Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Protection de l'enfance

Mme Muguette Dini,   - De jeunes Bosniaques de 10 à 16 ans sont arrêtées pour des vols à la tire. Pour la plupart, elles ont été achetées ou arrachées à leur famille par des réseaux mafieux ; en garde à vue, elles tiennent un discours convenu et se refusent à toute identification. Placées dans un foyer d'accueil, elles s'enfuient et retournent dans la rue, pour « gagner » les 300 euros quotidiens qu'exigent leurs « employeurs » ; à défaut, elles sont frappées, torturées ou violées. Comment peut-on tolérer de tels faits sur notre sol ?

Notre loi exige que les jeunes soient protégés ! Que comptez-vous faire ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale .  - Ce sujet est d'une extrême gravité ! Depuis une vingtaine d'années, nous voyons arriver de Bosnie ou d'ailleurs des mineurs, isolés ou en bande, qui se livrent à des actes de délinquance. Le dispositif Versini permet d'agir mais il est impossible de placer ces enfants ou de les renvoyer dans leur pays. Il importe donc de démanteler ces réseaux mafieux.

Initialement proposé par Mme Debré, un dispositif interministériel va être mis en oeuvre, ainsi qu'une coopération internationale, dans le cadre du Conseil de l'Europe. Nous avons signé une convention contre la traite des êtres humains, à laquelle la Bosnie a adhéré. Nous avons aussi le Greta, le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains ; c'est un officier de gendarmerie français qui vient d'être porté à sa tête.

Vous voyez que nous déployons tous les efforts possibles. (Applaudissements au centre et à droite)

Séparation des pouvoirs

Mme Catherine Tasca .  - Dans quelle République vivons-nous ? Le ministre de l'intérieur conteste une décision de justice. Le préfet a cru bon de soutenir les policiers condamnés ; le garde des sceaux rappelle l'indépendance de la justice mais on peut s'interroger sur cette nouvelle version de la solidarité gouvernementale.

Le fait est que des policiers ont monté un dossier contre un citoyen innocent. Nous connaissons tous les difficultés du métier des policiers, surtout quand vous diminuez leurs effectifs. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Mais elles ne justifient pas de telles pratiques, qui déshonorent la police.

En laissant prospérer la loi du silence, en défendant la culture de l'excuse pour ceux qui piétinent les lois, vous dégradez la confiance que nos citoyens portent aux forces de l'ordre, vous affaiblissez l'État de droit et la République.

Que comptez-vous faire pour que ces agissements, heureusement minoritaires, ne puissent se reproduire et être couverts ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les ministres concernés se défilent !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Ces actes, condamnés par la justice, ont été dénoncés par le ministère de l'intérieur !

Dans quelle République vivons-nous ? Souvenez-vous de janvier 1999, quand le ministre de l'intérieur, M. Chevènement, voulait remettre en cause l'ordonnance de 1945, créant un débat ubuesque (vives exclamations à gauche) avec la Chancellerie sans que le Premier ministre de l'époque, M. Jospin, ne donne la position officielle du Gouvernement. Dans quelle République vivions-nous ? (Applaudissements à droite ; très vives exclamations à gauche, où l'on scande « zéro ! zéro ! »)

M. Didier Boulaud.  - C'est une insulte au Sénat ! Vous faites le jeu du Front national !

Neige et fonction publique

M. Bernard Vera .  - Trois mille personnes hébergées en urgence, des milliers de poids lourds bloqués sur les autoroutes... Oui, il y a eu une immense pagaille mercredi dernier. Vous faites retomber la faute sur Météo-France, qui n'aurait pas prévu la neige !

M. Alain Gournac.  - Les communistes non plus !

M. Bernard Vera.  - La vraie coupable, c'est la RGPP, qui altère les capacités de l'État à intervenir en cas de crise. Depuis trois ans, il manque 10 000 agents...

M. Bruno Sido.  - Qu'ils travaillent plus !

M. Bernard Vera.  - ...et vous prévoyez une nouvelle saignée d'ici 2013. Comme toujours, les collectivités ont dû gérer la pénurie, or vous voulez leur appliquer de force votre politique d'austérité. Voilà votre conception de la solidarité nationale, de la cohésion sociale et de l'intérêt général. Quand cesserez-vous de faire payer au peuple les conséquences de la crise ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Il va nous parler de l'hiver 1956 !

M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique .  - Je témoigne que les agents de l'Etat, des départements et des communes ont fait ce qu'ils pouvaient la semaine dernière. (Applaudissements à droite) Je n'extrapole pas sur le fait que les transports relèvent de la compétence départementale. Y a-t-il une sous-administration de la France ? (« Oui ! » à gauche) Nous avons 1,4 million d'agents de plus qu'en 1980 ! Il n'y a que vous à dire que nous manquerions d'agents publics, alors qu'aucun pays n'en a autant. Cela fait des années que la RGPP est mise en oeuvre pour arriver à un ajustement ; certains ministères sont moins touchés que d'autres. Tous les agents publics sont-ils victimes de cette politique ? Non, plus de 70 % des sommes économisées par le non-remplacement d'un retraité sur deux sont reversés sous forme de mesures catégorielles.

Passer des événements de la semaine dernière à votre conclusion est pour le moins hâtif ! (Applaudissements à droite et au centre)

Réussite scolaire

M. Laurent Béteille .  - L'enquête Pisae de l'OCDE compare les performances des élèves des différents pays. La France est un des pays qui dépense le plus d'argent par élève, et elle ne peut rivaliser avec Singapour, la Finlande ou l'Allemagne.

M. Didier Boulaud.  - Qui gouverne la France depuis 2002 ?

M. Laurent Béteille.  - Des réformes ont été entreprises pour laisser la main au terrain, afin de remettre la transmission des savoirs fondamentaux au coeur des projets éducatifs. L'autorité est mise à mal par une permissivité qui sape la République.

Le pédagogisme a fait prospérer une culture du vide et de l'ignorance, qui a mis en panne l'ascenseur social. Comment favoriser le vivre-ensemble ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative .  - Je vous prie d'excuser M. Chatel qui participe à un débat académique sur les rythmes scolaires à Dijon. Pour que le système éducatif progresse, il a besoin de comparaisons internationales et d'évaluation. Plusieurs enseignements ont été tirés de l'étude Pisa...

M. Didier Boulaud.  - Il serait temps !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État.  - ...qui nous met dans un peloton qui rassemble aussi les États-Unis et le Royaume-Uni. On constate un lien entre la qualité des résultats et les origines sociales.

L'étude montre aussi que l'efficacité ne se mesure pas à l'investissement économique. Des pays qui dépensent moins que nous réussissent mieux : il faut sortir du toujours plus pour aller vers le toujours mieux !

M. Didier Boulaud.  - On touche le fond.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État.  - L'échec n'est pas une fatalité ; pour favoriser la réussite, le ministère se concentre sur trois points : recentrage sur les fondamentaux, personnalisation de l'enseignement et marges de manoeuvre agrandies pour les équipes pédagogiques. (Applaudissements à droite)

Séparation des pouvoirs (II)

M. Nicolas Alfonsi .  - Seul le Premier ministre aurait pu mettre un terme à la polémique née du procès de Bobigny. Le fait que les décisions prises le soient au nom du peuple français ne semble pas préoccuper le ministre de l'intérieur, disposé à violer l'article du code pénal interdisant de commenter les décisions de justice pour complaire à certains policiers.

Qui nous dit que la plupart des OPJ, qui travaillent dans des conditions très difficiles, n'approuvent pas cette sanction ? Critiquer une décision de justice est un délit ; l'État de droit s'impose même aux ministres et ne saurait être bafoué au nom de considérations électoralistes.

M. le président.  - Votre question !

M. Nicolas Alfonsi.  - Sans remonter vingt ans en arrière, pouvez-vous nous confirmer qu'instructions ont été données au ministre de l'intérieur pour que de tels dérapages ne se reproduisent pas ? (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Je pourrais rappeler que le Premier ministre a parlé de faits injustifiables, comme je pourrais rappeler que l'enquête est venue du commissariat lui-même. Vous ne voulez pas remonter vingt ans en arrière ? Soit. Il y a quelques jours, avec beaucoup d'audace et un culot d'acier, le politburo de la rue de Solferino a condamné par avance la décision à venir du Conseil d'État sur le président Huchon. Commencez donc par balayer devant votre porte ! (Vives protestations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous méprisez le Sénat !

Pôle emploi

M. Claude Jeannerot .  - Il faut faire des économies, chacun en est conscient, mais il est inadmissible que ce soit sur le dos du service public de l'emploi. Serions-nous déjà sortis de la crise ? Le chômage a certes légèrement reculé en octobre, mais le nombre de chômeurs de longue durée s'est accru de 23 % en un an ; 43 % des jeunes hommes des zones urbaines sensibles sont sans emploi. La politique d'aide au retour à l'emploi a fait la preuve de son efficacité économique et sociale. Vous vous acharnez à la raboter, tandis que le Président de la République dit vouloir doubler le nombre de jeunes en alternance.

Alors que la fracture sociale grandit, qu'allez-vous faire pour que le service public de l'emploi soit tout simplement en état d'exercer sa mission ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - Commencez par renoncer aux contre-vérités ! Les moyens de Pôle emploi sont confortés : quand a été engagée la fusion ANPE-Unedic, il y avait 48 000 agents, il y en a aujourd'hui 52 000. (Exclamations à gauche) Ces chiffres sont parfaitement vérifiables : il suffit de se reporter au débat sur la loi de finances, au Sénat même !

M. David Assouline.  - Ce n'est pas vrai !

M. Guy Fischer.  - Vous êtes coupés des réalités. Venez à Vénissieux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Allez donc faire un stage à Pôle emploi !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le Gouvernement entend mettre en palace de nouveaux outils pour développer les formations en alternance.

M. Didier Boulaud.  - C'est vous qui le dites !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Faire baisser le chômage est la priorité de tous les élus. Ma politique sera celle de la main tendue ; on verra si vous sortez des positions politiciennes. (Exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Changez de disque !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le chômage des jeunes a baissé de 7 % en un an. Un jeune en alternance à plus de chances de trouver un emploi que celui qui n'y est pas. J'ai engagé le dialogue avec les partenaires sociaux et je ferai de nouvelles propositions.

Il y avait 290 000 contrats aidés dans le secteur non marchand, on en est à 340 000 ! La baisse durable du chômage est, pour nos concitoyens, le marqueur de la sortie de crise.

M. David Assouline.  - Pour une fois, je suis d'accord !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est la priorité du Gouvernement. Il ne tient qu'à vous de l'aider à relever le défi ! (Applaudissements à droite)

Transport collectifs en Ile-de-France

M. Dominique Braye .  - Ma question a été rédigée avec Mme Bernadette Dupont, sénatrice des Yvelines ; je sais aussi le président Larcher sensible aux problèmes du transport ferroviaire en Ile-de-France. La Cour des comptes a dressé, le 1er novembre, un constat très sévère, qui rejoint celui vécu quotidiennement par des centaines de milliers de Franciliens, dont ceux des Yvelines. Ce département est particulièrement touché, la dégradation du service est patente sur toutes les lignes. Le réseau est saturé. C'est un frein au développement durable de notre département, et à la recherche d'emploi.

Comme l'a relevé la Cour des comptes, la SNCF et RFF négligent depuis trop longtemps la rénovation du réseau ferroviaire alors que le trafic s'est accru de 20 % à 30 % en dix ans. Au-delà des efforts qui doivent être faits par le Stif, on peut regretter une absence de stratégie concertée avec l'État.

Des investissements massifs sont prévus dans le cadre du projet du Grand Paris ; comment l'État peut-il contribuer aussi à le remise à niveau urgente du réseau ? (Applaudissements UMP)

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports .  - L'organisation des transports en Ile-de-France relève du Stif, qui est lui-même sous la responsabilité du conseil régional. (Plusieurs voix sur les bancs socialistes : « Depuis quand ? »)

Mme Raymonde Le Texier.  - Vous vous êtes débarrassés des transports franciliens après avoir été incapables de les entretenir !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État.  - L'État est particulièrement attentif à la qualité du service offert dans la région capitale comme ailleurs. Il faut rénover les infrastructures, renouveler le matériel, créer de nouvelles infrastructures. L'engagement de l'État atteint 1,4 milliard et les entreprises ont lancé un programme de modernisation du matériel roulant, de rénovation des lignes B, C et D du RER.

Ce n'est certes pas suffisant au regard des besoins. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé un programme de 35 milliards d'ici 2025.

Mme Raymonde Le Texier.  - Le prince charmant n'a plus d'argent !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État.  - Des projets sont en cours dans les Yvelines, le prolongement de la tangentielle ouest, le tramway Châtillon-Viroflay, l'extension du RER E vers Mantes-la-Jolie via La Défense.

Un projet prioritaire de 2 milliards pour remédier à la saturation de la ligne A est soumis au débat public, pour une mise en service en 2020. L'État met en place les financements nécessaires. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas un sou !

Fonds structurels européens outre-mer

M. Serge Larcher .  - Les fonds structurels sont très importants pour les régions ultrapériphériques de l'Union européenne. Le commissaire européen à la politique régionale vient de publier le cinquième rapport de la Commission, qui dessine les grandes orientations pour l'après 2013. L'enveloppe de la politique de cohésion à destination des régions ultrapériphériques est de 3,2 milliards sur la période 2007-2013. La dotation du Feder, dite allocation de compensation, est de 482 millions pour nos quatre départements d'outre-mer ; son avenir est loin d'être garanti.

Au-delà, je suis préoccupé par la volonté de Bruxelles de concentrer les fonds de cohésion sur les domaines relevant de la Stratégie 2020.

Quelles sont les perspectives pour l'après 2013 ? Quelles actions allez-vous mener dans l'intérêt de l'outre-mer, madame le ministre ? (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer .  - Vous avez raison de rappeler le montant des fonds structurels pour l'outre-mer : ils dépassent 3 milliards. Vous connaissez mon engagement sur ce dossier pour faire prendre en compte les intérêts ultramarins. Le Gouvernement a veillé à ce que l'enveloppe soit bien inscrite dans le mémorandum. J'ai insisté, lors de la conférence des Canaries, sur la nécessité de maintenir l'allocation de compensation. Nous n'en sommes qu'au début des négociations, la Commission doit d'abord prendre position sur le mémorandum ; elle vient d'engager un débat sur la politique de cohésion territoriale. Je vous rassure : nous suivons de près ce processus -d'autant que Mayotte va bientôt faire partie aussi des régions ultrapériphériques. (Applaudissements au centre)

M. David Assouline.  - Vous n'avez rien dit...

Escorte des convois exceptionnels

M. Charles Revet .  - Les éléments constitutifs des éoliennes sont acheminés par voie maritime, puis terrestre par convoi exceptionnel. La réorientation des missions des CRS les rend moins disponibles pour assurer les missions d'escorte. Les équipements restent dans nos ports, qu'ils encombrent, plusieurs semaines ou mois, ce qui nuit à l'attractivité de nos infrastructures -qui n'en ont pas besoin.

Un projet d'externalisation des missions d'escorte au secteur privé est envisagé ; un projet de décret est en préparation. Qu'en est-il ? A quelle échéance ? (Applaudissements à droite)

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports .  - Les convois exceptionnels sont actuellement accompagnés par les forces de l'ordre. La réorientation de celles-ci vers l'accomplissement de leurs missions prioritaires conduit à réformer les escortes, qui seront confiées à des entreprises privées.

M. Yannick Bodin.  - Et voilà !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État.  - Le projet de décret définit les conditions précises d'un guidage privé et met en place une formation initiale et continue pour les futurs guideurs. Les principales fédérations de transporteurs ont été consultées. Le projet de décret a été transmis en Conseil d'État en octobre. Le nouveau dispositif entrera en vigueur au 1er juillet 2011.

Je suis prêt à vous recevoir pour débattre des modalités pratiques d'application de ce décret. (Applaudissements sur les bancs UMP)