Grand Paris (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le Grand Paris.

Mme Catherine Tasca.  - Le protocole du 26 janvier 2011 ouvre la voie à un accord sur les transports en Ile-de-France. D'autres engagements devront être concrétisés dans les mois prochains, notamment sur les tracés et sur les dessertes.

Les demandes des élus locaux n'ont pas toutes été prises en compte. Quid des engagements financiers de l'État et de la maîtrise d'ouvrage ? Une convention suffira-t-elle ? Le partage de la maîtrise d'ouvrage pose des problèmes. Le Stif devra avoir la maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14 et d'un tronçon de la future rocade. Il faudra aussi sécuriser le rôle du Stif comme autorité organisatrice de transport. C'est à lui que revient d'assurer la cohérence du futur réseau. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Maurice Leroy, ministre de la ville.  - Je réaffirme devant vous que le rôle du Stif comme autorité organisatrice n'est pas remis en cause. La loi du 3 juin 2010 ne touche pas à ses prérogatives.

L'accord du 26 janvier 2011 réaffirme le souci d'un maintien du Stif dans la réalisation de la rocade du Grand Paris. La maîtrise d'ouvrage du prolongement de la ligne 14 sera bien confiée au Stif. Je suis prêt à examiner toutes les voies conventionnelles et réglementaires possibles pour concrétiser cette association. Si ces moyens ne suffisent pas, nous pourrons envisager une modification du code des transports. L'engagement est clair.

Mme Nicole Bricq.  - Nous poursuivrons ce dialogue demain à l'occasion de l'examen de notre proposition de loi : nous progressons puisque vous évoquez une convention mais une loi aurait été préférable. Le conseil de surveillance de la SGP va déterminer le nombre de gares mais l'État y est majoritaire. Nous restons donc sur notre faim. En ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage : quand on paye, on y a droit !

M. Bernard Vera.  - Le débat public sur le Grand Paris a mobilisé de nombreux citoyens.

Le 26 janvier, un protocole d'accord a été signé sur le projet rebaptisé Grand Paris express. Mais l'orientation libérale demeure et la compétition entre les territoires est organisée.

Le financement est incertain. Sur 33 milliards, 11,9 milliards sont mobilisés pour le plan de mobilisation des transports. Sur les 20 milliards du Grand Paris express, la moitié seulement est garantie : les collectivités et les usagers seront mis à contribution. Les populations modestes vont être encore plus repoussées à la périphérie de l'Ile-de-France.

Le nouveau schéma de transport n'améliore pas la desserte de la grande couronne. Il est regrettable qu'on ne nous propose que le développement du réseau ferré.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour favoriser l'offre de transport de proximité ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Maurice Leroy, ministre.  - Vision libérale ? Le débat n'est pas là. Demandez aux présidents du conseil général du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis et au président de la région Ile-de-France si nos travaux communs sont vraiment « libéraux ».

Grâce au budget voté par la majorité sénatoriale les moyens financiers sont au rendez-vous. Dès cette année, 500 millions seront mobilisés pour moderniser les lignes C et D du RER. C'est du concret, pas un débat sur Schumpeter et le libéralisme ! Le Grand Paris est une vision du président de la République : nous devons tous nous en réjouir, sur tous les bancs, sans esprit partisan, et c'est un projet qui dépasse le temps médiatique et politique. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera.  - La loi sur le Grand Paris met en péril la cohérence territoriale de l'Ile-de-France.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Ce n'est pas ce que pense M. Braouezec !

M. Bernard Vera.  - Je suis parlementaire de l'Essonne, pas des départements que vous avez cités.

M. Maurice Leroy, ministre.  - C'est dommage ; il faut avoir une vision d'ensemble.

M. Bernard Vera.  - Les pôles de compétitivité vont aspirer les financements. Le schéma de transport pose un même problème : il est injuste dans son financement et porte atteinte à la démocratie locale. Les communes qui ne signeraient pas perdraient toute possibilité d'aménagement autour des gares alors qu'elles financeraient les réseaux.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Engagé en 1970, l'éclatement des universités parisiennes n'a pas eu l'impact escompté. Le pôle scientifique de Saclay devrait être à moins de trente minutes de Paris : le Gouvernement va-t-il maintenir sa décision d'un métro automatique ?

Le Gouvernement veut financer les opérations sur Saclay par la vente d'établissements parisiens comme ceux de l'École des mines, de l'Inra, de l'Enset ou de la Maison des sciences de l'homme à Paris.

L'attractivité de nos universités parisiennes est liée à leur localisation au coeur de la capitale. N'allons pas déshabiller Paris au profit de Saclay.

Nous souhaitons que nous puissions maintenir dans ces bâtiments des activités universitaires. Qu'en sera-t-il ?

M. Maurice Leroy, ministre.  - Dans le protocole entre l'État et l'Ile-de-France, nous avons une desserte de Massy, Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles par un métro automatique qui va respecter la zone de protection du plateau de Saclay, lequel sera relié à Paris en trente minutes.

Les investissements du plan Campus et du Grand emprunt permettront de lancer les opérations prévues.

Sur le patrimoine immobilier universitaire de Paris, je rappelle que le campus Condorcet en particulier permettra de dynamiser les universités installées au coeur de la capitale.

Je tiens à vous rassurer : il ne s'agit pas de déshabiller des universités parisiennes au profit de Saclay mais de renforcer l'attractivité de la région capitale grâce à un pôle de recherche fort sur le plateau de Saclay.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Vous n'avez pas répondu à ma question.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le Grand Paris ne peut se concevoir que concomitamment avec le développement de l'axe Paris-Le Havre.

Mais sur l'axe Seine, il ne faut pas oublier Rouen, dont le port est des plus dynamiques.

C'est à cette échelle que doit se concevoir le développement du Grand Paris, qui ne doit pas se réduire à un simple corridor pour le transport des marchandises. Il faut conduire une politique d'aménagement transrégionale, avec les deux Normandie.

Mme Françoise Laborde.  - Avec la majorité du groupe RDSE, j'ai voté contre la loi du Grand Paris, qui avait été instrumentalisée à des fins politiques par le président de la République. Trois ministres plus tard, la principale avancée a été de retarder les travaux programmés par la région Ile-de-France. Le seul objectif doit être d'améliorer les conditions de vie des Franciliens. Comment comptez-vous éviter de reproduire les erreurs d'urbanisme des années 70 ?

Comment désenclaver les quartiers sensibles ?

Comment éviter des hausses de tarifs et d'impôts locaux ? Il faut aussi se préoccuper des interconnexions entre les réseaux locaux et nationaux. La Commission nationale du débat public rend son rapport jeudi. Les bonnes intentions ne suffiront pas : nous attendrons des actes. (Applaudissements au centre)

M. Maurice Leroy, ministre.  - Je me réjouis qu'une sénatrice de Haute-Garonne prenne part à cette discussion.

M. Jean-Pierre Plancade.  - C'est facile !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous représentons la Nation tout entière !

M. Maurice Leroy, ministre.  - Ne prenez pas la mouche ! Je m'en félicite : le Grand Paris n'est pas qu'une affaire de Parisiens et de Franciliens. Oui, il y a eu des erreurs d'urbanisme. Quand on demande aux maires qui a fait ces jolies barres, on ne se trompe jamais en supposant que c'est un grand prix de Rome ! Et je n'évoque pas l'idéologie qui a inspiré ces grands ensembles qui devaient rendre la vie meilleure...

Si nous signons des contrats de développement territoriaux, c'est pour éviter de reproduire ces erreurs. Il s'agit d'un véritable partenariat. Nous nous dotons d'outils d'urbanisme.

Quand au schéma d'urbanisme, je me réjouis que nous nous retrouvions demain pour en débattre. Tirons les leçons de toutes les expériences.

Les financements sont parfaitement équilibrés : 10 milliards pour l'État et 11 milliards pour les collectivités. Il n'en coûtera pas trop aux contribuables. Vous devriez être rassurés par ma réponse.

Mme Françoise Laborde.  - Je ne demande qu'à vous faire confiance.

Le facteur temps est important. Le schéma régional devrait être le soleil et autour de chaque gare, les interconnexions devraient être nombreuses.

M. Laurent Béteille.  - La zone de protection relative au plateau de Saclay doit s'étendre sur 2 300 hectares. Nous attendons le décret d'application ; or le calendrier est dépassé. Il faut que cette zone de protection entre en vigueur car elle conditionne tout le reste.

Je me félicite de l'accord entre la région et l'État mais il y a un problème avec les RER existant : 1,2 milliard est prévu pour le remplacement des rames de la ligne A, 500 millions pour la ligne C et autant pour la ligne D.

Je crains que les sommes prévues ne suffisent pas pour faire face à la vétusté du matériel et à l'accroissement du trafic. Il sera notamment nécessaire de doubler le tunnel entre la gare du nord et le Châtelet : aucun financement n'est prévu ; il est juste mentionné « pour mémoire », ce qui est un peu court...

M. Maurice Leroy, ministre.  - Les 2 300 hectares de terres agricoles à préserver sur le plateau de Saclay ? Le décret d'application devrait pouvoir être publié cet automne, fondé sur le principe de continuité et de compacité.

L'effort de modernisation des RER est d'une importance sans précédent : apporter 500 millions pour le RER C et autant pour le RER D, ce n'est pas rien ! Le projet de réseau devrait d'ailleurs alléger la partie centrale du réseau.

La question du flux Paris-Juvisy est posée, ainsi que le projet de dédoublement du tunnel Châtelet-Gare du nord.

M. Laurent Béteille.  - J'espère que nous aurons bien le décret cet automne.

Les habitants de l'Essonne sont confrontés tous les jours à un gros problème de transports et ont entendu trop de promesses.

Mme Dominique Voynet.  - De quoi parle-t-on au juste ? Le Grand Paris, ce peut être beaucoup de choses... Le Sdrif de 1994 est obsolète ; celui de 2008 ne plaisait pas au Gouvernement. Après deux ans de discussions, un compromis a été trouvé, mais le Conseil d'État a rendu un avis négatif. Depuis, on attend un nouveau Sdrif. Vous avez promis de libérer les projets des collectivités : je suis sûre que vous trouverez une solution intelligente : il ne peut y avoir qu'un et un seul Sdrif. Sortir du blocage, très bien, mais par quelle porte ?

M. Maurice Leroy, ministre.  - Vous ouvrez notre débat de demain. Oui, le Sdrif est bloqué, à cause d'une décision du Conseil d'État. Si la proposition de loi de demain est, comme je l'espère, adoptée, ce sera une bonne chose pour débloquer la situation. Ce texte est bon et va dans le sens de mon accord du 26 janvier avec le président Huchon. Mais ce texte n'aura de vertu que transitoire : il faudra retravailler sur la question.

L'intensité du débat public a été très satisfaisante. Il ne faut pas que ce travail soit perdu, j'en suis bien d'accord.

Mme Dominique Voynet.  - Le Conseil d'État n'a pas rendu une décision mais un avis consultatif qui ne s'impose pas au Gouvernement.

Ce dernier a un problème avec la gestion du temps : avec quelques mois de plus, il aurait été possible d'aboutir à un consensus plus solide. A Saclay, par exemple, le débat reste vif : bus, tramway, métro ?

Rien n'est proposé pour desservir Fontenay correctement.

Enfin, des décisions ont été prises trop hâtivement, notamment pour la ligne 11 du métro. Donnons-nous quelques semaines de réflexion.

M. Christian Cambon.  - Le Val-de-Marne a été le premier à mettre en évidence la nécessité d'une double boucle pour fluidifier les échanges de banlieue à banlieue. Des études approfondies ont confirmé l'intérêt du projet Orlyval.

Deux projets sont en concurrence : celui qui passe par Neuilly-sur-Marne, fondé sur des statistiques anciennes et celui qui dessert Val de Fontenay, évidemment le meilleur.

M. Jacques Mahéas.  - Position partisane !

M. Christian Cambon.  - Des études approfondies à partir de chiffres fiables et actuels s'imposent.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Vous avez raison de souligner le rôle précurseur d'Orlyval. Val de Fontenay bénéficie déjà des RER A et E.

M. Jacques Mahéas.  - Très bien !

M. Maurice Leroy, ministre.  - La Tangentielle nord pourrait être prolongée en Tangentielle est.

M. Jacques Mahéas.  - Très bien !

M. Maurice Leroy, ministre.  - Une étude conjointe de la Datar et de la SGP expertise les projets concurrents afin de nous donner des éléments pour le choix final. Je souhaite un projet commun entre la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

M. Jacques Mahéas.  - Très bien ! N'abandonnez pas la Seine-Saint-Denis !

M. Maurice Leroy, ministre.  - Il s'agit là d'un engagement clair de ma part.

M. Christian Cambon.  - Je vous remercie de cette clarification. Il ne s'agit évidemment pas de mettre de côté la Seine-Saint-Denis mais de prendre en compte les habitants du Val-de-Marne. La ligne A, c'est un million de voyageurs dans les pires conditions, sans compter les 260 000 voitures par jour sur l'A 4.

M. Philippe Dominati.  - Le mécanisme employé est conservateur : de fait, il n'a rien de libéral !

Ce monstre administratif a un coût qui pèsera sur les contribuables parisiens et franciliens. Les sociétés d'État ne fonctionnent pas, on en crée une nouvelle.

Pourquoi y a-t-il rupture de charge entre le centre de l'agglomération et Roissy ? Et que se passera-t-il si, comme d'habitude, il y a dépassement financier ?

M. Maurice Leroy, ministre.  - Votre inquiétude porte sur la SGP, disons-le clairement. Pour information, cette société est un établissement public biodégradable, une fois réalisés les 160 kilomètres de métro.

Le financement ? C'est le Parlement qui en a la maîtrise ! M. Fourcade, rapporteur du texte, y veille. Nous avons les moyens d'éviter tout dérapage.

« Si toute vérité n'est pas bonne à dire, elle est bonne à entendre » disait Talleyrand. Je parle clair : tout le monde me demande une gare, mais une gare coute 80 millions. Il faut avoir le même discours ici et sur le terrain. On ne peut veiller ici aux dépenses publiques et en demander en tant qu'élu local.

J'espère vous avoir rassuré.

M. Philippe Dominati.  - Je ne suis que partiellement rassuré. Mme Morin-Desailly évoque la Seine-Maritime. Y paiera-t-on la taxe que devront payer les Franciliens ?