Modernisation de l'agriculture (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels avant l'article 3 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°256, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG

Avant l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer peut, sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs, adresser un avis d'alerte économique et sociale à l'autorité administrative dès lors que les prix d'achat aux producteurs franchissent les niveaux de prix indicatif définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession. Il adresse également un avis d'alerte en cas de non répercussion de la baisse des prix d'achat sur les prix aux consommateurs.

M. Gérard Le Cam.  - FranceAgriMer contribue à la juste rémunération du travail des professionnels dans le respect des intérêts des usagers. L'article 621-3 du code rural dispose que cet établissement a un rôle d'alerte en cas de crise. Notre amendement conforte ces attributions pour combattre les aléas dont pâtissent les producteurs, quand leurs prix sont trop bas ou les consommateurs quand les baisses ne leur sont pas répercutées.

M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie.  - Avis défavorable, au nom du rôle que devra jouer l'Observatoire des prix et des marges.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - L'intention est louable, mais aux attributions connues de l'Observatoire, s'ajoute l'accord signé entre les producteurs et les distributeurs. L'amendement est donc sans objet. Nonobstant FranceAgriMer fournira des indications objectives sur les variations de prix par produits.

M. Gérard Le Cam.  - Il semble que les missions nouvelles de l'Observatoires n'aillent pas très loin.

L'amendement n°256 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°257, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en oeuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d'un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en oeuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - M. Sarkozy a annoncé que des décisions fortes seraient prises pendant la présidence française du G20 pour mieux réguler les marchés. Fort bien, mais il faut préciser les objectifs.

M. Gérard César, rapporteur.  - Cette disposition ne relève pas de la loi mais d'une résolution européenne.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous suivons cette stratégie mais à l'échelle européenne.

L'amendement n°257 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°258, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en oeuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions et l'activation d'outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'intérêt des stocks temporaires de céréales a déjà été souligné par les ministres il y a un an, au G8, ce qui permetrait de lutter contre la spéculation. Dans la perspective de la nouvelle PAC, il faut rétablir les quotas et revenir sur les OCM, en particulier celle du vin.

M. Gérard César, rapporteur.  - Défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Limiter la production n'a pas le même effet selon les productions. Les quotas n'ont pas été efficaces contre la crise du lait ; en matière viti-vinicole, par contre, une libéralisation des plantations n'aurait pas de sens. Quoi qu'il en soit le sujet relève de l'Union européenne.

L'amendement n°258 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°259, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire l'activation d'un programme européen d'aide en direction des pays tiers afin de garantir aux populations locales l'accès à la terre, une formation aux métiers agricoles, et de leur permettre d'acquérir le matériel agricole nécessaire.

M. Gérard Le Cam.  - L'aide au développement doit déboucher sur la souveraineté alimentaire des peuples, alors que la crise alimentaire mondiale et la volatilité des cours font craindre un « partage néocolonial » des matières premières agricoles, selon l'expression de M. Abou-Diouf, directeur de la FAO.

M. Gérard César, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui relève d'une résolution européenne.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'Union européenne finance 54 % de l'aide au développement. Des décisions doivent être prises dans le cadre du G20, concernant en particulier la stabilisation des prix des matières premières. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement est comparable à celui de M. Revet, adopté la semaine dernière. La FAO s'efforce de privilégier les actions d'ensemble, plutôt que les décisions ponctuelles. Je l'ai bien compris quand au moment de la crise du lait en France nous avons cherché à éviter ce gâchis que constituait le déversement de milliers de litres de lait.

L'amendement est justifié, mais je comprends l'opinion de la FAO. Je ne voterai pas l'amendement.

M. Paul Raoult.  - Les quotas laitiers ont fort bien fonctionné depuis leur création en 1984 jusqu'à l'année dernière. L'effondrement des prix est dû aux nouvelles mesures de gestion prises à Bruxelles, compromettant la gestion coordonnée des volumes et des prix payés aux producteurs.

Aujourd'hui, la production sucrière est encore organisée en fonction du marché mondial, avec un prix garanti dans la limite du « quota A ». Au-delà, le producteur prend les risques qu'il veut.

La France peut défendre son point de vue. Je ne crois pas à la négociation avec les industriels en l'absence de régulation maîtrisée.

Alors que cette politique avait été appliquée par des gouvernements de gauche et de droite, c'est parce que Bruxelles a lâché les rennes que la situation est devenue insupportable ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Muller.  - La question foncière est cruciale dans les pays où les populations peinent à se nourrir. Parfois, les paysans sont chassés de leurs terres, par des pays et des firmes qui rachètent des milliers d'hectares pour produire des agro-carburants.

Avec les accords de Yaoundé, puis de Lomé, l'Europe joue un grand rôle depuis longtemps dans les relations Nord-Sud. Mais je voterai l'excellent amendement de nos collègues, car il va au bout de notre logique.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même si nous poursuivons le même objectif, deux convictions nous séparent : vous croyez à la gestion administrative de l'offre, qui n'est plus d'actualité en Europe ; les prix du lait sont remontés grâce à l'intervention sur le marché, les quotas yant été impuissants à en enrayer la chute..

En outre, je ne défendrai pas une position nous exposant à l'échec, à l'instar du sort subi en son temps par M. Glavany, complètement isolé. Je préfère tenter de faire avancer nos idées auprès de nos partenaires.

L'amendement n°259 n'est pas adopté.

Article 3

M. Gérard César, rapporteur.  - Cet article majeur a été réécrit par la commission pour réaffirmer la primauté de l'accord interprofessionnel et pour élargir le champ du contrat passé entre les producteurs et les acheteurs.

Mais l'article 3 fixe les règles du jeu en définissant un socle minimal, complété par l'alinéa 32 de l'article 7.

Le contrat est gagnant-gagnant, puisqu'il sécurise la vente du producteur et l'approvisionnement de l'acheteur.

Souplesse et équilibre : tels sont les objectifs de votre commission.

M. Claude Biwer.  - La loi d'orientation agricole de janvier 2006 tendait à garantir les revenus des agriculteurs dont on connaît la dégringolade en 2008 et 2009.

Le titre 2 comporte des dispositions pertinentes permettant aux agriculteurs de défendre leur part dans le partage de la valeur ajoutée. La modernisation de l'agriculture passe par l'harmonisation de la réglementation européenne, par la simplification des contraintes administratives, pour en finir avec les contrôles tatillons, notamment en matière environnementale, mais aussi par la contractualisation. Le rôle des coopératives est primordial à cet égard. Il serait intéressant de suivre leur action.

S'agissant de contrats, l'essentiel est de connaître leur contenu. J'ajoute que les sanctions infligées en cas d'absence de propositions de contrat sont excessives. Mieux vaut s'en remettre aux interprofessions.

Nous avons besoin d'une véritable politique européenne permettant aux agriculteurs de vivre de leur travail, pas de subventions.

M. Gérard Le Cam.  - Le monde agricole connaît une crise sans précédent, ayant conduit le Président de la République à dénoncer l'insuffisance de la régulation, mais rien n'a été fait malgré la feuille de route prometteuse remise à M. Barnier.

Cet article est une nouvelle déception pour le monde agricole, car de nouvelles formalités contractuelles ne mettront pas fin au déséquilibre entre les parties. On reste dans la logique de la LME. On constate aujourd'hui que les pressions exercées sur les producteurs restent considérables, au point que certains n'osent les dénoncer que sous couvert de l'anonymat.

La commission propose une rédaction améliorée, mais rien n'impose aux acheteurs de signer un contrat... Rien ne garantit un prix rémunérateur aux producteurs.

M. Yannick Botrel.  - La contractualisation assurera-t-elle une régulation satisfaisante ? Les agriculteurs sont dubitatifs. Voici que la Confédération générale du commerce interentreprises en doute aussi !

Les contrats seraient-ils identiques pour tous les producteurs ? On peut en douter s'ils ne sont pas collectifs. Les interprofessions devraient s'organiser en fonction de territoires homogènes, les bassins de production. Sinon gare aux distorsions comme on les rencontre en Suisse !

Qu'est-ce qui obligera un industriel à contractualiser ? Quel sort connaîtront les producteurs laissés pour compte ? Comment protéger les producteurs contre l'approvisionnement à l'étranger, surtout dans les zones frontalières ? D'autre part, comment faire en sorte que le contrat comporte un prix juste ? Qu'adviendra-t-il après la disparition des quotas ? Chaque pays pourra développer sa production.

Sans une régulation européenne des volumes, la contractualisation restera inopérante. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous arrivons au coeur du sujet, avec des prix en baisse pour les producteurs, en hausse pour les consommateurs.

Avant d'aborder la compétitivité, nous devons évoquer la justice, car trop d'agriculteurs subissent une situation dramatique. Ce que l'exposé des motifs évoque au passage en parlant de « relations loyales » : il faut remettre un peu de morale. Si la contractualisation ne marche pas sur ses deux pieds -la compétitivité et l'équité- elle marchera sur la tête.

D'où la notion de la « loyauté » dans l'exposé des motifs.

Il faut mettre fin à l'iniquité actuelle, mais l'article 3 est trop timoré, car il n'interdit pas la vente à perte par les producteurs.

Au titre premier nous avons inscrit l'accès à l'alimentation dans des conditions économiques acceptables par tous. Tirons-en les conséquences pour donner un visage humain à la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Cet article est la tête de gondole (sourires) du Gouvernement dans ce texte, car la contractualisation devient l'alpha et l'oméga de la stratégie proposée.

La commission a déjà introduit des avancées, avec un rôle accru des interprofessions.

Le groupe socialiste est toujours favorable à la contractualisation, mais à condition que les agriculteurs puissent vivre des fruits de leur travail. Or, rien ici ne garantit un prix supérieur au prix de revient.

Jamais autant de contrats territoriaux d'exploitation n'ont été signés -malgré la dérive bureaucratique du dispositif.

Il suffirait d'ajouter 10 centimes au prix des abricots ou 20 à celui des pêches pour obtenir un prix acceptable. Si les agriculteurs sont au pied du mur, l'objectif d'un prix rémunérateur ne sera pas atteint.

Monsieur le ministre, nous vous exhortons à faire le nécessaire pour rallier les États membres à la position de la France en faveur d'une contractualisation forte ! Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Muller.  - Le titre 2 donne la priorité à la compétitivité de notre agriculture. Voilà qui fleure bon des grandes orientations des lois des années 1960.

Cette approche à court terme est décalée, car notre agriculture s'est profondément modifiée en un demi-siècle. La polyculture-élevage à la ferme a quasiment disparu. Cette nouvelle forme de production, comme le recours à des semences à haut rendement, exigent plus d'intrants.

Mme Nathalie Goulet. - Pas dans l'Orne !

M. Jacques Muller. - Ces deux évolutions augmentent notre dépendance envers le pétrole. Pour l'élevage, nous dépendons de l'importation de protéines.

Or, nous devons défendre notre souveraineté alimentaire tout en réduisant les dégâts environnementaux, comme l'avait prévu le Grenelle.

Cette loi aurait permis de tracer des perspectives susceptibles d'être reprises au niveau européen. En outre nous devons aussi enrichir l'agriculture en emplois : des productions se développent pour les circuits courts, à encourager.

Toutes ces évolutions relèvent du niveau européen. Certes, mais rappelons nous qu'en 1957 nous avons pris des initiatives relayées ensuite par Bruxelles. Faisons de même aujourd'hui.

Ces dispositions ne doivent pas servir d'alibi pour ne pas aller plus loin vers l'Europe.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il ne s'agit pas d'augmenter la productivité de nos exploitations, mais la compétitivité de notre agriculture! L'Union européenne est passée en quelques années d'une politique de l'offre administrée à une politique de la demande où c'est le consommateur qui décide. Nous assumons l'idée que la production alimentaire est décidée en fonction du consommateur.

Dans cette optique, nous abandonnons les quotas, que je vous mets au défi de rétablir le jour venu ! Il est cependant hors de question de laisser le producteur rural sans contrat, pieds et mains liées face à l'industriel qui décide souverainement.

Nous entourons ces contrats d'un certain nombre de garanties. Je n'ai jamais prétendu que ceux-ci étaient la solution unique et miraculeuse : il faut avoir une régulation européenne, c'est-à-dire une politique de stocks, un observatoire, une modification du droit de la concurrence. Aujourd'hui, 400 producteurs produisant 300 000 litres de lait sont dans l'impossibilité de se grouper face aux grands industriels. Le rapport de forces doit être équitable.

Le prix de revient ? Celui-ci est très différent d'une région à l'autre, et même dans une région : les coûts de production en Haute-Normandie peuvent varier de 15 centimes du litre d'un canton à l'autre ! Il faut que deux producteurs proches en distance aient des coûts comparables, en amenant le moins compétitif à égaler le plus compétitif ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Mme la présidente.  - Amendement n°74 rectifié bis, présenté par MM. Couderc, J.P. Fournier, Milon et Dufaut.

Alinéa 11

Après la référence :

I. -

insérer les mots :

« A défaut d'accord interprofessionnel ou de décision interprofessionnelle rendue obligatoire prévoyant un contrat-type interprofessionnel,

M. Raymond Couderc.  - L'amendement confirme la spécificité du régime interprofessionnel et limite l'application du contrat réglementaire dans le cas où l'accord interprofessionnel ne prévoit pas de contrat-type.

M. Gérard César, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par la rédaction de la commission.

L'amendement n°74 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°138, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 11

Au début de cet alinéa, insérer les mots :

Dans le but de garantir un niveau de rémunération décent aux agriculteurs,

M. Claude Bérit-Débat.  - Le revenu moyen par exploitation a diminué de 34 % l'an dernier, après 20 % l'année précédente, avec des différences considérables selon les producteurs. Ces pertes ne sont pas dues au hasard : elles sont une conséquence de la LME, qui a renforcé les pouvoirs de la grande distribution face aux producteurs, sans que les consommateurs s'y retrouvent.

Le prix du lait augmente en rayon quand il diminue pour le producteur !

M. Gérard César, rapporteur.  - Qui peut s'opposer à une rémunération décente ? Cet amendement est purement déclaratif, et l'article 3 répond à cette préoccupation.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'et l'ensemble des instruments que nous mettons en place qui vont dans le sens que vous souhaitez !

M. Claude Bérit-Débat.  - Il importe de rappeler que la recherche de la compétitivité ne justifie pas tout : je maintiens l'amendement.

M. Martial Bourquin.  - Les réponses qu'on nous fait ne suffisent pas. Notre agriculture est encore la deuxième au monde. Le consommateur ne peut être le seul critère. Il est trompé par la publicité et les prix d'appel sans forcément voir le rapport qualité-prix. Un pays doit avoir une économie énergétique, et aussi une souveraineté alimentaire. Les agriculteurs qui ont fait l'effort de se moderniser doivent être défendus ; ils ont droit à des prix rémunérateurs. On est tous d'accord sur l'objectif ? « Ça va mieux en le disant », dit le proverbe.

Le modèle du Gouvernement, est-ce la grande ferme avec 250 vaches ? L'agriculture vaut bien qu'on se réunisse sur l'essentiel. Si la régulation n'est pas inscrite dans les textes, il n'y aura que de bonnes intentions. Les agriculteurs ont fait de gros efforts : il faut les aider. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Non, nous ne souhaitons pas aller vers un modèle uniforme de l'agriculture. Ce n'est pas l'administration qui le décidera mais le consommateur, encouragé par l'administration, grâce notamment à l'étiquetage ou à la modification des règles des marchés publics : agir ainsi, c'est défendre un certain type de production agricole. De même, quand nous supprimons les pratiques de ristournes, nous favorisons encore la production française.

Non, ce n'est pas vers un libéralisme absolu que nous voulons aller ! Je récuse une telle idée. En revanche, j'assume l'idée de passer de la régulation administrative de l'offre au profit d'une régulation par les consommateurs.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - On a vu ce que la logique des prix administrés peut donner. Nous sommes d'accord sur l'indépendance alimentaire, mais je souffre quand je vois des camions de lait allemand en Poitou ! Il faut aider les revenus de l'agriculteur en agissant aussi sur les charges. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Didier Guillaume.  - J'entends ce que dit le ministre et j'y suis favorable mais pourquoi refuser de l'écrire dans la loi ? Le Président de la République s'est rendu dans le Lot-et-Garonne, mais il n'a parlé que de son prédécesseur, au point que la presse a titré « Règlements de comptes en Lot-et-Garonne » !

Le ministre nous dit que l'amour se borne aux actes ; il faut aussi des intentions ! (Sourires)

Comment admettre que les pêches achetées un euro au producteur de ma région sont vendues 2,5 euros à Paris ? Pourquoi tant de différences entre les prix de revient des agriculteurs ? Parce qu'on les a poussés à investir, à s'endetter : les tracteurs n'étaient jamais assez gros !

Nous aussi sommes capables de tenir compte des consommateurs, mais nous voyons que jamais les prix agricoles n'ont été aussi bas à la production et aussi hauts pour les consommateurs.

Donnez un signe aux agriculteurs !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous avons la faiblesse de penser que les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs ne sont pas contradictoires. Les intermédiaires, eux, s'enrichissent de manière indue.

M. Jacques Muller.  - Cet alinéa 11 ne parle pas encore des prix mais de contrats, qui « peuvent être rendus obligatoires ». Je ne comprends pas pourquoi on refuse de préciser que le cap est de faire en sorte que les agriculteurs vivent décemment.

M. Daniel Dubois.  - Cet amendement est une pure déclaration d'intentions. Peut-on être compétitif demain sans aborder la question des coûts de notre agriculture ? La constitution de la marge dans les différentes filières est aujourd'hui une boîte noire. C'est le consommateur, s'il est clairement informé que telle centrale d'achat ne joue pas le jeu, qui peut être l'arbitre de la répartition des marges. Mais cela ne règle pas la question du coût de la production. Avec les prix administrés, on risque d'amplifier le problème au lieu de le régler. (M. le rapporteur approuve)

Le groupe centriste juge que cet article ne va pas assez loin.

M. Daniel Soulage.  - En Lot-et-Garonne, j'y étais ! Cela faisait un bail qu'un ministre de l'agriculture n'avait pas atterri sur ces terres. La dernière fois, M. Rocard n'avait pas osé atterrir ! (Sourires) Vous, vous avez eu le courage de venir.

Autour de la table, tout le monde était présent, même les plus virulents.

M. François Patriat.  - La FNSEA !

M. Daniel Soulage.  - Oui, et puis le Modef, la Confédération paysanne, et aussi les distributeurs. La discussion a été calme et sereine, plus que je ne m'y attendais. Il est clair que le ministre bénéficie de la confiance de tous.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est donc gagné ! (Sourires)

M. Daniel Soulage.  - Je ne dis pas que c'est gagné, mais j'ai senti ce jour-là que tout le monde vous faisait confiance.

M. Yannick Botrel.  - Le fond du problème, c'est le prix payé aux producteurs, qui est toujours tiré vers le bas. La compétitivité peut être très variable, même entre exploitations voisines.

Nos amendements sont fondés, dites-vous, mais vous les rejetez. Souhaiteriez-vous un chèque en blanc ?

Il faudra bien que la question des prix soit abordée à un moment ou un autre puisqu'il figurera dans le contrat.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cette discussion est particulièrement riche et constructive.

Réveillons-nous du rêve de fixer un prix administratif. Ce n'est ni possible ni souhaitable. Nous avons construit un marché unique, dans lequel les marchandises circulent et les industriels achètent où c'est le moins cher. Si nos prix ne sont pas compétitifs, il y a importations. Celles de lait allemand ont augmenté de 70 % l'an dernier!

L'interprofession doit fixer une référence pour que les producteurs ne se retrouvent pas seuls face aux industriels. C'est la manière la plus sûre de rééquilibrer le rapport de forces.

La question essentielle est celle du lissage. Nous avons fait remonter en quelques mois le prix du lait de 230 à 330 euros la tonne. Avec cette loi, avec les contrats, nous lissons sur plusieurs années un prix très volatil...

Ce n'est pas à la loi qu'il revient de définir les coûts de production. Nous sommes en économie de marché ! C'est aux producteurs de tirer ces coûts vers le bas, et c'est à l'État de les aider, par exemple en diminuant les charges, monsieur Raffarin....

L'amendement n°138 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°505 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc et Carle.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste de produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire sera arrêtée avant le 1er janvier 2013.

M. Jacques Blanc.  - Pour s'engager, les agriculteurs ont besoin d'une échéance précise pour l'objectif à atteindre. De plus, l'année 2013 est celle de la nouvelle réforme de la PAC.

M. Gérard César, rapporteur.  - Laissons les interprofessions se saisir du problème !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Défavorable. De toute façon, le Gouvernement n'attendra pas 2013 pour reprendre la main si les interprofessions ne font pas le travail. Pour le lait, nous voulons que ce soit avant la fin de 2010.

M. Jacques Blanc.  - Je vous fais confiance à tous pour pousser les interprofessions.

L'amendement n°505 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°134, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

clauses relatives

insérer les mots :

à la durée minimale du contrat,

Mme Odette Herviaux.  - Il est vrai, monsieur le ministre, que vous êtes à la pointe du combat pour la régulation. Mais l'Europe ne se borne pas au Conseil, il y a aussi le Parlement. Les divergences apparaissent plus importantes entre les États que celles que j'ai déjà constatées au Parlement. Une petite partie seulement de la production suffit à faire varier le prix mondial dans des conditions qui rendent insupportable la libéralisation mondiale, c'est un point de désaccord entre nous.

M. Charles Revet.  - Mais non ! Nous sommes tous d'accord là-dessus !

Mme Odette Herviaux.  - Nous constatons qu'à l'alinéa 12, il n'est plus question de la durée minimale du contrat.

M. Gérard César, rapporteur.  - Je vous renvoie à l'alinéa 16 ! C'est à chaque interprofession de juger de la durée du contrat. L'amendement ne me paraît pas nécessaire mais qu'en pense le Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Sagesse. Il me semble que l'alinéa 16 vous satisfait, mais, si vous y tenez, pourquoi ne pas le répéter dans l'alinéa 12 ?

M. Gérard César, rapporteur.  - La commission aussi s'en remet à la sagesse de notre assemblée.

M. François Patriat.  - Les bonnes intentions du Gouvernement sont-elles à la hauteur ? Les agriculteurs affirment que les prix ne rémunèrent jamais la multifonctionnalité de l'agriculture, un terme que l'ancien Président de la République ne comprenait pas...

J'entends la difficulté à mettre en oeuvre un prix plancher. L'idée du contrat est généreuse ; nous l'avons défendue autrefois, mais comment améliorer la compétitivité de nos agriculteurs ? Le contrat est souhaitable, mais ne peut être obligatoire. Certaines professions, comme pour la viande, ont l'habitude de vendre de gré à gré.

Mme Odette Herviaux.  - La durée minimale doit figurer parmi les clauses obligatoires.

L'amendement n°134 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°602, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

du prix

insérer les mots :

faisant référence à l'observatoire des prix et des marges

M. Jacques Muller.  - Il y a un consensus sur un point : le prix est au coeur du contrat. Encore faut-il qu'il ne fasse pas que traduire le rapport de forces traditionnel entre producteurs et distributeurs. Il faut des repères. L'intervention de l'interprofession ne suffisant pas, nous voulons une référence explicite à l'Observatoire des prix et des marges.

M. Gérard César, rapporteur.  - Il n'est pas souhaitable que les prix soient exclusivement fondés sur les indicateurs fournis par l'Observatoire.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis.

M. Daniel Dubois.  - Comment le pot de terre peut-il négocier avec le pot de fer ? Soit on précise des références, soit on fait appel à un médiateur. Hélas, l'Observatoire fonctionne mal aujourd'hui ; le processus de constitution des marges est encore inconnu.

M. Gérard César, rapporteur.  - Nous allons améliorer la situation.

M. Daniel Dubois.  - Il faut assurer une bonne information de l'Observatoire, si nécessaire en infligeant des amendes. A défaut, nous serons dans un marché de dupes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Muller.  - Le ministre ne m'a pas convaincu. Faire référence à l'Observatoire n'est pas une révolution !

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie.  - L'amendement est satisfait pas le texte, qui assigne à l'Observatoire la mission « d'éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges ».

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Tous les syndicats agricoles demandent un médiateur : d'où la commission de médiation inscrite à l'alinéa 20. Nous examinerons ultérieurement les nouveaux pouvoirs confiés à l'Observatoire des prix et des marges. La question des sanctions est distincte de celle des contrats.

L'amendement n°602 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°137, présenté par M. Chastan et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 12, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ces contrats respectent le principe d'une juste rémunération des producteurs et de la transparence dans la fixation des prix des produits agricoles.

M. Yves Chastan.  - L'expression « juste rémunération » ne figure nulle part dans le texte. L'exposé des motifs dispose que les agriculteurs doivent pouvoir vivre décemment de leur activité, mais aucune garantie n'est apportée en ce sens, alors que les revenus agricoles se sont effondrés.

Les contrats doivent prendre en compte les difficultés économiques et sociales des agriculteurs. Qui continuera à produire si l'activité agricole ne permet pas de vivre décemment ? Notre amendement introduit en outre la transparence dans la fixation des prix : il faut savoir qui gagne quoi. Certaines marges sont indécentes. L'accord signé sous l'égide du Président de la République n'est qu'une mesure conjoncturelle.

Le contrat ne suffit pas en l'absence de garanties suffisantes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard César, rapporteur.  - Qui pourrait s'opposer à la juste rémunération des producteurs ? Mais l'amendement n'est qu'une déclaration d'intention. A regret, avis défavorable.

Mme la présidente.  - Amendement n°260, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 12, après la première phrase,

Insérer trois phrases ainsi rédigées :

Ils mentionnent également un prix minimum indicatif défini pour chaque production agricole par l'interprofession compétente. Ce prix minimum indicatif est revu régulièrement notamment afin de tenir compte de l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs. Les modalités de prix fixées par le contrat doivent aboutir à un niveau de prix au moins égal au prix minimum indicatif.

M. Gérard Le Cam.  - Lorsque les députés ont examiné l'an dernier la proposition de loi déposée par M. André Chassaigne, M. Raison, député, a invoqué la préparation du présent texte pour la repousser. Sans doute ignorait-il le contenu de celui-ci, qui est totalement muet sur la régulation ! C'est irresponsable dans le contexte actuel de baisse des prix.

Les agriculteurs et les pêcheurs ne veulent plus être considérés par les intermédiaires comme des variables d'ajustement.

La séance et suspendue à 16 heures 50.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 17 heures.