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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Convocation du Parlement en session extraordinaire

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt d'un rapport

Rénovation du dialogue social (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Discussion des articles

Article 11

Article 34

Rappel au Règlement

Crise financière européenne (Questions cribles thématiques)

Article 65 de la Constitution (Conclusions de la CMP)

Violences faites aux femmes

Discussion générale

Mise au point au sujet d'un vote

Proposition de résolution

Conférence des Présidents

Violences faites aux femmes (Suite)

Discussion générale (Suite)




SÉANCE

du mardi 22 juin 2010

118e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Convocation du Parlement en session extraordinaire

M. le président.  - J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 22 juin 2010 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2010. Je vais vous faire distribuer en séance ce décret.

La Conférence des Présidents, qui se réunira aujourd'hui à 19 heures, permettra d'envisager le programme de la session extraordinaire. Lecture des conclusions sera donnée en séance et l'ordre du jour vous sera communiqué à la reprise de ce soir.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 21 juin 2010, qu'en application de l'article 62-1 de la Constitution, le Conseil d'État et la Cour de cassation ont adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité.

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. Dominique Latournerie, président la Commission nationale des accidents médicaux, a transmis au Sénat le rapport pour 2008-2009 de la Commission nationale des accidents médicaux.

Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.

Rénovation du dialogue social (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la CMP.  - Nous arrivons au terme de l'examen de ce texte visant initialement à transposer les accords de Bercy. Un volet « infirmières » a été introduit par le Gouvernement, outre diverses dispositions relatives au statut de la fonction publique.

En première lecture, le Sénat a ratifié le premier volet des accords de Bercy, pour aboutir à un dispositif modernisant le dialogue social dans les trois fonctions publiques : critères de représentativité des syndicats, conditions d'accès aux élections professionnelles, élargissement du champ de la négociation, protection des délégués, critères de validité des accords.

La rénovation du dialogue ne doit cependant pas niveler les particularismes des trois fonctions publiques. Dans les comités techniques de la fonction publique territoriale, le rôle du représentant de l'employeur est maintenu.

Nous avons voulu préserver l'identité de chaque fonction publique, sans porter atteinte au mouvement de convergence. A l'initiative de la commission des lois, le Sénat a renforcé l'articulation entre le Conseil commun et les trois conseils supérieurs et procédé à des ajustements techniques relatifs, notamment, à la consultation des comités techniques de la fonction publique territoriale sur l'action sociale des collectivités ou la promotion des agents titulaires.

Il a également précisé le régime transitoire et son calendrier. Les cycles électoraux sont harmonisés en deux temps, pour atteindre la simultanéité à la fin de 2014.

Le deuxième volet tire les conséquences pour leur retraite du reclassement des personnels infirmiers en catégorie A. Nous nous en étions remis à la commission des affaires sociales, que je remercie de son travail. Nous avions insisté sur la nécessité d'informer complètement les intéressés. Mme Bachelot s'y est engagée. Le Sénat a adopté sans modification l'article 30.

M. Jacques Mahéas.  - Hélas !

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur.  - La troisième partie, substantielle, rassemble des dispositions diverses, introduites à l'initiative des députés, relatives notamment à la prise en compte de la performance individuelle et à l'intéressement collectif. Le Sénat a renforcé le suivi médical post-professionnel des agents de la fonction publique territoriale. L'expérimentation de l'entretien professionnel d'évaluation est prolongée faute de décret.

La CMP est parvenue rapidement à un accord ne nécessitant que deux rectifications marginales. Le texte offre un cadre favorable à un vrai dialogue social, avec des syndicats à la légitimité confortée.

Les infirmières devront pouvoir exercer en toute transparence leur droit d'option ; nous y serons vigilants.

Je vous propose d'adopter ces conclusions avec deux amendements de correction. (Applaudissements à droite)

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - C'est avec plaisir que je vous retrouve sur ce texte qui résulte d'un accord historique, conclu en juin 2008 avec six organisations syndicales sur huit...

M. Jacques Mahéas.  - Pas tout le texte !

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - ... accord auquel le Gouvernement a entendu être aussi fidèle que possible. Il souhaite ainsi faire prévaloir la concertation et le compromis.

La participation des agents publics reposera sur deux principes : l'élection est la source de la représentativité ; la négociation doit prendre le pas sur la confrontation.

L'élection devient le fondement de la représentativité. Tout syndicat constitué légalement depuis au moins deux ans pourra se présenter aux élections professionnelles -c'est un signe d'ouverture. La culture de la négociation doit se généraliser à tous les niveaux de l'administration et son champ dépasser celui de la seule négociation salariale. Ce texte crée un Conseil commun aux trois fonctions publiques, garantissant son unité, sans unification : le Gouvernement n'entend pas déposséder les conseils supérieurs actuels. Si chaque versant de la fonction publique a son histoire et ses spécificités, qu'il faut reconnaître, le service de l'intérêt général doit primer.

Le paritarisme numérique ne sera plus obligatoire. Dans la fonction publique hospitalière, il n'existe déjà plus depuis vingt ans ; il était très formel dans la fonction publique d'État. Pour la fonction publique territoriale, nous avons entendu les élus et maintenu l'essentiel des principes du paritarisme. La collectivité sera libre d'opter pour lui. Nous sommes ainsi respectueux de la libre administration des collectivités locales. Je le dis comme secrétaire d'État, comme élu local et comme maire.

Une période transitoire permettra de faire évoluer les règles de validité des accords ; le processus est engagé vers l'accord majoritaire. Dans un premier temps, seront valides les accords signés par 20 % des représentants du personnel, sans soulever l'opposition de plus de 50 % d'entre eux. Nous nous inspirons de ce qui existe dans la fonction publique hospitalière et territoriale. L'opération est complexe : des dizaines d'instances sont concernées. Nous procéderons donc en deux étapes jusqu'en 2014.

Ce texte témoigne de la place que le Gouvernement entend donner au dialogue social dans la fonction publique. Le consensus syndical a prévalu : entendons-le ! Reconnaissons la novation de ces accords, même si le Gouvernement se réserve le droit de les amender.

Je remercie le président Hyest et le rapporteur. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Jacques Mahéas.  - Nous concluons l'examen d'un texte discuté tambour battant. Pourquoi ? A croire que nous n'avons pas la même conception du dialogue, monsieur le ministre.

Le dialogue social suppose une volonté commune d'aboutir à une solution acceptable par les deux parties. Or, ce texte comporte des mesures massivement rejetées par les organisations syndicales, alors même qu'il pose la règle des 50 % ! Le troc de la catégorie A en échange d'un report de l'âge de la retraite pour les infirmiers n'a été accepté que par un syndicat ayant recueilli 0,58 % des voix ! De même, l'intéressement collectif, introduit à la sauvette à l'Assemblée nationale, que les syndicats ont unanimement repoussé. Les articles les plus litigieux ont été adoptés conformes. Les infirmiers ont manifesté leur colère jusque pendant la CMP.

Avec le choix de la procédure accélérée, l'intention est claire : il s'agit d'escamoter la question de la pénibilité du travail, à la veille de la réforme des retraites. C'est la technique habituelle du ballon d'essai. Certes, les fonctionnaires doivent prendre leur part de cette réforme nécessaire, encore faut-il qu'elle soit juste. Or, vous frappez ceux qui ont travaillé tôt, souvent dans les métiers les plus éprouvants. Et la pénibilité sera mesurée à l'usure individuelle constatée par une incapacité à 20 % : seules 10 000 personnes sont concernées... sur 25 millions de salariés. La majorité des Français estime que la réforme des retraites est injuste.

Les fonctionnaires seront également frappés par l'augmentation du taux de cotisation à 10,55 %, alors que les insuffisantes augmentations du point d'indice ont déjà dégradé leur pouvoir d'achat. Cet alignement sur le privé n'est équitable qu'en apparence. Désigner les fonctionnaires comme des privilégiés n'est que de la démagogie. Encore avons-nous échappé au calcul de la pension sur les six derniers mois : avec les primes à prendre en compte, cela coûterait trop cher...

Simulacre de négociations que tout cela. Vous avez savamment ménagé les fuites, autant de ballons d'essai pour tester l'opinion : on accepte ainsi le mal pour éviter le pire... Nous craignons que les annonces de M. Woerth ne soient déjà intangibles et que les jeux soient faits ; le Parlement jouera le rôle de chambre d'enregistrement. Vendredi dernier, le Président de la République a demandé à M. Woerth de lui proposer au plus tard en septembre les évolutions envisageables sur la pénibilité et les carrières longues. Ce n'est qu'une manoeuvre dilatoire, à la marge et conditionnelle. D'ailleurs, M. Woerth se montre inflexible quant à l'âge légal et écarte toute compensation à l'augmentation des cotisations imposée aux fonctionnaires ; 0,28 % par an, c'est peu, dit-il. Les intéressés apprécieront.

Au nom du dogme de non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite, vous poursuivez les suppressions massives d'effectifs : 100 000 entre 2007 et 2010, 100 000 autres annoncées pour 2011-2013. L'éducation nationale est durement frappée chaque année. Le ministre a demandé aux recteurs d'élaborer des schémas d'emplois 2011-2013 et tracé des pistes, dont l'augmentation du nombre d'élèves par classe et une moindre scolarisation avant 3 ans. Vous supprimez des postes en Rased et confiez les remplacements à des agents contractuels alors que le Président de la République a déclaré il y a peu qu'il était prêt à envisager la titularisation des contractuels, officiellement au nombre de 850 000, en réalité 1 200 000, dont beaucoup occupent des emplois permanents.

Nous craignons l'institution de simples CDI de droit public, qui met en cause les fondements de la fonction publique. Vous rendez même possible le licenciement économique de fonctionnaires. Vous faites planer la menace d'un gel des salaires jusqu'en 2013 ; on dit même que l'augmentation de 0,5 % actée pour juillet serait remise en cause.

Quant à la réforme des collectivités, elle fait craindre d'autres lendemains qui déchantent.

Dans ce climat délétère, vous pratiquez exclusivement le monologue. Ce texte n'offre pas de solutions acceptables : il est instrumentalisé jusqu'à l'absurde, contenant des mesures passées en force et contraires à son objet. Nous ne pourrons le voter ! (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les règles du dialogue social, issues du statut du 19 octobre 1946, prévoient une forte implication des fonctionnaires, via leurs délégués dans les organismes paritaires. C'était la contrepartie de la faculté, pour l'administration, de modifier unilatéralement la situation des agents. Cela permet aux organisations syndicales de concilier défense des intérêts particuliers des salariés et intérêt général.

Ce texte devait être la transposition de l'accord de Bercy, terme d'un processus initié dès 2002 avec le Livre blanc. Il devait améliorer les règles et pratiques issues du statut de 1946. On ne peut que se féliciter de la volonté du Gouvernement de moderniser le dialogue social. La définition de la représentativité est une avancée. En revanche, nous déplorons le recul du principe du paritarisme. Certes, les débats ont permis de le préserver, notamment au sein des comités techniques.

Mais il devient une faculté et non plus une obligation. Avec la remise en cause de l'équilibre actuel, c'est la qualité du dialogue qui va en souffrir.

Nous sommes totalement opposés à l'introduction subreptice du nouveau régime de retraite des infirmières, à quelques mois de la réforme générale. Pourquoi cet empressement ? Curieuse conception du dialogue et mise en cause flagrante de la pénibilité de cette profession. Le Président de la République a pourtant reconnu qu'il s'agissait là d'un vrai sujet, dont il faudrait parler avec les syndicats. La pénurie de personnel, les horaires éprouvants, le sentiment de solitude s'aggravent et avec eux, les conditions de travail.

Dernier point : la mise en place de l'intéressement collectif, sur laquelle vous êtes passés en force contre l'avis des organisations syndicales. Vous imposez à la fonction publique une logique de concurrence et de rentabilité incompatible avec les missions de service public. Comment quantifier le rendement ? L'intensité de l'effort ?

Malgré quelques avancées, le texte suscite bien des craintes. La majorité des membres du groupe RDSE votera contre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce texte, qui devait initialement transposer les accords de Bercy, tient certaines de ses promesses mais, contrairement à ce que souhaitent les syndicats, il supprime l'obligation de paritarisme au sein des instances consultatives de la fonction publique, où ne se tiendra plus qu'un dialogue de sourds.

Vous introduisez dans la fonction publique une logique entrepreneuriale, avec une rémunération au mérite, calquée sur le secteur privé. Je ne comprends pas l'acharnement du Gouvernement, alors que les privatisations ont le plus souvent entraîné une dégradation du service et une augmentation de son coût.

Vous modifiez, au mépris de la fonction démocratique du Parlement, le régime de retraite des infirmières : ces personnels paieront leur propre revalorisation salariale. Nous ne pourrons voter ce texte.

M. Christophe-André Frassa.  - Le rapport de la CMP est consensuel : le groupe UMP s'en félicite. Le texte transcrit les accords de Bercy, approuvés par plus de 75 % des organisations syndicales. L'élection devient le pilier de la représentation syndicale. La négociation sera le socle fondamental du dialogue social, à tous les niveaux. La concertation sera engagée en amont, au bénéfice de 5 millions d'agents.

La révision des règles de représentativité par l'extension de la proportionnelle permettra une meilleure représentation de la diversité syndicale. La création du Conseil commun de la fonction publique s'inscrit dans une convergence bienvenue, qui fait oeuvre non d'unification mais d'unité.

Le groupe UMP se félicite de l'introduction par le Gouvernement de l'article 30, qui revalorise le statut des infirmiers conformément à la volonté du Président de la République (M. Jacques Mahéas s'exclame), ainsi que de l'incitation à la performance individuelle et collective. Je salue le travail de la commission des lois. Nous voterons les conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite)

Discussion des articles

M. le président.  - Je rappelle qu'aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement et que le Sénat, appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, statuera sur les amendements puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Le vote sur les articles premier à 8 bis est réservé.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Vial.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur.  - Cet amendement corrige une erreur matérielle.

L'amendement n°1 est adopté.

Le vote sur les articles 11 à 33 est réservé.

Article 34

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Premier alinéa du II

Remplacer les mots :

qui étaient, à la date de la  promulgation de la présente loi,

par les mots :

et qui étaient, avant d'être placés dans l'une de ces situations,

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

L'amendement n°2 est adopté.

Les conclusions de la CMP, modifiées, sont adoptées.

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Je remercie la commission et la majorité pour leur soutien, de même que l'opposition pour son dialogue courtois et constructif.

Rappel au Règlement

M. Jacques Mahéas.  - Lorsque la commission des finances programme une audition de Mme Lagarde en même temps que la séance publique, vous voyez les dégâts que cela provoque dans notre assemblée ! Ne pourrait-on mieux coordonner nos travaux, au moins en cas d'audition de membres du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La difficulté est réelle mais il y a des impondérables.

M. le président.  - Nous posons le problème régulièrement en Conférence des Présidents. Aujourd'hui, plusieurs commissions sont réunies depuis 15 heures. C'est toute la difficulté d'un ordre du jour très chargé. Nos collègues doivent arbitrer entre présence en commission et en séance publique. Le rappel à la vertu n'exclut pas la vertu partagée...

La séance, suspendue à 15 h 35, reprend à 17 heures.

Crise financière européenne (Questions cribles thématiques)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la crise financière européenne. Le débat est retransmis sur la chaîne Public Sénat et le sera ce soir sur France 3. J'invite chacun à respecter son temps de parole.

M. Bernard Vera.  - La crise financière de 2007 a montré que plusieurs décennies de libéralisation avaient déréglé le secteur, multipliant les produits dérivés et les services payants, réduisant l'accès au crédit pour les plus vulnérables, accroissant le coût des services bancaires. Ce bilan est globalement négatif.

Ces vingt cinq ans sont marqués par la stagnation de l'emploi dans le secteur, le surendettement des ménages, la nation étant privée des moyens de la relance.

Depuis, grâce à un plan de sauvetage sans contrepartie, les banques ont privilégié leur redressement, sans venir en aide aux entreprises. Le plan d'aide à la Grèce a obéi à la même logique.

Même si nos établissements s'en sont peut-être moins mal sortis, quand le secteur bancaire et financier passera-t-il sous maîtrise publique ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde, retenue à l'Élysée.

Je pense comme vous que la dérégulation mondiale a eu des effets déplorables et que notre secteur financier a plutôt bien résisté.

Destiné à rendre du souffle au crédit, le plan de sauvetage des banques a rapporté 1,4 milliard d'euros au Trésor public. Grâce au médiateur du crédit, les entreprises ont échappé à l'asphyxie.

Pour la Grèce aussi, la France a pris l'initiative pour préserver l'euro, l'emploi et l'activité.

M. Bernard Vera.  - Vous ne m'avez pas répondu.

En mai, la Cour des comptes a estimé que l'État avait perdu 6 milliards d'euros pour ne pas avoir intégré le capital des banques, un montant estimé à 13 milliards par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

La maîtrise publique du secteur financier est légitime ! (M. Guy Fischer applaudit)

M. François Zocchetto.  - Un test de résistance a été décidé au niveau européen : les résultats, publiés en juillet, devraient rassurer les marchés financiers. Très bien, mais les États doivent communiquer des informations sincères et crédibles.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. François Zocchetto.  - La France doit réduire son déficit et sa dette mais aussi présenter des hypothèses sincères. Or les prévisions de croissance retenues -2,5 % !- sont optimistes...

M. Guy Fischer.  - Nul n'y croit.

M. François Zocchetto.  - ...et même fantaisistes.

Quand le Gouvernement va-t-il revoir ses prévisions et articuler les lois de finances avec les lois de programmation ?

M. Guy Fischer.  - Pas avant la fin de l'année.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Pour 2011, nous allons attendre comme toujours les résultats du deuxième trimestre pour fixer les prévisions de croissance. Parler de prévisions fantaisistes est très exagéré. Certains experts indépendants avancent les mêmes chiffres, ainsi Goldman Sachs.

M. Guy Fischer.  - Quelle référence !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - On a pu parler de chiffres « volontaristes, voire audacieux » mais il y a de bons signes comme la création nette d'emplois au premier trimestre, au lieu des destructions prévues. Enfin, le rebond est toujours d'autant plus puissant que la crise a été profonde.

L'articulation entre les programmes de stabilité et les lois de finances renvoie à l'exigence de meilleure gouvernance économique, posée par le conseil européen et à laquelle réfléchit le groupe de travail présidé par M. van Rompuy. Le Conseil est favorable à la présentation des propositions de stabilisation et de convergence au printemps, en accord avec les procédures budgétaires nationales, ce qui renforcera la transparence et le rôle des parlements.

Mme Nathalie Goulet.  - La transparence exige aussi une visibilité des actifs toxiques, qui sont sans doute loin d'être purgés !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les marchés ont montré que l'euro était une monnaie orpheline, faute de gouvernance commune. Les 27 chefs d'État et de gouvernement ont défini de nouvelles orientations pour le pacte de stabilité et de croissance. Ces mesures sont bienvenues mais insuffisantes et tardives.

Quelles sanctions seront appliquées aux pays ne respectant pas le pacte ? La suspension du droit de vote ? Que préconise la France ? Le choix de l'Union à 27 au lieu de l'eurogroupe rend toute décision difficile. Le défaut de convergence ne fait que des perdants : il fragilise l'euro et condamne l'Europe à demeurer un nain politique.

Que proposez-vous pour une véritable gouvernance économique ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Vous êtes pessimiste car la France a obtenu des résultats historiques, notamment en matière de gouvernance économique.

Le Conseil a fait preuve de réactivité et de solidarité -mécanismes de stabilité financière, aide à la Grèce, préparation de positions communes avec l'Allemagne pour le prochain G20.

Les premières pistes de réforme comportent un renforcement du pacte de stabilité et de croissance, avec un semestre européen à compter de 2011, l'adoption de sanctions, y compris politiques.

A cela s'ajoutent la transparence des comptes et un tableau de bord pour suivre les écarts de compétitivité. Il faut améliorer notre convergence vis-à-vis des pays tiers. Nous sommes ambitieux et pragmatiques : le Conseil européen est l'instance décisionnaire mais les chefs d'État de la zone euro pourront aussi agir en cas de nécessité.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je suis pessimiste ? Je vous trouve bien optimiste... Une Europe à 27 ne pourra décider à l'unanimité mieux qu'une certaine équipe de football. (Rires)

M. Philippe Marini.  - Nous venons d'évoquer des incertitudes sur la croissance, puis la gouvernance de la zone euro. J'en viens au taux de change avec le dollar.

Pour nombre de macro-économistes, la baisse de l'euro soutiendra sans doute la croissance, mais les modèles fournissent des résultats très variables. Pourriez-vous décrire l'incidence du taux de change sur les exportations et le coût des importations ? Les entreprises vont-elles améliorer leur rentabilité ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Le taux de change de l'euro par rapport au dollar est aujourd'hui encore supérieur à ce qu'il était lors de sa création. Mais il faut tenir compte aussi des autres monnaies, comme le yen. L'incidence concurrentielle est limitée, puisque nos principaux concurrents utilisent aussi l'euro, mais sa baisse sera favorable à certains secteurs comme l'aéronautique ou la pharmacie. On estime généralement que le point d'équilibre se situe à 1,20.

Le gain de compétitivité est évalué à quelques dixièmes de points en 2010.

Le repli de l'euro est en partie imputable à des tensions financières qui dépriment l'activité. Au cours du premier trimestre 2010, la baisse du cours de l'euro a globalement soutenu l'emploi.

M. Philippe Marini.  - Il faudra que la commission des finances suive cette évolution mois par mois. Il y a des références historiques mais il faut aussi se demander comment sont construits les modèles mathématiques qui donnent des résultats très divers. Selon M. Gallois, la bonne parité pour Airbus se situerait à 1,20 dollar. Nous y sommes. J'espère que cela aidera à l'exportation des fabrications de ce secteur stratégique !

Mme Nicole Bricq.  - L'Union européenne n'a ni vision, ni projet, ni stratégie, ni leardership. La stratégie de Lisbonne est morte avant d'avoir été appliquée. Les divergences entre Mme Merkel et M. Sarkozy sont patentes.

La BCE, qui a renoncé à ses dogmes, ne sait plus où elle va ; le commissaire au marché, M. Barnier, devrait formuler des propositions à l'automne tandis que la groupe van Rompuy ne s'occupe que des sanctions à appliquer. L'Union européenne sera donc très affaiblie à Toronto, lors de la réunion du G20 qui devait introduire une taxe sur les banques et une autre sur les transactions financières, dont il ne sera sans doute pas question à en juger d'après la lettre de M. Obama. Que fera le gouvernement français si rien n'est décidé à Toronto ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ?

Nous finalisons des étapes, à petits pas ambitieux, avec nos partenaires allemands, et même britanniques. Qui aurait pu rêver, il y a quelques mois, des progrès accomplis dans la zone euro en matière de gouvernance ? Nous n'avons pas de stratégie ? Nous travaillons dans la perspective 2020, avec pragmatisme, pour améliorer notre compétitivité.

La France et l'Allemagne plaideront en faveur d'un prélèvement sur les institutions financières et pour une taxe sur les flux. Les Britanniques se sont ralliés à ce projet ambitieux. Nous ne désespérons pas d'une décision au moins européenne.

Mme Nicole Bricq.  - En matière de gouvernement, ou de gouvernance, économique, ne demeurent au plan européen que deux chiffres et une date : les critères de stabilité de 3 % et 60 % en 2013.

Il n'y a même pas d'amorce d'un gouvernement économique. La France et l'Allemagne ne sont d'accord sur rien ! Le gouvernement conservateur anglais a décidé une taxe bancaire. Que fait la France ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Bizet.  - La nécessité de réformer la gouvernance économique européenne semble admise. On a envisagé de suspendre les droits de vote pour les États en infraction, mais les traités ne mentionnent que des violations graves des principes démocratiques ou des droits de l'homme. Faudra-t-il réviser les traités sur ce point précis, ce qui exigerait l'unanimité ?

Je comprends que toutes les hypothèses soient envisagées, mais sommes-nous prêts à revenir sur les traités ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - L'article 7 du traité sur l'Union européenne n'autorise pas les sanctions pour motifs budgétaires.

Le Président de la République a proposé, à Bruxelles, d'agir avec pragmatisme : dans un premier temps, les États membres pourraient conclure un accord politique à propos de ceux qui ne respectent pas le pacte. Mais si une révision du traité s'imposait, la France et l'Allemagne pourraient la proposer. Le groupe de travail décidé par M. van Rompuy formulera sans doute des propositions.

M. Jean Bizet.  - Pour faire respecter les textes, il faudra sans doute un jour revoir le traité. Mais pourquoi ne pas commencer par un simple accord ?

M. François Marc.  - La lenteur de la réaction des autorités publiques en matière de régulation financière a de quoi inquiéter puisque les déclarations n'ont guère été suivies d'effet, après trois G20 et cinq conseils.

La liste des paradis fiscaux ne signifie pas grand-chose. Qu'en est-il du projet de supervision, cher à M. Barnier ?

Pour les banques, nous attendons que M. Obama donne le la. Les journaux annoncent que le G20 s'apprête à enterrer l'idée d'une taxe bancaire. Après les déclarations sur la moralisation du capitalisme, nous attendons que les engagements se concrétisent. Nous avons vu les réactions apeurées du Gouvernement quand l'Allemagne a décidé d'interdire les ventes à découvert à nu de certains produits spéculatifs. Que ferez-vous pour accroître la régulation ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Instaurer une régulation financière mondiale est ardu ; des résistances existent : elles ne nous empêchent pas d'être volontaristes et imaginatifs.

Au niveau européen, la France a pris des initiatives variées sur les hedge fonds, les paradis fiscaux, les produits dérivés. Ne préjugeons pas de ce que le G20 décidera ; nous avons bon espoir de convaincre car la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont unies.

Au plan national, la France a le meilleur niveau de régulation.

M. François Marc.  - Les ministres des finances du G20 ont déjà renoncé à toute taxe. Nous déplorons cette résignation.

M. Guy Fischer.  - Ce renoncement.

M. François Marc.  - La France paraît être à la remorque de l'Allemagne, qui a interdit les ventes à découvert à nu. Notre pays tarde à agir alors qu'il devrait mener une action vigoureuse.

M. Michel Sergent.  - Un fonds de stabilisation doté de 440 milliards d'euros a été créé il y a quelques semaines. Depuis, les plans d'austérité se succèdent, pénalisant les citoyens. La stratégie 2020 se réduit à un assainissement des comptes. L'austérité est élevée au rang d'objectif politique commun alors qu'une politique de croissance s'impose.

La stratégie 2020 se contente d'énoncer des réformes structurelles subordonnées à l'assainissement. Le pacte de stabilité n'est pas une fin en soi. Il n'y aura pas de stabilité si la croissance est brisée. Il faut maintenir les politiques de soutien. C'est d'ailleurs ce que préconise M. Obama.

Quelle réponse le gouvernement français portera au président américain à Toronto ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Les ventes à découvert à nu sont interdites en France depuis septembre 2008. Nous ne sommes donc pas en retrait sur l'Allemagne.

Le chemin est étroit entre le rétablissement des finances publiques et le retour à la croissance. Le cas de la Grèce n'est pas unique : le Portugal et l'Espagne ont connu aussi une situation dangereuse ! Notre gouvernement tient à respecter ses engagements, pour ne pas alourdir le coût de la dette, ce qui briderait l'activité.

Mais les mesures prises en France préserveront l'avenir et la compétitivité.

M. Michel Sergent.  - Tentant de faire face à la crise, l'Union européenne n'a pas opté pour une solidarité accrue. Le gouvernement français non plus et de nouvelles mesures d'austérité sont déjà promises en France à l'automne, par le secrétaire général de l'Élysée.

M. Guy Fischer.  - Bien avant !

M. Michel Sergent.  - Il faudrait consolider la dette publique au sein de l'Union européenne et relancer l'investissement. Les citoyens européens n'ont pas à payer le coût de la crise ; ils ont besoin de solidarité. Paul Krugman, prix Nobel d'économie en 2008, ne dit pas autre chose en constatant qu'il n'est plus à la mode de créer des emplois mais qu'il est à la mode d'infliger de la souffrance. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 18 heures.

Article 65 de la Constitution (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Les deux lectures de ce projet de loi organique ont enrichi le texte et rapproché les points de vue. Trois questions restaient en débat : le régime d'incompatibilité spécifique à l'avocat, membre ès-qualité du CSM, les règles déontologiques et l'autonomie budgétaire du CSM.

Sur le premier point, l'Assemblée nationale estimait que l'avocat devait pouvoir exercer la plénitude de sa profession. Le Sénat s'attachait davantage à l'impartialité : qu'un avocat exerce devant un magistrat alors qu'il pourra avoir à se prononcer sur sa carrière pose problème. Nous sommes parvenus à un compromis dans un dispositif de déport renforcé. L'impartialité de la justice est sauvegardée, mais aussi les apparences. Le Sénat avait prévu la suspension temporaire ou la démission d'office d'un membre qui aurait manqué à ses devoirs. La CMP s'est ralliée à l'Assemblée nationale qui avait remplacé la suspension temporaire par l'avertissement afin de ne pas obérer l'avenir.

L'Assemblée nationale avait supprimé des dispositions permettant à chaque formation la possibilité de décider du déport d'un de ses membres. A l'initiative de M. Michel, la CMP propose que la formation elle-même s'assure du respect de l'impartialité, laissant au CSM le soin d'organiser un dispositif spécifique.

Enfin, la CMP a rétabli les dispositions retenues par le Sénat pour assurer l'autonomie budgétaire du CSM, qui doit faire l'objet d'un programme spécifique dans l'architecture budgétaire.

La CMP est donc parvenue à un texte équilibré que je vous propose d'adopter. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - Je salue le travail remarquable du Parlement. Le principal point de désaccord est surmonté : L'avocat pourra continuer à plaider, des conditions de déport étant prévues.

Appelé à renforcer la confiance de la justice, ce texte offre de nouvelles garanties d'indépendance à l'autorité judiciaire et, grâce à la saisine directe, rapproche la justice du citoyen.

Trois principes sont retenus : indépendance, ouverture et transparence. Le Président de la République ne présidant plus le CSM, la nomination du secrétaire général est adaptée en conséquence ; six personnalités qualifiées siègent au CSM, dont les attributions sont élargies : il donnera un avis sur les nominations prononcées en conseil des ministres.

La saisine directe constitue une innovation, tout en préservant la stabilité du système judiciaire. Le texte, qui s'inscrit dans la logique de la réforme constitutionnelle, confortera l'indépendance de notre justice d'aujourd'hui, moderne, transparente, fiable, fière de ses valeurs, consciente de la nécessaire exemplarité des magistrats, proche des justiciables, au coeur de notre démocratie. La confiance des Français en sortira renforcée. (Applaudissements au centre à droite et au banc des commissions)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce projet de loi organique traduit deux avancées majeures : l'indépendance du CSM et l'ouverture de la saisine à tout citoyen. Je regrette que ce texte n'ait pas été l'occasion de régler le statut du parquet : le maintien du lien avec la Chancellerie alimente les soupçons. Il faudra mettre fin à cette proximité douteuse.

Je ne reviens pas sur l'absence de parité au sein du CSM, qui contrevient à deux recommandations du Conseil de l'Europe.

L'interdiction de plaider pour l'avocat, les dispositifs de sanction, l'autonomie budgétaire du CSM restaient en discussion.

La situation de l'avocat n'est pas comparable à celle des magistrats, soumis à des obligatoires statutaires. Un avocat conservant la possibilité de plaider devant des magistrats dont il pourrait connaître en matière disciplinaire pose problème. La Cour européenne des droits de l'homme tient compte, je le rappelle, de l'apparence de l'impartialité. En quatre ans, l'avocat sera conduit à connaître de la situation de presque tous les magistrats. Nous aurions préféré l'interdiction pure et simple de plaider, afin de lever ab initio tout soupçon ; je regrette qu'elle n'ait pas été retenue. L'impartialité des délibérations du conseil pourrait en être entachée.

En matière disciplinaire interne au CSM, la solution retenue évite de stigmatiser l'intéressé.

Sur l'autonomie budgétaire, l'expérience montre que la dotation du CSM ne couvre pas ses frais de fonctionnement. Il n'est pas bon qu'il dépende de la direction des affaires judiciaires. Le Sénat a obtenu que la loi de finances fixe directement la dotation du conseil, confortant son indépendance.

Le groupe du RDSE regrette que le CSM ne donne qu'un avis pour les magistrats du parquet. Le délai de saisine par les justiciables est trop bref.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe du RDSE confirmeront leur vote : la grande majorité s'abstiendra, une minorité votera pour.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous étions favorables à une réforme voulue par les magistrats eux-mêmes mais nous ne pouvons donner notre aval à un texte qui ne renforce son indépendance qu'en apparence.

La saisine directe est un progrès mais le dispositif ne tient pas ses promesses. L'autonomie des décisions du CSM n'est pas garantie. Le Président de la République nommera deux personnalités qualifiées et le secrétaire général.

Les incompatibilités ne renforcent pas la légitimité des avocats siégeant au Conseil. Nous souhaitions son élection par le conseil national des barreaux. L'avocat pourra continuer d'exercer sa profession : nous regrettons que la position du Sénat n'ait pas été retenue. Nous réclamions l'avis conforme du CSM pour la nomination du secrétaire général : cela n'a pas été retenu.

La formation plénière, initialement, ne devait répondre qu'à des demandes portant sur des atteintes à la justice. Nous craignons l'instrumentalisation par l'exécutif.

Malgré le rétablissement de l'autonomie budgétaire, notre avis reste négatif sur ce texte et nous confirmerons notre position de première lecture en votant contre.

M. Jean-Pierre Michel.  - La CMP est parvenu à un accord grâce au Sénat et aux parlementaires socialistes, qui ont soutenu notre rapporteur pour des améliorations substantielles. Cela n'a pas été le cas pour le statut de l'avocat membre du CSM, mais nous nous sommes heurtés au corporatisme effréné de certains députés.

Le CSM obtient l'indispensable autonomie budgétaire et fonctionnelle envers la direction générale des services judiciaires. Reste que ce texte demeure insuffisant sur beaucoup de points.

Le groupe du RDSE, nous a dit Mme Escoffier, s'abstiendra. Il aurait pu aller au bout de ses convictions, mais ce n'est pas son habitude...

Le texte n'aligne pas le statut des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, préalable indispensable à une réforme de la procédure pénale.

Suppression du juge d'instruction ou réforme de la garde à vue, rien ne sera possible sans ce préalable. En Allemagne ou en Italie, le parquet est indépendant.

Depuis trente ans, aucun gouvernement n'a eu le courage d'une réforme digne de ce nom : le politique reste frileux lorsqu'il s'agit d'accroître les marges de manoeuvre des magistrats et de la justice. Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christophe-André Frassa.  - La révision de 2008 modernise nos institutions pour promouvoir la démocratie. Conformément à cette logique, le texte met en place la saisine par le justiciable et renforce l'effectivité de l'accès à la justice : le groupe UMP s'en félicite.

Trois points restaient en discussion. Nous suivons notre rapporteur sur les fonctions de l'avocat au Conseil, afin de lever tout doute sur l'impartialité des décisions de justice. Nous étions favorables au déport : l'avertissement lui a été préféré, la décision revenant à la formation concernée.

Nous nous félicitons de la place donnée au CSM dans l'architecture budgétaire.

Je salue l'excellent travail de notre rapporteur, qui a amélioré un texte rapprochant la justice du citoyen. Le groupe UMP votera pour. (Applaudissements à droite)

En application de l'article 59 du règlement, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 186
Contre 140

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Violences faites aux femmes

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

Discussion générale

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - Je salue le travail remarquable de votre infatigable rapporteur, de Mme Laborde et de Mme Dini. Adapter notre législation à une délinquance très souvent renvoyée à la sphère privée relève d'une responsabilité partagée. L'année 2010 est placée sous le signe de la lutte contre les violences faites aux femmes ; la présidence espagnole en a fait une de ses priorités. Les violences doivent être mieux connues pour être mieux combattues. En 2009, 59 427 affaires nouvelles ont été recensées, contre 42 500 en 2005, tandis que le nombre de condamnations correctionnelles passait de 10 600 à 16 700.

Le phénomène est donc loin de diminuer. Et que de suicides, de femmes blessées, de cicatrices psychiques qui fragilisent toute reconstruction !

L'ampleur du fléau est inconnue. La loi du silence prévaut encore, par peur, honte ou sentiment de culpabilité.

Le temps où l'on fermait les yeux sur les violences commises dans la sphère privée est révolu. Notre dispositif pénal s'est peu à peu étoffé, créant une dynamique salutaire, depuis la loi du 26 mai 2004 sur le divorce jusqu'à la loi du 10 août 2007 sur la lutte contre la récidive.

La protection de la victime par éviction de l'auteur des violences et l'obligation de soins qui lui est imposée ont constitué un premier progrès, mais la justice doit apporter des réponses plus rapides. Le Gouvernement vous proposera de n'exclure aucun mode de saisine.

Une ordonnance de protection est instituée, assortie d'une série de mesures renforçant la protection de la victime, grâce à une communication étroite entre le juge civil et le juge pénal, privilégiée par les mesures restrictives de liberté.

L'éviction est élargie aux concubins et partenaires de Pacs, assurant une égale protection quel que soit le régime de vie commune.

La protection des enfants est élargie : les interdictions de sortie du territoire seront inscrites par le Procureur de la République au fichier des personnes recherchées.

Grâce à Mme Morano, des mesures liées à l'usage des technologies de la communication sont inscrites dans le texte, comme le téléphone d'alerte ou le bracelet électronique.

En matière de sanctions, certaines sont alourdies et de nouvelles incriminations sont créées : la violence psychologique, reconnue par la jurisprudence, est inscrite dans le code pénal. L'aide juridictionnelle est accordée à toutes celles qui bénéficient d'une ordonnance de protection.

Des formations spécialisées seront dispensées à tous, depuis les policiers jusqu'aux professionnels de l'éducation nationale.

Les Français attendent une action ferme et sans faiblesse. Les femmes victimes de violence doivent savoir que l'État est déterminé à les protéger. La représentation nationale est bien dans sa mission avec ce texte, dont nous pouvons être fiers. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Roland Courteau applaudit aussi)

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements à droite) Ce texte consacre l'aboutissement d'un travail consensuel. Les violences conjugales sont un phénomène d'ampleur mal connue : les données statistiques sont peu fiables sur des actes commis dans le huis-clos familial. L'exclusion les amplifie.

Elles donnent lieu à un contentieux limité, débouchant trop souvent sur un renoncement de la victime.

Sur cet espace sombre de souffrance, de violence et d'atteinte aux libertés, nous devions légiférer. M. Courteau et Mme Borvo au Sénat, Mme Bousquet et M. Geoffroy à l'Assemblée s'y sont attelés, comme beaucoup d'autres.

Déjà, notre droit permettait d'évincer le conjoint violent ; déjà, le viol est reconnu au sein du couple, les violences conjugales sont considérées comme circonstances aggravantes, priorité est donnée aux victimes pour l'accès au logement social, les femmes étrangères peuvent se voir accorder la protection subsidiaire dans le cadre du droit d'asile : les progrès ont été constants.

La lutte contre les violences a fait l'objet de plusieurs plans et a été déclarée grande cause nationale en 2010.

Nos ambitions ont montré que la passation de conventions entre les acteurs était source de progrès. Il faut saluer le travail des associations, qui accomplissent un travail indispensable.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Exact.

M. François Pillet, rapporteur.  - Des efforts importants demeurent cependant à accomplir pour mieux protéger les victimes.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - C'est vrai.

M. François Pillet, rapporteur.  - Nous avons examiné conjointement la proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale et celle de M. Courteau qui vise à mieux protéger, mieux prévenir, mieux réprimer.

Qui dit violence dit prévention. D'où cet instrument juridique novateur qu'est l'ordonnance de protection, qui doit stabiliser temporairement la situation de la victime. Le juge aux affaires familiales pourra interdire à l'auteur des violences de rencontrer la victime -qui pourra rester dans le domicile familial ou choisir de vivre dans un lieu tenu secret ; il pourra également fixer les modalités d'exercice de l'autorité parentale, organiser le droit de visite et d'hébergement des enfants.

La commission a voulu rendre la saisine du juge plus aisée et plus rapide, tout en préservant l'examen contradictoire. De même, les associations pourront assister la victime sans cependant avoir la faculté de devenir parties au procès. Le non-respect de l'ordonnance de protection sera pénalement sanctionné et l'appréhension de l'auteur des violences sera dans ce cas facilitée. Un rapport est demandé au Gouvernement sur la mise en place d'un observatoire national des violences au sein du couple. D'autre part, des actions de sensibilisation seront organisées à l'école et dans les médias. Les personnes coupables de violences pourront être contraintes à un suivi socio-judiciaire. La médiation pénale sera proposée dans les cas les moins graves, la victime pouvant cependant la refuser.

Votre commission a modifié la rédaction de la proposition de loi des députés pour rendre le délit spécifique de violences psychologiques plus sûr juridiquement, tout en évitant que les auteurs de violences physiques puissent le détourner pour excuser leur propre faute. Elle n'a pas souhaité en revanche de nouvelle définition du harcèlement sexuel. Elle a enfin procédé à certaines harmonisations pour rendre le texte applicable dans les communautés d'outre-mer.

Constatant que les articles premier, 2 et 3 de la proposition de loi de M. Courteau étaient totalement ou partiellement satisfaits, la commission ne s'est pas prononcée sur l'institution d'une journée nationale de sensibilisation.

Enfin, elle propose que l'intitulé du texte soit élargi pour en décrire aussi précisément que possible le contenu. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales est sensible à la dimension humaine et sociale du texte. Je souscris à l'analyse de la commission des lois, ainsi qu'à celle de la Délégation aux droits des femmes, mais j'insisterai sur la formation à l'accueil des victimes et sur la violence psychologique.

On dit qu'il est difficile d'apporter la preuve de violences psychologiques, mais je suis convaincue qu'on peut mesurer la sincérité de la plaignante si celle-ci est accueillie comme il convient au moment du dépôt de plainte.

En décembre 2007, ma filleule Justine tombe amoureuse d'un garçon jaloux, à l'enfance difficile et au comportement coléreux et violent. Cet homme a trois enfants d'un précédent mariage. Comme il a des problèmes avec sa banque, il suggère que Justine prenne à sa charge abonnements et crédits. Le couple convient d'emménager dans un logement commun... mais les comptes et les revenus d'Alexandre sont inconnus de Justine.

En mars 2008, il prend des photos compromettantes de Justine et lui fait du chantage. D'ailleurs, elle est nulle, de même que ses amis. Malgré tout, il veut avoir un enfant. En juin, Justine est enceinte et les coups se mettent à pleuvoir. Il veut, dit-il, la mort du bébé à naître. Elle consulte un obstétricien qui ne réagit pas au récit des violences. Pourquoi ? Celles-ci reprennent après la naissance du bébé. Au commissariat où elle se rend visage marqué et vêtements déchirés, la plainte est refusée, faute de certificat médical. Est-ce normal ? Alexandre la menace de représailles. Même la mère de Justine donne tort à sa fille qui ne sait dès lors plus à qui parler.

Lorsqu'elle me contacte, je l'invite à se tourner vers une association, ce qu'elle refuse, ayant trop honte et disant que les associations sont là pour les cas graves. Elle ne veut pas quitter Alexandre, elle pense à son enfant ; c'est à elle, soutient-elle, de maintenir l'équilibre. Après une nouvelle alerte, je l'accompagne chez un médecin qui lui délivre une ITT de quatre jours, avant de déposer plainte au commissariat. Je suis effarée par le comportement de l'inspectrice de police, qui procède davantage à un interrogatoire qu'elle n'écoute.

Alexandre n'ayant pas de portable, il ne peut être convoqué ; on invite Justine à l'informer. Lorsque les deux jeunes gens se revoient, les coups pleuvent à nouveau, accompagnés de menaces. Justine appelle le commissariat, où on traite sa demande avec désinvolture. Finalement, Alexandre passe quelques heures en garde à vue, reconnaît les faits et est convoqué à la maison de justice, où il ne se rendra pas. Il n'a jamais été reconvoqué.

Cette histoire illustre la nécessité d'une véritable formation spécifique des personnels qui auront à mettre en oeuvre le texte...

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Très bien !

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - ...la nécessité de s'assurer que la loi est respectée par les forces de sécurité ; la nécessité enfin de reconnaître l'existence de violences psychologiques. Selon les Canadiens, 24 à 30 % des conjoints sont manipulateurs et auteurs de telles violences.

La brigade de protection de la famille du Rhône a élaboré deux documents remarquables permettant de cerner la personnalité de l'auteur de violences psychologiques. On gagnerait à les généraliser.

La commission des affaires sociales approuve ce texte.

Il faudra aussi envisager la situation des hommes victimes de violences, notamment psychologiques. Le résultat pour les enfants est le même. Tous les départements devraient avoir les moyens de créer des espaces de rencontre entre enfants et parents en nombre suffisant.

Il est urgent de protéger les femmes et les enfants qui vivent ces grandes détresses. (Applaudissements sur l'ensemble des bancs)

Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits de femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.  - La loi doit protéger le faible contre le fort. Reconnaître une réalité occultée : nous avons franchi ce premier pas avec la loi du 4 avril 2006, qui a suscité un déclic social, judiciaire et législatif.

Les deux propositions de loi ayant débouché sur le texte de la commission des lois introduisent une grande variété de mesures depuis la formation jusqu'à une nouvelle définition du harcèlement au sein du couple, sans oublier la lutte contre les mariages forcés. Nous lançons ainsi un signal de pacification des relations familiales et un message de soutien aux associations d'aide.

L'Assemblée nationale a voté un dispositif modifiant neuf codes en vigueur : l'approche est donc transversale, ce qui ne va pas sans risques. Il faut aider ceux qui en ont besoin, non les procéduriers.

Les victimes de violences sont souvent retenues de peur d'être accusées de dénonciation calomnieuse. Celle-ci ne pourra donc plus être invoquée lorsque la relaxe de l'agresseur est prononcée au bénéfice du doute. Nous approuvons l'article 8.

L'article premier institue une ordonnance de protection, inspirée par l'exemple espagnol, dont la transposition pure et simple n'était guère envisageable. Comme il s'agit d'accorder à la victime le temps de réflexion, la délégation veut renforcer l'information de la victime.

L'article 17... Le harcèlement moral au sein du couple est admis depuis longtemps par la jurisprudence. Harceler autrui au téléphone est réprimé par le code pénal. S'il y a dans cet article une innovation juridique, la difficulté sera d'apporter la preuve du harcèlement ; et certaines associations de femmes craignent que les maris violents n'invoquent à leur tour une forme de harcèlement moral pour justifier leurs débordements.

La délégation souhaite le maintien de cette disposition, notamment pour prévenir un report des violences physiques sur le plan psychologique. Il faut rappeler l'efficacité de stages permettant à chacun de maitriser ses émotions. En outre, la formation au civisme doit inclure l'égalité entre hommes et femmes.

A court terme, les conditions concrètes d'application seront déterminantes ; la délégation a insisté sur l'importance des groupes de parole, pour les victimes comme pour les auteurs de violence, et celle du traitement médical des conjoints violents.

A moyen terme, l'usage du volet répressif devrait reculer grâce à une prévention efficace. La délégation préconise une large diffusion des supports de formation, de conseils et stages permettant de gérer les conflits. Une attention particulière doit être attachée à la formation des professionnels mais aussi à celle des enseignants. Dès le plus jeune âge, les enfants doivent apprendre les exigences de la vie en groupe et le respect des autres.

En pratique, les femmes sont plus souvent victimes des violences que les hommes mais elles ne sont pas les seules. L'intitulé du texte doit être rendu plus neutre pour en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.  - Dans un journal, j'ai lu un fait divers : n'acceptant pas la séparation, un homme a tué sa femme à coups de couteau en présence de leurs enfants. Cette femme a rejoint les 156 victimes tuées par leur compagnon et recensées par Amnesty en 2008.

Connaît-on l'exacte ampleur du fléau, quand la loi du silence prévaut ? Cris étouffés, souffrances secrètes, existences détruites : les violences au sein des couples portent une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ; il y a là un moyen pathologique de s'imposer dans une relation de couple. Ne confondons pas le conflit et les violences -qui refusent à l'autre la qualité de sujet.

La violence prend souvent sa source dans un certain conditionnement socioculturel, dans les inégalités persistantes entre hommes et femmes. Il était important que le Parlement dise que le domicile familial ne pouvait plus être une zone de non-droit. D'où les premières propositions de loi à l'origine de la loi de 2006. Il a fallu ensuite attendre 1989 et les initiatives de Mme Michèle André, ministre des droits des femmes ! Puis peu de choses jusqu'en 2006, où un texte spécifique a été soumis pour la première fois au Parlement. Tans mieux si cette loi a enclenché une dynamique générale, tant mieux si les tabous ont commencé à tomber, tant mieux si la justice est enfin entrée dans la sphère privée.

L'ampleur du phénomène impose une prévention massive. Il faut encore changer certains schémas ancrés dans les mentalités, nous devons agir dès l'école. « Tout commence sur les bancs de l'école » disait Romain Rolland. Qu'est-ce que le sexisme, sinon l'inscription de la différence des sexes dans un rapport hiérarchique de domination du masculin sur le féminin ? Voilà pourquoi nous avions proposé dès 2006 de compléter les programmes scolaires en ce sens. Nous persistons. Je remercie la commission pour son avis favorable à notre amendement. Nous proposerons par ailleurs que le 25 novembre devienne une journée consacrée à ce fléau, qu'il faut faire reculer.

Mais la prévention passe aussi par le repérage des victimes, ce qui exige une formation adaptée de tous les intéressés. A défaut, comment évaluer la situation ? Comment repérer un manipulateur ? La formation actuelle est insuffisante. Je regrette que l'article 40 ait été opposé à notre amendement sur ce point.

Autre remarque : il semble que les commissariats et gendarmeries abusent des mains courantes. (On approuve sur divers bancs) Ne nous étonnons pas que la victime ne revient pas, alors que la crainte des représailles la dissuade déjà trop souvent d'agir.

Pour protéger la victime et ses enfants, nous avons voulu élargir la compétence du juge aux affaires familiales aux partenaires liés par un Pacs et aux concubins.

Le repérage des violences psychologiques est difficile, mais est-ce une raison pour ne rien faire face à ce qui est une mise à sac de l'estime de soi ? Ce vrai travail de destruction morale prépare souvent la violence physique et inflige des blessures invisibles mais indélébiles.

Autre technique d'usure, la menace de rupture : « Si tu pars, tu ne verras plus tes enfants et je te tue après !». C'est du vécu...

Aujourd'hui, lorsque la violence psychologique s'exerce à l'intérieur du couple, la justice reste à la porte. La victime doit-elle se résigner ? Combien ont mis fin à leur calvaire en se donnant la mort ? Nous approuvons la rédaction de la commission.

L'aide juridictionnelle doit être accordée sans conditions de ressources dès lors qu'il s'agit de violences au sein du couple. C'est de bon sens, mais l'article 40 a bloqué notre amendement...

Il faut appliquer l'éviction du domicile et l'injonction de soins. Sur ce point, notre proposition de loi n'est pas reprise, ce que je regrette. On nous dit que nous manquons de médecins coordonateurs pour assurer l'injonction de soins... parce qu'ils ne sont pas assez indemnisés ! Quand on a la fièvre, faut-il casser le thermomètre ? Les injonctions de soins sont très rares, alors qu'elles aident à réduire le taux de récidive. La France manque de structures spécialisées d'accueil. Là encore, l'irrecevabilité a été opposée à un de nos amendements, qui éviterait pourtant des journées de prison, autrement plus coûteuses !

A quoi sert de voter la loi si les moyens financiers ne suivent pas ? Nous sommes favorables à la création de lieux de rencontre sécurisés mais là encore, il faudra des moyens. Le Gouvernement compte sans doute sur les associations...

S'agissant des titres de séjour, la commission propose d'excellentes dispositions. En revanche, nous estimons que la victime doit être considérée a priori comme refusant la médiation pénale, qui tend à la rendre partiellement responsable. Si on frappe quelqu'un dans la rue, c'est le pénal !

S'agissant de l'intitulé du texte, nous proposerons de viser les violences au sein du couple.

Dernière remarque : j'aurais aimé faciliter l'insertion professionnelle des victimes ayant subi une importante ITT à la suite de violences au sein du couple.

Nous nous félicitons de l'examen concomitant des deux propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Escoffier et M. Dufaut applaudissent également)

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Anne-Marie Payet.  - Je vous prie, madame la présidente, de bien vouloir noter que lors du scrutin sur l'ensemble du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution, Mme Nathalie Goulet souhaitait voter contre, M. Jean-Léonce Dupont souhaitait voter pour et MM. Denis Badré et Marcel Deneux, Mme Jacqueline Gourault et MM. Jean-Jacques Jégou et Jean-Marie Vanlerenberghe souhaitaient s'abstenir.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Proposition de résolution

M. le président.  - J'informe le Sénat, en application de l'article 50 ter de notre Règlement, que M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, a demandé, le vendredi 18 juin 2010, l'inscription de la proposition de résolution n°568 relative à la mise en oeuvre de la contribution économique territoriale, qu'il a déposée avec les membres du groupe UMP.

J'informe par ailleurs le Sénat que M. Gérard Longuet a rectifié cet après-midi sa proposition de résolution pour compléter la liste des signataires et ajouter un alinéa.

Cette double rectification a été portée à la connaissance de M. le Premier ministre avant la réunion de la Conférence des Présidents.

Conférence des Présidents

M. le président donne lecture des conclusions de la Conférence des Présidents. Il précise que le jeudi 24 juin, le Sénat atteint le plafond constitutionnel de 120 jours tels qu'il est fixé par le deuxième alinéa de l'article 28 de la Constitution.

En application du troisième alinéa de cet article, M. le Premier ministre, après consultation de M. le président du Sénat, a décidé la tenue de trois jours supplémentaires de séance, les lundi 28, mardi 29 et mercredi 30 juin 2010.

Les conclusions de la Conférence des Présidents sont adoptées.

Violences faites aux femmes (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons notre discussion générale que nous interromprons avant minuit.

Mme Odette Terrade.  - Enfin ! Après tout ce temps, tant de pétitions, ce texte nous arrive. En 2006, nous avions posé la première pierre, avec M. Courteau. Les associations féminines nous ont relayés avec l'aide de l'Observatoire de la Seine-Saint-Denis, le seul en France.

Aujourd'hui, nous franchissons une étape nouvelle. Les attentes sont fortes. Le crime conjugal passe encore pour un crime passionnel. Une femme sur dix est victime de violences dans son couple, dont un tiers de violences très graves. Selon l'Insee, 200 000 femmes sont violées chaque année. Selon l'Observatoire national de la délinquance, à peine 9 % des femmes victimes de leur compagnon déposent plainte. On sait qu'il y a 400 000 voitures volées par an mais pas combien de femmes mutilés, défenestrées ou suicidées.

Des chiffres précis exigent un travail spécifique. L'année 2010 est celle d'une grande cause nationale, la lutte contre les violences faites aux femmes, devenues un vrai phénomène de société. La domination masculine est encore tolérée : on parle souvent de différend plutôt que de violences. Or il existe une violence spécifique faite aux femmes. Je pense à toutes celles qui souffrent, à leurs enfants, aux associations qui leur viennent en aide. La période de séparation est la plus dangereuse. Les premiers actes de violence, non signalés, devraient être mieux pris en compte. Les femmes sont peu écoutées. Voyez Tania, assassinée lors d'un droit de visite. De meilleures mesures de protection s'imposent.

Je me félicite de ce texte, qui marque solennellement une condamnation. A nous d'apporter des réponses concrètes.

Améliorer la protection des victimes, c'est construire une société plus juste. L'article premier engage une révolution avec la création de l'ordonnance de protection, d'une durée de quatre mois, qui permettra aux femmes d'ouvrir une procédure, quand 10 % seulement osent porter plainte. Or toutes les femmes en danger doivent être protégées.

L'article 2 crée un nouveau délit de violation des obligations imposées par le juge. Les enfants aussi subissent de vrais traumatismes, souvent au cours du droit de visite, car les maris violents sont souvent des pères maltraitants.

Les articles 3 et 4 soulignent la nécessité de recourir aux espaces rencontres et aux mesures d'accompagnement de l'enfant. La solidarité nationale est renforcée par les articles 5, 6 et 7 au bénéfice des étrangères, plus précarisées encore. Le nouveau régime du délit de dénonciation calomnieuse est bienvenu. La santé des enfants, le logement, la régularité des séjours restent des obstacles.

La prévention, essentielle, doit être globale. La formation de tous les acteurs devrait être une pièce maîtresse du dispositif. Je regrette que ce texte n'aille pas assez loin, en renonçant à la création d'un observatoire des violences faites aux femmes, remplacé par un simple rapport. Pourtant, des résultats sont obtenus par celui de Seine-Saint-Denis.

L'article 11 A vise la prévention par l'éducation : les enfants des deux sexes doivent être sensibilisés au respect mutuel et à leur égalité. La répression faisant partie de la prévention, l'article 17 relatif au harcèlement psychologique facilitera la prise de conscience des dégâts causés.

Reste la question des moyens, alors que tant d'emplois sont supprimés dans la police et l'éducation nationale, que la justice manque de crédits. Sachant le coût social de ces violences, qui s'élèverait à 2 milliards et demi d'euros selon l'enquête européenne, il faut être volontariste. Imaginez que le prochain budget comporte autant de crédits pour l'application de cette loi !

Nous pouvons compter sur la vigilance des associations, des élus, des citoyens. Avec les sénateurs du groupe CRC, nous avions soutenu la nécessité d'une loi cadre. Nos amendements visent à réintroduire des dispositions existantes pour rassembler dans un même texte tout ce qui a trait aux violences contre les femmes.

Le vote de ce texte sera un signe fort de refus adressé aux auteurs de violences et de soutien aux victimes. (Applaudissements)

Mme Virginie Klès.  - Je salue l'obstination de nos collègues, grâce auxquels nous examinons ce texte qui s'attaque à un fléau qui se manifeste par des violences physiques et psychologiques, y compris à l'égard des enfants, dans tous les milieux, les âges, les conditions, les sexes -car les hommes aussi sont victimes.

Il y a une unanimité au sein de notre commission pour informer les victimes, qui doivent pouvoir saisir au vol un numéro de téléphone ou l'adresse d'une association, pour trouver une main tendue. Malgré cela, des lacunes demeurent.

Il faut d'abord se demander ce que recouvre le terme de violences. Elles sont plurielles ; ce sont aussi des mots, lâchés à petits coups, abaissant peu à peu la victime, amenée à tolérer l'intolérable, toujours un préalable aux coups. Mais il est aussi des mots qui guérissent. Une juste qualification est essentielle. Au sein du couple, un conflit peut dégénérer en violences. Mais un conflit met deux protagonistes face à face, dans une relation symétrique. L'emprise, en revanche, est caractérisée par l'asymétrie de la relation : c'est toujours le même qui domine. Elle est caractérisée par la réitération, par la montée en puissance de la violence, l'impossibilité d'échapper à la relation, la torture.

Or, ce texte ne distingue pas suffisamment entre conflit et emprise. Certes, l'ordonnance de protection, la mise à l'abri sont des avancées primordiales. Je regrette que l'on mélange un peu le civil et le pénal. La preuve est une protection : il ne faut pas laisser les manipulateurs se faire passer pour victimes.

La reconnaissance des violences psychologiques est essentielle, même s'il n'est pas facile de les identifier. Mais on sait qu'elles accompagnent les phénomènes d'emprise. Il faut donner les moyens aux psychiatres et psychologues d'être présents à tous les échelons. Faut-il préserver le lien des enfants avec les deux parents ? Pas de la même façon selon qu'il y a conflit ou emprise. Même chose pour la médiation pénale : elle ne changera rien en cas d'emprise. J'ai reçu une femme poursuivie par son conjoint divorcé depuis trois ans. Elle en était à sa troisième médiation !

Oui à l'information des victimes, au rôle des associations, pour que les femmes saisissent la main qui leur est tendue. L'emprise tourne au cauchemar pour la victime qui a du mal à se sortir de la situation : il faut comprendre ses atermoiements et hésitations : oui à la formation de tous les intervenants, à l'éducation au respect dès la maternelle.

C'est aussi l'honneur des femmes que de ne pas oublier les hommes victimes, même si elles sont les premières victimes de violences.

A toutes les victimes, je dis : nous vous avons entendues et nous continuerons de nous battre. (Applaudissements)

M. Jean-Louis Lorrain.  - Je mène ce combat de longue date. Le souci de protection, de prévention et de répression, nous le partageons tous.

Récemment confronté à l'assassinat d'une jeune femme, je ne puis être indifférent mais je m'interroge sur un texte qui accroît la victimisation. Les magistrats nous suivront-ils ? Mon souci est l'efficacité. La responsabilité du magistrat le porte à la prudence.

Il convient d'aborder les choses avec précaution. L'ordonnance de protection présume la culpabilité. Le juge aux affaires familiales n'ayant pas de pouvoir d'enquête, il y a confusion. L'ordonnance doit permettre à la victime de se faire reconnaître comme telle et au juge de prendre des dispositions : nous sommes entre deux ordres de juridiction.

Les réponses médico-sociales ne peuvent qu'être partielles. Les dispositions en faveur des majeurs fragilisées pourraient être une porte d'entrée pour la protection des femmes victimes de violences. L'accompagnement devrait être adapté. On pourrait envisager aussi une levée du secret professionnel pour les couples concernés, comme c'est le cas pour les enfants en danger, mais je n'ignore pas les résistances que cela susciterait.

Les violences croisées rendent le diagnostic plus difficile. Pour la toxicomanie ou l'alcoolisme, le cas est différent : un retour à la normale est envisageable grâce aux soins.

Le harcèlement moral doit être clairement défini par des comportements, dès lors qu'il peut donner lieu à incrimination.

Il n'y a ni fatalité ni impuissance. En matière d'accueil dans les services de police et gendarmerie, de réels progrès ont été enregistrés. Les collectivités ont conduit des expériences à encourager.

Devant l'ampleur du phénomène, toute contribution ne peut être que modeste et la réponse ne saurait être uniquement législative. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le 25 novembre, le Premier ministre faisait de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause nationale.

Il existe des situations multiples, depuis les violences conjugales jusqu'aux mariages forcés, qu'il est complexe de combattre.

Ce texte est le fruit de deux propositions de loi, dont l'une de M. Courteau dont je salue l'investissement.

Après ma question orale d'il y a deux ans, où je rappelais que les chiffres étaient accablants, je me réjouis de la présente discussion.

Ces violences sont aujourd'hui mieux connues, grâce à différentes enquêtes, dont celle réalisée en 2007 par l'Observatoire national de la délinquance qui observait une augmentation de 35 % en trois ans. La prise de conscience a facilité l'adoption de la loi d'avril 2006.

Nous devons aujourd'hui le renforcer, comme ont commencé de le faire deux plans nationaux.

Ce texte vise à mieux protéger, mieux prévenir, mieux punir. L'ordonnance de protection, qui doit stabiliser la situation de la victime, est une avancée. 90 % des victimes craignent les conséquences d'une plainte : saluons l'initiative, en regrettant que les associations ne puissent se porter parties.

Les personnes étrangères doivent voir sécurisée leur situation administrative, pour les aider à sortir de l'impasse.

L'article 17 introduit la notion de harcèlement psychologique, qui permet de reconnaître la violence dès les premiers signes et d'éviter l'escalade. C'est la violence la plus ordinaire, qui peut conduire au pire. Souvenons-nous du spot de Jacques Audiard. Vous aviez, madame la ministre, dit alors avoir été convaincue de la nécessité de légiférer. Mme Payet proposera quelques amendements à ce texte, dont je regrette qu'il soit insuffisant dans son volet prévention. Les jeunes, en particulier, doivent être sensibilisés, comme en Espagne, dès le plus jeune âge. Hélas, l'article 40 a frappé !

Les violences contre les hommes existent : elles auraient mérité d'être mieux prises en compte. (M. Roland Courteau approuve)

Internet diffuse des images de la femme dégradantes, incitant à la violence et qui sont vues par les enfants. Une réflexion est urgente sur la régulation de la Toile. Un colloque a été organisé à Madrid, pendant la présidence espagnole, qui insistait sur l'importance de l'image de la femme véhiculée par les médias. Une représentante du Parlement européen me disait que l'on recense 100 000 sites de pédopornographie. Sur la violence de genre, l'Espagne s'est dotée d'une législation en pointe, qui mériterait d'être portée à l'échelle européenne, où l'on devrait se doter d'indicateurs officiels. Il a été décidé à Madrid de créer un observatoire, rattaché à l'Institut européen de l'égalité.

Je regrette que l'on ait renoncé à créer un tel observatoire dans notre pays. Celui de la parité est très performant, malgré des moyens réduits.

Notre implication et notre mobilisation devront se poursuivre, pour une société plus juste, protégeant les plus fragiles. 184 personnes sont mortes sous les coups en 2008 et les discriminations se multiplient à travers le monde, je me contenterai de signaler la multiplication des exactions contre les femmes à Hassi Messaoud en Algérie. Notre gouvernement doit mener la lutte au plan national et international. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je relève l'intensité et la passion des orateurs qui m'ont précédée. L'égalité hommes-femmes, affirmée par la Déclaration des droits de l'homme, a été réaffirmée dans le Préambule de 1946 et la Constitution de 1958. Pourtant, les femmes victimes, violentées, assassinées restent toujours nombreuses. Sans parler des jeunes filles qui subissent des mutilations sexuelles ou sont mariées de force.

L'ensemble de la société est concerné. Ces violences bafouent notre pacte républicain et font honte à une société qualifiée de « civilisée ».

Je salue l'engagement de M. Courteau, dont l'essentiel de la proposition de loi est repris dans le texte. Je rends hommage à la délégation et à la commission spéciale de l'Assemblée nationale, dont je regrette que le Sénat n'ait pas suivi l'exemple pour l'examen de ce texte.

Protéger ces femmes, tel est notre devoir. Mais gardons-nous de discriminer entre les sexes : les hommes aussi sont victimes de violences conjugales. Quant aux enfants, il est essentiel de ne pas les oublier : nous proposerons un amendement.

Nous ne réglerons pas tous les problèmes en un texte. Mais ce doit être un outil de prévention, transcendant les clivages partisans.

Nous connaissons les chiffres. Mais savons-nous que moins d'une personne sur dix porte plainte et combien d'hommes ?

L'ordonnance de protection est la mesure phare de ce texte, permettant de protéger et de reloger la femme qui aura décidé de quitter son mari ou son compagnon. Ainsi protégée, sa parole pourra se libérer.

Avec cette protection efficace, on libérera la parole de la victime. C'est essentiel pour la suite. Le juge aux affaires familiales pourra se prononcer sur l'autorité parentale.

Nous espérons que l'ordonnance de protection permettra d'éviter certains drames, comme celui dont une femme a été victime il y a quelques jours : son mari a tenté de la brûler vive.

Il faut amplifier la lutte contre l'incitation à la violence contre les femmes car les médias véhiculent des stéréotypes sexistes. L'article 11 A, introduit à l'Assemblée nationale, va dans le bon sens.

Malheureusement, des raisons financières ont écarté les mesures favorisant la formation spécifique des professionnels. Des efforts de repérage sont annoncés. C'et un premier pas. Il en faudra d'autres.

La justice aussi doit s'adapter. Le recours à la médiation pénale est encadré par la présomption de refus. C'est une bonne chose car cette procédure est inadaptée aux cas les plus graves.

Enfin, l'article 17 sur les violences psychologiques peut également prévenir l'enchaînement conduisant aux coups.

Ce texte, enrichi par les deux assemblées, adresse aux couples un message attendu depuis longtemps en métropole et dans les départements d'outre-mer. Le mariage forcé ainsi que les mutilations sexuelles sont également visés.

Je souhaite l'adoption de ce texte qui fêtera peut-être son premier anniversaire le 25 novembre ! (Applaudissements)

Mme Jacqueline Panis.  - D'après l'Observatoire national de la délinquance, une femme décède tous les deux jours et demi sous l'effet de la violence conjugale, de même qu'un homme tous les quatorze jours.

Victimes de violences, les femmes demeurent en général murées dans le silence, parfois jusqu'à l'irréparable. Malgré les campagnes d'information et l'indépendance financière, moins d'un cas sur quatre est dénoncé.

Il arrive parfois que la violence intrafamiliale déborde le couple, lorsque le père ou le frère interviennent. N'oublions pas non plus les violences sur le lieu de travail.

Difficile à cerner, la cruauté mentale doit être combattue. L'alcool, le stress et la crise peuvent intervenir mais l'essentiel tient à la discrimination sexuelle car nombre de personnes pensent légitime d'user de leur force physique pour imposer leur diktats.

L'Observatoire national de la délinquance a dénombré 37 hommes morts sous les coups de leur compagne.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Panis.  - Dans tous les cas, les enfants sont traumatisés. Ils risquent de reproduire ce qu'ils ont vu.

Dès le plus jeune âge, il faut une relation d'équité entre enfants et convaincre les victimes que rien n'est acceptable. Se taire, c'est se mettre en danger : c'est vrai pour les femmes mais aussi pour les hommes.

Nous sommes très satisfaits de travailler ensemble pour combattre ce fléau que nous dénonçons tous. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs CRC)

M. le président.  - Il semble regrettable de repousser à demain la réponse de Mme Morano. Je propose que nous l'entendions ce soir, même si nous devions dépasser minuit. (Assentiment)

M. Yannick Bodin.  - Il y a cinq ans, nous avons introduit dans le code civil une notion nouvelle : le respect entre époux. Ce qui semble évident aujourd'hui résulte du travail de longue haleine accompli par M. Courteau. Malgré ses insuffisances, la loi de 2006 a permis de sensibiliser l'opinion publique et les professionnels ; il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape.

L'opinion publique reconnaît le calvaire des femmes victimes de violences conjugales. Nous devons renforcer les sanctions, mais j'insisterai sur la prévention, principalement sur le respect qui devrait être inculqué dès le plus jeune âge. Les comportements machistes de trop d'adolescents m'inquiètent. Il faut inculquer dès le plus jeune âge le respect de l'autre sexe. Cela fait partie de l'enseignement. Le rôle de l'école est déterminant !

La proposition de loi faisait enfin référence aux associations. Espérons que le Gouvernement leur accordera plus de crédits...

Il faudrait inciter les établissements à recourir systématiquement à ces associations.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Eh oui !

M. Yannick Bodin.  - La proposition d'une séance d'information sur le respect est primordiale. Idem pour la formation des enseignants. La société peut marginaliser la violence, mieux prendre en charge les victimes et assurer l'égalité entre hommes et femmes, clé d'une société plus juste et plus sereine. (Applaudissements)

Mme Catherine Troendle.  - Cette proposition de loi tend à protéger toutes les victimes de violences. Les chiffres sont difficiles à connaître, mais les cas de violences sur femmes majeures par un conjoint ont augmenté de 37 % de 2006 à 2007, atteignant 47 500 cas. Il semble que seuls 9 % des cas de violences aboutiraient à des plaintes.

Nous nous réjouissons de la meilleure protection apportée par notre droit, depuis la circonstance aggravante introduite en 2004, en passant par la loi de 2006 reconnaissant le viol entre époux.

Le texte d'aujourd'hui tend à mieux repérer les cas de violences et à mieux accompagner les victimes.

Désormais, le texte prend aussi en compte les hommes violentés : il y en aurait eu 130 000 entre 2005 et 2006 !

L'ordonnance de protection reconnaît le statut des victimes, femmes ou hommes. En revanche, les violences au sein de la fratrie sont exclues, de même que celles entre ascendant et descendant. Rappelons que l'ordonnance n'établit pas la réalité des violences : c'est l'affaire du juge pénal.

La victime de violences peut choisir une association pour être accompagnée. En matière d'autorité parentale, notre rapporteur a rétabli la rédaction actuelle du code civil, qui privilégie l'intérêt de l'enfant, en réservant l'interdiction de visite aux motifs graves.

Privilégiant la proportionnalité de la sanction, la commission a fait justement limiter la mise sous bracelet électronique. En ce domaine, le juge disposera d'un large champ d'appréciation.

Nous souscrivons aux évolutions du texte quant aux mesures assurant la protection de la victime, mais aussi quant aux droits de la défense.

L'interdiction de sortie du territoire est opportunément confortée.

J'en viens aux violences morales. A propos des violences psychologiques, la rédaction du rapporteur a conforté la sécurité juridique du texte. Il en va de même pour le harcèlement moral.

Dans un souci de proportionnalité des peines, il convenait de prendre en compte l'incapacité de travail.

Enfin, j'approuve l'amendement du rapporteur appliquant le texte outre-mer ainsi que celui du Gouvernement sur la date d'entrée en vigueur du texte, qui doit faciliter l'adaptation des magistrats.

Le groupe UMP votera la proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je salue le travail de la mission sur les violences faites aux femmes, ainsi que nos collègues qui se sont impliqués, notamment M. Courteau.

Les violences au sein des couples frappent une femme sur dix, tandis que ce n'est que dans 9 % des cas qu'une plainte est déposée.

Le tabou reste la norme car les victimes éprouvent de la honte à se manifester. Il fallait donc légiférer pour sortir les victimes de leur prison mentale.

Enfin, les violences psychologiques sont reconnues : elles représentent 90 % des cas de violence. Face à ces situations difficiles, le législateur se devait d'intervenir.

La prise en compte de l'enfant constitue une avancée majeure. Certains développent des capacités de résistance incroyables mais d'autres deviennent violents ou se replient sur eux-mêmes. Devenus adultes, ils peuvent reproduire les situations qui leur ont été imposées.

Il faut donc sensibiliser les enfants dès l'école : c'est nécessaire pour traiter le mal à la racine.

De façon générale, ce texte comporte de nombreuses avancées qu'il faut saluer. La loi doit protéger les victimes tout en s'efforçant d'enrayer ce mal profond. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Après la loi de 2006, nous continuons à lever le tabou sur des actes frappés par la loi du silence.

Je me félicite de la prise en compte des nouvelles formes de vie en commun et de la situation des femmes étrangères. J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à permettre à ces dernières de bénéficier d'un visa de retour en cas de vol de leurs papiers par leur conjoint Je demande aussi que la loi s'applique aux Françaises résidant à l'étranger, même lorsqu'elles sont binationales. A cet égard, il faut diffuser l'information dans nos consulats et écoles à l'étranger.

Laisser aux juridictions étrangères le soin de gérer seules les problèmes de violence peut parfois relever de la non-assistance à personne en danger, notamment dans les pays où la législation en matière de lutte contre les violences conjugales n'est qu'embryonnaire,

Il me semble également nécessaire de simplifier le recours au juge aux affaires familiales, notamment pour obtenir un logement, y compris pour les Françaises de l'étranger.

Le second point de mon intervention concerne le maintien du lien entre les enfants et les deux parents.

Pour éviter les accusations déloyales en cas de séparation de couples mixtes, il importe particulièrement de vérifier la réalité des faits. La violence psychologique n'affecte pas plus souvent les femmes que les hommes. Au Japon, la justice tend à couper l'enfant du parent français.

Lorsque la convention de La Haye n'est pas signée, il peut être difficile de lutter contre les enlèvements d'enfants.

Le nouveau régime des autorisations de sortie de territoire est bienvenu mais que deviendront les centaines de dossiers en attente ?

Il faut également améliorer la formation en droit international à l'École nationale de la magistrature.

La lutte contre la violence conjugale est un enjeu majeur pour notre société. Le foyer familial est le premier vecteur d'apprentissage de l'égalité entre les sexes, l'école est le deuxième.

Nos écoles doivent mieux diffuser les valeurs qui constituent le socle de notre République. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les violences au sein des couples ont trop longtemps été occultées, malgré leurs conséquences. Il faut lutter contre ce fléau au nom des valeurs de notre pacte républicain.

Le nombre et la gravité des violences contre les femmes est intolérable et justifie le débat d'aujourd'hui, initié par la proposition de loi déposée par M. Courteau, qui a débouché sur la loi de 2006. La route est encore longue pour faire évoluer les mentalités : il faut agir dès le plus jeune âge contre les préjugés sexistes. (M. Roland Courteau approuve)

La loi de 2006 a permis d'enregistrer plus de plaintes. Nous devons aujourd'hui adresser un message aux victimes et aux maris violents. La souffrance de sa femme est le but recherché. La violence est un délit. Elle peut devenir un crime. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

La proposition de loi de M. Courteau insiste sur la sensibilisation dès l'école et la formation de tous les intervenants ; le texte de l'Assemblée nationale tend à protéger, prévenir et punir.

La violence psychologique au sein des couples est calquée sur le harcèlement au travail.

Soulignons que le monde associatif devrait intervenir rapidement pour accompagner les victimes. Les enfants témoins de violences risquent d'en conserver une vision faussée de la femme, de la famille et de la société.

Espérons que ce texte suscite une prise de conscience collective ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Patricia Schillinger.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Les violences faites aux femmes posent un vrai problème de santé publique. Elles existent au sein des couples et sur le lieu de travail. Il y a urgence, car une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups.

Le droit international impose de sanctionner les coupables, mais aussi d'agir pour prévenir ces violences. La prévention doit commencer dès le collège pour promouvoir l'égalité entre les sexes par un enseignement hebdomadaire.

Mais au nom de l'égalité, nous devons aussi prendre en compte les hommes victimes de violences.

Dans 10 % des cas, les actes de violence ont lieu devant les enfants. L'opinion publique doit être informée. Je souhaite une journée de prévention, de même que la création d'un observatoire national.

La prévention doit s'adresser aux victimes et à leur entourage. Les auteurs de violence doivent comprendre qu'ils sont des criminels !

Nous avons besoin d'une politique ambitieuse, homogène sur le territoire, organisant l'interaction coordonnée de tous les professionnels concernés. J'insiste sur le rôle des médecins.

Nous devons aider les femmes victimes à se reconstruire et combattre toutes les formes de discrimination. Le changement des mentalités repose sur l'éducation à l'égalité, à la non-violence, à la tolérance et au dialogue. (Applaudissements)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.  - Ce soir, à travers vous, c'est la Nation qui est mobilisée parce que 75 000 femmes sont violées chaque année, parce que les mariages forcés concernent 8 000 adolescentes, parce que la violence physique ou psychologique est intolérable, parce que les formes des cellules familiales évoluent.

Trop de femmes ont perdu la vie. Le Gouvernement a travaillé sous l'autorité du Président de la République qui a déclaré grande cause nationale la lutte contre les violences faites aux femmes.

Le Gouvernement a tenu à ce que ce texte reste une initiative parlementaire pour lui donner toute sa force, au-delà des clivages politiques : c'est ensemble que nous devons lutter contre l'inacceptable.

Vous avez souhaité élargir ce texte aux violences au sein du couple : effectivement, des hommes aussi sont victimes de violences.

Nous devons agir en matière d'information, de prévention, de formation, d'accompagnement des victimes. Au 39-19, 84 % des 80 000 appels annuels concernent des violences psychologiques : elles seront enfin reconnues.

Vous avez souligné la nécessité d'intervenir très tôt, dès l'école : c'est dès le plus jeune âge que l'on doit apprendre à respecter les femmes. Parce que toute une classe d'âge doit être chaque fois touchée, nous utiliserons la voie de la journée d'appel de préparation à la défense. Le document est prêt ; j'espère pouvoir le diffuser dès juillet.

Ce texte introduit le bracelet électronique, que j'ai vu fonctionner en Espagne : il protège la femme contre l'approche de son partenaire violent.

Un rapport sur la formation me sera remis le 30 juin. Nous pourrons alors faire le point sur les améliorations à réaliser. Nous savons déjà qu'il faut aller plus loin pour les travailleurs sociaux : j'ai sollicité leur conseil supérieur à cette fin.

Le budget de la justice, madame Morin-Desailly, est en hausse de 3,42 %. Mille emplois ont été créés pour faciliter l'accès au droit et l'aide aux victimes. L'aide judiciaire bénéficie de 290 millions d'euros en 2010. Le secrétariat aux droits des femmes dispose de plus d'un million d'euros. J'ai signé un avenant de 150 000 euros pour le 39-19, afin d'accompagner la campagne télévisée.

Je félicite le collectif des associations qui travaillent à nos côtés. Je salue leur détermination. (M. Roland Courteau approuve) Le spot diffusé le 25 novembre dernier insiste sur l'indifférence. Quand une femme crie derrière une cloison et que le silence se fait, c'est peut-être qu'elle a perdu la vie. Vous avez insisté sur les enfants : un spot, prochainement diffusé, met l'accent sur ces victimes collatérales.

Les espaces de rencontre, madame Morin-Desailly ? Pour les associations de médiation et les lieux de rencontre familiale, le budget a été multiplié par quatre.

A l'étranger, nos autorités consulaires travaillent à assurer le retour volontaire en France des Françaises et des Français victimes de violences. Nous renforçons l'information des postes via le Quai d'Orsay.

Nous poussons les États non signataires de la convention de la Haye à la ratifier. Des pourparlers sont en cours avec la Russie. L'inscription au fichier des personnes recherchées participe des efforts des pouvoirs publics pour lutter contre les enlèvements d'enfants.

Nous allons peaufiner ce texte ensemble pour qu'il puisse très vite voir le jour. L'information reste essentielle pour mobiliser la population. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 23 juin 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à minuit dix.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 23 juin 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30

1. Proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières (n°285, 2009-2010).

Rapport de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n°535, 2009-2010).

2. Proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen (n°422, 2008-2009).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n°533, 2009-2010).

ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (n°340, 2009-2010) et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (n°118, 2009-2010).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n°564, 2009-2010).

Texte de la commission (n°565, 2009-2010).

Avis de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°553, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°553, 2009-2010).