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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Aménagement des voies sur berges à Paris

Perspectives financières des collectivités territoriales

Péréquation entre collectivités locales

Utilisation des pesticides à La Réunion

Formation des enseignants

Pénurie d'enseignants dans les Hauts-de-Seine

Situation de l'entreprise Roxel à La Ferté-Saint-Aubin

Délai de convocation des assemblées générales de copropriété

Déontologie des infirmiers

Publicité à la télévision

Médecine du travail

Surnombre de commissaires enquêteurs

Article 55 de la loi SRU

Pass foncier

Activités ferroviaires en Dordogne

Ligne Lyon-Turin

Construction d'une gare TGV à Allan dans la Drôme

Fret ferroviaire

Dissimulation du visage dans l'espace public

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du mardi 14 septembre 2010

6e séance de la deuxième session extraordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, M. Daniel Raoul.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement aux questions orales.

Aménagement des voies sur berges à Paris

Mme Catherine Dumas.  - Le 14 avril 2010, le maire de Paris a présenté son projet de réaménagement des voies sur berges, qui prévoit notamment l'installation de feux tricolores et la fermeture des quais bas de la rive gauche, avec l'objectif de réduire la vitesse et le volume de la circulation. Avec ce projet, les axes de reports risquent d'être surchargés, et avec eux tout le coeur de Paris.

En outre, le projet ne tient pas compte des aspects juridiques. Les voies sur berges font en effet l'objet d'une superposition de gestion donnée par l'État à la ville de Paris. Si celle-ci supprime la circulation sur ces voies, elles retourneront dans le domaine public de l'État et de nouvelles conventions seront nécessaires.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce projet ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Le projet de réaménagement modifierait profondément la circulation puisque dès 2012 les voies sur berges rive gauche seraient fermées à la circulation entre Solferino et le pont de l'Alma, tandis que celles de la rive droite seraient transformées en boulevard urbain. Il faudra bien évidemment une discussion approfondie avec le préfet de police de Paris avant toute décision, ainsi qu'une concertation avec les habitants et les collectivités locales voisines. Ce projet doit être abordé avec ouverture d'esprit, méthode et prudence.

Dès lors qu'est en cause le domaine public de l'État, il faudra revoir la disposition de superposition de gestion donné par l'État à la ville de Paris.

Mme Catherine Dumas.  - Mes collègues UMP du conseil de Paris restent très attentifs sur ce sujet important qui risque d'avoir des conséquences majeures sur la vie quotidienne des Parisiens ; ils proposent un projet plus ambitieux de réaménagement global de tous les espaces de bord de Seine. En outre, quid du Grand Paris ?

Perspectives financières des collectivités territoriales

M. Marcel Rainaud.  - Les collectivités locales sont des éléments moteurs de l'économie de notre pays. Malgré des règles de gestion contraignantes et les transferts de charges non compensés, elles assurent 70 % de l'investissement public, soit 800 000 emplois directs. Leur poids dans l'économie est donc essentiel.

Malheureusement, la réforme de la fiscalité locale conjuguée au gel des dotations leur portent un mauvais coup. Les entreprises de BTP vont réduire leurs effectifs et les collectivités devront abonder leurs budgets d'aide sociale, notamment le RSA, au détriment de l'investissement. Une étude d'impact devrait être menée sur ce qui apparaît comme un mauvais calcul économique.

Les collectivités locales ont besoin d'être rassurées sur l'évolution de leurs recettes après la suppression de la taxe professionnelle, ainsi que sur le dynamisme des recettes nouvelles. Le Fonds national de garantie individuelle des ressources a vocation à compenser les pertes de recettes induites par la réforme de la fiscalité.

Les élus demandent que la pérennité de ce fonds soit, pour le moins, garanti. Ils veulent s'assurer qu'ils pourront bien tirer profit des efforts qu'ils font en matière de développement économique, et donc qu'ils bénéficieront de l'intégralité des nouvelles recettes.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - La suppression de la taxe professionnelle a permis d'alléger de près de 9 milliards les charges pesant sur les entreprises. Le Gouvernement s'est engagé à compenser les éventuelles pertes de recettes, grâce à une dotation de compensation et au Fonds national de garantie. Aucune collectivité ne verra ses ressources baisser du fait de la suppression de la taxe professionnelle. Le fonds national est pérenne et la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est assise sur l'activité économique : elle devrait connaître une augmentation substantielle à l'horizon 2015.

M. Marcel Rainaud.  - Votre réponse n'est pas satisfaisante. Les élus ont besoin de visibilité. Il faut encourager les investissements des collectivités afin de relancer la commande publique.

Péréquation entre collectivités locales

M. Claude Biwer.  - Une plus grande péréquation financière entre collectivités territoriales est nécessaire. Le rapport sur la fiscalité locale présenté en mai 2010 par le Conseil des prélèvements obligatoires montre que l'équité entre contribuables et entre collectivités n'est pas assurée et que les écarts de richesse entre celles-ci n'ont jamais été aussi grands. Il ne s'agit pas nécessairement de donner plus, mais de donner autrement, de donner mieux.

Les mécanismes de péréquation ne réduisent que la moitié des disparités constatées ; la part de péréquation dans la DGF n'est que de 16 %. Le Conseil des prélèvements obligatoires propose d'augmenter la part des dotations péréquatrices et de mieux cibler l'effort en faveur des collectivités les plus éloignées de la moyenne. Un autre document, issu de l'AMF, recommande de réduire progressivement les inégalités dues au calcul de la dotation d'intercommunalité. Les intercommunalités devraient percevoir le même montant par habitant.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - La péréquation a fait l'objet d'un effort au cours de la dernière décennie et a désormais valeur constitutionnelle.

Entre 2004 et 2010, la part de la péréquation dans la DGF a considérablement augmenté ; l'effort sera poursuivi en 2011. Il conviendra aussi de renforcer la péréquation horizontale.

Ces pistes seront prises en compte dans les futurs textes législatifs.

M. Claude Biwer.  - Je constate que ma commune perçoit 10 % par habitant de ce que touche Paris. La capitale me fait de l'ombre et j'aimerais ne pas en mourir...

Utilisation des pesticides à La Réunion

Mme Anne-Marie Payet.  - Le 13 janvier 2009, les députés européens se sont prononcés sur la production et l'usage des pesticides : 22 substances chimiques sont désormais interdites. L'épandage aérien sera proscrit pour diverses cultures. Ces dispositions devraient entrer en vigueur dans les États membres début 2011.

Une étude a démontré la toxicité du Round up. Une autre prouve l'effet de l'exposition aux pesticides sur le développement des lymphomes, cancers incurables du sang. Les agriculteurs sont particulièrement touchés.

L'Institut de veille sanitaire (IVS) a lancé en février 2010 une grande étude sur l'état de santé de la population agricole dans cinq départements ; je regrette qu'aucun DOM n'ait été retenu.

A La Réunion, la prise en compte des risques professionnels est récente ; les agriculteurs y sont peut-être moins attentifs qu'ailleurs au danger de l'utilisation des pesticides.

Je demande qu'une enquête sérieuse soit menée sur l'état de santé des agriculteurs à La Réunion et plus généralement dans les DOM.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Le Gouvernement est préoccupé par cette question. Depuis 2005, des actions sont menées à La Réunion pour sensibiliser les agriculteurs. Un numéro vert est à la disposition des professionnels agricoles en métropole comme à La Réunion.

Depuis 2006, l'ARS a mis en place un dispositif interrégional de toxicovigilance et un registre des cancers est en voie de constitution.

L'étude de l'IVS est au stade de la faisabilité ; toute extension de son protocole aux DOM nécessitera des adaptations.

Nous prenons très au sérieux la question de la santé des agriculteurs exposés aux pesticides.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je vous remercie pour cette réponse. Ne serait-il pas possible de lever le secret médical afin de mieux appréhender le phénomène ? On sait la dangerosité des pesticides ; hier encore, TF1 a fait état d'une étude établissant le caractère hautement dangereux du chlordécone, dont on sait les dégâts qu'il a causé aux Antilles.

Formation des enseignants

M. René-Pierre Signé.  - La formation des enseignants est désormais assurée par les universités par le biais de la « mastérisation ». Hélas, ils n'auront pas effectué, préalablement à leur prise de poste, de stage dans une école ni reçu de formation pédagogique.

Nous sommes attachés à une formation de qualité. Le Gouvernement doit prendre en compte les inquiétudes qui s'expriment de toutes parts, présidents d'université, syndicats d'enseignants, étudiants, parents d'élèves. L'école républicaine est le lieu privilégié de la transmission de nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Cette question est une préoccupation majeure de M. Chatel. La formation mise en place est conforme à ce qui se pratique dans la plupart des pays européens. Formations pratique et universitaire sont rapprochées grâce à divers stages effectués dès la licence. Tous les professeurs stagiaires bénéficient de l'aide d'un professeur tuteur expérimenté.

De plus, les nouveaux professeurs perçoivent un traitement revalorisé de 10 %. L'école de la République répond ainsi à la demande de formation de nos concitoyens.

M. René-Pierre Signé.  - L'année de formation en IUFM rémunérée par l'État est remplacée par une année en université non payée... Dès la rentrée, les nouveaux professeurs seront chargés d'une classe sans formation pédagogique, et les tuteurs ne seront pas assez nombreux. J'ajoute que la fermeture des IUFM dans les départements ruraux comme le mien ne peut que nuire à leur équilibre. On peut d'ailleurs se demander si la formation en université, donc en ville, ne va pas avoir pour effet d'éloigner encore plus les futurs enseignants du monde rural -dans lequel nombre d'entre eux seront amenés à exercer.

Pénurie d'enseignants dans les Hauts-de-Seine

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Dans les Hauts-de-Seine, la situation scolaire s'est profondément dégradée à la suite de la suppression massive de postes d'enseignant. Les professeurs absents ne peuvent être remplacés, parfois pendant des mois. Le recrutement de vacataires et de contractuels ne saurait être une solution acceptable. Ce sont les élèves qui in fine subissent les conséquences de la RGPP. Dans l'académie de Versailles, la situation est grave, le Gouvernement doit en prendre la mesure. Une catastrophe menace le service public de l'enseignement.

Allez-vous revenir sur les suppressions de postes, sur la réforme de la formation des enseignants ? Allez-vous enfin recruter ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Notre pays consacre un effort considérable à son éducation, encore en augmentation cette année. Depuis les années 1990, le nombre d'élèves a baissé de 700 000 tandis que celui des enseignants a augmenté de 50 000. Le ministère de l'éducation nationale doit contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, tout en assurant les meilleures conditions d'apprentissage aux élèves. D'où la réforme de la formation des enseignants, le recentrage des cours sur les fondamentaux, la rénovation de l'enseignement professionnel.

Concernant l'académie de Versailles, votre inquiétude n'est pas fondée : seul 1 % des postes reste à pourvoir ; la situation des Hauts-de-Seine est meilleure que dans les autres départements. La part des enseignants contractuels est dans la moyenne nationale, moins de 3 %.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Je ne partage pas votre optimisme. Un rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale qui avait été tenu secret depuis juillet note que les restrictions budgétaires sont source de tensions et que les choix du Gouvernement préparent mal l'avenir. On ne peut accueillir plus d'élèves avec moins de professeurs !

Les conditions de travail se dégradent et les services administratifs sont, dit le rapport, sollicités au-delà du raisonnable. La survie du système est en jeu et vous en portez l'entière responsabilité.

Situation de l'entreprise Roxel à La Ferté-Saint-Aubin

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'entreprise Roxel, dont la SNPE est actionnaire à 50 %, emploie à La Ferté-Saint-Aubin 84 personnes ; cette entreprise est spécialisée dans l'armement. Or, une réorganisation des effectifs est envisagée : 33 emplois seraient transférés à Bourges et 20 purement et simplement supprimés.

Le plan de charges de cette entreprise ne nécessite pas une telle évolution ; une autre stratégie industrielle permettrait de maintenir l'ensemble des emplois à La Ferté-Saint-Aubin. Que compte faire le Gouvernement pour éviter ces transferts et ces licenciements ? Si les projets envisagés devenaient effectifs, l'entreprise serait, à terme, menacée.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Le ministère de la défense a pris note de vos observations sur l'entreprise Roxel.

A l'initiative de la direction de l'entreprise, les deux sites du Cher vont être spécialisés ; 30 emplois seront transférés de La Ferté-Saint-Aubin à Bourges et 16 supprimés, afin d'améliorer la productivité et les coûts. Le site de La Ferté-Saint-Aubin ne comptera plus que 33 emplois mais restera ouvert.

Le plan de réorganisation est justifié par des redondances importantes, dans un contexte de restrictions budgétaires. Le ministère est conscient de l'inquiétude des salariés de l'entreprise Roxel et de la situation du bassin d'emploi. Il souhaite l'établissement d'un dialogue constructif et responsable entre les partenaires sociaux, les élus et les responsables de l'entreprise, ainsi que le développement d'activités nouvelles en rapport avec les savoir faire existants.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je connais le site de La Ferté depuis bien longtemps et j'y ai vu les effectifs se réduire année après année. Il y a une véritable angoisse. J'aurais aimé que vous me confirmiez le maintien des emplois. Mais vous vous engagez sur la pérennité de l'activité du site de La Ferté-Saint-Aubin et souhaitez le développement d'activités innovantes. J'en ferai part aux salariés et aux élus de manière à ce que contact soit pris rapidement pour aller en ce sens.

Délai de convocation des assemblées générales de copropriété

M. Jean-Claude Carle.  - Les convocations des copropriétaires sont encadrées par des règles strictes fixées par le décret du 17 novembre 1967, notamment un délai légal de 21 jours entre la convocation et le déroulement des assemblées générales. Lorsque le courrier a du retard, des annulations ont lieu. Ne serait-il pas possible de modifier la réglementation afin de prendre en compte les retards imputables à La Poste ? On pourrait par exemple faire partir le délai, non le lendemain du jour de la première présentation mais le lendemain du jour de la preuve de dépôt au bureau postal.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Le délai a pour point de départ le lendemain de la première présentation de la lettre aux copropriétaires. En cas de dysfonctionnement des services postaux, la Cour de cassation a jugé, le 6 décembre 2005, que la responsabilité du syndic n'était pas engagée. De plus, en l'absence d'un texte prévoyant un délai maximum, rien n'empêche le syndic d'envoyer la convocation quatre ou cinq semaines avant l'assemblée générale. Il n'est donc pas besoin d'envisager une modification réglementaire qui ne serait pas conforme à la volonté du législateur. Le délai de 21 jours été voulu pour permettre aux copropriétaires d'examiner l'ordre du jour. Toute modification du délai se fera au détriment de leurs droits, auxquels vous êtes attachés.

M. Jean-Claude Carle.  - La référence à la décision de la Cour de cassation est très importante pour les syndics.

Déontologie des infirmiers

M. Gérard Bailly.  - M. Milon m'a demandé de le remplacer ce matin.

En vertu de la loi du 21 décembre 2006, confirmée par la loi du 21 juillet 2009, il est prévu un code de déontologie des infirmiers, très attendu des professionnels. Ce projet de code a été soumis depuis plusieurs mois au ministère de la santé. Mais le décret n'est toujours pas publié. Qu'attend le Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - L'Ordre national des infirmiers veille à l'exercice éthique de la profession et promeut la qualité des soins. Il doit préparer un code de déontologie.

Un projet a été transmis au ministère de la santé, ce dont Mme Bachelot se félicite ; il est en cours d'analyse et sera transmis au Conseil d'État à la suite de celle-ci. La profession dispose déjà de règles professionnelles mais le code de déontologie est l'aboutissement d'un travail mené par les professionnels eux-mêmes.

M. Gérard Bailly.  - Les infirmiers prendront connaissance de cette réponse très précise.

Publicité à la télévision

M. Gérard Bailly.  - J'ai déjà attiré l'attention du Gouvernement il y a deux ans sur cette question. Les téléspectateurs sont très agacés par la hausse systématique du niveau sonore des séquences publicitaires, malgré l'insistance du CSA. Celui-ci a créé un groupe de travail lors du passage à la TNT. Où en sont ses travaux ? Comment peut-on mettre fin à ces pratiques déplaisantes des publicitaires et qui vont à l'encontre du but recherché puisque les téléspectateurs, gênés, baissent ou coupent le son ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Le décret du 21 mars 1992 fixe le régime juridique applicable à la publicité télévisée et dispose que son volume sonore ne doit pas dépasser le niveau moyen des programmes. Le CSA a constaté, le 23 mai 2006, que cette règle n'était pas respectée et a adressé ses observations à M6, TF1 et France 3 ; avec le passage à la TNT, il a décidé l'utilisation de nouvelles techniques pour identifier un niveau sonore de référence commun.

La technique en est nécessairement complexe, notamment parce qu'est en jeu la subjectivité des téléspectateurs. La loi HSPT a prévu un décret, lequel a été publié le 2 juillet 2010 et évoque la notion de traitement de la « dynamique sonore ».

Le syndicat national de la publicité télévisuelle a saisi les responsables des chaînes pour que soient harmonisés les niveaux sonores entre programmes et entre chaînes.

M. Gérard Bailly.  - Je vous remercie de cette réponse précise, en espérant que le décret du 2 juillet dernier sera effectivement appliqué.

Les personnes qui n'ont plus l'usage de leurs mains ne peuvent diminuer aisément le niveau sonore de leur téléviseur. Pensons aussi à ces personnes handicapées !

Médecine du travail

M. Jean-Jacques Mirassou.   - Un rapport de mai 2010 pose de manière aiguë la question de la prévention des risques au travail. Les salariés vulnérables sont confrontés à un durcissement, dû à la crise, du marché et des conditions de travail. La médecine du travail est sinistrée. Un médecin peut être amené à suivre 3 600 salariés par an ; les trois quarts des médecins du travail ont plus de 50 ans. Les effectifs sont insuffisants, ce dont s'inquiètent les parlementaires comme les partenaires sociaux.

Va-t-on remplacer les médecins du travail par des généralistes ou par des infirmiers ?

Pouvez-vous nous garantir que la médecine du travail aura demain les moyens réglementaires, matériels et humains d'assurer ses tâches ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Dans le cadre de la négociation préparatoire à la réforme de la médecine du travail, un document de travail a été élaboré en juillet 2008. Faute d'accord, ont été présentés au Conseil d'orientation sur les conditions de travail les grands axes que devrait suivre une telle réforme. Un certain nombre de ces mesures, concernant en particulier la pénibilité, ont été intégrées au projet de loi sur les retraites. Elles vont dans le sens que vous souhaitez.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Vos propos rassurants sont contredits pas les débats en cours à l'Assemblée nationale...

Le monde du travail va être confronté à de nouveaux risques, comme les radiations ionisantes ou les nanotechnologies. Je crains que votre ministère, chargé des aînés, ne soit amené à empiéter sur les compétences du ministère du travail après la réforme des retraites : je ne vous le souhaite pas ! (Sourires)

Surnombre de commissaires enquêteurs

Mme Catherine Troendle.  - Le nombre des commissaires enquêteurs nommés chaque année par les commissions départementales d'aptitude à ces fonctions est très important. Leur qualité est telle qu'il est à peu près impossible de refuser la moindre candidature. Cela crée un surnombre et des désignations à vie. Ne peut-on cesser de recruter pendant deux ans ? Il serait bon aussi d'instaurer une limite d'âge.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Entre 2009 et 2010, le nombre de commissaires enquêteurs est passé de 6 453 à 6 354, soit une très légère diminution. Un groupe de travail a été constitué par le Conseil d'État, qui devrait déposer bientôt ses conclusions. Il pourrait proposer de limiter la durée d'inscription sur les listes d'aptitude afin de sécuriser les enquêtes publiques. En revanche, il n'est pas question de limite d'âge. La nouvelle réglementation interviendra dans les prochains mois.

Mme Catherine Troendle.  - Faute de limite d'âge, il n'y a aucune vérification des compétences. En tout cas les propositions du groupe de travail vont dans le bon sens.

Article 55 de la loi SRU

M. Jean-Claude Carle.  - L'application de cet article pose de nombreuses difficultés. En Haute-Savoie, le prix du foncier est très élevé, ce qui rend prohibitif le coût de la construction de logements sociaux. Notre département, touristique et montagneux, doit aussi préserver son agriculture de qualité.

Les communes s'estiment injustement pénalisées. Ne pourrait-on inclure dans les logements sociaux ceux qui ont été acquis par des ménages ayant bénéficié du PSLA, ainsi que les logements en accession à la propriété aidés ? Je pense aussi aux emplacements destinés à l'accueil des gens du voyage.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Il est vrai que le renchérissement du prix du foncier en Haute-Savoie peut rendre difficile la construction de logements. Je constate toutefois que 38 000 ont pu être construits récemment...

La majorité des ménages aux revenus modestes ne peuvent accéder qu'à des logements locatifs sociaux. L'installation d'aires d'accueil est déjà prise en compte, au titre de l'article L. 302-7 du code de la construction, mais ne peut être assimilée à celle des logements sociaux.

L'article 55 est un dispositif de solidarité. Le département de Haute-Savoie est attentif aux conséquences du prix du foncier. Le Gouvernement a décidé d'accentuer ses aides à la construction de logements sociaux dans les zones les plus tendues, comme votre département.

M. Jean-Claude Carle.  - Je vous remercie de reconnaître l'effort engagé par la Haute-Savoie. Je persiste à regretter que l'acquisition sociale ne soit pas prise en compte dans l'article 55 : cela permettrait de favoriser la mixité sociale. Les aires d'accueil ne sont certes pas des logements mais permettent de recevoir des populations dont personne ne veut : il y a bien un effort social de la part des communes concernées...

Pass foncier

Mme Françoise Cartron.  - Le 1er juillet 2010, le plafond des prêts accordés dans le cadre du Pass foncier a été abaissé à 20 000 euros. Cette décision précipitée marque un recul dans la politique d'accession sociale à la propriété. Elle touchera des ménages qui s'étaient engagés dans ce processus et nuira aux professionnels eux-mêmes.

Le Pass foncier était un outil intéressant qui commençait à produire ses effets pour les jeunes ménages primo-accédants. Je regrette que le Gouvernement le remette en cause. Comment allez-vous pérenniser la politique d'accession sociale à la propriété ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le Pass foncier accorde une aide puissamment solvabilisatrice. Les prévisions d'engagements atteignaient, début juillet, les 27 000, ce qui laissait prévoir un dépassement des 30 000 prévus par le plan de relance pour 2010.

La diffusion des Pass fonciers dans les zones tendues a eu lieu progressivement et porté leur niveau à 40 000 euros, ce qui était incompatible avec l'enveloppe prévue de 1 milliard. Action logement et le Gouvernement ont donc décidé de diminuer ce montant, sans remettre en cause les opérations conclues avant fin juillet. Voilà bien la souplesse que vous souhaitez !

La Conseil national de l'habitat a été consulté ; le 7 juin, il a rendu un avis favorable à l'unanimité moins une voix. La concomitance avec la fin du doublement du PTZ montre que nous sommes en phase de fin du plan de relance. Nous préparons une grande réforme de l'aide à l'accession à la propriété, que le Président de la République doit détailler ce jour même : il s'agira de simplifier le dispositif et de la rendre plus puissant. Voilà qui devrait vous rassurer.

Mme Françoise Cartron.  - Je suis à moitié rassurée d'entendre que les Pass fonciers engagés seront assurés. Il s'agit là d'une mesure très efficace pour les primo-accédants à faibles revenus, qui peuvent ainsi devenir propriétaires, comme le souhaite le Président de la république, dont j'attends par ailleurs de connaître les annonces.

Activités ferroviaires en Dordogne

M. Claude Bérit-Débat.  - Comment développer les territoires ruraux si l'État ne cesse de se désengager ? La SNCF déserte notre département. L'atelier de production situé à Coulounieix-Chamiers a encore perdu des salariés. La gare dédiée au transport du bois au Buisson de Cadouin a été fermée, à Condat, les tergiversations de RFF et de la SNCF poussent la papeterie à se tourner vers le transport routier ; pour les voyageurs, le conseil régional doit financer le gros des travaux quand la SNCF ne lui demande pas d'arracher des rails !

Quelle est la perspective du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le Gouvernement est déterminé à tout mettre en oeuvre pour développer le rail. Un investissement de 7 milliards est prévu d'ici 2020 pour porter à 25 % d'ici 2022 la part du fret ferroviaire, la SNCF investissant de son côté 1 milliard d'ici 2015. La branche fret de la SNCF a donc engagé une concertation avec ses clients potentiels pour examiner leurs attentes.

En Dordogne, la SNCF assure le transport du fret ferroviaire pour les entreprises de Thiviers et Condat le Lardin. En revanche, un accord n'a pas été trouvé au Buisson de Cadouin.

La branche fret de la SNCF est associée à la réflexion du conseil régional pour élaborer un schéma ferroviaire innovant. Les besoins en matériel de voie ont diminué de 20 %, ce qui explique la réduction des effectifs -sans licenciement !- du site de Coulounieix-Chamiers, lequel restera cependant ouvert. Le marché devrait connaître une croissance à partir de 2012.

M. Claude Bérit-Débat.  - Cette réponse est décevante : vos propos sont démentis par la réalité que nous constatons en Dordogne. L'entreprise de Condat le Lardin ne travaille pas avec la SNCF, dont le prix est très supérieur à celui qu'offre la route. Pour Coulounieix-Chamiers, les parlementaires se mobilisent. Le savoir-faire disparaît faute de remplacer les départs à la retraite. Après la Société des poudres de Bergerac, et Marbot-Bata, voilà encore un exemple de désindustrialisation.

Le conseil régional doit se substituer à la SNCF pour maintenir les gares. On nous dit qu'il faut restreindre les horaires à Ribérac pour diminuer les coûts... Cela ne peut nous convenir.

Ligne Lyon-Turin

M. Jean-Pierre Vial.  - Le 24 octobre 2009, le Gouvernement a créé un fonds de solidarité territoriale pour financer l'accompagnement des chantiers des nouvelles lignes à grande vitesse sur le territoire des collectivités locales concernées. Le besoin de financement s'élève à 25 millions pour la période 2007-2013. Le fonds devrait pouvoir couvrir les anticipations avant le début des travaux, prévu en 2013. Pouvons-nous compter sur ce financement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - La mise en place du FST a été annoncée par le Premier ministre le 1er octobre dernier. Les collectivités concernées par la ligne Lyon-Turin bénéficieront de ce dispositif. L'enveloppe prévue permettra d'améliorer l'insertion environnementale et le développement économique des territoires traversés. Le financement de ce dispositif sera intégré dans le financement global du projet.

Autre dispositif : la démarche « Grand chantier » qui a fait l'objet d'une convention 2008 entre l'État et les collectivités concernées et se retrouvera dans le CPER 2007-2013. Il s'agit donc de deux dispositifs distincts mais complémentaires.

M. Jean-Pierre Vial.  - Cette réponse confirme l'éligibilité à ce fonds. Mais il y a des projets actuels qu'il faut déjà accompagner.

Construction d'une gare TGV à Allan dans la Drôme

M. Didier Guillaume.  - La construction d'une gare TGV à Allan s'inscrit dans le Grenelle de l'environnement parce qu'elle permettrait de réduire les émissions de CO² dans le sud de la vallée du Rhône. La gare de Valence est en effet surchargée. Idéalement située, la zone d'Allan permettrait de développer l'activité économique et touristique. Des études ont confirmé la faisabilité de cette gare.

D'après le comité de pilotage, son coût se monterait à 70 millions. Le potentiel serait de 340 000 voyageurs par an d'ici 2020. Unanimes, les élus de ce département ne comprendraient pas que cette gare ne soit pas construite. Pouvez-vous nous confirmer l'engagement pris par M. Bussereau le 16 mars 2009 ?

M. le président.  - Lorsque nous avons travaillé sur le tracé du TGV Paris-Marseille, nous avons constaté que tout le monde voulait la liaison, mais pas chez soi. Les tomates que nous avons reçues ne nous ont pas fait peur ! (Sourires)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le 24 juin 2010, le comité de pilotage de la Drôme a permis de faire le point : le coût de la gare sera de 70 millions et les coûts annexes de 120 millions.

Une nouvelle phase d'étude est prévue. Compte tenu du montant des investissements en jeu, l'unanimité est indispensable. Un comité de financeurs a été créé.

L'impact sur le schéma de desserte est à approfondir. Un transfert de quelques arrêts de gare vers Allan serait nécessaire. La solution qui sera retenue devra tenir compte des conditions d'exploitation, particulièrement délicates dans la vallée du Rhône.

M. Didier Guillaume.  - Rien de nouveau sous le soleil ! Les collectivités locales se sont engagées à financer le projet, mais quid de l'État, sans qui rien ne se fera ?

Quelle est la priorité du Gouvernement ? M. Bussereau avait dit qu'il était favorable à cette gare. Il y a suffisamment de dossiers qui divisent pour que l'on retienne ce projet qui fait l'unanimité. J'ai le sentiment que M. Bussereau a botté en touche.

Tant que l'on ne sait pas si les 70 millions seront débloqués par l'État, nous ne pouvons rien faire. Les collectivités territoriales sont pourtant prêtes à assumer leur part.

Fret ferroviaire

Mme Marie-France Beaufils.  - J'ai déjà évoqué cette question il y a trois ans. La situation du fret ferroviaire se dégrade sans cesse. Comment comprendre l'objectif du Grenelle d'accroître le fret ferroviaire alors que le Gouvernement fait tout pour aboutir au résultat inverse ? Le nombre de camions sur les routes ne fait qu'augmenter du fait de votre politique. Et voici que les 44 tonnes vont circuler.

En 2009, M. Bussereau déclarait que le Gouvernement ne demandait pas à la SNCF de mettre fin au wagon isolé mais qu'il ne le subventionnerait pas, attendant de connaître les décisions de la SNCF, dont l'Etat est actionnaire... Or 60 % du trafic réalisé par wagon isolé sont abandonnés : c'est 300 000 tonnes de CO² supplémentaires. Où est le Grenelle ? Le wagon isolé coûterait trop cher ? Pourquoi alors onze grands pays européens en ont-ils décidé autrement ? Pourquoi la SNCF s'est-elle retiré du projet européen x-rail sur les wagons isolés ?

En proposant de réduire l'offre de fret, vous allez contre l'intérêt de l'environnement mais aussi de l'économie. Vous aviez appelé à créer des opérateurs locaux. Un seul l'a été, le train touristique du pays cathare...

Il faut rouvrir le site de Saint-Pierre-des-Corps et le moderniser. Un moratoire doit être déclaré sur le wagon isolé. Le plan fret de la SNCF doit être revu.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Lors du Grenelle, le Gouvernement s'est engagé à doubler la part du fret hors route et hors avion. L'engagement national coûtera 7 milliards à l'État et 1 milliard à la SNCF. Le Gouvernement a demandé à l'entreprise nationale de développer la continuité ferroviaire et le transport combiné.

La SNCF finalise son schéma pour un nouveau transport ferroviaire de fret. En ce qui concerne le wagon isolé, des services sur mesures seront proposés et des trains multi-lots et multi-clients seront composés. La réalisation de plate-formes dédiées sera progressive sur deux ans. Le Gouvernement est vigilant sur la dimension territoriale du plan prévu par la SNCF. Saint-Pierre-des-Corps est concerné. La SNCF a créé une direction à l'aménagement du territoire, avec un délégué dans chaque région, chargé du développement.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je serai très attentive à ce que l'on entende les soucis des élus sur le terrain, comme des entreprises -je pense par exemple aux problèmes rencontrés par Primagaz à Orléans. Les réponses apportées ne permettent pas de nous rassurer pour l'avenir. Les entreprises ont besoin de vision à long terme. Je ne suis pas sûre que le développement du multi-lots répondra à la demande.

Je ne comprends toujours pas pourquoi la SNCF n'a pas rejoint l'initiative européenne x-rail sur les wagons isolés, grâce à quoi l'Allemagne commence à redévelopper son fret ferroviaire.

La séance est suspendue à 11 h 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Dissimulation du visage dans l'espace public

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) L'unité du pays est notre bien majeur ; la préserver est notre devoir commun. Le développement de pratiques radicales appelle donc notre vigilante détermination.

Le texte examiné aujourd'hui a été adopté par l'Assemblée nationale le 13 juillet 2010. Je salue la qualité du travail effectué par votre commission, qui a fait prévaloir l'intérêt général. Une fois de plus, le débat parlementaire honore notre démocratie.

La volonté de vivre ensemble repose sur des valeurs communes, notamment le refus du repli sur soi et du rejet de l'autre qui sous-tendent le communautarisme.

Accepter le regard des autres n'est pas seulement une question de sécurité ; ce n'est nullement une question de religion, car la France, terre de laïcité, respecte toutes les religions. Ce projet de loi ne stigmatise pas telle ou telle façon de dissimuler son visage. Vivre à visage découvert relève de nos principes républicains.

Ce texte comporte des mesures dissuasives, mais aussi pédagogiques.

La règle est claire : nul ne peut dissimuler son visage dans l'espace public. La portée de l'interdiction concerne tout l'espace public.

Traditionnellement, l'ordre public comporte trois composantes matérielles : la tranquillité, la sécurité, la salubrité, mais aussi une composante immatérielle : l'ordre public social. Celui-ci permet des mesures d'interdiction générale, dépassant la notion de proportionnalité inhérente aux aspects matériels de l'ordre public.

Le Conseil d'État a validé cette notion dès l'arrêt « Société des films Lutétia », rendu en 1959, confirmé par l'arrêt de 1995 « Commune de Morsang-sur-Orge ». De même, le Conseil constitutionnel a invoqué les valeurs fondamentales du vivre ensemble dans ses décisions de 1993 et 1999.

La dissimulation du visage peut être contrainte, ce qui est incompatible avec la Constitution. Mais la dissimulation volontaire traduit un refus du vivre ensemble car il dissout l'identité d'une personne dans celle d'une communauté.

Cette atteinte à l'ordre public social appelle une interdiction générale et absolue. En effet, une interdiction partielle, par exemple aux lieux publics, serait intellectuellement incohérente, sans parler de ses difficultés d'application. Comment justifier que le respect de la dignité des femmes commence lorsqu'on entre dans une gare et s'arrête lorsque l'on en sort ?

Le Conseil d'État s'est prononcé sur un premier projet. Il avait alors mentionné l'absence de reconnaissance explicite de l'ordre public social par le Conseil constitutionnel. Reste que cette reconnaissance est implicite.

Bien sûr, l'interdiction n'est pas absolue car des raisons professionnelles ou médicales peuvent justifier le port d'un masque.

Il en va de même pour certaines manifestations sportives ou religieuses, bien que nous ayons moins de pénitents qu'en Espagne... (Mme Nathalie Goulet le confirme)

Venons-en aux sanctions, qui seront adaptées à la réalité, car le but est de faire respecter les principes de la République. Nous voulons convaincre autant que dissuader. D'où la distinction entre infraction volontaire et contrainte.

Le premier cas appelle une réponse fondée sur le dialogue. D'où le délai de six mois après sa promulgation, prévu pour l'entrée en vigueur du texte. Pendant ce laps de temps, associations, autorités religieuses et police devront jouer leur rôle.

Nous souhaitons un renoncement volontaire au voile. L'amende de 150 euros maximum pourra être remplacée -ou complétée- par un stage de citoyenneté : le juge prononcera la peine la plus adaptée.

La dissimulation forcée du visage appelle une réponse plus ferme, car la République ne tolère pas les atteintes à la dignité des personnes. Pour ces raisons, l'Assemblée nationale a prévu une amende de 30 000 euros qui pourra s'accompagner d'un an de détention, ces seuils étant doublés si l'intéressée est mineure.

Les Français s'interrogent sur leur avenir. Nous devons défendre les valeurs que nous avons en partage et manifester un attachement unanime à nos principes.

L'autorité de la Haute assemblée en fait un garant de la stabilité institutionnelle, mais aussi de notre pacte social.

Nous devons être dignes des exigences attachés à l'honneur d'être français et au privilège de vivre en France. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Ce texte est le fruit d'une longue réflexion ayant débouché sur un triple consensus : le port du voile islamique n'a été qu'un révélateur de la place centrale occupée par le visage ; une loi est nécessaire, car « une prohibition aussi large semble toucher aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » selon la formule du Conseil d'État ; il faut sanctionner plus particulièrement la contrainte.

Votre commission approuve ces orientations.

La dissimulation reste exceptionnelle en Occident et ne concerne qu'une frange réduite de femmes musulmanes. Il est difficile d'apprécier la véritable liberté des intéressées. Malgré le faible nombre de cas, le sujet a pu sembler exprimer une méfiance envers l'islam, mais il doit être déconfessionnalisé.

Selon Mme Badinter, la dissimulation marque le refus d'échange et de réciprocité. M. Détraigne a évoqué le malaise suscité sur un marché par des personnes cagoulées.

Comme en Espagne et en Belgique, l'interdiction générale est assortie d'exceptions.

Le choix d'une interdiction générale de dissimulation du visage dans l'espace public, s'il manifeste la volonté du législateur d'exprimer une valeur essentielle du lien social, n'en comporte pas moins pour la personne une restriction de ses choix.

C'est licite, à condition de défendre ainsi une exigence de niveau constitutionnel.

Première interrogation : des principes de caractère constitutionnel sont-ils menacés par ce texte ? Non, car le libre choix du vêtement n'est pas protégé par la Constitution. Y a-t-il une atteinte à la liberté de proclamer des convictions religieuses ? En l'occurrence, aucune prescription religieuse n'est en cause. D'autre part, la CEDH ne reconnaît pas aux individus le droit de se soustraire à des règles justifiées.

Cependant, le mieux est de fonder ce texte sur l'ordre public social. Cette référence doit être assortie de deux exigences : le risque d'un trouble à l'ordre public, la nécessité d'une réponse proportionnée à l'éventuelle atteinte.

Il faut donc élargir la notion à l'ordre public immatériel, défini par le Conseil d'État comme « le socle minimal d'exigences réciproques ». Ce socle ne concerne que l'individu dans l'espace public.

Cette notion a inspiré le Conseil constitutionnel lorsqu'il a admis, dans sa décision du 13 août 1993, l'interdiction de la polygamie. Il avait alors fait référence à une « vie familiale normale ».

Associé au respect de la dignité humaine, l'ordre public social immatériel offre un socle solide pour ce texte, fût-ce au détriment du libre choix de la personne.

La dissimulation du visage remet aussi en cause la relation à autrui ; elle heurte donc les exigences de la vie collective. L'ordre public sociétal peut donc justifier une interdiction générale, à condition de reposer sur un dispositif équilibré.

Le critère est satisfait puisque la loi distingue la dissimulation libre et le délit de dissimulation forcée, elle comporte des exceptions et un délai de six mois avant son entrée en vigueur, afin que la pédagogie puisse produire ses effets.

Votre commission a estimé que ces différentes garanties répondent au nécessaire équilibre entre le respect des libertés publiques et les exigences de la vie en société. Elle a ainsi adopté le texte proposé par le Gouvernement sans modification. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Christiane Hummel, rapporteur de la délégation aux droits des femmes.  - Je remercie la commission des lois, qui a saisi notre délégation pour avis.

Malgré son intitulé, le texte défend la place des femmes dans la société. Pourquoi cette discrétion ? Néanmoins, le choix de présenter un tel texte est courageux : les valeurs républicaines, nous dit le Conseil d'État, ne constituent pas à coup sûr un fondement juridique solide pour l'interdiction d'une pratique qui les bafoue pourtant. Il y a un risque contentieux, et donc un risque politique. Mais, comme Jeannette Bougrab, présidente de la Halde, l'a déclaré, « La liberté et l'égalité de la femme, la protection de certaines jeunes femmes au nom de nos valeurs communes valent de prendre des risques juridiques ».

Il est nécessaire de prendre ce risque, car l'enjeu de ce texte, c'est l'égalité républicaine.

Par honnêteté, j'ai tenté de faire le tour des raisons de ne pas légiférer : le phénomène est marginal ; certaines femmes invoquent leur libre adhésion ; la liberté d'habillement est une liberté élémentaire ; une interdiction aurait un effet stigmatisant à l'égard de la communauté musulmane et risque d'exclure physiquement de l'espace public les femmes soumises au port du voile intégral.

Quelle que soit la part de recevabilité de ces arguments, l'ensemble de la délégation aux droits des femmes a choisi de les réfuter au profit d'une analyse respectueuse d'un grand principe de notre République : l'égalité entre les hommes et les femmes. Quel est, en effet, le libre arbitre qui s'exprimerait par le choix de l'exclusion ? Comme l'a dit Rousseau, « les deux mots esclavage et droit sont contradictoires ». Autrement dit, la tradition républicaine exclut la liberté de ne pas être libre.

Aucune liberté religieuse n'autorise à exclure la moitié de l'humanité ! Et comment serait-il possible d'imaginer un sentiment de stigmatisation au sein de la communauté musulmane, alors que le port du voile intégral, importé en Europe par les courants salafistes, est de toute évidence une pratique sectaire ? Les musulmans de France ne s'inscrivent pas dans cette dérive.

Des millions de femmes musulmanes attendent la consécration législative de l'égalité.

Nous savons quels drames peut introduire le refus de reconnaître l'autre.

Votre délégation estime que le port intégral ne peut avoir sa place dans une République laïque assurant l'égalité entre hommes et femmes.

Pour ces raisons, la délégation approuve la prohibition inscrite dans le texte, ainsi que les pénalités proposées, notamment la possibilité de suivre un stage de citoyenneté.

Nous nous félicitons du délai de six mois pour l'entrée en vigueur du nouveau dispositif.

La délégation vous demande d'adopter le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les sénateurs communistes ne participeront ni au vote, ni au débat.

M. Jean-Paul Alduy. - C'est courageux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nos deux collègues du Front de gauche ont fait un autre choix qu'exposera Marie-Agnès Labarre.

Notre position est sans équivoque. Les communistes ont toujours combattu pour l'égalité des femmes ; ils s'opposent à toutes formes d'obscurantisme, d'intégrisme, de communautarisme ou de dérive sectaire. Le port du niqab nie la dignité des femmes. Si votre intention était de les défendre, vous auriez utilisé le texte sur les violences faites aux femmes, en acceptant notre proposition de pénaliser les hommes qui contraignent les femmes à porter le niqab.

En fait, ce texte s'inscrit dans la politique sécuritaire et xénophobe de votre politique. Comme le Conseil d'État, nous pensons que des interdictions ciblées suffisent à garantir la sécurité : les textes actuels sont largement suffisants. Mais vous maniez l'ordre public de façon dangereusement extensive...

Vos références à la jurisprudence sont équivoques. Risquant l'inconstitutionnalité, vous n'en avez cure. Comme à Nantes, vous pratiquez l'amalgame.

Vous voulez sortir les femmes de la prison où le voile les enferme ? Pourquoi commencer par les sanctionner ? Le dialogue et la médiation devraient précéder l'application du droit commun.

Sans rapport avec la foi religieuse, le voile intégral ne concerne que 2 000 femmes, soit 0,003 % des femmes de ce pays. Comment appliquerez-vous la loi ? Si la femme subit l'interdiction, son exclusion s'aggravera. Si elle porte volontairement le voile, sa punition offrira une tribune au sectarisme.

M. Sarkozy a fait campagne sur la distinction entre ceux qui travaillent et ceux qui ne font rien. Mais depuis, beaucoup de ces travailleurs sont devenus chômeurs. Une fois encore, vous divisez la population !

Je me réjouis de la réponse éthique du 4 septembre : votre politique xénophobe est réprouvée. Ce texte contribue à ternir encore l'image de notre pays ; nous ne participerons pas à un débat qui stigmatise, qui divise et qui surfe sur les peurs. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nathalie Goulet.  - Le groupe de l'Union centriste votera ce texte qui vise en tout premier lieu le port du niqab.

Je voudrais revenir sur l'aspect culturel de ce texte. La culture et la civilisation arabo-islamiques ne me sont pas étrangères, c'est le moins que l'on puisse dire. Je voudrais donc mettre un terme à certains propos de comptoir. On entend dire qu'il faut se voiler « lorsqu'on est chez eux ». Mais qui ? Et où ? Aucune femme étrangère ne doit se voiler dans les pays arabes -l'Iran n'est pas un pays arabe. Le voile est de moins en moins porté dans les pays de la péninsule arabique, où il est fréquent de rencontrer des étrangères non voilées. Le niqab est de plus en plus mal vu sur les lieux de travail. Aux Émirats, les femmes qui travaillent dans certaines institutions ne peuvent le porter ; au Yémen, le fait de porter un niqab est un handicap pour trouver un emploi, malgré la tradition culturelle du pays. Au Koweït, celles qui le portent ne peuvent pas conduire. Dans toute la péninsule, le phénomène est de plus en plus minoritaire.

Rien n'obligeait la journaliste de TF1 qui a interrogé le président iranien à se déguiser de façon aussi ridicule. Aucune femme iranienne ne porte un tel accoutrement de scaphandrier, elles sont bien trop jolies pour ça !

Ce texte répond-il à une impérieuse nécessité ? Oui, pour ce qui est de la sécurité, même si je doute de son applicabilité -je pense aux princesses saoudiennes qui font leurs courses avenue Montaigne...

Ce texte est-il opportun ? Je suis inquiète face à la xénophobie et à l'islamophobie qui montent dans notre pays et dans le monde, qui sont étrangères à notre pacte républicain. On s'offusque de l'ouverture de fast food hallal, mais quel consommateur fait la différence ? Notre pacte serait-il si fragile qu'il suffise de quelques lettres sur une vitrine pour enflammer les esprits ?

L'ennemi de notre pacte républicain, c'est avant tout l'ignorance. Il faut un travail d'information et d'explication ; nos ambassadeurs dans les pays musulmans doivent être mis à contribution. Le texte sur le voile à l'école n'a pas été suffisamment expliqué. Nous ne sommes pas le centre du monde, nous ne devons pas vexer nos partenaires.

Si l'histoire des religions était réintroduite à l'école, nous y gagnerions. Ce texte doit être expliqué et compris, tant en France que dans le reste du monde. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - A l'unanimité, le groupe socialiste partage l'objectif de ce projet de loi qui vise surtout, cela n'a échappé à personne, la burqa. Certes, seules 1 900 femmes sont concernées, mais le risque du prosélytisme est certain. Porter le voile, c'est peut-être se protéger, c'est aussi refuser de communiquer avec les autres, c'est refuser le vivre ensemble : une atteinte irrémédiable au principe de fraternité comme à celui d'égalité, puisque cette pratique ne concerne que les femmes. Le voile atteste la pureté sexuelle, mais aussi la soumission, l'isolement, la marginalisation, l'aliénation des intéressées. Il est insupportable d'assister à cet enfermement imposé par le mari et, plus rarement, le père.

Sur la forme, le Président de la République n'a pas été bien inspiré d'affirmer que la burqa n'était pas la bienvenue en France, car il s'agit de principes, non de pratiques culturelles. Le principe de laïcité n'est pas évoqué dans l'exposé des motifs, et c'est heureux ; il n'est pas question ici de liberté de conscience. Le port de la burqa n'est qu'une dérive sectaire, d'inspiration talibane, qui n'a aucun fondement religieux, comme l'ont confirmé les représentants de l'Islam. Que les victimes soient parfois consentantes ne change rien à la réalité de l'aliénation.

La mise en cause du vivre ensemble dans la République ne saurait être admise. Porter la burqa, c'est manquer de respect à l'ensemble du corps social. On invoque parfois la liberté de choix ? Mais de nombreuses femmes afghanes ont dévoilé leur visage lorsque le régime des talibans est tombé...

J'en viens à la sécurité. En ces temps de risque terroriste, il est impossible d'accepter que des femmes intégralement voilées puissent se déplacer dans l'espace public.

D'où vient cependant notre gêne ? L'application de la loi risque d'être difficile. Le voile intégral couvre tout le corps. Que se passera-t-il en cas de port d'une quasi-burqa ? Nous attendons vos explications, madame la ministre d'État.

Une loi est un acte fort. Les musulmans de France, y compris ceux, les plus nombreux, qui désapprouvent le port de la burqa, ne vont-ils pas se sentir stigmatisés ? Ne va-t-on pas assister à des réflexes de défense, à d'autres pratiques identitaires ? Il faudra veiller à la pédagogie. Depuis que l'on parle de ce projet de loi, il semble que le nombre de jeunes femmes portant le niqab ait augmenté.

Mais l'essentiel est ailleurs. Si le Conseil constitutionnel censurait ce texte, les islamistes seraient encouragés. Or le risque existe. Il faut se rappeler que le Conseil d'État a estimé qu'une interdiction générale n'aurait aucun fondement juridique incontestable. Les présidents des deux assemblées vont saisir le Conseil constitutionnel -n'importe quel justiciable ou association pourrait le faire ultérieurement.

Le risque est plus grand encore du côté de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a, dans un arrêt du 23 février 2010, jugé qu'il fallait préserver toutes les formes d'expression de la liberté, en particulier celle de se vêtir à sa guise, dès lors que la neutralité de l'enseignement est respectée, que ne se posent pas des problèmes de sécurité et qu'il n'y a pas contrainte. Le risque de censure me semble substantiel. Le Conseil de l'Europe quasi unanime a demandé en juin à ses États membres de ne pas adopter d'interdiction générale du port du voile intégral ou de toute autre tenue religieuse, afin de respecter le choix des femmes. Nous insistons donc sur ce risque externe. L'état du droit européen, influencé par le droit anglo-saxon, nous fait prendre le risque d'aboutir à un résultat inverse à celui recherché.

Nous proposerons de réduire la portée de ce texte, par un amendement disposant qu'un décret en Conseil d'État fixera la liste des lieux où l'interdiction serait effective. La sécurité juridique y gagnerait. En aucun cas nous ne nous opposerons à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Michel Baylet.  - Les radicaux sont fiers d'avoir contribué à forger l'histoire de la République. Toujours à l'avant-garde du progrès, ils défendent en toute circonstance les valeurs humanistes qui sont celles de notre pays. Nous sommes fiers de porter le combat pour la laïcité qui permet aux individus d'origine et de culture différentes de vivre ensemble en France. Ce sont précisément ces valeurs cardinales qui sont remises en cause par une infime minorité qui entend imposer son sectarisme. Ce serait renier nos valeurs que de ne pas réagir : aucune religion ne saurait prétendre nous gouverner.

S'il ne nous appartient pas de nous mêler de préceptes religieux, il est évident que le port du voile intégral est inspiré de l'islam intégriste taliban ou salafiste, qu'il est une dérive extrémiste.

Quand bien même son port serait consenti, le voile intégral symbolise la soumission et l'aliénation. Il renie des siècles de combat pour l'égalité des femmes. (M. Roland Courteau approuve) Il s'agit d'un défi majeur à la République ; la montée des revendications communautaristes nous inquiète. Il ne peut exister plusieurs citoyennetés et une multitude de droits. Certes, nous connaissons des échecs dans l'intégration, mais le repli sur soi n'est pas une réponse satisfaisante.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen rappelle les droits, mais aussi les devoirs des citoyens. Remettre en cause ces principes serait accepter que l'humanisme n'est pas universel.

Nous sommes réservés sur l'article 4. Tous les individus, quel que soit leur sexe, doivent circuler la tête découverte.

N'en déplaise au Conseil d'État, c'est le Parlement qui exprime la volonté générale. (Applaudissements au centre) Lui seul peut réglementer l'usage de l'espace public.

La burqa est un véritable défi à notre entendement et à la raison, une manifestation d'obscurantisme et d'intolérance. Les radicaux de gauche n'accepteront jamais qu'une religion fasse de son dogme la loi commune. Comme disait Kant, l'homme est sorti de son enfance lorsque l'État ne s'est plus construit sur la religion.

Le groupe du RDSE approuve ce texte. (Applaudissements sur les bancs du RDSE de l'Union centriste, socialistes et UMP)

M. Jean Louis Masson.  - Sur le fond, il ne faut pas s'attacher spécifiquement à la burqa ; il s'agit d'une interdiction générale de la dissimulation du visage pour des raisons de sécurité publique. On ne doit pas réduire ce texte à la lutte contre certaines pratiques religieuses. La laïcité, c'est la séparation des religions et de l'État, celui-ci n'ayant pas à dire que telle pratique musulmane est acceptable contrairement à telle autre.

Pour que cette loi soit acceptée au niveau international, il faut en rester à la logique de l'article premier : dissimuler son visage dans l'espace public doit être interdit. Il est dommage que cet article se résume à un tir nourri contre la burqa.

Sur la forme, il faut se garder, à chaque fois qu'un problème de sécurité se pose, de faire de la gesticulation sécuritaire. Pourquoi toutes ces opérations de politique politicienne ?

Je voterai ce projet de loi compte tenu de l'article premier : il en va de la sécurité. La police devra intervenir sur la burqa, mais aussi lors des manifestations violentes où les casseurs sont cagoulés. (Exclamations et applaudissements à droite)

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Mme Catherine Troendle.  - Le Président de la République a assuré le 22 juin 2009 que la burqa n'était pas la bienvenue en France. Ce projet de loi est l'occasion de rappeler la prééminence de nos valeurs républicaines sur certaines pratiques. L'article premier vise à préserver le socle de notre pacte républicain.

Avec le voile intégral, toute relation sociale est effacée. Le témoignage d'une journaliste ayant porté le niqab pendant une journée est saisissant : « je suis le fantôme de moi-même, coupée du monde ». Nous ne pouvons tolérer que certaines de nos concitoyennes ne soient pas protégées de cette atteinte à leur dignité et mises ainsi au ban de notre société. Certaines femmes prétendent porter en toute liberté le niqab, mais nous ne devons pas nous laisser influencer : ces femmes sont victimes de violences, de harcèlement, de pressions de toutes sortes. (M. Roland Courteau approuve) Le voile intégral est une forme de réclusion publique.

La dignité est une des premières valeurs de notre République. Pour ces femmes, l'interdiction généralisée sera une protection supplémentaire. L'interprétation du Conseil d'État sur la jurisprudence européenne n'est pas recevable : le principe de la subsidiarité permet aux États membres de conserver une marge d'interprétation ; le texte ne vise aucune croyance religieuse ; enfin, certains de nos voisins européens envisagent aussi une interdiction générale.

Le groupe UMP estime qu'il n'y a pas de risque juridique majeur. L'unité de la Nation est en jeu. Notre rapporteur a su développer les fondements juridiques de ce projet de loi. La dissimulation du visage est déjà prohibée dans les établissements d'enseignement public et dans les administrations. Seule une interdiction générale permettra d'éviter les amalgames. Le Conseil français du culte musulman a d'ailleurs condamné cette pratique « minoritaire et extrême » et souhaité qu'elle ne s'installe pas sur le territoire national.

Une interdiction partielle serait inapplicable par les maires et les forces de l'ordre.

On estime que prés de 1 900 femmes dissimulent leur visage de façon permanente dans l'espace public, dont 90 % ont moins de 40 ans. L'Assemblée nationale a bien fait de renforcer les peines lorsqu'il s'agit de mineurs.

Le groupe UMP votera ce projet de loi, qui marque une nouvelle avancée dans le combat pour le respect de la dignité des femmes. (Applaudissements à droite)

M. Louis Nègre.  - Ce débat ne concerne pas quelques centaines ou quelques milliers de personnes mais notre société et l'idée que l'on se fait de la France. Cette discussion est fondamentale : comment concevons-nous le vivre ensemble et quelles sont les valeurs de notre vieux pays, comme disent les Américains ?

Notre pays est un melting-pot qui, au fil des siècles, a donné naissance à un peuple riche de la diversité de ses origines.

La France a été façonnée par une culture judéo-chrétienne qui s'est enrichie avec les Lumières. La Révolution a créé pour la première fois au monde cet être étrange qu'est le citoyen, un être asexué dont on ignore les moeurs et les convictions, qui est le fondement de la République. Cette invention, dont la France peut être fière, a permis de transcender les différences individuelles. Gardons-nous de porter atteinte à ce symbole !

En 1905, face aux menées cléricales de certains cercles catholiques, la loi de séparation de l'Église et de l'État a confirmé le caractère laïc d'une République ouverte à tous, à ceux qui croyaient au ciel et à ceux qui n'y croyaient pas. Notre démocratie n'a pas à rougir de ses valeurs ; nous avons le devoir de réagir lorsque les idéaux républicains sont remis en cause par des pratiques groupusculaires.

Il y a quelques années, nous avons su faire face à l'offensive des signes religieux à l'école. La République a su alors imposer ses valeurs. Plus personne n'en parle. A nous d'en faire autant aujourd'hui.

Notre attitude est d'autant plus fondée que les autorités religieuses musulmanes ne rangent pas le port du voile intégral parmi les prescriptions de l'islam. L'interdiction de la dissimulation du visage est limitée à l'espace public ; 82 % des Français l'approuvent. Comme le relève Élisabeth Badinter, le visage n'est pas le corps ; il n'y a pas de vêtement de visage dans les sociétés occidentales.

La dissimulation du visage porte atteinte à la dignité de la personne. Le 27 juin 2008, le Conseil d'État a rejeté la requête d'une Marocaine à qui la nationalité française avait été refusée parce qu'elle portait la burqa.

L'enjeu en vaut la chandelle, comme a dit le Premier ministre. Ainsi est-il indispensable de défendre nos valeurs fondamentales et de combattre tout communautarisme. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Je m'exprime au nom des sénateurs du parti de gauche. Nous souhaitons prendre nos distances avec la majorité qui défend bien peu les droits des femmes et qui les remet même en cause.

Il est dégradant pour la femme d'être réduite à un objet sexuel, comme il est dégradant pour un homme d'être perçu comme un prédateur obsédé par le sexe opposé. Avec le droit exclusif de regarder vont ceux d'user et d'abuser. Un être humain ne saurait être la propriété d'un autre. Je rappelle que « les hommes naissent libres et égaux en droits ». Je vous renvoie aussi à l'article premier de la Constitution.

Le vivre ensemble suppose de voir et d'être vu par les autres. La femme voilée ne peut être identifiée. Une telle autohumiliation est inacceptable. Nous sommes tous mal à l'aise lorsque nous croisons ces honteusement accoutrées.

Porter le voile intégral leur permettrait de ne pas rester chez elle, nous dit-on. Nous n'y croyons pas. Avec ce projet de loi elles pourront rompre leur isolement. On nous propose aussi de restreindre l'interdiction aux services publics ; mais peut-on découper ainsi l'espace public ? Certains nous reprochent de voter avec la droite. (On ironise à droite) Mais nous n'oublions pas le combat de nos camarades qui luttent dans leur pays pour l'interdiction du voile de la honte, symbole de l'oppression de la femme.

Les sénateurs du parti de gauche voteront ce projet de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le voile intégral interpelle les élus mais aussi les militantes de la lutte contre le sexisme et le racisme.

D'Afghanistan et d'ailleurs, des femmes nous observent, pour voir comment nous abordons cet enfermement sectaire, instrument de la domination masculine. Les parlementaires Verts s'opposent catégoriquement au voile intégral. (Marques d'approbation à droite) Mais le contexte du projet de loi est marqué par l'orientation sécuritaire du Gouvernement. (On le conteste sur les mêmes bancs)

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Dans un contexte d'islamophobie galopante, le Gouvernement alimente des peurs et entretient un amalgame intolérable entre immigration, délinquance et burqa. (Protestations à droite)

Assimiler le voile à l'islam soutiendrait l'extrémisme, au détriment de la vérité.

N'assimilons pas une pratique sectaire indigne à une religion respectable. Il est scandaleux d'assimiler l'islam à la burqa, à la polygamie, à la délinquance, à la fraude aux prestations. C'est alimenter le racisme.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'en viens au texte. L'interdiction générale est douteuse au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prescrit la proportionnalité des interdictions.

Il faut donc justifier l'interdiction générale. L'égalité entre hommes et femmes aurait pu fournir un fondement. Mais il faudrait aussi revoir la réforme des retraites et mettre fin aux inégalités salariales. De même, la France devrait dénoncer les accords de coopération avec les régimes qui oppriment les femmes. Pensez à Sakineh ! (Approbations sur de nombreux bancs)

Mais nous ne voterons pas ce texte d'affichage qui instrumentalise nos grands principes. Les parlementaires Verts ne prendront pas part au vote. (On estime à droite que ce n'est pas courageux ; on applaudit sur plusieurs bancs à gauche)

M. François Fortassin.  - Les citoyens se placent sous l'emprise de la raison. La laïcité consacre la liberté religieuse, dans les limites compatibles avec le pacte républicain.

Cette loi est au coeur de la laïcité. N'y aurait-il qu'un seul voile intégral, la République devrait s'interroger car c'est le symbole de l'intégrisme et du totalitarisme religieux.

Mme Nathalie Goulet.  - Non !

M. François Fortassin.  - C'est un défi au pacte républicain. Nous défendrons toujours la dignité des personnes, l'humanisme universel. La République se vit à visage découvert.

Comme représentants de la Nation, nous sommes légitimés à affirmer une totale détermination. Le voile intégral nie la dignité des femmes...

M. Roland Courteau.  - Bien dit !

M. François Fortassin.  - ...alors que la Déclaration des droits de 1789 et le préambule de 1946 consacrent l'égalité hommes-femmes. Il n'est pas négociable !

Mme Nathalie Goulet.  - Sauf pour le conseiller territorial. (Sourires)

M. François Fortassin.  - Les femmes voilées sont enfermées dans un isoloir social. Accepterons-nous demain que des femmes ne soient examinées que par des médecins de leur sexe ?  Que des jeunes filles musulmanes soient dispensées de cours de gymnastique ? (Diverses voix, dont celle de Mme Nathalie Goulet : « Non ! »)

Enfin, je dirai de façon un peu plus légère, le port du voile nie la grâce féminine ! Il nie la mode. (On ironise sur divers bancs) Pourrait-on voir une rivière de diamants sur la gorge d'une Andalouse ? (Sourires)

Aucun précepte musulman n'impose le port du voile, qui réduit la femme à une indignité insupportable.

La loi seule permet de rappeler les valeurs républicaines, comme l'ordre public, la dignité des personnes et l'égalité entre les sexes. Il faut faire référence à l'ordre public sociétal tel que défini par le Conseil d'État.

Les femmes voilées sont d'abord victimes d'un conditionnement rétrograde.

La République ne doit pas démissionner face à ceux qui veulent déconstruire l'universalisme des Lumières. C'est notre responsabilité historique de rappeler l'égale dignité de l'homme et de la femme, pour faire reculer l'obscurantisme et le sectarisme. Tous les républicains pourraient en faire autant ! (Applaudissements au centre, à droite et sur quelques bancs à gauche)

M. Jean-Paul Alduy.  - Je m'exprime au nom de Melle Joissains, empêchée.

Seul le Parlement dispose de la légitimité nécessaire pour réglementer l'exercice d'une liberté publique. La notion d'ordre public sociétal est consacrée par la jurisprudence. Consacrons-là dans la loi.

Le faible nombre des personnes concernées n'est pas en cause.

Comme le dit Montesquieu : « L'injustice faite à un seul est une menace faite à tous ».

Le dispositif proposé respecte le principe d'égalité. La France se vit à visage découvert dans l'espace public.

La République est une et indivisible : le projet de loi interdit de dissimuler son visage. Dans les sociétés libres, nulle vie sociale n'existe sans réciprocité.

En France, le pacte social est exprimé dans la Déclaration de 1789, qui permet de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Or, qui dissimule son visage nuit à son interlocuteur, jugé pas assez digne, pur, respectable pour le voir. Porter un masque, une cagoule ou un voile intégral porte atteinte à la société où chacun est différent. Sécurité et égalité dans l'espace public sont indispensables à la liberté et à la dignité de la personne humaine.

Certains orateurs veulent limiter la portée du texte, au nom de la laïcité. Or, le président de l'Observatoire de la laïcité s'est inquiété des visées communautaires. Tel est bien l'objet du texte.

Il n'y a donc pas d'atteinte à nos concitoyens musulmans, qui veulent être traités comme les autres parce qu'ils sont comme les autres.

Notre pacte républicain est unique. Le large vote de cette loi soutiendra la lutte contre le communautarisme dans le monde.

Bas les masques ! Jouons franc jeu pour réaffirmer notre combat en faveur de la République. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Gélita Hoarau.  - Début août, La Réunion a été classée par l'Unesco, pour ses sites naturels, mais son autre richesse tient à l'intense brassage de sa population, originaire d'Europe, d'Afrique, de Madagascar, d'Inde ou de Chine. Après l'esclavage et la colonisation, et l'acculturation qu'ils ont provoquée, une nouvelle culture est apparue.

Ce métissage fait que La Réunion a créé un ciment commun, qui tient à la langue créole et à un vivre ensemble spécifique.

Parmi les religions, on compte le catholicisme, l'hindouisme et l'islam. La pratique apaisée de celui-ci nous a évité les débats sur l'intégration des musulmans.

Pourtant, la cohésion est menacée par le contexte social, marqué par un chômage qui frappe 30 % de la population, tandis que 50 % des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté. La région est au bord de l'explosion sociale.

Ce projet de loi stigmatise une partie de la population, en raison d'une pratique extrêmement marginale et repoussée par presque tous nos concitoyens.

Le déploiement législatif est disproportionné et déraisonnable puisque la loi du 15 mars 2004 interdit déjà de manifester son appartenance religieuse dans les lieux publics. J'ajoute que les contrôles d'identité se font toujours à visage découvert.

Cette loi, dont je me demande comment elle pourra s'appliquer, n'a pas lieu d'être : je ne participerai pas à son vote. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Charles Revet.  - Mon intervention portera principalement sur la forme d'un texte que j'approuve sur le fond, puisqu'il reprend une proposition de loi que j'avais cosignée avec Mme Hummel ! Nous avions alors recherché une solution évitant les polémiques inutiles. La République a besoin de savoir qui entre et sort, mais aussi qui circule sur son territoire. A un moment où la menace terroriste est réelle, il est nécessaire que les forces de l'ordre puissent identifier des personnes sans avoir besoin de demander leurs papiers, du moins dans un premier temps.

Tel était l'objet de l'article premier de notre texte, qui ne faisait aucune référence à une religion ni à une culture.

Le présent texte est concis, mais sa préparation aurait pu être plus simple, à un moment où l'on se plaît souvent à complexifier les choses, car nous avons perdu simplicité et bon sens. Cela dit, je suis satisfait du débat d'aujourd'hui.

Félicitant les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Gilles.  - Contrainte ou volontaire, la dissimulation du visage est contraire à l'ordre public social.

Que le port du niqab soit volontaire ou non, il nie les valeurs de la République.

Cette politique chère aux preneurs d'otage est incompatible avec l'égalité, la fraternité, le respect dû aux personnes, en l'occurrence les femmes. La dissimulation du visage met à l'écart de la société nationale. Il s'agit souvent d'une pratique identitaire traduisant le malaise et la colère de certaines femmes musulmanes qui ne se sentent pas intégrées. C'est une attitude communautariste contraire à la République une et indivisible.

Le voile intégral n'a rien d'une prescription coranique. Il est d'ailleurs strictement interdit aux femmes de dissimuler leur visage à La Mecque, autour de la Ka'aba. (M. Louis Virapoullé le confirme) La Tunisie et la Syrie ont interdit le niqab dans leur espace public. Nous ne créons donc aucune discrimination, nous apportons une réponse juridique.

Il y a là privation de liberté ? Certains ont-ils oublié le danger de tels accoutrements sur l'ensemble de l'espace public ? Des braqueurs masqués ont commis un vol à main armée, le 6 février, dans l'Essonne. Ils courent toujours, n'ayant pu être identifiés.

Le port du voile intégral se diffuse, à l'incitation des islamistes radicaux. Des terroristes pourraient l'utiliser en France. Ils le font bien en Irak !

Il faut attaquer le problème à la racine, en faisant barrage en France à l'islamisme radical, qui ne doit pas avoir pignon sur rue. A l'inverse, l'islam doit être mieux considéré. « Rendez à César ce qui est à César, rendez à Dieu ce qui est à Dieu » : cette injonction du Christ a son équivalent dans la sourate 42 du Coran, qui dit que les affaires des hommes sont l'objet de consultations entre eux -aucune référence à Dieu. Nos compatriotes musulmans sont Français d'abord comme les catholiques, les israélites, les agnostiques et les athées. Nous pourrions, tous ensemble, damer le pion aux extrémistes de toute espèce. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Par delà cette enceinte, je m'adresse à celles qui souhaitent dissimuler leur visage pour leur expliquer pourquoi je voterai ce projet de loi.

La relation à l'autre est culturelle, humaine et transcendante. Bien qu'un quart des femmes portant le voile intégral ne soient pas nées dans un milieu musulman, elles le portent pour exprimer le choix d'une autre culture, sous la forme du rejet alors qu'elles devraient garder un rapport positif avec l'extériorité. Le contact avec l'autre doit nous enrichir.

Ainsi, l'ordre public soutient ici le respect de la dignité de la personne humaine.

Ce texte comporte aussi une dimension humaine, horizontale : le visage est rencontre, il apporte la perception d'un être. Le rapport à autrui s'établit dans la socialité du face à face. J'approuve cette dimension du projet de loi.

La troisième dimension de l'échange, verticale, est l'ultime face à face  où l'homme est dépouillé de tous ses vêtements : comme le disait Victor Hugo, « le masque tombera du visage de l'homme et le voile du visage de Dieu ».

Dans la civilisation judéo-chrétienne, il n'y a pas de vêtement du visage, comme le rappelle Élisabeth Badinter. C'est ce qu'affirme au fond ce projet de loi.

Je le voterai, en soulignant que la République ne s'intéresse qu'à l'espace public et ne s'immisce pas dans la vie privée. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le débat a été de qualité, même si quelques préoccupations politiciennes se sont exprimées, mais sans atténuer le soutien de tous aux principes républicains.

Dommage que le vote ne s'annonce pas unanime, car tout a été fait pour dégager un consensus. Il s'agit d'exprimer l'attachement à nos valeurs.

Je remercie M. Buffet pour son rapport.

L'intervention du législateur est nécessaire, car le pacte républicain est en cause.

Aucune liberté individuelle n'est illimitée. Ainsi, il est interdit de se promener sans aucun vêtement dans l'espace public. Le projet de loi est conforme à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme.

Madame Hummel, la dissimulation du visage porte en effet atteinte à l'égalité entre hommes et femmes. Ce texte n'a pas d'autre objectif que d'assurer le respect mutuel dans l'espace public.

Madame Borvo Cohen-Seat, il faut éviter les amalgames. C'est d'ailleurs ce que fait ce projet de loi.

Le risque juridique ne doit pas être exagéré : en mars 2010, le Conseil d'État s'est borné à relever que le Conseil constitutionnel n'avait pas défini l'ordre public immatériel et social. Enfin, c'est un élu de votre parti qui est à l'origine du texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cela ne m'a pas échappé !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Madame Goulet, comme vous l'avez dit, il faut d'abord combattre l'ignorance dans notre pays, mais aussi à l'étranger où certains font dire au Coran ce qui n'y figure pas. D'où le délai de six mois pour une action pédagogique dans notre pays.

Bien sûr, il faut poursuivre l'explication du dispositif à l'extérieur. Je suis allée en Jordanie, au Qatar et au Liban. La Grande-Bretagne et les États-Unis ont une autre conception des personnes.

Monsieur Peyronnet, le juge appréciera la tenue à chaque fois. Je rappelle que le port intégral est interdit lors du pèlerinage à la Mecque.

Le communautarisme accepte l'existence de règles distinctes selon les citoyens. S'agissant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, je vous rappelle que nous ne traitons pas dans ce projet de sécurité publique mais de l'ordre public social immatériel.

MM. Baylet et Gilles ont rappelé que l'islam de France respectait les lois de la République. Le CFCM a été très clair à ce sujet.

Ce projet de loi ne stigmatise personne.

Monsieur Masson, je vous confirme que ce projet de loi répond aussi à certaines préoccupations sécuritaires, mais son but principal tient au vivre ensemble.

Mme Troendle a formulé des remarques judicieuses. Ce projet de loi est parfaitement compatible avec les principes juridiques français et européens.

M. Nègre a rappelé que ce projet de loi n'était pas un texte d'exclusion : c'est tout le contraire ! Nos concitoyens se doivent liberté et respect mutuel. En réalité, nous subissons un prosélytisme politique plus que religieux.

Mme Labarre craint que ce projet de loi ne condamne certaines femmes à rester cloîtrer chez elles. Nous ne le pensons pas. Et il y a des moyens de lutter contre la séquestration !

Madame Boumediene-Thiery, ce débat n'est pas récent. Cela fait maintenant deux ans que ce sujet est sur la table ; ce n'est pas le Gouvernement qui l'a lancé. Il faut maintenant prendre une décision. Ce débat traite de l'unité nationale et non de l'identité nationale. S'il vous plaît, pas d'amalgame.

M. Fortassin estime que la dissimulation du visage est un défi à la République. C'est vrai ; notre réponse doit être à la hauteur du défi. Merci de votre soutien.

L'exposé de M. Alduy a rappelé que la dissimulation du visage constitue une double négation : négation de la personne dissimulée, négation de la personne qui ne peut voir le visage de l'autre.

Le vivre ensemble, madame Hoarau, est essentiel, en métropole et en outre-mer. D'autres problèmes touchent l'outre-mer, mais les principes restent les mêmes.

Je connais M. Revet depuis longtemps : il sait que je suis attachée à la lisibilité des textes. Je m'efforce de me tenir à ce principe. Le projet de loi est clair et lisible.

M. Gilles a mis l'accent sur la nécessité de combattre ceux qui imposent aux femmes de dissimuler leur visage. Il a eu raison de rappeler que la République reconnaît toutes les religions et tous les courants de pensée.

Enfin, madame Hermange, l'espace public est en effet un espace de rencontre. Nous devons le préserver : c'est une question de respect de soi, de respect de l'autre, de respect de la République : donc, une question de respect de la France. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. Jean Louis Masson.  - Tout ce débat tourne en réalité autour de la burqa. C'est donner des verges pour se faire battre par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme. Il en va de la sécurité : je voterai cet article exclusivement pour cette raison.

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Anziani et Frimat et Mmes Le Texier et Cartron.

Rédiger ainsi cet article :

Nul ne peut dissimuler son visage au sein d'un espace affecté au service public ou dès lors que des raisons liées à la sécurité publique ou à la lutte contre la fraude l'exigent.

Un décret en Conseil d'État fixe la liste des lieux soumis à l'obligation inscrite à l'alinéa précédent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Notre groupe attache une importance toute particulière à cet amendement, signé par notre président.

Nous sommes tous opposés à la burqa, nous défendons tous le respect des femmes et l'égalité entre hommes et femmes. Mais nous sommes extrêmement attachés à ce que la loi bénéficie de toutes les précautions juridiques. On a beaucoup fait référence à la décision du Conseil d'État, qui a souligné les risques d'une interdiction générale. La Cour européenne des droits de l'homme limite très strictement de telles interdictions. Compte tenu de ces éléments, nous proposons d'interdire le port de la burqa de façon très précise.

Autant le vote de cette loi pourrait sembler satisfaisant au regard des principes que nous partageons, autant une annulation bénéficierait à ceux qui ne respectent ni nos principes, ni nos valeur.

Le vote final de nombre d'entre nous dépendra du sort réservé à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est défavorable ; nous en avons déjà longuement parlé. Cette interdiction générale s'appuie sur une notion claire, l'ordre public immatériel, fondé sur notre vie collective et sur le respect de la dignité des personnes. L'espace public en son entier est donc concerné. En outre, l'amendement fait état de lutte contre la fraude. Ce point élargit l'objectif de l'article : l'espace privé est en effet concerné.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Il n'est pas possible de limiter ainsi l'interdiction. Comment justifier que les principes fondamentaux de la République ne soient pas appliqués partout ? Ce ne serait pas cohérent.

Ensuite, une telle disposition ne serait pas applicable : comment définir des lieux où des contraventions pourraient être données ? Varieraient-ils selon les départements ? Cette mesure serait inapplicable. Ceux qui vont faire respecter la loi disposeraient d'une liste des lieux ? Ce n'est pas réaliste !

Enfin, il est vrai que les problèmes juridiques ne sont pas négligeables, mais je suis un peu juriste ; cette loi ne sera pas censurée. D'ailleurs, nombre des censures constitutionnelles que vous annonciez n'ont pas eu lieu...

Mme Nathalie Goulet.  - Au nom de la clarté et des principes républicains, je ne voterai pas cet amendement.

A Abu Dhabi, lorsqu'on a créé la Sorbonne, après bien des débats, la mixité a finalement été acceptée : quand la République est forte, il n'y a aucun risque que ses principes soient malmenés !

Il ne faut pas laisser les portes ouvertes à des contentieux, ni à des aléas. Votons ce texte !

M. Jean Louis Masson.  - L'amendement apporterait une sécurité juridique supplémentaire. Cette rédaction correspond à mes aspirations : je le voterai.

M. Yann Gaillard.  - Je ne voterai pas cet amendement, car il complique les choses. J'apprécie le texte de Mme la ministre d'État, un projet de loi sur la burqa qui n'en dit mot. C'est astucieux ! (Sourires)

M. Jean-Paul Alduy.  - J'entends les arguments de M. Sueur mais sa frilosité me surprend. (Exclamations sarcastiques sur les bancs socialistes)

Outre la sécurité juridique, sur laquelle Mme la garde des Sceaux a répondu, il s'agit d'une loi-message : nous devons défendre la laïcité à la française. C'est un message clair, limpide, que tout amendement viendrait polluer : les quinze mots de l'article premier doivent garder toute leur force. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 296
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 112
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Virginie Klès.  - Je ne suis pas juriste mais j'ai des convictions : je suis profondément attachée à toute lutte contre les violences psychologiques. Ce texte aurait pu n'être pas simplement déclaratoire et électoraliste.

La notion de contrainte est essentielle. Or le rapporteur nous a dit qu'il était impossible de prouver la contrainte lorsque nous avons examiné le texte sur les violences faites aux femmes. Aujourd'hui, c'est devenu possible ! Surprenant revirement.

Je reste attachée à la défense de toutes les victimes de violences. Comme les membres de mon groupe, je partage certaines réticences et je crains que ce texte ne soit pas applicable. Je le voterai malgré tout.

A la demande du groupe UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue des suffrages exprimés 124
Pour l'adoption 245
Contre 1

Le Sénat a adopté.

Article 2

L'amendement n°2 devient sans objet.

L'article 2 est adopté ; de même que les articles 3, 4, 5, 6 et 7.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce débat a été de qualité, face à des objectifs clairs : le respect des femmes, de l'égalité entre les hommes et les femmes, le respect de la laïcité. Sur ce point, notre groupe est unanime.

Une telle loi ne saurait simplement formuler un message. Une loi n'a pas cette fonction : elle fixe les règles qui s'appliquent à chacun. Une loi doit donc pouvoir être appliquée.

Mme la ministre estime que cette loi doit avoir une portée générale mais nous n'avons pas toujours voté de tels textes : l'interdiction du voile ne s'appliquait qu'à certains lieux publics.

La Convention européenne des droits de l'homme encadre strictement les atteintes aux libertés individuelles ; sa jurisprudence nous fait courir un risque de censure. Il faut que la loi soit applicable et juridiquement sûre. Nous pensons au vote de ce soir, mais aussi aux décisions de demain. Nous ne voudrions pas que des personnes hostiles à nos valeurs républicaines annoncent demain qu'elles ont gagné.

Comme à l'Assemblée nationale, la majorité de notre groupe ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur divers bancs socialistes, exclamations à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je voterai ce texte pour des raisons inverses à celles du Gouvernement, qui veut d'abord récupérer les voix d'extrême droite qui se sont portées, en 2007, sur Nicolas Sarkozy mais se dérobent aujourd'hui. L'opération anti-Roms en témoigne. Comme cet été, on isole un groupe sur lequel on fait porter la responsabilité, sans le dire, du malaise social.

En votant ce texte, je tiens à réaffirmer, tout au contraire, non ce qui nous divise, mais ce qui nous rassemble. Mettre les femmes dans une cage est une violence inacceptable. Que l'on ne vienne pas nous dire que les victimes sont consentantes ! Le libre arbitre n'est pas donné, mais se construit : c'est le sens profond de la laïcité.

Les lumières, disait Kant, c'est sortir de la minorité, autrement dit s'affranchir des tutelles. Cette leçon vaut toujours ! (Applaudissements sur divers bancs socialistes)

M. Alain Anziani.  - Nous vivons un moment particulier : un quasi-consensus.

Consensus pour refuser le port du voile intégral, consensus pour dire qu'il porte atteinte à la dignité des femmes, mais les réponses sont diverses. Le sujet n'est pas franco-français : la question se pose dans d'autres pays. La Belgique et l'Espagne ont voté ou vont voter des lois comparables mais ce n'est pas le cas du monde anglo-saxon ; on ne peut pourtant prétendre que le Royaume-Uni ou les États-Unis sont moins attachés que nous à l'égalité ou à la lutte contre le terrorisme.

Dans ce texte, il y a deux obscurités. La première est juridique. Ce texte passera-t-il la barre du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne ? Les principes constitutionnels sont-ils respectés ? La page 17 de l'avis du Conseil constitutionnel rappelle qu'une interdiction totale serait « juridiquement fragile » et qu'il ne recommande pas cette solution. Avez-vous pris toutes les garanties, madame la garde des sceaux ? Vos experts ont bien vu leur texte sur la garde à vue annulé !

Le Gouvernement peut-il s'engager à ce que cette loi soit appliquée partout ? Place Vendôme, les forces de l'ordre diront-elles à la princesse sortant de sa Mercédès pour aller chez son bijoutier qu'elle doit payer 150 euros ? Pouvez-vous prendre cet engagement ? Pouvez-vous dire qu'en Seine-Saint-Denis, les forces de l'ordre, au risque de se faire caillasser, viendront dire à la jeune fille de retirer son voile intégral ? Je pense que non.

Cette loi déclarative donnera bonne conscience, mais ne pourra pas être appliquée ; je ne prendrai donc pas part au vote. (Applaudissements sur divers bancs socialistes)

M. Robert Badinter.  - Toutes les convictions exprimées sont honorables.

Juridiquement, quel que soit le texte voté, il faut que le président de notre assemblée et celui de l'Assemblée nationale le défèrent au Conseil constitutionnel. Il y a un risque ; c'est donc au Conseil de se prononcer pour éviter une indécision juridique car inévitablement, une question préliminaire d'inconstitutionnalité sera posée.

La Cour européenne des droits de l'homme a estimé en 2003 que la mesure prise par la Turquie sur le voile était compatible avec la législation européenne. En 2010, il s'agissait d'hommes qui portaient des vêtements identifiables. La Cour a constaté que le conflit avait une dimension religieuse. Or la question dont nous débattons n'est pas celle de l'atteinte à la laïcité, mais celle de l'égalité des femmes et des hommes, de la dignité des femmes, tous sujets qui ne sont pas soumis à la Cour européenne des droits de l'homme.

Je voterai cette loi, sans illusion sur ses motivations politiciennes. Il y a celles et ceux qui vont dans les pays du Golfe et qui constatent les progrès accomplis et il y a celles et ceux qui, comme moi, vivent au sein des instances des Nations Unies, notamment au sein du Conseil des droits de l'homme, à Genève, et qui assistent à un affrontement idéologique, le plus dur que nous ayons vécu depuis la guerre froide. Nous sommes en présence de deux visions des droits de l'homme : nous avons face à face les États démocratiques qui soutiennent les principes de l'universalité des droits de l'homme et ceux qui disent que les Droits de l'homme sont un cadeau fait par Dieu pour rendre l'homme heureux sur cette terre et qu'il faut donc les interpréter à la lumière de la charia.

Je vous invite à lire la dernière résolution proposée par le responsable iranien lors du 35e conseil des ministres d'affaires étrangères de la conférence islamique et dans laquelle cette doctrine est réaffirmée.

En conséquence, quand on en arrive aux problèmes majeurs, notamment sur ce qui concerne la peine de mort et la lapidation des femmes, on nous répond que l'Union européenne n'a pas à donner de leçon, au nom de sa conception des droits de l'homme, sur l'application de la loi islamique. Il y a des principes sur lesquels on ne peut transiger ! C'est le cas aujourd'hui de celui de l'égalité entre hommes et femmes.

Nous ne cessons d'oeuvrer pour conforter ce principe dans nos sociétés, à un moment où certains testent nos facultés de résistance. Avec ce principe on ne peut transiger ! On ne peut s'accommoder d'une tenue qu'en Afghanistan les talibans imposent aux femmes tandis qu'ils interdisent aux filles de fréquenter les écoles ! Nous devons réagir.

La Déclaration des droits de l'homme proclame solennellement la liberté d'opinion et de religion. Mais l'interdiction du voile islamique dans l'espace public n'empêche personne de pratiquer sa foi. Nous ne pouvons tolérer que les éléments les plus intégristes, les plus fanatiques viennent ici afficher leur vision d'une société où les femmes ne sont plus que des fantômes.

Pour ces raisons, je voterai ce texte. (Vifs applaudissements)

Mme Nathalie Goulet.  - Il est bien difficile de s'exprimer après M. Badinter... Pour appliquer ce texte il faudra de la pédagogie. Dans certains quartiers, des pères peuvent toucher 5 000 à 10 000 euros pour imposer à leurs filles de porter le voile. Les failles de notre accompagnement social ouvrent la voie à l'islamisme et à ses associations. J'espère que vous aurez les moyens humains et matériels de faire appliquer correctement la loi.

M. Bernard Fournier.  - Particulièrement attaché à la défense contre toute forme de violence, le groupe UMP votera ce texte. Si je me félicite que notre majorité ait fait progresser par la loi le respect de la dignité de la personne, il fallait aller plus loin.

Ce texte équilibré est une nouvelle pierre apportée à l'édifice de lutte contre les atteintes aux valeurs républicaines ; il préserve les libertés individuelles dans la fidélité à nos principes fondamentaux. Il distingue la dissimulation du visage du délit de dissimulation forcée. Il protège les femmes de l'emprisonnement qu'elles subissent.

Le délai de six mois et le stage de citoyenneté vont dans le bon sens. Informer est essentiel en cette matière. Grâce aux exceptions qu'il comporte, ce texte est respectueux des libertés. Il évite toute stigmatisation des personnes de confession musulmane.

Information, dissuasion, répression sont les trois mots-clé d'un texte nécessaire et juste. Le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Sans être dupes du contexte xénophobe dans lequel ce texte a été mis en scène (exclamations à droite), nous pensons qu'il est nécessaire pour la défense des droits des femmes. Interdire le port du voile intégral est conforme à nos principes républicains et n'est pas contraire à la liberté religieuse.

Les sénateurs du parti de gauche déplorent les lacunes du texte, notamment l'absence d'interdiction du refus d'intervention des personnels soignants à raison du sexe ou de la lutte contre les pratiques contraire à la mixité dans les lieux publics.

On dit que 2 000 femmes portent en France le voile intégral. N'y en aurait-il qu'une que le traitement qui lui est imposé serait dégradant pour toutes les femmes. Ce texte est porteur d'espoir pour toutes ces femmes qui, dans le monde, luttent et meurent pour leur dignité.

Nous voterons cette loi pour combattre l'obscurantisme. Hommes et femmes sont égaux, regarder l'autre dans les yeux est indispensable à l'échange et au vivre ensemble. Il ne s'agit pas de défendre des valeurs occidentales ou judéo-chrétiennes, mais de droits universels.

Refusant une pratique archaïque, obscène, dégradante pour les deux sexes, les sénateurs du parti de gauche voteront ce texte.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je suis hostile au port du voile intégral, qui est une violence faite à la dignité de la femme, un déni d'égalité. Il n'est nullement revendiqué par la majorité de la communauté musulmane. Le coran ne l'impose pas, mais Saint-Paul a tenté d'imposer le port du voile aux femmes dans la première épitre aux Corinthiens où il dit « l'homme n'a pas été créé pour la femme mais la femme pour l'homme ; c'est pourquoi la femme doit avoir sur la tête la marque de la puissance de l'homme » -il ne s'agissait cependant que d'un foulard.

Cette loi inutile ne fera que stigmatiser, marginaliser une communauté. Mieux valait recourir à un décret ou favoriser la recherche de solutions au cas par cas, localement. Je voterai contre le projet de loi.

M. Yvon Collin.  - Nous avons l'occasion de réaffirmer avec solennité les valeurs essentielles qui nous unissent, par delà les clivages partisans. La République est fondée sur un principe indépassable : tous les hommes et toutes les femmes sont d'égale dignité et égaux en droit.

Nous sommes fiers de la portée universelle de la devise de la République et de la laïcité. Défendant le pacte républicain, nous refusons tout amalgame. Dans leur immense majorité, nos compatriotes de confession musulmane condamnent cette pratique indigne qu'est le port de la burqa, symbole à nos yeux d'un intégrisme que nous refusons au nom de la raison. Même consentantes, les femmes ne doivent pas être enfermées dans une prison humiliante. Accepter la prétention de certains à placer leur dogme au-dessus des lois de la République reviendrait à tirer un trait sur des années de lutte pour l'émancipation des femmes -même si le combat pour l'égalité réelle est loin d'être gagné partout.

Les sénateurs du RDSE s'interposeront toujours pour défendre la laïcité. Nous croyons tous à l'égalité des individus, quelles que soient leur origine, leur opinion, leurs convictions. Accepter le voile intégral, ce serait ouvrir une brèche dans l'unité de la République.

Parce que la République est notre bien le plus précieux, et malgré certaines réserves sur le dispositif, les sénateurs radicaux de gauche et l'ensemble du RDSE voteront ce texte, au nom de l'humanisme universel. C'est une question de principe, un engagement grave et solennel. (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue des suffrages exprimés 124
Pour l'adoption 246
Contre 1

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je remercie tous les orateurs, qui n'ont eu d'autre souci que de bien faire pour la République. Le Sénat peut être fier de la hauteur de vue dont ses membres ont fait montre dans ce débat. J'ai ressenti les réticences de certains comme exprimant la volonté d'être le plus efficace possible. La République peut être fière de son Sénat et de ses sénateurs. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Prochaine séance demain, mercredi 15 septembre 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 15 septembre 2010

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR,

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 586, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 662, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 663, 2009-2010).