey.  - Après avoir bien écouté le président du groupe UMP, le rapporteur général et encore mieux le président de la commission des finances, j'en arrive à la conclusion, inverse des leurs, qu'on ne peut voter l'article 5 en l'état et je m'abstiendrai.

L'article 5, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°I-392, présenté par MM. Maurey et Dubois, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Biwer, Vanlerenberghe et Soulage.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 3 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale. »

II. - Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - Les conséquences financières pour l'État de l'extension de l'avance remboursable sans intérêt aux communes et aux établissements de coopération intercommunale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Hervé Maurey.  - Je souhaite faire bénéficier les collectivités du prêt à taux zéro que nous avons institué l'an dernier en faveur des ménages. Elles ont en effet de plus en plus de charges, subissent de plus en plus de normes et prennent en compte le développement durable. Il est donc équitable qu'elles bénéficient de cette facilité. Cet amendement avait été rejeté dans la loi de finances mais intégré dans le texte de la commission sur le Grenelle II ; le Sénat avait confirmé le texte de la commission malgré un amendement de suppression du Gouvernement, lequel avait recouru à une manoeuvre de procédure en faisant voter la majorité contre l'article. Je reprends donc aujourd'hui cette proposition : ne sommes-nous pas là pour défendre les collectivités territoriales ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il s'agit des constructions dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs EPCI. Bien ce ne soit pas dit explicitement, vous devez viser la construction de logements destinés à rester dans le patrimoine de la collectivité.

L'amendement, dont le bénéfice était limité aux communes de moins de 3 500 habitants, que vous aviez déposé à la loi de finances pour 2009, après que le Gouvernement en avait demandé le retrait, avait été repoussé par le Sénat. Les mêmes raisons conduiront aux mêmes effets ! Au demeurant, cette proposition, dépourvue d'impact sur le solde pour 2010, trouverait mieux sa place en seconde partie.

M. Eric Woerth, ministre.  - Étendre ce dispositif conçu pour les particuliers à des institutions, si nobles soient-elles, n'aurait pas de sens. D'autant que ces dernières disposent d'autres modes de financement que les particuliers. Ce n'est pas au Sénat que je vais l'apprendre... Retrait, sinon défavorable.

M. Hervé Maurey.  - L'amendement, adopté par le Sénat lors du Grenelle II, est tombé après des manoeuvres de procédure pour le moins contestables... (Marques de désapprobation au banc de la commission) Je ne suis pas convaincu par l'argumentation du ministre et du rapporteur général. Quant à déplacer l'amendement en seconde partie, je n'en vois guère l'intérêt si l'avis est identique. Je le maintiens donc.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Monsieur Maurey, je ne peux vous laisser dire que le Sénat a accepté cet amendement...

M. Hervé Maurey.  - Si, dans le Grenelle II !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Créer une niche fiscale, qui devra être étendue à tous les bailleurs sociaux, n'est pas judicieux compte tenu de notre situation budgétaire. Pour le ministre du budget, un prêt à taux zéro est un procédé commode lui permettant d'affirmer qu'il contient la dépense publique en volume. Toutefois, transformer des crédits budgétaires en prélèvement sur des recettes fiscales à venir ne procède pas d'une bonne méthode. Permettez-moi de réitérer l'appel de la commission à retirer votre amendement.

M. Gérard Longuet.  - « La loi et les prophètes... » Les prophètes, la prophétie, c'est le Grenelle. Nous, nous fabriquons la loi. Nous avons tous intérêt à investir dans des bâtiments économes du fait de l'augmentation inéluctable des prix de l'énergie. La différence fondamentale entre particuliers et collectivités tient à ce qu'elles bénéficient de subventions du département, de la région, de l'État, de l'Europe... L'une des principales activités des sénateurs est précisément de les aider à obtenir ces aides pour la construction d'ouvrages nécessaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Eh oui !

M. Gérard Longuet.  - Évitons de détourner nos rares moyens au détriment de ceux qui en ont le plus besoin, les particuliers !

L'amendement n°I-392 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°I-342, présenté par M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la ligne 41 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, le chiffre : « 5,66 » est remplacé par le chiffre : « 2,1 ».

II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant de la baisse de la taxe intérieure de consommation sur le fioul domestique, est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Claude Frécon.  - La suppression de la prime à la cuve en 2010 pénalisera lourdement les 700 000 ménages qui se chauffent au fioul domestique, soit des foyers modestes et ruraux, en temps de crise. Cette prime, d'un montant de 75 euros, avait été réévaluée avec la hausse des prix du pétrole à 150 euros, puis 200 en 2008. D'après M. Woerth, cette mesure exceptionnelle n'a plus lieu d'être puisque les circonstances ont changé. Soit, mais nous en sommes simplement revenus à la situation d'il y a quatre ans -un fioul à 60 centimes- année de la création de la prime ! Compte tenu du bénéfice record de Total en temps de crise -plus de 14 milliards !- (M. Philippe Marini, rapporteur général, soupire) ladite société avait estimé en février dernier M. Woerth, pourrait continuer « à participer comme elle l'a fait avec la prime à la cuve », voire « peut-être aller un peu plus loin ». Mais, telle soeur Anne, nous n'avons rien vu venir... En conséquence, pour éviter d'infliger une double peine aux ménages, nous proposons de réduire la TIPP sur le fioul domestique au minimum légal autorisé par la directive européenne. Notez que nous ne proposons pas de diminuer le tarif de la contribution carbone, afin de préserver le signal prix. Le rapporteur général qui demandait, à l'article 5, une diminution du tarif de la contribution carbone sur le fioul domestique utilisé dans le transport maritime, sera certainement sensible à notre requête...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - J'y suis très sensible. Toutefois, le tarif du fioul domestique est revenu à son niveau du milieu de l'année 2005. De surcroît, la réduction de la TIPP proposée coûterait, si mes calculs sont bons, 648 millions ! Peut-être envisagiez-vous de limiter cette disposition aux ménages, mais les services douaniers seront-ils en mesure de distinguer le fioul domestique du fioul à usage professionnel ? La proposition ne me semble donc pas adéquate, mais la commission sera attentive à l'avis du Gouvernement.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'avis ne peut pas être favorable. La prime a été instituée en 2005 dans des conditions exceptionnelles : les perturbations causées par l'ouragan Katrina sur le marché pétrolier, puis maintenue en 2007 et 2008 à cause d'une augmentation historique du prix du baril, respectivement de 100 et de 150 dollars. En outre, la prime à la cuve a coûté 120 millions en 2008, 190 en 2009 quand la diminution de la TIPP représenterait plus de 500 millions ! Enfin, avec cette mesure, vous absorbez 80 % de la contribution carbone sur le fioul domestique ; autrement dit, vous éliminez le signal prix. Retrait, sinon défavorable.

M. Jean-Claude Frécon.  - J'ai bien écouté le rapporteur général et la ministre.

Je suis troublé par le différentiel des chiffres -190 millions contre 500- et je retire mon amendement en souhaitant, madame la ministre, que d'ici la CMP sans la porter à son niveau minimum, vous réduisiez cette TIPP d'environ 190 millions.

L'amendement n°I-342 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-370 rectifié, présenté par MM. Deneux, Détraigne, Soulage, Biwer, J. Boyer, Dubois, Maurey, Pointereau, Vasselle, César et Revet.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le tableau constituant le second alinéa du 1 de l'article 265 bis A est ainsi rédigé :

DÉSIGNATION DES PRODUITS

RÉDUCTION(en euros par hectolitre)

 

Année

 

2009

2010

2011

1. Esters méthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique

15, 00

15, 00

15, 00

2. Esters méthyliques d'huile animale incorporés au gazole ou au fioul domestique

15, 00

15, 00

15, 00

3. Contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est d'origine agricole

21, 00

21, 00

21, 00

4. Alcool éthylique d'origine agricole incorporé aux supercarburants ou au superéthanol E85 repris à l'indice d'identification 55

21, 00

21, 00

21, 00

5. Biogazole de synthèse

15, 00

15, 00

15, 00

6. Esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique

21, 00

21, 00

21, 00

2° Après le nombre : « 23,24 », la fin de la dernière colonne de la dernière ligne du tableau B du 1 de l'article 265 est supprimée.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

M. Yves Détraigne.  - La loi de finances pour 2009 avait prévu une clause de revoyure annuelle du niveau de défiscalisation des biocarburants, en fonction de l'évolution des conditions économiques. Depuis, le prix du baril de pétrole a chuté, la parité euro-dollar a sensiblement évolué, de même que les prix des matières premières agricoles servant à produire les biocarburants. La compétitivité des biocarburants s'est donc dégradée et il convient de maintenir, pour 2010 et 2011, le niveau de défiscalisation de 2009.

M. le président.  - Amendement n°I-519, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 265 bis A du code des douanes est ainsi modifié :

1° Le 3 du tableau du 1 est complété par les mots : « , sous nomenclature douanière combinée NC 220710 » ;

2° Dans le 4 du même tableau, après les mots : « d'origine agricole », sont insérés les mots : « , sous nomenclature douanière combinée NC 220710, » ;

3° Le 1 bis est abrogé.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'amendement précise la rédaction du code des douanes, en matière de TGAP applicable aux distributeurs qui ne remplissent pas les objectifs nationaux d'incorporation des biocarburants. Les producteurs agréés d'éthanol soulignent que la rédaction actuelle permet aux distributeurs de contourner la protection douanière européenne dont bénéficie l'éthanol non dénaturé, en incorporant des produits importés sous d'autres codes douaniers et acquittant des droits de douane beaucoup plus faibles. A l'instar d'une disposition déjà prise par l'Allemagne, cet amendement clarifie le code des douanes, afin de mentionner explicitement que seule l'incorporation d'éthanol non dénaturé est prise en compte pour l'atteinte des objectifs d'incorporation et pour le calcul de la TGAP y afférent.

M. le président.  - Amendement identique n°I-367 rectifié, présenté par MM. Deneux, Détraigne, Soulage, Biwer, J. Boyer, Dubois, Maurey, Pointereau, Vasselle, César et Revet.

M. Yves Détraigne.  - En 2008, 10 % de l'éthanol utilisé en France était importé, essentiellement du Brésil. Or, seul l'éthanol produit en France a l'obligation de ne pas être dénaturé. Il faut rétablir les conditions d'une concurrence loyale.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Avis défavorable au n°I-370 rectifié pour des raisons budgétaires : il coûterait 186 millions en 2010 et 346 en 2011.

Avis favorable aux deux autres amendements identiques.

M. Yves Détraigne.  - Compte tenu des chiffres donnés par la ministre et de ce qui s'est dit avant la pause sur la fiscalisation des biocarburants, je retire le n°I-370 rectifié. Et, pour les mêmes raisons, je retirerai le n°I-371 rectifié.

L'amendement n°I-370 rectifié est retiré.

L'amendement n°I-519, identique au n°I-367 rectifié, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°I-371 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-426 rectifié, présenté par MM. Tropeano, Charasse, Plancade, Mézard et Collin.

Après l'article 5, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

I. - Après l'article 265 sexies du code des douanes, il est inséré un article ... ainsi rédigé :

« Art. ... - Le taux de la contribution carbone sur les produits énergétiques visée à l'article 266 quinquies C perçue sur les carburants utilisés par les chauffeurs de taxi, à l'exception du gaz naturel véhicules et du gaz de pétrole liquéfié, est réduit de cent pour cent dans la limite de 5 000 litres par an pour chaque véhicule. Celui perçu sur le GNV et le GPL est réduit de cent pour cent dans la limite de 10 000 litres par an pour chaque véhicule.

« Les modalités d'application de l'alinéa précédent sont fixées par décret. »

II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du Code général des impôts.

M. Michel Charasse.  - Cet amendement vise à modérer les effets de la contribution carbone sur les artisans taxis et, par ricochet, sur leurs clients qui souhaitent ne pas utiliser leurs véhicules personnels. Transporteurs publics de proximité, les taxis contribuent à préserver l'environnement, notamment en matière d'émission de CO2 dont ils subissent les effets quotidiennement. La contribution carbone les inquiète d'autant plus que la compensation proposée aux entreprises par le Gouvernement ne s'applique pas aux très petites.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La sollicitude des auteurs de l'amendement à l'égard de cette profession, indispensable et conviviale, est justifiée mais ne faut-il pas limiter les atténuations de la contribution carbone aux transports collectifs ? Qu'en pense le Gouvernement ?

Et lorsque le taxi fait lui-même partie d'un système de transport « à la demande », ne faut-il pas l'assimiler à un transport collectif ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Les tarifs des taxis, fixés par l'intérieur, ont fortement augmenté en 2008 et n'ont pas bougé depuis malgré la baisse du prix des carburants. La convention carbone sera applicable à tous les carburants pris à la pompe par tous les véhicules. Il serait difficile d'en dissocier les taxis. Il faut donc maintenir cette taxe, sachant que l'intérieur tiendra compte d'une éventuelle augmentation du prix des carburants. Nous voulons une contribution carbone universelle : exonérer une nouvelle catégorie poserait problème au regard de l'égalité devant l'impôt. Retrait.

Je n'ai pas de réponse précise à la question du rapporteur général sur les taxis qui servent de transport collectif ou d'ambulance...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ce sont des taxis qui participent à un système de transport à la demande, organisé par une collectivité. On propose à ces artisans taxis une convention, les tarifs sont fixés pour un itinéraire déterminé et ils sont accessibles à plusieurs personnes. Ils sont très appréciés en zone rurale ou semi-rurale. J'en parle en connaissance de cause car un tel système a été mis en place dans l'agglomération dont j'ai la charge. A l'époque, j'avais été chercher un précédent à Saint-Brieuc. Cela doit donc exister dans de nombreuses villes.

En exonérant les transports collectifs, on a oublié ces cas de figure. Peut-être devrions-nous les aligner sur les transports en commun parce qu'il serait inéquitable que des transport à la demande, organisés par une collectivité, ne bénéficient pas de la même exonération, alors même qu'ils sont plus économes -roulant toujours à plein- qu'un autocar qui peut rouler plus ou moins vide.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le transport collectif commence à partir de huit passagers.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est arbitraire.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - On peut demander au secrétaire d'État aux transports d'inclure cette question dans ses actuelles négociations.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Et les transports scolaires ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ils sont exonérés, bien entendu.

M. Michel Charasse.  - Je retire l'amendement parce que nous pourrions trouver une solution, avec le Gouvernement, et, dans le prochain collectif proposer, non une dérogation de plus, mais une assimilation aux transports en commun.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous le ferons ensemble.

L'amendement n°I-426 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°I-343 rectifié, présenté par M. Botrel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Après l'article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies D ainsi rédigé :

«  Art. 266 quinquies D. - Sont exonérées de la contribution carbone prévue par l'article 266 quinquies C, les associations prévues par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. »

II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'exonération de contribution carbone pour les associations de la taxe carbone, est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gérard Miquel.  - A compter du 1er janvier, les associations seront elles aussi soumises à la taxe carbone. Pour nombre d'entre elles, par exemple les associations sportives ou celles qui se chargent de l'accompagnement et du maintien à domicile de personnes âgées ou dépendantes, cela se traduira par une hausse de leurs frais de transport. Or ces associations sont très largement subventionnées par les collectivités locales. Ces dernières risquent de voir augmenter à la fois les charges liées aux équipements qu'elles mettent à disposition et les demandes de subventions. De leur côté, les associations pourraient être tentées d'augmenter leurs tarifs, au détriment des personnes déjà défavorisées auxquelles elles s'adressent.

Le Gouvernement a fait le choix d'une compensation aveugle, destinée à tout le monde sans distinction. Nous aurions préféré que l'on emploie le produit de la taxe à aider des ménages en difficulté et à financer la mutation écologique des transports, des logements et des entreprises en difficulté. La compensation prendra la forme de la suppression de la taxe professionnelle pour les entreprises et d'un crédit d'impôt pour les particuliers ; une solution semble avoir été trouvée pour les collectivités locales ; quant à l'État, il percevra le produit de la taxe que ses services acquitteront. Mais rien n'est prévu pour les associations.

Nous proposons donc de les exonérer de la taxe carbone. Vous nous direz que le redevable n'est pas le consommateur mais le fournisseur, qui répercutera cette charge sur le prix de son produit. L'exonération que nous proposons est donc difficile à mettre en pratique. Nous aurions pu envisager un crédit d'impôt, mais comment fixer le montant d'un remboursement forfaitaire alors que les missions et les budgets des associations sont très divers ?

Par cet amendement, nous souhaitons surtout alerter le Gouvernement sur le sort des associations et connaître sa position et les solutions qu'il envisage.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ce que vous proposez là est une niche d'une taille considérable, d'ailleurs difficile à évaluer à l'avance ! Cette mesure supposerait que les carburants utilisés par les associations soient signalés comme tels dès leur sortie de l'entrepôt, et peut-être que soient mis en place des points de distribution spéciaux : cela ne me paraît pas très opérationnel. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Même avis.

M. Gérard Miquel.  - Je m'attendais à cette réponse. Pourtant les associations jouent un rôle essentiel, notamment auprès des personnes âgées ou dépendantes. Beaucoup d'entre elles sont dans une situation budgétaire très difficile...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les conseils généraux n'ont qu'à les subventionner davantage !

M. Gérard Miquel.  - Elles risquent d'augmenter leurs prix. Qui compensera ? Les conseils généraux ? Ils n'en ont pas les moyens.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Une précision : les associations qui ont recours à titre régulier au transport collectif, comme les associations sportives, bénéficieront de l'exonération.

L'amendement n°I-343 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°I-411 rectifié n'est pas défendu.

M. Eric Woerth, ministre.  - En application de l'article 44, alinéa 6 de votre Règlement, le Gouvernement demande que soient examinés par priorité les amendements nosI-181 à 184 portant sur le taux de TVA sur la restauration. Nous pourrions ainsi en débattre sereinement à une heure point trop tardive et profiter de la présence de M. Novelli, secrétaire d'État en charge de ce dossier.

La priorité, acceptée par la commission, est ordonnée.

Articles additionnels après l'article 8 bis (appelés en priorité)

M. le président.  - Amendement n°I-181, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet.

Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le m. de l'article 279 du code général des impôts est supprimé.

II. - L'article 279 bis du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Les ventes à consommer sur place, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »

Amendement n°I-182, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet.

Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :

« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les ventes à consommer sur place, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »

Amendement n°I-183, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet.

Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :

« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les produits ayant fait l'objet d'une vente à emporter par un établissement de restauration, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »

Amendement n°I-184, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet.

Après l'article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :

« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 19,6 % sur les produits ayant fait l'objet d'une vente à emporter par un établissement de restauration, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »

M. Jean-Jacques Jégou.  - Je me réjouis que le Gouvernement ait appelé ces amendements par priorité : cela montre qu'il veut un débat de fond sur cette question.

L'affaire est ancienne. De temps que j'étais député, M. André Daguin tenta plusieurs fois d'obtenir la baisse du taux de TVA dans la restauration. Il se plaignait d'une distorsion de concurrence : alors que les restaurants où l'on sert à table étaient soumis à une TVA de 19,6 %, les restaurants qui vendent des produits à emporter bénéficiaient déjà du taux réduit de 5,5 %. Ceux qui fréquentent ce dernier genre d'établissements -ce qui n'est pas mon cas, bien que je sois grand-père...- savent que s'ils s'y rendaient et s'asseyaient à une table, ils payaient 19,6 % de TVA, mais s'ils retournaient une heure plus tard au drive in pour racheter le même produit -ce genre de nourriture laissant le consommateur sur sa faim- ils payaient 5,5 %. Rien que de très normal, me direz-vous... sauf que le produit était vendu au même prix dans les deux cas.

M. Daguin revenant sans cesse à la charge, M. Chirac finit par reprendre cette revendication à son compte et en fit la promesse lors de sa campagne de 2002. Mais il se heurta au refus de Bruxelles d'autoriser une deuxième réduction du taux, la France ayant déjà opté pour le taux réduit sur le bâtiment. La crise aidant, et à force de demandes, le Gouvernement finit par obtenir gain de cause en même temps que plusieurs autres pays européens. Cette mesure fut adoptée au détour d'une loi sur le tourisme, ce qui explique que la commission des finances se soit prononcée à son sujet pour la première fois aujourd'hui.

Dans le contexte budgétaire actuel, marqué par un déficit de 146 milliards d'euros, ce cadeau fiscal aux entreprises de la restauration n'a pas manqué de susciter des remous. Son coût s'élève à environ 2,5 milliards d'euros...

Mme Nicole Bricq.  - Trois milliards !

M. Jean-Jacques Jégou.  - Trois milliards si l'on tient compte d'une mesure prise avant même d'avoir l'autorisation de Bruxelles, dont le coût est estimé à 500 ou 600 millions d'euros.

M. Eric Woerth, ministre.  - Six cent millions.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Face aux critiques, le Gouvernement a exigé en contrepartie des restaurateurs qu'ils embauchent, réduisent la facture du consommateur et investissent dans leurs établissements. Ceux-ci ont donné des assurances...

M. Michel Charasse.  - Ils ont pris des engagements !

M. Jean-Jacques Jégou.  - Mais le Gouvernement reconnaît lui-même que ces promesses n'ont pas été tenues.

On dira que nous n'avons pas encore eu le temps d'apprécier les effets de la réforme. Mais qui paie la TVA ? Ce sont les consommateurs, non les restaurateurs ! Ces derniers ne le savent pas toujours : je me souviens de conversations savoureuses avec des cuisiniers peu au fait de la comptabilité...

Alors que le Parlement s'efforce d'aider le Gouvernement à trouver des recettes, alors qu'on peine à trouver ici ou là quelques dizaines de millions d'euros, alors que les collectivités territoriales vont rencontrer des difficultés avec la suppression de la taxe professionnelle, on doit s'interroger sur ces 2,5 milliards qui n'ont entraîné ni baisse de prix, ni embauches, ni investissements. Je n'y vois pas d'autre raison que le plaisir fait à une corporation qui fait grand bruit et menace : M. Daguin était dans les tribunes de l'Assemblée nationale pour voir qui votait et qui ne votait pas... Le Parlement a trop tendance à céder aux pressions ; en l'espèce, ne pas y céder, c'est rendre 2,5 milliards d'euros aux contribuables. J'ai déposé quatre amendements qui reprennent toutes les solutions possibles, dont une qu'avait présentée en son temps le président Arthuis.

Au-delà de l'amendement voté à l'unanimité en commission...

M. Michel Charasse.  - Et dans l'enthousiasme !

M. Gérard Longuet.  - Les commissaires sortaient du restaurant ! (Rires)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nos agapes en cette période sont très modérées.

M. Jean-Jacques Jégou.  - ...le Sénat est dans son rôle d'essayer d'alléger la dette formidable de la France, celle qu'alimentent les déficits que nous creusons chaque année.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A défaut de coup d'arrêt, disons que c'est un coup de semonce. La réforme de la taxe professionnelle, stratégique et structurante...

Mme Nicole Bricq.  - Déstructurante, plutôt !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...porte une réelle ambition pour notre tissu économique et n'est pas sans effet pour les collectivités territoriales ; son coût en année pleine est de 4 milliards d'euros... à comparer aux 3 milliards que coûte cette mesure catégorielle pour l'hôtellerie et la restauration. Au regard des enjeux, la disproportion est manifeste.

Nous savons bien cependant que, spécialement dans ce domaine, il faut boire le vin quand il est tiré.

M. Michel Charasse.  - Sauf si c'est de la piquette !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Alors nous voulons comprendre les engagements pris en contrepartie de cette mesure obtenue par un lobbying incroyablement efficace, nous voulons les évaluer et surtout nous voulons qu'ils soient tenus.

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Engagement de baisser les prix de 11,8 % sur au moins sept produits : comment la baisse est-elle appréciée et contrôlée ? La DGCCRF s'en préoccupe-t-elle ? Comment agit-elle ? Engagement de créer 40 000 emplois en deux ans, 20 000 emplois pérennes et 20 000 contrats d'apprentissage, en alternance ou de professionnalisation, sans lequel les 3 milliards n'ont plus de sens : où en est-on ? Nous savons que le recrutement dans ces métiers est difficile, que les rythmes de travail sont très astreignants ; nous voulons en tout cas être persuadés que l'engagement sera tenu.

M. Michel Charasse.  - Et pas à la Saint-Glinglin !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Engagement d'améliorer la situation de salariés au plan des rémunérations, de la formation, de la protection sociale, de la lutte contre le travail illégal ; engagement de moderniser et d'investir : où en est-on ?

Nous avons entendu en octobre le président Séguin nous livrer les conclusions du Conseil des prélèvements obligatoires...

Mme Nicole Bricq.  - C'est exact !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...relevant les effets très incertains du passage à 5,5 %. Il y eut donc conjonction Jégou-Séguin-Conseil des prélèvements obligatoires... Nous nous sommes tournés vers les organisations représentatives, qui n'ont pas été en mesure de nous fournir des statistiques nationales...

Telles sont les préoccupations de la commission des finances, qui en ces temps difficiles pour les finances publiques doivent être prises au sérieux. Tel est le sens de son coup de semonce. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.  - Il est naturel que le Sénat se pose ces questions, se demande si la baisse de la TVA a produit des résultats et si le contrat d'avenir a été respecté.

Dans le contrat d'avenir il était dit : il faut des résultats à court terme en matière de prix et de négociation sociale ; il faut des résultats à moyen terme en matière de créations d'emplois ; il faut des résultats à plus long terme en matière de modernisation. Dire qu'aujourd'hui c'est un échec, ce n'est pas respecter le contrat.

Il était d'abord stipulé que les restaurateurs devaient répercuter intégralement la baisse de taux sur sept produits, engagement qui pèse, d'après nos calculs, sur un tiers du chiffre d?affaires ; 12 % divisé par 3, 4 %, auxquels il faut retirer les boissons alcoolisées et la vente à emporter. Si tous les restaurateurs avaient respecté cet engagement, la baisse aurait dû être d'environ 3 %. Nous en sommes à 1,46 %. La moitié du chemin est fait. Nous avons convoqué les organisations professionnelles il y a quelques semaines pour leur dire qu'il fallait faire plus.

La négociation sociale et salariale s'est engagée dans une branche qui n'en est pas coutumière, négociation très serrée qui doit s'achever la semaine prochaine. Deux syndicats sur cinq ont accepté les propositions patronales.

Cela ne suffit pas pour aboutir ; les discussions continuent donc. Le Gouvernement espère qu'elles satisferont les syndicats de salariés.

Au demeurant, les propositions patronales permettent déjà de franchir une étape historique puisque le salaire minimum de cette branche serait pour la première fois supérieur au Smic. Une mutuelle de prévoyance doit être créée. On ne peut préjuger de rien, mais les discussions se déroulent dans de bonnes conditions.

M. Marini m'a interrogé sur le rôle de la DGCCRF. Elle a contrôlé 14 000 établissements cet été, soit 10 % du total. Les résultats corroborent ceux de l'Insee, puisque 45 % des restaurants ont répercuté le contrat d'avenir, un tiers en apposant des étiquettes sur les prix en baisse, les autres s'abstenant de le faire.

Il était prévu que 20 000 emplois seraient créés en deux ans, le nombre de contrats supplémentaires d'apprentissage ou de professionnalisation étant apprécié sur 26 mois. Le fonds de modernisation doit durer trois ans.

Quelles seraient les conséquences d'un retour au taux de 19,6 % ? Ce serait d'abord une très mauvaise nouvelle pour les consommateurs, puisque la demi-baisse des prix serait au moins annulée.

Mme Nicole Bricq.  - Nous n'avons rien vu !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Sans conteste, les négociations sociales s'arrêteraient immédiatement. Comment une branche ayant connu le plus important taux de défaillances d'entreprises pourrait-elle supporter un retour au taux de 19,6 %, alors que les négociations auront un coût non négligeable pour les restaurateurs ?

De plus, des accords sociaux ont déjà été conclus : ainsi, les cafétérias ont fait l'objet d'un accord très avantageux le 24 juillet.

Le contrat d'avenir doit avoir une traduction concrète. C'est pourquoi un comité de suivi a été créé, avec des parlementaires de la majorité et de l'opposition. Au titre du Sénat, il comporte Mme Khiari et M. Houel. Lorsqu'il se réunira le 15 décembre, nous pourrons faire le bilan des contreparties à court terme.

Nous ne connaissons évidemment pas le nombre de créations d'emplois, mais nous avons interrogé M. Régis Marcon, qui s'est beaucoup investi dans l'apprentissage. (M. Adrien Gouteyron approuve) Les inscriptions en centre de formation d'apprentis ont augmenté de 6,5 % à la rentrée 2009 par rapport à la rentrée 2008. Sans être définitifs, ces résultats sont encourageants.

Les restaurateurs doivent encore fournir un effort, mais le contrat d'avenir s'étale sur deux à trois ans. Des négociations cruciales sont en cours. Je souhaite donc le retrait ou le rejet de l'amendement.

Nous ferons périodiquement le bilan de la situation, mais il faut donner sa chance au contrat d'avenir.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Le rapporteur général a dit l'essentiel. Décidemment, le Sénat se prononce une fois que le vin est tiré.

Au mois de juillet, nous avons voté une mesure déjà en vigueur ! Je m'y étais d'ailleurs opposé, en raison d'une dépense fiscale avoisinant 3 milliards d'euros. Les mesures adoptées autrefois dans l'attente de cette baisse ont-elles été rapportées ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Oui.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Comme elles coûtaient 600 millions d'euros, le surcroît s'établit à 2,4 milliards, mais le total objectif est bien de 3 milliards. Nous hésitons à vous suivre : 4 milliards pour l'industrie et l'emploi, avec la réforme de la taxe professionnelle, et 3 milliards pour la restauration ! C'est pour cela que la commission a suivi M. Jégou : son amendement s'analyse comme un coup de semonce.

Il serait sans doute compliqué d'enclencher la marche arrière, mais le vote en commission vous permet de rappeler à vos interlocuteurs que le Parlement, coeur de la démocratie, est inquiet.

L'existence d'une économie parallèle échappant à toute taxation justifierait peut-être d'appliquer une TVA comprise entre 10 % et 12 %, alors que les activités soumises à la concurrence internationale devraient être taxées à 19,6 %, voire plus, pour compenser les exonérations de cotisations sociales que nous attendons.

Pendant l'actuelle phase de négociations intra sectorielles, nous pensons vous rendre service en disant que le compte n'y est pas et que nous attendons un engagement clair. Le ministre des comptes publics s'arrache les cheveux pour équilibrer son budget... (Sourires) Avec un déficit de 116 milliards, il faut au moins que les parties prenantes honorent leurs engagements. Mais vous aurez le plus grand mal à évaluer les créations d'emplois...

Nous avons voulu, de façon solennelle, manifester notre vigilance dans le cadre de nos prérogatives. Dommage que nous devions nous prononcer aujourd'hui : un report du quelques heures vous aurait été utile pour tenir la pression... (Sourires)

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous sommes reconnaissants au Sénat pour la pression qu'il met sur les épaules du Gouvernement... qui y arrive très bien tout seul ! (Sourires)

Vous avez évoqué la fraude : c'est évidemment un secteur dans lequel elle existe. Le Gouvernement n'est pas inactif :

Des personnes sans papiers ont été arrêtées il y a peu dans un restaurant. Nous avons décidé d'appliquer un redressement forfaitaire des cotisations sociales pendant six mois pour tous les travailleurs clandestins dont le chef d'entreprise ne pouvait pas prouver qu'ils les avait employés pendant une durée inférieure.

Le Gouvernement veut aller plus loin dans la lutte contre le travail illégal exercé par des étrangers en situation irrégulière.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien, c'est très important.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - M. Dassault, présentant son rapport spécial sur la mission Travail, notait qu'il subsistait un avantage dérogatoire : l'exonération de cotisations sociales sur les repas servis aux collaborateurs par les restaurateurs, 150 millions d'euros tout de même.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Supprimons-le maintenant !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Un amendement a été déposé en ce sens : quelle suite le Gouvernement lui réservera-t-il ?

M. Eric Woerth, ministre.  - L'Assemblée nationale a repoussé un amendement identique en projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une niche sociale...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Supprimons-la !

M. Eric Woerth, ministre.  - On ne peut prendre des mesures allant dans tous les sens et vous ne le faites pas dans vos collectivités. Baisser la TVA et dans la foulée taxer les carottes râpées servies à midi aux collaborateurs, c'est un message pour le moins contradictoire. N'abîmons pas une mesure qui coûte 2,5 milliards d'euros, au profit d'un secteur d'avenir, gros employeur.

M. Michel Charasse.  - Nous ressentons un malaise dans cette affaire. Les uns et les autres avons le sentiment qu'il y a eu tromperie. Le débat est ancien. Je n'étais pas encore élu, mais secrétaire de groupe politique à l'Assemblée nationale, que j'entendais déjà tonner la voix de M. Daguin : « Faites-le nous, et dès demain vous aurez des emplois, des investissements, des prix en baisse ». Devenu ministre, je fus confronté, à la radio, à la télévision, au même M. Daguin qui toujours promettait des emplois et des investissements « dès demain ». Une précision manquait : quand demain arrive-t-il ? Cela me rappelle une anecdote : François Mitterrand devait partir en Nouvelle-Calédonie, territoire qui connaissait alors des troubles. On lui demande : mais quand partirez-vous ? Demain, répond-il. Oui mais quand exactement ? Demain matin ! Le « demain » de M. Daguin, c'est demain !

Il y a eu un accord, et un sacrifice consenti par la Nation au moment où elle souffre et traverse une crise économique. Compte tenu des circonstances, du climat, des pressions exercées depuis si longtemps, je dirai, inversant la phrase de Clemenceau : nous avons des droits sur eux. La commission des finances a fait son métier. Il est normal, en de telles circonstances, pour une pareille somme, de demander des comptes. Les pressions que nous avons subies tout cet après-midi dans les couloirs, au téléphone, sont insupportables. Considère-t-on, dans les arrière-cuisines, que demander des comptes à ceux qui sont passés à la caisse est un crime de lèse-majesté ? Je n'accepte les pressions ni de cette profession ni d'aucune autre.

C'est aussi une question d'honneur pour le Parlement. Nous avons imposé un sacrifice non négligeable aux contribuables. Nous avons enquiquiné l'Europe pendant des années avec cette affaire qui ne concernait que la France et nous nous sommes livrés à beaucoup de petites négociations, d'abaissements et de compromissions pour parvenir à nos fins. Adoptons les amendements puisque nous avons une clause de revoyure, la CMP ; notre vote ne peut que vous aider, monsieur le ministre : vous pourrez leur dire « ils sont après moi, dépêchez-vous de conclure la négociation si vous ne voulez pas que cela tourne mal ».

On n'est jamais sûr de rien en la matière, mais dans ma vie, je n'ai jamais eu le sentiment d'être un mari trompé. Ici, je me sens le berné de l'affaire, et pourtant ce sont de bien sympathiques restaurateurs, « demain, dès demain ! »...

Nous aidons le Gouvernement et le Président de la République : ce dernier avait pris un engagement mais il ne pensait pas que cela tournerait ainsi. C'est une question d'honneur pour lui aussi car il se passerait bien des questions que le sujet suscite. (M. le rapporteur général applaudit silencieusement)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Ces tirs de semonce sont opportuns. Il s'agit d'un avertissement sans frais, qui ne détruit pas le mécanisme ni le contrat d'avenir conclu par le secteur. Vous indiquez légitimement que vous n'êtes pas dupes, mais ne coulez pas le système. La mise en garde par le Parlement est légitime, car moins d'un tiers de l'engagement a été respecté. Mais ne visez pas le coeur de la cible pour l'instant ! J'espère que les dépêchistes et les journalistes auront bien compris votre démarche ; et je sais les professionnels très attentifs à vos excellentes prestations dans les médias.

Le contrat comporte une clause de rendez-vous après cinq mois et demi d'application. M. Novelli rencontrera donc ses interlocuteurs le 15 décembre prochain. M. Charasse s'est senti berné, mais connaît-il beaucoup de contrats dont on surveille ainsi l'exécution ? Attendons avant de tirer l'échelle et de laisser les cocontractants sans filet. Nous avons ferraillé avec nos partenaires européens pour tenir une promesse, mais aussi pour rétablir un équilibre puisque la moitié des pays de l'Union européenne mangeaient déjà à 5,5 % ! Du reste, c'est cet argument d'équité qui a touché les autorités européennes. L'Allemagne est l'un de ceux qui s'est le plus vivement opposé à notre demande. Or qu'a fait la nouvelle coalition il y a trois semaines ? Elle a baissé le taux de TVA sur la restauration. Nous avons solennellement demandé -et obtenu- une TVA à taux réduit pour ce secteur, nous avons été suivis par nos voisins et nous reviendrions en arrière ? Ne votons pas les amendements. Ils correspondent au langage que j'ai tenu aux professionnels. Je les ai avertis que le Parlement n'était pas prêt à tout accepter.

Vous avez aidé M. Novelli, mais ne tirez pas l'échelle maintenant ; ce serait trop tôt ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. le rapporteur général applaudit également)

M. Jean-Jacques Jégou.  - Je siège au Parlement depuis 24 ans et je n'ai plus d'illusions sur son existence. La Ve République l'a émasculé. La mesure a été appliquée avant même que le Sénat l'ait votée et alors même que nous nous rendions à Versailles pour adopter une révision constitutionnelle qui magnifiait le pouvoir du Parlement.

Vous dites être en train de réussir les négociations qui seraient gênées par cet amendement. Mais nous sommes là pour vous rendre service. D'ailleurs, vous ne manqueriez pas de demander une seconde délibération si ces amendements étaient adoptés : le Gouvernement n'a-t-il pas tout pouvoir, à commencer par celui de demander la priorité pour que ce débat -qui engage tout de même 3 milliards- ait ainsi lieu nuitamment et en catimini ?

Vous n'obtiendrez pas des restaurateurs la baisse des prix annoncée, car tel n'était pas l'objectif de la baisse de TVA ! Le contrat d'avenir a été bricolé pour faire accepter, dans un contexte dramatique, une baisse qui visait en réalité, pour M. Daguin, à augmenter les marges des restaurateurs !

Invité à déjeuner moi aussi, (sourires) j'ai été l'un des seuls à m'élever contre cette mesure : même si les prix baissaient, le compte n'y serait pas ! Avec un déficit pareil, on serait en droit d'attendre qu'une telle mesure soit corrigée en cas de retour à meilleure fortune ! Lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'avais plaidé pour une hausse de 0,75 point de la CRDS, soit 20 petits milliards. Nous ne l'avons pas l'obtenue, car le Parlement ne sait pas se faire entendre. L'an prochain, monsieur le ministre, vous devrez vous résoudre à l'augmenter d'un point, car il n'y a pas d'autre solution ! Ce cadeau de 3 milliards déborde largement et nos moyens et les avantages que nous pouvons en retirer. Je maintiens donc mes amendements.

Mme Nicole Bricq.  - Nous voterons ces amendements, car nous avons d'emblée posé la question des contreparties : un contrat qui n'est pas équilibré est dit léonin. Vous avez mis d'emblée les 3 milliards sur la table sans que les contreparties promises en termes d'emplois, de salaires ou de baisses des prix ne soient garanties. Vu nos déficits abyssaux, 3 milliards, ce n'est pas rien. Dans le débat sur la taxe professionnelle, il a fallu que l'opposition apporte son soutien au rapporteur général pour imposer une cotisation de 250 euros, qui rapporterait 60 millions !

Cette mesure est une dépense fiscale, monsieur Woerth, et aux termes de l'article 11 de la Lolf, toute dépense fiscale doit être limitée dans le temps ; celle-ci est illimitée. Elle doit également être compensée.

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est le cas.

Mme Nicole Bricq.  - Nullement. La négociation doit s'achever le 30 novembre, dites-vous. Nous sommes le 23. Si nous adoptons cet amendement ce soir, la navette se poursuivra au-delà du 30. Un bilan est prévu le 15 décembre, dites-vous. Nous verrons alors si vous avez eu raison de vous opposer à cet amendement.

M. Thierry Foucaud.  - Nous sommes à la fois amusés et en colère. Amusés, car après la danse des sept voiles à laquelle vous vous êtes livrés avec la profession, (sourires) la majorité sénatoriale a voté, à la dernière minute, une clause de revoyure. Quant à l'auteur de l'amendement, qui proteste contre l'heure tardive de ce débat, il a fait adopter il y a peu un amendement sur les accidents du travail en pleine nuit, me semble-t-il...

La baisse de la TVA, engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, n'a pas porté les fruits attendus, malgré la campagne de séduction de l'UMP auprès des professionnels. L'on pourrait s'interroger tout autant sur les conséquences des diverses réformes fiscales votées depuis 2007, comme celle des successions...

Mais nous sommes aussi en colère, car, si cet amendement est voté, ni les salaires, ni les conditions de travail ne s'amélioreront. Le patronat, tantôt conservateur, tantôt paternaliste, trouvera toujours de bonnes raisons pour mettre un terme à toute évolution. Nous ne voterons donc pas cet amendement, mais ce coup de semonce est bienvenu. Nous attendons toujours un rapport du Gouvernement sur l'impact de la baisse de la TVA sur les prix, la création d'emplois, les salaires et les conditions de travail, car il reste beaucoup de chemin à faire !

M. Hervé Maurey.  - J'ai voté la baisse de la TVA, en regrettant de devoir le faire au détour d'une seconde lecture d'une loi sur le tourisme, et alors que la mesure était déjà en application, triste marque de désinvolture à notre égard. Comme beaucoup, j'en attendais baisse des prix et créations d'emplois, qui n'ont pas été au rendez-vous.

Faut-il pour autant revenir sur un dispositif qui n'a pas six mois ? C'est trop tôt. S'en tenir à un simple coup de semonce me paraît plus sage. Prenons rendez-vous pour une clause de revoyure, non pas à la Saint-Glinglin, comme a dit M. Charasse, ni dans trois ans, mais l'année prochaine. Comme l'a dit le Président de la République devant les maires, il faut cesser de faire des réformes pour l'éternité, sans se soucier de leurs effets. Il faudra dresser le bilan de celle-ci, mais cinq mois, c'est trop tôt.

M. Albéric de Montgolfier.  - Très bien.

M. Gérard Longuet.  - Je ne dirai pas mieux les choses que M. Maurey, mais je veux répondre à M. Jégou, dont je ne mets pas en doute la bonne volonté. C'est grâce à la qualité du dialogue que nous avons établi, depuis la réforme constitutionnelle, avec ce Gouvernement, que nous avons pu faire bouger certaines lignes.

Si le Président de la République a annoncé un rendez-vous sur les déficits, c'est parce que, débat après débat, les parlementaires ont soutenu l'action courageuse du Gouvernement en rappelant que l'État n'avait pas la faculté indéfinie de s'endetter, qu'il appartenait à un système nommé euro, et que l'ensemble des acteurs publics, des collectivités locales et des partenaires sociaux devait se poser la question de la sortie de la dette lorsque l'environnement économique le permettrait. Ne soyez pas pessimiste : l'UMP a la volonté d'assumer pleinement son mandat.

Quoique membre de la commission des finances, je n'ai pas assisté à la réunion au cours de laquelle elle a adopté cet amendement -j'étais retenu au restaurant. (Sourires) Je la remercie d'avoir su jouer de l'hypermédiatisation de notre société de manière à rappeler que l'effort de la collectivité méritait une réponse de la part de ceux qui s'étaient affirmés pendant des années avec l'accent rocailleux des Auscitains prêts à faire quelque chose, mais qui l'avaient oublié par la suite. Les membres de la commission des finances ont saisi l'arme naturelle de l'homme politique moderne, la communication. M. Novelli l'a montré, personne n'est dupe de personne et chacun sera mis en face de ses responsabilités, dans ce dialogue musclé.

Cette affaire repose sur une réalité forte. Nous cherchons depuis vingt ans une croissance plus riche en emplois. De là cette TVA à 5,5 %. Nous avons tous dans nos programmes voulu mettre la fiscalité au service de l'emploi. De plus, la société évolue et les repas se prennent de plus en plus à l'extérieur et les consommations à la place requièrent plus d'emplois que la vente à emporter. Je fais confiance aux ministres pour tirer parti du coup de semonce et faire pression sur les restaurateurs en les appelant au civisme. Ils susciteront ainsi la reconnaissance des consommateurs. Le groupe UMP ne votera pas les amendements. (Applaudissements à droite)

A la demande des groupes UMP et RDSE, l'amendement n°I-181 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 126
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean Arthuis, président de la commission - Nous avons eu un débat tout à fait intéressant.

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas de quoi !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - On a mis à la disposition du Gouvernement un levier de négociation. Il n'y aurait pas d'inconvénient à ce que le suspense dure un peu plus mais est-il nécessaire de procéder à un scrutin public sur les autres amendements ? Il est 1 h 25, nous avons 165 amendements à examiner, nous sommes à la limite critique.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Ce n'est pas moi qui ai demandé un scrutin public.

M. Michel Charasse.  - On peut voter à main levée. (Assentiment)

L'amendement n°1-182 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-184 et I-183.

Article 5 bis

Après l'article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies D ainsi rédigé :

« Art. 266 quinquies D.  -  Sont exemptées de la taxe carbone prévue par l'article 266 quinquies C les personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, dont les personnes en fauteuil roulant, les personnes handicapées des membres et les personnes de petite taille, ayant l'utilité d'un véhicule personnel adapté. »

M. le président.  - Amendement n°I-142, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet article ne nous paraît pas opérationnel.

L'amendement n°I-142, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 5 bis est supprimé.

L'amendement n°I-244 n'est pas soutenu.

Article 6

I.  -  Après l'article 200 quaterdecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 quindecies ainsi rédigé :

« Art. 200 quindecies.  -  1. Les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B, bénéficient d'un crédit d'impôt forfaitaire de 46 €.

« Ce montant est porté à 61 € lorsque le contribuable est domicilié, au 31 décembre de l'année d'imposition, dans une commune qui n'est pas intégrée à un périmètre de transports urbains défini à l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ou qui n'est pas comprise dans le ressort territorial du Syndicat des transports d'Île-de-France mentionné au I de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France.

« 2. Le crédit d'impôt mentionné au 1 est doublé pour les couples soumis à imposition commune.

« Il est majoré de 10 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Toutefois, la majoration de 10 € est divisée par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents.

« 3. La qualité de contribuable est appréciée au 31 décembre de l'année d'imposition.

« 4. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 decies A, après imputation des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. »

II.  -  En 2010, le crédit d'impôt mentionné à l'article 200 quindecies du même code est versé par anticipation dans les conditions suivantes :

1° Pour les contribuables compris dans les rôles de l'année 2008, il est versé selon des modalités fixées par décret.

Ce versement prend la forme d'une diminution du premier acompte pour les contribuables soumis aux acomptes trimestriels mentionnés à l'article 1664 du même code ;

2° Pour les contribuables qui n'ont pas été compris dans les rôles de l'année 2008, le crédit d'impôt peut être versé par anticipation, sur demande du bénéficiaire formulée avant le 30 avril 2010 ;

3° Par dérogation au second alinéa du 1 de l'article 200 quindecies du même code, la condition liée au domicile du contribuable est appréciée au 1er janvier 2009.

La régularisation des versements anticipés intervient lors de la liquidation de l'impôt afférent aux revenus de l'année d'imposition, après imputation éventuelle des différents crédits d'impôt et de la prime pour l'emploi.

II bis (nouveau).  -  Pour les contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, les montants mentionnés aux 1 et 2 de l'article 200 quindecies du même code sont divisés par deux pour l'imposition des revenus de l'année 2009 et le II du même article ne s'applique pas.

III.  -  Le I est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009.

M. Jacques Muller.  - Nous revenons dans le vif du sujet après avoir passé deux heures pour 3 milliards attribués aux restaurateurs alors que nous n'avons consacré que quelques minutes pour les 2 milliards octroyés aux plus grosses entreprises.

Fixer un prix de la tonne de CO2 à 17 euros, au nom de l'acceptabilité sociale, est clairement inefficace si l'on veut envoyer un signal prix à tous les agents économiques. D'où le choix qu'ont fait le Danemark et la Suède d'un tarif plus élevé, mais accompagné, pour préserver les ménages les plus modestes, d'un mécanisme de redistribution verticale en fonction du revenu. Or ce mécanisme est justement absent de ce texte qui retient le critère géographique, sujet à toutes les controverses, et celui du nombre d'enfants, plus légitime. En bref, dans le texte actuel, on demande plus de vertu écologique aux pauvres qu'aux riches ! Cela n'a rien d'étonnant de la part d'un Gouvernement qui, avec la loi Tepa, le bouclier fiscal et le refus de fiscaliser les parachutes dorés, n'a pas compris que l'écologie passe par plus de justice sociale. Mais le peut-il ? Mme la ministre professait tout à l'heure une confiance aveugle dans le marché du carbone que le rapporteur général, à juste titre, tentait de tempérer. Se refuser à modifier la pyramide des revenus, c'est se condamner à l'impuissance par pur choix idéologique !

M. le président.  - Amendement n°I-189, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud.  - Par cohérence, nous demandons la suppression de l'article 6 après celle de l'article 5. Les compensations proposées sont insuffisantes pour les ménages. Ces dernières années, les préoccupations environnementales ont été instrumentalisées pour justifier de nouveaux outils de fiscalité : la TIPP, la TGAP, les taxes et redevances locales sur l'eau, l'assainissement et les ordures ménagères. En fait, la fiscalité écologique croît et embellit à la même vitesse que se réduit l'imposition sur les sociétés. Aujourd'hui, elle représente 50 milliards de recettes fiscales pour une efficacité environnementale proche de zéro. A preuve, les 15 milliards de la TIPP cette année sont affectés pour 567 millions à des objectifs écologiques -protection des paysages et de la biodiversité et prévention des risques-, contre 9,69 milliards aux collectivités pour financer la facture de la décentralisation. Il y a fort à parier que la contribution carbone n'échappera pas à cette règle !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'article 5 ayant été maintenu, monsieur Foucaud, en demandant la suppression de l'article 6 instituant des compensations pour les ménages, vous iriez à l'encontre du pouvoir d'achat des plus modestes. Par respect pour vos convictions, mieux vaudrait retirer l'amendement. A défaut, défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis : la démonstration du rapporteur général est imparable ! Nous avons trouvé la formule la plus simple et la plus juste, conservons-la !

L'amendement n°I-189 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°I-345, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéas 2 à 7

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

« Art. 200 quindecies. - 1. Les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B, bénéficient d'un crédit d'impôt :

«

Pour les tranches de revenus de l'impôt sur le revenu

D'un montant de

Jusqu'à 5 875 €

69 €

De 5 876 € à 11 720 €

46 €

De 11 721 € à 26 030 €

46 €

De 26 031 € à 69 783 €

0 €

Plus de 69 783 €

0 €

« Ce montant est multiplié par 1,3 lorsque le contribuable est domicilié, au 31 décembre de l'année d'imposition, dans une commune qui n'est pas intégrée à un périmètre de transports urbains défini à l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

« 2. Le crédit d'impôt mentionné au 1 est doublé pour les couples soumis à imposition commune.

« Pour les trois premières tranches du barème, il est majoré de 10 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Toutefois, la majoration de 10 € est divisée par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents.

« 3. La qualité de contribuable est appréciée au 31 décembre de l'année d'imposition.

« 4. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 A, après imputation des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. »

II. - Les dispositions mentionnées au I ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Nicole Bricq.  - La contribution carbone pèsera davantage sur les plus modestes, comme le Centre d'analyse stratégique l'a montré. S'il est légitime de majorer la compensation en fonction de la composition du foyer, le critère de l'intégration de la commune de résidence à un périmètre de transport urbain paraît peu pertinent car les PTU ne renvoient pas à un réseau réel de transport public, mais au ressort territorial de l'autorité compétente. Cela est particulièrement vrai en Ile-de-France : l'article 6 fait référence au périmètre du syndicat des transports d'Ile-de-France qui couvre le territoire de toute la région alors que la grande couronne, je suis bien placée pour le savoir, ne dispose pas, bien souvent, de transports alternatifs et que Clichy-sous-Bois, une des communes parmi les plus pauvres de France, si elle est moins éloignée, n'est pas reliée au centre de la capitale par des transports en commun. Enfin, au sein d'un même PTU, les habitants peuvent être plus ou moins bien desservis par les transports. Je m'étonne, du reste, que l'on retienne le seul critère du transport, et exclue celui de la qualité du logement. Peut-être faut-il y voir l'espoir d'une révision des bases locatives... Pour nous, le critère déterminant est le revenu. Affirmer, comme cela est fait dans l'étude d'impact annexée au projet de loi de finances, que les ménages correspondant aux cinq premiers déciles du niveau de vie bénéficieraient d'un gain net tandis que les cinq tranches supérieures subiraient une perte, c'est ignorer le socle des dépenses contraintes ! D'où notre amendement qui concentre le crédit d'impôt sur les trois premières tranches de l'impôt sur le revenu. La mesure est essentielle pour l'avènement de la social-écologie que les socialistes appellent de leurs voeux !

M. le président.  - Amendement n°I-190, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 2

Après la référence :

4 B

insérer les mots :

, à l'exception de ceux assujettis à la fraction supérieure de revenu imposable mentionnée au 1 de l'article 197 et de ceux assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A,

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

M. Thierry Foucaud.  - Les bénéficiaires du bouclier fiscal ne doivent pas bénéficier d'un crédit d'impôt dont le montant leur paraîtra dérisoire. M. Woerth a refusé une série d'amendements similaires à l'article 6 à l'Assemblée nationale arguant qu'il fallait séparer écologie et politique sociale. C'est oublier que les ménages ne sont pas égaux devant leur capacité à réduire leur consommation énergétique. Quid de ceux qui habitent un logement vétuste ? La compensation doit être accordée sous condition de ressources, tel est le sens de cet amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°I-260, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Après la référence :

4 B

insérer les mots :

, à l'exception de ceux assujettis soit à la tranche supérieure d'imposition sur le revenu visée par le I de l'article 197, soit à l'impôt de solidarité sur la fortune visé à l'article 885 A. 

M. Jacques Muller.  - Nous avons cosigné l'amendement n°I-345, mais ne nous faisant pas d'illusions sur le sort qui lui sera réservé, nous avons déposé un amendement de repli. Le forfait prévu dans le texte interdit toute redistribution verticale des revenus.

Et cette disposition rend la contribution « Sarkozy-carbone » complètement inefficace. Cet amendement tente de sauver le minimum du minimum et de faire que les contribuables relevant de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu ou du bouclier fiscal ne bénéficient pas du crédit d'impôt forfaitaire, leurs revenus leur permettant de supporter la charge de la contribution carbone.

M. le président.  - Amendement n°I-261, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Après la référence :

4 B

insérer les mots :

et qui n'ont pas bénéficié du droit à restitution, prévu par l'article 1649-0 A, l'année précédente

M. Jacques Muller.  - Même argumentation.

M. le président.  - Amendement n°I-192, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 3

Après le mot :

intérieurs

supprimer la fin de cet alinéa.

II. - Les présentes dispositions ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Thierry Foucaud.  - Le montant du crédit d'impôt reposera sur l'accès ou non de celui-ci aux transports en commun, mesuré par l'intégration ou non de son domicile dans un périmètre des transports urbains (PTU). Un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale a rajouté comme critère l'appartenance au ressort territorial du Syndicat des transports d'Ile-de-France. Cette disposition est particulièrement injuste et plusieurs éminents députés de la majorité l'ont signalé au Gouvernement. La région d'Ile-de-France, du fait de sa taille et de sa mixité sociale, recouvre des réalités bien différentes. Dans la grande couronne, nombre de Franciliens n'ont pas accès aux transports urbains et sont obligés de prendre leur voiture. Pour eux, ce sera la double peine : non seulement ils ne disposent pas de transports collectifs mais encore, ils seront dans la tranche des personnes considérées comme ne devant pas disposer d'une majoration du crédit d'impôt, sous prétexte qu'ils devraient bénéficier de transports qui n'existent pas dans la réalité. C'est absurde ! La véritable solution, pour diminuer l'émission de gaz à effet de serre, c'est le développement de l'offre de transports en Ile-de-France. Cette question n'est jamais posée parce que l'État doit, conformément aux lois de décentralisation, compenser les besoins du Stif. Cette compensation est loin d'être réalisée et l'objectif principal de ce Gouvernement consiste à mettre en difficulté la majorité de gauche de la région. En témoigne la volonté absolument honteuse du Gouvernement de faire passer, dans la loi sur les transports ferroviaires, la spoliation du patrimoine du Stif au profit de la RATP. Et l'on coupe en deux le Grand Paris !

L'amendement n°I-444 n'est pas défendu.

M. le président. - Amendement n°I-191, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le remboursement évolue chaque année dans la même proportion que les tarifs fixés à l'article 266 quinquies C du code des douanes.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

... - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

M. Thierry Foucaud.  - Nous souhaitons une corrélation entre le taux de la taxe carbone et celui de la redistribution, ce qui correspond exactement à la volonté du Président de la République : « quelle que soit la progression de la taxe carbone, sa compensation aux Français augmentera exactement dans les mêmes proportions ».

M. le président.  - Amendement n°I-346, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont exclus du bénéfice du crédit d'impôt prévu au premier alinéa les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, prévu par l'article 885 A du code général des impôts l'année précédente, les contribuables dont le revenu par part est imposable au titre de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu visée au I de l'article 197 du même code et les bénéficiaires du droit à restitution prévu par l'article 1649-0 A dudit code, l'année précédente.

M. Gérard Miquel.  - Bien entendu, à en croire l'étude d'impact fournie par le Gouvernement, les ménages les plus modestes percevraient une compensation plus élevée que la contribution carbone acquittée. Mais qui peut croire qu'une aide de 46 euros permettra aux ménages modestes de rénover leurs équipements, d'acheter une voiture moins émettrice de gaz à effet de serre, de changer leur mode de chauffage ? A l'inverse, j'imagine la surprise des bénéficiaires du bouclier fiscal, qui, juste après avoir perçu un chèque de remboursement de 382 000 euros en moyenne, recevront leur chèque de 46 euros ! Les ménages les plus favorisés pourront, même en l'absence du crédit d'impôt, engager les travaux d'amélioration de la performance énergétique de leur logement. Ils n'attendront pas ce crédit d'impôt, d'autant qu'ils bénéficient déjà du crédit d'impôt développement durable pour effectuer les travaux nécessaires. Enfin, ce n'est pas parce qu'ils paieront 2 euros de plus leur plein d'essence, que leurs fins de mois seront difficiles. A l'inverse, les ménages les plus pauvres, très souvent simples locataires, n'auront pas les moyens d'effectuer les travaux et n'auront, en plus, aucun moyen de contraindre les propriétaires à les réaliser. On pourrait imaginer un « droit opposable » à l'efficacité énergétique des logements.

Dans ces conditions, le refus du Gouvernement de modifier son projet de loi relève de l'entêtement idéologique. Le ministre du budget a dit dans la discussion générale qu'il s'agissait d'envoyer un signal aux consommateurs. Le seul signal que parviendra à envoyer le Gouvernement à nos concitoyens sera celui de l'injustice fiscale.

Néanmoins, il est crucial de réussir le pari de l'acceptabilité sociale de la contribution carbone. Les Français, même les plus aisés, comprendraient que l'on cible notre aide sur les ménages les plus pauvres, parce que ce sont eux qui, demain, auront à payer plus lourdement les effets du changement climatique. C'est pourquoi nous vous proposons d'exclure du bénéfice du crédit d'impôt les bénéficiaires du bouclier fiscal, ainsi que les contribuables assujettis à la dernière tranche de l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur la fortune.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les auteurs de ces amendements mélangent les aspects écologiques et les aspects fiscaux. La commission s'oppose à tous ces amalgames.

Reste le problème du Stif : il m'est difficile de croire que toutes les communes d'Ile-de-France sont rurales...

Quant à l'amendement n°I-191, pas inintéressant, il nécessite l'avis du Gouvernement.

M. Eric Woerth, ministre.  - Mêmes avis que le rapporteur général.

Quant au n°I-191, j'y suis défavorable. La taxe est fixée à un certain niveau et le remboursement au même niveau : 2,650 milliards. Le Président de la République a bien dit que ces deux montants évolueraient ensemble. Il faudra le mettre en oeuvre chaque fois.

Mme Nicole Bricq.  - Le rapporteur dit que nous faisons des amalgames. Nullement : il y a un budget pour les riches et il y a un budget pour les pauvres...

M. Jacques Muller.  - Le relais n'est pas très bien passé entre les ministres. Vous parlez encore de « taxe ». Cette contribution a été fixée à un niveau peu élevé pour rendre le système acceptable, l'essentiel étant de ne pas toucher à la hiérarchie des revenus. Les pays qui ont réussi à mettre en place une contribution carbone efficace, l'ont liée à une redistribution des revenus. C'est indissociable !

L'amendement n°I-345 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosI-190, I-260, I-261, I-192, I-191 et I-346.

M. Jacques Muller.  - Monsieur le ministre, vous n'avez pas assisté au vote de l'article 5, au vote de cette contribution carbone. Un membre de votre majorité l'a qualifiée de « mal née », le rapporteur général a dit qu'elle avait été votée « sans enthousiasme » et le président Arthuis l'a dite « votée par solidarité »...

Comment expliquer cette hésitation au moment de permettre au Président de la République de ne pas faire seulement semblant de respecter sa promesse à Nicolas Hulot ? Comment la majorité en est-elle arrivée à adopter sans conviction une contribution carbone condamnée à l'inefficacité ? C'est à cause du choix gouvernemental de l'idéologie ultralibérale : surtout ne pas toucher à la hiérarchie des revenus ! Au final vous taxez les pauvres pour sauver les riches, et sans sauver le climat. On ne pouvait pas faire pire... Vous tuez pour longtemps le concept de fiscalité écologique. C'est une faute devant l'Histoire.

Je voterai, et avec conviction, contre cet article 6 !

L'article 6 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 24 novembre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 24 novembre 2009

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Éloge funèbre de André Lejeune.

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010). Suite de l'examen des articles de la première partie.

Rapport (n° 101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.