Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur la réforme des retraites.

Discussion des articles (Suite)

Demande de priorité des articles 5 et 6

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - Je demande la priorité des articles 5 et 6...

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - ...qui pourraient être examinés à la reprise de ce soir.

M. Guy Fischer.  - Respectez le débat parlementaire ! (Exclamations sur les bancs CRC ; applaudissements sur les bancs UMP)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Le Gouvernement est évidemment favorable à cette priorité. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Cette séance de l'après-midi commence par un coup de force du Gouvernement et de la présidente de la commission des affaires sociales.

M. Josselin de Rohan.  - C'est le Règlement.

M. Guy Fischer.  - A 13 h 30, Mme Dini nous annonce en commission que les articles 5 et 6, articles scélérats, seraient appelés en priorité. Ce devait être à 16 h 30. Devant notre vive opposition, vous avez reporté à cette soirée ce débat emblématique. Il aurait fallu le faire en plein jour, devant les Français !

Nous vous demandons de respecter l'ordre normal du débat.

L'exécutif du Sénat se plie aux injonctions de l'Élysée. Vous redoutez la mobilisation massive des Français le 12 octobre. Vos manoeuvres ne tromperont pas les Français. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Apprendre lors d'une réunion de travail sur deux amendements du Gouvernement que nous allions étudier dès ce soir les articles 5 et 6 est inacceptable. Des collègues inscrits sur ces articles ne sont pas là. (On feint de le regretter à droite)

La réalité est claire : cela vous déplaît beaucoup que nous puissions nous exprimer. Si nous avons pris du retard hier soir, ce n'est pas de notre fait, mais à cause du président de séance, qui nous a refusé une suspension de cinq minutes... Si nous avons passé la matinée à débattre comme nous l'avons fait, c'est parce que le ministre a annoncé le dépôt de deux amendements.

En fait, vous voulez que les articles 5 et 6 soient votés avant le 12 octobre pour pouvoir dire aux salariés que leur manifestation ne sert plus à rien ! Vous dites aux salariés : « circulez, il n'y a rien à voir » Joli sens du dialogue social ! Vous encouragez la radicalisation du mouvement, à croire que c'est le but recherché, pour récupérer l'électorat que vous avez perdu.

Ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le président, c'est ce qu'a fait le président de l'Assemblée nationale en refusant la parole aux députés ! (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Nous déplorons une nouvelle manoeuvre du Gouvernement pour éviter le débat de fond. Vous désorganisez le débat en appelant en priorité des articles que nous devions étudier dans plusieurs jours, alors que vous avez déjà déclaré irrecevables plusieurs de nos amendements.

Quand nous avons voulu débattre avec M. Le Maire des retraites agricoles, celui-ci nous a renvoyés au présent projet de loi. Le débat sera réduit si vous opposez l'article 40 à nos propositions alors que les voix des agriculteurs ruinés s'élèvent dans tout le pays. La Confédération paysanne se mobilise, quatre paysans sont en grève de la faim.

M. le président.  - M. Romani ayant été mis en cause, il me semble normal qu'il puisse s'exprimer.

M. Roger Romani.  - L'intervention de M. Godefroy me surprend. Je me suis contenté, hier soir, d'appliquer le Règlement. Alors que le scrutin public avait commencé, M. Sueur a demandé une suspension de séance ; elle n'était pas de droit, je l'ai refusée. Vous avez demandé une vérification du quorum : j'ai suivi la procédure.

Hier soir, nous avons subi les leçons de M. Sueur. J'avais une haute opinion de M. Godefroy, je suis plus que déçu. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

Article premier A (Suite)

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°819.

Mme Raymonde Le Texier.  - Rappel au Règlement !

M. le président.  - Vous pouvez expliquer votre vote.

Mme Raymonde Le Texier.  - Je veux faire un rappel au Règlement.

M. le président.  - Non : soyez raisonnable !

L'amendement n°819 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°756.

M. Guy Fischer.  - Le rapporteur souligne que les cotisations versées servent immédiatement à payer les pensions et à ouvrir droit à pension future.

La rédaction retenue met en cause la solidarité intergénérationnelle, au nom d'un principe « d'équité » bien trop flou. C'est l'égalité qui doit être le principe.

Ce n'est pas l'allongement de la durée des cotisations qui résoudra le problème des retraites. Il faut un nouveau partage des richesses, un partage juste, efficace. Les Français rejettent votre scénario catastrophe. Les richesses nouvelles créées par les salariés vont aux seuls patrons !

M. François Autain.  - Est posé un débat de fond qui nous amène à réfléchir sur notre démographie et notre économie. La situation démographique de la France est loin d'être celle de l'Allemagne, de l'Espagne ou de l'Italie. Alors que la population de nos voisins risque de se contracter, la nôtre continue de se développer, grâce à la fois au solde des naissances et au solde migratoire.

A la différence de ce qui se passait encore dans les années 1970, 80 % des femmes en âge de travailler ont un emploi. La formation des jeunes s'est considérablement renforcée : depuis 1968, le nombre d'étudiants a décuplé.

A écouter les pères la rigueur, nous devrions nous lamenter sur le coût du travail... comme s'il n'y avait pas de gain de productivité ! Mais le monde du travail sait pertinemment que les technologies et les formations sont considérablement supérieures à ce qu'elles étaient autrefois. L'ouvrier qui faisait une automobile il y a un demi-siècle en fait désormais cinq !

M. Claude Domeizel.  - Je voterai l'amendement, mais je veux revenir sur l'organisation de nos travaux. Vous commencez par réserver l'examen des articles additionnels. Première désorganisation de nos travaux. Vous continuez en exigeant la priorité sur les articles 5 et 6. Nos interventions sont préparées par nos collaborateurs ; laissez-leur le temps de le faire.

Nous discutons le texte de la commission, que nous ne connaissons que depuis vendredi.

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - C'est déjà pas mal !

M. Claude Domeizel.  - L'exécutif doit marquer son respect pour le Parlement, les sénateurs et leurs collaborateurs. Si l'on était logique, on suspendrait la séance pour nous permettre de préparer nos interventions sur les articles 5 et 6 : je dois faire d'ici ce soir ce que j'avais prévu de faire ce week-end.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

L'amendement n°756 n'est pas adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Puisque l'amendement n°598 a reçu un avis favorable, je retire l'amendement n°551 rectifié bis mais maintiens l'amendement n°552 rectifié ter qui pose une question de principe.

L'amendement n°551 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'amendement n°56.

M. Ronan Kerdraon.  - Certes, les déclarations de principe ne suffisent pas, mais elles permettent de rappeler certaines évidences.

Les annonces de ce matin ne sont pas des avancées mais de la poudre aux yeux. Les femmes resteront les premières victimes de votre projet. Elles occupent 82 % des emplois à temps partiel et gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes. Atteindre 62 % des pensions des hommes n'est pas un but enviable ! Le relèvement à 67 ans de l'âge de départ à taux plein touchera principalement les femmes. La Halde y a insisté. En fait, votre réforme perpétue, voire aggrave, les inégalités.

Mme Claire-Lise Campion.  - Les pensions servies aux femmes demeurent bien inférieures à celles des hommes. L'allongement des durées cotisées ne suffira pas à combler l'écart des pensions, du fait du temps partiel, qui touche 18 % des salariés -dont 82 % de femmes !- contre 8 % naguère.

M. Guy Fischer.  - Nous voterons l'amendement n°56.

La France a encore d'importants efforts à fournir pour obtenir l'égalité salariale entre hommes et femmes. L'écart est de 19,2 % ! Quand allez-vous sanctionner les entreprises qui discriminent les femmes ?

M. Muzeau remarquait en 2006 que toutes les lois tendant à faire respecter l'égalité salariale entre les deux sexes sont inefficaces. C'est que l'on refuse de sanctionner les entreprises.

Le Medef a su vous convaincre de renoncer à agir. Nous voterons cet amendement qui réaffirme le principe d'égalité.

M. David Assouline.  - Ce sujet est incontournable pour toute réforme concernant les retraites. Autrefois, on considérait que l'homme seul travaillait et subvenait aux besoins de sa famille. Depuis, les choses ont évolué...

A l'heure actuelle, un retraité sur deux touche 900 euros et un sur trois, 700, alors que l'Union européenne a fixé le seuil de pauvreté à 890 euros. Heureusement que la solidarité familiale peut jouer !

Retarder l'âge de départ possible à 62 ans est une régression terrible, même en comptant votre annonce de ce matin : comment osez-vous la présenter comme une avancée ?

L'amendement n°56 n'est pas adopté.