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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Organisme extraparlementaire (Candidature)

Engagement de la procédure accélérée

Conseil constitutionnel (Saisine)

Dépôt de rapports

Questions orales

Enseignement des langues vivantes à l'école primaire

Remplacement des enseignants pendant les périodes de formation

Taux de TVA pour les opérations liées aux chevaux

Action collective dans la lutte contre la prolifération du frelon asiatique

Avenir du programme Media

Soutien au handball à travers le service public de France télévisions

Suppression de l'allocation en faveur des demandeurs d'emplois en formation

Cure thermale et résidents handicapés en établissement

Télétransmission des feuilles de soins électroniques

Missions locales de Bretagne

Contribution économique territoriale

Statut juridique de Pôle Emploi

RN 102

Nuisances sonores des éoliennes

Frelon asiatique

Écotaxe sur les poids lourds

Enquête relative à la disparition d'un militant tchadien des droits de l'homme

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Retrait de questions orales

Question prioritaire de constitutionnalité

Désindustrialisation des territoires

Mission commune d'information

Orateurs inscrits

Débat interactif et spontané

Formation des enseignants (Question orale avec débat)

Demande d'avis sur une nomination

Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (Deuxième lecture)

Discussion générale

Discussion des articles

Article 2

Article additionnel

Article 4

Article 6

Article 11

Article 12 bis

Article 22

Article 23

Article 36 bis

Article 41

Article 42

Article 45

Article 47




SÉANCE

du mardi 26 avril 2011

94e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la séance du 14 avril 2011 est adopté.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.

La commission de la culture propose la candidature de M. Jacques Legendre pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de la commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, déposé le 20 avril sur le bureau de notre assemblée.

Conseil constitutionnel (Saisine)

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 15 avril, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution par plus de 60 députés de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Acte est donné de cette communication.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le Premier ministre a communiqué au Sénat la liste des régimes d'aides relevant du règlement de la Commission européenne du 15 décembre 2006 relatif aux aides « de minimis », existants au 1er janvier 2011 ; et le rapport sur la mise en application de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.

Le premier de ces documents a été transmis au président et au rapporteur général de la commission des finances ; le second à la commission de l'économie, ainsi qu'à la commission des finances.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions orales.

Enseignement des langues vivantes à l'école primaire

M. Jean-Marc Todeschini.  - En application du droit européen, les langues étrangères doivent être enseignées dans le primaire. Dans ma commune de Talange, en Moselle, les élèves n'ont pas le choix : ils apprennent l'italien. Est-ce acceptable ?

Faute d'enseignants, on ne peut enseigner l'anglais dans de nombreuses écoles primaires.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation ? L'apprentissage des langues a besoin de moyens.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.  - La maîtrise des langues étrangères est fondamentale. Chaque bachelier doit être capable de parler deux langues vivantes. Un bachelier a suivi 1 000 heures en moyenne d'enseignement de langue vivante 1. Les programmes prévoient 54 heures par an de langue vivante en primaire. Si les moyens sont là, les évaluations nationales montrent qu'il existe des marges de progression. J'ai installé récemment un comité stratégique pour y travailler. Nous devons nous inspirer de ce qui se fait à l'étranger.

Dans votre commune, une majorité d'élèves apprennent l'allemand ; mais il y a une forte communauté italienne et une demande des familles. Les spécificités locales ont amené l'académie à proposer l'enseignement de l'italien en primaire. L'offre éducative répond donc aux attentes des familles.

Si l'anglais est davantage demandé, nous trouverons les moyens de répondre.

M. Jean-Marc Todeschini.  - A l'école de Talange, seul l'italien est enseigné -et ce, parce que le consulat italien paye les enseignants, au titre du maintien de la culture d'origine. Si les parents ne s'étaient pas mobilisés, il n'y aurait pas d'enseignement d'allemand. Sur l'anglais, je vous dis « chiche » !

Remplacement des enseignants pendant les périodes de formation

M. Jean-Marie Bockel.  - La réforme de la formation des maîtres est effective. Dans certaines ZUS ou en zone rurale, de plus en plus de jeunes étudiants en mastère sont amenés à effectuer des remplacements de longue durée, alors qu'ils n'ont ni expérience ni savoir-faire. Depuis la réforme, les futurs enseignants se retrouvent directement devant des classes, sans aucune préparation, ce qui peut les déstabiliser et accroître, surtout en ZEP, les difficultés des élèves.

La reforme est en place : quels enseignements pouvez-vous d'ores et déjà en tirer ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.  - Dans le premier degré, les remplacements permettent de couvrir plus de 90 % des absences. Dans le second degré, nous disposons de 50 000 titulaires remplaçants et faisons également appel à des contractuels et vacataires. Le système a été amélioré : 96,2 % des absences sont désormais remplacées et les titulaires remplaçants mobilisés à 85 %.

Un mot sur les contractuels : ils peuvent accéder aux concours internes et bénéficient de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

S'agissant du remplacement des professeurs partant en formation : dans le second degré, il se fait dans le cadre ordinaire ; dans le premier, avec la mastèrisation, nous proposons 108 heures par an de stage pratique en responsabilité aux étudiants en M2 -les remplacements seront possibles dans ce cadre.

M. Jean-Marie Bockel.  - Dans le premier degré, les professeurs en formation sont eux-mêmes remplacés par des non-titulaires non formés... C'est dommageable.

Taux de TVA pour les opérations liées aux chevaux

Mme Jacqueline Panis.  - La CJUE a jugé que le taux de TVA appliqué par les Pays-Bas aux livraisons, importations et acquisitions de chevaux était contraire au droit européen. Pour le même motif, la Commission a traduit devant la Cour, la France, l'Allemagne et l'Autriche. L'Europe du cheval est donc menacée.

Les conséquences économiques et sociales sont dramatiques car le secteur, en pleine expansion, reste malgré tout fragile. La filière hippique représente un grand nombre d'emplois et suscite de nombreux investissements. Sur le plan culturel, notre filière est un atout essentiel. Le taux réduit de TVA va-t-il être maintenu, monsieur le ministre ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - La France considère que le cheval est un produit agricole et qu'il peut bénéficier à ce titre du taux réduit de TVA. C'est un enjeu majeur pour la vitalité des territoires ruraux : la filière cheval représente plus de 74 000 emplois directs et indirects.

Ce n'est pas la position de la Commission, qui a engagé une procédure d'infraction à l'encontre de plusieurs États membres. Elle juge que le taux réduit ne peut s'appliquer que lorsque le cheval est destiné à la boucherie ou participe à la production agricole. La CJUE a condamné les Pays-Bas, le 3 mars dernier ; la décision concernant la France pourrait intervenir avant la fin de l'année. J'ai réuni un groupe de travail pour suivre ce contentieux, anticiper les risques pour la filière et voir comment prendre en compte la situation particulière de celle-ci dans le cadre du Livre vert.

Mme Jacqueline Panis.  - Sur l'ancrage dans le monde agricole, espérons que le groupe de travail saura se faire entendre.

Action collective dans la lutte contre la prolifération du frelon asiatique

M. Michel Doublet.  - Le frelon asiatique s'est rapidement répandu depuis 2005 dans tout le sud-ouest et touche désormais la Charente-Maritime. Un rapport interministériel de septembre 2010 a fait le point sur les risques de la prolifération et a tracé des pistes de réflexion. Les destructions de nids sont entreprises sur le terrain, mais chacun fait un peu avec les moyens du bord... Les collectivités sollicitent les agriculteurs, les associations de lutte contre les nuisibles, voire les pompiers. Les agriculteurs demandent un plan d'action global pour mieux coordonner les actions : quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - Le frelon asiatique est apparu en 2005 dans le Lot-et-Garonne et a envahi très rapidement tout le sud-ouest. En 2010, les nids de frelons ont été signalés dans votre département et l'impact sur les ruchers est avéré. Nous avons mis en place un réseau de surveillance et expérimenté divers moyens de lutte ; mais je reconnais que la prolifération n'a pas été endiguée. Nous sommes en train d'élaborer un plan d'action plus ambitieux. Une première réunion aura lieu début mai. Mon ministère accompagnera les démarches des apiculteurs sur le terrain. Nous ferons le point d'ici quelques mois.

M. Michel Doublet.  - Il y a urgence à traiter ce fléau. Je reprendrai contact avec vous prochainement.

Avenir du programme Media

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le programme européen Media a été créé il y a vingt ans pour soutenir l'industrie audiovisuelle, mais sa pérennité n'est pas assurée.

À l'occasion du festival de Berlin, la profession s'est inquiétée d'un possible démantèlement du programme ; depuis, M. Barroso et Mme Vassiliou ont réaffirmé leur soutien à celui-ci, tout en évoquant une diversification des financements. Une consultation publique a été lancée ; les autorités françaises estiment indispensable qu'il existe un programme spécifique. Pouvez-vous m'apporter des précisions ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.  - Je vous prie d'excuser M. le ministre de la culture.

La Commission européenne a entamé des réflexions sur les perspectives financières 2014-2020 et la poursuite du programme Media ; elle fera connaître sa proposition formelle d'ici fin 2011.

Le programme Media est une réussite, sa consolidation est essentielle pour l'industrie audiovisuelle ; la France souhaite que son budget soit ambitieux. La Commission souhaite l'inclure dans un ensemble plus large, sans pour autant qu'il perde en visibilité. Car Media a de nombreux défis à relever dans les prochaines années. La promotion de la diversité culturelle doit rester une priorité.

Ce programme est un instrument clé, tel est le message du Gouvernement français. M. Mitterrand défend également à Bruxelles le régime des aides d'État au cinéma ; et il a évoqué la valorisation des oeuvres européennes sur les offres de films à la demande. Vous pouvez donc compter sur le Gouvernement, madame la sénatrice.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ces propos sont rassurants, car la diversité culturelle doit être garantie. Nous comptons sur le ministre de la culture et sur le Gouvernement.

Soutien au handball à travers le service public de France télévisions

M. Thierry Repentin.  - Depuis vingt ans, notre équipe nationale de handball a connu un parcours exceptionnel : la suprématie de la France est internationalement reconnue. La réussite de ceux que l'on a d'abord appelés « les Barjots », puis « les Costauds », aujourd'hui « les Experts », tient en particulier à l'engagement des collectivités.

Il faut désormais que ce sport dispose d'une vraie visibilité médiatique. Qu'entend faire le Gouvernement pour inciter les chaînes publiques à diffuser les matchs ?

On ne peut attendre que seules les collectivités soutiennent le handball, avec des équipements comme Le Phare à Chambéry ou l'Aréna à Montpellier. Jamais discipline collective n'a obtenu autant de titres internationaux et reçu aussi peu d'exposition médiatique.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.  - Je partage le constat que vous venez de dresser. Notre équipe de France, après un triplé inédit, a encore remporté une couronne mondiale cette année. Au-delà des titres remportés, l'état d'esprit de cette équipe est exemplaire. Les handballeurs sont à l'image d'une majorité des sportifs français, mais ils sont trop peu reconnus par les médias, tout comme le judo, l'aviron, l'escrime et même... le karaté.

Ces sports véhiculent des valeurs bien loin des dérives de certains sports professionnels. Hélas, les chaînes publiques sont en concurrence avec les chaînes privées pour diffuser des événements plus porteurs en termes d'audience. Le Président de la République a souhaité le 19 février 2008 qu'elles se différencient davantage. Nous travaillons avec le ministre de la culture pour faire évoluer le prochain contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions. Les objectifs devront être beaucoup plus précis : compétitions retransmises, diversité des sports et valorisation du sport féminin. Je sais que le président Pflimlin a la volonté de changer les choses.

M. Thierry Repentin.  - Je souhaite qu'il vous entende ! Les sports collectifs dits « mineurs », parce qu'ils sont masqués par le football, sont une vraie école de la vie. Une meilleure exposition médiatique permettrait d'ailleurs de retenir nos meilleurs joueurs qui préfèrent s'exiler dans des pays qui font plus de place à ces sports.

Suppression de l'allocation en faveur des demandeurs d'emplois en formation

M. René-Pierre Signé.  - La suppression de l'Allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (Afdef) va pénaliser les personnes en formation longue, notamment dans le secteur médico-social ; je pense en particulier à celles qui sont chargées de famille. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports.  - Nous accordons une importance particulière à la formation des demandeurs d'emplois. L'Afdef a été mise en place à titre exceptionnel en 2009-2010 après négociations entre les partenaires sociaux. Elle a concerné 30 000 personnes. Les formations sont efficaces pour trouver un emploi : 60 % des personnes occupent un emploi six mois après la fin de leur formation.

Nous avons proposé aux partenaires sociaux, le 24 février, d'appliquer aux demandeurs d'emploi, auparavant pris en charge dans le cadre de l'Afdef, la Rémunération de formation de Pôle Emploi (RFPE) et d'en partager le coût ; le nouveau dispositif a été adopté par le conseil d'administration de Pôle emploi. Le revenu de fin de formation -652 euros- couvrira ainsi toutes les personnes dont la formation a commencé en 2011 et auparavant prises en charge par I'Afdef. Ce dispositif est juste, plus homogène et plus lisible.

M. René-Pierre Signé.  - Votre réponse ne me convainc pas. Le montant de la nouvelle allocation est inférieur à celui de l'Afdef. Comment des personnes chargées de famille pourront-elles désormais se former ?

Cure thermale et résidents handicapés en établissement

Mme Roselle Cros.  - Une personne handicapée qui réside dans un foyer d'accueil médicalisé dispose d'un nombre limité de jours d'absence pour convenance personnelle ; le prix de journée est alors minoré. Il arrive que des médecins prescrivent des séjours de soins en cure thermale, qui sont assimilés par certains conseils généraux à des jours d'absence pour convenance personnelle, ce qui contraint les personnes handicapées à renoncer à des vacances ou à des séjours en famille. Ne pourrait-on revenir sur cette réglementation ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Cette capitalisation des séjours en cure thermale comme absences pour convenance personnelle ne concerne que certains départements. Je vous renvoie cependant à l'article L. 314-10 du code de l'action sociale, dont les modalités d'application sont définies par voie réglementaire pour les établissements financés par l'État ou l'assurance maladie et par les règlements départementaux d'aide sociale pour les établissements financés par les départements.

Il est difficile au pouvoir réglementaire de se substituer aux conseils généraux pour définir le niveau acceptable de prise en charge des frais d'hébergement pendant les absences. La solution serait d'assimiler les cures thermales à une hospitalisation, mais elle semble difficile à envisager, sauf lorsque la personne est hébergée en établissement de soins de suite. Agissez auprès des départements pour les sensibiliser à cette question.

Mme Roselle Cros.  - Les résidents handicapés ne sont pas traités à égalité d'un département à l'autre...

Télétransmission des feuilles de soins électroniques

M. Yves Détraigne.  - Les médecins sont incités financièrement à pratiquer la télétransmission des feuilles de soins ; la plupart d'entre eux ont joué le jeu. Mais quid de ceux qui font beaucoup de visites à domicile ? Sans compter les patients qui oublient leur carte vitale, ne disposent que d'une attestation papier ou ont une carte défectueuse.

Les médecins qui se sont équipés ont tout intérêt à procéder à la télétransmission, surtout dans le cas du tiers-payant. Supprimer les indemnités à ceux qui n'atteignent pas un taux de 75 % de la télétransmission n'est pas raisonnable -ils ne sont pas responsables. Le taux de 70 % serait plus juste ; il faudrait aussi inciter la CPAM à remplacer plus rapidement les cartes. Comment comptez-vous régler ce dossier ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - C'est M. Bertrand qui le règlera ! Depuis le 1er janvier 2011, le médecin qui télétransmet reçoit non seulement 7 centimes par feuille mais une aide supplémentaire de 250 euros si son taux de télétransmission est supérieur à 75 %. La procédure de télétransmission profite à tout le monde, médecin, patient, et organisme gestionnaire. Pour en achever la généralisation, il a été nécessaire de fixer un pourcentage incitatif.

Lors de l'examen de la proposition de loi que j'ai demandé à M. Fourcade de préparer...

M. le président.  - La vérité éclate ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - ...un amendement déposé par le Gouvernement a été adopté par l'Assemblée nationale pour inciter les médecins qui ont peu recours à la télétransmission à se mobiliser. Les partenaires conventionnels devront fixer le taux de télétransmission à partir duquel la contribution sera applicable de même que celui pris en compte pour le versement de l''aide forfaitaire.

M. Yves Détraigne.  - C'est une avancée que de renvoyer cela à la discussion entre partenaires conventionnels. N'oublions pas les patients : ils ignorent trop souvent les avantages de la transmission électronique ; il faut les y sensibiliser.

Missions locales de Bretagne

M. Ronan Kerdraon.  - Les dix-sept présidents des missions locales de Bretagne sont en colère : le préfet de région leur a annoncé une baisse de 3,45 % des crédits. L'association régionale voit ses dotations baisser de 8 %. Les moyens mobilisables pour certains programmes, notamment par l'insertion professionnelle, chutent de 30 % ! À Saint-Brieuc, nous le ressentons durement. M. Wauquiez garantissait pourtant en 2010 que les moyens des missions locales seraient maintenus en 2011 !

Les missions locales sont touchées de plein fouet alors que deux rapports de l'Igas et de l'IGF soulignent leur efficacité décisive en ce qui concerne l'emploi des jeunes. La qualité de l'accompagnement est menacée.

Le Président de la République a souhaité que les tous les jeunes qui sortent du système éducatif sans qualification fussent pris en charge. Mais il y a loin des discours aux actes. Allez-vous enfin tenir les engagements et reconduire nos moyens ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Le réseau des missions locales s'inquiète. Mais les crédits initiaux sont, à 198 million d'euros, exactement au niveau de l'an dernier. Les fonds supplémentaires obtenus en 2010 venaient du Plan de relance ou de marges de manoeuvre dégagées ici ou là, ils n'avaient pas vocation à être reconduits et vous le savez. En revanche, un rééquilibrage entre régions était nécessaire et le réseau des missions locales le reconnaissait. L'accompagnement par les missions locales est efficace, comme l'a établi l'IGF, et l'objectif demeure l'insertion des jeunes, comme l'a rappelé la dernière séance plénière du Conseil national des missions locales. Pour le reste, à côté des crédits supplémentaires qui n'étaient qu'un fusil à un coup, le Gouvernement a tenu ses engagements !

M. Ronan Kerdraon.  - Votre réponse ne satisfera pas les présidents des missions locales. Les crédits du plan de relance ont été amputés de plus de 3 %. Le préfet nous avait proposé de discuter ensemble des critères de répartition, mais il a appliqué les siens de façon unilatérale !

Contribution économique territoriale

Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de Mme Anne-Marie Payet.  - Mme Payet souhaite interroger le Gouvernement sur la réforme de l'article 23 de la loi de finances pour 2010. La CET visait à alléger la charge des entreprises, surtout celles à forte intensité de main-d'oeuvre. Or, 90 % de ces PME verraient leur imposition augmenter. Certaines entreprises sont menacées par de graves difficultés. La hausse du coût du travail intérimaire est telle que nombre d'agences risquent de fermer ! Il faut tenir compte des emplois maintenus en prévoyant des aménagements de taxe.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - La taxe professionnelle a été remplacée par la CET au 1er janvier 2010, assise sur la valeur ajoutée et la valeur foncière. L'allègement pour les entreprises est de 4,7 milliards d'euros ! Ne laissons pas croire que la réforme ne bénéficie pas aux entreprises, en particulier les PME. Les plus petites en sont dispensées.

Les entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre font l'objet d'un dispositif de plafonnement, en fonction de leur chiffre d'affaires. Elles peuvent faire jouer un mécanisme de dégrèvement sur plusieurs années. Le Gouvernement et la majorité ont donc fait oeuvre utile en présentant cette réforme fiscale, voulue par le Président de la République.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Nous, sénateurs, sommes attentifs aux modalités d'application de la loi, en particulier aux PME. Une clause de revoyure est prévue. Nous demeurerons vigilants.

Statut juridique de Pôle Emploi

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le statut de Pôle Emploi depuis la réforme de 2008 pose problème. Né de la fusion d'un organisme privé, Assedic, et d'un établissement public à caractère administratif, l'Agence nationale pour l'emploi, il est une « institution nationale » au statut bien flou. Le décret de juin 2009, qui fixe la liste des établissements publics à caractère administratif, comprend Pôle Emploi.

Pôle Emploi faisait l'objet de recours en justice par les syndicats concernant des cotisations chômage. Le Gouvernement a voulu lui permettre d'adhérer au régime de cotisation chômage du privé mais la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Quel est le statut de Pôle Emploi et donc du personnel ? Quelle est la juridiction compétente pour les contentieux ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Vous oubliez de rappeler qu'en 2008, il n'y a pas eu d'hésitation : Pôle Emploi a été conçu comme un établissement public administratif ; son activité est un service public, il est financé par l'État et fonctionne comme un établissement public. Le Conseil d'État en a bien jugé ainsi ! C'est le législateur qui a décidé aussi que les salariés pouvaient relever d'un régime privé, dans des conditions particulières. Seuls les agents de l'ancienne ANPE qui n'auront pas opté pour le droit privé demeureront sous statut public. Tribunal administratif pour les uns, prud'hommes pour les autres et pour les conflits collectifs, application du code du travail... Tout était fixé dès le départ.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les choses sont moins simples sur le terrain. Les juridictions saisies lors de conflits se sont toutes déclarées incompétentes ! Est-cela, la simplification que devait apporter la fusion pour aider à réduire le chômage ?

Surcharges de travail, effectifs insuffisants, problèmes matériels : les conditions de travail se dégradent, la santé des agents est affectée. Il faut revoir la copie !

RN 102

M. Jean Boyer.  - Le tronçon Le Puy-Brioude est essentiel pour la desserte du Massif Central. Le parcours est de plus en plus fréquenté par les poids lourds et le nombre d'accidents augmente : 450 ont fait plus de 60 morts. La topographie n'est pourtant pas difficile, c'est le plateau de la Haute-Loire. Nul besoin de viaduc, tunnel ou autre ouvrage coûteux. Une mise en trois voies suffirait pour faciliter les dépassements.

Sur le col de Fixe, trois jeunes viennent encore de mourir récemment. Nous demandons des aménagements raisonnables, pour la sécurité.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - L'État est attentif à cette question. Mais l'aménagement relève des programmes de modernisation des itinéraires routiers qui ont succédé aux contrats de plan. En Auvergne, les discussions ont été difficiles et des arbitrages ont été rendus.

La section Brioude - A 75 de la RN 102 a été privilégiée, 28 millions d'euros y ont été réservés, financés à 90 % par l'État. Il s'agit surtout de la déviation d'Arvant, grâce à laquelle le trafic sera allégé. Il faudra pour le reste attendre le prochain PDMI.

M. Jean Boyer.  - Dans nos budgets, national ou locaux, ce sont les routes qui payent les pots cassés, parce que l'on en peut réduire les crédits sociaux...

Nuisances sonores des éoliennes

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il faut engager des études pour évaluer l'impact des nuisances, surtout sonores, des éoliennes sur la santé des individus. Seulement trois rapports ont été établis depuis 2005, par l'Assemblée nationale, l'Académie de médecine et l'Afsset.

Ils se contredisent. Faute de données précises, s'agissant d'installations qui vont considérablement se développer, il faut entreprendre une étude sérieuse. L'Académie de médecine suggère de classer les éoliennes en installations industrielles. Nous avons besoin d'une étude rigoureuse et objective.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Les ministères de la santé et de l'environnement ont saisi l'Afsset, qui à partir de simulations a mené une étude rigoureuse et objective. Aucun impact sanitaire négatif n'a été relevé du fait des basses fréquences et des infrasons. Les conclusions de cette doctrine sanitaire ne sont pas remises en cause. Le guide des études d'impact actualisé en 2010 prend en compte le niveau sonore. La règlementation impose déjà de considérer les éoliennes comme des sites industriels. Et une distance minimale de 500 mètres est fixée par rapport aux habitations.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'Académie de médecine n'est pas d'accord avec l'Afsset mais vous maintenez votre « doctrine sanitaire » ? Adoptons une démarche scientifique sérieuse pour ne pas retomber dans les polémiques entre scientistes et obscurantistes qu'a suscitées le téléphone portable. Il faudrait un nouveau rapport. Mais j'espère que vous avez raison !

Frelon asiatique

Mme Nicole Bonnefoy.  - Depuis 2004, le frelon asiatique est devenu un fléau pour les ruches et les apiculteurs. Les abeilles dont on connaît le rôle de pollinisatrices sont un maillon essentiel de la biodiversité. Il n'est pas démontré que le frelon asiatique est plus menaçant que le frelon autochtone, mais il prolifère et les pompiers n'intervenant plus les particuliers se débrouillent seuls pour détruire les nids, à leurs risques et périls, ou en faisant appel à des entreprises, pour un coût élevé.

En janvier 2010, le Gouvernement songeait à classer le frelon asiatique en espèce invasive. Rien n'est venu. Un observatoire des espèces invasives est envisagé, la prise de conscience est réelle, mais quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre, notamment pour la destruction des nids ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Le frelon à pattes jaunes est un prédateur des abeilles, mais il n'a pas été classé comme prédateur parce que cela n'aurait rien réglé. Protection des ruches et contrôle de la dynamique des populations de frelons sont envisageables, mais les actions techniques ne font pas l'unanimité parmi les experts. Un rapport d'inspecteurs généraux de l'agriculture, de la santé et de l'environnement propose de confier au Muséum d'histoire naturelle le soin de mener et coordonner l'ensemble des actions, en liaison avec le laboratoire de l'Inra à Bordeaux, tout en renforçant le rôle de l'Institut de l'abeille. Le Gouvernement tirera prochainement les conséquences de ce rapport.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Et la destruction des nids ? Faire intervenir des entreprises privées coûte très cher. J'ai vu un nid à hauteur d'enfant près d'un abribus ! Quelle prise en charge financière est envisagée ?

Écotaxe sur les poids lourds

M. Adrien Gouteyron.  - Une directive européenne a fixé le cadre juridique de cette écotaxe. Le Grenelle de l'environnement et les lois de finances pour 2010 et 2011 l'ont précisé. Cette taxe vise à réduire les impacts environnementaux du trafic routier, mieux faire payer le coût des transports et financer les infrastructures. Autriche, Tchéquie, Slovaquie et Allemagne ont déjà mis en oeuvre cette taxe. En Allemagne, les choses se passent plutôt bien et la fraude est minime. Dans ce pays, un programme d'accompagnement de cette taxe a été mis en oeuvre, comportant des aides à l'achat de véhicules à faible émission.

En France, quel sera l'impact économique de cette taxe sur le secteur des transports routiers ? Quel sera le rendement de cette taxe et le coût de perception -qui serait de 25 à 30 % ? Enfin, comment cette taxe sera-t-elle répartie entre l'État et les collectivités ?

M. Thierry Repentin.  - Excellente question !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Concernant l'impact économique de cette taxe, le sujet a été abordé lors de l'examen de la loi de finances pour 2009. Cette taxe devra être répercutée en pied de facture, les routes à faible trafic en seront exonérées.

Le poids total des poids lourds sera porté à 44 tonnes.

Le Gouvernement a procédé à un dialogue compétitif avec plusieurs sociétés pour la mise en place de ce dispositif. Trois offres répondent aux cahiers des charges avec des technologies novatrices et éprouvées.

Le coût de perception est d'environ 20 %, coût élevé mais explicable par la mise en place d'un dispositif complexe. En Allemagne, il en est allé de même au départ.

Les comportements vont évoluer : l'écotaxe poids lourds est une incitation directe à la réduction des transports.

Les recettes se monteraient à 1,24 milliard par an : 1,030 sur les routes nationales et 210 millions d'euros pour les routes locales.

M. Adrien Gouteyron.  - Merci pour ces renseignements. La répartition que vous avez indiquée donnerait pour les collectivités locales un résultat modeste : 210 millions. Nous y reviendrons.

Enquête relative à la disparition d'un militant tchadien des droits de l'homme

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'attire votre attention sur la suite de l'enquête relative à la disparition de M. Saleh, ancien ministre, militant tchadien des droits de l'homme, docteur en médecine de l'université d'Orléans, début juin 2008, lors d'un assaut de rebelles contre la capitale tchadienne.

Le rapport de la commission d'enquête sur les émeutes menée au Tchad du 28 janvier au 8 février 2008 est connu : ses conclusions sont claires, aucun militaire de niveau subalterne n'aurait agi de sa propre initiative, ce qui implique que les autorités tchadiennes au plus haut niveau sont impliquées. Il était demandé la constitution d'un comité de suivi avec une représentation de la communauté internationale.

En l'absence de respect par les autorités tchadiennes des conclusions de ce rapport, l'Assemblée nationale, sur proposition de Gaétan Gorce, à la demande de la famille, a voté le 25 mars 2010 une résolution demandant au gouvernement français de faire pression sur les autorités tchadiennes pour qu'elles suivent ses recommandations.

Nous ne disposons toujours pas d'informations sur l'évolution de cette enquête.

Que compte faire le Gouvernement pour que la vérité éclate ?

Je souhaite la déclassification des documents qui sont couverts pas le secret défense, notamment la correspondance d'ambassade en février 2008.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération.  - La vérité n'est pas encore connue sur la disparition de M. Saleh. Cette affaire nous préoccupe et je connais votre sensibilité sur cette question.

La France a insisté auprès des autorités tchadiennes pour la mise en place d'une commission d'enquête. Le gouvernement tchadien a créé un comité de suivi et l'enquête est en cours. Un juge d'instruction y travaille et le gouvernement tchadien lui assure les moyens nécessaires pour fonctionner. Deux anciens ministres de la défense et de l'intérieur ainsi que le directeur de l'agence nationale de la sécurité ont été entendus. Notre ambassade est en contact régulier avec le gouvernement tchadien sur cette question. Depuis l'adoption de la résolution à l'assemblée nationale, nous poursuivons nos efforts.

Deux experts juridiques, mandatés l'un par l'Organisation internationale de la francophonie, l'autre par l'Union européenne, ont été nommés au sein du comité de suivi pour apporter leur expertise. Ils se sont rendus au Tchad fin 2010 et début 2011, ils ont constaté la volonté de transparence des autorités tchadiennes. Les deux experts se rendront à nouveau au Tchad au début de l'été.

J'en viens à la transmission de la correspondance diplomatique : en d'autres circonstances, le ministre d'État a fait droit à des demandes de ce type. Sur le principe, le ministre n'a donc pas d'objection à cette demande et ses services rassemblent des documents afin d'y faire droit.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous remercie pour cette réponse précise. M. Saleh, leader de l'opposition, était un homme connu sur la scène internationale, scientifique et ancien ministre, et sa disparition ne doit pas tomber dans l'oubli. La nomination des deux experts dont vous avez parlé est importante. Le premier comité de suivi qui comportait douze membres du Gouvernement et était présidé par le chef de cabinet du Président de la République ne présentait pas toutes les garanties d'indépendance...

Je vous remercie aussi de votre réponse sur la déclassification des documents diplomatiques. Le fait qu'il n'y ait pas d'objection sur le principe est important. J'espère que nous avancerons ainsi vers la vérité.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - La commission de la culture a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je proclame M. Jacques Legendre membre titulaire de la commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.

La séance est suspendue à 11 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Retrait de questions orales

M. le président.  - La question de Mme Nathalie Goulet est retirée de l'ordre du jour de la séance de ce jour, à la demande de son auteur ; la question de M. Roland Ries est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 10 mai, à la demande de son auteur et est remplacée par la question de M. Marc Laménie.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel cinq décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Désindustrialisation des territoires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la désindustrialisation des territoires.

Mission commune d'information

M. Martial Bourquin, président de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires.  - Ce débat clôt une année de travaux, engagés à l'initiative du groupe socialiste. Devant l'urgence, je souhaitais que la mission se penche sur les réalités de la France des bassins de productions, d'innovations, celle qui travaille dur, celle des PME, TPE. Il y a la France dont on parle et la France réelle : l'industrie ne compte plus que pour 17 % de la richesse nationale.

Nous nous sommes rendus au chevet de l'industrie car la crise est profonde. Cette réalité est incontestée. Mais nous sommes convaincus que l'industrie française comporte des atouts indéniables pour contribuer à la croissance. Il faut avoir une grande ambition pour notre pays. Nous sommes d'accord sur le diagnostic mais pas sur les remèdes. Nous préconisons la protection de nos bases industrielles et la mise en oeuvre de nouvelles filières. Aidons nos entreprises à surmonter les caps technologiques majeurs par une sécurité sociale professionnelle, non pour assister les salariés mais les aider à se former. Il ne faut pas protéger seulement les banques ou les grandes entreprises !

Le recours à des pratiques et des machines moins énergivores, le soutien à la construction de machines-outils, l'aide à la réémergence industrielle seraient décisifs. De nouveaux marchés, de nouveaux emplois vont apparaître : serons-nous au rendez-vous lors de la croissance durable ? Mix énergétique, ferroutage réel, photovoltaïque, géothermie, biomasse, filières bois, autant de pistes à développer, tout comme les niches industrielles, nanotechnologies ou biotechnologies. Ne subissons pas la compétition, anticipons !

Il y a des conditions : une culture industrielle, d'abord. La crise financière a fait apparaître les effets néfastes de la spéculation mais nous n'avons pas dépassé l'idée d'une ère postindustrielle. Il faut pourtant valoriser la production.

En second lieu, les politiques publiques doivent être rééquilibrées au profit des PME et TPE, surtout celles qui font le pari de l'innovation. Total paie un impôt sur le revenu inexistant alors que les PME acquittent le taux maximum : est-ce logique ? On soutient les groupes du CAC 40 et l'on oublie nos petites entreprises valeureuses. Cela ne peut durer. Un bonus-malus aux dépens des investissements financiers et au profit des investissements productifs s'impose. Le défaut d'investissement dans l'industrie explique la désindustrialisation. Regardez comment l'Allemagne favorise la recherche et la production.

Mettons à profit les pôles universitaires.

Une nouvelle étape de la décentralisation est indispensable : les régions mènent une action essentielle, elles doivent devenir les têtes de pont de la réindustrialisation, avec des fonds d'investissement financés par un produit d'épargne adapté.

Il est dangereux que des territoires très industrialisés subissent une contribution économique territoriale qui leur soit si défavorable.

Les banques ont reçu une aide massive de l'État ; mais elles ne font pas du financement des projets industriels une priorité ! Et les entreprises qui perçoivent des aides de l'État ne sont soumises à aucune contrepartie...

La politique industrielle européenne est aujourd'hui inexistante alors que l'Europe a commencé avec la Ceca. La loi Nome fut une erreur. La coordination des politiques est une urgence. Le marché et la concurrence ne font pas une politique commune !

Le groupe socialiste a souhaité adjoindre une contribution au rapport de la mission et présentera des propositions de lois.

Selon Jean Monnet, il ne faut être ni optimiste ni pessimiste mais déterminé. Nous le sommes ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires.  - L'avenir de nos industries dans les territoires compte beaucoup pour tous les sénateurs. Tous les groupes étaient représentés au sein de la mission.

Ce travail sur la désindustrialisation -et la réindustrialisation !- m'a donc particulièrement intéressé.

Nous nous sommes entendus sur dix-sept propositions. La France a perdu 36 % de ses effectifs industriels depuis 1980, soit une perte de 70 000 emplois par an. (M. Charles Revet le confirme) La France a besoin d'une industrie forte, nous en sommes tous d'accord. Il n'y a pas de fatalité : l'Allemagne nous montre la voie, avec sa balance commerciale positive de 150 milliards contre un déficit de 50 milliards chez nous, soit 200 milliards d'euros de différence avec la nôtre !

Chimie verte, nouveaux carburants, bois, offrent des perspectives : les industries agroalimentaires sont les seules à ne pas avoir perdu d'emplois, avec 550 000 salariés, et elles représentent 14 % de la production industrielle française, mais leurs résultats baissent. Automobile, aéronautique sont aussi des catalyseurs du développement industriel.

Nous avons étudié les atouts allemands, formation, recherche, autofinancement, solidité financière, coûts de production. Nous ne disons pas que les produits allemands se vendent mieux parce que les salariés sont moins bien payés. Au contraire, l'attractivité des salaires est une condition nécessaire pour attirer les jeunes vers l'industrie.

Cependant, selon la Cour des comptes, le coût salarial horaire dans l'industrie est de 26 à 33 euros en France en 2008, et de 30 à 33 euros en Allemagne. En regardant de près, on constate que les cotisations sociales employeur, tous secteurs confondus, représentent environ 43 % du salaire en France contre 29 % en Allemagne.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Alain Chatillon, rapporteur.  - L'avantage compétitif hors prix existe depuis longtemps, mais à présent les Allemands s'efforcent aussi de diminuer les coûts pour renforcer la recherche et l'investissement.

Au-delà de la participation et des primes, il faudrait associer les salariés au capital des entreprises.

Les tarifs d'électricité doivent être modulés.

Réconcilions la nation avec la science et le progrès technique, obligeons les industries à accueillir des étudiants, favorisons l'exploitation des brevets, intensifions la recherche et le développement en modulant le crédit d'impôt recherche au profit des PME. (Applaudissements à droite)

Les industries du développement durable doivent être favorisées.

La réindustrialisation passe par un inventaire des innovations et secteurs prometteurs, intensifions la formation, accompagnons les créateurs d'entreprise.

Les collectivités territoriales ne sont plus un acteur d'appoint des politiques industrielles.

S'agissant de la taxe professionnelle, la mission a évoqué la possible modulation du taux de la CVAE selon les secteurs d'activité afin de favoriser les activités qui posent un risque de délocalisation. Nous avons relayé les inquiétudes des collectivités locales concernant le dynamisme à moyen terme de leurs ressources avec la suppression de la taxe professionnelle. Je crois toutefois que la mission n'était pas le cadre approprié pour un bilan général sur la taxe professionnelle, même si sa suppression représente un avantage concurrentiel intéressant ; ce débat a sa place en d'autres lieux. Une clause de revoyure a été fixée ; il faudra veiller notamment aux modalités de mise en place d'un mécanisme de péréquation à destination des communes et des EPCI à fiscalité propre.

Pôles d'excellence rurale, pôles de compétitivité doivent être complémentaires. Ubifrance, Oséo, doivent mieux s'appuyer sur les structures locales. Renforçons la prospection, au sein des consulats. Et, au lieu de favoriser les produits étrangers des nouveaux pays émergents, accompagnons nos entrepreneurs dans ces pays en pleine croissance. Assurons la promotion de nos produits.

Les aides ne doivent plus être attribuées à des chasseurs de primes : ceux qui délocalisent doivent rembourser.

Défendons mieux les entreprises françaises, les PME en particulier, dans les marchés publics et appliquons le principe de la réciprocité.

Enfin, à Bruxelles, nous sommes parfois les derniers informés des projets de modification ! Que nos fonctionnaires en poste à Bruxelles soient envoyés en stage dans les entreprises.

M. Jean-Louis Carrère.  - Les élus aussi !

M. Alain Chatillon, rapporteur.  - La convergence fiscale, notamment entre France et Allemagne, est indispensable. Une taxe carbone n'a de sens que mise en oeuvre au plan européen.

Capital-développement, capital-risque, constituent des alternatives au financement bancaire. Favorisons l'orientation de l'épargne vers l'industrie.

Foin de tout pessimisme : notre rapport est tourné vers les propositions en faveur de la réindustrialisation.

« L'avenir appartient à ceux qui sont à même d'apporter aux autres des raisons de vivre et d'espérer » : il n'y a pas une minute à perdre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Orateurs inscrits

M. Claude Biwer.  - En dix ans, plus de 500 000 emplois perdus... L'Asie, notamment la Chine, est en pleine expansion mais l'Europe n'est pas laissée au bord du chemin : l'Allemagne nous montre l'exemple. La France possède des fleurons industriels mais manque de culture et de structure, surtout en ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire. L'État doit mener des politiques publiques fortes au lieu de se perdre en vaines déclarations, comme à propos d'ArcelorMittal.

Ayant moi-même créé une petite entreprise de restauration dans mon village, j'ai mesuré les difficultés. À quelques kilomètres, au Luxembourg ou en Belgique, j'aurais pu aller plus vite et plus loin. On a raboté le taux du crédit d'impôt recherche ; on ne soutient pas assez la recherche, l'apprentissage, l'harmonisation européenne pour la gestion des brevets.

Il faut renforcer l'ancrage territorial pour les pôles de compétitivité, voire les pôles d'excellence rurale. Je ne crois plus à l'efficacité des services de la Direcct. La solution réside dans la formation au sein de l'entreprise, dans l'anticipation.

Plutôt que de dépêcher à la hâte des commissaires à la réindustrialisation, pompiers sans lances à incendie, pour éteindre le feu de la désindustrialisation, il nous faut anticiper, et inciter les entreprises à prendre des mesures, afin de favoriser, la réindustrialisation de la France, et retrouver son rang au niveau mondial.

Au rang des difficultés ne perdons pas de vue le coût horaire de la main-d'oeuvre française, dû partiellement à l'excellente protection sociale dont nous bénéficions, mais aussi à l'effet des 35 heures qui nous place au plus bas dans la compétitivité industrielle mondiale. (Protestations à gauche) Dans notre pays, nos entreprises ne peuvent réagir à une commande supplémentaire reçue le vendredi avant le mardi suivant ; beaucoup d'entreprises de mon département frontalier se tournent hors de nos frontières pour s'approvisionner, voire s'équiper.

La fuite des capitaux, qui limite l'investissement industriel, n'est pas le seul fait des grandes fortunes mais des petits porteurs. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'État peut et doit tout faire ; je rêve simplement de voir l'État français agir enfin dans le bon sens pour que chacun retrouve le goût du travail et l'espoir du lendemain.

La mission commune d'information a bien cerné les incohérences et failles françaises. Il faut les combler avec courage. Mettons les bonnes idées en application pour servir les entreprises et les territoires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Raymond Vall.  - Issu de l'entreprise, je me réjouis que cette mission commune d'information ait été constituée. Ses conclusions nous interpellent : l'emploi industriel recule, la part de l'industrie dans la croissance recule, l'industrie n'attire plus les jeunes et les porteurs de projets se font rares.

Je félicite le président et le rapporteur, l'un élu d'un territoire très touché, l'autre chef d'entreprise. Seul quatre points font divergence, le rôle des collectivités, le coût du travail, le crédit et la suppression de la taxe professionnelle. Le rapport met l'accent sur la culture industrielle, car le risque existe que les entrepreneurs ne soient plus suivis par les gestionnaires. Le jeune qui passe une partie de son temps dans l'entreprise n'arrive pas sur le marché du travail démuni : et ce ne sera pas une catastrophe pour ses parents de le voir en bleu de travail. Peu d'enfants choisissent les disciplines scientifiques, qui conduiront à des filières de la mécanique.

Pour Airbus, il y a un déficit de 40 000 emplois, faute de salariés compétents dans les domaines techniques. La grande distribution est aussi présente dans notre pays, si bien qu'on a habitué le consommateur à acheter un prix plutôt qu'un produit de qualité. J'ai soumis vos propositions à des clubs d'entreprises. Leur cri est toujours : « simplifiez ! »

Le guichet est au centre de ce problème et les chambres d'industrie doivent assumer un rôle central. Intercommunalité, pays, conseil général, région, État et aides européennes : tous ces étages s'empilent et nuisent à une visibilité d'ensemble.

Merci d'avoir articulé ainsi les pôles de compétitivité et les pôles de compétences. Nous avons étudié les infrastructures : une révision du Snit sera indispensable.

Le lobbying de la France à Bruxelles est inexistant : trois personnes pour la région Midi-Pyrénées contre 80 pour la Catalogne et 120 pour la Bavière. Relevons les manches ! (Applaudissements)

M. Jean-Claude Danglot.  - Le groupe CRC a voté contre les conclusions de la mission commune d'information, qui s'inscrivent dans la lignée des solutions libérales. Nous avons ajouté une contribution au rapport. L'industrie se dégrade sous l'effet du libéralisme, de la concurrence pure et parfaite et des politiques de droite obnubilées par la rémunération de l'actionnaire.

Le Gouvernement a encouragé la financiarisation de l'économie, tournant le dos au facteur social du travail.

Les conflits portant sur les salaires se multiplient, tant dans ma région qu'au niveau national. Le président du pouvoir d'achat n'a pas tenu ses promesses et la prime annoncée est insuffisante et discriminante.

Les entreprises du CAC 40 ont dégagé 82,5 milliards de bénéfices en 2010, 85 % de plus qu'en 2009 ; et je ne parle pas du comportement de certains patrons voyous ou des entreprises telles Continental ou Caterpillar qui licencient malgré des bénéfices confortables.

En 2002, le gouvernement Raffarin a abrogé la loi Hue qui renforçait le pouvoir des salariés contre les licenciements boursiers. Les aides publiques directes et indirectes doivent être remboursées en cas de délocalisation par une entreprise bénéficiaire. Il ya deux mois, PSA a annoncé la production d'un nouveau modèle en Slovaquie, avec 900 emplois à la clé. Le dumping social au sein de l'Europe va bon train, alors qu'il faudrait harmoniser statuts et rémunérations par le haut. Comment prétendre à la relance industrielle si l'État n'intervient pas ou, pire, accompagne les stratégies des grands groupes ?

Ma région a perdu 40 000 emplois en cinq ans. Le groupe ArcelorMittal vient d'y annoncer un plan de sauvegarde de l'emploi dans sa branche tôlerie et Renault envisage de délocaliser la production de moteurs en Espagne et en Roumanie... Des centaines d'emplois sont menacés.

Il est urgent d'améliorer le financement de notre industrie : un pôle public financier doit être mis en place. Les banques, que l'État a aidées, doivent être mises à contribution. Quant au FSI, il n'a pas joué son rôle.

Enfin, nous sommes inquiets des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Les collectivités sont privées d'importantes ressources et ne peuvent retenir les entreprises qui sont tentées de partir.

Il faut intensifier la recherche et l'innovation ; les incitations fiscales ne suffisent pas. Le CIR a coûté 5,8 milliards en 2009 mais il a surtout profité aux grands groupes et créé des effets d'aubaine. Il faut investir dans la recherche publique, sans négliger la recherche fondamentale.

La politique énergétique du Gouvernement devient un handicap pour toute l'industrie. Lors de la privatisation de GDF, en 2004, M. Sarkozy plaidait en faveur de l'ouverture du capital, seule solution à ses yeux pour éviter une augmentation des prix. Nous connaissons la suite...

La politique industrielle de la droite a montré son inefficacité. L'État doit se réengager, mobiliser des moyens financiers et humains pour protéger les travailleurs, revaloriser les salaires, intensifier la recherche. Il doit reprendre sa place première dans la régulation économique et financière et des activités industrielles. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Leroy.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je félicite la mission et je salue son président et son rapporteur.

Le rapport en fait le constat, l'écosystème industriel n'est plus national, mais européen et même mondial. Nous sommes tous d'accord, gauche et droite, sur l'idée qu'une économie sans industrie n'a pas d'avenir ; et que sans l'État, sans les collectivités territoriales, il n'y a pas de politique industrielle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Je rends grâce au Gouvernement d'avoir pris des initiatives, je pense au FSI ou à la Conférence nationale, au CIR -qui profite certes plutôt aux grands groupes- ou aux pôles de la compétitivité.

Les collectivités locales sont indispensables au développement industriel. Les télécommunications ne se développeront bien en France que lorsque les réseaux d'initiative publique et ceux des opérateurs privés seront associés.

Deuxième constat de ce rapport, qui séduit l'agronome que je suis : on parle désormais d'un écosystème industriel. Or, un écosystème est fragile et se manie avec précaution. Attention aux conséquences du battement d'ailes du papillon... Pour faire de l'industrie, il faut la confiance des hommes, de ceux qui ont envie d'entreprendre ; cette confiance passe par la sécurité juridique, par des financements pérennes. La confiance aussi de la population, qui doit aimer l'industrie ; on retrouve ici la vieille idée de l'association du capital et du travail... On ne réussit rien sans l'adhésion de ceux qui prennent des initiatives et de ceux qui travaillent.

Les territoires participent à la mondialisation. Nous avons besoin de placer notre économie dans le vaste ensemble mondial. L'État fait une erreur à vouloir spécialiser le niveau administratif de la région. Certaines régions n'ont pas la compétence, faute de population ou de volonté. Le rôle des futures métropoles sera essentiel, celui de certains départements aussi. L'État doit faire appel aux volontaires, pas seulement aux régions.

Un mot de la politique monétaire : il faudra bien un jour oser en parler ; le rapport n'en traite que sur deux pages. Nos partenaires américains ou chinois ont une politique monétaire qui nous échappe tandis qu'en Europe, la BCE n'a qu'un objectif, lutter contre l'inflation. Il suffirait de plus de souplesse pour mieux lutter contre certaines pratiques de change et permettre à l'Union européenne de retrouver des marges de manoeuvre. Un constat similaire peut être fait pour le marché des quotas d'émission, qui est bien mal organisé. Là encore, il faudrait avoir le courage, l'impudeur même de prendre cette question à bras-le-corps.

Le succès industriel n'est pas nécessairement lié à des innovations technologiques de rupture ; ce serait décourager tous ceux qui n'ont pas les moyens d'y accéder. La modestie est de mise, un peu à l'image de ce qu'a fait l'Allemagne avec les instituts Fraunhofer. Il s'agit moins de sauts technologiques que de maîtrise des technologies les plus avancées. En Moselle par exemple, nous n'avons pas les moyens de donner aux sous-traitants automobiles l'accès aux technologies de leur filière ; la création de plateformes technologiques pourrait y aider. Il ne s'agit pas d'inventer la poudre mais de donner l'accès à la poudre à tous.

Lorsqu'on est en école d'ingénieur, on a la tête dans les étoiles. Nous fabriquons de futurs salariés dans ces écoles, non des créateurs d'entreprise ni des managers. Il faudrait des stages de reprise d'entreprises, des stages de projet industriel.

Merci, monsieur le ministre, de consacrer du temps à cet important débat. (Applaudissements à droite)

M. Michel Teston.  - Mon intervention porte sur la filière des autobus, autocars et poids lourds, qui est extrêmement fragile.

En 2000, Renault a vendu ses camions à Volvo AB. Pour rembourser en 2011 les trois milliards prêtés par l'État, l'entreprise a cédé ses actions sans droit de vote et ne détient plus que 6,8 % du capital de Volvo et 17,5 % des droits de vote. Si Renault venait à céder ses autres actions sans précaution particulière, Volvo serait à la merci d'une OPA hostile ; la concentration qui en résulterait pourrait être fatale à Renault Trucks et à ses usines en France. Il serait inadmissible que le Gouvernement accepte qu'il n'y ait plus d'industriel français dans le secteur des poids lourds. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que Renault conserve durablement une part significative du capital et des droits de vote chez Volvo.

À Angers, les véhicules produits par Scania sont destinés au marché du sud de l'Europe. Iveco produit à Bourbon-Lancy des moteurs qui équipent de nombreux modèles d'autocars et d'autobus et y emploie 1 100 personnes. Je suggère que le Gouvernement se rapproche de ces deux groupes afin d'assurer le maintien en France et le développement de leurs activités.

Dans le secteur autobus, plus aucun constructeur n'est français. Iveco France, filiale à 100 % de Fiat, risque de transférer ses chaînes de montage en République tchèque ou en Italie, au détriment des sites d'Annonay et de Rorthais. A la différence du groupe MAN, Evobus France, filiale de Daimler, a une usine d'assemblage d'autobus à Ligny-en-Barrois et y emploie 400 salariés Le Gouvernement doit ouvrir une négociation avec ce groupe afin d'obtenir qu'il développe davantage d'activités sur le site et y fasse progresser les emplois.

Si la France compte un nombre assez important d'usines où sont fabriqués ou assemblés des poids lourds et des autobus, elle n'a pas de véritable politique industrielle ; il n'est pas trop tard pour en définir une. (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Lamure.  - (Applaudissements à droite) Je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la mission commune d'information pour leur travail.

Le constat du rapport de la mission commune d'information, nous le partageons malheureusement, c'est celui du déclin. Ne soyons pas alarmistes, cependant, sauf à décourager les 3 millions de salariés de l'industrie. Celle-ci reste créatrice d'emplois et nous avons de beaux fleurons -aéronautique, énergie- ainsi que nombre de PME innovantes.

Les causes de la désindustrialisation sont multiples : perte de compétitivité, insuffisance d'innovation et d'investissements, image négative de l'industrie. Les enseignants sont trop éloignés de la vie économique, les politiques n'ont pas porté suffisamment attention à ce secteur, les industriels n'ont pas investi comme il aurait fallu. En outre, le coût du travail pénalise notre pays ; et les 35 heures ont été saluées en leur temps par le chancelier allemand comme une bonne nouvelle pour son pays...

Les États généraux de l'industrie et la Conférence nationale ont réuni tous les acteurs industriels et ont beaucoup travaillé. Pouvez-vous nous dire quelles suites seront réservées à leurs conclusions, monsieur le ministre ? N'est-il pas temps de mettre en oeuvre une politique industrielle au niveau européen ?

La mission a formulé des propositions concrètes. Je souhaite qu'elles soient rapidement mises en oeuvre afin que l'industrie française puisse valoriser et développer son potentiel. (Applaudissements sur les bancs UMP)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce débat vient à point nommé. Depuis plusieurs décennies, on s'interroge : les délocalisations sont-elles une fatalité, notre économie va-t-elle se borner à produire des services ? Quelle politique industrielle mener dans une concurrence mondialisée ?

La mission s'est penchée sur toutes ces questions ; je rends hommage au travail de ses membres sous l'égide de M. Bourquin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Pour le groupe socialiste, la France a un avenir industriel, ce qui passe par la reconstruction d'une industrie forte et durable. Si certaines idées font consensus, nous ne sommes d'accord ni sur le diagnostic ni sur les remèdes. La majorité incrimine le coût et la durée du travail. Il y a quelques années, un rapport sénatorial sur la question, signé par MM. Christian Gaudin et Francis Grignon, n'arrivait pas aux mêmes conclusions. Pour ce qui est du coût du travail, on peut faire tout dire et son contraire aux statistiques. Notre pays ne pourra jamais rivaliser avec les pays en voie de développement. Regardons plutôt du côté de l'innovation, de la recherche et développement. Et puis, il y a les 35 heures... Tout a été dit. Pourtant, en dix ans de gouvernement, vous n'avez pas fait grand-chose...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ils n'auraient plus eu d'arguments !

M. Jean-Pierre Bel.  - La désindustrialisation frappe des territoires qui cumulent déjà les handicaps. Il faut les accompagner pour sortir de la crise dans laquelle ils se trouvent.

En Midi-Pyrénées, il y a eu l'accident dramatique d'AZF : il en est résulté 1 500 suppressions d'emplois. Le Gouvernement a créé une zone franche qui a attiré les investisseurs... à Toulouse, tandis que mon bassin de vie de 20 000 habitants perdait 5 500 emplois industriels... Il n'y a pas de politique industrielle, mais un pilotage à vue, voire une politique industrielle à l'envers. Voyez ce qui s'est passé dans la filière photovoltaïque, où on a réussi à tuer dans l'oeuf des entreprises qui avaient pourtant de belles perspectives.

La France doit renouer avec l'ambition qu'elle avait en 1945. Plusieurs secteurs stratégiques doivent être encouragés, notamment la croissance verte, les énergies nouvelles, le textile intelligent ; de grands projets d'infrastructure au niveau européen doivent être lancés. L'Europe des projets succédera ainsi à l'Europe du rejet.

Pour plaidons pour l'acte 3 de la décentralisation au lieu de la réforme territoriale que vous avez menée. Une gouvernance décentralisée est indispensable, qui fait davantage la force de l'Allemagne que le coût du travail. C'est ce que propose le projet socialiste avec notamment la création d'une banque publique et de fonds régionaux d'investissement.

Dans les mois qui viennent, notre assemblée devra continuer à suivre ce dossier essentiel, parce qu'elle doit se faire l'écho des préoccupations de nos concitoyens et parce que, sans les collectivités territoriales que nous représentons, il n'y a pas de politique industrielle digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Raoul.  - J'ai lu avec beaucoup d'attention les excellents comptes rendus des travaux de la mission commune d'information.

Le sous-investissement structurel a été souligné par la mission. Mais je regrette que le rapport en reste à une vision comptable, et fausse, sur le coût et la durée du travail. Nous ne pouvons plagier le modèle mercantiliste allemand qui ne manquera pas de s'essouffler.

Le taux de croissance moyen ces dix dernières années a été supérieur dans notre pays à celui de l'Allemagne ; c'est à partir de 2006 que les courbes se sont inversées. Pour s'inscrire dans la stratégie de Lisbonne et passer à l'économie de la connaissance, notre appareil industriel doit intégrer les innovations technologiques qui bouleversent les usages et les marchés.

Les éco-industries doivent se développer et une politique énergétique est indispensable pour sauvegarder notre industrie. Or le Gouvernement se défait de ses outils d'intervention, agit à contresens, contre le bon sens et à contretemps. Dans les nanotechnologies ou la biologie de synthèse, nous pourrions prendre l'ascendant pour peu que les bonnes décisions politiques soient prises. Les systèmes biologiques artificiels ont de nombreuses applications dans les domaines de la santé, de l'environnement... et même dans le secteur du photovoltaïque, à propos duquel le Gouvernement a démontré son incapacité à trancher. Il a constitué une bulle puis est revenu sur ses décisions...

Notre pays est incapable de mettre en oeuvre une stratégie gagnante en matière industrielle. Il ne suffit pas de crier « innovation, innovation » : l'État devrait accroître les qualifications des salariés dans les entreprises, afin de sauvegarder notre avance dans certains domaines. Les pays émergents vont sauter les étapes et nous rattraper, nous devons faire front. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - À mon tour, je veux remercier chaleureusement notre collègue Bourquin pour son initiative. Hélas, l'ultime mouture du rapport nous a déçus : le Sénat avait l'opportunité d'afficher son indépendance, il n'a pas su la saisir. La majorité a choisi de travailler sous la tutelle du Gouvernement -preuve en est la justification de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un désastre !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Mais avec cette réforme, le Gouvernement feint d'ignorer le rôle essentiel des collectivités pour l'attractivité et l'essor des territoires.

M. Jean-Louis Carrère.  - Hélas !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le rapport de la mission comporte dix-sept propositions, souvent techniques, mais fait l'impasse sur les enjeux politiques. Le rôle du CIR, du Fonds stratégique d'investissement, d'Oséo, de la Caisse des dépôts est central. La puissance publique a été trop longtemps relayée à un rôle second. Nous préférons la compétitivité-innovation à la compétitivité low cost.

Le rôle de l'État actionnaire doit être mieux affirmé -je pense notamment à EADS. Les aléas du secteur aéronautique imposent un comportement anticipateur plutôt que réparateur. La structuration de la filière est indispensable. Le Gouvernement va créer des comités stratégiques de filière ; au moment où l'émergence d'un champion français des aérostructures s'impose, il appartiendrait aux industriels de faire le nécessaire, à la suite de quoi l'État agirait par le biais du FSI. Autrement dit, « aide toi et le ciel t'aidera »... Les choix doivent être faits en amont.

Dans ce contexte, les membres du groupe socialiste ne peuvent voter ce rapport. La Haute assemblée a manqué une occasion de mettre en forme des propositions au service de la réindustrialisation de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Marc Daunis.  - Ce fut un privilège de participer à une telle mission ; nous avons travaillé ensemble sur un sujet majeur. Nous avons constaté la casse industrielle, les ravages de la financiarisation et les responsabilités politiques.

Mais nous avons surtout proposé des mécanismes de réindustrialisation ; nous appelons à une révolution de notre politique industrielle.

Le soutien à l'industrie se conçoit désormais comme une politique en faveur de la recherche et de l'intelligence territoriale, passant, contrairement à ce que pense M. Leroy, par la contractualisation à l'initiative des régions pour rassembler tous les acteurs... Aujourd'hui, la cohérence fait défaut.

La grande majorité des personnalités entendues se prononce pour une bonne articulation, un mix, entre concurrence et coopération. À Sofia-Antipolis, nous avions développé ce concept de coopétition.

TPE, PME : un Small business act est urgent, de même qu'un cadre fiscal stable.

Le rôle de la puissance publique est stratégique. Nous ne pouvons nous en remettre à la main invisible du marché. Le soutien aux PME et TPE s'impose car elles en ont plus besoin que les groupes du CAC 40. Appuyons-nous sur l'intelligence des territoires, sur les talents des entrepreneurs et des forces du monde du travail, souvent oubliées, voire méprisées. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - L'expansion internationale des PME n'est pas identique à la délocalisation. C'est le contraire qui se produit.

Près de 25 % des PME allemandes sont internationalisées, contre 10 % des petites entreprises françaises ; 25 % de nos exportations industrielles sont le fait de PME contre 50 % en Allemagne. Le développement à l'étranger ne signifie pas seulement exportations mais installations complémentaires à l'étranger. Le succès des volontaires internationaux en entreprises me réjouit. Il faut étendre le système aux PME.

On parle d'instituer une exit tax, comme si nos expatriés ne partaient que pour des raisons fiscales alors qu'ils sont créateurs de richesses et d'emplois.

Selon le président de la chambre de commerce française en Angleterre, nos entreprises ne sont pas moins performantes mais elles ne savent pas passer un certain cap de développement. L'équipe de France de l'exportation, créée par Anne-Marie Idrac en 2008, misait sur la synergie. En 2010, 1 500 entreprises ont bénéficié des conseils des services des douanes ; tout comme Ubifrance, l'association représentant les Français de l'étranger devrait être associée à la réflexion. Oséo, Coface ne sont pas suffisamment accessibles aux PME. Dans les pays en développement, l'AFD ne pourrait-elle financer les projets de nos PME dans des secteurs ciblés comme le tourisme ou les technologies vertes ?

Quelles coopérations entre votre ministère et l'AFD ?

Nos entreprises ont souffert des crises qui ont éclaté en Cote d'Ivoire, en Égypte : une indemnisation est-elle envisageable, ou une aide à la sortie de crise ?

Créons dans notre pays un esprit d'entreprise. Un étudiant anglo-saxon souhaite créer son entreprise à l'issue de ses études, un étudiant français espère intégrer un grand groupe.

J'ai demandé récemment que les consulats français à l'étranger, notamment en Afrique, s'équipent de défibrillateurs : j'ai découvert à cette occasion qu'il n'existait aucun fabricant français !

Merci au Sénat de toujours apporter son soutien aux initiatives en faveur des entreprises françaises à l'international qui participent au développement économique du pays. (Applaudissements à droite)

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Votre rapport, dense, formule constat et propositions. La mission commune d'information m'a auditionné, je ne reviendrai pas sur l'analyse que j'ai présentée à l'époque.

La désindustrialisation diffère selon les secteurs et les territoires. La diminution de la part de l'emploi industriel dans l'emploi en France est manifeste. Quelle est l'ampleur du phénomène ? La situation est contrastée. L'automobile a été très touchée par la crise, justifiant les 3 milliards d'euros prêtés -et dont le remboursement anticipé s'achève ce jour même- aux deux grands groupes. Nos secteurs d'excellence sont nombreux : énergie, haute technologie, chimie. Celui de l'aéronautique est présent sur toute la chaîne avec Airbus, Eurocopter, Dassault, Snecma, Bugatti, etc.

Certaines régions tirent bien leur épingle du jeu : l'industrie en Franche-Comté fournit toujours 28 % de l'emploi, mais les Ardennes par exemple, où le président de la République s'est rendu la semaine passée, sont durement touchées.

Depuis 2007, le Gouvernement a pris nombre d'initiatives qui recoupent les propositions de votre mission : innovation, pôles de compétitivité, promotion de la culture industrielle... Lors de la dernière loi de finances, le Gouvernement a bataillé pour maintenir le montant du CIR au même niveau. Cette dépense de 4 milliards bénéficie à la fois aux petites entreprises -84 % des bénéficiaires- et aux grands groupes qui prennent leur décision d'implantation en fonction de ce dispositif. Le CIR doit-il être étendu au prototypage ? Je ne suis pas contre mais il en coûterait plusieurs centaines de millions d'euros, ce qui n'est pas acceptable vu l'état des finances publiques. (M. Marc Daunis s'en désole) Quant à l'accélération des pôles de compétitivité, unanimement salués, je vous indique qu'un dispositif de soutien à la trésorerie des pôles sera géré avec Oséo, à hauteur de 30 % des aides reçues l'année précédente. Et 3 milliards vont soutenir les instituts de recherche technologique et les instituts d'excellence en énergie décarbonée.

Pour promouvoir la culture industrielle, mon ministère vient d'organiser la semaine de l'industrie, un grand succès ! Les états généraux déploraient en effet un manque de visibilité des métiers industriels. La conférence nationale de l'industrie, madame Lamure, a pour mission de favoriser la coopération au sein du monde industriel et de réfléchir aux grands problèmes. La compétitivité, notamment le coût du travail, fait débat parmi vous. Je chargerai la CNI de réfléchir à tous les facteurs de compétitivité ; elle sera aussi chargée de la formation professionnelle et de l'alternance.

Le Gouvernement a donc déjà mis en place une grande partie des actions que vous préconisez.

M. Marc Daunis.  - Tout va bien !

M. Éric Besson, ministre.  - Le moral des industriels d'après l'Insee remonte. La production a augmenté de 6 % en 2010 et le nombre d'emplois a augmenté, même modestement, pour la première fois depuis 2000.

Ce serait un leurre de croire que nous pouvons conserver un même niveau d'emploi et une structure industrielle identique. Il faut plus d'industrie et mieux d'industrie, une industrie plus compétitive pour rééquilibrer notre balance des paiements. L'industrie représente 80 % des exportations mais doit contribuer plus encore à la croissance.

Le ministère souhaite que les technologies d'avenir à diffuser dans tous les secteurs soient soutenues. La France n'est pas mal placée ! Ce qui n'empêche pas de maintenir et renforcer des industries et des métiers traditionnels, monsieur Leroy.

Sont prioritaires les secteurs des robots : la robotique des particuliers ouvre un marché de 2,3 milliards d'euros. Mme Merkel et M. Fillon ont été accueillis à la foire d'Hanovre par un petit robot, assistant personnel, capable d'aider une personne à se déplacer et même de l'assister en cas de chute. Hélas l'écart se creuse entre la France et l'Allemagne pour la robotique d'entreprises : nous installons 2 500 robots dans nos usines quand nos voisins en installent 15 000.

C'est grâce aux biotechnologies que nous pouvons gagner des parts de marché tout en améliorant la qualité de vie de nos concitoyens : je songe à la thérapie cellulaire et à la médecine régénérative, par exemple. Et la filière est solide, les projets sur les cellules souches développés par Cellectis à des fins thérapeutiques sont prometteurs. Et Sanofi-Pasteur, à Lyon, va produire le premier vaccin contre la dengue.

Les véhicules hybrides et électriques peuvent représenter un marché de 20 milliards d'euros à l'échéance de 2020. Nous soutenons la recherche, les usines de batterie, etc. Votre collègue Louis Nègre, chargé d'une mission sur les infrastructures de recharge, remettra prochainement au Gouvernement son Livre vert sur le sujet.

Mieux d'industrie, c'est une politique industrielle qui exploite les synergies européennes. La France se veut en pointe, aidée par le commissaire européen à l'industrie, puisque désormais en Europe l'industrie n'est plus un gros mot. Voyez le brevet européen, sur lequel nous avons demandé une coopération renforcée, qui réunit à présent 25 pays membres sur 27 ! Une PME qui déposait un brevet en Europe devait dépenser dix fois plus que son homologue américaine.

M. Jean-Pierre Bel.  - Et la réponse à nos questions ?

M. Éric Besson, ministre.  - J'y viens précisément.

C'est vrai, monsieur Biwer, que le centre de gravité industriel se déplace en Asie : mais les classes moyennes s'y développent, c'est un énorme marché potentiel. Le Gouvernement travaille sur les douze filières stratégiques et les relations partenariales entre les groupes. Nous avons confié une nouvelle mission de simplification à M. Warsmann.

M. Vall a raison, l'image de l'industrie compte, certains secteurs ne parviennent pas à recruter. La semaine de l'industrie a eu lieu aussi dans les lycées ! Avec l'association des ingénieurs de France, nous sommes tombés d'accord sur les initiatives que peuvent prendre les fédérations professionnelles. Des assises de la simplification administrative se tiendront le 29 avril.

M. Danglot parle de financiarisation : au niveau mondial, peut-être, mais le CIR, le Fonds stratégique d'investissement de plus de 3 milliards d'euros depuis fin 2008, les 35 milliards d'investissements d'avenir, ne relèvent pas de cette tendance !

La France, au coeur de la crise, a choisi un plan de relance et un emprunt pour l'avenir. On commence à en ressentir les effets et la France a traversé la crise plutôt moins mal que ses voisins.

L'État n'interviendrait pas assez dans le secteur automobile : mais aides aux deux grands constructeurs, prime à la casse, garanties Oséo pour 900 PME ont été bien utiles ! Et ses déclarations sur le partage de la valeur ajoutée devraient conduire M. Danglot à voter le projet de loi sur la prime de 1 000 euros aux salariés...

L'association des collectivités locales est cruciale. La CNI cherche à s'appuyer sur les réseaux locaux. La confiance, vous avez raison, monsieur Leroy, est fondamentale, la prime aux salariés parallèlement au versement des dividendes y contribuera.

M. Teston a raison de se préoccuper de la filière autobus et poids lourds. Renault reste le premier actionnaire de Volvo en droit de vote et Renault Trucks investit en France, dans l'Ain et dans le Rhône.

Madame Lamure, la CNI aura un rôle clé à jouer sur le sujet de la structuration des filières, sur la formation professionnelle, sur la compétitivité -comparée entre la France et l'Allemagne...

Monsieur Bel, quelles que soient les statistiques retenues, le constat est clair : il y a eu un décrochement sur le coût du travail et sur ce point les experts sont d'accord. Les entrepreneurs allemands paient moins de cotisations sociales. Notre compétitivité de ce fait est dégradée et la campagne présidentielle sera l'occasion d'en débattre. Comment, sans réduire la protection sociale, en tenir compte ? la CNI, qui compte des syndicalistes, a été saisie de la question.

Le Fonds national de revitalisation des territoires accorde des prêts sans garantie aux entreprises qui créent des emplois.

M. Raoul a parlé des fonds régionaux d'investissement. Le FSI leur consacre 200 millions par an. Un fonds régional vient d'être créé en Alsace.

Le Fonds stratégique d'investissement a financé des entreprises de biotechnologie. La production photovoltaïque a été multipliée par 45 en deux ans...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - On partait de rien !

M. Éric Besson, ministre. - C'est un hommage à l'action du Gouvernement ! Mais la bulle spéculative exigeait de se pencher à nouveau sur le dossier.

M. Mirassou a parlé d'acte manqué. Votre mission commune d'information a beaucoup contribué à la réflexion, le Gouvernement est en phase avec plusieurs propositions mais beaucoup reste à faire. Les comités stratégiques de filière joueront un rôle d'anticipation. Celui de l'aéronautique sera réuni en juin à l'occasion du salon du Bourget.

La suppression de la taxe professionnelle a été un élément de compétitivité, tout le monde le dit. François Mitterrand parlait d'un impôt imbécile (Exclamations sur les bancs socialistes) ; M. Strauss-Kahn...

M. Jean-Louis Carrère.  - Parlez plutôt de vos nouveaux amis !

M. Éric Besson, ministre.  - ...avait supprimé la part salaires. Nous avons achevé le travail.

Monsieur Daunis, mêler coopération et concurrence, c'est l'objet des comités stratégiques et des pôles de compétitivité. Quant au Small business act, ne tombons pas dans le fétichisme, c'est une construction permanente, une addition de textes : la chose sinon le nom existe déjà en France ! (On ironise sur les bancs socialistes)

Madame Garriaud-Maylam, le ministère de l'industrie soutient le développement international des PME, via Ubifrance notamment. À Hanovre, toutes les PME présentes, qui réussissent à l'exportation, affirmaient disposer d'une base nationale solide.

On ne parle plus de société postindustrielle. La crise économique a conforté notre idée qu'il faut une politique industrielle. Les pays qui résistent le mieux sont ceux, comme la France, qui conservent une épine dorsale industrielle solide. (Applaudissements au centre et à droite)

Débat interactif et spontané

M. François Patriat.  - Ma région a perdu en deux ans 22 000 emplois dont 10 000 industriels, chez Kodak, Dim, Fruehauf... Or les contrats de site sont parfois mis en oeuvre par les seules collectivités, qui ont beaucoup perdu avec la suppression de la taxe professionnelle.

Le Gouvernement a-t-il la volonté réelle de développer l'éolien ? Roulement à billes, pales, ma région a créé 1 000 emplois dans cette filière aujourd'hui structurée mais en attente. Le Gouvernement va-t-il l'accompagner en donnant un coup d'accélérateur ?

M. Éric Besson, ministre.  - Je n'ai jamais dit : « Tout va bien ! » Il faut renforcer nos atouts et réduire nos faiblesses. L'an passé, nous avons créé plus d'emplois industriels que nous n'en avons perdus. Depuis cinquante ans, la France a fait le choix du nucléaire civil : transparence et sécurité sont renforcées. Nous développons aussi les énergies renouvelables. La production éolienne a été multipliée par dix. Nous développons l'éolien terrestre et off shore. Le président de la République a annoncé à Saint-Nazaire, il y a quelques semaines, 3 000 mégawatts d'éolien : tout sera lancé début 2012. Contrairement aux idées reçues, le Gouvernement est en avance par rapport au tableau de bord décidé lors du Grenelle.

M. Jacques Blanc.  - L'industrialisation est un facteur d'aménagement du territoire. Il n'y aura pas de vie en montagne s'il n'y a pas d'industries. L'accès au très haut débit et à l'énergie doit être possible et les prix identiques. En Lozère, le coût de l'abonnement est beaucoup plus cher que dans les grandes villes. Pour l'électricité, les industriels doivent rembourser les installations d'ERDF. Sur le photovoltaïque, on ne tient pas compte des contraintes liées aux recherches archéologiques.

M. Éric Besson, ministre.  - Sur ce dernier point, mes services vont voir s'il est possible de geler la période consacrée aux recherches archéologiques. Pour le reste, vous avez raison : l'industrie est source d'aménagement du territoire. En matière de haut débit, la France se situe à la troisième place en Europe.

La grande bataille, c'est celle du très haut débit. La fibre optique doit être développée pour passer d'un million d'abonnés actuels à deux millions d'ici la fin de l'année. Nos objectifs sont ambitieux et les opérateurs les jugent parfois inatteignables.

Le Gouvernement partage les préoccupations du Parlement en ce domaine.

Mme Valérie Létard.  - À mon tour, je veux saluer le travail remarquable qui a été effectué.

La filière ferroviaire est très présente dans le Nord-Pas-de-Calais. La recherche et l'innovation doivent être encouragées. Le rapport de la mission estime que les moyens ne doivent pas être concentrés sur quelques territoires. Chaque euro investi participe à l'aménagement du territoire.

Les investissements d'avenir sont une formidable opportunité : nous devons créer l'Institut européen technique pour l'industrie ferroviaire. Que compte faire le Gouvernement ? Une telle implantation permettrait de conforter ce secteur.

M. Éric Besson, ministre.  - Une audition spécifique sera consacrée à ce sujet le 17 mai. Il s'agit d'une priorité du Gouvernement. L'État consacre des investissements importants aux véhicules du futur ; et le transport n'est pas seulement automobile, mais aussi ferroviaire.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Lors de la visite dans cette région, j'ai été impressionné par le travail en commun entre l'industrie ferroviaire et les chercheurs. La région du Nord a misé sur cette filière, et notamment sur le ferroutage. Un basculement de la route vers le rail est indispensable et doit être décidé par le Gouvernement. La mesure aurait aussi pour vertu de créer de nombreux emplois. Nous devons montrer la voie en Europe sur cette question.

Mme Mireille Schurch.  - À mon tour, je salue l'initiative de M. Bourquin.

La qualité des infrastructures, des services non marchands est indispensable à l'industrie. Nos infrastructures ont renforcé l'attractivité de la France jusqu'à présent. Mais la SNCF a décidé d'abandonner le wagon isolé et ferme des gares. Chaque année, le transport ferroviaire évite l'émission de milliers de tonnes de carbone : le 1er octobre, ce sera fini, et aucune solution n'est prévue. Et je pourrais multiplier les exemples. Il y a donc une contradiction majeure entre vos propos et vos actes.

M. Éric Besson, ministre.  - Je ne puis vous répondre sur la SNCF, qui relève d'autres ministres. En ce qui concerne la filière industrielle, nous essayons de tisser des liens plus étroits entre les grands groupes et les sous-traitants. Nous pourrions faire le point avec le Médiateur de la sous-traitance.

M. Claude Bérit-Débat.  - Selon les territoires et les activités, les constats sont contrastés, avez-vous dit. Ce n'est pas le cas en Dordogne !

L'État actionnaire souhaite réindustrialiser notre pays mais il se comporte mal. Avec la Société nationale des poudres et explosifs, il s'est désengagé et 400 salariés sont restés sur le carreau ! À Chamiers, des salariés de la SNCF ont un savoir-faire indéniable mais leur atelier est condamné. Que compte faire l'État actionnaire pour mettre en accord ses actes et sa politique ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Besson, ministre.  - Comme je l'ai suggéré à votre collègue, je vous invite à en discuter avec le Médiateur de la sous-traitance. Le dossier de la SNPE a été traité par Mme Lagarde. L'APE recherche actuellement des solutions pour le bassin d'emplois que vous avez cité.

Mme Élisabeth Lamure.  - Vous avez parlé du photovoltaïque et de l'éolien, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous entretenir de la biomasse ?

M. Éric Besson, ministre.  - Quel dommage ! J'avais une très belle réponse pour vous sur le photovoltaïque ! (Sourires)

Une étude est en cours sur la biomasse : un diagnostic et des propositions seront faits pour soutenir le développement de cette filière. Nous pourrons en reparler dans un mois.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Sur la question du photovoltaïque, il ne faut pas rater le train de l'histoire. Il y a eu des effets d'aubaine indéniables. Certes, la majorité des capteurs étaient importés, mais « couper les vivres » brutalement au secteur a été une erreur.

Il aurait fallu prendre en compte la dimension carbone des capteurs. L'aide aurait pu soutenir l'industrie photovoltaïque. Dans plusieurs régions, dont la mienne, les investissements sont gelés.

Tous les moyens doivent être mobilisés pour développer les énergies renouvelables. Nous ne pouvons nous contenter de la filière nucléaire ; seul un mix énergétique nous permettra de regarder l'avenir avec sérénité.

M. Éric Besson, ministre.  - Il faudra un jour sortir de l'ambiguïté. Un kw/h photovoltaïque coûte dix fois un kw/h nucléaire. À chaque fois qu'on évoque une augmentation de l'électricité, députés et sénateurs nous demandent, sur vos bancs, le gel des prix. Mais vous voulez aussi encourager les énergies renouvelables : rien ne doit leur être refusé... Le mix énergétique, bien sûr, mais à quel prix ? (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Je ne m'attendais pas à une réponse aussi vive...

Cette question de l'énergie est au coeur des enjeux industriels.

Il faut prioriser l'énergie renouvelable. Il n'est pas question de remettre en cause l'industrie nucléaire, mais il faut prévoir deux coups à l'avance, comme aux échecs.

Lisez les déclarations d'un expert reconnu dans La Tribune : on peut exploiter autrement le nucléaire.

Il faut diversifier les énergies ; après les événements du Japon, plus rien ne sera comme avant. Si on fait l'autruche, on se trompe !

Selon l'Insee, sur les 170 milliards d'intérêts et de dividendes perçus chaque année, 20 milliards seulement figurent sur les déclarations de revenus ! À quand une fiscalité plus juste, un grand impôt progressif sur tous les revenus ? Il faut se donner les moyens de mener une politique industrielle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Boyer.  - Sur le photovoltaïque, il faut un état des lieux : combien d'entrepreneurs ont monté des projets et sont aujourd'hui laissés au bord de la route ! C'est l'effet rétroactif de la mesure qui me choque.

Des pôles de compétitivité, c'est bien, mais quid des autres territoires et des friches industrielles ? Ne faudrait-il pas prévoir des incitations à la reprise des bâtiments abandonnés ?

M. Éric Besson, ministre.  - Que nos grandes entreprises investissent à l'étranger n'est pas une mauvaise nouvelle en soi. En revanche, les délocalisations doivent être combattues. Dans certains territoires, la mono-industrie a été catastrophique lorsqu'elle s'est effondrée.

Le Gouvernement essaye de revitaliser certains sites, avec le Fonds national de revitalisation des territoires créé il y a trois ans, à l'initiative du président de la République. Ce fonds est doté de 45 millions et permet d'accorder des prêts bonifiés sans garantie. En 2010, 252 prêts ont été accordés pour un montant de 430 millions ; ils ont bénéficié surtout aux très petites entreprises.

Le dispositif sera évalué pour être poursuivi au-delà de 2012.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - En octobre 2010, la direction américaine a placé Molex France en liquidation judiciaire pour punir ses salariés d'avoir contesté leur licenciement. Cette décision inadmissible a privé dix-neuf salariés de leurs droits.

En novembre, M. Estrosi m'avait dit que l'État pourrait agir en justice : « le droit français doit être respecté », avait-il ajouté.

Or, aujourd'hui, le sort de ces dix-neuf salariés n'est toujours pas réglé. Où en est le dossier ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Besson, ministre.  - Les négociations sont toujours en cours, avec le liquidateur judiciaire qui a été nommé. Le Gouvernement suit le dossier de très près...

M. Jean-Louis Carrère.  - Il « suit » ! C'est bien le problème !

M. Éric Besson, ministre.  - ...et il a plus que bon espoir de voir les négociations aboutir prochainement.

Mme Esther Sittler.  - Le rapport contient une comparaison instructive entre l'industrie française et allemande qui montre que la France a décroché face à son voisin.

L'initiative publique a fait défaut. Les zones transfrontalières ont subi une perte d'attractivité. Comment réduire les disparités ?

M. Éric Besson, ministre.  - Il faut renforcer la compétitivité de notre outil industriel. Lorsque nous nous comparons à un certain nombre de nos partenaires, la France reste compétitive, mais l'Allemagne est le pays le plus performant. Lorsque Xavier Bertrand et Nadine Morano s'efforcent d'améliorer l'apprentissage, ils oeuvrent en faveur de la compétitivité de notre pays. Pour les filières, nous essayons de créer un esprit de groupe qui existe naturellement en Allemagne.

Il y a quinze ans, ce pays semblait stagner mais il a absorbé le choc de la réunification et s'est porté sur des produits exportables ; la modération salariale a également été prônée. Certes, l'Allemagne devra affronter d'autres problèmes démographiques et énergétiques. Les entreprises allemandes paient leur électricité une fois et demie plus cher qu'en France, les consommateurs deux fois plus cher qu'en France.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une obsession !

M. Éric Besson, ministre.  - Les Allemands ne sont pas seulement nos concurrents : ils sont aussi nos partenaires. Nous allons essayer de mettre en place des outils de partenariat. Par exemple, pour le véhicule électrique, nous avons besoin de normes communes. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Le voyage en Allemagne a été un moment important dans notre mission. Chez Bosch, le numéro trois nous a dit que le coût du travail était moins élevé dans l'usine française que dans l'usine allemande. Le temps de travail ? 32 heures dans les établissements situés en Allemagne ! Les salaires y sont plus attractifs que chez nous. Ne prenons pas chez nos voisins ce qui nous arrange. Il y a peu, on ne jurait que par la réussite irlandaise. Aujourd'hui, c'est l'Allemagne ! Certes, les TPE-PME allemandes ont accès à des brevets pour un moindre coût. Le système des Länder est extrêmement décentralisé, ce qui est fondamental. Les collectivités ont un rôle essentiel à jouer. Elles doivent écouter les chefs d'entreprise.

Si la loi Nome est appliquée, les électro-intensifs risquent de partir vers d'autres cieux ; les dirigeants de Rio Tinto nous l'ont dit. En Chine, ce serait une catastrophe, au Canada, un moindre mal car l'énergie n'y est pas chère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission.  - Ne nous trompons pas de débat ! Nous n'avons pas stigmatisé les augmentations de salaires dans notre pays. Notre voyage en Allemagne a duré trois heures, j'ai travaillé avec ce pays 25 ans ! En Allemagne, la majorité des chefs d'entreprise sont issus de l'apprentissage. Leurs choix stratégiques ont été meilleurs que les nôtres. Enfin, l'impôt sur les sociétés a baissé de 45 à 25 %. Les TPE allemandes sont quatre fois plus nombreuses que les françaises et ont une capacité d'autofinancement deux fois plus élevée. Ces entreprises achètent des biens intermédiaires et revendent des produits finis. Les charges sont de 28 % contre 43 % chez nous et la protection sociale y est bien meilleure. Il faut se poser ces questions.

M. Éric Besson, ministre.  - La rencontre avec Bosch vous a marqué, monsieur Bourquin, vous la citez en toute occasion. C'est pourtant cette entreprise qui a négocié le passage de 35 à 36 heures et même 38 dans ses sites de production en France !

En France, l'Insee a corrigé ses données : le coût horaire dans les entreprises manufacturées a augmenté de 44 % en France en dix ans et de 19 % en Allemagne.

Vous voulez faire plus pour le photovoltaïque ? Rio Tinto ne veut pas que le coût du kw/h dépasse 32 euros. La loi Nome l'a fixé à 40 euros. Or, le photovoltaïque représente dix fois ce prix !

Au Canada, l'électricité hydraulique est très présente. La France a réussi l'exploit d'avoir une électricité peu chère grâce au nucléaire. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - On adresse beaucoup d'éloges au crédit d'impôt recherche, mais page 223, le rapport de la mission dénonce « certaines dérives ».

Ces effets d'aubaine ne peuvent perdurer. Certaines entreprises affectent le CIR à des dépenses qui ne sont pas de recherche ; et dans le même temps, nos chercheurs travaillent pour des salaires bien inférieurs à ceux de leurs homologues aux États-Unis ou en l'Allemagne. Pourquoi nos doctorants partent-ils à l'étranger ? Parce qu'ils ne trouvent pas de poste en France. Cette situation est choquante. Comment gérer cet outil fiscal avec toute la rigueur nécessaire ?

M. Éric Besson, ministre.  - Le secteur banques et assurances représente 3 % du CIR accordé. L'éligibilité de ce secteur n'est pas choquante. Il faut veiller à éviter les dérives mais le CIR a surtout un effet global positif. J'ai reçu il y a peu un entrepreneur français qui a créé des entreprises internet dans la Silicon Valley ; il estime que le CIR et le dispositif « jeunes entreprises innovantes » permettent désormais à la France d'être compétitive.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Alain Claes fait de judicieuses propositions pour améliorer le système.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Un fait est un fait et ce responsable de Bosch a été clair. Total, pas d'impôt sur les sociétés, Vivendi, pas d'impôt sur les sociétés, les sociétés du CAC 40 ne payent que 10 ou 20 % d'impôt sur les sociétés. J'avais cru que le taux en France était de 33 %...

Les chiffres de Rexecode étaient faux, nous nous en sommes méfiés. La vérité se trouve plutôt dans les données fournies sur le terrain.

Dernière chose : ce qui arrive aux ménages avec la loi Nome est scandaleux ; il faut libérer nos capacités d'innovation pour développer les énergies renouvelables.

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission.  - Pour la comparaison avec l'Allemagne, nous n'avons fait que reprendre le rapport d'un certain Migaud...

Le CIR va à 30 % aux holdings ; nous demandons une orientation plus soutenue vers les PME. Les grands groupes, par filialisation, récupèrent des sommes importantes. Il faut rééquilibrer le dispositif.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Exactement.

M. René Beaumont.  - Des infrastructures performantes sont indispensables au développement industriel -où en sont à ce propos le Lyon-Turin et l'étoile ferroviaire lyonnaise ? Le fret ferroviaire est hélas en déclin.

N'oublions pas la voie d'eau. Je me réjouis que le président de la République ait souhaité engager le dialogue compétitif avec les entreprises privées pour la réalisation de la liaison Seine-Nord. La suite, ce sera la voie Rhin-Rhône, ou plutôt Saône-Moselle, prête à être mise en chantier. Nous en avons assez des camions !

M. Éric Besson, ministre.  - Je verrai après ce débat Mme Kosciusko-Morizet et M. Mariani, auxquels je ferai part de vos remarques.

Un mot à M. Bourquin, sans polémiquer. Je pensais que c'était le mécanisme du bénéfice mondial consolidé qui permettait à Total de ne pas payer l'impôt sur les sociétés ; en réalité, Total perd dans le raffinage ce qu'il gagne dans la distribution ; c'est même à la demande de l'État qu'il maintient certains sites peu compétitifs en France.

Les tarifs réglementés demeureront jusqu'en 2015 : la loi Nome n'est pas la source de tous les maux ! M. Borloo a intelligemment négocié avec Bruxelles afin que nos entreprises ne soient pas condamnées pour avoir bénéficié d'avantages indus.

M. Yves Daudigny.  - Dans mon département de l'Aisne, le taux de chômage a explosé à 14 % depuis la crise ; 6 400 emplois y ont été détruits depuis 2008. Aujourd'hui, on distingue mal la stratégie industrielle nationale du Gouvernement. Le pôle Industrie-Agro-Ressources attend votre appui, monsieur le ministre, pour une implantation à proximité d'un site militaire abandonné. Le maillage territorial en infrastructures de transport est essentiel au développement ; or le Snit est très insuffisant -je pense à la RN 2. Il est temps d'élaborer une stratégie industrielle qui permette au pays de renouer avec la compétitivité et de sortir les territoires de leur isolement. Le coût de transport du fret ferroviaire « wagon isolé » est par exemple prohibitif ; un site de Bayer est particulièrement pénalisé dans mon département. Quelle ambition portez-vous, monsieur le ministre ?

M. Éric Besson, ministre.  - Nous avons effectivement créé des pôles de compétitivité ; beaucoup a été fait depuis 2007. Pour le reste, je me ferai l'écho de vos propos auprès de mes collègues en charge des transports.

M. Philippe Leroy.  - La question des quotas d'émissions de CO2 est stratégique et un enjeu majeur pour certaines régions. La Moselle envisage de conserver une filière sidérurgie-fonte. Comment faire pour continuer à produire dans ce secteur, ou dans la pétrochimie ? Les Lorrains sont inquiets, comme d'ailleurs les Marseillais...

M. Éric Besson, ministre.  - Le marché du CO2 relève des compétences de Mme Kosciusko-Morizet. Le paquet climat de 2008 renforce et améliore le système des quotas à partir de 2013. Nous sommes conscients des craintes de certains industriels. La voie la plus prometteuse est celle du progrès technologique dans certaines filières. Le projet Ucos de captage-stockage du CO2 par exemple est intéressant. Le financement n'est pas bouclé mais nous y travaillons, notamment avec Mittal.

Merci à tous les intervenants.

M. Martial Bourquin.  - Un mètre cube de bois séquestre une tonne de CO2. La filière bois en est à ses balbutiements. Ses possibilités sont immenses et méconnues, dans la chimie verte par exemple. Les emplois induits sont nombreux.

Le débat est clos.

Formation des enseignants (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Gonthier-Morin sur la réforme de la formation des enseignants.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question.  - Le Gouvernement a fait l'économie de toute concertation. Sa réforme, qui fait l'unanimité contre elle, tourne le dos à l'objectif affiché d'améliorer la formation des enseignants. Mais l'objectif comptable est atteint, de même que celui, idéologique, du président de la République de régler son compte aux IUFM. Les parcours de formation sont de plus en plus individualisés et territorialisés ; le cadre national disparaît, le concours est affaibli. La catastrophe annoncée est aujourd'hui réalité. Il est urgent d'agir.

Le Gouvernement refuse d'entendre les signaux d'alerte, comme la synthèse de l'inspection générale de l'éducation nationale, qui souligne le manque de moyens, l'extrême hétérogénéité des situations et le risque de recours juridictionnels pour rupture de l'égalité de traitement. Le rapport d'étape dresse un bilan sévère... mais ne propose que des ajustements. Il faut aller au-delà et redonner de l'ambition à la formation des enseignants.

Rapporteur budgétaire pour avis de l'enseignement professionnel, je crains qu'on y décourage les vocations ; dans certaines disciplines, il n'existe pas de mastère.

Il faut sortir du déni. Les stagiaires sont découragés, épuisés et se sentent méprisés par l'institution. Ce sont leurs élèves qui paieront les pots cassés.

Certains se sentent cobayes, voire complices du désastre. La rentrée a eu lieu grâce à la mobilisation des équipes, mais au prix de bricolages divers. Toute une génération est sacrifiée. Et il ne s'agit pas d'une année de transition ; la réforme ne règlera rien.

L'urgence aujourd'hui est de faire des étudiants stagiaires de vrais stagiaires, avec un tiers de temps devant les classes. Avec un bac + 5, il suffirait d'appliquer les bonnes pratiques pour enseigner ? Non, enseigner s'apprend -il faut être formé pour cela. Veut-on faire des enseignants de simples prescripteurs ? On n'est même pas à la moitié des heures de stage prévues, et bien loin de la situation antérieure. Les disparités sont énormes, la norme nationale disparaît. Les stages bouche-trou se multiplient.

Quant aux formateurs, si dans le primaire le réseau de maîtres-formateurs a été maintenu, bien que leur champ d'intervention se réduise, les tuteurs du second degré n'ont reçu aucune formation. Un inspecteur m'a confié que 10 % des tuteurs sont jugés incompétents et que les méthodes de beaucoup d'autres n'ont pas été validées. Le poids du stage dans la titularisation empêche le stagiaire de se confier au tuteur ; tout cela crée un climat malsain. Il faut réinterroger le devenir des IUFM.

L'année de mastère 2 est impossible : il faut aux étudiants tout faire à la fois. Ils sont des candidats au concours plus qu'ils ne se forment. Vous avez mastérisé le concours. Puis l'enseignant stagiaire a une année pour se former sur le tas et être titularisé ; il la passe le nez dans le guidon, impossible de prendre du recul. « On nous formate à la médiocrité », se plaint l'un d'eux. Dis-moi comment tu formes tes enseignants, je te dirai quelle ambition tu as pour ton école...

Une réforme peut être consensuelle, si elle repose sur de solides principes et un cadrage national. Autonomie des universités, rétorquerez-vous ; mais pour Mme Pécresse, autonomie n'est pas absence de règles, elle a défini un cadrage national pour la licence...

Il faudra aussi une formation continue de qualité. Rattrapons le retard. Des stages accompagnés, pensés, avec un temps de service aménagé après la titularisation, renforceraient l'attrait du métier et en démocratiseraient l'accès. Mais ce Gouvernement, en réalité, chemine vers les recrutements par le chef d'établissement. Un prérecrutement serait pertinent, avec plusieurs voies d'accès au concours.

Il y a place pour un autre projet ambitieux. Revenez sur cette réforme. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Férat.  - Le président du comité de suivi des mastères vient de remettre son rapport d'étape. Une école de la République se doit de donner une chance à tous ses enfants et la formation des enseignants en est la clé de voûte. L'enseignement rencontre aujourd'hui des difficultés. Alors que l'investissement de la France dans l'éducation est dans la moyenne des pays de l'OCDE, elle obtient des résultats insuffisants ; 15 % des élèves sortent du primaire sans savoir lire...

La réforme de la formation des enseignants vise à pallier les problèmes actuels. Il s'agit avant tout d'élever le niveau de qualification au moment du recrutement et d'intégrer la formation dans le système LMD, de favoriser les éventuelles réorientations et d'intégrer la formation au métier avant le concours.

La réforme est récente, gardons-nous de conclusions hâtives. L'intégration des IUFM dans les universités a modifié la formation elle-même et impose l'implication des personnels formateurs. Mais le contenu trop théorique de l'enseignement et du concours pose problème. L'approche académique ne suffit pas, l'aspect pratique est important. La professionnalisation doit intervenir avant l'entrée dans l'enseignement.

Je me réjouis des expérimentations de formation en alternance qui vont être engagées dans certaines académies. Bien sûr, les stagiaires ne doivent pas être des remplaçants ! Le nombre de candidats aux concours est en chute : restaurons l'attractivité du plus beau métier du monde. (Applaudissements à droite)

M. Yannick Bodin.  - Il faut poser la question de l'ensemble du système éducatif en France, pour éviter de se résigner à « former des maîtres pour l'école d'hier », disait-on en effet lors d'un colloque... il y a cinquante ans. Ceux qu'on appelle avec un peu de mépris les pédagogistes et leurs adversaires se sont lancés dans un débat stérile ; le bon sens suggère que si les enseignants doivent connaître ce qu'ils enseignent, ils doivent aussi savoir enseigner ce qu'ils savent. Acquérir la science, ce n'est pas acquérir l'art de la communiquer, disait Durkheim en 1904.

Élever le niveau de connaissance des enseignants est une bonne chose ; mais quid de la professionnalisation ? Le parcours professionnel doit être construit, commencé pendant les études : on se destine à ce métier mais pendant quatre ans, on ne met pas les pieds dans une classe ! Que dirait-on s'il en allait de même pour les étudiants en médecine ? Enseigner s'apprend.

Un enseignant en maternelle a besoin d'une formation spécifique, celui de collège aussi ; ce qui impose des filières de mastère spécifiques. La formation continue est aussi un droit et une nécessité. Le bagage de départ ne suffira pas pour le long voyage que les enseignants effectueront dans l'institution. La formation tout au long de la vie devrait être obligatoire, et même inscrite dans le statut.

Le directeur de l'enseignement secondaire au ministère de l'éducation nationale l'avait déjà dit en 1904 : on peut être un maître savant et cependant un mauvais maître. Accordons la priorité à la formation des maîtres, que nous ayons de bons maîtres ! (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - L'enseignant doit plus que jamais maîtriser les connaissances mais aussi des méthodes d'apprentissage et une bonne compréhension de l'enfant et de l'adolescent. Dès l'annonce des grandes lignes de la réforme, nous avons exprimé des craintes sur le peu de cas fait de la formation pratique -craintes hélas justifiées. La qualité de l'enseignement risque d'être sacrifiée.

La compétence pédagogique s'apprend et s'améliore par la pratique. Calcul mental, écriture, lecture, ne font l'objet d'aucune formation des maîtres, alors que les enseigner est tout à fait particulier. Nos enfants sont désormais confiés à temps plein à des stagiaires sans formation concrète. Les lieux de formation ne sont plus identifiés ; enseigner n'est-il plus un métier ? Quelles sont d'ailleurs vos intentions pour les locaux des IUFM ?

Je déplore que le Gouvernement mette tout en oeuvre pour saper une profession, un service public régalien garant de l'égal accès à un enseignement de qualité. Depuis quelques années, les suppressions de postes se multiplient, notamment en zone rurale ou dans les quartiers sensibles. Les chefs d'établissement sont contraints de refuser des journées de formation car ils savent que les enseignants ne seront pas remplacés.

La Conférence des présidents des universités s'alarme de la baisse du nombre de candidats aux concours d'enseignants. La rentrée scolaire de 2010 a été catastrophique. Alors qu'on constate une montée de la violence, l'arrivée d'enseignants inexpérimentés n'arrange rien. Les conséquences s'en font sentir sur la scolarité des élèves.

L'école française est une des plus inégalitaires de l'OCDE. Pouvons-nous endiguer le phénomène avec votre réforme ? Nous en doutons fortement. (Applaudissements à gauche)

M. Ivan Renar.  - La formation des enseignants, initiale et continue, est essentielle. D'elle dépend la capacité des enseignants à bâtir des stratégies pédagogiques adaptées.

De la qualité de la formation dépend aussi la réussite des élèves. Or, votre réforme a été menée sans concertation et dans la précipitation.

Certes, il fallait rénover la formation des maîtres. Mais cette réforme est apparue essentiellement comptable, dans la logique de la RGPP.

La mastérisation succède à de nombreuses réformes, en particulier celles de 2005, qui a intégré les IUFM dans les universités, et de 2007.

Le cadrage national de la formation des enseignants est remis en cause par la loi LRU. Les présidents des universités doivent procéder à des arbitrages budgétaires entre les diverses disciplines, d'où une grande inégalité dans la formation des maîtres d'une académie à une autre. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la situation est particulièrement inquiétante. L'IUFM a été intégré à l'université d'Artois qui accueille donc seule un public largement régional. De nombreux postes d'enseignants ont été supprimés.

Pourtant, 800 étudiants se sont inscrits à la formation, bien que le nombre de postes mis au concours soit en diminution. Que deviendront les recalés ? En l'absence de rémunération, les étudiants les plus modestes ne pourront suivre ces études.

Chaque université mène sa propre politique en matière de stage. Il est surprenant de constater le peu de coordination entre les rectorats et les universités, ce qui conduit les étudiants à manquer des cours. Les mastères sont d'inégale qualité. Il faut remettre en chantier la formation des enseignants pour répondre au découragement des étudiants. Il faudrait aussi revoir la formation permanente des enseignants, qui doivent être préparés aux nouveaux défis du monde. Ainsi que le disait Edgar Morin, « nous n'avons jamais eu autant de savoirs, mais nous ne savons pas les penser ». Enfin, la place de l'enseignement artistique et culturel doit être renforcée.

Notre pays ne peut faire l'économie d'une réflexion d'ensemble. La formation des enseignants n'est pas une charge mais un investissement rentable pour la Nation. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Legendre.  - Pour évaluer les enseignants, il nous faut prendre de la hauteur. Si la mastérisation a été présentée comme une réforme utile, nous devons la juger à l'aune de l'amélioration du niveau des élèves. La formation des enseignants est essentielle pour redresser l'école républicaine. J'ai longtemps enseigné l'histoire et le français et j'ai été rapporteur de la loi Haby. Nous devons prendre acte de la noblesse et de la difficulté du métier d'enseignant. La figure de Socrate doit-elle être évoquée ? (Sourires) « J'ai dit avec ton aide plus de choses que je n'en portais en moi ! » proclame Théétète. Il n'y a pas de contradiction entre transmission du savoir et développement de l'esprit critique.

La mastérisation peut et doit être un atout. Après les errements du pédagogisme, les futurs enseignants doivent quitter l'université avec un haut niveau de connaissances. Ne faisons pas des élèves des ânes chargés de livres, pour reprendre la formule de Montaigne. Il en va de même pour les professeurs, qui à côté de l'excellence académique doivent développer leurs capacités pédagogiques. Les professeurs des écoles sont des généralistes. Inspirons nous de la Finlande avec des enseignements adaptés à des élèves aux caractères et aux dispositions différents.

Montaigne disait de l'enseignement idéal qu'il devait « faire trotter l'enfant devant lui pour en mesurer l'ardeur ». Il ajoutait : « c'est la besogne la plus ardue que je sache que de savoir condescendre à ces allures enfantines ». Il y a là une vertu pratique, pour parler comme Aristote. Les stages d'observation ne suffisent pas pour procurer une expérience suffisante. La piste des mastères en alternance est intéressante.

J'en viens à l'entrée dans le métier à proprement parler. Les tutorats sont nécessaires, mais l'expérience s'est révélée disparate. Il faut veiller à garantir la cohérence nationale de la réforme, monsieur le ministre. Les enseignants ont tout à gagner à s'organiser en réseaux. Le soutien pédagogique doit être renforcé. Il faudrait aussi recentrer les corps d'inspection sur le soutien pédagogique et renforcer la formation continue des enseignants, souvent routinière et bureaucratique. D'une discussion libre et large doit résulter une meilleure modulation de la formation des maîtres. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Claude Bérit-Débat.  - La rentrée prochaine s'annonce morose, une fois encore. La suppression de plusieurs milliers de postes renforce le malaise actuel, les enseignants se sentent déconsidérés à cause de la RGPP et ils s'estiment méprisés par cette réforme. Les formateurs ne sont quasiment plus formés, depuis la suppression des IUFM. Avec la mastérisation, il suffit d'avoir suivi un cursus universitaire, sans aucune préparation pédagogique. Dans mon département, certains jeunes enseignants se sont vu proposer une formation plusieurs mois après leur prise de fonctions. Comment admettre qu'un jeune professeur non préparé enseigne dans les zones les plus difficiles !

Fermer les IUFM, c'est fermer un service public. Avec la mastérisation, la mobilité des étudiants va s'accroître, accentuant les inégalités territoriales selon les offres d'enseignement. Enfin, pour que plus d'élèves handicapés intègrent l'école publique, il faut davantage de personnels d'accompagnement et d'enseignants formés. Or, tel n'est pas le cas.

Êtes-vous prêt à revoir votre réforme, monsieur le ministre ? (Applaudissements à gauche)

M. Adrien Gouteyron.  - Cette réforme fondamentale et nécessaire implique deux ministères. La coordination a-t-elle été suffisante ? (« Non ! » sur les bancs CRC) Il semble qu'il y ait un écart entre le ministère employeur et le ministère formateur. Cela doit cesser.

J'en viens à la mise en place dans les universités de nouveaux mastères. Il faut résorber les différences entre les rectorats et les universités et prévoir des stages suffisants. Où en est la réflexion ?

J'ai cru comprendre que l'on s'interrogeait sur la meilleure insertion du concours dans le déroulement des études. Actuellement, il est prévu en mastère 2. Sa place dans la formation demeure un peu indéfinie. Pourrait-on envisager le concours à la fin de la première année de mastère ?

Quelle va être la formule pour prendre en compte dans le concours lui-même la formation professionnelle ? Ou alors cette formation va-t-elle être prise en compte pendant le mastère ? Comment bien associer formation universitaire et formation professionnelle ? Tous les orateurs ont insisté sur une solide formation initiale et professionnelle. Comment faire ? Les universités sont-elles capables de le faire ?

Mme Maryvonne Blondin.  - « Une société qui n'aime pas ses enseignants, c'est une société qui n'a pas compris les enjeux de la mondialisation » : belle déclaration du Gouvernement en 2007 qui leur a ensuite apporté des preuves de son désamour !

Nous avons vu une vidéo attristante : un jeune agrégé d'histoire qui vient d'être nommé professeur assiste, impuissant, médusé, à la bousculade des élèves entrant dans la salle. Heureusement il a bénéficié du soutien des chercheurs et eu le courage de persévérer. D'autres, submergés par les difficultés, ont jeté l'éponge. Quel gâchis, quelle souffrance !

La mastérisation sans formation professionnelle est une aberration. Les débutants ont beaucoup de mal à exercer leurs fonctions, car ils ne connaissent pas les gestes indispensables. Les jeunes professeurs sont plongés en situation d'échec : les tuteurs sont parfois dans un autre établissement, ils doivent enseigner dans diverses écoles...

La formation aurait dû leur « apprendre à apprendre », les connecter à la réalité des classes. Cela ne s'apprend pas dans les livres, mais bien sûr, cela demande des moyens ! Dans mon département la brigade de formation continue a perdu 26 postes.

Le président de la République avait déclaré en janvier qu'il remettrait en chantier la formation, en évoquant des stages en alternance. Est-ce exact ?

Mme Marie-Christine Blandin.  - La mastérisation a privé les jeunes enseignants d'un temps d'observation et de prise de responsabilité programmée. Les dégâts pour les enseignants sont bien connus ; ceux subis par les enfants n'ont pas été mesurés. Appliquer de purs critères de rentabilité à la fonction vitale qu'est la transmission des savoirs est une erreur historique !

En Finlande, j'ai constaté que les écoliers du primaire passaient beaucoup de temps à la chorale ou à la danse, pour apprendre la confiance en soi et le respect de l'autre. Quand la classe est identifiée à un lieu de plaisir, on est prêt pour les acquisitions cognitives. En France nous connaissons les expériences de « la main à la pâte » ou des « petits débrouillards », autant d'activités qui ne s'improvisent pas.

Les enseignements artistiques, l'éducation physique, ne sont pas des suppléments d'âme mais ouvrent les portes à l'expression pour des enfants qui n'ont pas l'atout du vocabulaire des familles privilégiées.

Dans cette société de la violence, je plaide pour une formation adaptée à l'altérité : il faut transformer le seul souci de soi et la rivalité ou la peur de l'autre en curiosité et en facteur d'enrichissement.

Lire, écrire, compter, la formule de François Fillon n'a pas atteint son but : l'évaluation écrite et la pédagogie stricte renforcent la sélection. L'échange oral en a payé le prix, comme la minoration des autres matières.

La pédagogie par l'approche sensible et le temps de la médiation donnent aux enseignants la capacité d'épanouir tous les talents des enfants et d'émanciper les futurs adultes qui se préparent dans le cerveau, le corps et le coeur de leurs élèves. Ce n'est pas compatible avec les sureffectifs dus aux suppressions de postes ni avec votre réforme de la formation. (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.  - La nouvelle formation initiale des enseignants répond aux enjeux de notre école. Cette réforme permettra de la mettre en phase avec la société de la connaissance qui se met en place. En outre, les métiers d'enseignants doivent évoluer pour améliorer l'efficacité du système éducatif. Il faut conforter l'autorité du savoir.

Chaque professeur doit pouvoir mener à bien sa tâche : il faut l'y aider ! Enfin, cette réforme s'inscrit dans le cadre européen.

Recruter des professeurs au niveau mastère, c'est un gage d'excellence académique ; c'est aussi assurer une initiation à la recherche, dont le professeur aura besoin pour se former tout au long de la vie.

Mais des compétences pédagogiques renforcées sont nécessaires. C'est pourquoi, avec la ministre de l'enseignement supérieur, nous avons construit un parcours pédagogique.

M. Bodin a évoqué les étudiants en médecine : quand il est aux urgences, il peut avoir affaire à un externe, qu'il appellera  « docteur »...

Avant la réforme, un tiers du temps de formation était réservé à la pratique en classe. Avec cette réforme, des stages ont lieu dès la licence. Au niveau mastère, 216 heures de stages auront été effectuées. Tous ces stages sont encadrés par des formateurs chevronnés. À l'issue de cette formation, l'étudiant passe un concours : l'écrit atteste de la connaissance et l'oral permet d'évaluer les compétences professionnelles.

Enfin l'année de professeur stagiaire complète la formation pratique. Après la réussite au concours, le professeur stagiaire bénéficie d'un complément de formation, grâce à la présence d'un tuteur et des conseillers pédagogiques. Une formation complémentaire est dispensée pour la gestion des classes. Nous avons revalorisé le début de carrière en augmentant le salaire de 10 %, soit plus 157 euros nets par mois et 259 euros pour les agrégés.

Plus de 15 000 professeurs ont rejoint l'éducation nationale à la rentrée 2010. Ils ont bénéficié, fin août, d'un stage d'accueil au sein de leur académie. Ils ont ensuite été accompagnés par des tuteurs. Chacun a reçu des compléments de formation en fonction de ses besoins individuels. Il en sera de même pour la future rentrée -en plus simple, car l'année de transition est forcément complexe... Chaque académie organisera un stage d'accueil de cinq jours au moins. Nous allons développer la formation à la conduite de classe en septembre.

J'en viens à la mise en oeuvre. M. Legendre nous a appelé à prendre de la hauteur. L'Inspection générale de l'éducation nationale, dans son rapport, indiquait que les premiers éléments de bilan étaient bien éloignés de la catastrophe annoncée. Seuls 1 % des professeurs stagiaires ont été en difficulté et les arrêts maladie et les démissions pas plus nombreux qu'auparavant. S'agissant des étudiants en mastère, un point d'étape nous a été présenté par le président du comité de suivi le 9 avril. Nous devons être attentifs à la charge de travail des étudiants en mastère, mieux préciser les conditions d'évaluation des stages. Nous reconnaissons donc bien ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas marché.

Nous allons recenser les bonnes pratiques et les diffuser.

Les deux ministres travaillent de concert pour mener à bien cette réforme. L'éducation n'est pas une science exacte. L'avenir de notre école passe par l'innovation et donc par l'évaluation. Le président de la République n'a pas dit autre chose le 19 janvier lors de la présentation de ses voeux.

L'année 2010-2011 est la première année d'application du nouveau système. Nous en tirons les leçons. Les universités ont tiré le meilleur profit du savoir-faire des IUFM. Enseigner les fondamentaux dans le primaire relève d'un savoir-faire spécifique. Le parcours peut différer selon le niveau des enseignements. La polyvalence exigée des professeurs des écoles n'est pas toujours compatible avec le parcours universitaire. Instituer des mastères polyvalents ou en alternance est une idée intéressante. Il apparaît nécessaire de compléter la formation des professeurs des écoles, dans le domaine des langues et, parce qu'ils sont pour les trois quarts étudiants en sciences humaines, développer leur bagage scientifique.

La mise en place des mastères polyvalents ou en alternance répond à une visée sociale, en raison de la longueur des études.

Nous réfléchissons aux mastères pluridisciplinaires pour prendre en compte la diversité des enseignements en primaire et aux mastères par alternance.

Le nombre de diplômés en mastère est d'environ 60 % de celui de licenciés.

Les candidats aux concours sont moins nombreux : mais c'est que deux concours ont été organisés à quelques mois d'intervalle, avec une sélection au niveau bac + 5 et non plus bac + 3. Les postes étaient moins nombreux -3 100 au lieu de 7 000 l'année précédente-, les candidats aussi.

Les assistants d'éducation, les contractuels, pourraient progresser grâce aux mastères en alternance.

Que deviendront les antennes des IUFM, propriétés à la charge des universités ? Les recteurs réfléchissent au meilleur usage de ces locaux.

La nouvelle formation des maitres permettra à l'école de la République de conduire chaque enfant à la réussite. La réforme est perfectible ; j'y apporterai une vigilance constante. (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question.  - Nous ne vivons pas dans le même monde. Cette question était un appel à sortir du déni. Vous n'avez peut-être pas d'informations sur le sort de ces « stagiaires impossibles » dont je vous transmettrai le livre noir. Il n'y a pas de replâtrage possible.

Je pensais que vous parleriez du mastère en alternance : le recteur de Versailles l'a déjà évoqué.

Le dispositif n'est pas nouveau ; il est présenté comme la panacée, mais la ficelle est un peu grosse : les formés en alternance vont constituer le vivier des remplaçants précaires ! Et les stagiaires doivent être encadrés par des maîtres formateurs, non des tuteurs. S'ils assurent un mi-temps, ils seront débordés ! En fait, votre formation en alternance est un piège.

Cette réforme constitue la pièce maitresse de votre entreprise de démantèlement du service public de l'éducation : les enseignants sont les seuls à être privés de formation.

Cet échange aurait pu être l'occasion d'explorer les pistes d'une véritable réforme permettant la réussite de tous les enfants : ce n'est pas le cas, et je déplore. (Applaudissements à gauche)

Demande d'avis sur une nomination

M. le président.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, le 15 avril 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de M. Dominique Perben à la présidence de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Cette demande d'avis a été transmise à la commission de l'économie.

La séance est suspendue à 20 heures 40.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 22 h 40.

Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Discussion générale

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Cette proposition de loi marque une avancée significative dans la libéralisation des ventes volontaires aux enchères publiques. Je salue l'initiative de MM. Marini et Gaillard. Il était nécessaire de faire évoluer notre législation qui datait de 2000 pour satisfaire aux obligations imposées par la directive « Services » de 2006.

Le marché français a pris du retard -il est désormais au quatrième rang mondial- et les opérateurs nationaux ne disposent pas des moyens adaptés pour faire face à la concurrence. Cette proposition de loi renforce ainsi la compétitivité du secteur tout en préservant la sécurité juridique pour les consommateurs. L'Assemblée nationale a validé les grandes lignes du texte voté par le Sénat.

Le texte élargit le champ d'application de la réglementation aux biens meubles neufs ainsi qu'aux ventes de marchandises en gros, jusque-là réservées aux courtiers de marchandises assermentés. Il allège les procédures : les ventes volontaires ne seront plus soumises à un régime d'agrément préalable par le Conseil des ventes volontaires (CVV) mais à un régime déclaratif. Les ventes de gré à gré seront désormais autorisées aux opérateurs de ventes volontaires et l'objet social des structures de ventes volontaires ne sera plus limité.

Les opérateurs bénéficieront d'un régime simplifié de la garantie du prix qu'ils peuvent accorder au vendeur ; les conditions de la vente de gré à gré après échec des enchères sont assouplies.

La commission des lois a retenu la pratique innovante introduite par l'Assemblée nationale en permettant à la maison de vente d'acquérir un bien qu'elle a vendu afin de mettre un terme à un litige entre vendeur et adjudicataire.

Les opérateurs mèneront enfin leur activité sous la forme juridique de leur choix ; l'obligation de constituer une société de forme civile et de droit français est supprimée parce qu'interdite par la directive « Services ». L'implantation du siège statutaire ou social de la société sur le territoire de l'Union européenne sera permis.

Le texte garantit par ailleurs la sécurité juridique des transactions ; il faut en effet renforcer la confiance des acteurs et la moralité d'un marché qui a été récemment confronté à des dysfonctionnements : mandat de vente écrit, tenue d'un livre de police dématérialisé, obligations d'information en direction des vendeurs et du public, prohibition de la revente à perte dans le cadre des enchères publiques, encadrement du recours à des prestataires extérieurs.

La proposition de loi consolide le rôle du CVV. Un recueil des obligations déontologiques, que votre commission préfère à juste raison à un code de déontologie, devra être publié. En revanche, concernant les professionnels en exercice, je soumettrai un amendement sur la composition du Conseil des ventes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous verrons !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Enfin, la proposition de loi maintient l'équilibre entre les différents professionnels, opérateurs de ventes volontaires, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés.

Les commissaires-priseurs pourront exercer leur activité en tant que salariés. Élargir la liste des activités complémentaires auxquelles ils sont autorisés à se livrer au sein de leurs sociétés de ventes me semble incompatible avec leur statut d'officier public ministériel ; le maintien des commissaires-priseurs judiciaires a pour corollaire de ne pas les autoriser à exercer des activités commerciales.

La commission a souhaité préciser que les huissiers de justice et les notaires pouvaient réaliser des ventes volontaires à titre accessoire et occasionnel dans le cadre de leur office. Ce second adjectif sera source de difficultés d'appréciation -alors que le premier est parfaitement compris des juristes.

Le statut des courtiers de marchandises assermentés sera rénové.

Je souhaite enfin que l'on revienne au droit actuel, s'agissant de la répartition des compétences entre commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires et courtiers de marchandises assermentés en matière de ventes judiciaires ordonnées dans le cadre d'une liquidation judiciaire.

Cette proposition de loi a connu d'incontestables améliorations. Nous sommes désormais en passe de progresser rapidement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cette proposition de loi est issue d'un texte de MM. Marini et Gaillard, auxquels je rends hommage. Je veux aussi saluer le travail de Mme des Esgaulx en première lecture. Hélas, elle a choisi d'aller exercer ses talents à la commission des finances. J'ai donc repris le flambeau.

La directive du 12 décembre 2006 a remis en cause le statut de ventes volontaires. Les États membres devaient transposer le texte européen avant fin 2009. Le Sénat a adopté ce texte le 28 octobre 2009, mais l'Assemblée nationale ne l'a examiné que le 25 janvier de cette année. Il est donc urgent de le voter.

L'Assemblée nationale a très largement validé les orientations du Sénat.

Le régime de déclaration des activités a été accepté par l'Assemblée nationale, tout comme la possibilité pour les opérateurs de réaliser des ventes de gré à gré ou les modalités de mise en oeuvre de la garantie de prix. L'autre chambre a confié au CVV l'élaboration d'un code de déontologie ; elle lui a reconnu la possibilité de formuler des propositions de modifications législatives et réglementaires ; de demander à la Chambre nationale des huissiers de justice et au Conseil supérieur du notariat de lui communiquer le chiffre d'affaires annuel par ces professionnels dans leur activité accessoire de ventes volontaires -la question n'est donc pas si marginale...

La commission des lois a également validé l'insertion de dispositions reprenant une recommandation du rapport sur Drouot ; je forme le voeu qu'elles contribuent à améliorer la situation de cet établissement, dont la renommée ne doit plus être compromise par des agissements condamnables.

Nous avons souhaité apporter quelques ajustements afin d'équilibrer les conditions d'activité des professionnels ; notre souci permanent a été d'éviter toute stigmatisation d'une catégorie de vendeurs. La qualité du vendeur ne sera mentionnée que dans le cas des artisans ou des commerçants vendant des biens issus de leur production.

J'en viens à l'activité des ventes volontaires des huissiers de justice -officiers ministériels, ne l'oublions pas. Les députés ont renvoyé au règlement la définition des conditions de formation auxquelles ils devront satisfaire, ainsi que les notaires, et supprimé le caractère accessoire de l'activité de vente volontaire des huissiers de justice. En première lecture, nous avions estimé que cette activité ne devait pas dépasser 20 % du chiffre d'affaires annuel de l'office. Les huissiers peuvent réaliser de telles ventes dans le cadre de leur office, sans pour autant créer une société. Or, certains huissiers ont considérablement développé cette activité. Entre 400 et 500 se livrent régulièrement à des ventes volontaires. Il ne s'agit pas de leur interdire cette activité mais de veiller à ce que celle-ci complète le maillage territorial assuré par les sociétés de ventes créées par des commissaires-priseurs judiciaires. Nous avons précisé que les ventes devront être accessoires et occasionnelles.

Afin d'assurer une égalité de traitement entre les opérateurs, le Sénat a permis aux sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires d'exercer des activités diverses pour les besoins des ventes qu'elles sont chargées d'organiser.

Le champ d'activité des courtiers de marchandises assermentés doit se limiter aux ventes de marchandises en gros.

Enfin, la composition du CVV doit s'ouvrir aux professionnels en exercice. Pour assurer le respect de la directive « Services », un opérateur ne pourra siéger lorsqu'il s'agira d'examiner le cas d'un autre professionnel. Pourquoi refuser que les professionnels en exercice siègent ? Imagine-t-on l'absence de tels professionnels au sein, par exemple, de l'Autorité des marchés financiers ? Nous y reviendrons.

La proposition de loi marque une réforme cruciale de ce secteur d'activité. Il faut tout faire pour que la France maintienne son rang sur un marché fortement concurrentiel. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Ce texte a été examiné par notre assemblée en octobre 2009, et en janvier 2011 par l'Assemblée nationale. Nous avons connu plus grande diligence de la part du Gouvernement ! Certes, cette proposition de loi est peu médiatique, aride et concerne peu d'opérateurs, mais elle doit être votée pour nous mettre en conformité avec la directive « Services ».

Il aurait d'ailleurs été plus convenable qu'il s'agisse d'un projet de loi, non d'une proposition de loi. C'est une urgence, tant est inquiétante la situation du marché de l'art en France ; le sursaut de 2009 n'a été dû qu'à la vente Bergé Saint-Laurent. Nous sommes désormais en quatrième position dans les ventes mondiales. L'affaire de Drouot a encore alourdi le climat.

Dans ce contexte, l'Assemblée nationale a voté ce texte en retenant largement les orientations du Sénat. L'exception française tient à la diversité des opérateurs -qu'il est sage d'avoir conservée sans ouvrir trop grand les vannes.

Les huissiers et les notaires ne pourront exercer l'activité de vente volontaire que de façon « occasionnelle », notion plutôt floue ; nous proposerons une formulation plus précise. Il en ira de même pour les ventes de gré à gré de biens non adjugés, sur lesquelles nous proposerons un amendement pour plus de sécurité.

Ce texte aurait pu mieux protéger les intérêts des consommateurs, même si les améliorations sont importantes. Les prestataires de services qui offrent une simple infrastructure électronique de vente devront informer correctement le public sur le service rendu -il ne s'agit pas de réelles enchères. Nous restons dubitatifs sur le recueil des obligations déontologiques. Que changera-t-il concrètement ?

Je regrette enfin qu'à l'occasion de ce texte nous n'ayons pas eu un débat sur la fuite de notre patrimoine historique -un tiers des objets vendus à Londres ou New York en proviennent.

Cette proposition de loi ne nous satisfait pas complètement, d'où notre abstention probable.

M. Jacques Mézard.  - (M. Yvon Collin applaudit) Merci à nos collègues Gaillard et Marini d'avoir suppléé à l'immobilisme du Gouvernement et merci à Mme des Esgaulx, puis à M. Hyest d'avoir rapporté ce texte -trois ans après son dépôt...

La transposition de la directive « Services » est chaotique et l'urgence à géométrie très variable. Nous abordons cette deuxième lecture en gardant à l'esprit la relativité de l'urgence.

Cette proposition de loi doit nous aider à garder notre position sur le marché de l'art, qui se dégrade régulièrement, notamment avec l'ascension fulgurante de la Chine, aujourd'hui premier opérateur mondial, loin devant la France. L'affaire de Drouot a démontré l'urgence de la moralisation du secteur.

L'Assemblée nationale a conservé les grandes lignes de la proposition de loi. Le dispositif de compromis trouvé à l'article 5 nous agrée. Nous approuvons également la position de la commission à l'article 19 : il importait de respecter les orientations de la directive « Services » et de conforter l'autorité du CVV et ses moyens de régulation.

Pour le reste, nous aurions souhaité savoir dans quelle mesure ce texte est susceptible de préserver l'équilibre des ventes volontaires et de concilier les intérêts des différents acteurs. La libéralisation du secteur continue de susciter des appétits... très visibles. L'aridité de ce texte ne saurait masquer le jeu des corporatismes, chaque catégorie défendant son pré carré tout en remettant en cause celui des autres... Il convenait d'arriver à un équilibre entre les divers intervenants.

Les grandes maisons de ventes aux enchères ont tout à gagner de cette libéralisation ; mais nous sommes préoccupés par l'avenir des petites sociétés de ventes volontaires. Nombre d'entre elles risquent de disparaître. Le dispositif de vente de gré à gré risque de pénaliser les petits opérateurs.

L'article 4 ne doit pas favoriser deux catégories dont les ventes aux enchères ne sont pas le coeur de métier, les huissiers et les notaires. Le dispositif voté à l'Assemblée nationale est imprécis ; la notion d'activité « accessoire » n'est pas plus satisfaisante, elle se déduit d'indices dont l'appréciation est variable... Il aurait été préférable de fixer un régime plus strict. La même remarque vaut pour l'ouverture des ventes judiciaires aux courtiers assermentés.

L'équilibre entre les professionnels est une chose, mais la sécurité et la transparence des transactions est primordiale. (M. Yvon Collin applaudit)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les opérateurs des enchères publiques sont confrontés aux vendeurs sur internet. Vous dites vouloir préserver la compétitivité d'une activité importante pour le marché de l'art.

Ce texte est le résultat du lobbying de deux grandes maisons mondiales de vente. Il existe pourtant une réelle exception financière dans le marché de l'art : 15 000 professionnels sont en effet concernés.

Ce texte fragilise l'économie de ces sociétés. Aucune étude d'impact n'a été réalisée et les galeristes et les antiquaires n'ont pas été auditionnés sérieusement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Oh !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - En tout cas, ils n'ont pas été entendus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Si j'avais entendu tout le monde, le texte aurait été supprimé.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - J'aurais été d'accord... Il est proposé d'élargir les ventes de gré à gré : le marché français risque d'être déstabilisé par les deux grandes sociétés de vente. Il est ainsi proposé de passer d'un marché d'agrément à un marché déclaratif. Toutes les dérives seront alors possibles.

Les marchands d'art remplissent un rôle essentiel en matière de culture. Avec la mainmise des grandes maisons de vente sur le marché de l'art, les petits opérateurs n'auront plus qu'à mettre la clé sous la porte. Ce texte ne nous convainc donc pas. Le marché français se tient bien jusqu'à présent. C'est grâce aux marchands que Paris est redevenu la capitale du dessin. Nous ne voterons donc pas ce texte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - J'avais été le rapporteur de cette proposition de loi Marini-Gaillard en première lecture. Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait largement repris les orientations du Sénat. Ce texte permettra d'introduire plus de dynamisme dans ce secteur. Les vendeurs et acheteurs pourront garder toute leur confiance lors des ventes publiques.

Nous avons accepté les ventes de gré à gré, assoupli les procédures, institué une autorité de régulation. L'Assemblée nationale a validé les grandes lignes du statut de courtier en marchandises.

Je salue le travail de la commission des lois, qui permet d'équilibrer les activités des différentes catégories d'opérateurs, notamment à l'article 3. J'approuve également les précisions relatives au Conseil des ventes apportées à l'article 19.

La commission a confié au Conseil l'élaboration du recueil des obligations -pour les ventes aux enchères. Cet aspect déontologique dans le texte s'imposait après l'affaire de Drouot, pour que les vendeurs et les acheteurs gardent leur confiance. Les professionnels en exercice avaient leur place au sein d'un conseil qui agit comme un conseil de l'ordre. A l'article 48, l'égalité de traitement entre opérateurs est bienvenue. À l'article 46, les courtiers assermentés peuvent organiser des ventes aux enchères mais seulement en matière de ventes en gros.

Je proposerai à l'article 4 une rédaction qui me paraît plus facile à appréhender quant à la limitation de l'activité, sachant que les ventes judiciaires ne sont pas concernées.

Il est temps d'approuver un texte dont la navette n'a que trop duré. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 2

L'amendement n°11 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano et Mme Morin-Desailly.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 320-2. - Constituent des ventes aux enchères publiques les ventes qui se forment par un procédé de mise en concurrence ouvert au public et transparent, au terme duquel le bien proposé est adjugé au mieux disant des enchérisseurs. L'adjudicataire acquiert le bien adjugé à son profit, il est tenu d'en payer le prix. Lorsque l'adjudicataire n'est pas identifié, le vendeur peut faire remettre sans délai l'objet en vente, le contrat n'ayant pas été conclu.

M. Yvon Collin.  - Il s'agit de rapprocher la définition de celle en vigueur chez nos voisins.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous voulez éviter que le propriétaire procède lui-même à une vente : il doit faire appel à un tiers ou il est hors la loi. Avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article additionnel

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 320-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 320-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 320-3. - Sont judiciaires les prisées et les ventes de meubles et effets mobiliers corporels aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice. Les commissaires-priseurs judiciaires ont, avec les autres officiers publics et ministériels et les autres personnes légalement habilitées, seuls compétence pour organiser et réaliser les ventes judicaires aux enchères publiques et faire les inventaires et prisées correspondants. »

M. Yvon Collin.  - L'amendement introduit plus de cohérence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - L'amendement a été rejeté en première lecture par le Sénat. Si vous voulez codifier, il faut le faire aussi bien dans le code civil. Défavorable.

L'amendement n°18 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Des Esgaulx.

Alinéa 4

I. - Seconde phrase

Supprimer les mots :

et occasionnel

II. - Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les honoraires résultant de cette activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent excéder 25 % du chiffre d'affaires annuel brut de leur office, hors ventes volontaires, de l'année précédente.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous proposons une référence plus simple à appréhender.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer les mots :

et occasionnel

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je ne partage pas la position de la commission des lois, qui a ajouté « occasionnel » à « accessoire ». L'accessoire est le secondaire par rapport à l'activité principale...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cela peut aller jusqu'à 49 %.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Une seule vente, occasionnelle, peut dépasser le seuil de 25 % ! La notion d'activité accessoire est claire. Le Conseil des ventes volontaires pourra apprécier.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les caractères accessoire et occasionnel s'apprécient au regard de la fréquence des ventes et des honoraires découlant de cette activité qui ne peuvent excéder un pourcentage, fixé par décret en Conseil d'État, du chiffre d'affaires annuel brut de leur office hors ventes volontaires de l'année précédente.

M. Jean-Claude Peyronnet.  - « Accessoire » ou « occasionnel » sont trop flous. Je renvoie à un décret en Conseil d'État. Les arguments du ministre ne m'ont pas convaincu.

Je retire mon amendement au profit de l'amendement n°10.

L'amendement n°3 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous constatons des abus qui n'ont jamais été réprimés. Que les officiers ministériels, notaires et huissiers, se concentrent sur leur activité principale. Nous ne visons pas les ventes judiciaires. Je n'accepte pas que ces professions qualifient nos arguments de « fallacieux » ; un représentant des huissiers m'a même insulté.

Il n'y a pas de contrôle : le mieux est de fixer un seuil de 25 %. Ainsi nous n'aurons pas à refuser l'amendement du Gouvernement... (Sourires)

L'amendement n°10 est adopté.

L'amendement n°26 devient sans objet.

L'article 4, modifié, est adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

L'amendement n°25 rectifié bis n'est pas défendu.

L'article 6 est adopté, de même que les articles 7, 8, 9 et 10.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer les mots :

Sauf stipulation contraire convenue par avenant au mandat postérieurement à cette vente,

M. Jean-Claude Peyronnet.  - L'article 11 de la proposition de loi assouplit déjà considérablement les conditions de vente de gré à gré d'un bien non adjugé après la vente aux enchères. Le Sénat n'avait pas retenu la proposition d'after sale de M. Gaillard. Or, l'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin encore en prévoyant que par avenant au mandat, le vendeur puisse, après la vente aux enchères, procéder à la vente de gré à gré du bien à un prix inférieur à la dernière enchère.

Il convient de faire preuve d'une certaine prudence en maintenant un équilibre loyal dans les relations entre le vendeur et le commissaire-priseur. C'est à la loi, non au contrat, de fixer cette procédure. Le présent amendement propose ainsi de revenir au texte adopté par le Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Après l'enchère, la vente de gré à gré est acceptable. Défavorable.

L'amendement n°4, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté, ainsi que l'article 12.

Article 12 bis

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

à tout vendeur se livrant à titre habituel à la revente de biens neufs en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, par le procédé des enchères publiques, dans les conditions prévues à cet article

M. Jean-Claude Peyronnet.  - L'interdiction de la revente à perte est justifiée par l'ouverture des ventes volontaires aux biens neufs. Le renvoi aux dispositions de l'article L. 442-2 du code de commerce doit être accompagné des exceptions prévues à l'article L. 442-4 du même code. Cette extension a été introduite en première lecture par l'Assemblée nationale. Cette règle doit s'appliquer aux vendeurs à titre habituel et aux biens neufs.

C'est pourquoi il est proposé de réintroduire les précisions qu'avait apportées le Sénat en première lecture, par souci de clarté.

L'amendement n°13 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°19 rectifié bis, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano et Mme Morin-Desailly.

M. Yvon Collin.  - Il est défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Favorable, la précision est utile.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s5 et 19 rectifié bis sont adoptés.

L'article 12 bis, modifié, est adopté, ainsi que les articles 13, 16, 18, 19 et 21.

Article 22

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

exerçant ou ayant cessé d'exercer depuis moins de cinq ans

par les mots :

ayant, à la date de leur nomination, cessé d'exercer cette activité depuis trois ans au minimum et cinq ans au maximum,

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Le Sénat avait exclu les professionnels en activité du Conseil. Le Gouvernement maintient son interprétation de première lecture. La commission considère le Conseil des ventes comme un organisme professionnel. Ce n'est pas le cas.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Supprimer les mots :

exerçant ou

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'article 14 de la directive prohibe l'intervention d'opérateurs concurrents dans toute décision relative à des conflits individuels. Il s'agit d'éviter des décisions qui viseraient à empêcher l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché.

Dans ces conditions, la présence au sein du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques de professionnels en exercice méconnaît cette prohibition.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les fonctionnaires et magistrats sont impartiaux. Le déport suffit. Les professionnels doivent être entendus : ce serait une bizarrerie qu'eux seuls soient exclus d'une semblable instance. Avis défavorable aux deux amendements. L'hésitation de l'Assemblée nationale m'a paru intéressante. Il est plus naturel que les professionnels participent, à titre minoritaire, à ce conseil qui n'est pas un ordre professionnel, certes, mais qui fixe certaines règles. Avec les articles 22 et 23 nous proposons une situation équilibrée.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le Gouvernement préfère sa rédaction à celle de M. Peyronnet. Je comprends ce que dit M. Hyest, mais le déport pose des problèmes de fonctionnement parce que le conseil aura toujours à connaître de situations individuelles. À chaque fois celui-ci jouera ! Et l'exclusion des professionnels existe pour les ventes de voyages, les agents artistiques...

L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27.

L'article 22 est adopté.

Article 23

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

M. Jean-Claude Peyronnet.  - L'article L. 321-22 du code de commerce dispose que la prescription de l'action disciplinaire est de trois ans à compter du manquement.

L'Assemblée nationale a reporté, s'il y a lieu, le point de départ du délai de prescription à l'issue de l'action pénale, mais réduit alors le délai de trois à deux ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il s'agit de l'articulation entre sanctions pénale et disciplinaire. Le texte me paraissait équilibré mais la commission a donné un avis de sagesse.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La sanction disciplinaire doit intervenir le plus rapidement possible : avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Les amendements n°s8 et 28 deviennent sans objet.

L'article 23 est adopté.

Les articles 23 bis, 26 et 29 sont successivement adoptés.

L'article 31 demeure supprimé.

L'article 34 bis est adopté, ainsi que les articles 35 et 36.

Article 36 bis

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La priorité donnée dans les ventes judiciaires aux commissaires-priseurs aux dépens des courtiers de marchandises est contraire au statut de ces professions et l'article restreint la liberté du juge.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je préfère l'amendement n°9 de Mme Des Esgaulx...

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Des Esgaulx.

Alinéa 2

I. - Première phrase

Remplacer les mots :

judiciaires et, accessoirement, par le ministère

par le mot :

judiciaires,

et supprimer les mots :

dans leur spécialité

II. - Seconde phrase

Remplacer les mots :

judiciaires et, accessoirement, par le ministère

par le mot :

judiciaires,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cet amendement tend à supprimer la limitation à un caractère accessoire de l'activité de ventes judiciaires des notaires et des huissiers de justice. Aux termes de leur statut, les notaires et les huissiers de justice ne peuvent exercer cette activité, qui n'est pas un commerce, que « dans les lieux où il n'est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires ».

Dès lors, il s'agit bien pour eux d'apporter, dans certaines zones géographiques, un service que les commissaires-priseurs judiciaires ne peuvent apporter. Il n'y a donc pas lieu de préciser dans la loi une limite.

L'amendement supprime en outre la limitation des ventes judiciaires en gros par les courtiers de marchandises assermentés dans leur spécialité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il est indispensable de rétablir la cohérence du texte, tout en répondant aux souhaits du Gouvernement. Favorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je suis moins enthousiaste, mais sagesse !

L'amendement n°9 est adopté.

L'article 36 bis, modifié, est adopté.

Article 41

L'amendement n°14 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano.

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa :

XIV bis - À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 622-6-1 du même code, les mots : « d'un officier public » sont remplacés par les mots : « d'un commissaire-priseur judiciaire, d'un huissier de justice ou d'un notaire ».

M. Yvon Collin.  - Amendement rédactionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - En apparence seulement. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

L'article 41 est adopté.

Article 42

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elles peuvent se livrer à des activités de transport de meubles, de presse, d'édition, et de diffusion de catalogues pour les besoins des ventes volontaires qu'elles sont chargées d'organiser.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les commissaires-priseurs judiciaires ont la qualité d'officier public et ministériel. Ils n'ont pas le droit de se livrer au commerce. Nous ne pouvons prendre le risque de les laisser basculer dans des activités principalement commerciales. Cela fragiliserait tous les officiers ministériels au regard de la directive, telle qu'interprétée par la Cour de justice. Je préfère la liste limitative que vous aviez adoptée en première lecture, suivis par l'Assemblée nationale !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Certes. Mais l'activité accessoire est acceptable, complémentaire des ventes qu'organisent les commissaires-priseurs. Cette petite ouverture nous paraissait raisonnable.

Nous sommes devant un enchevêtrement de prés carrés...

Défavorable à l'amendement n°30.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On fait deux poids et deux mesures car vous n'avez pas les mêmes exigences à l'égard des huissiers. La formulation retenue consacre une évolution bienvenue sauf à nier la réalité de l'exercice de l'activité.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

L'amendement n°24 rectifié bis n'est pas défendu.

L'article 42 est adopté.

Article 45

L'amendement n°15 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement identique n°21 rectifié, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano.

Alinéa 42

Remplacer les mots :

ou un courtier de marchandises assermenté exerçant dans son ressort une autre spécialité professionnelle

par les mots :

ou un commissaire-priseur judiciaire ou un autre officier public vendeur de meubles du ressort du tribunal concerné

M. Yvon Collin.  - Nous proposons une solution souple et simple.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les courtiers assermentés sont qualifiés et il n'est pas souhaitable de revenir sur la disposition. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis !

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.

Les amendements n°s1 et 2 ne sont pas défendus.

L'article 45 est adopté, ainsi que l'article 46.

Article 47

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié bis, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano et Mme Morin-Desailly.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle et

par les mots :

du département

M. Yvon Collin.  - Il n'existe pas de commissaires-priseurs judiciaires dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle pour des raisons historiques. Il faut y remédier.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Dans ces départements, les ventes judiciaires sont réalisées par les huissiers et notaires, qui n'ont pas le même statut que dans la France de l'intérieur : leurs charges ne sont pas vénales, il n'y a pas de droit de présentation. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°23 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°16 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Plancade, Collin, Bockel et Tropeano.

Alinéa 4

Après le mot :

procéder

insérer les mots :

à titre accessoire et occasionnel

M. Yvon Collin.  - L'activité des huissiers et des notaires en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doit rester, au sein de leur office, accessoire et occasionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous avons voulu trouver un équilibre pour les ventes volontaires mais il n'y a pas de raison d'y revenir s'agissant des ventes judiciaires. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Très défavorable ! Cette proposition est contraire au statut des deux professions.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

L'article 47 est adopté, ainsi que les articles 47 bis, 47 ter, 49, 50, 51 et 52.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 27 avril 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 27 avril 2011

Séance publique

DE 14 HEURES 30 À 18 HEURES 30

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016 (n° 363, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Dufaut, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 439, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 440, 2010-2011).

2. Proposition de loi relative à la protection de l'identité (n° 682, 2009-2010).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 432, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 433, 2010-2011).

À 18 HEURES 30 ET LE SOIR

3. Déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité européen, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration.