Sauvegarde du service public de la télévision

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision, présentée par M. Jack Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Discussion générale

M. Jack Ralite, auteur de la proposition de loi.  - Le 10 mai, j'ai rappelé ici, devant un auditoire clairsemé, que le candidat Sarkozy avait déploré en son temps le sous-financement de l'audiovisuel public. Dans la commission Copé, j'ai comparé la situation de l'audiovisuel public à celle d'un enfant que ses parents refuseraient de reconnaître. Par la suite, le Conseil constitutionnel a validé la loi de mars 2009 sous la réserve expresse que la suppression de la publicité soit chaque année compensée, sous peine d'affecter l'indépendance de France Télévisions. En octobre 2009, la Cour des comptes relevait la situation fragile du groupe. Enfin, le 10 mai, M. Maurey -qui avait voté la loi- reconnaissait que la situation s'était détériorée, tandis que M. Assouline -qui l'avait votée- la jugeait gravement fragilisée. Tout ceci explique certainement que le Gouvernement n'ait pas créé le comité de suivi qu'il avait promis...

TF1-Bouygues conteste à Bruxelles la taxe sur la publicité ; la Commission européenne, elle, conteste tout, la taxe, la dotation budgétaire, jusqu'à l'aide envisagée par l'État au développement du média global. Dans le même temps, l'État a amputé de 35 millions d'euros la dotation de 450 millions votée par le Parlement... C'est dans contexte qu'arrive le plan de non-rigueur Sarkozy-Fillon, dont on sait comment il s'appliquera à France Télévisions.

On nous annonce un rapport haut en couleurs, celui de Mme Morin-Desailly -le mien est-il si pâlot ? On mesure les euros au centime près, mais TF1 obtient facilement que la taxe qui le frappe soit réduite, nonobstant les cadeaux qu'on lui a faits. Comme le disait La Bruyère, « s'il est vrai que les riches soient colères, c'est que la moindre chose puisse leur manquer, ou que quelqu'un veuille leur résister ».

J'avais proposé en avril 1999 un texte organisant un financement mixte du service public de l'audiovisuel, faisant une part aux ressources publicitaires, mais avec un service collecteur séparé de la programmation, les tarifs ne dépendant que de l'heure de diffusion, sans prise en compte de l'audience. Cette proposition de loi a été expédiée ici en trois minutes !

En octobre 2209, la Cour des comptes relevait que la question du périmètre du groupe ne saurait être exclue de l'évaluation de la réforme. En 2001, dans son livre Libre, Nicolas Sarkozy abordait cette même question et estimait que le maintien de quatre chaînes se concurrençant au détriment de leur nécessaire complémentarité ne lui paraissait pas soutenable -évoquant alors la privatisation de France 2. En 1992, M. Minc avait déjà évoqué la régulation audiovisuelle, « remède de cheval version droite ».

La fin de la publicité diurne organisant le déficit du service public, le but n'est-il pas de conduire à la privatisation, tandis que qu'on développe une politique active de soutien au déploiement de « champions nationaux » ? M. Messier, dit J6M, a préfiguré cette évolution.

L'universitaire Pierre Musso juge que « le néolibéralisme sarkozien a pour noeud gordien cette nouvelle dialectique de l'État et du marché : un État géré comme une entreprise et des entreprises champions soutenues par l'État néolibéral sur un marché mondialisé. » Et Pierre Legendre : « La paix gestionnaire est une guerre ». Il y a là un compagnonnage que l'Élysée tente de masquer, mais le marché est de fait au Gouvernement ! Il est indécent de dire « Ce n'est pas moi, c'est le marché » ! Je connais mes oncles et mes cousins, je connais nombre d'entre vous, j'ai même connu Georges Marchais, mais je n'ai jamais rencontré le marché -une simple construction, non un état de nature. Comme le remarque la philosophe Myriam Revault-d'Allonnes, « ce qui caractérise le néolibéralisme, c'est que l'économie de marché n'est plus un principe de limitation de l'État, mais le principe de régulation interne (...) de son existence et de son action ». J6M disait adorer cette phrase de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront. »

Nous ne nous habituerons jamais.

Nous demandons un vote sur cette proposition de loi, sur la publicité diurne assurant l'indépendance de l'audiovisuel public -à condition de solliciter d'autres financements, l'assujettissement des résidences secondaires à la redevance et à une mise à contribution des chaînes privées plus élevée qu'aujourd'hui. Nous proposons aussi la fin de la privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions.

En outre, le pouvoir exécutif ne devait plus pouvoir adresser d'instruction à France Télévisions, dont le conseil d'administration devrait élire son président. Que la pensée et l'imaginaire gagnent la haute mer ! Nous voulons contribuer à un départ nouveau de la télévision. Comme le disait Rimbaud : « J'ai tendu des cordes de clocher à clocher (...) des chaînes d'or d'étoile à étoile et je danse ». (Applaudissements à gauche)

M. Jack Ralite, rapporteur de la commission de la culture.  - J'interviens en maintenant en tant que rapporteur, pour dire d'abord que la majorité de la commission a préfère attendre le rapport de contrôle budgétaire de la télévision, conduit avec la commission des finances, selon une pratique nouvelle qui se généralise, et qu'elle souhaite maintenir l'absence de la publicité diurne sur les chaînes publiques.

J'ajouterai maintenant des observations de procédure. Il est normal qu'une proposition de loi soit rapportée par un parlementaire de même sensibilité que ses auteurs. Rappelez-vous M. Karoutchi qualifiant la révision constitutionnelle de « révolution », en refroidissant le mot. Il nous est précisé que les textes issus de l'opposition sont discutés selon les modalités précisées par la Conférence des Présidents : le texte discuté est celui déposé ; aucune question préalable ni motion d'irrecevabilité ne sont admises.

Le groupe CRC-SPG utilise son droit de tirage mais le texte sera renvoyé en commission. Il n'y aura donc pas de débat ! La proposition de loi de M. Foucaud vient de bénéficier d'un vote grâce à la courtoisie du Sénat, nous a dit M. Arthuis. Très bien ! Pourquoi une telle différence de traitement ? Que suis-je pour ne bénéficier ni de la courtoisie sénatoriale, ni du consensus intervenu entre les groupes ? On me dit que le renvoi en commission n'est pas interdit et qu'un vote finira par intervenir après le rapport de contrôle budgétaire.

Finalement, la Conférence des Présidents a dit une chose et son contraire. Refusant d'en faire autant, je ne présenterai donc pas le renvoi en commission. Il est temps que la Conférence des Président interdise aussi le renvoi en commission, ainsi que Mme Borvo Cohen-Seat l'a demandé au président du Sénat, qui renvoie au groupe de travail sur la réforme de notre Règlement.

La pratique d'aujourd'hui n'est que la restauration du fait majoritaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - La réforme de l'audiovisuel public est essentielle, qui permet sa pérennisation et sa refondation.

Il y a dix jours, nous avons esquissé ici un premier bilan de la mise en oeuvre. Tout d'abord, la fin de la publicité en soirée permet aux chaînes publiques de renouer avec leurs exigences culturelles. Les fausses confidences de Marivaux ont été présentées en première partie de soirée et regardées par deux millions de téléspectateurs, soit 9,6 % de l'audience. La tyrannie de l'audimat a vécu !

Certains estiment qu'il faudrait en rester là. Or, libérer la télévision publique de la contrainte commerciale est juste.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Tout à fait !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - J'ajoute que les téléspectateurs apprécient. Il y a là un encouragement.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - C'est juste.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Les chaînes de télévision financent massivement la création, un dispositif vertueux à maintenir.

La télévision publique doit être financée par des fonds publics ; la télévision privée doit l'être par la publicité. (M. Jean-Pierre Plancade approuve)

L'indépendance de France Télévisions est-elle menacée par les nouvelles procédures de nomination ? L'État actionnaire assure ses responsabilités mais avec des garanties substantielles. M. Hees a été nommé à la tête de Radio France selon cette nouvelle procédure. Ce professionnel a des compétences remarquables. Le même sérieux entourera la nomination du successeur de M. de Carolis : tout comme le Président de la République, je veux qu'il porte haut les couleurs du service public. Vous serez bien entendu associés à cette nomination, comme le prévoit la loi.

L'indépendance de France Télévisions est liée au financement, désormais déterminé par la loi, qui ajoute à la redevance une contribution budgétaire pérenne ! C'est un facteur de sérénité. En outre, le contrat d'objectifs et de moyens prend en compte la disparition progressive de la publicité à l'horizon 2011, date à laquelle la diffusion analogique aura disparu.

La dotation budgétaire 2009 avait été estimée à 450 millions, mais les recettes réellement encaissées ont largement dépassé les prévisions. D'où la réduction, conforme à une gestion responsable des deniers publics.

Bien que la dotation budgétaire complète le produit de la redevance, celle-ci conserve sa part dominante. Comme vous, je suis très attentif à son évolution. Elle est indexée sur l'inflation, ce qui garantit son dynamisme. Les recettes globales de la redevance ont progressé de 3,7 % entre 2008 et 2009 ; elles augmenteront de 4,3 % en 2010 et de 3 % les trois années suivantes.

« Le mouvement se prouve en marchant » a dit le philosophe. Je vous ai montré le mouvement des ressources de l'audiovisuel public. Cela devrait vous rassurer.

La loi du 5 mars 2009 a créé des taxes, qui sont sans lien avec le financement budgétaire de France Télévisions. La taxe sur la publicité télévisée a été réduite en raison des difficultés du secteur, mais elle demeure. Nous contestons d'autre part les griefs de la Commission européenne contre la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

La réforme engagée est au milieu du gué ; ses conséquences sont prises en compte. Dans ce contexte, renoncer à l'ouverture du capital de la régie publicitaire serait contreproductif. Le Gouvernement approuve le choix responsable fait par le conseil d'administration de France Télévisions d'autant qu'après 2011, certaines publicités subsisteront. Le processus est transparent.

La suppression de la publicité fait l'objet d'un processus d'évaluation. Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement remettra un rapport faisant le point sur la suppression de la publicité en soirée. Dans cette attente, il rejette cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - J'ai été attentive aux propos de M. Ralite : il est indispensable de sauvegarder les ressources de France Télévisions. Mais pourquoi ne pas tenter de les accroître ?

Le développement de France Télévisions repose sur des financements adéquats mais aussi sur sa différenciation de l'offre par rapport à ses concurrents. Avec l'arrivée des chaînes de la TNT et le boom d'internet, la télévision publique doit se singulariser pour être un des grands vecteurs de la culture. Sa survie en dépend. Ces défis ne sont donc pas exclusivement financiers, ce que la loi de 2009 prend en compte.

Cette réforme est bien engagée mais reste au milieu du gué. Le Parlement doit contrôler l'action du Gouvernement : sans complaisance, nous avons réaffirmé nos exigences lors du débat qui a eu lieu le 10 mars, à notre initiative. Nous n'avons d'ailleurs pas obtenu toutes les réponses à nos questions, monsieur le ministre, notamment à propos du groupe de suivi composé de huit parlementaires et au sujet du groupe de travail sur la redevance.

Nous nous étions inquiétés du financement du groupe France Télévisions. Ne faut-il pas ajuster le modèle économique prévu ? Si le comité de suivi n'a hélas pas été mis en place, notre commission de la culture a décidé dès novembre une mission de contrôle sur l'adéquation des marges de France Télévisions à ses missions. Le bilan d'étape précis de la réforme va être présenté. Certes, nous avons souvent légiféré dans la précipitation, mais doit-on modifier dès aujourd'hui la loi votée l'an passé ? La situation actuelle justifie-t-elle de rétablir la publicité après 20 heures ? Le visage éditorial actuel a été favorisé par sa suppression. Néanmoins, la situation financière de France Télévision reste fragile. Il n'y a pas lieu de crier au loup aujourd'hui et de remettre en cause le calendrier. Les décisions pour la régie publicitaire doivent être prises avant la fin de l'année, après le vote de la loi de finances pour 2011.

Rien ne justifie le texte d'aujourd'hui, sauf à vouloir court-circuiter le travail conduit avec M. Belot. Où serait la courtoisie ?

Il est raisonnable de reporter l'examen de cette proposition de loi. M. Ralite reconnaît que le rapport réalisé par M. Belot en 2000 était excellent. Ne faudrait-il pas attendre le dépôt de son nouveau rapport afin de disposer de toutes les données disponibles ? En outre, certains articles ne sont pas congruents. Les résidences secondaires assujetties à la redevance ? Nous l'avons proposé, mais ce serait insuffisant. Soyons plus ambitieux.

Autant nous devons nous saisir de ce débat en amont, autant il faut attendre avant de modifier la loi de 2009.

M. le président.  - Je vous demande de conclure.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La situation a changé du fait de la crise. Le déficit budgétaire s'est creusé. Nous prendrons nos responsabilités le moment venu. Il faut donc voter le renvoi en commission. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca.  - Quatre minutes de dépassement ! C'est inacceptable !

M. David Assouline.  - Cette proposition de loi arrive à un moment crucial pour l'indépendance de l'avenir de France Télévisions. Il n'y a que deux systèmes qui permettent l'indépendance : un système entièrement financé par la redevance -l'UMP ne l'a jamais voulu, ou un financement par la redevance et par la publicité.

Ce système a bien fonctionné pendant des années et a permis des changements éditoriaux, bien avant le vote de la loi de 2009. Quand nous disions que l'indépendance financière assurait l'indépendance politique, nous ne nous trompions pas. On connaît les pressions actuelles.

M. Alain Fouché.  - C'est faux.

M. David Assouline.  - J'ai mal pour le service public quand je vois comment sont traités les représentants de l'opposition et comment, avec quelle complaisance, est interrogé le chef de l'État. (Exclamations à droite) On dit aux Français qu'il manque 200 milliards dans les caisses de l'État et qu'ils doivent se serrer la ceinture. Et dans le même temps, on supprime 450 millions de recettes en mettant un terme à la publicité sur France Télévisions !

Les taxes qui devaient compenser la suppression de la publicité ne sont plus au rendez-vous, crise oblige ; Bruxelles s'oppose à la taxe sur les télécommunications : il faudra rembourser les sommes versées.

Pourquoi vous entêter? Il faut suivre M. Ralite, qui veut empêcher la suppression de la publicité avant 20 heures.

Le renvoi en commission est une manoeuvre antidémocratique. Notre position est partagée par de nombreux professionnels et par certains d'entre vous : le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale est lui-même d'accord avec nous. Mais comme les arbitrages ne sont pas encore rendus, par convenance politicienne, vous donnez un coup de canif aux principes démocratiques Avec cette motion de renvoi en commission, les droits de l'opposition sont bafoués. Sachez que l'opposition n'a pas vocation à le rester ! Cette indépendance que nous défendons, nous la voulons aussi pour demain. (Applaudissements à gauche)

M. Adrien Gouteyron.  - On a quelques souvenirs.

M. Alain Fouché.  - Des présidents de chaîne ont été maltraités.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Cette proposition de loi vient fort à propos et M. le ministre s'est expliqué. Je comprends le cri de douleur de M. Ralite, dont nous connaissons l'attachement au service public de la télévision.

Eustache de Saint-Pierre, dans un geste héroïque, est arrivé en chemise, la corde au cou, avec cinq de ses compatriotes, pour sauver les habitants de Calais. Aujourd'hui, M. Ralite fait un sacrifice comparable en demandant un financement privé du service public.

Je reste attaché à une idée simple : activité privée, fonds privés, activité publique, fonds publics.

L'indépendance financière passe par la redevance ; la publicité assure un diktat sur la télévision publique. Aujourd'hui la redevance représente 10 euros par mois et par foyer fiscal. Pour assurer le financement total, il faudrait ajouter 3 euros. Le rapport de M. Belot et de Mme Morin-Desailly, qui sera excellent, n'en doutons pas, proposera-t-il d'augmenter la redevance ? Allons au bout de la logique.

Le RDSE s'abstiendra donc sur cette proposition de loi, malgré ses qualités.

M. Jean Louis Masson.  - Nos concitoyens, surtout les plus modestes, sont suffisamment pressurés pour ne pas augmenter la redevance.

Bien sûr, il faut sauvegarder l'indépendance de la télévision, et notamment de la télévision publique.

La télévision publique ou privé connaît des dérives ; des sommes colossales sont consacrées à des émissions au ras des pâquerettes, et parfois en dessous. (Sourires)

Nous devons garder des recettes à France 2. J'étais contre la suppression de la publicité, qui avait pour but de permettre aux chaînes amies de récupérer de la publicité. Il faut donc taxer les chaînes privées qui proposent des émissions archinulles et qui font des ponts d'or à certains animateurs ou à des sociétés comme Endémol.

Je suis donc hostile au relèvement de la redevance et, si la publicité est supprimée sur les chaines publiques, favorable à un prélèvement plus important sur les chaînes privées. (Applaudissements sur certains bancs à droite)

Mme Colette Mélot.  - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi souligne l'intérêt que nous avons tous pour la télévision publique. Faut-il pour autant revenir sur la loi de 2009 ? Cette réforme est un succès et saluée par les téléspectateurs. Libérer la télévision publique de la publicité est une réussite culturelle et économique ; plus de 70 % de téléspectateurs sont satisfaits de la suppression de la publicité à la télévision publique après 20 heures.

La loi prévoit que sa suppression totale interviendra fin 2011, lorsque le basculement intégral vers la diffusion numérique dégagera des économies.

La redevance a été indexée sur l'inflation. La commission de la culture a engagé une réflexion sur son montant. Faut-il l'augmenter ? L'assiette doit-elle être élargie ? Notre commission avait proposé de l'étendre aux ordinateurs, voire aux résidences secondaires.

Le remplacement d'une recette publicitaire incertaine par une recette publique assurée est un facteur de sérénité.

A l'extinction de l'analogique, la part de ressources publiques représentera 95 % des recettes du groupe. Le service public doit se réinventer : France Télévisions doit devenir un média global. La loi de 2009 a prévu les conditions de cette modernisation. Revenir sur la suppression totale de la publicité serait une erreur.

On pourra ainsi mieux distinguer le service public des chaînes commerciales. En outre, il n'est pas envisageable de modifier cette loi un an après son vote : nous ne disposons pas du recul nécessaire, et France Télévisions a été en équilibre dès l'an dernier.

Le Sénat a créé une mission d'information qui a procédé à une trentaine d'auditions et doit publier ses conclusions cet été.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Colette Mélot.  - Prenons le temps d'attendre ce rapport. L'UMP votera le renvoi en commission et manifeste sa confiance dans le service public, à qui la réforme a permis de proposer une programmation plus ambitieuse et d'affirmer son identité. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Je vous informe que je suspendrai impérativement la séance à 13 heures, conformément aux décisions prises par la Conférence des Présidents.

M. Ivan Renar.  - Contrairement à ce qui s'est dit il y a dix jours et ce matin, il y a urgence car la télévision publique est gravement menacée. Notre proposition de loi tire les conséquences de la réforme de 2009 et offre des solutions. Les ressources publicitaires doivent être maintenues. Pour assurer la pérennité d'un service public de télévision, nous proposons un plan de sauvetage en six mesures.

Il faut maintenir la publicité en journée après 2011 pour assurer des ressources à France Télévisions. Certes, nous ne sommes pas les défenseurs de la publicité et des intérêts privés. Mais la télévision publique ne peut exister sans ressources publicitaires, à défaut de percevoir une redevance à la hauteur de ses besoins.

Comment croire que l'État aura les moyens et la volonté de compenser la diminution des ressources de France Télévisions après l'arrêt de la publicité en 2011 ?

Les nominations des dirigeants de la télévision publique par décret presidentiel posent problème. Alors que les rumeurs se font insistantes pour le successeur de M. de Carolis, il faut revenir sur les dispositions prévues en 2009. L'actuel président ne devrait-il pas être reconduit ? Son engagement n'a jamais fait défaut.

Les chaînes privées se concentrent, au point de menacer le pluralisme. Comment pourra résister France Télévisions face à cette coalition ? Pourquoi ne pas augmenter la redevance comme l'ont fait nos voisins européens ?

Comme il n'y a pas de démocratie sans séparation des pouvoirs, nous ne saurions tolérer que France Télévisions soit sous la coupe de l'exécutif. Le service public de la télévision se portera bien à condition qu'on le sauve. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin.  - En matière de télévision publique, il y a la peste - la dépendance envers le pouvoir- et le choléra, la publicité. Il y a un an nous étions mis devant le fait accompli avec la suppression de la publicité, mais les promesses faites n'ont pas été honorées.

Vous connaissez l'hostilité des Verts à la publicité, télévisuelle ou statique. Vertueuse en apparence, la posture du Gouvernement n'est hélas pas crédible, car il y a quelques semaines, les maigres avancées du Grenelle en matière de publicité ont été balayées par l'Assemblée nationale : les hypermarchés ont gagné.

Pour la télévision publique, il en va de même : sous prétexte que le groupe est en équilibre, les aides de l'État diminuent ! Le 15 janvier 2009, M. Thiollière affirmait en séance publique que le financement assuré. On nous a fait croire que l'indépendance financière l'était aussi ; il n'en est rien. Viendra-t-on nous dire que la seule solution réside dans la privatisation ? Les pépites de la télévision publique font briller les yeux des amis du pouvoir. L'avenir se lit plus dans le plan de table du Fouquet's que dans les déclarations d'intention : voyez le sort réservé à la régie publicitaire ! Heureusement, nous sommes encore en République : sans liberté de la presse, il n'y a plus de démocratie.

Cette proposition de loi est nécessaire et nous la voterons. Elle pose des principes à même sauvegarder le service public. (Applaudissements à gauche)

M. Adrien Gouteyron.  - Ce débat est important. La réforme était nécessaire et les efforts précédents sont déjà substantiels. Le ministre a été clair et précis. Les progrès sont évidents et les résultats économiques sont satisfaisants. Il ne faut pas relâcher l'effort.

La proposition de loi de M. Ralite repose sur des éléments largement faux. Nous avons débattu en 1986 de la réorganisation audiovisuelle. Or, à gauche, on dénonçait avec vigueur la publicité. Je ne vous reproche pas d'avoir changé d'avis. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline. - C'était il ya un quart de siècle !

M. Adrien Gouteyron.  - Je crois à un système dans lequel la télévision publique et la télévision privée jouent chacune leur rôle. Il ne faut pas stigmatiser l'une ou l'autre.

M. David Assouline. - Nous ne l'avons pas fait !

M. Adrien Gouteyron.  - Ne jetons pas l'opprobre sur telle ou telle, car nous avons besoin de grands groupes forts, qu'ils soient publics ou privés.

Du fait de la TNT, on assiste à une fragmentation de l'audience ; celle des grands groupes s'effrite. Dans le même temps, le marché publicitaire français s'érode, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins. Nous devons libérer la télévision publique de la contrainte de l'audience.

Pour sauver les uns, ne tuons pas les autres ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Vous étiez rapporteur de la loi de 1986...

M. Serge Lagauche.  - Nous ne transigerons pas sur les principes. Le financement de la télévision publique est assuré si les taxes affectées ne sont pas supprimées.

Sur les 450 millions prévus, seuls 415 ont été versés. Ne vendons pas non plus la régie publicitaire tant que la publicité n'est pas définitivement supprimée sur la télévision publique. Le service public doit être dégagé de la pression commerciale des annonceurs, mais il faut que son financement soit assuré après 2011. Les engagements du Gouvernement n'ont pas été tenus. Le dispositif proposé par cette proposition de loi est souhaitable la seule indexation de la redevance sur l'indice des prix ne suffira pas.

D'autres grands pays européens ont augmenté leur redevance. Faisons de même.

Cette proposition de loi est donc de circonstance. Nous nous opposons au renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Il est une heure : conformément à la décision de la conférence des présidents, je vais suspendre la séance.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - Je m'étonne que la commission ait été soupçonnée de discourtoisie, alors que deux sujets majeurs comme le bouclier fiscal et le service public de la télévision ne peuvent être débattus en quatre heures. Inéluctablement, l'examen de deux propositions de loi imposait un renvoi en commission.

Nous avons tous beaucoup d'estime pour M. Ralite ; c'est bien pour cela que nous lui avons proposé de rapporter son texte.

Nous reprendrons, le moment venu, ce débat, important.

La séance est suspendue à 13 heures 5.

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présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.