Filière photovoltaïque (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur l'avenir de la filière photovoltaïque. Merci de respecter vos temps de parole.

M. Martial Bourquin.  - En décembre 2008, le plan national de développement des énergies renouvelables affirmait que l'État devait soutenir une industrie du solaire en France, en dynamisant le photovoltaïque. Oui, les objectifs du Grenelle ont été atteints sur le solaire, mais pour quel bilan global ? Tient-on compte du recyclage des panneaux solaires de première génération ?

Je déplore qu'EDF ait de grands projets avec des panneaux solaires de première génération, au détriment de la filière française plus innovante. Peut-on envisager une sortie du dispositif du type prime à la casse ? Cette filière peut créer des milliers d'emplois, ne la sacrifions pas.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.  - Je souscris à votre constat. Le Grenelle a fixé des objectifs de volume, 1100 MWH-2012, nous y allons, même au-delà. Nous avions aussi des objectifs environnementaux et d'emploi. Or, la « bulle » autour du photovoltaïque contrarie ces objectifs. Un panneau chinois a un bilan carbone correspondant à 1,8 fois celui d'un panneau français. L'emploi industriel n'est pas au rendez-vous. Nous maintenons les objectifs du Grenelle, mais nous révisons notre méthode pour les atteindre tous. C'est le but de la concertation en cours.

M. Roland Courteau.  - Un coup de frein.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - L'objectif, c'est un cadre pérenne dès mars 2011.

M. Daniel Raoul.  - Déjà à l'occasion du Grenelle, je dénonçais le bilan carbone déplorable du photovoltaïque chinois. Je l'appelais au développement d'une véritable filière des composants, à partir de ce qui existe. Pourquoi pas développer la géothermie qui elle ne pose aucun problème écologique ?

M. Ladislas Poniatowski.  - Comment en sommes-nous arrivés là ? Le Gouvernement a oublié de fixer des quotas annuels et de préciser le financement. Fin 2009 nous atteignions l'objectif de 5,4 gigawatts prévu pour 2020, cela coûte 60 millions, les coûts projetés pour 2011 atteignent un milliard, et, pour 2020, 90 milliards d'euros.

Madame la ministre, allez-vous parvenir à fixer des quotas ?

Un conseil : regardez aussi du côté de l'éolien...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Le Gouvernement a souhaité lancer le photovoltaïque, en agissant sur le prix d'achat. Entretemps, le prix des panneaux chinois a baissé rapidement, d'où les déséquilibres : un déficit de 800 millions, sur ce poste de la balance commerciale, soit 2 % de notre déficit commercial.

La concertation doit nous permettre de faire mieux sur le bilan carbone et pour l'emploi dans la filière.

J'entends bien faire mieux, aussi, pour l'éolien, où nous allons lancer un appel à projet sur l'éolien off shore.

M. Ladislas Poniatowski.  - Nous n'avons pas dépassé les objectifs pour les installations des particuliers ni pour les centrales au sol, mais pour celles sur les bâtiments industriels et sur les toits des usines. Il faut donc affiner les critères en fonction des marchés.

M. Michel Billout.  - Dans l'examen du budget, nous avons dénoncé les lacunes de la politique gouvernementale en matière d'énergie renouvelable : la recherche n'est pas encouragée, ni le recyclage. Le rapport Charpin constate que les panneaux fabriqués en Chine ont un bilan carbone supérieur de 80 % à celui de ceux fabriqués en France. Quid des déchets ?

Ils ne sont pas inclus dans la directive européenne sur les déchets d'équipements électriques et électroniques : il faut les contrôler davantage.

Comment comptez-vous garantir le recyclage des panneaux solaires ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Je reconnais les insuffisances liées à ce que les panneaux solaires relèvent du droit commun de recyclage : c'est un sujet important pour la concertation. Nous voulons atteindre nos objectifs en matière de volume, de recyclage et d'emplois : c'est un mouvement d'ensemble.

M. Roland Courteau.  - Nous serons vigilants.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Quant au développement de la filière, il nous faut plus d'expertise. Les objectifs pour 2012, monsieur Poniatowski, seront répartis par emplacements.

M. Roland Courteau.  - Bonne idée !

M. Michel Billout.  - Votre prédécesseur demandait de repérer les leviers de créations d'emploi, alors que le rachat par EDF existait depuis 2002, et que le Gouvernement faisait pression sur les investissements dans le secteur avec la privatisation de GDF et l'obligation faite à EDF de vendre à ses concurrents son électricité nucléaire à bas coût.

La politique énergétique ne doit pas tourner le dos à la recherche, à l'emploi ou à l'intérêt général ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Merceron.  - L'instabilité de la réglementation photovoltaïque menace la filière, qui navigue à vue. Le moratoire touche aussi les collectivités locales. En Vendée, nous venons de signer un contrat de partenariat public privé pour construire des centrales au sol, grenello-compatibles parce qu'installées sur d'anciens sites d'enfouissement de déchets, et qui injectera 40 millions d'euros dans le tissu local. Au lieu de condamner tous les projets, madame le ministre, allez-vous distinguer ceux qui sont vertueux, qui vont dans le bon sens, celui des territoires ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Je comprends le mécontentement des industriels, mais pouvons-nous envisager que nos concitoyens paient, via leur facture d'électricité, pour l'industrie chinoise ?

Nous devons plus de lisibilité aux industriels qui ont investi.

La question se pose bien sûr pour les collectivités locales, mais je ne saurais arbitrer en leur faveur entre leurs projets -ce serait juridiquement risqué. Nous avons préféré suspendre ceux qui dépassent 3 kilowatts ; pour le reste, nous arbitrerons après concertation.

M. Jean Boyer.  - Ma déception de ce matin, face à M. Apparu, se répète cet après-midi... Madame le ministre, gérer, c'est aussi prévoir.

Ne condamnez pas les investisseurs. Il y a eu un effet d'aubaine parce que dans la loi de finances, le Gouvernement a repoussé un agrément. Il faut distinguer spéculateurs et producteurs.

Ne laissons pas mourir la filière ! (« Très bien » à) gauche)

M. François Fortassin.  - Les tarifs de rachat élevés ont assuré le succès rapide de la filière photovoltaïque, mais les baisses de tarif et l'annonce du moratoire inquiètent : il y a comme un gel. Quel message voulez-vous faire passer ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question.

M. François Fortassin.  - Il faut dire la vérité aux Français.

M. Yvon Collin.  - Très bien.

M. François Fortassin.  - Incapacité de raccorder tous les producteurs au réseau, production élevée en juillet et en août alors que le besoin est maximal en décembre, emprise sur les terres agricoles : faites toute la lumière ! (Rires et applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - J'accepte la critique du manque de lisibilité des mesures d'accompagnement mais les objectifs demeurent : c'est pourquoi nous renouvelons le cadre, plus en harmonie avec le Grenelle.

Aujourd'hui, le développement de la filière se fait au prix d'une forte importation de produits chinois, peu respectueux de l'environnement. En outre, l'emploi n'y gagne pas.

M. François Fortassin.  - J'apprécie votre honnêteté intellectuelle, mais une politique sans visibilité ne peut être bonne. (Rires)

M. Dominique de Legge.  - Alors que le Grenelle de l'environnement veut limiter la consommation de terres agricoles, on voit se multiplier des projets photovoltaïques au sol, bien plus rentables pour le propriétaire que l'agriculture.

Que ferez-vous pour établir un nouvel équilibre ?

D'autre part, comment apprécier l'équilibre entre l'incitation et le coût réel ?

Enfin, où en est le projet de production d'une unité de production électrique au gaz en Bretagne, car les éoliennes et les panneaux photovoltaïques ne fonctionnent pas en continu ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Les investisseurs proposent aux propriétaires de terres agricoles un loyer payable vingt ans créant une véritable distorsion de concurrence avec l'usage agricole, au point qu'un décret est intervenu pour mettre fin à cette dérive.

Nous devrons sans doute varier le soutien selon les caractéristiques du site d'installation.

Enfin, des projets d'électricité thermique au gaz sont en voie d'avancement.

M. Dominique de Legge.  - Il est urgent de construire l'unité attendue en Bretagne, pour ne plus devoir choisir entre lave-vaisselle et lave-linge.

M. Serge Larcher.  - D'ici 2030, les régions d'outre mer devraient être autonomes en production d'électricité, avec un taux de 50 % dans dix ans. Or, le décret d'application de la Lodeom n'est toujours pas paru. J'avais multiplié les mises en garde sans être entendu.

La suspension du rachat pendant trois mois s'applique aussi à l'outre-mer, où le soleil brille à l'envi.

Quelle est votre politique pour cette filière outre-mer ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Le déploiement du photovoltaïque est considérable outre-mer depuis plusieurs années, grâce au tarif de rachat, au crédit d'impôt des particuliers et à l'incitation fiscale en faveur de ces investissements.

Cette dernière disposition a été supprimée par la loi de finances pour 2011, car les projets en cours coûtent déjà 2,6 milliards. La rentabilité de ces investissements a un effet d'éviction sur les autres secteurs.

Enfin, le caractère intermittent de l'électricité photovoltaïque impose de limiter le transfert de cette énergie sur le réseau qui n'y résisterait pas. L'outre-mer a des atouts mais il faut un développement raisonnable de la filière.

M. Georges Patient.  - Cette réponse ne me satisfait pas... Je tiens à insister sur les sites isolés, 12 communes sur 22 en Guyane. Il serait judicieux de ne pas bloquer les projets les concernant. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Vial.  - Je souhaite une opération vérité pour tous. La vérité des coûts -le photovoltaïque ne doit pas servir de bouc émissaire pour la hausse des tarifs de l'électricité-, de la réglementation, des effets sur l'emploi, des réalités techniques.

Scientifiques et chercheurs estiment que la recherche européenne et française est à la pointe. L'Allemagne reste excédentaire dans ce domaine ; la France arrive à l'équilibre.

Que la France reste fidèle aux engagements du Président de la République, annonçant que notre pays doit devenir leader pour les énergies décarbonées.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Vous avez raison : la filière photovoltaïque ne doit pas être le bouc émissaire de la CSPE.

Les tarifs de rachat ont stimulé les investissements et la recherche.

Aujourd'hui, le Grenelle de l'environnement doit atteindre ses objectifs ; nous devons créer une véritable filière industrielle de production, grâce à un cadre d'investissement qui prenne en compte le bilan environnemental et les emplois créés.

La France peut effectivement devenir leader en la matière, comme l'a dit le Président de la République.

M. Jean-Paul Alduy.  - Madame la ministre, une lourde responsabilité pèse sur vos épaules. Ne découragez pas la filière.

Adoptez une démarche globale. De vous dépend la création ou la disparition de dizaines de milliers d'emplois.

J'espère que votre décision sera le dernier avatar subi par la filière photovoltaïque !

La séance, suspendue à 17 heures  50, reprend à 18 heures