Délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.

Discussion générale

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le texte de ratification dont vous êtes aujourd'hui saisis, et que l'Assemblée nationale a adopté sans modification le 20 octobre dernier, constitue la dernière étape du processus d'ajustement des circonscriptions électorales entamé depuis dix-huit mois.

Vous vous trouvez dans la situation inédite sous la Ve République, d'avoir à vous prononcer sur un projet délimitant les circonscriptions législatives : vous n'aviez pas examiné le texte qui, en 1958, procédait à leur première délimitation, resté en vigueur pendant 28 ans et sept élections législatives, puisqu'il s'agissait d'une ordonnance de l'article 92 de la Constitution ; tandis que saisis en 1986 du projet de loi délimitant de nouvelles circonscriptions à la suite du rétablissement du scrutin majoritaire, vous lui aviez opposé la question préalable, considérant qu'il ne vous appartenait pas de statuer sur les modalités d'élection des membres de l'Assemblée nationale. La loi du 24 novembre 1986, qui régit le tracé des circonscriptions actuelles des députés depuis cinq élections générales, n'avait donc pas été discutée dans cet hémicycle.

L'ordonnance soumise aujourd'hui à ratification a été précédée d'une série de consultations sans précédent. Les préfets ont tout d'abord été chargés de recevoir tous les parlementaires de leur département, afin de recueillir leurs propositions. Certains, à mon plus grand étonnement, ont reçu consigne de ne pas se rendre à ces rendez-vous, pourtant conformes à une tradition républicaine bien établie : ils ne peuvent s'étonner que leurs projets n'aient pu être étudiés. Le Premier ministre a reçu à Matignon, le16 septembre 2008, les responsables de tous les groupes et formations politiques représentés dans les deux assemblées. J'ai ensuite moi-même reçu, comme le Premier ministre en avait exprimé la volonté, un grand nombre de parlementaires. Tous ceux qui l'ont souhaité ont pu accéder aux locaux du ministère de l'intérieur pour y consulter les cartes et les chiffres du recensement.

Nos projets ont ensuite été soumis à la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, composée pour moitié de magistrats nommés par les plus hautes juridictions de notre pays et pour moitié de personnalités nommées après avis des commissions des lois des deux assemblées, laquelle a consacré 23 séances, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, pour donner son avis sur nos projets, avant de se réunir à nouveau pour statuer sur sept départements. Ces deux avis, remis au Premier ministre en juin dernier, ont été publiés au Journal officiel et le Gouvernement en a tenu compte dans de nombreux cas. Le projet d'ordonnance a alors été soumis, comme le prévoit la Constitution, au Conseil d'État, qui a procédé à son étude exhaustive, conduisant le Gouvernement à le modifier une nouvelle fois.

La refonte partielle de la carte des circonscriptions s'est donc effectuée dans la plus grande transparence.

L'ordonnance qui vous est soumise applique deux nouvelles dispositions issues de la révision constitutionnelle de l'an dernier, concernant la création de sièges de députés pour les Français de l'étranger et le nombre total de députés. La création de sièges de députés représentant nos compatriotes établis hors de France était déjà l'une des propositions du candidat François Mitterrand à la présidentielle de 1981 et figurait au programme des deux principaux candidats à celle de 2007. Le Président Sarkozy a respecté son engagement et ainsi permis la solution d'un problème débattu depuis bientôt trente ans. (M. Robert del Picchia approuve) Les futurs députés des Français de l'étranger seront, comme les autres, élus au scrutin majoritaire : il a donc fallu, exercice inédit et difficile, « découper le monde » pour délimiter leurs futures circonscriptions. Les règles de leur élection font l'objet d'adaptations : ainsi, les deux tours de scrutin seront espacés de quinze jours et non d'une semaine et il sera possible de voter par correspondance et par internet. II en sera débattu à l'occasion de la ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 qui énonce ces règles et qui sera bientôt suivie d'un décret d'application.

Seconde innovation liée à la révision constitutionnelle, le plafonnement à 577 du nombre de sièges de l'Assemblée nationale, nombre résultant de la réforme de 1985. Il aurait certes été plus facile d'ajuster la carte électorale en augmentant le nombre de sièges ; et cela, d'autant plus que la création en 2007 de deux nouveaux sièges pour Saint-Barthélemy Saint-Martin et celle de sièges pour les Français de l'étranger, conduisait à réduire le nombre de députés représentant les départements.

Nous disposions du recensement général opéré pour la première fois en application de la loi « Démocratie de proximité » de février 2002 pour les départements, du dernier recensement publié pour les collectivités d'outre-mer et du nombre d'immatriculations dans les consulats pour les Français de l'étranger, ce nombre étant pris en compte au 1er janvier 2006, par analogie avec la date retenue pour la population des départements. Au vu de ces différents éléments démographiques, nous avons réparti les 577 sièges de députés au prorata de la population des départements, qui obtiennent 556 députés, soit quatorze de moins qu'en 1986, des collectivités d'outre-mer, qui seront représentées par dix députés, soit trois de plus qu'actuellement, et du nombre total -c'est le Conseil constitutionnel qui nous l'a imposé- des ressortissants immatriculés à l'étranger, qui seront représentés par onze députés. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier, qui ne permet d'attribuer un siège à une collectivité d'outre-mer de faible population que si elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna conservent le siège de député dont elles ont constamment bénéficié depuis1958 ; en revanche, les nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, trop proches pour avoir chacune leur propre député, seront représentées par un député commun.

La représentation de chacun des 100 départements a été fixée en fonction de leur population respective, selon la méthode traditionnelle dite « de la tranche », méthode, qui régit la répartition actuelle de vos sièges de sénateurs entre les départements. Elle limite les exceptions concernant les petits départements, à qui la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier interdit d'attribuer deux sièges de député si la méthode de calcul n'y conduit pas au vu de leur population : avec cette méthode, seules la Creuse et la Lozère se retrouvent au-dessous du seuil donnant droit à deux députés, contre quatorze départements avec la méthode de la répartition proportionnelle. Le nombre de sièges de député diminue dans 27 départements et augmente dans quinze autres ainsi qu'en Polynésie française et à Mayotte. Tous ces chiffres ont fait l'objet d'un avis favorable de la commission indépendante de contrôle du redécoupage électoral puis du Conseil d'État. En outre le montant de la tranche, porté de 108 000 à 125 000 habitants, serait supérieur si l'on prenait en compte de nouveaux éléments de recensement : personne ne devra donc s'étonner par exemple, au vu des chiffres de population qui sortiront d'ici la fin de l'année et qui seront réputés être ceux constatés au 1er janvier 2007, que certains départements franchissent le seuil leur redonnant apparemment droit à un député qu'ils ont perdu, parce que la tranche aura légèrement augmenté dans l'intervalle...

L'ordonnance parvient à un équilibre démographique des circonscriptions bien meilleur que la situation actuelle. Les écarts démographiques entre nos 577 circonscriptions législatives, délimitées en 1986 sur la base d'un recensement datant de 1982, sont considérables : sans évoquer le cas particulier des circonscriptions des collectivités d'outre-mer, la seconde circonscription de la Lozère compte 35 794 habitants alors que la sixième circonscription du Var en a 213 421 ; avec un rapport de représentativité allant ainsi de un à six, c'est le principe même de l'égalité du suffrage, énoncé à l'article 3 de notre Constitution, qui n'est plus respecté et le Conseil constitutionnel s'en était ému à plusieurs reprises depuis 1999. Les gouvernements qui se sont succédés depuis lors n'ayant pas remédié à ces écarts, le Conseil a demandé qu'un ajustement de la carte électorale soit entrepris « au lendemain des élections législatives de 2007 ». C'est dire l'urgence qu'il y a à terminer l'exercice extrêmement difficile, et politiquement délicat, que le Président de la République et le Gouvernement m'ont confié.

Nous avons ainsi effectué ce que j'appelle un « redécoupage » dans les 42 départements et les quatre collectivités d'outre-mer dont la population leur fait, soit perdre une, deux ou trois circonscriptions, soit en gagner une ou deux ; 25 autres départements de métropole et d'outre-mer, dont les inégalités de population apparues entre les circonscriptions doivent être réduites, ont fait pour leur part l'objet d'un simple « remodelage » ; ils n'étaient que douze initialement, le Gouvernement ayant choisi, conformément aux termes de la loi d'habilitation du 13 janvier et aux engagements pris devant le Parlement, de ne pas modifier dans douze de ces départements à nombre de sièges inchangé la carte des circonscriptions lorsque la population de celles-ci ne s'était pas écartée de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne départementale, limite déjà retenue en 1986 ; mais la commission, suivie d'ailleurs par le Conseil d'État, a considéré qu'il fallait réduire, dans ces départements également, les inégalités les plus flagrantes, et le Gouvernement a suivi son avis pour treize autres départements. Au total, et afin de respecter au mieux la portée de l'habilitation et de ne pas élaborer une nouvelle carte électorale complète, le nombre de circonscriptions dont les limites sont inchangées a ainsi été ramené à 238 sur un total de 577. Les écarts démographiques entre les circonscriptions sont considérablement réduits, passant, si l'on exclut les petites collectivités d'outre-mer et les circonscriptions des Français de l'étranger, d'un rapport de un à six à un rapport de un à 2,4. A l'intérieur d'un même département, la marge d'écarts est le plus souvent limitée à plus ou moins 15 % par rapport à la moyenne et aucune circonscription ne s'en écarte de plus de 17,5 %, alors que sept circonscriptions étaient dans ce cas en 1986. La commission de contrôle et le Conseil d'État se sont prononcés en faveur d'écarts encore plus réduits, alors même que la loi d'habilitation du 13 janvier autorisait une marge allant jusqu'à 20 %. Le Gouvernement a suivi leurs avis, en totalité ou en partie, dans 23 départements ; il a estimé qu'il pouvait adopter une délimitation différente de celle que ces deux institutions ont préconisée pour 23 des circonscriptions « montrées du doigt », parce que trop ou insuffisamment peuplées, soit 4 % du total des circonscriptions. Les raisons détaillées pour lesquelles le Gouvernement n'a pas suivi leurs recommandations ont été publiées par le rapporteur du projet de loi de ratification devant l'Assemblée nationale et elles ont été fournies au président de votre commission des lois.

L'ordonnance respecte parfaitement les critères fixés par la loi d'habilitation et les principes énoncés par le Conseil constitutionnel. L'écart démographique maximal de 20 %, jamais atteint dans les départements, est dépassé pour trois des onze circonscriptions destinées à la représentation des Français de l'étranger, qui ont été délimitées après consultation des associations et des sénateurs qui les représentent et après celle du ministère des affaires étrangères : les deux circonscriptions du continent américain, parce que nous avons voulu respecter la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et la circonscription d'Asie-Océanie, à laquelle nous avions déjà donné une étendue considérable pour des raisons démographiques. Ces écarts ont été autorisés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier dernier.

Les autres exigences de délimitation, reprises en général des critères utilisés en 1986, sont également satisfaites, qu'il s'agisse de la continuité des circonscriptions, de l'unité des communes ou de celle des cantons de moins de 40 000 habitants : 42 des cantons de plus de 40 000 habitants, soit moins d'un quart, ont été partagés, afin de réduire les écarts démographiques entre des circonscriptions voisines. Ce respect des limites cantonales, que le Gouvernement s'était imposé comme contrainte comme pour le découpage de 1986, nous a conduits logiquement à prévoir, dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux dont vous discuterez dans quelques mois, que les futurs cantons devront être délimités à l'intérieur des nouvelles circonscriptions législatives.

Il n'a pas été possible en revanche de respecter systématiquement la carte de l'intercommunalité, ce qui n'était d'ailleurs pas prévu dans la loi d'habilitation : les limites des établissements publics de coopération intercommunale résultent de simples arrêtés préfectoraux, elles ont un caractère fluctuant et ne constituent pas des circonscriptions électorales. Ce n'est pas aux préfets de délimiter ces circonscriptions...

Le respect de ces exigences législatives et constitutionnelles a conduit le Conseil d'État à donner un avis favorable au présent projet de loi de ratification, qui a été adopté sans modification, après quatre séances de débats, par l'Assemblée nationale, particulièrement concernée par ces dispositions. Pour que cette ordonnance, qui prendra effet lors des prochaines législatives, aient force de loi, notre régime bicaméral exige sa ratification par le Sénat.

J'ai lu les conclusions de votre rapporteur, vous appelant à respecter votre traditionnelle réserve sur les textes qui concernent exclusivement les députés et à adopter le projet sans modification. Je vous invite à le suivre car il répond à la confiance que nous a témoignée le Parlement en nous confiant cette délicate mission.

Je voudrais enfin soumettre deux observations à votre réflexion. La méthode de recensement, d'abord, conduit à comptabiliser la population étrangère qui ne dispose pas du droit de vote. Il en résulte des différences selon la nature de la population. Cette anomalie nous conduit à attribuer un siège supplémentaire à Mayotte et demain sans doute un autre à la Guyane qui connaît une forte immigration. En janvier, le Conseil constitutionnel a censuré l'amendement proposé par M. Dosière et adopté à l'unanimité des députés, qui aurait permis de prendre en compte la situation particulière des territoires où la population étrangère est très forte. Sans condamner a priori la méthode, il a censuré une application non uniforme. Ne faudrait-il pas, comme on l'a fait sous les IIIe et IVe Républiques ne prendre en compte que la population française ? L'égalité du suffrage serait ainsi mieux respectée.

M. Christian Cointat.  - C'est ce qui se passe pour les Français de l'étranger !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Seconde observation : il s'agit du douzième ajustement depuis l'instauration du scrutin uninominal majoritaire en 1815 ; 29 chambres sur 41ont été élues selon ce mode de scrutin auquel les Français sont très attachés. Le débat s'est cristallisé entre les partisans de l'équilibre démographique, quitte à susciter le soupçon et ceux des circonscriptions traditionnelles pour éviter les conflits mais au risque de déséquilibres comme en a connu la IIIe qui conserva 40 % des circonscriptions pendant soixante ans.

Nous ne pouvons échapper à une réflexion sur la meilleure façon de concilier équilibre démographique, entités géographiques, équité du scrutin et ajustements périodiques. Le recensement glissant pourrait en effet nous conduire à des ajustements permanents. Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'en est préoccupé. Il me semble, mais cela vous concerne aussi, que l'on pourrait confier à la commission indépendante de contrôle le soin de faire un rapport tous les dix ans signalant les écarts les plus importants. On pourrait envisager, comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne d'attribuer une compétence plus large à la commission mise en place par le Premier ministre en avril dernier. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements à droite) Comme l'a dit le ministre, le Sénat est aujourd'hui appelé à se prononcer sur le projet de ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 élaborée par le Gouvernement en application de l'article 2 du projet de loi d'habilitation du 13 janvier 2009 et adopté par l'Assemblée nationale le 20 octobre dernier. Cette modification de la carte législative répondait à l'impératif démocratique, que tous les électeurs disposent d'une représentation juste et équilibrée, et à une nécessité juridique résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La carte législative n'avait pas été modifiée depuis 1986. Cet intervalle, inédit sous la Ve République, constitue un record. Le découpage en vigueur était fondé sur le recensement de 1982, c'est-à-dire sur des données obsolètes comme l'ont montré les recensements de 1990 et 1999. Il ne permettait plus une égale représentation des citoyens : le ministre a cité l'exemple de la deuxième circonscription de la Lozère, six fois moins peuplée que la sixième du Var ! Cet écart très substantiel n'est plus acceptable en regard de l'article 3 de la Constitution qui dispose que le suffrage est toujours égal. Voici plus de dix ans que le Conseil constitutionnel incite de manière ferme et constante à revoir la carte législative. Le Sénat vient de le faire, motu proprio.

La refonte était inévitable du fait de la révision constitutionnelle puisqu'elle a prévu que les Français de l'étranger seraient représentés à l'Assemblée nationale mais que le nombre des députés resterait plafonné à 577 ; l'Assemblée tenait à cette initiative que l'on pouvait trouver intéressante mais dangereuse.

Toujours délicate et controversée, la refonte des circonscriptions constitue un exercice sous contrainte. La première tient aux termes de la loi d'habilitation, dont le non-respect serait censuré par le Conseil constitutionnel. Les critères qu'elle avait fixés reprennent largement ceux de 1986 : les circonscriptions doivent former un territoire continu, les villes de plus de 5 000 habitants et les cantons de plus de 40 000 habitants ne pouvant être divisés ; les écarts de population, qui ne sauraient être supérieurs à 20 % de la population départementale moyenne, sont motivés par l'intérêt général.

Le juge constitutionnel est garant de la transparence et de la sincérité de ces opérations. Dès 1986, il affirmé que l'Assemblée nationale devait être élue sur des bases démographiques mais il a durci sa jurisprudence par sa décision de janvier 2009. Il n'est plus possible d'attribuer deux députés à chaque département, comme nous l'avions encore fait pour les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

La contrainte tient aussi à la procédure et au rôle de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution. Pour que son indépendance soit totale, ses membres, dont le mandat n'est pas renouvelable, sont soumis à un régime d'incompatibilité ; elle jouit de l'autonomie financière ; notre commission s'est prononcée sur la désignation de son président et d'un de ses membres : des pare-feux ont été prévus pour qu'elle soit à l'abri de toute pression...

M. Pierre-Yves Collombat.  - La sérénité...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dans son premier avis, elle a validé l'utilisation de la méthode de tranches de 125 000 habitants. Si elle a approuvé la répartition des sièges prévue par le projet d'ordonnance, elle s'est montrée plus nuancée sur la délimitation des circonscriptions et a proposé des alternatives pour 53 départements, dont dix-sept suggestions ou préconisations secondaires, et 36 propositions valant recommandation. Le Gouvernement lui ayant soumis un second projet pour sept départements, elle a donné un accord partiel ou total sur quatre départements supplémentaires. Au terme de ce processus, la commission a été suivie pour 23 départements, et le Gouvernement s'est écarté de ses recommandations pour treize, en le justifiant auprès du rapporteur de l'Assemblée nationale par une argumentation très circonstanciée.

L'ordonnance modifie les contours de 399 circonscriptions. Le Gouvernement a-t-il respecté les critères posés par la loi d'habilitation et précisés par le Conseil constitutionnel ?

Aucune circonscription ne dépasse de plus de 20 % la moyenne départementale, l'écart maximum étant de 17,5 % ; et l'écart est supérieur à 15 % dans seize circonscriptions seulement, contre 109 aujourd'hui. Le principe de continuité territoriale est respecté, à l'exception des enclaves départementales. Enfin, la délimitation des circonscriptions respecte les bassins de vie et les réalités territoriales -pas nécessairement les intercommunalités, mais celles-ci ne sont pas figées. L'ordonnance permet de réunifier dix villes moyennes et seuls 42 cantons ont été fractionnés.

Estimant logique le recours à la procédure des ordonnances de l'article 38 et compte tenu de la réserve habituelle du Sénat sur les textes qui concernent exclusivement les députés, la commission des lois recommande d'adopter conforme le présent projet de loi.

J'étais député en 1986 ; l'argument selon lequel une majorité en sièges pourrait se dégager avec une minorité en voix ne tient pas. D'autant que les députés sont désormais élus dans la foulée de l'élection présidentielle...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...et que jusqu'à présent nos concitoyens ont toujours donné au Président de la République la majorité qu'il souhaitait.

La commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements à droite)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - (Applaudissements à gauche) Nous sommes appelés à ratifier une ordonnance qui bouleverse la carte des circonscriptions législatives. Chacun connaît notre aversion pour cette procédure qui amoindrit les droits du Parlement. Pour nous, la réforme constitutionnelle de 2008 était un leurre : les faits nous donnent raison. Étrange conception de la démocratie que de demander au Parlement, transformé en simple chambre d'enregistrement, de ratifier les décisions gouvernementales sur un sujet aussi éminemment politique !

Nous ne contestons pas la nécessité d'un redécoupage des circonscriptions législatives ; le précédent datait de 1986 sur la base du recensement de 1982. Le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage n'était plus respecté. Ce que nous contestons, c'est la méthode, et d'abord le fait que l'opération ait été confiée à l'expert électoral de l'UMP. Choix lourd de sens, qui conduit à s'interroger sur l'impartialité du projet. De même, siègent au sein de la commission qui devait garantir transparence et impartialité des personnalités qui ont eu dans le passé d'importantes fonctions politiques.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela vaut mieux !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il n'est pas juste de dire que la nomination de M. Yves Guéna ou de M. Bernard Castagnède n'a pas suscité de critiques, et ne jette pas de doute sur la neutralité de la commission. Celle-ci, en acceptant plus de 90 % des décisions gouvernementales, a en réalité accompagné le Gouvernement et lui a permis, sous couvert de consultation, de procéder tranquillement à une véritable manipulation électorale.

M. Guy Fischer.  - C'est vrai !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il eût fallu que l'opération fût confiée à un organisme véritablement indépendant. Comme l'a justement noté notre collègue député M. François Asensi, « il est nécessaire de mettre en place une commission composée d'experts en démographie, sociologie, géographie et statistique (...) tout comme il me semble indispensable de graver dans la loi fondamentale l'obligation d'un redécoupage périodique afin d'éviter les effets d'aubaine pour les partis au pouvoir ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pas nécessairement !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Une commission qui, de surcroît, devrait avoir un pouvoir contraignant. Mais je conçois que cela vous dérange...

Vous avez en outre jugé les suggestions du Conseil d'État inopportunes, car perfectionnistes ; dès qu'il s'agit de démocratie, le perfectionnisme et la précision sont pourtant recommandés ! Le Conseil qui, selon vos déclarations, a rendu un avis favorable, voulait pourtant abaisser la marge d'écart à moins de 10 % ; mais cela vous aurait contraint à un redécoupage intégral des circonscriptions... Il est anormal d'entendre le maître d'oeuvre du projet dire qu'il ne cherche pas le meilleur système de répartition, un maître d'oeuvre qui s'est montré plutôt perfectionniste lorsqu'il s'est agi de favoriser sa famille politique...

La méthode de la tranche a été retenue, soit un député pour 125 000 habitants, méthode, dites-vous, qui touche le moins de départements ; c'est celle en tout cas qui sert le mieux vos intérêts politiques. Vous créez onze circonscriptions pour les députés représentant les Français de l'étranger et trois pour les collectivités d'outre-mer. Saint-Martin et Saint-Barthélemy, aujourd'hui rattachées à la Guadeloupe, auront ainsi un député chacune ; mais rien ne justifie ce choix, sauf le fait que leur population vous est favorable. La création d'une circonscription doit être justifiée par la démographie : il n'est pas obligatoire que toute collectivité dispose d'un député, comme l'a rappelé le Conseil Constitutionnel.

Le texte modifie le nombre de sièges dans 42 départements ; il s'agit bien d'une réforme profonde, bien plus politique que technique. D'autant que le nombre de sièges de députés reste à 577, ce qui fait peu de cas de l'augmentation de la population, plus de 7 millions, depuis 1986.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Nous respectons la Constitution !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous nous sommes opposés à la révision de 2008...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pour d'autres raisons, aussi !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - ...parce que nous souhaitions que le nombre de députés pût être modulé en fonction de l'accroissement de la population. Le comité Balladur était lui aussi opposé à l'inscription dans la Constitution d'un nombre fixe de députés.

Était-il opportun de créer des sièges de députés pour représenter les Français de l'étranger alors qu'ils le sont déjà au Sénat ? Nos compatriotes expatriés seront doublement représentés, voire surreprésentés. Seule la logique politique est ici à l'oeuvre, l'électorat expatrié étant acquis à la droite. De plus, le découpage de ces circonscriptions ne respecte pas les recommandations du Conseil constitutionnel, selon lequel la répartition doit se faire sur « des bases essentiellement démographiques » et en respectant « au mieux l'égalité devant le suffrage ». Là, les dérogations ont été la règle. Une de ces circonscriptions regroupe par exemple des pays aussi proches que l'Ukraine, l'Australie ou le Bangladesh, soit 51 millions de kilomètres carrés ! Votre découpage est-il vraiment construit pour faciliter le contact entre les députés et nos compatriotes expatriés ? J'ajoute que les Français l'étranger sont toujours attachés à une circonscription métropolitaine ; il leur suffirait de voter dans un consulat pour élire leur représentant. Je ne peux m'empêcher de mettre en parallèle votre empressement à créer des sièges de députés pour les expatriés et votre refus acharné d'accorder le droit de vote aux résidents étrangers...

Le redécoupage proposé remet en cause le principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant le suffrage. Un seul groupe politique en tire profit, celui qui est au pouvoir. Avec ce projet, et sur la base du dernier scrutin législatif, 23 des 33 circonscriptions qui disparaissent concernent la gauche et 24 des 33 circonscriptions qui sont créées seraient gagnées par la droite !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous oubliez les députés élus au premier tour !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les bons chiffres, ce sont dix-huit et quinze !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Neuf des onze circonscriptions représentant les Français de l'étranger vous sont favorables !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On verra !

M. Alain Gournac.  - Laissez les électeurs choisir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Des surprises sont toujours possibles !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - C'est dire que le caractère politique du redécoupage est patent. Vous dites avoir respecté les recommandations du Conseil Constitutionnel. « La délimitation des circonscriptions ne doit procéder d'aucun arbitraire » ? « Toute dérogation doit s'appuyer sur des impératifs d'intérêt général » ?

Dans de nombreux cas, ces principes ont été transgressés afin de favoriser l'UMP. La refonte de la carte des circonscriptions contrevient au principe d'égalité des citoyens devant le suffrage en avantageant les campagnes au détriment des villes. Les bassins de vie ne sont pas pris en compte. Pour ce faire, il aurait fallu une réforme beaucoup plus audacieuse. Le mode de scrutin à la proportionnelle représenterait plus fidèlement nos concitoyens, écarterait le bipartisme, réduirait l'absentéisme et favoriserait la parité.

Sans grande surprise, nous voterons contre ce projet de loi dont l'unique ambition est de permettre à la majorité actuelle de se maintenir lors des prochaines élections. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Bernard Frimat.  - Dans son rapport, Jean-Jacques Hyest a évoqué une traditionnelle réserve du Sénat vis-à-vis des textes ayant exclusivement trait à l'Assemblée nationale. Certes, chaque assemblée est maîtresse de ses règles de fonctionnement. Le président de la commission des lois et moi-même pouvons en témoigner : à la différence de l'Assemblée nationale, le Sénat a manifesté, dans son règlement intérieur, son attachement au débat parlementaire et au droit d'amendements de chaque sénateur. Il est plus valorisant d'être reconnu aujourd'hui comme une chambre des débats plutôt que comme une chambre d'enregistrement. Or ce texte ne relève aucunement du domaine réservé à la seule Assemblée nationale car il prévoit les conditions d'expression du suffrage universel direct, donc de la démocratie. Il revient ainsi aux sénateurs de l'opposition de préciser, à l'attention du Conseil constitutionnel, en quoi cette ordonnance contrevient à l'égalité de suffrage.

Je remarquerai également que personne, dans les rangs de l'opposition, ne conteste la nécessité de réviser la carte électorale législative, obligation à laquelle le Gouvernement ne pouvait se soustraire. II était urgent de rendre sa légitimité à la représentation nationale afin que la règle constitutionnelle de l'égalité devant le suffrage soit respectée. Que la voix de chaque citoyen pèse le même poids dans la composition de l'Assemblée nationale, tel est l'idéal dont cette ordonnance est très éloignée. Elle relève avant tout d'une démarche partisane dont le but est inavoué car inavouable. Monsieur le ministre, le fait que vous ayez quitté, le temps de la confection de l'ordonnance, vos fonctions de secrétaire national de l'UMP chargé des élections n'est pas une garantie d'objectivité.

Je ne vous en fais pas grief car vous étiez en service commandé, avec pour consigne d'utiliser le découpage contre l'opposition mais aussi contre des députés UMP considérés comme hérétiques ou renégats.

M. Richard Yung.  - Des noms !

M. Bernard Frimat.  - Dans cet exercice, vous avez démontré votre virtuosité dans le maniement des ciseaux et de la simulation informatique. Qui oserait vous contester ce talent ? Il doit vous être bien cruel de ne pouvoir revendiquer publiquement la finesse du trait et la perfection de votre art... (Sourires)

Vous avez accompli votre tâche avec cordialité et une très grande disponibilité pour satisfaire, quand cela vous semblait possible, les députés en place, fussent-ils de gauche.

M. Jean-Pierre Bel.  - Bravo l'artiste !

M. Bernard Frimat.  - Le statu quo étant dans l'intérêt de la droite, avec 340 députés de droite et 230 de gauche, pourquoi refuser des petits plaisirs individuels qui servent avant tout les intérêts de l'UMP ?

La loi d'habilitation chargeait le Gouvernement de répartir les sièges et de délimiter les circonscriptions. Pour la première tâche, vous avez choisi la méthode Adams, dite « de la tranche commencée », marquant déjà ainsi votre affection pour la découpe... Cette méthode, utilisée uniquement en France, peut être pertinente quand la tranche correspond à une population peu nombreuse, mais pas lorsqu'il s'agit de 125 000 habitants. Elle génère de profondes inégalités entre les départements.

En se référant aux travaux effectués sous la direction de Jean-Claude Colliard, ancien membre du Conseil constitutionnel, Bruno Leroux a, à la tribune de l'Assemblée nationale, démontré les méfaits de cette méthode pour ce qui est de l'égalité démographique. Ce fut néanmoins votre choix.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Elle a aussi été utilisée pour le Sénat.

M. Bernard Frimat.  - Connaissant leur nature serviable et leur sens de la solidarité, vous avez appelé les socialistes à votre secours : Pierre Joxe, pour la méthode de la tranche, Léon Blum et Etienne Weil-Raynald pour le conseiller territorial... Pour les futurs changements de mode de scrutin, sans doute avez-vous entrepris de lire Blanqui, Fourier, Proud'hon et les premiers socialistes, à la recherche de l'alibi intellectuel qui vous permettra de justifier votre décision ? (M. Jean-Pierre Bel applaudit) Il serait plus simple de reconnaître que vous avez retenu la méthode de répartition des sièges la plus favorable aux intérêts de votre camp.

Pour ce qui est de la délimitation des circonscriptions, je reconnais qu'une fois répartis les sièges à pourvoir dans chaque département, il est mathématiquement impossible d'assurer, au plan national, l'égalité démographique entre les circonscriptions. Il n'en reste pas moins que la population de chaque circonscription doit être la plus proche possible de la moyenne départementale. Dans sa décision du 8 janvier 2009, le Conseil Constitutionnel a reconnu la conformité à la Constitution des dispositions prévues pour le découpage : continuité territoriale, obligation d'inclure dans la même circonscription toute commune de moins de 5 000 habitants et tout canton de moins de 40 000 habitants, et limitation des écarts de population à 20 % de la moyenne départementale. Toutefois, le considérant 26 précise : « qu'elles pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». Le non-respect de ces dispositions doit être réservé à des cas exceptionnels et dûment justifiés par des impératifs précis d'intérêt général.

Vous vous êtes souvent affranchi de la lettre et de l'esprit de ce considérant pour privilégier la manipulation électorale. Si vous aviez communiqué l'étude d'impact projetant les résultats des législatives de 2007 sur les nouvelles circonscriptions, que vous avez certainement réalisée, cela aurait-il fait apparaître de manière trop voyante le caractère partisan de ce découpage ?

Mme Nathalie Goulet.  - Que nenni !

M. Bernard Frimat.  - Quelques éléments chiffrés auraient pourtant suffi. Sur 33 circonscriptions supprimées, 23 sont de gauche ; sur 33 créées, neuf de gauche... In fine, un seul gagnant : I'UMP. Ainsi, vous tentez de bloquer le mécanisme de l'alternance démocratique.

Un découpage doit respecter l'égalité de suffrage, et la majorité des voix doit permettre d'obtenir la majorité des sièges. Tel ne sera pas le cas car la gauche, avec 50 % des voix, obtiendra 260 sièges et la droite 317. Pour avoir la majorité au Palais Bourbon, la gauche devra réunir 51,4 % des électeurs.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous avez dit la même chose en 1986.

M. Bernard Frimat.  - Pour obtenir ce résultat, vous utilisez la technique des réserves indiennes pour créer des circonscriptions très favorables à la gauche et obtenir un nombre accru de circonscriptions destinées à la droite, certes avec des marges moindres.

Ainsi, le territoire des 20e et 21e circonscriptions du Nord a subi un remodelage interne. Je vous donne acte du fait que le canton de Valenciennes-Nord ayant compté en 2006 moins de 40 000 habitants, il fallait le rattacher en totalité à la 21e circonscription et à Valenciennes. Pour compenser cette perte démographique, vous auriez pu intégrer la commune de Saint-Saulve à la 20e circonscription, comme toutes les autres communes du canton d'Anzin, mais vous avez préféré ajouter la commune de Vieux-Condé, dont le député-maire et conseiller général communiste a été élu au deuxième tour avec 67 % des suffrages exprimés. Vous pouvez ainsi consolider à droite la 21e circonscription grâce au réservoir des voix de Saint-Saulve. Le Conseil constitutionnel dira si scinder des cantons pour favoriser l'UMP satisfait un impératif précis d'intérêt général...

Au confinement des voix de gauche vous ajoutez un découpage favorable à l'UMP en jouant sur les écarts démographiques. Dans la présente législature, le Pas-de-Calais a élu douze députés de gauche et deux de droite. Le nouveau découpage lui fait perdre deux sièges. Pour conserver le député UMP...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il faut qu'il y en ait un !

M. Bernard Frimat.  - ...vous avez réduit l'importance numérique de sa circonscription. L'opération était voyante au point que la commission de l'article 25, pourtant guère audacieuse, a formulé un avis défavorable pour déficit significatif de population.

Vous nous demandez de ratifier une ordonnance fondée sur l'esprit partisan et qui contourne les règles imposées par le Conseil constitutionnel. Nous n'acceptons pas ce découpage inacceptable !

Il vous reste à éviter la malédiction qui finit toujours par s'abattre sur ceux qui manipulent les modes de scrutin. Ce n'est qu'une question de temps ! (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La démocratie parlementaire repose sur l'élection au suffrage universel des représentants de la Nation, car elle fonde la légitimité des lois. A ce titre, la délimitation des circonscriptions électorales participe à l'essence d'un État de droit.

La ratification de l'ordonnance du 29 juillet intervient au terme d'un processus trop long. En effet, les circonscriptions en vigueur remontent à la loi du 24 novembre 1986, adoptée lors de la première cohabitation après le bref intermède du scrutin proportionnel institué en 1985. Le découpage actuel repose donc sur le recensement de 1982, qui ne correspond pas à la réalité démographique d'aujourd'hui. Or, le Conseil constitutionnel estime que l'égalité du suffrage, institué par l'article 3 de la Constitution, exige des circonscriptions délimitées « sur des bases essentiellement démographiques ». Il faut donc prendre en compte non pas le nombre d'électeurs, mais la population de chaque circonscription. Ce n'est pas neutre dans un département jeune comme le mien, la Haute-Garonne.

Pour ne parler que de la métropole, le vote d'un électeur de la deuxième circonscription de la Lozère, habitée par 35 000 personnes, compte six fois plus que celui d'un électeur de la première circonscription du Val-d'Oise, où résident 188 000 habitants. Cette situation ubuesque impose un nouveau découpage, surtout après les recensements généraux de 1990 et 1999. Le Conseil constitutionnel avait solennellement attiré l'attention du Gouvernement sur ce point en 2005, puis lorsqu'il a examiné la création des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin en 2007.

Même en écartant le « gerrymandering », ou charcutage électoral à l'américaine, il est difficile d'établir une délimitation absolument neutre et objective. On peut ainsi s'interroger sur l'emploi de la méthode par tranche -une spécificité française- et sur le choix d'une tranche de 125 000 habitants, alors que la dimension-type avoisine 113 000. Certes, les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d'une représentation correcte de l'outre-mer empêchent de garantir une tranche optimale, mais la différence atteint 11 % !

Pourquoi avoir admis un écart de 20 % entre circonscriptions d'un même département, alors que le Conseil de l'Europe recommande un écart maximum de 10 % ? Pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour établir une meilleure égalité du suffrage ? Le Conseil constitutionnel estime que l'écart de 20 % ne devrait être utilisé qu'en ultime recours, pour des raisons d'intérêt général spécialement circonstanciées.

Au demeurant, la révision constitutionnelle de 2008 a compliqué l'exercice en limitant à 577 le nombre maximum de députés. Je ne suis pas certaine que cette disposition soit utile...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Moi non plus !

Mme Françoise Laborde.  - ...tout en comprenant que le constituant ait voulu empêcher l'inflation des élus. Ce plafond rend la tâche plus complexe et explique l'abandon de la vieille tradition républicaine accordant au moins deux sièges à tout département métropolitain.

Parallèlement, onze sièges de députés ont été créés pour représenter les Français de l'étranger, avec une répartition géographique surprenante.

Mme Nathalie Goulet.  - Très !

Mme Françoise Laborde.  - En effet, l'un d'eux sera élu par nos compatriotes résidant en Suisse et au Liechtenstein, tandis que la campagne d'un autre devra couvrir l'Asie et l'Océanie, soit 51 millions de kilomètres carrés !

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

Mme Françoise Laborde.  - Le découpage est saugrenu, mais pas innocent, vu la sociologie des expatriés.

Bien qu'il ait saisi la commission présidée par M. Guéna, le Gouvernement n'a pas suivi toutes ses recommandations, qui tendaient à renforcer l'égalité du suffrage, la continuité et la cohérence territoriales des circonscriptions. Le Gouvernement est passé outre les observations portant sur les Alpes-Maritimes, le Cher, la Loire, le Tarn, les Yvelines ou la cinquième circonscription des Français de l'étranger pour me limiter à ces exemples.

Délimiter les circonscriptions est une tâche complexe...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est vrai.

Mme Françoise Laborde.  - ...le faire avec impartialité est une gageure. Au demeurant, satisfaits et insatisfaits se trouvent dans les deux camps politiques. Après tout, bien qu'il ait été lui aussi très critiqué en ses temps et pour les mêmes raisons, le découpage actuel n'a pas empêché l'alternance, pour la plus grande vitalité de la démocratie.

Nos collègues députés se sont livrés à de savants calculs, à des projections électorales, des extrapolations ou des projections. On a ainsi pu entendre qu'il faudrait au bloc de gauche 51,4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l'Assemblée nationale. Tout cela est brillamment étayé, mais néglige le fait que le vote des électeurs n'est pas figé. On ne peut enfermer l'arithmétique électorale dans des formules toutes faites reproductibles à l'infini, car l'opinion de nos compatriotes fluctue, ce qui rend les calculs politiciens d'aujourd'hui sans valeur pour demain.

Par nature, ce projet de loi concerne principalement l'Assemblée nationale. Pour cette raison, et par cohérence avec les députés radicaux de gauche, la grande majorité du RDSE ne prendra part à aucun vote.

M. Jean Louis Masson.  - Lors des débats sur la loi d'habilitation, le Gouvernement s'était engagé à produire une ordonnance honnête proposant un découpage fondé sur des critères objectifs. Il avait lourdement insisté sur les garanties supplémentaires apportées par rapport à la procédure appliquée en 1986, notamment grâce à l'intervention de la commission de contrôle du redécoupage électoral (CCRE) et du Conseil d'État, deux garde-fous censés garantir une totale transparence et exclure tout charcutage électoral.

Or, propos lénifiants et statistiques trompeuses n'arrivent pas à dissimuler d'importantes anomalies. Le Gouvernement a d'ailleurs indiqué à la presse qu'il avait méconnu 21 fois l'avis de la CCRE et celui du Conseil d'État. L'ordonnance viole donc délibérément l'esprit de la loi d'habilitation et les engagements du Gouvernement.

Il reste donc à espérer que le Conseil constitutionnel examinera le détail géographique du charcutage, ce qui devrait être facile puisque la CCRE et le Conseil d'État ont déjà mis en évidence les plus flagrantes anomalies.

L'ampleur du charcutage est sans précédent. Malgré tout ce qui avait été dit en 1986 contre le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Pasqua, le découpage qu'il avait proposé respectait un certain équilibre. Ce n'est nullement le cas cette fois-ci.

Du point de vue de l'honnêteté, le découpage de 1986 et celui de 2009 sont le jour et la nuit ! En 1986, en Moselle, il n'y a pas eu de spoliation. Cette fois, vous faites coup double : vous liquidez les deux députées femmes, une socialiste, une UMP. Vous n'avez rien négligé contre Mme Filippetti, qui est pourtant une bonne députée et qui représente la jeune génération, bref une parlementaire pleine d'avenir. Quant à la députée UMP qui m'a remplacé à l'Assemblée nationale, vous avez, pour des raisons expliquées dans Le Monde et dans Le Canard enchaîné...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Quelles références...

M. Jean Louis Masson.  - ...réalisé une opération de billard à deux bandes.

Ce découpage laissera de graves séquelles car lors de la réforme des collectivités locales, avec la création des conseillers territoriaux, il faudra découper de grands cantons, en respectant les limites des circonscriptions. Nous paierons deux fois, le premier charcutage sera suivi d'un autre ; et ceux qui ont déjà été massacrés électoralement seront encore vos victimes.

Le cas emblématique de Metz a été commenté dans Le Monde et dans Le Canard enchaîné, il a été signalé comme l'un des quatre ou cinq cas les plus flagrants. Thionville aussi a été victime des méthodes qui ont prévalu en Moselle : on a curieusement séparé une petite commune de 6 000 habitants, Terville, du reste de l'arrondissement. La députée UMP de Thionville n'en est nullement responsable : il s'agit d'un reliquat de vos premières tentatives de charcutage. Vous avez voulu redécouper l'ensemble Metz-Thionville au profit de votre ami M. Grosdidier. Pour l'aider, vous avez imaginé faire tourner les cinq circonscriptions du secteur Metz-Thionville pour les placer à cheval sur les limites d'arrondissement. Le tollé a été tel, parmi les députés de droite comme de gauche, que vous avez reculé... au profit d'un charcutage encore plus scandaleux au sein de la ville de Metz. L'idée bizarre de séparer Terville du reste de l'arrondissement a subsisté. Mais ce n'est pas une coïncidence : les arrière-pensées politiques sont évidentes, puisque le maire de cette commune s'était présenté contre le député UMP sortant aux dernières élections législatives et compte se présenter à nouveau aux prochaines élections. Toute cette affaire est affligeante. (Applaudissements sur de nombreux bancs socialistes ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

Mme Catherine Troendle.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le projet de ratification de l'ordonnance de juillet 2009 constitue l'aboutissement d'un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé il y a dix-huit mois. C'est grâce à l'action du Président de la République et de son Gouvernement que l'exercice difficile du redécoupage a été lancé. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit à tout rompre ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) Je tiens à saluer l'équilibre, la sincérité et la rigueur du travail opéré par M. Marleix. (Applaudissements à droite ; on renchérit ironiquement à gauche) Il en résulte un redécoupage nécessaire et transparent, destiné à rendre notre démocratie plus représentative et plus efficace. (On se gausse sur les bancs socialistes et CRC-SPG)

M. Guy Fischer.  - La brosse à reluire !

Mme Catherine Troendle.  - Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans ses observations des 15 mai 2003 et 7 juillet 2005, le redécoupage était devenu indispensable pour remédier aux écarts démographiques. Depuis 1986, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n'y a pas eu d'ajustement et les demandes du Conseil constitutionnel étaient de plus en plus pressantes. Par exemple, la deuxième circonscription de la Lozère compte six fois moins d'habitants que la sixième circonscription du Var. Il était donc grand temps de procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions.

Cette réforme s'inscrit dans la logique de la révision constitutionnelle qui a plafonné l'effectif global des députés à 577 et qui a décidé que les Français établis hors de France seraient représentés à l'Assemblée nationale.

M. Christian Cointat.  - Très bien !

Mme Catherine Troendle.  - Le Gouvernement a fait preuve d'une grande transparence. L'objet même de la réforme et l'extraordinaire difficulté des questions justifiaient le recours à une ordonnance : nous sommes là dans la tradition de la Ve République, cette procédure ayant été employée en 1958 comme en 1986, même si l'ordonnance a alors été transformée au dernier moment en projet de loi.

La transparence est incontestable. L'ordonnance a fait l'objet d'un contrôle sans précédent : elle a été habilitée dans les conditions fixées à l'article 38 de la Constitution et elle est aujourd'hui soumise à notre ratification ; elle a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de contrôle prévue par la révision constitutionnelle à l'article 25 de la Constitution. Cette commission a approuvé la méthode dite de la tranche et son avis public a été largement suivi par le Gouvernement. (M. Bernard Frimat le conteste) Elle était composée d'éminents juristes dont l'intégrité et la compétence ne sauraient être remises en cause et elle a été validée par les commissions des lois des deux assemblées. Ses avis ont été publiés au Journal officiel. Tous les partis ont été consultés.

Le redécoupage a donc été contrôlé (rires à gauche), public et équitable. Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui affirme que l'élection des députés doit se faire essentiellement sur des bases démographiques. La délimitation des circonscriptions doit respecter au mieux l'égalité devant le suffrage. A l'opposition qui crie à un texte de circonstance, je réponds que, loin d'avantager tel ou tel parti, ce redécoupage vise à renforcer la démocratie (protestations à gauche) en rétablissant l'égalité du vote. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit ostensiblement)

L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement sur ce projet de loi. Les députés ont estimé que l'ordonnance devait être ratifiée sans modification, dès lors que les critères posés par la loi d'habilitation et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel étaient respectés. Le groupe UMP souscrit à la position de l'Assemblée nationale.

M. Guy Fischer.  - Je n'en reviens pas...

Mme Catherine Troendle.  - L'ordonnance n'apporte pas de modifications excessives mais donne aux voix de tous les citoyens un poids similaire. Eu égard à la traditionnelle réserve du Sénat sur les textes qui concernent exclusivement les députés, notre rapporteur nous propose d'adopter le présent projet sans modification. Le groupe UMP suivra cette position et votera ce projet de ratification afin de rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un bon petit soldat.

M. Guy Fischer.  - En service commandé.

M. Richard Yung.  - Cette présentation lyrique...

Mme Nathalie Goulet.  - Idyllique !

M. Richard Yung.  - ...m'a laissé coi.

Mme Nathalie Goulet.  - Il y a de quoi ! (Rires)

M. Richard Yung.  - Les Français établis hors de France se félicitent de leur nouvelle représentation à l'Assemblée nationale, qui était une proposition de notre candidate à l'élection à la Présidence de la République mais aussi une proposition du candidat élu.

Nous n'apprécions pas en revanche le recours à l'ordonnance, qui empêche l'exercice du droit d'amendements et qui est réducteur du point de vue de la démocratie. J'espère qu'à l'avenir d'autres méthodes seront préférées.

Désormais, 2,5 millions de Français hors de France sont enfin représentés au Parlement. Nous avons suivi les exemples italien, portugais, roumain. Bientôt nous serons imités par la Croatie et par l'Espagne.

C'est qu'il y a environ un million de Français de l'étranger inscrits sur les listes électorales, l'équivalent du dix-huitième département français. Enfin l'égalité est réelle avec les Français de métropole. Enfin nous sommes des citoyens à part entière.

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. Richard Yung.  - Du reste, les représentants élus hors de France représenteront la Nation tout entière comme ceux élus en métropole. Je verse cela au débat sur l'identité nationale : on peut appartenir à la Nation sans avoir les pieds sur le sol national. Je suis à l'étranger depuis 35 ans, je me suis toujours considéré comme un Français à part entière. Je suis certain que cette novation provoquera une hausse des inscriptions sur les listes électorales, comme ce fut le cas en 2008. Je suis triste cependant que nous n'ayons pas été entendus sur la question du mode de scrutin.

Alors qu'aucun principe constitutionnel n'interdit de combiner scrutin majoritaire et proportionnel, le ministre refuse que les députés des Français de l'étranger soient élus à la proportionnelle, ce qui aurait pourtant rendu la représentation plus juste et facilité l'organisation du scrutin.

Nous aurons l'occasion de débattre des modalités du vote lors de l'examen de la deuxième ordonnance. La commission électorale, en termes choisis, met en garde contre les difficultés prévisibles...

Après le recours devant le Conseil constitutionnel, le nombre de députés a été porté de sept à onze : c'est une juste représentation de notre poids réel. Mais comme par un réflexe populiste le nombre de députés a été fixé dans la Constitution à 577, il nous faut prendre ces onze députés sur les circonscriptions de métropole : résultat, nous sommes fort mal perçus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est sûr.

M. Christian Cointat.  - C'est pourtant l'Assemblée nationale qui l'a voulu !

M. Richard Yung.  - Elle aurait dû réfléchir à deux fois. Raison de plus, en tous cas, pour que le scrutin soit irréprochable...

Nos craintes concernant la délimitation des circonscriptions étaient justifiées : plusieurs circonscriptions ne respectent ni la règle de l'écart maximum de 20 % ni le principe de la continuité territoriale. Je regrette que l'Assemblée des Français de l'étranger n'ait pas été consultée sur le projet de découpage, d'autant que nous avions élaboré un projet qui répondait aux critiques.

Le découpage a manifestement été fait « à la carte ». Au deuxième tour de l'élection présidentielle, 52 % contre 48 % ; aujourd'hui, neuf élus pour la droite, deux pour l'opposition ! (M. Guy Fischer s'exclame) Quels critères ont présidé à la délimitation des circonscriptions des Amériques ? Le déséquilibre démographique entre Amérique du Nord et Amérique du Sud est flagrant. Que dire de la cinquième circonscription, qui rattache Monaco au monde espagnol et portugais ? (Exclamations à droite et au centre)

M. Christophe-André Frassa.  - La principauté a été occupée par l'Espagne jusqu'en 1641 ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - Que je sache, cela fait un siècle qu'elle est rattachée à la France ; entre l'Espagne et Monaco, il y a la France ! L'objectif n'est que trop évident : équilibrer les voix de gauche de l'Italie... On notera enfin le rattachement étonnant d'Israël à l'Afrique de l'Est... (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

Nous défendrons deux amendements visant à modifier ce découpage. Nous ne pourrons voter pour un projet aussi injuste. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Guy Fischer applaudit aussi)

M. Michel Magras.  - Je partage la déception de la population de Saint-Barthélemy. L'article LO 479 du code électoral adopté en 2007 prévoyait la création d'un siège de député, ce que le Conseil Constitutionnel avait admis sous réserve d'un redécoupage général. (M. le président de la commission le confirme) Si je comprends que l'Assemblée nationale ait voulu fixer un nombre définitif de députés, je ne peux admettre que le siège de Saint-Barthélemy ait été oublié, et que le nombre de députés n'ait pas été porté à 579 lors de la révision constitutionnelle.

« Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! » avait lancé le député Laignel. En l'occurrence, Saint-Barthélemy ne sera pas représentée à part entière à l'Assemblée nationale parce que sa population est minoritaire... Mais la citoyenneté n'est pas quantifiable ! Certes, la République est indivisible, et tout député représente les citoyens français vivant à Saint-Barthélemy. Constitutionnellement, je ne peux que m'incliner. Mais, connaissant la réalité de la pratique parlementaire, je maintiens qu'un procès en légitimité a été fait à Saint-Barthélemy.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai.

M. Michel Magras.  - En privant les citoyens de Saint-Barthélemy de la possibilité d'élire un député, on les prive du droit de faire entendre leurs préoccupations. Chaque député est certes le dépositaire de la voix de la Nation tout entière, mais aussi, voire surtout, le porte-parole de son territoire d'élection. Difficile pour chaque député de connaître les particularismes de chaque département, et a fortiori des territoires d'outre mer... La représentation nationale se prive également du droit à être informée de ce qu'il se passe dans chacun des territoires de la République !

En application de la décision du Conseil Constitutionnel du 8 janvier 2009, le Gouvernement a considéré la fusion des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en une seule circonscription comme un moindre mal. Ces deux collectivités sont pourtant fort différentes : une représentation commune imposera un exercice schizophrénique à leur député. Un exemple : Saint-Barthélemy demande le passage au statut de PTOM, tandis que Saint-Martin souhaite maintenir le statut de RUP. L'amalgame sera constant, alors que Saint-Barthélemy est une collectivité autonome ! Cette fusion se justifierait tout autant avec la Guadeloupe, pour des raisons de proximité géographique, qu'avec la Lozère, puisque la République est indivisible, ou, pourquoi pas, avec les Français établis hors de France ! Il n'est d'ailleurs pas certain que le Conseil Constitutionnel valide cette circonscription commune ; sa décision tendait davantage vers un maintien des deux collectivités dans la quatrième circonscription de la Guadeloupe.

La déception est d'autant plus grande que c'est la même majorité qui a entériné en 2007 la création d'un siège avant de se dédire en 2008. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être personnellement impliqué pour une circonscription à Saint-Barthélemy. Je me trouve face à un dilemme. Juridiquement, je devrais ratifier cette ordonnance, mais politiquement, cela m'est impossible. Je ne prendrai donc pas part au vote.

M. Pierre-Yves Collombat.  - A mon tour de remercier le Président de la République qui me permet d'être parmi vous aujourd'hui...

Dans ce haut lieu du bicamérisme, entendre parler de « vote conforme » me surprend toujours. Notre chambre serait-elle inutile ? Le redécoupage des circonscriptions législatives influera sur le redécoupage des cantons -et cela ne nous concernerait pas ?

Étrange conception du bicamérisme et curieuse façon de représenter les collectivités territoriales de la République. En matière de charcuterie politique, ce que le Gouvernement veut, la majorité sénatoriale le veut aussi.

Mais abandonnons le terrain politicien pour entrer sur celui de la représentation équilibrée des réelles unités de vie des territoires, en particulier des intercommunalités à fiscalité propre auxquelles chacun accorde une telle importance que le Gouvernement lui-même, si je vous ai bien entendu, se propose d'en renforcer le rôle.

Le présent découpage, on nous l'a rappelé, a été soumis à l'avis de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution. A l'occasion de son audition par la commission des lois du Sénat, j'ai demandé à son président, Yves Guéna, s'il s'attacherait à tenir compte des réalités politico-administratives qui structurent les territoires en particulier des bassins de vie et de l'émergence récente des intercommunalités. Sa réponse figure au bulletin des commissions : il ferait en sorte, dans la mesure du possible, que les circonscriptions soient en lien avec les territoires, notamment pour éviter de disséquer les intercommunalités lorsqu'elles ont une vie réelle et n'ont pas une dimension disproportionnée qui impliquerait de les découper pour respecter l'équilibre démographique, règle première s'imposant à la commission.

A en juger aux résultats, M. Guéna et la commission qu'il préside sont tellement indépendants qu'ils le sont même de ce qu'ils pensent...

L'exemple du Var, dont la croissance démographique entraînait la création d'une circonscription supplémentaire, en est l'illustration caricaturale. On a fabriqué, avec des bouts de territoire, une huitième circonscription résiduelle couvrant tout le nord du département, des Alpes-Maritimes aux Bouches-du-Rhône, soit de l'ordre de 40 % du territoire. Pour la traverser d'est en ouest, vous avez le choix entre descendre le Verdon en kayak ou faire deux heures à deux heures et demie de route. Un pur chef d'oeuvre de tératologie ou de « je m'en foutisme » administratif.

Car, en l'espèce il n'y avait aucun enjeu politicien. Même M. Marleix aurait beaucoup de mal à fabriquer, dans le Var, une circonscription naturellement favorable au PCF.

Un autre découpage respectueux du principe constitutionnel d'égalité du suffrage et représentatif des bassins de vie et des intercommunalités était possible. Pour l'avoir proposé au préfet, je puis vous dire, M. Marleix, que « ceux qui ne se sont pas déplacés » ont gagné du temps. (On s'amuse à gauche) Je m'en suis ouvert à votre cabinet et en ai fait l'objet, en désespoir de cause, d'un amendement. Il est plaisant de se voir objecter que les limites de ces intercommunalités sont variables alors que celles des cantons actuels, en principe immuables, seront toutes remodelées dans quelques mois. Il est plaisant d'entendre que tenir compte des intercommunalités serait confier le découpage électoral aux préfets...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cela appartient à la loi !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ...comme si cela n'était pas déjà largement le cas -je suis bien placé pour le savoir.

Si sur des questions aussi simples, le Sénat s'inscrit aux abonnés absents, on peut se demander à quoi nous servons, sinon à meubler les longues après-midi d'hiver... (Applaudissements à gauche)

M. Robert del Picchia.  - J'ai l'impression de vivre un de ces moments dont on dit plus tard, non sans fierté : « J'étais là » (Mme Nathalie Goulet sourit) J'exagère un peu, pensez-vous, l'importance de ce texte ? Il n'en est rien : les Français de l'étranger vont entrer à l'Assemblée nationale, ce qu'ils demandent depuis qu'elle existe. (On s'amuse sur certaines travées à gauche, où l'on se réfère à Coblence) Enfin, nous allons voter un texte qui permettra au deux millions de Français dispersés à travers le monde d'être considérés comme des Français à part entière.

Car peut-on être Français et perdre le droit de participer à la vie politique du pays ? Les circonstances d'une époque aujourd'hui révolue avaient obligé à un compromis : le Sénat mais pas l'Assemblée. Le Président de la République a pris une décision courageuse que personne n'avait osée avant lui. On a parlé de calculs, de considérations politiciennes : il est regrettable de voir le mal par principe (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit) dans une réforme qui sert l'intérêt général. On s'indigne de voir onze sièges attribués aux Français de l'étranger, réputés voter à droite. Caricature ! Faut-il rappeler que le score de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle n'a été, à l'étranger, que de 53,99 %... (On s'amuse à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas plus que la moyenne nationale.

M. Robert del Picchia.  - ...quand il a été de 55,75 % en Lozère, laquelle perd pourtant un siège. Aucune élection de l'ordre des législatives n'a été organisée à l'étranger : il est impossible de prévoir le résultat du futur scrutin. Ce ne sont donc pas des calculs électoraux qui ouvrent les portes de l'Assemblée nationale aux Français de l'étranger. Si la réforme est douloureuse pour certains, c'est que les députés ont choisi de limiter le nombre de sièges dans leur assemblée. C'est cette limite, dont vous n'étiez pas convaincus de la pertinence, qu'il faut éventuellement critiquer, pas la création de députés des Français de l'étranger. Quant au découpage des onze circonscriptions, il est équilibré. Dans la mesure du possible. Il est facile de critiquer, moins facile de faire. J'ai moi-même tenté de découper le monde en onze circonscriptions qui toutes respecteraient les multiples critères du Conseil constitutionnel. Et c'est très difficile. Ainsi, les Français résidant en Asie, cette région si particulière, doivent assurément être représentés par un député. Mais ils ne sont que 74 000. On ajoute donc la Russie, mais les Français y sont trop peu nombreux, à peine plus de 5 000. L'ensemble est déjà si étendu que l'on ne peut guère y ajouter, mais on demeure pourtant sous le seuil fatidique des 85 000, donc hors des clous constitutionnels : on ne peut faire autrement. Cela illustre le casse-tête que vous avez réussi à démêler, monsieur le ministre. Les exigences constitutionnelles doivent être légèrement adaptées à la représentation des Français de l'étranger, nombreux, éparpillés, et qui vivent des choses très différentes, avec des difficultés propres à chaque région. Il faut donc tempérer les critères pour tenir compte de la réalité des conflits, comme au Proche-Orient, la réalité de la mobilité internationale, qui s'accélère en Asie, la réalité de ce que vivent les Français installés aux États-Unis. Il faut que les Français résidant en Israël ne votent pas avec le Liban et l'Iran. Il faut une circonscription asiatique, pour anticiper sur les chiffres de la présence française de demain. Il faut que les Français résidant aux États-Unis soient représentés par le même député, même si le plafond est alors légèrement dépassé.

Certains proposent de surseoir au découpage. Sans doute est-il perfectible, mais laissons-le vivre, et nous l'adapterons...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Comme pour la taxe professionnelle.

M. Robert del Picchia.  - ...forts de l'expérience électorale de 2012. Mieux vaut nous frotter au réel que de noyer la réforme dans des tableaux de chiffres. Ce que nous voulons, c'est être comme les autres. C'est pourquoi je remercie le ministre et son équipe, qui ont bien voulu collaborer tout au long du processus avec nous. (Applaudissements sur la plupart des bancs UMP)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - En ce moment solennel, historique pour les Français établis hors de France, je remercie les députés d'avoir compris le sens de l'intérêt général en choisissant de ne pas augmenter le nombre des députés tout en laissant place à des élus représentant 2,3 millions de Français qui portent haut les couleurs de notre pays et travaillent à développer son influence dans le monde. Je remercie le Président de la République (« Encore ! » à gauche) de n'avoir pas hésité, considérant que ces Français font partie intégrante de la Nation, à modifier courageusement la Constitution.

Car la non-représentation des Français de l'étranger était inacceptable : elle enfreignait les principes d'égalité et d'indivisibilité de la Nation, intangibles depuis 1791 et prohibant toute discrimination en fonction de l'attache territoriale lors de la désignation des représentants de la souveraineté nationale.

Certes, les Français de l'étranger ont été représentés au Conseil de la République dès 1946, et le Général de Gaulle avait tenu à ce que cette représentation au Sénat figure expressément dans la Constitution de 1958. Mais rien ne pouvait remplacer à leurs yeux une représentation dans les deux assemblées.

Merci à vous, monsieur le ministre et à vos équipes, pour avoir su nous associer au processus de réflexion et de décision pour la définition des circonscriptions. Ceci malgré notre déception de voir une seule circonscription couvrir la moitié de la planète de la Russie à l'Australie en passant par l'Asie. Nous savons les impératifs dictés par le Conseil constitutionnel et qui découlent des critères démographiques, mais je regrette que les statistiques au 1er janvier 2006 ne puissent être prises en compte. Il y a de plus en plus de Français qui s'expatrient en Asie et il faut les y encourager. Merci de nous associer au groupe de travail appelé à préparer les décrets d'application.

Je vous exhorte cependant à la plus grande vigilance dans la préparation de ces élections législatives, afin que tout soit mis en oeuvre pour assurer la plus grande participation des Français de l'étranger. Le fléau de l'abstention sévit aussi, hélas, chez eux. Les raisons en sont nombreuses, parmi lesquelles l'interdiction, jusqu'à une date très récente, de toute propagande électorale même au sein de l'Union européenne, n'était pas des moindres, comme le sont encore la mauvaise tenue des listes consulaires, qui a aussi il est vrai pour conséquence un gonflement mécanique des chiffres de l'abstention, ou l'éloignement des centres de vote. Quel serait le taux de participation en France si un électeur marseillais ou bordelais devait se rendre deux fois, à quinze jours d'intervalle, à Paris ?

Le vote par procuration ne peut être une solution, parce qu'il ne respecte pas le secret du vote, et qu'il nécessite lui aussi pour son établissement des déplacements parfois longs et coûteux. Dans une proposition de loi déposée le 19 juin 2007, cosignée avec six de mes collègues, les sénateurs Cantegrit, Cointat, Duvernois, Ferrand, Guerry et Kammermann, nous demandions le rétablissement du vote par correspondance pour toutes les élections à l'étranger. Dans une autre proposition de loi, le 15 mai de cette année, également cosignée par six sénateurs des Français établis hors de France, nous demandions d'autoriser la propagande électorale pour les élections à l'étranger. Des campagnes d'information sont aussi indispensables pour compenser l'éloignement de nos compatriotes. Cela doit être inscrit dans la loi, comme cela m'avait été rappelé lorsque j'avais protesté il y a une dizaine d'années auprès des services d'information du Premier ministre parce que, alors que les élections prudhommales bénéficiaient d'une campagne d'information télévisée pour plus d'un million d'euros, les élections de I'Assemblée des Français de l'étranger n'avaient, elles, même pas bénéficié d'une seule ligne dans la presse nationale. Je voudrais enfin vous exhorter, monsieur le ministre, à veiller à ce que les Français de l'étranger, privés de toute possibilité de vote et de représentation au Parlement européen depuis la régionalisation de 2003, puissent, en cohérence avec la réforme constitutionnelle de juillet 2008, être aussi représentés à l'échelle européenne avec la création d'une circonscription spécifique et donc la possibilité pour eux de voter depuis leur pays de résidence. J'aurais souhaité que les deux postes offerts à la France par le traité de Lisbonne leur revinssent. Il n'en a pas été décidé ainsi. Je le regrette mais compte sur votre soutien pour qu'ils puissent enfin, en 2014, apporter au Parlement européen, qui en a grand besoin, l'éclairage de leur expérience et compétences propres en matière internationale. (Applaudissements à droite)

M. Michel Bécot.  - Ce texte qui engage pour de nombreuses années l'avenir de nos territoires, a mécontenté les Deux-Sévriens (Mme Nathalie Goulet approuve) Si un redécoupage du département était nécessaire, la décision arrêtée par les conseils des ministres des 29 juillet et 6 août a surpris les habitants des Deux-Sèvres puisqu'elle éclate la circonscription de Gâtine sur les trois circonscriptions restantes. Un tel redécoupage fait totalement abstraction de l'histoire, de la géographie et de la culture de nos territoires et heurte le sentiment identitaire des habitants de la Gâtine. Ce redécoupage épargne intégralement l'ex circonscription de Mme Royal. De ce fait, il vous a fallu recomposer les autres circonscriptions et aboutir à des solutions inexplicables. Le redécoupage des Deux-Sèvres est avant tout une incohérence géographique. Des cantons qui sont actuellement membres de la communauté d'agglomération de Niort seront rattachés à la circonscription de Parthenay, distante de presque 70 kilomètres alors qu'ils sont plus proches de celle de Niort. Quant aux cantons de Mazières et de Secondigny, situés à proximité de Parthenay, ils seront rattachés à la circonscription de Niort, distante de 50 kilomètres.

Ce redécoupage est également une incohérence historique puisque l'histoire politique du département des Deux-Sèvres a toujours rattaché les cantons de Mazières, Secondigny, Champdeniers et Coulonges à la circonscription de Parthenay. C'est aussi une incohérence administrative car le Pays de Gâtine qui correspond à l'actuelle troisième circonscription, a derrière lui toute une histoire de solidarité depuis plus de trente ans. Quelle logique à répartir ses dix cantons sur les trois futures circonscriptions ? Quelle logique à mobiliser trois députés sur un même territoire ? Quelle logique à faire éclater les votes des électeurs sur trois circonscriptions ?

Mais, surtout, ce redécoupage est une incohérence humaine. Comment expliquer que les cantons de Mazières et de Secondigny, au coeur de la Gâtine, proches du bassin d'emploi de Parthenay soient rattachés au bassin de vie niortais ? Comment expliquer que des cantons de Gâtine soient rattachés au Marais alors que les cantons du Marais font partie du bassin de vie de Niort et se trouvent insérés dans la Gâtine ?

Une solution simple consistait à rattacher les cantons, membres de la communauté d'agglomération de Niort, à la circonscription de Niort, chef-lieu du département et de laisser les cantons ruraux de la Gâtine dans la circonscription de Parthenay. C'est d'ailleurs ce que les parlementaires avaient proposé lorsqu'ils avaient été consultés mais on n'a visiblement pas tenu compte de leur avis. Nous proposions de revenir au découpage d'avant 1986 en rognant sur les frontières pour répartir au mieux la population.

Un grand nombre d'élus et de nombreux Deux-Sévriens ont exprimé leur désapprobation, lors d'un rassemblement le 25 septembre dernier. Je ne peux voter ce projet de loi qui ratifie un tel redécoupage de notre département et qui ne respecte ni l'histoire, ni la géographie, ni la sociologie de nos territoires. (Mme Nathalie Goulet applaudit)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.  - Motion n°3, présentée par M. Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 116, 2009-2010).

Mme Virginie Klès.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Le débat d'aujourd'hui, essentiel, ne saurait se satisfaire d'interventions ou de non interventions « traditionnelles ». Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez demandé, au titre de la tradition, de ne pas intervenir dans un débat qui ne concernerait que les députés. Comment pouvez-vous ne pas voir que, loin de ne concerner que les députés, ce texte remet en cause les fondements du suffrage universel ? C'est pourquoi les parlementaires, tous les parlementaires, représentants de la République et émanation de ce suffrage universel doivent y prendre part.

Il est vrai que depuis 1999, le Conseil constitutionnel n'a cessé de rappeler l'obligation de corriger les écarts démographiques apparus depuis 1986 entre les circonscriptions, et nous souscrivons à la nécessité de redélimiter les circonscriptions pour y parvenir. Mais le résultat que vous nous proposez est inacceptable et inique, tout autant que la méthode utilisée. La commission de Venise du Conseil de l'Europe a -dans son code de bonne conduite en matière électorale, ratifié par l'Assemblée parlementaire en 2003-, fait de l'égalité démographique une des conditions du suffrage égal. Le point 2-2 de ce code souligne en particulier dans son IV que l'écart maximal admissible entre les circonscriptions ne devrait pas dépasser 10 % et en tous cas 15 %, sauf circonstance spéciale et motivée par l'intérêt général. Dans son V, il souligne que « un nouveau redécoupage doit tenir compte d'un avis exprimé par une commission comprenant en majorité des membres indépendants et de préférence un géographe, un sociologue et une représentation équilibrée des partis... ». Nous sommes bien éloignés de ces recommandations avec des propositions dont les règles d'or sont l'opacité, la complexité, et la partialité.

De plus, nous ne partageons pas l'optimisme ou l'aveuglement bienveillant de notre rapporteur quant au caractère constitutionnel de l'ordonnance. Certes, elle est peut-être conforme à la loi d'habilitation du 13 janvier 2009 qui a mis en place des critères précis pour orienter l'action du pouvoir exécutif, mais c'est bien là tout le problème : ces critères ne sont pas satisfaisants au regard du principe d'égalité et de sincérité du suffrage universel.

Nous entendons soumettre ce texte au Conseil constitutionnel pour lui permettre d'affiner sa jurisprudence et de sanctionner un parti pris manifeste qui sert les intérêts exclusifs d'une partie de la représentation nationale, je veux parler bien sûr, de l'UMP et seulement de l'UMP...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Pas dans les Deux-Sèvres, on vient de nous dire le contraire !

Mme Virginie Klès.  - ...puisque même le Nouveau Centre semble défavorisé au terme des redécoupages et attributions de sièges tels que vous les envisagez.

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » et « le suffrage est toujours universel, égal et secret ». Il est nécessaire de redécouper les circonscriptions, mais pas n'importe comment ! La loi du 11 juillet 1986 introduisait à l'article 125 du code électoral un alinéa ainsi rédigé : « il est procédé à la révision des limites des circonscriptions en fonction de l'évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation ». Mais le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur ne pouvant se lier pour l'avenir, cet alinéa n'avait pas de valeur normative. Ainsi l'obligation qui aurait dû courir à partir de l'an 2000 n'existait plus. Je connais votre leitmotiv : « le gouvernement Jospin ne l'a pas fait, nous le faisons, donc nous le faisons bien ». Arrêtez de mélanger les genres et les questions. Non, le gouvernement Jospin ne s'est pas attelé à ce dossier, mais il n'a eu qu'un créneau pour le faire, après les deux recensements prévus par le Conseil constitutionnel, et dont les résultats n'ont été définitifs que fin 2000. Comment faire un réel travail de fond, à peine deux ans avant les élections législatives suivantes ? Sans outrepasser les prescriptions du Conseil Constitutionnel, il était possible et même souhaitable d'attendre ces élections pour entamer cette révision ensuite.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Faux ! C'était impératif !

Mme Virginie Klès.  - Que ne vous êtes-vous intéressé à ce dossier dès 2003, ou encore 2005, selon les demandes répétées du Conseil constitutionnel, mais que vous avez superbement ignorées. Non, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez aucune leçon à donner à personne en la matière, ni à affirmer que le seul fait de votre majorité d'ouvrir un dossier depuis des années en souffrance justifie la façon dont vous le traitez. Votre Gouvernement qui joue des calendriers avec maestria...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vingt-six ans d'attente !

Mme Virginie Klès.  - ...quand il s'agit de servir ses intérêts, utilisant la procédure d'urgence sans nécessité parfois, capable de faire voter des lois destinées à nous mettre en conformité avec d'autres textes pas encore débattus, capable de faire appliquer des dispositions pas encore votées, aurait dû se saisir de ce dossier il y a bien longtemps. Or, les élections de 2007 se sont bien faites sur un découpage fondé sur le recensement de 1982, alors même qu'à l'automne 2004, le gouvernement de M. Raffarin avait mis en place une commission présidée par Pierre Bordry pour y réfléchir.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est Rocard et Jospin qui auraient dû le faire !

Mme Virginie Klès.  - Ne pouvant que constater qu'il y avait eu au moins 40 circonscriptions irrégulières, pour les élections précédentes, par rapport aux critères fixés par le Conseil Constitutionnel en1986, ce qui conduisait à ce que l'on en modifie au moins 80, le Gouvernement de l'époque a reculé et refermé le dossier. Ce n'est que contraint par le Conseil constitutionnel, qui a, par une réserve d'interprétation sur la loi organique relative à l'outre-mer, subordonné la création de deux nouveaux sièges de députés pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy à un redécoupage général, que vous vous décidez.

Mais je ne vous suivrai pas dans vos arguments « rétroviseurs », regardons devant nous et avançons. Le redécoupage était nécessaire ; encore fallait-il mettre en place la méthode et les conditions de l'opération. Dans les pays dits démocratiques, il est acquis que la nécessaire neutralité de l'opération interdit qu'elle soit le fait du Gouvernement, ni même du Parlement où la majorité décide. Dans d'autres pays dit démocratiques, il existe des commissions spécialement dédiées à cette opération et il est de tradition -tiens ! une tradition qui ne vous soucie que très modérément- que leur rapport soit voté sans modification par le Parlement. Traditionnellement en matière de démocratie et pouvoirs publics, nous aimons pourtant nous comparer à d'autres. Les modèles de nos voisins sont souvent avancés lorsqu'ils servent vos objectifs.

Pourtant, quels que soient les moyens retenus, les dispositions adoptées au Portugal, au Canada, en Allemagne ou au Royaume-Uni sont plus contraignantes qu'en France et les révisions plus fréquentes. Mais les apparences sont sauves avec la commission de l'article 25 de la Constitution. Ses avis sont-ils écoutés ? C'est une autre histoire. Le comité Balladur avait repris presqu'à l'identique la proposition n°64 de la commission Vedel et, aux termes de l'article 25, la loi fixe les compétences, les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission qui se prononce par des avis publics. Cependant, voilà, la commission est-elle indépendante ? Sa composition même est critiquable puisque trois de ses six membres sont nommés par des autorités politiques appartenant à la même formation et que n'y figurent ni des représentants des grands partis, ni, malgré les promesses du Gouvernement, des démographes ou des statisticiens, ce qui renforce le soupçon de caractère partisan. Son indépendance autoproclamée n'est pas effective. Elle aurait pu l'être si vous aviez recherché l'intérêt général ! La commission n'a travaillé qu'en étroite collaboration avec un conseiller du Premier ministre, elle est installée au ministère de l'intérieur : on peut douter de son indépendance. On ne s'étonnera donc pas qu'elle ait accepté la méthode de la tranche ou méthode Adams...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Comme Laurent Fabius en 1985 !

Mme Virginie Klès.  - Je n'étais pas née ! (Rires)

Dans ses avis, les mêmes critères aboutissent tantôt à des recommandations liant le Gouvernement et tantôt à des suggestions, bientôt balayées. Ce qui n'est pas vraiment édifiant. Bernard Gaudillère, auteur d'un atlas électoral, indique qu'aucune majorité politique n'a résisté à la tentation du charcutage. Vous ne faites pas exception à la règle en dépit des termes employés par le Conseil constitutionnel. Votre méthode montre votre volonté de servir un intérêt partisan.

Sur la base de la décision de 1986 du Conseil constitutionnel, il ne devait pas y avoir d'écart de plus de 20 % par rapport à la moyenne départementale. Avec des tranches de 125 000 habitants, une circonscription peut en compter 100 000 et l'autre 150 000 soit un écart de 50 %. C'est donc bien à la commission dite indépendante qu'il revient d'opérer un choix, en l'absence de géographes mais avec des spécialistes maîtres en camouflage et en petits arrangements entre amis. On aurait pu abaisser ce pourcentage à 10 %, comme l'avait suggéré la commission de Venise. Sans doute n'y a-t-elle pas été autorisée. En revanche, la forme étoilée ou ciselée de certaines circonscriptions attend toujours des justifications fondées sur l'intérêt général...

Le principe du redécoupage est celui de la répartition par tranches de 125 000 habitants. Cette méthode permettrait une meilleure synthèse entre réalités humaines et critères démographiques. Elle provoque cependant des disparités de un à deux et défavorise les grands centres urbains par rapport aux zones rurales, ce qui n'est pas étranger à votre choix. La commission explique qu'il ne faut pas augmenter le nombre de départements n'élisant qu'un député. Et alors, si tel était le prix pour respecter le principe un homme une voix ? C'est la démocratie, le suffrage universel de la République !

La société évolue. Le préfet est toujours face à deux élus, un député et un président de conseil général. Est-ce parce que beaucoup de ces derniers sont à gauche qu'il vous semble important de maintenir aussi souvent que possible deux députés par département ? Mieux vaut tirer pleinement les enseignements de la décision du Conseil constitutionnel, lequel saura apprécier le peu de cas que vous faites de ses recommandations.

Votre système ne pourra tenir car avec 577 sièges moins dix, il y aura des tranches non servies et il faudra choisir le plus fort reste. Cela s'apparentera à une proportionnelle au plus fort reste mais avec un quotient uniforme, selon une méthode désuète -nostalgie, quand tu nous tiens... Pour être honnête et non partisan, il aurait fallu retenir un quotient réel et appliquer une méthode proportionnelle comme celle de Sainte-Laguë. D'ailleurs, les deux tiers des circonscriptions supprimées sont tenues par la gauche comme si le découpage avait pour objectif de vous assurer un avantage structurel de nature à garantir ou à faciliter l'obtention d'une majorité. Cependant, à trop vouloir manipuler les Français, à les croire naïfs, les manoeuvres démagogiques se retournent contre leurs organisateurs.

Vous auriez pu rechercher une réforme réconciliant les Français avec le politique. Cela n'a pas été votre choix. Vous prenez le risque de vous prendre les pieds dans le tapis mais j'ai trop de respect pour la démocratie pour vous laisser la bafouer. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La loi organique qui, pour notre collègue, n'est pas conforme à la Constitution, a été validée par le Conseil constitutionnel.

Mme Virginie Klès.  - Et les suggestions de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On ne peut pas la contester et regretter ensuite qu'on ne suive pas ses avis ! Selon l'objet de votre motion, l'obtention de 50 % des voix ne permettrait pas d'obtenir 50 % des sièges ; mais cette affirmation, pour laquelle vous n'invoquez aucune source fiable, ne repose sur aucune réalité statistique. Vous contestez de même le système des tranches, que la commission et le Conseil d'État ont validé et qui aboutit à un résultat bien plus fiable. Le Conseil constitutionnel n'accepte plus deux députés par département et l'ordonnance répond mieux que les derniers découpages aux critères fixés par la haute juridiction.

Du charcutage ? Mais nous venons d'avoir deux cas extrêmes et opposés de ce qui se passerait si l'on laissait les parlementaires décider en la circonstance. M. Masson...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Il va revenir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Alors on pourra l'étriller, car ses propos sont insupportables. Puis M. Bécot a regretté qu'il y ait un siège de moins dans les Deux-Sèvres. J'ai entendu les députés de mon département : même des UMP ne sont pas d'accord parce que sans arbitrage, c'est impossible ! Personne ne veut aucune modification. Si on ouvre le festival...

M. Jean-Marc Todeschini.  - L'UMP perdra !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'ai entendu expliquer que la majorité cherchait à se perpétuer même si elle perdait les élections.

M. Nicolas About.  - Cela ne marchait qu'à Marseille !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La motion n'est pas justifiée. Avis défavorable.

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est un fusil à un coup !

Mme Nathalie Goulet.  - Quand M. Charasse sera au Conseil constitutionnel...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous estimez, madame, que le projet de ratification de l'ordonnance est contraire à la Constitution et aux recommandations du Conseil constitutionnel. J'ai donné les raisons pour lesquelles l'ordonnance respecte parfaitement les critères de la loi d'habilitation comme les principes constitutionnels. J'ai aussi précisé comment elle assurait le meilleur équilibre, les écarts entre circonscriptions ramenés de un à six à un à deux. On a supprimé les disparités conformément aux souhaits du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel ou on les a rendu acceptables et conformes à l'article 3 de la Constitution. Aucune circonscription ne s'écarte de plus de 17,5 % de la moyenne alors que sept départements étaient dans ce cas en 1986.

Le principe d'égalité devant le suffrage n'était pas respecté, il le sera. L'ajustement aurait dû être fait deux fois dans le passé, en 1992 sous le gouvernement de M. Rocard et en 1999 sous celui de M. Jospin. Nous vivons toujours sur le recensement de 1982. C'est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a jugé « impératif » qu'on procédât à un réajustement, et même immédiatement après les dernières élections législatives.

Quant à l'argument utilisé ici comme à l'Assemblée nationale, selon lequel il faudrait désormais à la gauche bien plus de 50 % des voix pour être majoritaire en sièges, on l'avait entendu en 1986... et la gauche a gagné dix-huit mois plus tard. La démonstration de M. Bruno Leroux, qui a mélangé des choux et des carottes n'a convaincu personne... Les spécialistes du Cevipof de Sciences-Po en ont fait litière. J'appelle au rejet de la motion.

M. Bernard Frimat.  - A défaut de vous convaincre, je veux vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec vous. Nous ne contestons pas la nécessité du redécoupage -si ma mémoire ne me joue pas des tours, il n'y a pas eu que des gouvernements socialistes, la droite était au pouvoir entre 2002 et 2007 et n'y a pas procédé... Personne ne nie que les critères démographiques et de continuité territoriale figurent dans la loi d'habilitation, je vous crois suffisamment habile pour ne pas les avoir oubliés. Mais le considérant 26 de la décision du Conseil constitutionnel dispose qu'on ne peut admettre que la conjugaison de ces critères serve d'instrument à la construction de délimitations arbitraires. C'est cela que nous vous reprochons : l'instrumentalisation des critères, qui aboutit à créer des « situations où le principe d'égalité est méconnu ».

Nous connaissons l'issue de ce débat, nous savons que c'est le Conseil constitutionnel qui in fine tranchera. Raison pour laquelle, la ratification étant globale, nous mettons l'accent sur des situations particulières. Nous comprenons les députés, à quelque formation qu'ils appartiennent, qui disent que le principe d'égalité n'est pas respecté dans leur département. Nous pensons que vous avez sciemment, par esprit partisan, construit des situations où les critères sont respectés mais pas l'esprit de l'égalité du suffrage. Notre débat n'existe que pour ce que le Conseil constitutionnel pourra en faire ; nous n'osons exclure qu'il en fasse bon usage... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous dites, monsieur le ministre, que M. Bruno Leroux aurait mélangé des choux et des carottes. Peut-être est-il jardinier, en tout cas il n'est pas charcutier...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est un noble métier !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous n'avez pas utilisé votre grand couteau, vous avez fait de la dentelle, et des critères un usage à géométrie variable. Je connais une circonscription en dessous de 9 % d'écart que vous avez remodelée et une autre à 13 % à laquelle vous n'avez pas touché... Vous étiez dans l'équipe Pasqua en 1986, vous êtes un orfèvre en ces matières. La circonscription de M. Jean Kieffer, votre allié du CNI, avait alors été taillée sur mesure pour lui -il le dit sans détour dans la presse ; vous la faites disparaître aujourd'hui... parce qu'entre temps elle a été gagnée par Mme Aurélie Filippetti et la gauche. Le suffrage universel vous donnera tort un jour ou l'autre.

Mme la présidente.  - J'ai été saisie par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ils ne sont pas tranquilles !

A la demande du groupe UMP, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 139
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au règlement

M. Jean Louis Masson.  - La motion que j'ai déposée, comme sénateur non inscrit, tendant à opposer la question préalable a été, comme celle d'irrecevabilité, rejetée au motif que la priorité est donnée aux groupes politiques. Cette priorité systématique est une anomalie. Nous en sommes réduits à récupérer les restes.

En outre, nous ne pouvons même pas expliquer notre vote sur les motions déposées. En conséquence, je refuse de participer à ces scrutins.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°4, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n°2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n°116, 2009-2010).

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne partageons pas la satisfaction de notre président-rapporteur de la commission des lois quant à ce projet de découpage des circonscriptions législatives : selon lui, nous n'aurions qu'à suivre les députés. Une partie du problème posé par ce texte vient de ce que le nombre de députés a été constitutionnalisé, disposition que nous avons combattue en son temps.

Ce texte n'intervient pas dans un contexte anodin. Depuis 2007, Nicolas Sarkozy impose sa marque sur les institutions dans le sens d'une concentration des pouvoirs entre ses mains, ou hyper-présidence. Tout d'abord, avec l'effacement du Gouvernement et de son Premier ministre, et la disparition avec eux du peu de démocratie parlementaire qui subsistait, le chef de l'État décide de tout sans être responsable devant le Parlement. Ensuite, la révision constitutionnelle a limité encore le temps disponible pour débattre des projets de loi gouvernementaux, marqués par la précipitation et une inflation législative constante : le Parlement est peu à peu asphyxié. Puis les collectivités locales sont mises sous tutelle car la décentralisation s'oppose au jusqu'au-boutisme libéral prôné par le Président. Les projets de lois relatifs aux collectivités locales servent la reprise en main du pouvoir par l'Élysée. Nicolas Sarkozy utilise pleinement les possibilités offertes par la réduction de la durée du mandat présidentiel et l'inversion du calendrier qui lui donne la prééminence sur l'élection législative.

Ce projet de loi favorise outrageusement l'UMP, qui pourrait se maintenir au pouvoir même si elle était minoritaire. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le conteste) Il n'est pas possible de vérifier que la gauche aurait besoin de plus de 51 % des voix pour être majoritaire à l'Assemblée nationale, mais le ministre ne nous a pas démontré le contraire ! Vous défendez le scrutin uninominal à deux tours, mais vous prévoyez un scrutin à un tour qui permettrait à une liste n'ayant obtenu que 30 % des voix d'obtenir la majorité des conseillers territoriaux. Ces projets mettent à mal la démocratie et le pluralisme.

Pour le redécoupage électoral, il s'agit de passer outre coûte que coûte. Le Gouvernement a élaboré une ordonnance, soumise au Conseil constitutionnel et à la commission présidée par Yves Guéna, qui n'a d'indépendante que le nom. Le Conseil constitutionnel a exigé que certains départements n'aient plus qu'un député et qu'un seul élu représente Saint-Barthélemy et Saint-Martin : il aurait été curieux d'accorder un député à un paradis fiscal aux dépens de la Guadeloupe et de la Martinique voisines. Mais le Conseil est resté bien timoré sur les inégalités démographiques, les découpages surprenants, l'élection des onze députés représentant les Français de l'étranger.

Pour les circonscriptions électorales, le législateur doit respecter le principe de l'égalité des citoyens devant le suffrage : un homme représente une voix. Or une circonscription de Lozère représente 34 374 habitants quand une circonscription du Val-d'Oise en représente 188 240. Il n'est pas acceptable que la France représentée à l'Assemblée nationale soit toujours celle de 1982 et que le découpage mis en place par Charles Pasqua en 1986 s'applique toujours. A ce titre, nous regrettons que la commission présidée par Pierre Bordry en 2005 n'ait pu aboutir avant l'élection de 2007. Elle préconisait l'instauration d'un écart maximum entre la population de chaque circonscription et la moyenne départementale.

Monsieur le ministre, vous en êtes loin, puisque ce pourcentage ne serait pas inférieur à 17,5 %. Ainsi, selon le nouveau découpage, une circonscription des Hautes-Alpes comprendra 60 000 habitants et une autre de Seine-Maritime 146 000. De nombreux exemples de ces inégalités persistantes ont déjà été présentés. Et comment ne pas évoquer la onzième circonscription des Bouches-du-Rhône, dont le découpage abracadabrantesque est étrangement précis dans le but d'aider une certaine force politique ? Vingt-trois des 33 circonscriptions appelées à disparaître sont à gauche. Neuf sur les 23 nouvelles seraient pour la gauche. Cette manière de faire est révélatrice d'une certaine conception de la politique à l'heure où l'on réclame davantage de transparence !

Quant à la limitation de l'effectif de l'Assemblée nationale à 577 députés, où est l'avancée démocratique ? Il résulte de cette proposition aux relents populistes une réduction du nombre des élus sur le territoire national et la création de onze députés représentants les Français de l'étranger. Ainsi, le ministre affaiblit la représentation de l'opposition et engrange des sièges acquis traditionnellement à l'UMP. Était-il bien nécessaire de créer une circonscription des Français résidant au Liechtenstein et en Suisse alors que nombre d'entre eux ne remplissent pas la condition de citoyenneté prévue à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est-à-dire payer l'impôt ?

Pour revivifier la démocratie, il faut généraliser le scrutin proportionnel afin de bousculer le système politique dans le bon sens en le rajeunissant, le féminisant, l'ouvrant à de nouvelles catégories sociales. Il est temps que la diversité fasse son entrée dans l'hémicycle. En France, la première chambre du Parlement ne compte que 18 % de femmes élues contre 32 % en Allemagne et 36 % en Espagne. Parmi les députés, seuls 0,4 % sont ouvriers et 1,8 % employés. La proportionnelle évite la monopolisation des mandats favorisée par le mode de scrutin uninominal majoritaire.

Vous défendez le scrutin uninominal à deux tours, mais vous vous en écartez pour les conseillers territoriaux. Souhaitez-vous des élections à la britannique, qui ne sont pourtant pas le summum de la démocratie ? Et avec la proportionnelle, plus de souci de découpage électoral. Ce projet de loi est de pure convenance pour garantir la domination de l'UMP. Il prend le chemin inverse d'une démocratisation d'un système, restreint chaque jour un peu plus l'espace du débat politique au profit de l'exécutif présidentiel. Nous vous appelons à adopter la question préalable pour plus de démocratie. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Les arguments tirés des institutions de la République sont sans rapport avec le texte.

L'affirmation selon laquelle ce découpage permettrait d'être majoritaire en sièges bien que minoritaire en voix est privée de fondement. Pour être péremptoire sur ce point, mieux vaut attendre les élections, dont le résultat n'est généralement pas celui attendu.

Ce qui est certain, c'est que l'écart démographique est aujourd'hui de un à six, mais qu'il passera de un à 2,4 grâce à l'ordonnance. Quelques disparités sont inévitables, mais aucun écart à la moyenne départementale n'excédera 17,5 %, ce qui n'était plus du tout le cas depuis très longtemps.

Le présent texte améliore donc substantiellement l'égalité des citoyens devant le suffrage. C'est pourquoi votre commission repousse la question préalable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Pour démontrer notre prétendu souhait d'avantager les électeurs ruraux au détriment des urbains, vous avez comparé les 35 000 habitants de la deuxième circonscription de la Lozère à ceux du Val-d'Oise. En fait, la plus grande circonscription se trouve dans le Var, avec 210 000 habitants. Vous avez dit qu'un électeur de Seine-Maritime comptait deux fois moins qu'un électeur des Hautes-Alpes. A l'inverse, l'unique député de la Creuse sera le plus représentatif de France avec 123 000 habitants et 110 000 électeurs inscrits, deux fois plus qu'un député moyen de Paris ou de sa banlieue. Avec les chiffres, on peut démontrer beaucoup de choses...

Je demande de rejeter la question préalable.

En réalité, l'ordonnance répond à toutes les critiques en évitant le statu quo. Pensez-vous que nous puissions encore attendre pour renouer avec la légitimité d'une assemblée parlementaire ?

Si la question préalable était adoptée, que répondriez-vous au Conseil constitutionnel, pour qui le redécoupage aurait déjà dû se dérouler il y a deux ans ? Si elle était adoptée, que répondriez-vous au juge constitutionnel, pour qui un nouveau découpage était « impératif » il y a un an et demi ? Que répondriez-vous à nos concitoyens qui invoquent de plus en plus les disparités démographiques entre circonscriptions pour justifier leurs recours contre des élections partielles ?

Nous ne pouvons attendre encore, dix ans après le dernier recensement !

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

La motion n°4 est mise aux voix par scrutin public à la demande du groupe UMP.

M. Bernard Frimat.  - Quelle obstruction !

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin.

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 139
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°27, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 116, 2009-2010).

M. Jean Louis Masson.  - Je dois dire tout d'abord que j'ai été surpris en lisant il y a un mois dans la presse qu'il n'y aurait pas de débat de fond au Sénat sur le découpage électoral, sous prétexte que, traditionnellement, une assemblée parlementaire ne s'occupe pas du scrutin applicable à l'autre. Pourtant, les députés ont souvent délibéré sur le scrutin sénatorial, notamment lors de la loi instaurant la parité et le scrutin de liste dans les départements élisant plus de deux sénateurs.

En tout état de cause, cette affirmation a le mérite de confirmer la gêne du Gouvernement, qui n'a pas intérêt à ce que l'on expose les turpitudes du charcutage électoral.

Cette raison explique déjà les artifices utilisés à l'Assemblée nationale pour empêcher un vrai débat. Monsieur le ministre, fallait-il que vous ayez peur de la vérité pour imposer un vote bloqué, qui plus est reporté à la semaine suivante ! A juste titre, les députés de l'opposition ont protesté en quittant la salle et certains collègues de la majorité ont regretté votre façon d'agir. Ils n'étaient pas les seuls, puisque le président UMP de l'Assemblée nationale a « déploré » sur BFM-TV l'usage abusif de cette procédure. Le Figaro du 20 octobre a repris ces propos.

Je sais que des pressions ont été exercées sur de nombreux députés de la majorité, mais huit élus UMP ont eu le courage de voter contre. Et beaucoup ont voté avec leurs jambes, puisque 25 députés UMP n'ont pas pris part au vote et trois se sont abstenus.

Après cet escamotage du débat, certains membres du Gouvernement voudraient que les sénateurs feignent d'ignorer le charcutage partisan des circonscriptions législatives. Ne comptez pas sur moi ! Le débat doit avoir lieu. Même si vous spéculez sur votre majorité, j'espère que le Conseil constitutionnel examinera au moins les cas le plus flagrants, c'est-à-dire la vingtaine de départements pour lesquelles la CCRE et le Conseil d'État vous ont désavoué.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - N'importe quoi !

M. Jean Louis Masson.  - J'en viens au fond, pour évoquer le bilan global des distorsions partisanes, que j'illustrerai avec l'exemple de la Moselle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - L'inverse nous aurait étonnés !

M. Jean Louis Masson.  - Monsieur le ministre, vous répétez depuis des mois dans la presse que votre projet de découpage est consensuel et irréprochable, en invoquant des statistiques trompeuses et en mélangeant des notions sans rapport entre elles. Pour améliorer les ratios, vous ajoutez des circonscriptions que le redécoupage ne modifie pas. Par la force des choses, toute contestation est exclue dans ces cas.

Vous avez indiqué dans Le Monde du 28 juillet que le Conseil d'État préconisait « le basculement et le transfert de 82 cantons sur 4 305, soit 1,9 % du total ». Cette présentation illusionniste n'a pas de sens, car 82 cantons peuvent faire basculer 82 circonscriptions. De même, vous avez plastronné dans Le Parisien du 20 septembre en déclarant avoir reçu un quitus pour 95 % des cas. Or, 5 % des circonscriptions suffisent souvent à modifier la majorité politique de l'Assemblée nationale.

Lors des débats sur la loi d'habilitation, vous vous étiez engagé à produire une ordonnance honnête proposant un découpage fondé sur des critères objectifs. Vous aviez lourdement insisté sur les garanties supplémentaires apportées par rapport à la procédure appliquée en 1986, notamment grâce à l'intervention de la commission de contrôle du redécoupage électoral et du Conseil d'État. Or, vous avez fait l'inverse.

Pour avoir été député en 1986, j'affirme solennellement que, malgré tout ce qui avait été dit contre le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Pasqua, il avait proposé un découpage infiniment plus correct et loyal que le vôtre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est le jour et la nuit.

On pourrait admettre que pour une circonscription, vous n'ayez pas tenu compte soit de l'avis de la CCRE, soit de celui du Conseil d'État. Mais quand la CCRE et le Conseil d'État formulent des propositions convergentes, comment les ignorer ? C'est pourtant bien ce que vous avez fait et vous le reconnaissez dans Le Figaro du 29 juillet 2009 : « Seules 34 circonscriptions ont reçu une double recommandation de la commission et du Conseil d'État. Pour treize d'entre elles, nous avons modifié notre projet ». Dans au moins vingt-et-un cas, vous êtes donc passé outre à la fois à l'avis de la CCRE et à celui du Conseil d'État !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Qu'en savez-vous ? Avez-vous eu l'avis du Conseil d'État ?

M. Jean Louis Masson.  - Mais vous le dites vous-même dans Le Figaro !

M. Guy Fischer.  - Et Le Figaro ne ment pas ! (Sourires)

M. Jean Louis Masson.  - C'est d'autant plus grave que chaque cas concerne au moins deux circonscriptions. Et quelle incroyable autosatisfaction, lorsque vous clamez : « Jamais la concertation n'avait été poussée aussi loin pour un redécoupage. » Vous avez fait semblant de consulter tout le monde mais n'avez tenu compte de l'avis de personne. Si bien que l'ordonnance viole l'esprit de la loi d'habilitation et les engagements que vous aviez pris devant le Parlement.

Ces vingt-et-un cas ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Pour dresser un bilan exhaustif des anomalies, il aurait fallu que l'avis du Conseil d'État soit rendu public. Ce n'est pas le cas et je me contenterai donc d'un exemple flagrant, dans mon département. En Moselle, le rééquilibrage démographique fait passer le nombre des circonscriptions de dix à neuf. Un certain consensus existait pour supprimer la circonscription de Rombas-Bouzonville créée en 1986 et pour redistribuer ses quatre cantons entre les quatre circonscriptions auxquelles ils appartenaient avant 1986. Cette solution de bon sens s'est toutefois heurtée à l'opposition frontale d'un député UMP qui préconisait des solutions toutes plus extravagantes les unes que les autres. Il proposait même de faire tourner les six circonscriptions du secteur Metz-Thionville en les plaçant à cheval sur les limites d'arrondissement ! Le seul but était bien sûr de se débarrasser de cantons de gauche et de récupérer des cantons de droite. Devant les protestations indignées, à droite comme à gauche, vous avez dû accepter un retour des quatre cantons de la circonscription de Rombas-Bouzonville dans leur circonscription d'origine.

Mais vous étiez décidé à satisfaire malgré tout l'intéressé, en l'espèce M. Grosdidier, député UMP de la première circonscription. C'est pourquoi, hors de toute justification démographique, vous avez procédé à un incroyable charcutage à l'intérieur de Metz, pour empêcher la députée socialiste Mme Aurélie Filippetti de se reporter sur la région messine. Sa circonscription de Rombas-Bouzonville était dépecée mais vous vouliez encore la tuer politiquement. La députée UMP, Mme Marie-Jo Zimmermann, est dans cette affaire une victime collatérale puisque la troisième circonscription fait les frais de l'opération. C'est la circonscription dont j'ai été le député pendant près de vingt ans. Le biais partisan est flagrant : vous permutez treize bureaux de vote très à gauche et onze très à droite...

Vos visées politiciennes sont évidentes puisque le canton de Metz I qui passe de la première à la troisième circonscription est le plus à gauche de la ville. Son conseiller général est le maire socialiste de Metz ; au second tour des élections présidentielles, M. Sarkozy y a obtenu des scores entre 44,5 % et 41,5 % selon les bureaux de vote. Les bureaux de vote du canton de Metz III sont ceux où M. Sarkozy a obtenu entre 62 et 71,9 %...

M. Daniel Reiner.  - Je le confirme !

M. Jean Louis Masson.  - Pire, cette permutation de bureaux de vote a été effectuée au prix d'un découpage extravagant. Historiquement, la limite entre les première et troisième circonscriptions a toujours coïncidé avec le lit de la Moselle. Désormais, les deux circonscriptions vont former des excroissances qui s'enchevêtrent de manière inextricable. Tel et tel bureaux de vote auront la forme d'une hernie reliée au canton de rattachement par une étroite bande de terrain, un chemin de halage ! La région messine figure parmi les cinq exemples nationaux cités par Le Monde du 1er août 2009 et les quatre mentionnés par Le Canard Enchaîné du 5 août 2009, lequel écrit : « En Moselle, les circonscriptions dessinées par Marleix prennent des allures de fjords norvégiens ou de carte des Balkans. Pour renforcer l'UMP François Grosdidier (...) ce travail de dentelière a été réalisé au détriment de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann. »

Cette permutation, j'y insiste, n'a strictement aucune justification démographique puisque l'actuelle troisième circonscription n'a que 9,66 % d'habitants de moins que la moyenne départementale. Elle entre donc très largement dans la référence fixée, par vous, à 17 %. Dans Les Echos du 29 juillet 2009, vous indiquez en effet : « Le Conseil d'État a fait beaucoup de perfectionnisme en appliquant des écarts démographiques de 15 %, alors que la loi nous fait obligation d'une marge de 20 %. Les écarts ne devraient finalement pas être supérieurs à 17 % ».

De plus, en Moselle, vous laissez inchangée la circonscription de Sarreguemines, laquelle a une population inférieure de 13,03 % à la moyenne départementale : comment pouvez-vous dès lors prétendre qu'un écart de 9,66 % est inacceptable à Metz ? Vous auriez pu au moins instaurer une égalité entre la population de la nouvelle troisième circonscription et la moyenne départementale. C'était facile, il suffisait de ne rattacher que le nombre de bureaux de vote nécessaire. Mais vous vouliez un maximum de bureaux de vote très à droite ! Vous êtes allé bien au-delà du nécessaire, recréant un écart démographique injustifié.

M. Gérard Collomb.  - Quel règlement de comptes !

M. Jean Louis Masson.  - Et le Gouvernement a transmis à la CCRE des chiffres totalement faux. Eh oui ! Vous avez délibérément sous-évalué la population du canton de Metz III concerné par le charcutage. J'ai été le premier à m'en rendre compte à la lecture du Journal officiel. Vous-même, monsieur le ministre, avez finalement été obligé de le reconnaître dans votre réponse à une question écrite publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 20 octobre 2009. En fait, le charcutage à l'intérieur de Metz III est tellement tordu qu'initialement, l'Insee était incapable d'évaluer la population concernée.

M. Jean-Pierre Bel.  - Édifiant !

M. Jean Louis Masson.  - Le Gouvernement en a profité pour inventer de toutes pièces sa propre estimation. Cette manipulation des chiffres ne pouvait être le fruit du hasard ; elle était si énorme qu'elle sautait aux yeux. (L'arrivée dans l'hémicycle de M. Charles Pasqua est saluée, à gauche, par des compliments ironiques)

M. Guy Fischer.  - Le maître vient voir son élève !

M. Jean Louis Masson.  - Mais la seule obsession du Gouvernement était de récupérer tous les bureaux de vote de droite au profit du député M. Grosdidier. Pour la Moselle -et pour elle seule- la commission de contrôle a délibéré à partir de chiffres manipulés ! Un tel vice de forme entache encore plus la procédure d'adoption de l'ordonnance. Ce sera un élément important pour la saisine du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je n'ai entendu aucun argument pour justifier un renvoi en commission. La Moselle est chère au coeur de tous les parlementaires et en particulier de M. Masson. Lequel aura encore trois minutes, à l'occasion de son amendement, pour nous entretenir de cette belle région. La commission n'a pas délibéré sur la motion de M. Masson mais à titre personnel j'y suis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable.

A la demande du groupe UMP, la motion n°27 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 140
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.